17.06.2013 Views

La dérivation

La dérivation

La dérivation

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Chapitre 3<br />

I. <strong>La</strong> <strong>dérivation</strong> affixale.<br />

A. Les affixes.<br />

1. Affixes et désinences.<br />

<strong>La</strong> <strong>dérivation</strong><br />

Les affixes et les désinences sont des morphèmes liés.<br />

Les désinences sont des marques de la flexion (conjugaison, déclinaison, variation en nombre<br />

et genre).<br />

Ex.: faisions (fais = radical, i = désinence temporelle, ons = désinence personnelle). Les dési-<br />

nences s’organisent en paradigmes clos; elles servent à adapter un mot à la syntaxe de la<br />

phrase et à la référence (fonction, temps, personne, nombre, genre).<br />

Les affixes sont des préfixes et des suffixes.<br />

Leur liste et leur sens sont plus difficiles à établir, et leur emploi laisse une place arbitraire<br />

dans l’usage.<br />

Ils servent à former des mots différents.<br />

Obs.<br />

1. Une autre classification distingue:<br />

- des affixes flexionnels (les désinences)<br />

- des affixes <strong>dérivation</strong>nels.<br />

Les marques de genre et de nombre peuvent être considérées comme une troisième sorte de<br />

morphèmes liés plutôt que comptées au nombre des désinences.<br />

2. A. Martinet fait la distinction entre:<br />

- les mots construits (synthèmes), ou groupement de monèmes conjoints correspondant à un<br />

choix unique;<br />

- les mots fléchis (syntagmes), où chaque élément fit l’objet d’un choix séparé.<br />

3. Les désinences se placent après les affixes.<br />

Ex.:<br />

tapoter (tap- = radical, -ot- = suffixe, -er = désinence)<br />

chatons (chat- = radical, -on = suffixe, -s = désinence).<br />

4. Dans certaines langues, il y a une troisième catégorie d’affixes, appelés infixes. Ils<br />

s’insèrent à l’intérieur du radical.<br />

1


En français, il n’y a pas d’infixes. Toutefois, certains auteurs utilisent ce terme pour désigner<br />

un élément comme -is- dans fertiliser, parce qu’il n’est jamais en fin de mot (à la différence<br />

de -ot- dans tapoter, par exemple, qu’on trouve aussi dans palôt. Mais, il s’agit d’un suffixe<br />

placé après le radical. Comme ce suffixe forme des verbes à partir des adjectifs, il est néces-<br />

sairement suivi d’une désinence verbale. C’est pourquoi, on peut parler des suffixes -iser,<br />

-oter, etc.<br />

5. L’opposition entre affixes (suffixes) et désinences est moins nette avec certaines terminai-<br />

sons:<br />

- dans les séries comme éléphant, éléphant-e, éléphant-eau, chat, chat-t-e, chat-on, le féminin<br />

marqué par -e est considéré comme désinence, tandis que -eau et -on qui sert à la formation<br />

du nom qui désigne le petit sont considérés comme suffixe.<br />

- la terminaison -é des adjectifs est considérée comme une désinence de participe passé (si<br />

l’adjectif est en relation avec le verbe; ex. doré, fatigué) ou un suffixe (si l’adjectif est en re-<br />

lation avec un nom, comme dans accidenté, zélé). <strong>La</strong> même chose pour -u dans résolu ou dans<br />

pointu, barbu. Lorsque le verbe est lui-même dérivé d’un nom, comme dans le cas de choco-<br />

later, il paraît indifférent de dériver l’adjectif (chocolaté) du verbe et du nom (le résultat for-<br />

mel et sémantique est le même).<br />

- les adjectifs verbaux en -ant (amusant, brillant) sont considérés comme des conversions de<br />

participes présents. On peut se demander si c’est aussi le cas des noms (dirigeant, fabricant,<br />

habitant) ou s’il faut voir ici un suffixe -ant formateur de noms d’agent.<br />

- la désinence d’infinitif est traitée comme un suffixe par certains auteurs, quand elle permet<br />

de dériver un verbe d’un nom ou d’un adjectif (ex. fouine > fouiner, jaune > jaunir). «Les dé-<br />

sinences verbales jouent le rôle de verbalisateurs» (J. Dubois et F. Dubois-Charlier, <strong>La</strong> déri-<br />

vation suffixale en français, chapitre 8).<br />

6. Plusieurs suffixes n’ont pas d’autre rôle que de marquer une classe syntaxique.<br />

Ex.<br />

-age (il produit le nom du procès à partir d’un verbe)<br />

-tion (id.)<br />

-(i)té (il produit le nom d’une qualité à partir d’un adjectif qualificatif)<br />

-eur (id.).<br />

Ainsi, assembler et assemblage ont le même contenu sémantique exprimé sous deux classes<br />

syntaxiques.<br />

Ces suffixes qui marquent seulement la classe syntaxique se distinguent de ceux qui apportent<br />

une signification lexicale supplémentaire (comme -oir(e), qui produit des noms de lieu ou<br />

2


d’instrument sur des bases verbales), et de ceux qui ne transforment pas la classe syntaxique<br />

comme les diminutifs, péjoratifs, collectifs, formateurs de noms de métier, de contenant, de<br />

doctrine.<br />

2. Sens des affixes.<br />

Les affixes, comme les mots, sont identifiés par une forme, un emploi et un sens.<br />

Synonymie<br />

Il est ici question des affixes qui ont des formes différentes et s’appliquent aux mêmes classes<br />

de base avec le même sens.<br />

Ex. À propos d’une plaine où il y a du vent, on dit qu’elle est ventée ou venteuse. Dans ce cas,<br />

les deux affixes sont substituables et les dérivés sont synonymes.<br />

Obs.<br />

1. Dans la plupart du temps, dans l’usage, les affixes concurrents ne sont pas substituables.<br />

Ex.<br />

On dit réparation et lavage, mais jamais *lavation et *réparage.<br />

On dit enrichir et alourdir, mais jamais *arichir et *enlourdir.<br />

2. On ne peut pas préciser dans quelle proportion la distribution des affixes est aléatoire ou<br />

commandée par des contraintes phonétiques, morphologiques ou sémantiques.<br />

3. Il arrive souvent que deux mots construits sur une même base avec deux affixes concur-<br />

rents se spécialisent arbitrairement.<br />

Ex.<br />

blanchissage (du linge) et blanchement (de l’argent sale)<br />

tendresse (d’une personne) et tendreté (de la viande)<br />

Les dérivés ne sont donc pas des synonymes.<br />

Homonymie<br />

Les affixes homonymes ont la même forme et produisent des dérivés de sens très différent.<br />

Souvent, ils s’attachent à des bases de catégorie grammaticale différente.<br />

Ex.<br />

-eur 1 produit des noms de qualités sur adjectif (grandeur)<br />

3


- eur 2 produit des noms d’agent sur verbe (coureur);<br />

age 1 produit des noms d’action sur verbe (dérapage);<br />

age 2 produit des noms de sens collectif sur nom (feuillage).<br />

Obs.<br />

1. Lorsqu’ils s’attachent à des bases qui ont la même classe grammaticale, seulement le sens<br />

les différencient.<br />

Ex.<br />

de- 1 a un sens privatif. Ex. débaptiser, défaire, désobéir.<br />

de- 2 a un sens intensif. Ex. délaisser, démontrer.<br />

2. Exemples de dérivés homonymes:<br />

plumage 1 “action de plumer”<br />

plumage 2 “ensemble de plumes”<br />

déposer 1 (la moquette, les rideaux) “enlever (ce qui a été déposé)”<br />

déposer 2 (un paquet quelque part) “poser et laisser”<br />

desservir 1 (la table ou qqn) “enlever les plats servis” ou “ne pas servir”<br />

desservir 2 (un lieu, sujet moyen de transport) “servir”.<br />

Polysémie<br />

Le sémantisme de certains affixes se diversifie selon les bases ou selon les référents.<br />

Ex. 1<br />

-ette 1 produit des noms diminutifs sur noms féminins et sur certains noms masculins (mai-<br />

sonnette, camionette)<br />

-ette 2 produit des noms de petits instruments sur verbe (sonnette, calculette).<br />

Ex. 2<br />

-oir 1 forme des noms de lieu sur verbe. Ex. fumoir, dortoir.<br />

-oir(e) 2 forme des noms d’instrument sur verbe comme mouchoir, arrosoir, bouilloire.<br />

4


Obs.<br />

1. L’identité de forme n’est pas totale parce que seulement -oir 2 a le féminin, essentiellement<br />

pour les instruments appartenant à la sphère domestique. (v. M. Roché, «Le masculin est-il<br />

plus productif que le féminin?», <strong>La</strong>ngue française 96, 1992).<br />

2. C’est le sens du verbe qui détermine le sens du dérivé, selon les considérations pragma-<br />

tiques.<br />

Ex.<br />

mouchoir < se moucher. On n’a pas l’habitude de se moucher dans un lieu spécial, mais avec<br />

un instrument spécial, donc le dérivé sera le nom d’un instrument.<br />

fumoir < fumer. Les deux sens pourraient être possibles dans ce sens (“pièce destinée aux<br />

fumeurs” et “fume-cigarette”.<br />

isoloir < isoler. Le dérivé est à la fois un nom de lieu (”enceinte, lieu dans lequel on s’isole”)<br />

et un dispositif.<br />

3. Il y a une relation entre le sens collectif et le sens locatif du suffixe -erie dans le cas des<br />

noms de lieux (désignés par les dérivés) où abritent des collectivités d’individus.<br />

Ex.<br />

gendarmerie 1 sens collectif (la gendarmerie est intervenue)<br />

gendarmerie 2 sens locatif (la poste est à côté de la gendarmerie).<br />

4. Le suffixe -ier forme des noms à base nominale correspondant à plusieurs types d’objets<br />

entre lesquels existe un rapport métonymique (arbre / fruit, produit, contenant / contenu, etc.).<br />

Ex.<br />

arbre (pommier)<br />

métiers (chapelier)<br />

contenant (beurrier)<br />

instrument (gaufrier).<br />

Obs.<br />

1. Selon D. et P. Corbin, ce suffixe forme d’abord des adjectifs à base nominale (lait ><br />

laitier), qui, substantivés, nomment des objets (animés ou non animés) d’après une propriété<br />

qui les caractérise (laitier “résidu solide constitué d’oxydes, qui se forme à la surface des<br />

métaux en fusion dans les hauts fourneaux et qui est utilisé dans divers secteurs d’activité<br />

(cimenterie, bétons hydrauliques, chemin de fer notamment” (TLF)).<br />

2. Les choix référentiels faits par l’usage paraissent arbitraires.<br />

Ex.<br />

légumier 1 “plat à légumes” (France)<br />

5


légumier 2 “marchand de légumes” (Belgique)<br />

fraisier 1 “plante produisant des fraises”<br />

fraisier 2 “gâteau avec des fraises”.<br />

3. Cumul d’affixes.<br />

Plusieurs affixes dans un dérivé signalent plusieurs <strong>dérivation</strong>s. Les suffixes se placent selon<br />

l’ordre des opérations <strong>dérivation</strong>nelles.<br />

Ex.<br />

redéploiement: déployer > redéployer > redéploiement<br />

régionalisation > région > régional > régionaliser > régionalisation.<br />

Obs.<br />

1. Cette ordre est systémique et non diachronique.<br />

2. Lorsqu’il y a à la fois préfixe et suffixe, on peut parfois arriver au même résultat par plu-<br />

sieurs chemins.<br />

Ainsi, les dictionnaires qui accordent une attention particulière à l’usage et à l’ordre chrono-<br />

logique, donnent surendettement comme dérivé de endettement, ou redéploiement de dé-<br />

ploiement (plutôt que de redéployer), parce que c’est le nom qui est usuel ou parce qu’il a<br />

précédé le verbe (surendetter, redéployer) dans l’usage.<br />

3. Certaines suites de suffixes paraissent particulièrement fréquentes.<br />

Ex.<br />

- -ion + -el / -al, -aire, -isme, -iste: national, expéditionnaire, abolitionniste<br />

- -eur, forme liée -or- + -al: éditorial<br />

- aire, -forme liée de -ar- + -isme / -iste: parlamentarisme, parlamentariste<br />

- -eux, forme liée -s- + -ité: dangereusité<br />

- -able / -ible, forme liée -abil / -ibil + -ité: visibilité; + is(er): crédibiliser<br />

- -is-(er) + -ation: fidélisation<br />

- -ibil- + -is- + -ation: flexibilisation<br />

- -or + -al- + -iste: éditorialiste.<br />

4. <strong>La</strong> coalescence d’affixes se produit quand deux affixes se soudent pour former un nouvel<br />

affixe.<br />

6


Ex.<br />

- -er (la forme liée de -ier) + -aie > -eraie: aspergeraie<br />

- -ar (la forme liée de -aire) + -at > -ariat: vedettariat “vedettariat’’(cf. D. Apothéloz, <strong>La</strong><br />

construction du lexique français, 59-63).<br />

B. Les radicaux<br />

1. Radical et base lexicale<br />

Le radical d’un mot dérivé est le segment restant sans affixes et éventuellement les dési-<br />

nences.<br />

Ex.<br />

touss-ot-er<br />

récep-tion<br />

actionn-ari-at.<br />

Acceptions du mot base.<br />

1. <strong>La</strong> base est le mot d’où vient le dérivé. Elle peut être:<br />

- simple. Ex. tousser, base de toussoter, recevoir, base de réception.<br />

- construit: actionnaire, base de actionnariat.<br />

<strong>La</strong> base peut être:<br />

- verbale (le premier cas)<br />

- nominale (le deuxième cas).<br />

2. En morphologie flexionnelle, la base est le segment auquel s’attachent les désinences. Ce<br />

peut être le radical nu (chant-ions) ou augmenté d’affixe(s) (chantonn-ions).<br />

Obs.<br />

décoiffer (ancien) 1 “enlever la coiffe, c.-à.-d. le couvre-chef”. Le radical -coiff- correspond<br />

au nom coiffe.<br />

décoiffer 2 (moderne) “défaire la coiffure des cheveux, défaire ce qu’à fait l’action de coif-<br />

fer”. Le radical correspond au verbe coiffer.<br />

7


démoraliser 1 (ancien) “rendre immoral, corrompre”. Ce sens est bien attesté au XIXe siècle,<br />

dans des énoncés tels que Les romans démoralisent les femmes. <strong>La</strong> base est l’adjectif moral.<br />

démoraliser 2 (moderne) “enlever le moral”. <strong>La</strong> base est le nom moral (substantivation de<br />

l’adjectif).<br />

2. Ce type d’homonymie doit être distingué de celui qui résulte d’une homonymie entre af-<br />

fixes à partir d’une même base. (V. D. Corbin, «Homonymie structurelle et définition des<br />

mots construits. Vers un dictionnaire <strong>dérivation</strong>nel», dans C. Chaurand, F. Mazière, éds., <strong>La</strong><br />

définition, <strong>La</strong>rousse, 1990).<br />

Ex. plumage 1 et 2; déposer 1 et 2; desservir 1 et 2 dans Homonymie.<br />

3. Un mot peut avoir plusieurs emplois et jouer ainsi le rôle de base. À chaque emploi corres-<br />

pond un autre dérivé.<br />

Ex. décliner<br />

dans le jour décline → le déclin (du jour)<br />

décliner un nom en latin > une déclinaison<br />

pneu<br />

les pneus adhèrent à la route > adhérence<br />

adhérer à un parti politique > adhésion.<br />

2. Radicaux liés: allomorphie et supplétisme.<br />

Radicaux allomorphes<br />

Le radical allomorphe est une variante formelle du mot d’où vient le dérivé.<br />

Ex.: dans pénal, pén- = peine<br />

dans sinuosité, sinuo- = sinueux<br />

dans réception, récept- = recevoir<br />

Obs.<br />

1. Les variations peuvent être:<br />

a) régulières<br />

Ex.:<br />

le e ouvert en syllabe fermée (peine) se ferme en syllabe ouverte (pé-nal)<br />

tous les adjectifs en -eux donnent des noms en -os-ité<br />

v devient p devant -tion<br />

8


) singulières et non prévisibles.<br />

Ex. éteindre > extinc(tion)<br />

croire > créd- (ible).<br />

2. <strong>La</strong> reconnaissance de la relation <strong>dérivation</strong>nelle est d’autant plus problématique que la va-<br />

riation formelle est importante.<br />

Ex. Il est difficile de reconnaître dans le mot alacrité “état de vigueur et de vitalité corporelle,<br />

souvent mêlé de bonne humeur et d'entrain” le radical allègre “dispos, plein de vitalité<br />

(malgré l'âge, les difficultés, les circonstances...)”.<br />

3. Du point de vue diachronique, les radicaux allomorphes sont les plus souvent des formes<br />

savantes du mot correspondant, c.-à-d. qu’ils ont la forme de son étymon latin.<br />

Radicaux supplétifs<br />

Ce sont les radicaux qui ont une forme totalement différente de celle du mot avec lequel le<br />

dérivé est en relation sémantique.<br />

Ex.<br />

céc-ité “le fait d”être aveugle”<br />

lud-ique “qui a trait au jeu”<br />

gastr-ique “qui concerne l’estomac”<br />

carcér-al “qui concerne le prison”.<br />

Obs.<br />

1. Les radicaux supplétifs remplacent le mot usuel de même sens indisponible pour des rai-<br />

sons variées.<br />

Ex.:<br />

céc-ité (parce que aveugle, aveuglement sont spécialisés dans le sens figuré)<br />

lud-ique (parce qu’il est difficile de former un adjectif sur jeu, pour des raisons phonétiques)<br />

gastr-ique (parce que le dérivé stomach-ique a le sens restreint de “qui facilite la digestion<br />

dans l’estomac”)<br />

in-carcér-er (parce que emprisonner a des sens métaphoriques, incarcérer étant le terme offi-<br />

ciel).<br />

2. Du point de vue diachronique, l’étymon des radicaux supplétifs sont différents de ceux des<br />

mots simples correspondants, ce qui explique les différences formelles.<br />

Ex.<br />

9


cf.<br />

cécité < lat. caecitas < caecus “aveugle”<br />

aveugle < lat. ab oculis < oculus “œil”<br />

cf.<br />

jeu < jocus “plaisanterie”<br />

ludique < ludus “jeu”<br />

cf.<br />

estomac < lat. stomachus < gr. stomachos “orifice”, “gorge”


Obs.<br />

1. <strong>La</strong> morphologie historique fait la segmentation selon un critère étymologique.<br />

Ex.<br />

(1) solid-i-fi-er. -i- est rattaché au radical car les verbes en -fier < lat. -ficare (variante de fa-<br />

cere);<br />

(2)<br />

lat. admir-a-t-io<br />

lat. admir-a-t-or<br />

a = voyelle thématique (appartient à l’infinitif admirare)<br />

t = appartient au supin.<br />

Le radical allongé (par rapport à la forme minimale) est appelé thème.<br />

2. En synchronie, la voyelle thématique apparaît dans la flexion verbale.<br />

Ex.<br />

tu aim-a-s (1 re groupe)<br />

tu perd-i-s (3 e groupe)<br />

tu voul-u-s (3 e groupe).<br />

Ces voyelles se retrouvent dans des terminaisons suffixales: -ation, -ition, -ution, -able, -ible,<br />

-uble.<br />

Le segment -t- est récurrent devant -ion, -eur, -if, d’où la segmentation admir-a-t-ion, perd-i-<br />

t-ion.<br />

3. Le critère distributionnel de la commutation conduit plutôt à rattacher les segments inter-<br />

médiaires aux suffixes.<br />

Ex.<br />

mystèr(e) + -ieux<br />

solid(e) + ifi(er)/+ ité<br />

admir+er/ble/ation<br />

nuis+ez/ance/ible.<br />

On aurait donc des suffixes allomorphes comme:<br />

-ion ex.: exécut-ion, persécut-ion (< vb. du 1 er groupe en -ter)<br />

11


-tion ex. expédi-tion, distribu-tion, fini-tion (< vb. du 1 er groupe en -ier, -uer, vb. du 2 e<br />

groupe);<br />

-ation ex. admir-ation, prolifér-ation (< vb. du 1 er groupe en -ier, -uer, vb. du 2 e groupe);<br />

-ation ex. admir-ation, prolifér-ation (< vb. du 1 er groupe)<br />

-ition ex. appar-ition, perd-ition, répét-ition (< vb. du 3 e groupe, mais aussi certains vb. du 1 er<br />

groupe)<br />

-ution ex. par-ution.<br />

4. C. Gruaz propose quatre types de joncteurs: -i-, -u-, -at-, it-. Ce dernier joncteur se retrouve<br />

dans des mots comme facil-it-er ou fidél-it-é, et sous la forme -is- dans fidél-is-er (v. <strong>La</strong> déri-<br />

vation suffixale en français contemporain, Chapitre IX).<br />

5. Il faut faire la distinction entre ces joncteurs, les consonnes de liaison à fonction eupho-<br />

nique (chapeau-t-er, enjoli-v-er) et les interfixes à fonction phonologique prosodique (tart-el-<br />

ette, napp(e)-er-on, briqu(e)-et-ier (selon M. Plénat, M. Roché, «Entre morphologie et pho-<br />

nologie: la suffixation décalée», Lexique 16, 2004).<br />

Conclusion<br />

Ces exemples montrent la difficulté d’une description complète et juste de la morphologie du<br />

français, sans mêler étymologie et fonctionnement synchronique, flexion et suffixation, ni<br />

importer plus que nécessaire en français les catégories morphologiques des langues anciennes.<br />

II. <strong>La</strong> <strong>dérivation</strong> non affixale<br />

<strong>La</strong> <strong>dérivation</strong> non affixale (<strong>dérivation</strong> impropre, conversion, recatégorisation ou transcatégori-<br />

sation) consiste à dériver un mot d’un autre mot sans affixation, par changement de classe<br />

syntaxique.<br />

Obs.<br />

Cette notion est problématique:<br />

- pour certains linguistes, elle relève de la diachronie et non de la synchronie<br />

- c’est un fait de syntaxe plus que de morphologie, puisque la forme du mot n’est pas affectée.<br />

A. Diachronie et synchronie<br />

Il est parfois difficile d’orienter la relation entre une base et son dérivé impropre en synchro-<br />

nie, du fait de l’absence d’affixe pour signaler le dérivé. Certains auteurs considèrent donc<br />

que la notion de <strong>dérivation</strong> est ici purement historique. <strong>La</strong> classe syntaxique primitive est celle<br />

12


de l’étymon et, si les attestations connues des deux emplois ne sont pas de même époque,<br />

celle dont la datation est antérieure.<br />

En synchronie, la relation peut cependant être orientée par un critère morphologique, syn-<br />

taxique ou sémantique:<br />

1. le mot comporte une marque morphologique de son appartenance catégorielle première.<br />

Ex.<br />

portable a un affixe d’adjectif<br />

déjeuner a une désinence d’infinitif<br />

2. Certaines nominalisations d’adjectif s’interprètent par ellipse.<br />

Ex. un (ordinateur) portable<br />

un (téléphone) mobile<br />

un (fleuve) rapide<br />

3. Dans les paires Nom / Verbe, un nom abstrait signifiant un procès dérive du verbe (nager ><br />

nage); si le nom est concret, il est au contraire la base du verbe: drogue > droguer, beurre ><br />

beurrer. On utilisera le verbe nager pour définir le mot nage (le fait ou la manière de nager),<br />

et inversement, le nom drogue (concret) pour définir le verbe droguer (donner de la drogue).<br />

1. L’exemple des adjectifs de couleur dérivés de nom<br />

<strong>La</strong>t. malva, rosa, viola (noms de fleurs) > mauve, rose, violette adj. > mauve, rose, violette<br />

(noms de couleurs).<br />

Obs.<br />

1. L’emploi de mauve comme adj. est tardif (XIX e siècle).<br />

2. Fauve est en latin un adjectif de couleur (bas latin falvus, d’origine germanique, signifiant<br />

“jaune roux”. Son emploi comme nom est donc dérivé. Cet emploi s’accompagne à l’époque<br />

moderne d’une restriction de sens: une fauve est aujourd’hui un grand félin, alors que<br />

l’expression bêtes fauves a pu s’appliquer à tous les animaux à pelage fauve, y compris les<br />

cerfs et les lièvres.<br />

3. En synchronie, rien ne permet a priori d’orienter la relation dans ces paires Nom / Adjectif:<br />

- du point de vue morphosyntaxique, noms et adjectifs sont des catégories proches, qui<br />

s’opposent ensemble à celle du verbe et entre lesquelles les échanges sont constants, dans les<br />

deux sens.<br />

- du point de vue sémantique, il y a, entre adjectifs de couleur et noms d’objets de cette cou-<br />

leur, une relation de type métonymique réversible.<br />

13


Ainsi, on peut aussi bien appeler une couleur du nom d’un objet typiquement de cette couleur<br />

(rose), qu’appeler un objet du nom de sa couleur, si elle est un de ses traits typiques (fauve).<br />

L’étymologie populaire peut parfaitement inverser le sens de la relation. Le nom de la vio-<br />

lette, par exemple, sera perçu comme la substantivation de l’adjectif. <strong>La</strong> fleur s’appellerait<br />

ainsi à cause de sa couleur, tout comme la fauvette. Dans l’autre sens, fauve adj. signifierait<br />

“de la couleur des fauves”. <strong>La</strong> description synchronique pourrait donc renvoyer l’adjectif et le<br />

nom l’un à l’autre dans une relation réciproque et non orientée.<br />

4. Trois arguments militent en faveur de la notion d’adjectif de couleur dérivé de nom en syn-<br />

chronie:<br />

- il s’agit d’un processus productif et disponible;<br />

- il est dans la «conscience linguistique»: l’origine nominale de marron et orange reste bien<br />

perçue;<br />

- dans certains cas, la marque graphique de l’invariabilité conserve la trace de l’effacement<br />

produisant l’adjectivisation.<br />

Ex. des vêtements (de la couleur de l’) orange ou (du) marron. C’est le cas pour tous les<br />

autres moins courants, tels que amarante, émeraude, garance, etc. Cela marque des degrés<br />

d’adjectivisation, de même que la possibilité de la <strong>dérivation</strong> en -âtre: rosâtre mais<br />

*orangeâtre.<br />

2. Le cas des noms déverbaux.<br />

Ce sont les noms qui ont la forme du radical du verbe et un sens<br />

- d’action (au sens large de procès, incluant le résultat). Ex. une critique;<br />

- l’agent. Ex.: un critique, un pilote;<br />

l’instrument. ex. un cache, une enveloppe.<br />

Obs.<br />

1. On trouve du point de vue diachronique trois situations:<br />

a. le verbe est héréditaire et le nom a été dérivé.<br />

Ex.<br />

dériver -> dérive<br />

jeter -> jet<br />

oublier -> oubli<br />

rêver -> rêve<br />

nager -> nage.<br />

b. le nom est héréditaire ou emprunté et le verbe a été dérivé.<br />

14


Ex.<br />

analyse (empr. au gr. analusis “décomposition”) > analyser<br />

charme (< lat. carmen “chant magique”) > charmer;<br />

récolte (< it. ricolta) > récolter;<br />

voyage (< lat. viaticum) > voyager.<br />

c. Le verbe et le nom existent en latin.<br />

Ex.<br />

chant (< cantus) et chanter (< cantare)<br />

délire (< délirum) et délirer (< delirare).<br />

Conclusions<br />

1. Du point de vue synchronique, il n’y a pas de différence entre les trois cas.<br />

2. C’est la première situation, quantitativement importante, qui constitue la <strong>dérivation</strong> dite<br />

régressive ou impropre.<br />

3. On note une certaine productivité contemporaine du procédé de formation des substantifs<br />

déverbaux. Cette productivité apparaît surtout dans la langue familière ou argotique.<br />

Ex. la bouffe, la débrouille, la défonce, la déglingue, la drague, la fauche, la frime, la gagne,<br />

la glisse, la grogne, la triche.<br />

4. F. Kerleroux fait remarquer que dans les expressions familières c’est la galère! galère est le<br />

déverbal de galérer “mener une vie de galérien, très pénible”) et non le substantif désignant<br />

une embarcation.<br />

B. Lexique et syntaxe<br />

Obs.<br />

<strong>La</strong> conversion est un fait de syntaxe, c.-à-d. d’emploi dans la phrase. C’est aussi un fait de<br />

lexique dès lors qu’une unité lexicale est créée.<br />

L’opposition entre nom et verbe est centrale dans le système des parties du discours.<br />

L’incidence lexicale est plus évidente dans le cas des conversions entre nom et verbe, à cause<br />

de la différence formelle, malgré l’absence d’affixe, par la nécessité de marquer la nature ver-<br />

bale par une désinence. Aussi, tous les dictionnaires auront-ils deux entrées pour nager et<br />

nage, oublier et oubli, beurre ou beurrer, drogue et droguer. En revanche, dans le cas des<br />

conversions entre nom et adjectif sans marquage catégoriel, on parlera plus souvent de deux<br />

emplois d’un même mot que de deux mots différents. <strong>La</strong> plupart des dictionnaires ont une<br />

seule entrée pour orange N et orange Adj. Pourtant, il faudrait considérer qu’il y a deux mots<br />

15


dans tous les cas, conformément à l’idée que la classe syntaxique fait partie de l’identité d’un<br />

mot.<br />

III. Principales <strong>dérivation</strong>s.<br />

A. Noms<br />

1. Noms dérivés de verbe<br />

-– Suffixation<br />

Noms de procès<br />

Les trois principaux suffixes sont:<br />

- a/i/u/t ions Ex.: exécution, manifestation, évolution, abolition, parution.<br />

- (e)ment. Ex. décollement, blanchiment.<br />

- age. Ex. forage.<br />

D’autres suffixes:<br />

-age: forage<br />

-ade: baignade, promenade<br />

-aison: pendaison, salaison<br />

-ance: espérance, surveillance<br />

-is: cliquetis, frottis<br />

-at: plagiat<br />

-erie: bouderie, flânerie<br />

-(et)ure: blessure, fermeture.<br />

Noms d’agent.<br />

Suffixe -(a/i) (t) eur: livreur, opérateur.<br />

Substantivation de participes présents ou suffixations en -ant. Ex. dirigeant, fabricant.<br />

Noms d’instruments<br />

-(a/i) (t) eur, -euse, -trice: démarreur, générateur, tondeuse, calculatrice<br />

-ant: un voyant, une imprimante.<br />

16


Obs.<br />

Les féminins peuvent s’expliquer par référence à machine, et les masculins par référence à<br />

appareil.<br />

Ex. une imprimante est une machine imprimante; un démarreur est un appareil démarreur.<br />

-oir(e): arrosoir, écumoire<br />

-ail: évantail, gouvernail<br />

-ette: allumette, calculette<br />

-on: bouchon, lorgnon, pilon.<br />

Noms de lieu<br />

-oir: parloir, dortoir, isoloir “endroit où l’on s’isole (pour voter)”<br />

-erie (des lieux liés à une activité industrielle ou commerciale): raffinerie, blanchisserie.<br />

Noms de procès<br />

Déverbaux: nage, vol.<br />

Substantivation de participes passés et d’infinitifs: arrivée, sortie, battue, découverte,<br />

méprise, devoir, repentir, rire.<br />

Noms d’agent<br />

un pilote, les cognes (ceux qui cognent, les agents de police).<br />

Noms d’instrument<br />

un appeau (variante de appel), un cache, une enveloppe.<br />

2. Noms dérivés d’adjectifs<br />

- Suffixation<br />

Elle donne, selon le sens de l’adjectif, des noms de qualité, de sentiment, de comportement:<br />

-eur (blondeur, froideur), -esse (faiblesse, hardiesse), -(er)ie (monotonie, bigoterie), -ise (bê-<br />

tise, gourmandise), -(i)té (habileté, banalité).<br />

-(it)ude (inquiétude, amplitude), -ure (froidure, désinvolture), -ance / -ence, en relation avec<br />

les adjectifs verbaux (vaillance, négligence), des noms de doctrine en -isme (scepticisme, sno-<br />

bisme).<br />

17


-Conversion<br />

Le nom a un sens abstrait ex.: le beau, le froid, le vert;<br />

ou un sens concret ex.: un(e) jeune, malade, noir(e) (+ animé), une commode, un rapide, un<br />

bleu (“ecchymose” ou “vêtement”), du bleu (“fromage”), un complet, un carré.<br />

Obs.<br />

1. Dans le cas des noms animés, les substantivations passent par une ellipse de nom.<br />

Ex.<br />

les jeunes = les personnes jeunes.<br />

2. Dans le cas des noms non animés, il est parfois facile, et de plus nécessaire pour<br />

l’interprétation, de rétablir le nom.<br />

Ex.<br />

un (train, fleuve) rapide<br />

un (ordinateur, téléphone) portable<br />

un (vêtement) bleu<br />

un (document) faux<br />

un (médicament) antalgique “e nature à calmer la douleur’’<br />

C’est ce nom sous-jacent qui est censé déterminer le genre, voire le nombre.<br />

Ex.<br />

la (élection) présidentielle, les (élections) législatives, une (machine) imprimante, une (voi-<br />

ture) automobile.<br />

3. Le nom dérivé de l’adjectif est hyponyme du nom effacé.<br />

Ex. un rapide est une sorte de train ou une sorte de fleuve.<br />

4. Dans d’autres exemples, il est difficile ou impossible de trouver le mot effacé.<br />

Ex.<br />

Les dictionnaires expliquent la substantivation féminine de commode par l’ellipse de armoire.<br />

Mais les deux noms sont aujourd’hui co-hyponymes de meuble de rangement et non en rela-<br />

tion de hyper/hyponymie. Si un bleu (de travail) est bien un vêtement bleu, on ne voit pas en<br />

revanche quel nom serait effacé pour obtenir le sens “ecchymose” de bleu N.<br />

5. Le masculin peut s’expliquer comme neutralisation du genre.<br />

Ex. le français pour la langue française, le nucléaire pour l’énergie nucléaire, le plastique<br />

pour la matière plastique.<br />

3. Noms dérivés de noms<br />

18


Suffixation<br />

Types de suffixes:<br />

a. diminutifs<br />

Ex.<br />

-et(te): coffret, facturette<br />

-ot: îlot<br />

-eau: tyranneau, éléphanteau<br />

-elle: tourelle<br />

-in(e): tambourin, figurine<br />

-ille: flotille<br />

-(er)on: chaînon, ourson, napperon<br />

-(ic)ule: veinule, monticule.<br />

b. collectifs<br />

-age: feuillage<br />

-ade: colonnade<br />

-erie: paysannerie, tuyauterie<br />

-aille: ferraille<br />

-at: électorat, patronat<br />

c. lieux<br />

-erie: infirmerie<br />

-ier: poulailler<br />

-aie: cerisaie<br />

d. produits<br />

-age: laisange<br />

-ade: citronnade<br />

e. métiers<br />

-ier: chapelier<br />

-aire: disquaire<br />

-iste: dentiste<br />

-ien: chirurgien<br />

-eron: bûcheron<br />

f. contenants<br />

-ier: beurrier<br />

-ée: cuillerée<br />

19


g. arbres<br />

-ier: amandier.<br />

Préfixation<br />

On trouve quelques contraires en<br />

- dé(s)- et en in-. Ex. : désordre, insuccès.<br />

Obs. <strong>La</strong> notion de «contraire» est à prendre dans un sens très extensif.<br />

Ainsi, dénatalité est plutôt la diminution de natalité.<br />

Il y a des contraires en non- qui se rapprochent des composés. Ex. non-sens.<br />

-mé(s)-. Ex. mésaventure, mévente.<br />

Parasynthèse<br />

Ex. encolure.<br />

B. Verbes<br />

1. verbes dérivés de nom<br />

Suffixation<br />

-is(er): accessoiriser, caraméliser, scandaliser.<br />

-(i)fi(er): vitrifier, codifier, personnifier, statufier.<br />

Préfixation<br />

-a-: atterrir, annoter<br />

-é- privatif: ébrancher<br />

-é- non privatif: ébruiter<br />

-en-: enterrer, empoisonner<br />

-dé-: déterrer, détartrer.<br />

Obs.<br />

1. Ces mots sont classifiés aussi dans la classe des parasynthétiques.<br />

2. Les verbes de forme en-N-er peuvent avoir le sens “mettre (le référent désigné par l’objet<br />

du verbe) en, dans N” (ex. enterrer un os) ou “mettre N en, dans (le référent désigné par<br />

l’objet du verbe)” (ex. empoisonner un plat), selon le sens du mot base et du nom objet.<br />

20


Conversion<br />

Ex.<br />

meubler<br />

coller<br />

beurrer (une tartine) “mettre du beurre”<br />

plumer (un poulet) “enlever les plumes”<br />

balayer<br />

skier<br />

bouquiner<br />

jardiner<br />

magasiner “faire les magasins”, “faire les course” (en français québécois); shopper “en<br />

France”<br />

gommer “mettre de la gomme (substance)”; “effacer à l’aide d’une gomme”.<br />

2. Verbes dérivés d’adjectifs<br />

Suffixation<br />

-iser: immobiliser, précariser<br />

-(i)fi(er): amplifier, solidifier.<br />

Obs.<br />

1. Les adjectifs en -ique sont tronqués. Ex. automat(ique)iser, diabol(ique)iser,<br />

électr(ique)iser.<br />

2. Le sens “rendre Adj.” est bien représenté, mais non constant. Ex. localiser, subtiliser, sym-<br />

pathiser, bêtifier n’ont pas ce sens.<br />

Préfixation<br />

a-: affaiblir<br />

é- non privatif: éborgner<br />

en-: enhardir<br />

dé-: déniaiser<br />

Obs.<br />

Les trois premiers suffixes se combinent souvent avec r(e)-: ralentir (r(e)-a-lent-ir), réchauf-<br />

fer, renforcer, etc. Rasséréner est un dérivé de serein. Ex. r(e)-a-sérén(= serein)-er.<br />

21


Conversion<br />

grandir<br />

rougir<br />

Obs.<br />

Ces préfixés et converses sont transitifs (ayant le sens “rendre Adj.”) et intransitifs (ayant le<br />

sens “devenir Adj.”).<br />

L’objet du verbe transitif est alors le sujet du verbe intransitif:<br />

Ce vêtement enlaidit Paul. Paul enlaidit.<br />

Le soleil jaunit les rideaux. Les rideaux jaunissent.<br />

Une répartition peut se faire. Ex. maigrir est intransitif, amaigrir est transitif.<br />

3. Verbes dérivés de verbe.<br />

Suffixation<br />

-et(er): voleter<br />

-ot(er): tapoter<br />

-ill(er): mordiller<br />

-in(er): trottiner<br />

-onn(er): chantonner<br />

Obs.<br />

1. Ces préfixes ont une valeur diminutive et itérative.<br />

2. -aill(er) (ex. tirailler) et -ass(er) (ex. rêvasser) ont une valeur péjorative.<br />

3. -och(er) (ex. bavocher) et -ouill(er) (ex. mâchouiller) sont marqués par un registre familier.<br />

Préfixation.<br />

Obs.<br />

1. Dé- privatif (ex. débaptiser, déplaire) est plus productif que dis- ou dys- (ex. disjoindre,<br />

dysfonctionner) et que mé(s)- (ex. médire, mésestimer, méjuger).<br />

2. Dé- intensif (ex. détremper) est peu sensible dans le vocabulaire général courant.<br />

3. Re- itératif (ex. redire, redistribuer) est très disponible.<br />

Obs.<br />

1. <strong>La</strong> valeur itérative est à distinguer de la valeur spatiale ou temporelle que l’on trouve dans<br />

rallumer ou redescendre.<br />

22


2. Lorsqu’il est combiné aux préfixes en-, a-, é-, avec une base adjectivale, sa valeur est<br />

d’autant plus faible que la forme sans r(e)- est moins utilisée. Ex. ralentir, réchauffer, renfor-<br />

cer.<br />

3. le préfixe verbal pré- signifie l’antériorité (ex. préchauffer) ou la supériorité (ex. prédomi-<br />

ner).<br />

4. Le préfixe en- a quelques emplois verbaux, difficiles à unifier. Ex.: encourir, endormir,<br />

enfermer.<br />

C. Adjectifs<br />

1. Adjectifs dérivés de verbe<br />

Suffixation<br />

-eur: enchanteur, flatteur<br />

-eux: boiteux, coûteux<br />

-(at/-it)if: pensif, créatif<br />

-ble (admirable, crédible).<br />

Obs.<br />

1. Les formes en -ble sont le plus souvent construites sur des verbes transitifs et ont un sens<br />

passif. Quelques-unes dérivent de verbes intransitifs. Ex. convenable, valable, viable, navi-<br />

gable.<br />

2. Ces formes sont de véritables adjectifs quand elles sont compatibles avec les adverbes de<br />

degré des adjectifs.<br />

Ex. un prix très abordable.<br />

Le sens peut s’éloigner de celui du verbe.<br />

Ex. une personne aimable.<br />

3. Ces formes restent des formes verbales quand elles sont suivies d’un complément d’agent.<br />

Ex. Cet outil est utilisable par un singe.<br />

Conversion<br />

L’adjectivation des participes (ex. amusant, fatigué) est marquée par:<br />

- la variation en genre et en nombre pour les formes en -ant (adjectifs verbaux) et<br />

l’orthographe pour certains (ex. fatigant vs. fatiguant, communicant vs. communiquant, négli-<br />

gent vs. négligeant, excellent vs. excellant)<br />

- l’absence de complément verbal.<br />

23


Ex. des cheveux dorés vs. du bois doré à l’or fin<br />

- la modification par adverbe de degré.<br />

Ex. un esprit très ouvert<br />

- l’emploi comme attribut<br />

- le sens<br />

Ex. Dans bois doré, doré n’a d’adjectif que la position épithète et garde le sens du verbe, avec<br />

les valeurs d’accompli et de passif du participe passé de verbe transitif (ex. doré “qui a été<br />

doré”). En revanche, doré dans cheveux dorés ne signifie pas “qui ont été dorés” mais “qui<br />

ont la couleur de l’or”.<br />

- la préfixation en in-, pour les participes passés notamment.<br />

Ex. inconnu, incompris.<br />

2. Adjectifs dérivés de nom<br />

Suffixation<br />

<strong>La</strong> suffixation présente un grand nombre de formes.<br />

On peut grouper les suffixes en deux ensembles, selon qu’ils forment plutôt des adjectifs qua-<br />

lificatifs, qui désignent une propriété, ou des adjectifs de relation équivalents d’une détermi-<br />

nation.<br />

Suffixes qui forment des adjectifs qualificatifs.<br />

Ex.<br />

-é: accidenté, venté<br />

-(i)eux: courageux, venteux, audacieux<br />

-if: massif, sportif<br />

-oire: illusoire<br />

-u: pointu, barbu.<br />

Suffixes qui forment des adjectifs de relation:<br />

-aire: bancaire<br />

-al: national<br />

-el: présidentiel<br />

-esque: livresque<br />

-ien: terrien<br />

-ier: saisonnier<br />

-ique: atomique.<br />

24


On peut y rattacher les suffixes qui forment, sur les noms propres de pays, de régions et de<br />

villes, les adjectifs dits “ethniques”, qui se convertissent en noms d’habitants ou de langues:<br />

-ais (français)<br />

-ain (africain)<br />

-ard (savoyard)<br />

-ien (égyptien)<br />

-ois (lillois)<br />

Obs.<br />

1. Un même suffixe peut donner deux types d’adjectifs: des adjectifs de relation (ex. laitier<br />

ds. vache laitière) ou saisonnier ds. métier saisonnier) ou des adjectifs qualificatifs (ex.<br />

rancunier).<br />

2. Un même adjectif peut avoir deux emplois. Ex. théâtral est adjectif de relation ds. la<br />

saison théâtrale et adjectif qualificatif ds. un geste théâtral.<br />

Préfixation (ou parasynthèse)<br />

Ex.<br />

antireflet<br />

antiride(s)<br />

antirouille<br />

antivenimeux<br />

préélectoral<br />

Conversion<br />

Ex.<br />

Adjectifs noms de couleur<br />

clé<br />

Ex. position clé, poste clé, mot(-)clé<br />

bidon<br />

Ex. promesse bidon<br />

canon<br />

Ex. fille canon<br />

culte<br />

25


Ex. film culte<br />

éclair<br />

Ex. visite éclair<br />

miracle<br />

Ex. remède miracle<br />

monstre<br />

Ex. travail monstre<br />

surprise<br />

Ex. grève(-)surprise<br />

visite<br />

Ex. visite(-)surprise<br />

type<br />

Ex. contrat type, candidat type.<br />

Obs.<br />

1. Ces dernières séquences sont diversement décrites: N + Adj., N + N en apposition, N + N<br />

épithète, nom composé N + N.<br />

En faveur de l’idée que le nom devient un adjectif, on peut avancer les critères suivants:<br />

a. la variation en nombre. Ex. des positions-clés.<br />

Obs.<br />

Cette variation n’est pas systématique et il n’y a jamais de variation en nombre.<br />

b. l’emploi comme attribut.<br />

Ex. C’est bidon. Elle est canon.<br />

c. la modification par adverbe de degré.<br />

Ex. complètement bidon, un remède vraiment miracle.<br />

d. le fait qu’il peut s’appliquer à plusieurs noms, par opposition à aiguille, par ex., qu’on ne<br />

trouve qu’avec talon.<br />

Ex. talon aiguille (nom composé).<br />

e. le trait d’union, qui est marque de composition, est souvent absent.<br />

f. l’existence d’un adjectif correspondant synonyme (même si l’adjectif peut prendre plusieurs<br />

sens).<br />

Ex. miracle = miraculeux, monstre = monstrueux “énorme”, nature = naturel, type = typique.<br />

Aucun ne répons à tous les critères: il y a un continuum.<br />

26


3. Adjectifs dérivés d’adjectif<br />

Suffixation<br />

a. diminutifs<br />

Ex.<br />

-(el)et (ex. pauvret, maigrelet), -ot (ex. pâlot), -ichon (ex. fam. pâlichon), -âtre (ex. blan-<br />

châtre).<br />

b. péjoratifs.<br />

Ex.<br />

-ard (ex. faiblard)<br />

-asse (ex. blondasse)<br />

-aud (ex. lourdaud).<br />

Obs.<br />

Les valeurs diminutive et péjorative sont très liées, dans -âtre et -asse en particulier.<br />

Le sens de la base est souvent déjà péjoratif.<br />

Préfixation<br />

Contraires<br />

Obs.<br />

1. Le préfixe privatif le plus fréquent est in- (var. il-, im-, ir-).<br />

2. D’autres préfixes privatifs:<br />

a-: amoral<br />

dé-: déloyal<br />

mal-: malhabile<br />

mé-: mécontent.<br />

3. Tous les adjectifs préfixés en in- ne sont pas les contraires de l’adjectif simple. Ex. indiffé-<br />

rent n’est pas le contraire de différent, inoffensif n’est pas le contraire de offensif.<br />

4. Beaucoup d’adjectifs n’ont pas de contraire en in- parce qu’ils ont un antonyme lexical (Ex.<br />

long / court, vrai / faux) ou que la formation est bloquée pour des raisons sémantiques.<br />

Superlatifs<br />

extra- ex. extra-fin<br />

hyper-: hyperactif<br />

sur-: surexcité<br />

27


ultra-: ultrasensible.<br />

D. Adverbes dérivés d’adjectif<br />

Suffixation en -ment<br />

Cette suffixation a lieu sur la forme féminine de l’adjectif (ex. naïvement), sauf pour les ad-<br />

jectifs en -ai, -é, -i, -u (ex. vraiment, aisément, poliment, éperdument, gaïment, crûment) et les<br />

adjectifs en -ant et -ent qui donnent des adverbes en -ammant et -emment (ex. savamment,<br />

évidemment).<br />

Obs.<br />

Beaucoup d’adjectifs ne donnent pas d’adverbe en -ment. Cela peut être lié à leur forme pho-<br />

nétique et morphologique.<br />

Ex. les adjectifs en -ard donnent peu d’adverbes en -ment.<br />

Conversion<br />

Ex.<br />

voir clair<br />

parler fort<br />

chanter faux<br />

coûter cher<br />

Obs.<br />

1. Dans le cadre de cette conversion, les adjectifs deviennent des adverbes.<br />

2. Ils sont invariables.<br />

3. Ils signifient la manière.<br />

Ce type de conversion est limitée, mais elle n’est pas morte.<br />

Ex.<br />

grave ds le langage des jeunes.<br />

Je commence à saturer grave!<br />

28

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!