Zazie dans le métro, Raymond Queneau - Académie en ligne

Séquence 2 

Zazie dans le métro, 

Raymond Queneau 

Sommaire 

En préambule : rappel et nouveautés 

5. Zazie dans le métro, un roman de formation ? 

6. Le roman de l’incertitude et de l’illusion ? 

Conclusion 

Séquence 2 – FR01 

1 

© Cned - Académie en ligne

© Cned - Académie en ligne 

En préambule 

A 

B 

C 

2 Séquence 2 – FR01 

Rappel et nouveautés 

Une nouvelle édition du roman de 

Queneau 

Dans le tome 1 de votre cours, nous vous avons conseillé l’achat du 

roman de Raymond Queneau en Folio Plus Classiques (n° 62). Depuis 

la rédaction de ce cours, cet ouvrage a été réédité en juin 2012 dans la 

même collection. La nouvelle édition prend en compte la réforme de l’enseignement 

des lettres en terminale et comporte ainsi un dossier supplémentaire 

: « Analyse du film de Louis Malle ». Dans les deux éditions 

(celle de 2006 et celle de 2012), la pagination du roman reste identique 

et les renvois à des extraits dans votre cours sont valides dans les deux 

cas. 

L’utilisation du DVD : rappel 

Nous vous rappelons que les références au film de Louis Malle se font 

aux minutes du film lu au moyen de Windows Media. Toutefois, selon 

le lecteur de DVD ou le logiciel de lecture que vous utilisez (VLC Media 

Player, DivX, etc.), le renvoi aux minutes peut varier un peu. Pour cette 

raison, nous avons indiqué – quand c’était possible – les premières et 

dernières paroles des extraits à visionner. 

Ressources accessibles sur Internet 

: compléments 

Le roman de Queneau et le film de Malle étant au programme cette 

année, de nombreux articles peuvent être consultés. En voici une liste 

non exhaustive.

Ressources sur Raymond Queneau et sur 

son œuvre 

Le site de France Culture vous propose une rapide biographie de Queneau, 

dans un article intitulé « Fous Littéraires, Le Chiendent et Cent 

Mille Milliards de poèmes… » : http://www.franceculture.fr/2009-11- 

20-fous-litt%C3%A9raires-le-chiendent-et-cent-mille-milliards-depo%C3%A8mes.html 

André Durand, professeur de Lettres retraité propose un résumé par chapitres, 

une étude de la genèse et de la destinée de l’œuvre ainsi qu’une 

analyse de ses différents centres d’intérêt (littéraire, documentaire, philosophique, 

etc.) : http ://www.comptoirlitteraire.com/docs/252-queneau-zazie-dans-le-metro-.doc 

. 

Komantradwuir, Zazie dans le métro et la traduction du langage de Queneau ? 

est un mémoire de fin d’études de l’Université d’Utrecht (Juin 2010) qui 

étudie précisément la langue de Queneau mise en œuvre dans le roman 

(analyse du vocabulaire et de l’orthographe du « néo-français » appuyée 

sur de nombreux extraits de Bâtons, chiffres et lettres). La deuxième 

partie de ce mémoire est la critique d’une traduction néerlandaise. Les 

annexes proposent un classement alphabétique du vocabulaire utilisé. 

Vous trouverez ce mémoire à l’adresse suivante : http://igitur-archive. 

library.uu.nl/student-theses/2010-0809-200456/MA-scriptie%20H. 

Roskam,%203114333.pdf. 

Amélie Maurin a rédigé un article intitulé « Zazie, une enfant moderne ? » 

et que vous trouverez à l’adresse : http://www.cairn.info/revue-lettrede-l-enfance-et-de-l-adolescence-2007-1-page-87.htm. 

Elle y a effectué 

une analyse – très intéressante – du personnage de Zazie comme représentante 

du statut de l’enfant dans l’époque de l’après-guerre. 

Les passionnés de bandes dessinées peuvent voir des images extraites 

de la BD de Clément Oubrerie à l’adresse http://www.oubrerie.net/p/ 

zazie.html . Les vignettes sont suivies d’une interview du dessinateur. 

Ressources sur Louis Malle et sur le film 

Le site du Ciné-club de Caen offre une présentation du cinéaste et de 

son œuvre : 

http://www.cineclubdecaen.com/realisat/malle/zaziedanslemetro.htm. 

Retrouvez une interview de Louis Malle parlant de Zazie dans le métro 

sur le site de l’INA : http://www.ina.fr/art-et-culture/cinema/video/ 

CAF97519873/louis-malle-parle-de-zazie-dans-le-metro.fr.html 

Le Site Image propose une analyse du film et des comparaisons avec le 

roman de Queneau à l’adresse suivante : 

http://site-image.eu/index.php?page=resultatfilm&mots=zazie+dans+l 

e+m%E9tro&submitTopSearch.x=0&submitTopSearch.y=0 


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Le site de France Culture propose une analyse du film, qui l’inscrit dans 

son époque : dans un article intitulé « 50 ans de Zazie dans le métro » 

à l’adresse : http://www.franceculture.fr/2010-09-24-50-ans-de-zaziedans-le-metro.html 

Sur le site Érudit, vous pouvez lire un article intitulé « Un cinéma zazique ? » 

à l’adresse http://www.erudit.org/revue/cine/1994/v4/n3/1001042ar.pdf 

À partir d’une critique assez négative de l’écriture de Queneau, considérée 

essentiellement comme une tentative de passage de l’oral à l’écrit, 

ce qui rendrait le roman « intransposable », l’auteur de l’article, Johanne 

Bénard, envisage les différences fondamentales entre l’énonciation romanesque 

et l’énonciation filmique en s’appuyant sur l’étude de quelques 

séquences du film. Article difficile mais très éclairant et intéressant.

5 

A 

Zazie dans le métro, un 

roman de formation ? 

Si le roman est bien, par plusieurs aspects, une fantaisie, il n’en demeure 

pas moins que l’on peut percevoir, au-delà de l’apparent manque de 

logique qui caractérise nombre d’actions des personnages, un schéma 

qui oriente la progression de l’œuvre : celui du roman de formation. 

Cette formation est bien sûr au premier chef celle de la jeune Zazie. Par 

ses aventures et ses apprentissages, celle-ci offre également au lecteur 

un enseignement sur les hommes et sur le lieu qui symbolise les excès 

de la modernité : la grande ville de Paris. La quête de la fillette est enfin 

celle de la vérité – nous avons déjà évoqué son obsession pour le dévoilement 

de certains aspects les plus secrets de l’existence –, qui semble 

se refuser aussi bien à Zazie qu’au lecteur… 

Une parodie des récits de formation ? 

Pour réfléchir 

1 Définition du roman de formation 

Faites une brève recherche sur le roman de formation – appelé aussi 

roman d’apprentissage – dans une encyclopédie ou un manuel de littérature 

ou encore sur Internet. Les 36 heures que passe Zazie à Paris 

correspondent-elles au schéma traditionnel de ce genre romanesque ou 

s’en démarquent-elles ? Justifiez votre réponse. 

Analyse textuelle et filmique : comparaison des incipit et des excipit 

Comparez l’incipit et l’excipit du roman et du film. Que constatez-vous ? 

Comment le romancier et le cinéaste marquent-ils la clôture du récit ? La 

fin apporte-t-elle l’apprentissage espéré ? 

L’excipit du roman est constitué du chapitre XIX du roman dans son intégralité 

; celui du film du passage commençant en 1h25’52’’ et s’achevant 

en 1h27’17’’. 

2 Un scénario initiatique ? 

Pouvez-vous retrouver dans le roman et dans le film les éléments d’une 

initiation ? Penchez-vous, entre autres, sur le rôle de Gabriel : quelle 

devrait être sa fonction envers la fillette ? L’a-t-il assurée dans le roman ? 


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Analyse filmique la descente en monte-charge (1h25’34-1h25’52’’) 

Quelle est la signification symbolique de cette scène ? En quoi le réalisateur 

lui accorde-t-elle un caractère parodique ? 

3 Zazie et l’univers du conte 

Retrouvez-vous dans le roman ou le film des éléments liés au genre du 

conte ? Comment sont-ils exploités par le romancier et le cinéaste ? 

Analyse filmique (14’32’’-15’44’’) : Comment la mise en scène illustre-telle 

ici la magie du conte de fées ? En quoi cette scène a-t-elle en réalité 

recours à des procédés subjectifs ? 

Mise au point 

Les réponses aux questions vont ici constituer les trois sous-parties de la 

partie A. de ce chapitre. 

1. Définition du roman de formation 

Le roman de formation, ou roman d’apprentissage 1 , prend son essor au 

XVIII e siècle, le modèle du genre étant Les années d’apprentissage de Wilhelm 

Meister (1796) de l’écrivain allemand, Goethe. En France, Candide de 

Voltaire ou Gil Blas de Santillane de Lesage nous content l’aventure de héros 

qui sortent de l’adolescence et se trouvent confrontés au monde, se formant 

ainsi au métier d’homme par l’expérience du réel. Au XIX e siècle, âge 

d’or du roman et de l’individualisme moderne, l’apprentissage du monde 

est au cœur du roman : Le Rouge et le Noir de Stendhal, Le père Goriot de 

Balzac ou Bel Ami de Maupassant ont une dimension didactique, et nous 

décrivent l’éducation morale, sentimentale, politique ou sexuelle de leurs 

héros. C’est au XIX e siècle également que se développe un genre particulier 

du roman d’éducation : celui qui a pour héros un enfant. Les romans de 

Charles Dickens comme David Copperfield, ou comme nous l’avons vu au 

chapitre 3 ceux de Victor Hugo, en particulier les Misérables, exposent la 

conquête de l’autonomie et de la connaissance d’enfants souvent victimes 

d’adultes violents ou injustes. À travers cette formation du personnage, 

c’est bien sûr aussi le lecteur qui apprend – en prenant conscience de la 

complexité du monde, et en profitant de l’exemple instructif que représente 

l’itinéraire exemplaire d’un personnage se transformant au contact des obstacles 

qu’il rencontre. 

Zazie dans le métro présente des traits communs certains avec ce genre romanesque 

: comme Alice au pays des merveilles, œuvre qui par nombre d’aspects 

est aussi un roman de formation, le récit nous présente une fillette aux prises 

avec un monde inconnu qui se dévoile peu à peu : Paris, ville qui est par ailleurs 

le lieu par excellence de l’apprentissage dans les romans français du XIXe. 

1. Vous trouverez également employé le terme allemand de Bildungsroman, « roman de formation ».

Le roman semble ainsi s’inscrire dans une tradition littéraire, et se fonder 

sur le traditionnel schéma qui met en scène un personnage en quête 

d’un objet. La présence d’adjuvants et d’opposants facilite ou freine 

alors une progression plus ou moins linéaire qui éloigne le héros de son 

état d’enfance, d’ignorance, de naïveté pour le mettre sur la voie d’une 

maturité l’inscrivant pleinement dans la société des hommes à laquelle 

il se doit de participer de son mieux. 

Zazie se trouve ainsi confrontée durant sa brève parenthèse parisienne 

à : 

E la sexualité en général (relations entre Charles et Mado) ; 

E l’homosexualité en particulier (ambiguïté du personnage de Gabriel) ; 

E la quête insatisfaite de l’amour (avec la pathétique veuve Mouaque) ; 

E la perversité (personnages réels ou fantasmés de satyre avec Pédro- 

Surplus) ; 

E l’agitation chaotique de la ville moderne ; 

E la quête personnelle que mène chaque personnage : Gabriel poursuit 

sa quête théâtrale, bien rendue dans le film par son acharnement à 

rejoindre la « répétition », absente du roman (58’43’’ à 1h04’20’’), 

Charles recherche une forme d’amour romantique, Trouscaillon la 

beauté, incarnée par une Marceline/Albertine très baudelairienne 

dans sa froide indifférence… 

Ces rencontres et expériences successives éveillent en Zazie une curiosité 

bien légitime que nous avons déjà évoquée. 

Pour autant, ce schéma initiatique semble l’objet d’un détournement 

parodique : 

E les objets de la quête de la fillette ont un caractère à première vue prosaïque 

: les bloudjinnzes, le métro, le caco-calo… ; 

E l’opposant principal, Pédro-Surplus, est un satyre ; 

E les scènes d’affrontements diverses entre Zazie et les autres personnages 

sont cocasses plus que décisives dans son évolution ; 

E la jeune fille elle-même ne semble que fort peu évoluer au cours du 

récit, en témoigne la verdeur constante de son langage ; 

E quant aux « adjuvants », nous verrons que les adultes qui entourent 

Zazie n’assurent que peu leur rôle de formation : à l’instar d’un Charles 

débordé par la « gamine » (chap. VIII), ils n’enseignent rien, et semblent 

eux-mêmes égarés et incertains. 

De plus, quand le roman de formation classique fait progresser son personnage 

sur la voie de la connaissance et de la maturité, Zazie dans le 

métro semble au contraire figé dans une structure circulaire répétitive, 

qui semble refuser toute évolution : ainsi, outre les nombreuses situations 

ou dialogues qui se répètent, et donnent une impression de redite 

à l’identique, la comparaison de l’incipit et de l’excipit 2 de l’œuvre nous 

2. Dernières lignes d’un récit. L’on trouve également le terme d’explicit chez certains critiques. 


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apprend que la jeune Zazie n’a que fort peu profité de son expérience 

parisienne, riche en rebondissements. 

Analyse textuelle et filmique : comparaison 

des incipit et excipit 

Comparons le début et la fin du roman : on retrouve à la fin du chapitre XIX 

le même nombre de personnages (Marcel/Marceline ayant pris la place 

de Gabriel dans le rôle du chaperon), la même gare d’Austerlitz qu’au 

début, et une même mention de l’heure (page 10 : « six heures soixante », 

page 192 : « il était six heures passées »), qui renoue avec un écoulement 

normal du temps : le cadre spatiotemporel nous indique que la boucle 

narrative touche à sa fin. La montée dans le compartiment et le terme 

« Au revoir » (p. 193) s’inscrivent dans le cours du récit, tout en marquant 

symboliquement la fin de l’histoire ; le mouvement contraire de celui de 

l’arrivée et la reprise inversée de certains éléments est un procédé narratif 

de clôture. Dans le film, le rythme de la course de Jeanne Lalochère, vêtue 

de la même robe à fleurs, est rendu par le même procédé d’accéléré que 

dans l’incipit : la scène finale renvoie clairement à celle du début. Une 

différence est remarquable cependant : la caméra filme Jeanne de dos, 

et non plus en travelling latéral, ce qui constitue également un procédé 

de clôture – le personnage s’éloigne, de même que le train qui emmène 

les deux femmes dans le générique de fin (1h26’47’’ à la fin). Dans les 

deux médias, la scène finale est donc une reprise inversée de l’incipit, ce 

qui donne l’impression d’une boucle narrative, et non d’une progression 

linéaire débouchant sur une progression quelconque. De plus, le mot de 

la fin est le même : « J’ai vieilli ». Dans le roman, il est particulièrement 

marquant, car il constitue le mot de la fin : par sa place typographique 

– seule la page blanche lui succède –, il acquiert une force symbolique. 

Pour filmer Zazie, Louis Malle a recours à un gros plan pour accorder à 

cette phrase un poids comparable (1h27’12’’). Dans les deux cas, elle est 

une sorte de constat d’échec : la fillette semble n’avoir rien appris, elle n’a 

même pas vu le fameux métro, objet de sa « quête » personnelle, et n’y 

descend qu’endormie (page 189 du roman et de 1h25’45’’ à 1h26’31’’ 

dans le film) : elle a juste, comme chacun, à chaque instant, « vieilli »… Estce 

en soi une leçon philosophique que l’auteur nous donne à interpréter ? 

Dans le cadre du genre du roman de formation, il s’agit en tout cas d’un 

excipit parodique : il n’y a pas eu d’apprentissage véritable. 

2. Un scénario initiatique ? 

Dès le début du roman et du film, certains éléments peuvent être interprétés 

comme traçant un itinéraire initiatique, au sein duquel on peut 

retrouver quelques motifs traditionnels. 

L’initiation consiste à faire accéder la personne à un état nouveau : « Initier, 

c’est d’une certaine façon faire mourir, provoquer la mort. Mais la mort

est considérée comme une sortie, le franchissement d’une porte donnant 

accès ailleurs. Initier c’est introduire » 3 . Ainsi, un des motifs récurrents 

de l’initiation sera celui de la descente sous terre ou aux Enfers, scénario 

initiatique très ancien : c’est par une mort symbolique que le personnage 

pourra accéder à une condition nouvelle. Les mythologies grecques et 

latines sont riches de ce type de représentations (pensez par exemple à 

Orphée descendant aux Enfers pour retrouver Eurydice, ou à Hercule qui 

fait de même pour mener à bien son ultime défi, vaincre Cerbère). 

Cette image symbolique de l’initiation se retrouve de façon nette dans le 

roman en plusieurs occurrences. Dans le chapitre IV, Zazie au cours de sa 

promenade dans les rues de Paris tombe sur une bouche de métro, ainsi 

décrite : « Une odeur de poussière ferrugineuse et déshydratée montait 

doucement de l’abîme interdit » (pp. 43-44). L’abîme en question 

évoque les Enfers – selon la description traditionnelle qui leur associe 

une odeur de soufre et l’image d’un gouffre sans fond. Mais il demeure 

« interdit » (à cause de la grève) : le métro constitue donc, sur le plan 

symbolique, une voie d’initiation, mais qui se dérobe à la fillette frustrée, 

laquelle, pour la seule fois du récit, se met à pleurer. 

D’autres passages font allusion aux Enfers : ainsi les touristes, en quête 

de Gabriel, « pourchassaient leur archiguide à travers le dédale lutécien 

et le magma des encombrements et venaient avec un pot d’enfer de 

remettre la main dessus » (p. 106). Paris est ici vu comme un enfer : le 

terme, cité explicitement, bien que dans un emploi ironique, nous invite 

au rapprochement, ce que conforte l’usage du terme « magma », qui 

renvoie à l’iconographie traditionnelle des Enfers comme en proie aux 

flammes et à une chaleur intense. La géographie infernale est, quant à 

elle, un « dédale » où se perdre sans pouvoir retrouver la sortie, ce qui 

renvoie au caractère infranchissable de cet endroit dont on ne revient 

pas. Paris, par cette brève description, devient donc plus que le lieu réel 

des aventures de Zazie : le réalisme laisse ici place au symbole, la ville 

incarnant l’espace de l’initiation que la fillette va devoir traverser afin 

d’accomplir sa formation. Cette traversée semble également pouvoir être 

interprétée à la fois, sur le plan romanesque, comme un simple parcours 

dans la ville, du café de Turandot au Nyctalope en passant par les quais 

ou la Sainte-Chapelle, mais aussi comme une plongée progressive vers 

le lieu de l’initiation : les Enfers. Ainsi, dans les dernières lignes du chapitre 

VIII, Gabriel descend du bus de Fédor Balanovitch pour aller chercher 

Zazie qui refuse d’y monter : « – Tu me fais mal, glapissait Zazie 

folle de rage. Mais elle fut elle aussi emportée vers la Sainte-Chapelle 

par le véhicule aux lourds pneumatiques » (p. 97). Gabriel se fait ici 

figure du destin qui « se jette sur » la fillette pour l’emporter, tandis que 

la périphrase homérique désignant le bus, « véhicule aux lourds pneumatiques 

», ouvre le champ à une interprétation symbolique : ce « véhicule 

» ne serait-il pas la barque de Charon qui mène vers l’autre rive ? 

3. Cf. Dictionnaire des symboles, J. Chevalier-A. Gheerbrant, Bouquins, Robert Laffont, 1996, p. 521. 


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L’avant-dernier chapitre vient confirmer cette lecture, à travers l’image de 

la descente : ainsi, les personnages, en plein chaos, parviennent à fuir 

Aroun Arachide ; grâce au monte-charge, ils « commence[nt] à s’enfoncer 

dans le sol » (p. 189). Leur fuite se poursuit : « Ils descendirent un escalier, 

puis ils franchirent le seuil d’une petite porte (…) Un peu plus loin, 

ils franchirent le seuil d’une autre petite porte » (p. 190). La répétition 

du motif du seuil et de l’expression « petite porte » n’est pas anodine, 

et achève d’établir la dimension symbolique de cette expédition dans les 

sous-sols du Nyctalope : le franchissement est celui propre à l’initiation, 

la « petite porte » est celle censée faire accéder à un nouvel état l’initié 

– en l’occurrence, Zazie, portée par Gabriel. Le personnage de Marceline/ 

Albertine est également symbolique dans ce passage : qualifiée de 

« lampadophore » (p. 190), c’est-à-dire de porteuse de lumière, la jeune 

femme devient une figure tutélaire4 et protectrice qui ramène Zazie dans 

le monde terrestre après sa plongée parisienne. 

Pourtant, ce parcours initiatique s’avère décevant : Zazie ne descend 

finalement pas dans le métro (symbole de l’inconscient ? du vrai « moi » ? 

l’interprétation reste ouverte…), et se trouve « évanouie » lors l’épisode 

initiatique final, dont elle ne retire rien – d’où le mot de la fin, empreint 

de déception, de la fillette. 

Dans cette initiation, le personnage de Gabriel devrait être fondamental. 

Protecteur de Zazie, auquel sa mère l’a confiée, il est censé être l’adjuvant 

par excellence, d’autant plus que son nom, Gabriel, n’a pas été choisi au 

hasard par Queneau ; l’archange Gabriel est en effet considéré comme le 

messager de Dieu dans la Bible. Dans le roman, il est qualifié ironiquement 

d’« archiguide » à la page 98 (jeu de mots sur « archange », « ange 

supérieur »), guidant les touristes plongés dans l’obscurité de l’ignorance 

vers les beautés célestes de la Sainte Chapelle… Mais en réalité, 

il ne délivre aucun message, divin ou non : les touristes n’apprendront 

rien sur la Sainte Chapelle (Gabriel se contente de gestes : « (silence) », 

« (geste) » (p. 98), et Zazie, qu’il ne protège pas (il part se recoucher à la 

fin du chapitre III plutôt que de partir à sa recherche…), n’apprendra rien 

non plus de sa part sur la sexualité ou l’homosexualité. Quant à Paris, il ne 

sait en montrer à Zazie que les monuments aux noms ronflants, mais les 

confond (chap. I), incapable de faire le lien entre les mots et les choses. 

Gardien et guide de Zazie, il l’égare et s’avère finalement incapable de la 

mener jusqu’au bout de l’initiation : c’est Marceline qui s’en chargera. 

Louis Malle ne néglige pas cette dimension initiatique dans le film : la 

scène de la sortie de la gare et l’entrée dans Paris au chapitre I, puis 

celle de la descente en monte-charge au chapitre XVIII, assurent toutes 

deux la cohérence symbolique du parcours de Zazie. Ainsi, des minutes 

03’34’’ à 03’42’’, la caméra passe de l’espace de la gare à celui de la 

rue : de l’obscurité du hall de la gare, elle passe à travers les portes puis 

les piliers vers la lumière des extérieurs, assurant une transition visuelle 

entre deux espaces distincts. Celle-ci peut être interprétée, au-delà de 

4. Qui tient sous sa garde, sous sa protection.

sa simple fonction de lien narratif : Zazie entre dans une étape nouvelle 

de son existence, elle a laissé sa mère derrière elle, et sort de la douce 

pénombre protectrice de l’enfance pour plonger dans la lumière crue de 

la vie réelle. Le début de l’initiation est ainsi nettement marqué. À la fin 

du film, Malle joue une nouvelle fois sur les motifs initiatiques et l’emploi 

de la lumière. 

Analyse filmique : 

la descente en monte-charge 

Cette scène présente les personnages dans une descente s’effectuant 

dans l’obscurité (on retrouve le motif déjà évoqué plus haut) et dans un 

silence qui contraste avec le vacarme de la scène précédente. Mais cette 

descente à l’atmosphère mystérieuse, qui s’avère en réalité se faire sur 

les escaliers mécaniques du métro (une ellipse fait passer sans transition 

les personnages de la cave du restaurant au métro), est contredite 

dès la minute 1h25’58’’ par le retour de la lumière et la mise en route 

des escaliers, qui entraînent les personnages vers le haut. Le motif de 

l’initiation est vite contredit, et c’est le registre comique qui s’insinue 

dans la scène par la réplique étonnée de Gridoux (« Tiens, la grève est 

finie ») et l’effet d’accéléré qui souligne la redescente rapide des escaliers 

par les personnages. L’emploi de la lumière sert ici, en un mouvement 

contraire à celui de la scène initiale décrite ci-dessus, à signaler la 

sortie du monde de l’initiation ; l’itinéraire de formation s’achève, en 

l’absence de Zazie. Cette dernière se trouve – enfin ! – dans le métro, que 

le réalisateur choisit de faire figurer dans son œuvre, quand Queneau en 

faisait une figure de l’absence (dans le roman, Zazie n’est pas censée 

le prendre du tout…). Symboliquement, la caméra filme ledit métro en 

train de sortir du tunnel, lequel constitue l’un des motifs initiatiques 

traditionnels ; Zazie repose, endormie, dans les bras d’Albertine devenue 

Albert : elle ne peut donc pas contempler l’objet de sa quête… 

Queneau, et à sa suite Malle, jouent donc sur la reprise de schémas narratifs 

et de genres littéraires – récits initiatiques, topos de la descente 

aux Enfers, roman d’apprentissage…–, qu’ils rendent décevants : Zazie 

traverse le récit sans trouver de réponses. Cette dimension parodique se 

retrouve dans la reprise d’un dernier genre : celui du conte de fées. 

3. Zazie et l’univers du conte 

Le conte – de fées, mais pas seulement – est lui aussi un récit 

d’apprentissage : « Tout conte de fées est un miroir magique qui reflète 

certains aspects de notre univers intérieur et des démarches qu’exige 

notre passage de l’immaturité à la maturité » 5 . La présence du genre du 

5. Bruno Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées, traduction de Théo Carlier, Robert Laffont, 1976, réédition 

Pocket, 1999, p. 35. 


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conte dans le roman et dans le film présente alors un double intérêt : 

signaler bien sûr le monde de l’enfance, qui est censé être celui de 

Zazie ; mais aussi inviter à une lecture du récit comme un parcours de 

formation : l’itinéraire de Zazie, comme celui des héros de conte, est 

semé d’embûches, et vise à un « passage de l’immaturité à la maturité ». 

Dans le roman, le premier chapitre fait d’emblée allusion au conte du 

« Petit chaperon rouge » par la réplique de Gabriel : « C’est pour te faire 

rire mon enfant » (p. 15), qui est celle du loup dans le conte. Cette citation, 

au-delà de sa dimension humoristique, signale que Zazie, comme 

le chaperon rouge, entre dans un univers de périls où elle constitue une 

victime potentielle. La deuxième mention de l’univers du conte se trouve 

au chapitre III, où les pensées de Zazie s’orientent, face au calme de l’appartement 

de Gabriel (« C’est la maison de la belle au bois dormant »), 

vers ledit conte : « Zazie se rassoit pour se raconter le conte en question » 

(p. 31). Dans le film, ce registre merveilleux est exploité par Louis Malle : 

puisque le monologue intérieur de Zazie ne peut être rendu à l’écran, le 

réalisateur a recours à divers procédés évoquant la magie des contes. 

Ainsi l’usage du hors-champ (15’30’’- 15’38’’) permet de suggérer que 

les chaussures lancées en l’air par la fillette se retrouvent d’elles-mêmes 

à ses pieds ; la musique espiègle d’André Pontin et Fiorenzo Carpi vient 

conforter cette atmosphère merveilleuse. Il faut bien sûr voir dans cette 

scène une allusion subtile aux « bottes de sept lieues », qui vont favoriser 

la fugue de Zazie : le passage d’un conte à l’autre est nécessité par 

l’adaptation cinématographique. 

Mais le registre merveilleux et enfantin du conte se heurte rapidement à 

l’esprit critique de Zazie : après avoir intercalé dans sa conception personnelle 

du conte « des gros plans d’acteurs célèbres », la jeune cinéphile, 

« récupérant son esprit critique, (…) finit par se déclarer que c’est 

drôlement con les contes de fées et décide de sortir » (p. 31). Une nouvelle 

fois, la dimension initiatique du récit est refusée, mais cette fois 

ce refus nous signale que l’innocente enfant n’est peut-être pas aussi 

naïve et fragile qu’on aurait pu le croire. De fait, au cours du récit, c’est 

davantage Zazie qui persécute ses « victimes » – Charles, Gabriel – que 

le contraire ; quant à Pédro-Surplus, il ne l’impressionne guère ! De plus, 

le roman, par les thèmes qu’il aborde et la verdeur de la langue de ses 

personnages (dès ce passage, par exemple : « c’est drôlement con »), se 

distinguera nettement de l’univers du conte… En inversant les codes – la 

petite fille se révèle finalement déjà au courant de certaines réalités de 

la vie –, Queneau brosse donc une parodie du genre du conte, qui sert 

ici le portrait de la fillette à la forte personnalité, et déçoit les attentes 

du lecteur. Une fois de plus, la liberté du personnage de Zazie lui permet 

de sortir de tous les stéréotypes… 

Le récit, s’il présente donc au premier abord nombre d’éléments caractéristiques 

de récits initiatiques comme le conte ou le roman de formation, 

et s’il propose plusieurs images traditionnelles de l’initiation, s’avère en 

réalité une nouvelle fois décevant. De fait, Gabriel n’est pas un véritable 

« adjuvant », les efforts de Zazie pour en savoir plus sur la « sessualité »

B 

sont vains, la descente dans le métro ne se fera pas, et la traversée de 

Paris, nouvelle vision des Enfers, est plus chaotique que formatrice. Seul 

résultat tangible de ce périple initiatique : Zazie a seulement « vieilli », 

elle a donc commencé à sortir du monde de l’enfance… Le constat est 

désenchanté, et nous engage à voir en Zazie plus que l’objet de son 

propre apprentissage : un procédé narratif pour donner à voir et à juger 

le monde et les hommes. Queneau semble en effet confier à son personnage 

enfant le soin de jeter un regard acéré sur la laideur et la bêtise 

du monde des adultes : témoin extérieur, dégagé des obligations et des 

conventions sociales au plus haut point – nous avons déjà souligné son 

anti-conformisme naturel ! –, Zazie se comporte dans le récit comme un 

nouveau Rica 6 , exposant aux regards à la fois la vie moderne et le monde 

des adultes. Si donc la fillette ne semble pas avoir appris grand-chose, le 

lecteur pour sa part profite pleinement de cet éclairage sans concession 

porté sur nombre de tares et défauts des hommes. Le récit se fait alors 

satire morale et sociale – dimension que saura reprendre à son compte 

Louis Malle. 

Zazie dans le métro ou la satire des 

hommes et de la ville 

Rappel : la satire 

La satire est un genre littéraire qui se moque dans le but de critiquer ou de 

dénoncer, mais aussi un registre : plusieurs genres peuvent être de registre 

satirique, comme une fable ou une tirade théâtrale. La caricature, la parodie, 

font partie des procédés de la satire, qui joue souvent sur l’exagération et 

qui n’est pas toujours dénuée d’agressivité. 


1 « Tous les gens sont des cons, dit la veuve Mouaque » (p. 181) : Queneau 

moraliste ? 

Relisez les deux « scènes de foule » (p. 32-34 et 57-58), ainsi que les 

descriptions des Parisiens (p. 31-32), ou celles des touristes écoutant 

avec adoration Gabriel (p. 98 par exemple). Quelle image de la foule est 

ainsi dépeinte dans le roman ? 

6. Célèbre personnage des Lettres persanes de Montesquieu, d’origine persane, qui lors d’un voyage dans la capitale 

met à jour par son regard naïf et distancié le ridicule, l’injustice et la bêtise de certaines des mœurs parisiennes 

ou françaises. 


13 




Dans le film, quels sont les moyens auxquels a recours le réalisateur 

pour proposer une critique de la foule ? Visionnez les scènes de foule 

correspondant à celles du roman :17’58’’-19’16’’ et 32’26’’-33’27’’. 

Relevez aussi d’autres mouvements collectifs dans le film. 

Analyse littéraire et filmique : chapitre XVII, pp. 179-184 / 1h17’31’’- 

1h25’34’’ 

Comment sont décrits les rapports entre individus dans ces pages ? 

Quelle est la cause de la dispute qui éclate au Nyctalope ? Quel registre 

littéraire est ici parodié ? Que cherche à dénoncer le passage ? Dans le 

film, par quels moyens le réalisateur rend-il compte de l’atmosphère 

chaotique du roman ? Quelle dimension critique ajoute-t-il à sa source 

textuelle dans le chapitre XVII ? 

2 La « sessualité » 

Quelle image de la sexualité le roman donne-t-il ? Que cherche à en 

savoir Zazie ? Qu’apprend-elle à ce sujet de la part des adultes ? 

Analyse littéraire et filmique : chapitre XII, pp. 126-129 (du début du 

chapitre à « …avec mon Trouscaillon ») / 1h04’05’’-1h06’27’’ 

Quelle image de la veuve Mouaque et de sa romance avec Trouscaillon le 

narrateur dresse-t-il ? Quel regard porte Zazie sur le personnage ? Quelle 

critique du désir amoureux est ici présentée ? Dans le film, quels procédés 

emploie le réalisateur pour instaurer le registre satirique ? 

3 Zazie, un « tableau parisien » 

Analyse littéraire et cinématographique : chapitre X, pp. 110-113 (du 

début du chapitre à « Le provincial était ravi ») / 52’57’’- 58’42’’ 

Quelle vision de Paris le roman comme le film dressent-ils dans ces passages 

? Qu’est-ce qui est ici l’objet de la satire ? 

Définition du cinéma burlesque 

Faites une recherche, dans une encyclopédie ou un ouvrage consacré 

au cinéma, sur le genre du cinéma burlesque. Proposez-en un bref 

historique, puis dressez la liste des procédés employés par ce genre. 

Dans la séquence que vous êtes en train d’étudier (52’57’’- 58’42’’), 

essayez de repérer quelques-uns de ces procédés. 

Mise au point 


partie B. de ce chapitre.

1. « Tous les gens sont des cons, dit la veuve 

Mouaque » (p. 181) : Queneau moraliste ? 

Les premiers pas de Zazie en solitaire dans les rues de Paris constituent 

une première occasion pour le narrateur de décrire les habitants de Paris. 

Ces derniers sont ainsi tout d’abord caricaturés dans leur respect excessif 

des règles de civilité et de bonne conduite, : « Des personnes vont et 

viennent d’un pas raisonnable. Quand elles traversent, elles regardent 

d’abord à gauche ensuite à droite joignant le civisme à l’excès de prudence 

» (p. 32). Le narrateur se livre ici à un portrait satirique d’habitudes 

bourgeoises de respect des bonnes mœurs (« raisonnable », « joignant 

le civisme à l’excès de prudence »), que les deux scènes de foule 

viennent conforter. La première, que nous avons déjà envisagée au chapitre 

4 du cours, souligne avec virulence l’hypocrisie qui règne chez les 

« braves gens », « alléchés » par l’incident comme l’est la dame de la 

page 33. Dès l’introduction de la scène, le narrateur insiste sur le statut 

social des individus présents, a priori respectable : ce sont des « ménagères 

et des citoyens » (p. 32), il insiste également sur l’apparence qu’ils 

offrent : ce sont « des moralistes sévères » ! Ironiquement, le narrateur 

souligne qu’il s’agit là d’un « public de choix » (p. 33) : remarque à 

double tranchant, qui peut signifier la qualité morale dudit public, ou au 

contraire son appétence déplacée pour les faits divers vulgaires ! Et de 

fait, chacun se révélera, lors de l’échange circulaire de paroles que nous 

avons déjà envisagé, bien davantage attiré par les ragots que par la véritable 

morale, qui eût été de protéger Zazie du potentiel satyre ! La fin de 

la scène culmine avec la réplique grossière d’une des ménagères : « Va 

te faire voir par les crouilles si ça te chante et ne m’emmerde plus avec 

tes vicelardises » (p. 34), qui finit de mettre à jour sous les apparences 

respectables des premières lignes la grossièreté d’une foule attirée par 

les faits divers, la sexualité et un usage narcissique du langage. Le narrateur 

peut alors reprendre un ton empreint d’ironie (« Profitant de l’intérêt 

technique suscité par les accusations de Zazie », p. 34), procédé qui 

avec celui de la caricature signale la mise en œuvre de la satire sociale. 

Le film consacre du temps à la reprise de cette scène, dans laquelle il met 

en œuvre des procédés comparables à ceux employés dès les premières 

minutes du film lors de la scène de la gare (cf. chapitre 2 du cours). De 

fait, déjà dans cette séquence inaugurale, la caméra présentait dès le 

début les gens sous un jour caricatural et négatif au moyen de divers 

procédés : 

E des gros plans ou des plans rapprochés sur les visages des personnages, 

soulignant yeux écarquillés, regards fixes, accoutrements ridicules ; 

E fixité de mannequins : aucun ne bouge, ni ne se rend compte des vols 

du pickpocket ; 

E gestes répétitifs d’automates, comme ceux de l’homme remontant sa 

montre. 


15 




La caméra, par des exagérations propres au genre burlesque (voir cidessous 

pour ce genre cinématographique), ne fait pas autre chose des 

minutes 17’58’’ à 19’16’’. Le réalisateur insiste d’abord sur les apparences 

respectables de la foule, en ajoutant une fanfare jouant une 

musique « religieuse » (on entend en voix off « Ô toi Seigneur » au début 

de la séquence), pour très rapidement présenter des gros plans peu 

flatteurs : la patronnesse ouvre ainsi des yeux écarquillés de curiosité 

(18’03’’), comme à sa suite tous les autres personnages. Ladite patronnesse 

fait d’ailleurs passer deux fois le « message », et sa présence 

superlative renforce la dénonciation : le comportement de la foule, derrière 

une façade de respectabilité, n’est qu’attirance malsaine pour les 

déviances sexuelles diverses ! La fin de la séquence, devant le camion 

de pompier, culmine dans un chaos général, amplifié par les couleurs 

criardes, les bruitages agressifs (klaxons, cris…) et les costumes divers 

et improbables (pompiers, hôtesse de l’air…). 

La seconde scène de foule dans le roman témoigne tout d’abord du 

regard de Zazie, sans aucune pitié pour la petite bourgeoisie du lieu : 

« de braves gens avec des têtes de cons, des pères de famille, des retraités, 

des bonnes femmes qui baladaient leurs mômes, un public en or, 

quoi » (p. 57). La réaction de la foule est cependant opposée à celle 

de la scène précédente : le vol, atteinte à la propriété privée, qui est 

« sacrée », lui fait prendre la défense de Pédros-Surplus contre l’enfant. 

La foule se fait alors agressive contre Zazie, ne reculant pas devant 

l’injure : « De la mauvaise graine », « Saloperie ». L’intervention qui suit 

d’une « dame de la haute société » emplie de belles idées humanistes 

(« Elle n’est pas responsable de la mauvaise éducation que, peut-être, 

elle reçut », p. 58), est elle aussi rendue caricaturale, par le registre de 

langue précieux que le narrateur adopte alors (« Elle s’enquit auprès de 

la populace de la cause de l’algarade »). La satire sociale n’épargne donc 

personne, ni la foule populaire dépourvue de morale prête à lyncher tantôt 

un innocent, tantôt une enfant, sur la foi de témoignages sans valeur 

et au gré d’émotions plus que de la raison (« La foule se fit frémir d’un 

murmure de compassion », p. 58), ni les beaux sentiments utopiques de 

la bourgeoisie. 

Dans le film, le réalisateur joue sur un procédé de récurrence visuelle 

pour rendre l’idée de la versatilité de la foule : de fait, les personnages 

– qui sont aussi présents dans la scène de la gare, et dans celle du taxi… 

– sont exactement les mêmes, et filmés dans le même ordre, que dans 

la première scène de foule ! Les gens ne semblent donc avoir aucune 

morale, et suivre les instincts les plus bas du groupe, sans recul ni 

réflexion… 

Enfin, Queneau se livre également à la critique de la foule des touristes. 

Les années soixante voient en effet le début du développement du tourisme 

de masse, que le roman parodie par la caricature de touristes naïfs 

et avides au-delà du raisonnable de « culture », des « fanatiques » semblables 

à des moutons dépourvus d’esprit critique : « Communiant dans 

une incompréhension unanime et totale, les voyageurs béèrent » (p. 98). 

Vous reconnaissez ici l’un des procédés de la satire : le recours à la cari-

cature par la figure animale… comme chez La Fontaine ! Tout au long 

du chapitre IX, Gabriel se voit accorder le pouvoir d’un Messie : « ils 

contemplaient avec émotion l’archiguide Gabriel. Il leur sourit. Alors, 

ils espérèrent ». Cette absence totale de raison, au profit d’une émotion 

irrationnelle qui emporte la foule en question sur les pas d’un personnage 

inculte qui n’hésitera pas d’ailleurs à l’escroquer, s’avère à la 

fois comique et inquiétante. Et c’est par Zazie qu’une morale générale 

semble se dégager : « Ce qu’ils peuvent être cons » (p. 131). 

Louis Malle a particulièrement insisté sur ce thème, placardant les comportements 

irrationnels de la foule des touristes grâce aux personnages 

des Norvégiennes qui, fascinées par Gabriel en 41’57’’, réapparaîtront à 

plusieurs reprises et incarneront la bêtise du groupe au sein duquel l’individu 

perd sa faculté de jugement (voyez justement cette courte scène 

de l’ascenseur de la Tour Eiffel, dans laquelle les effets d’accéléré et les 

bruitages donnent à travers la représentation du groupe de touristes une 

image de la foule marquée par le bruit, l’agitation et l’agressivité). Le 

choix des costumes est ici symbolique : toutes habillées de la même 

façon, les jeunes filles paraissent dépourvues de personnalité propre… 

Analyse littéraire et filmique 

Le chapitre XVII voit culminer une tension verbale qui trouve ici son 

paroxysme. Gabriel se montre particulièrement ironique et cruel envers 

la veuve Mouaque (« Moche comme vous êtes », « la vieille taupe », 

« vieille soucoupe », « ce vieux débris »), qui devient la cible commune 

des quolibets de Zazie et de Turandot. À cette agressivité gratuite 

s’ajoute le fait que les échanges de paroles se font toujours plus vains 

et vides de sens, au point de tourner en rond (« Tu comprends, dit Turandot 

à Gridoux, je comprends ce que tu comprends aussi bien que toi »), 

jusqu’à la remarque de la veuve Mouaque, « Tous les gens sont des cons. 

Vous compris, ajouta-t-elle pour Gridoux » (p. 181) : c’est alors que la 

scène bascule dans la violence physique. La gradation de la scène est 

progressive, et part d’une « calotte », puis se prolonge par des « gifles ». 

Suit l’intervention des loufiats 7 du Nyctalope et la réplique de Gabriel 

(p. 182), la tentative du loufiat solitaire (p. 182-183), et la contre-attaque 

de Gridoux. La scène prend une dimension collective avec le déferlement 

des « troupeaux de loufiats qui surgissaient de toutes parts », qui 

devient un véritable « magma humain » (p. 183), jusqu’à la « victoire » 

finale (p. 184) : la description fait donc alterner duels individuels et 

batailles dans un mouvement d’amplification qui inscrit le passage dans 

le registre épique. Le narrateur se plaît ainsi à l’emploi d’expressions 

homériques, comme ces comparaisons propres au style de l’Iliade : « Tel 

le coléoptère attaqué par une colonne myrmidonne 8 , tel le bœuf assailli 

7. Garçons de café 

8. Les Myrmidons sont un peuple mythique de Grèce. Dans l’Iliade, ils participent à la guerre de Troie sous les 

ordres d’Achille. 


17 




par un banc hirudinaire, Gabriel se secouait (…) » 9 (p. 183)… bien que le 

comparant (« coléoptère ») soit ici plus comique qu’épique ! Cette scène 

de chaos burlesque oscille entre ardeur guerrière et décalages parodiques 

(la mêlée est qualifiée de « meute limonadière », les armes sont 

des « siphons », Turandot hurle par deux fois « Palsambleu » en imitant 

la danse de Gabriella…) ; elle n’a pas de cause réelle : l’affrontement est 

en effet né du langage lui-même, qui véhicule violence et agressivité de 

façon déraisonnable et imprévisible. Quel rapport en effet entre l’insulte 

à valeur généralisante de la veuve Mouaque et la « bigorne » généralisée 

qui s’ensuit ? Le passage expose donc, de façon cataclysmique et 

disproportionnée, mais exemplaire, l’absurdité qui règle les relations 

humaines. 

Louis Malle s’empare de cette scène pour à son tour dénoncer certains 

travers humains. En lieu et place de la parodie du registre épique et 

homérique, qui repose surtout sur les comparaisons et les jeux de langage, 

le réalisateur mêle jusqu’au vertige diverses reprises parodiques 

de genres, sous-genres ou motifs cinématographiques. Après un début 

pacifique sur fond de musique classique, la séquence dégénère peu à 

peu, ajoutant à la violence verbale du roman une violence physique (cf. 

l’échange de gifles entre la veuve Mouaque et Gridoux), et mêlant à la 

scène du Nyctalope celle de la choucroute (chap. 12) et les personnages 

récurrents du film (Norvégiennes et ours polaire de la séquence de la 

Tour Eiffel), ce qui contribue encore à la confusion générale. S’ajoute 

alors la parodie des films de gangsters des années 1950-60, où l’on voit 

au premier coup de feu des loufiats en veste blanche sortir de derrière 

le bar (1h19’53’’), puis le motif des « Folies Bergères ». L’enchaînement 

de gags se poursuit, et s’y ajoute un nouveau détournement parodique, 

celui du film d’espion (1h20’17’’), avec Gridoux en James Bond quelque 

peu décalé tirant avec une chaussure… comme son métier l’y invite d’ailleurs. 

À partir de 1h22’20’’, la musique se fait plus dramatique, au fur 

et à mesure que le décor même est détruit par les acteurs pris de furie. 

La violence générale est, comme dans le roman, à la fois humoristique 

et disproportionnée ; on notera d’ailleurs que certains gags, comme 

celui de l’ours polaire (1h21’05’’), de la « dévoration » d’un loufiat par 

une « bouche » du décor (1h21’21’), ou de l’exécution d’un autre d’une 

balle en pleine tête (1h21’36’’), sont à la frontière du comique et de la 

cruauté, mettant le spectateur quelque peu mal à l’aise par leur exagération 

revendiquée… La thématique guerrière est reprise par le motif, 

parodié, de la « retraite » des combattants, danseuses de french cancan 

et Norvégiennes en tête. L’absurdité de l’affrontement, qui n’a rien laissé 

debout, ni décors, ni hommes, ni bêtes, semble une allusion à l’absurdité 

de la guerre elle-même, emblématique de relations humaines faites 

de violences et de déraison. 

9. Voyez, par exemple, au chant III de l’épopée : « Tels que les nombreuses brebis d’un homme riche, et qui bêlent sans 

cesse à la voix des agneaux, tandis qu’on trait leur lait blanc dans l’étable, les Troyens poussaient des cris confus et 

tumultueux de tous les points de la vaste armée ». L’Iliade abonde en comparaisons de ce genre, dans lesquelles les 

comparants, présentés avant les comparés par un terme de comparaison (« tels… »), sont très développés.

La séquence débouche logiquement sur l’apparition d’Aroun Arachide 

(1h24’ 11’’), dont les comparses ont des costumes comparables aux Chemises 

Noires10 : l’allusion aux régimes fascistes est évidente, et signale de 

façon visuellement très forte qu’un climat de violence et de division peut 

déboucher sur une prise de pouvoir… Malle ajoute donc une dimension politique 

à son propos, qui ne figure pas explicitement dans le roman (bien que 

la mention des « blindés » p. 186 et des « mitraillettes » p. 188 introduise 

une note militaire dans l’affrontement). Les mimiques d’Aroun Arachide, les 

cris de la foule en voix off et la scénographie générale sont sans ambiguïtés : 

le réalisateur propose bien ici une parodie de Mussolini et de ses discours. 

La fin de la séquence sombre alors dans la guerre véritable, jusqu’à ce que 

le clairon de Gridoux sonne la retraite (1h23’59’’) à la fin de la séquence. 

Malle revendique la dimension critique et politique de cette partie du 

film : « « Si j’ai traité Zazie dans un ton absurde et irréel, ce n’est pas gratuitement, 

c’est parce que le monde où nous vivons est absurde et irréel 

(…). À la fin, pendant la bagarre dans le café, on voit apparaître des Chemises 

Noires. C’est une parabole. À ce moment-là, le film n’est plus du tout 

comique et devient même assez rigoureux. C’est l’engrenage de l’histoire. 

Les gens cassent des verres et puis ça tourne à la guerre mondiale ». 11 

2. La « sessualité » 

Le roman abonde en visions critiques de l’amour et de la sexualité. Les 

exemples ne manquent pas de relations empreintes de violence et de 

brutalité, verbale ou physique : 

E l’inceste est évoqué dès le début du récit : « Tu comprends, je ne veux pas 

qu’elle se fasse violer par toute la famille. – Mais, maman, tu sais bien que 

tu étais arrivée juste au bon moment, la dernière fois » (pp. 9-10) ; ce thème 

réapparaît dans le récit pseudo-biographique de Zazie au chapitre V, empli 

de la violence et de la vulgarité des fait divers dont la fillette a été abreuvée ; 

E la conception que se fait Turandot des relations entre jeunes filles et 

« vieux gâteux » ressortit à la prostitution : « elle aura eu le temps de 

mettre la main dans la braguette de tous les vieux gâteux qui m’honorent 

de leur clientèle » (p. 20) ; 

E l’attirance déjà évoquée de la foule pour les histoires de pédophilie 

apparaît au chapitre III ; 

E le personnage ambigu Pédro-Surplus renvoie aux « satyres », réels ou 

fantasmés ; 

E l’homosexualité est abordée avec le personnage de Gabriel, mais aussi 

l’agressivité ostensible envers ceux qui ont cette orientation sexuelle : 

Trouscaillon traite ainsi l’oncle de Zazie de « pédale » (p. 63) ; 

10. Les Chemises noires étaient les adhérents aux milices du régime fasciste de Benito Mussolini, organisés 

depuis le 23 mars 1919 en Faisceaux italiens de combat. 

11. Louis Malle, « Le premier film que j’aime », extrait du journal Le Drapeau, Bruxelles, 12 nov. 1960. Reproduit 

dans l’Avant-scène Cinéma no 104, 1er juin 1970, p. 9. 


19 




E la nymphomanie, est évoquée avec le personnage de la veuve Mouaque 

(voir l’analyse de texte ci-dessous) ; 

E l’absence de romantisme dans les relations entre hommes et femmes 

apparaît dans les propos de Charles, parlant de son mariage : « C’est 

vrai, ça, dit Charles. Au fond, y aura rien de changé, sauf que, quand on 

tirera un coup, ça sera dans la légalité », (p. 141) ; 

E le viol avec la tentative de viol de Trouscaillon sur Marceline : « Bin 

voilà, dit le type, j’ai un sacré béguin pour vous. Dès que je vous ai vue, 

je me suis dit : je pourrais plus vivre sur cette terre si je ne me la farcis 

pas un jour ou l’autre, alors je me suis ajouté : autant que ça soye le 

plus vite possible » (p. 160) ; 

E le travestissement avec la métamorphose de Marceline/Albertine en 

Marcel/ Albert au dernier chapitre. 

Le récit semble un véritable inventaire des tendances et déviances diverses 

de la sexualité auxquelles Zazie assiste, sans détenir la clef de tous ces 

comportements. Elle se montre cependant perspicace et critique envers 

des adultes qui semblent galvauder l’amour et céder sans vergogne à tous 

leurs instincts. Notons que, si les diverses tendances sexuelles ne constituent 

pas une problématique spécifique de l’époque, c’est en partie grâce 

à l’ordonnance de 1958, qu’il commence à devenir possible d’en parler 

dans les années 1960. Cette ordonnance permet au Juge pour enfants de 

prendre rapidement des mesures de placement pour tout enfant victime de 

crimes ou délits au sein de sa famille, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors. 12 

L’apprentissage véritable de Zazie, en ce qui concerne ce thème clef de 

la sexualité, pris comme caractéristique de la vie proprement adulte, 

s’avère par conséquent surtout la découverte de l’hypocrisie, de l’évitement 

(pensez à la « fuite » de Charles au chap. VIII), du mensonge et de 

la perversion. Dans le roman comme dans le film, la satire et la caricature 

(de la veuve Mouaque par exemple) sont employées pour dépeindre les 

travers moraux d’adultes que Malle qualifie de « fantoches ». 

Analyse littéraire et cinématographique 

La veuve Mouaque, sous le regard sans pitié de Zazie, dévoile sa nature 

de femme en quête éperdue d’affection et d’une sexualité destinées à 

combler sa solitude. 

La médiocrité de la romance entre elle et Trouscaillon est annoncée dès 

le début du chapitre : à la parodie du topos romantique de la rencontre 

amoureuse et du « coup de foudre » (« Trouscaillon et la veuve Mouaque 

12. Comme l’explique Amélie Maurin dans son article « Zazie, une enfant moderne ? » (2007), n’oublions pas que 

« ce sont les congénères de Zazie qui manifesteront en 1968, et qui brigueront la révolution culturelle, sexuelle 

et sociale, déjà en marche explicitement dans les textes de Queneau. […] Par ailleurs ses questionnements sur 

la sexualité et la dénonciation de la perversion sont autant d’évocations de la révolution sexuelle en marche et 

des droits et politiques de protection de l’enfant et de la femme ».

avaient déjà fait un bout de chemin lentement côte à côte mais droit 

devant eux et de plus en silence, lorsqu’ils s’aperçurent qu’ils marchaient 

côte à côte lentement mais droit devant eux et de plus en silence. Alors 

ils se regardèrent et sourirent : leurs deux cœurs avaient parlé », p. 126) 

s’ajoute une description fort terrestre, voire écœurante, des corps et de 

la sexualité. Le narrateur insiste ainsi sur la chair, le désir et la satisfaction 

physiques qui sont communs aux hommes (« quelques halliers déjà 

s’humectaient le tube ingestif avant de charrier leurs légumes », « la serveuse 

à la chair livide », p. 126), et sur le contraste qui existe ainsi entre 

le noble sentiment de l’amour et la médiocrité des personnages (« pour 

laisser enfin les mots d’amour éclore à travers le bulbulement de leurs 

bières », p. 127). Le style soutenu voire poétique ne dénonce que mieux 

l’objectif « sexué » de la veuve, voilé derrière l’alibi de l’amour : « ils resteraient 

posés sur la susdite banquette de velours échangeant, dans le 

trouble de leurs mains enlacées, des vocables prolifiques en comportements 

sexués dans un avenir peu lointain ». Zazie est alors celle par qui 

la satire s’opère : par sa fameuse clausule, elle subodore l’hypocrisie 

de la veuve Mouaque dans sa complainte sur sa solitude (« seule mon 

cul », p. 128), coupe le discours « amoureux » par une question bien légitime 

(« C’est le flicart qui vous met dans cet état ? »), perce à jour sous l’« 

amour », le sexe : « – Ah l’amour… quand tu connaîtras… – Je me disais 

bien qu’au bout du compte vous alliez me débiter des cochonneries », 

pour enfin réduire le langage de la veuve à du « cinéma » (« Tout ça, c’est 

du cinéma », p. 129). Une nouvelle fois, Zazie est le vecteur « cruel » de la 

satire morale : les adultes camouflent par des mots galvaudés et un discours 

convenu (« Bonnes fleurs bleues 13 », dira-t-elle à la veuve p. 131) 

des instincts bas et peu avouables. Le narrateur cependant n’est pas en 

reste (« la veuve qui de temps à autre retrouvait des débris de moralité 

pour les autres dans les ruines de la sienne pulvérisée par les attraits du 

flicmane », p. 131)… 

Louis Malle a insisté particulièrement sur le personnage de la veuve 

Mouaque. Dès le début, la pose romantique et l’air énamouré du personnage 

(« Je fais des folies », 1h04’26’’) se voient immédiatement dégradés 

par la réplique de Zazie (« Qu’est-ce qui n’en fait pas »), et par un 

mouvement de travelling descendant de la caméra sur la fillette léchant 

ingénument une glace. La répétition à l’identique de la réplique « Dis, ça 

ne te fait rien si je marche un peu avec toi… » (1h05’31’’ et 1h05’40’’) 

confère un aspect mécanique au personnage, qui poursuit littéralement 

Zazie tout au long du chapitre le long des rues de Paris en quête 

d’affection. L’actrice prend des intonations pathétiques, renforcées par 

ses mimiques caricaturales mises en valeur par les gros plans que le 

réalisateur favorise à partir de la minute 1h05’44’’. La veuve apparaît 

alors obsédée par un « amour » bien névrotique. Elle accorde d’ailleurs 

un regard apitoyé au pickpocket qu’elle prend, au pied de la lettre, « la 

main dans le sac » à la fin de la séquence, comme si les personnages 

monomaniaques se comprenaient entre eux… 

13. « Être fleur bleue » signifie être sentimental, mais Les fleurs bleues est aussi un roman de Queneau… Vous 

aurez noté que l’autocitation fait partie des jeux littéraires que le romancier pratique avec son lecteur. 


21 




3. Zazie, un « tableau parisien » 

Analyse littéraire et cinématographique 

Outre la satire des mœurs, la critique sociale est aussi présente dans les 

deux œuvres, surtout à travers la description de la ville moderne emblématique 

qu’est Paris et à travers celle de ses habitants. 

La première partie du chapitre X est ainsi consacrée à un « tableau parisien 

» illustrant les déboires engendrés par la circulation pléthorique. La 

description initiale est étrangement indéfinie et désincarnée (« il roulait 

dans les rues une quantité accrue de véhicules divers », « Un encombrement 

radical devait sans doute geler quelque part toute circulation », 

p. 110), comme si la ville n’était plus qu’un espace dont il fallait gérer 

les flux, vidée de vie humaine. Notez à ce sujet les images de liquides 

s’écoulant, comme « une dégoulinade de voitures » (p. 111) : nulle 

figure humaine, mais seulement des mouvements rapides de fluides circulant 

ou immobiles). Les habitants sont d’ailleurs réduits à un pluriel 

généralisant, « des piétons ou des piétonnes fatigués ou impatients ». 

L’agitation urbaine exclut toute individualité et toute compassion, laissant 

le malheureux Trouscaillon sans recours (« Trouscaillon…en tira 

quelques sons déchirants. Les voitures qui passaient poursuivirent leur 

chemin », « son petit sifflet ne semblait impressionner qui que ce soit », 

p. 111) ; les cyclistes sont d’ailleurs « insouciants », adjectif composé 

qui exprime étymologiquement le peu de soin, de « souci » qu’ils ont 

d’autrui. 

La répétition par trois fois de la saynète des pages 111-112, où l’on voit 

Trouscaillon se heurter à la violence des rapports humains urbains, est 

symbolique : reprenant intentionnellement les mêmes termes (« Une 

conduite intérieure bien banale fit son apparition »), le ressassement 

de l’épisode à l’identique mime l’échec répété et programmé qui est 

celui d’une quête de rapports normaux et pacifiques. La virulence des 

réponses des conducteurs (« Vous êtes pas content avec ça ? », « Eh 

bien, allez vous faire voir par les Marocains ») est en correspondance 

avec l’environnement général, marqué par l’agressivité sonore des 

embouteillages, voyez le champ lexical du bruit : « cris », « décibélité », 

« vacarme », « roulade de sons aigus », « sifflait avec frénésie »… 

Malle s’est montré particulièrement intéressé par l’image déshumanisée 

de la ville moderne que livre Zazie. La séquence correspondant à celle du 

roman a été modifiée par le réalisateur : de fait, la courte scène répétée 

trois fois est supprimée ; l’accent est par contre mis sur les vues de rues 

et de boulevards embouteillés, au milieu desquels tentent d’évoluer les 

personnages, dans un mouvement épique parodié. De fait, le passage 

s’ouvre sur une musique héroïque digne d’un western qui souligne les 

hauts faits de Trouscaillon, transformé par le désir de la veuve Mouaque 

en héros. La caméra met l’accent sur le chaos de voitures agglutinées,

grâce à la profondeur de champ du plan d’ensemble de la minute 53’10’’ ; 

face à ce tableau, Trouscaillon menace de céder au découragement, mais 

la musique repart en même temps que la voiture en direction des « guidnappeurs 

». Les mouvements de caméra sont souvent heurtés, comme 

lors du travelling avant qui suit l’avancée des personnages (53’38’’ et 

suivantes), reflétant la rudesse du milieu urbain. Toute la séquence est 

marquée par la récurrence des plans présentant des embouteillages qui 

semblent sans fin : l’aventure est freinée, le « héros » muni d’un unique 

sifflet inutile, ridiculisé, et par conséquent le registre épique, parodié : 

dans la ville moderne, toute grandeur est ramenée aux contraintes de la 

circulation automobile ! 

Dans le car de Fédor Balanovitch (53’54’’), c’est un autre chaos qui se 

fait jour : celui des langues. Le bus semble une autre Babel, où s’entremêlent 

idiomes et costumes de tous pays, dans un désordre amplifié 

par un travelling arrière qui suit à reculons un Gabriel éberlué, témoin 

de cette diversité symbolique : les passagers du bus sont le reflet de 

la population bigarrée de la ville elle-même. Le désordre général, déjà 

important, s’amplifie encore dans la deuxième partie de la séquence, qui 

voit s’accumuler les péripéties sur un rythme accéléré : Zazie fait monter 

des auto-stoppeurs en costume tyrolien, l’« hôtesse » du bus amène 

des plateaux avec une rapidité amplifiée par le montage cut (55’40’’ et 

suivantes)… Paris semble ici un lieu bien peu civilisé, bruyant et peu 

humain. Notez qu’à l’instar du roman, le film ne montre presque pas 

d’hommes, seulement des voitures ! Voici quelques mots du réalisateur 

résumant la démonstration qui a été la sienne, dans l’œuvre en général : 

« Zazie, c’est vraiment l’ange qui vient annoncer la destruction 

de Babylone. J’aimerais que ce film dit comique (...) transmette 

à l’arrivée cette idée qu’il est difficile d’être un homme dans une 

ville occidentale en 1960. [...] J’ai voulu montrer une image terrible 

de la vie dans les villes modernes : peut-être que, voyant 

le film, les Parisiens, épouvantés, s’enfuiront à la campagne ». 

Dans la seconde partie de la séquence, la présence de gags assure l’instauration 

du registre burlesque, lequel fait glisser la séquence à la fois 

vers le comique et vers le chaos, ce qui reflète l’image que Malle voulait 

donner de la ville moderne. 

Définition du cinéma burlesque 

Le burlesque est un genre cinématographique qui appartient à la famille des 

films comiques. Comme la comédie, le burlesque cherche à amuser le spectateur, 

mais il se caractérise par des effets comiques inattendus (gags) qui 

font entrer le spectateur dans un univers dominé par l’absurde et le non-sens. 

Le premier film burlesque est également l’un des premiers films de 

l’histoire du cinéma : en 1895, les Frères Lumière présentent L’arroseur 

arrosé, un film de quelques dizaines de secondes dont le gag unique 


23 




deviendra universellement célèbre. Avec Auguste et Louis Lumière, mais 

aussi, dans les années suivantes, avec des réalisateurs tels que Georges 

Méliès ou Ferdinand Zecca, le cinéma burlesque est surtout français. Le 

maquillage et les exagérations gestuelles et vestimentaires sont alors 

mis à l’honneur. Une des caractéristiques du burlesque est aussi la simplicité 

du scénario, ce qui donne naissance à des films essentiellement 

visuels, s’attachant plus particulièrement à montrer plutôt qu’à raconter. 

Jusqu’à la fin des années 1920, date à laquelle arrive le cinéma parlant, 

les films burlesques d’Hollywood connaissent un grand succès populaire. 

L’un des pionniers de ce genre cinématographique aux États-Unis est 

Mack Sennett qui invente le « slapstick », équivalent du burlesque français 

; il lance la carrière de plusieurs comédiens dont Charles Chaplin, qui 

crée le personnage de Charlot. L’arrivée des films parlants va bousculer 

les règles du burlesque, qui connaît encore de grands succès avec les 

films des Marx Brothers et de W.C. Fields, ou de Jacques Tati en France, 

qui avec Jour de Fête, Les Vacances de M. Hulot ou Parade, a dénoncé 

avec humour les travers et les excès de la société de consommation. 

May LINDER 

© KOBAL/THE PICTURE DESK/AFP. 

Les films burlesques sont généralement fondés 

sur une idée unique à partir de laquelle les 

gagmen (créateurs de gags) improvisent une 

succession de péripéties qui enclenchent un 

cataclysme visuel volontairement absurde. 

Les effets comiques les plus appréciés sont 

les batailles de tartes à la crème, les coursespoursuites 

en voiture, en vélo ou en moto… 

De ce chaos naissent inévitablement des 

collisions, des chutes, des catastrophes en 

chaîne, essence même du burlesque. 

Ces « gags » (à l’origine, mot qui vient du 

music-hall anglais et désigne une improvisation 

sur scène) peuvent naître d’effets d’accumulation, 

de gradation ou de rupture, de 

l’absence de logique voire de l’absurde. 

Zazie dans le métro a souvent été classé 

comme « comédie burlesque » : c’est dire si 

les éléments de ce genre sont présents dans 

l’œuvre de Louis Malle. Ce dernier joue sur 

différents registres comiques – comique de 

caractère, de situation, de gestes – et sur des 

motifs récurrents dans les films de l’âge d’or 

du burlesque muet. Parmi ceux-ci : 

E les courses-poursuites (entre Zazie et Turandot, puis entre Zazie et 

Pédro-Surplus) ; 

E les jets de projectiles, les coups et les chutes ;

E les explosions, les destructions d’objets ou de décors ; 

E les bagarres collectives : revoyez la scène finale au Nyctalope ; 

E la démultiplication d’un personnage : Zazie, par exemple, peut être vue 

plusieurs fois dans un même espace, comme lors du dîner chez Gabriel 

au début du film, ou lors du repas de moules ; 

E la répétition d’une action : Gabriel se cognant la tête dans une cabine 

téléphonique lors de la répétition ; 

E les actions effectuées comme par magie : Zazie lance ses chaussures 

en l’air et les a immédiatement à ses pieds ; 

E les situations absurdes : elles abondent dans la séquence du marché aux 

Puces : un musicien joue du violon avec un archet mais sans violon, Zazie 

trouve un enfant « d’occasion » puis une perle dans une moule ; en haut 

de la Tour Eiffel, un marin se tient face aux embruns sur la tour Eiffel… 

Louis Malle va jusqu’à employer des éléments propres aux dessins animés, 

comme les explosions en « cartoon » lors de la course-poursuite 

(de 27’30’’ à 32’08’’), passage riche en « gags » accumulés à l’extrême. 

Le réalisme disparaît au profit d’un mélange des genres privilégiant un 

comique absurde et poétique qui n’est pas sans rappeler celui des surréalistes… 

et donc un aspect de l’œuvre de Queneau lui-même ! 

Dans la seconde partie de notre séquence, les gags s’accumulent peu à peu : 

E présence des « hôtesses » qui métamorphose l’espace du bus en 

avion ; 

E voiture de la veuve Mouaque qui se retrouve posée sur une autre (bien 

inutilement, puisque qu’elle n’en avance pas plus vite !) ; 

E disparition des personnages par un effet de montage (min. 56’04’’) ; 

E voiture peu à peu privée de sa carrosserie, laquelle est portée par les 

auto-stoppeurs et le pickpocket ; 

E petite route secondaire qui se voit envahie par les embouteillages, qui 

ont suivi Gabriel et Zazie. 

Tous ces éléments burlesques relèvent de l’absurde et du non-sens, 

et, dans le même temps, prêtent à sourire et amènent le spectateur à 

réfléchir sur la nature du chaos urbain. Pour conclure, laissons une fois 

encore la parole au réalisateur : 

« Nous nous sommes aperçus peu à peu que désintégrer le 

langage cinématographique traditionnel n’était pas seulement 

un exercice de style, mais le moyen le plus efficace de décrire, 

de parodier un monde lui-même désintégré et chaotique ». 

Paris apparaît donc comme un Enfer urbain chaotique engendrant des attitudes 

peu civilisées chez Queneau comme chez Malle. Cette satire s’inscrit 

dans une critique de la modernité qui est déjà pratiquée par Baudelaire 14 , 

et qu’on retrouve chez Jacques Tati, un autre maître du cinéma burlesque. 

14. Relisez à ce sujet les « Tableaux parisiens », dans Les fleurs du mal. 


25 



C 


C’est donc en fait Zazie qui instruit le lecteur au fil de son parcours, plus 

qu’elle n’est instruite elle-même : sa « pureté » en fait finalement un 

« agent révélateur » des travers humains plus qu’une fillette en demande 

d’apprentissage. Louis Malle a bien cerné cet aspect du personnage dans 

la séquence de la répétition (chap. XIII) où Zazie fait tomber le décor, au 

sens propre comme au sens figuré : dans le plan de la minute 1h04’02’’, 

Zazie apparaît d’un coup, par un procédé de surimpression 15 de l’image, 

au côté d’un ange, le visage sévère, tel un ange exterminateur jugeant 

sévèrement les adultes… Le réalisateur a ainsi qualifié Zazie « d’ange 

qui vient annoncer la destruction de Babylone 16 », faisant de la fillette la 

cause de la destruction des certitudes. Mais au-delà de la satire comme 

dévoilement des vices et tares de l’homme et de la société, Zazie est 

aussi celle qui interroge les adultes sur le sens de la vie. Ce dévoilementlà 

lui sera-t-il accordé ? 

Zazie dans le métro, un roman philosophique 

? 


Parcours thématique de lecture : relisez les extraits suivants, qui constituent 

autant d’indices grâce auxquels l’auteur nous met sur la voie de 

l’interprétation de son œuvre et revoyez les scènes correspondantes du 

film, lorsqu’elles existent : 

E la réplique de la « vérité » (de « – La vérité, dit Charles » à « quelle 

misère ! », p. 16) ; 

E les deux discours de Gabriel (de « – L’être ou le néant » à « sont des 

absents », pp. 91-92, et de « – Pourquoi, qu’il disait » à « professionnellement 

épilées », pp. 119-120) ; 

E les réflexions de Madeleine : de « D’ailleurs nous, est-ce qu’on entrave 

vraiment kouak ce soit à kouak ce soit ? » à « quand on va se marier. », 

p. 147) ; 

E la méditation de Trouscaillon (de « Trouscaillon avait de nouveau » à 

« Trouscaillon soupira », p. 166) ; 

E le discours d’Aroun Arachide (de « Oui, dit l’homme au pébroque » à 

« l’ensemble de la situation », pp. 188-189). 

À travers ces passages, qui scandent le roman du début à la fin, quels 

thèmes de réflexion semblent être développés ? Quelle est la fonction 

15. Surimpression : procédé qui consiste à re-filmer sur une parcelle de pellicule déjà impressionnée pour créer la 

superposition de plusieurs éléments sur une même image. 

16. Dans la Bible, la ville de Babylone symbolise la corruption, la décadence et l’orgueil des hommes

du personnage d’Aroun Arachide, telle qu’il l’expose lui-même ? En 

quoi peut-on dire alors qu’il y a une dimension « philosophique » dans 

l’œuvre ? Par conséquent, que pouvez-vous conclure sur le caractère initiatique 

du roman ? 

Mise au point 

Penchons-nous sur les extraits mentionnés et sur les thèmes qu’ils 

abordent. 

La réplique de Gabriel (p. 16), inaugure dans le chapitre liminaire une 

succession de pensées et méditations diverses sur l’existence, place 

d’emblée le lecteur face à une notion centrale dans le roman, à savoir la 

vérité, d’ores et déjà taxée d’illusion : « Comme si quelqu’un au monde 

savait cexé ». Illusoire est pour Gabriel toute tentative de connaissance 

du monde, et aussi bien le Panthéon que les Invalides sont des objets 

« bidon » que ni lui ni Charles ne parviennent à véritablement connaître 

et à présenter avec certitude à Zazie. Derrière les monuments de Paris, 

que les deux hommes confondent régulièrement au long du chapitre I, 

c’est la réalité en général qui se trouve désignée. Malle renforcera le sentiment 

de confusion en remplaçant chacun desdits monuments par une 

seule et même église, récurrente quelque soit la progression spatiale 

des personnages – il s’agit de l’église Saint Vincent de Paul –, de 05’39’’ 

à 07’35’’ : la sensation d’égarement est alors à son comble. 

Le premier discours de Gabriel, que nous avons déjà envisagé au chapitre 

IV du cours, présente également, sous des dehors parodiques 

et humoristiques, l’existence comme une illusion : « Paris n’est qu’un 

songe, Gabriel n’est qu’un rêve (…), Zazie le songe d’un rêve ». Reprenant 

à la littérature baroque 17 plusieurs citations ou encore le thème de 

la mort guettant l’homme au cœur même de la vie, le monologue insiste 

sur la limite de la connaissance de l’homme : « Mais moi je suis vivant, 

et là s’arrête mon savoir », « je ne sais en ce moment précis et ici-même 

je ne sais que ceci », qui ne peut connaître qu’une seule chose : sa 

propre mortalité (« les voici presque morts… »). Les ressorts burlesques 

employés par Malle (gags, personnages improbables, situations décalées…) 

confortent alors l’impression de perte de réalité : le « rêve » 

prend le pas sur la vie réelle… 

Le second discours de Gabriel constitue une démonstration comparable, 

qui, sous les dehors comiques que créent les rythmes binaires et ternaires 

aux contrastes humoristiques (« le silence des espaces infinis, l’odeur 

des choux-fleurs »), insiste sur la fragilité de la vie des hommes : « du 

17. La littérature baroque (XVIIe siècle), en France comme en Espagne ou en Angleterre, joue sur les images du 

rêve, mais aussi de la fumée, des nuages, du théâtre…, c’est-à-dire sur des représentations de l’évanescence, 

de l’immatériel et du fugace, pour définir la vie humaine comme une illusion. Voyez par exemple pour la poésie 

Théophile de Viau, et pour le théâtre Shakespeare (Hamlet) ou Corneille (L’Illusion comique). Queneau, pour sa 

part, emprunte à Calderon de la Barca, dramaturge de l’âge d’or espagnol, le titre d’une de ses pièces, La vie est 

un songe. 


27 




moment qu’il suffit d’un rien pour vous en priver ? », « Un rien l’amène […] 

un rien l’emmène », « faire évaporer tous ces soucis dans le ciel bleu ». 

Madeleine, qui s’improvise soudain philosophe après la demande en 

mariage de Charles, reprend à son tour la même thématique en des 

termes comparables (« À la vie. Parfois on dirait un rêve »), et de nouveau 

avance la même difficulté à comprendre l’existence et ses mystères 

: « est-ce qu’on entrave 18 vraiment kouak ce soit à kouak ce soit ? ». 

Trouscaillon poursuit une réflexion identique : « Il médita quelques instants 

ainsi sur la fragilité des choses humaines » ; et, comme Madeleine, 

il se laisse aller à des soupirs plaintifs sur la dureté de la vie. 

Les personnages se heurtent donc à un problème proprement philosophique 

: celui de la connaissance, et de l’impossibilité pour l’homme 

de définir la « vérité » et la véritable nature de l’existence, dont ils ne 

perçoivent pas le sens. Les nombreuses allusions et citations issues de 

l’univers baroque confortent le sentiment que perdus dans leurs quêtes 

respectives, les personnages ne parviennent pas à saisir l’objet qu’ils 

recherchent, car ce dernier est illusoire – comme le désir et comme l’existence 

même. Malle a su rendre cette instabilité, en ajoutant des scènes 

absentes du roman, en particulier celles qui voient Trouscaillon à la poursuite 

d’un amour perdu qu’il ne retrouvera pas. Revoyez ainsi la séquence 

des colonnes Morris au sein desquelles l’objet mouvant de sa convoitise 

se transforme en homme et vice-versa, et la séquence où il prend la veuve 

Mouaque pour « Albertine », allusion transparente à l’Albertine disparue 

de Proust (51’32’’). 

Derrière les déceptions et les erreurs perpétuelles, qui touchent aussi 

Zazie, laquelle n’obtient par exemple jamais aucune réponse précise 

sur l’« hormossessualité » de Gabriel 19 , se cache… Aroun Arachide : ce 

dernier se dévoile, dans un chapitre final « apocalyptique » 20 au sens 

propre du terme, comme « Prince de ce monde », c’est-à-dire le Diable en 

personne 21 . Le Diable, Satan, c’est-à-dire l’« incertitude » et l’« erreur » 

qui lui sont « propres » : les hommes aux « consciences légères » (p. 

189) se laissent égarer par lui, se fiant aux « apparences » qu’endosse 

le Malin pour étendre sa domination sur son « domaine ». La source des 

errances diverses des personnages réside donc dans leur aliénation à 

un principe d’erreur et d’illusion sur lequel ils n’ont aucune prise ! Si les 

adultes refusent aux enfants – Zazie en l’occurrence – la vérité qu’ils 

réclament, c’est donc peut-être qu’eux-mêmes ne la connaissent pas, 

car l’homme est par nature ignorant de sa propre condition… 

18. « Comprend ». 

19. Notez que les trois chapitres qui abordent la question de la sexualité la plus crue (chap. VII sur les sentiments 

amoureux, XIII sur le mariage et l’homosexualité féminine – avec les relations ambiguës de Madeleine et Marceline, 

XV sur le viol) sont également ceux dont Zazie est absente… 

20. Le chapitre XVIII est « apocalyptique » au sens figuré car il mêle des scènes de violence, de désordre et de 

chaos portés à leur comble ; au sens propre aussi, car étymologiquement, « apocalypse » en grec signifie 

« dévoilement ». 

21. C’est Jésus qui surnomme Satan « Prince de ce monde » dans le Nouveau Testament.

Le lecteur peut alors conclure, une fois la « clef de lecture » du roman fournie 

par le personnage symbolique d’Aroun Arachide, que la vie humaine, 

telle que présentée dans le roman, n’est qu’une vaste énigme, à laquelle 

il est vain de chercher une solution – qui ne sera pas donnée, comme 

l’expérience de Zazie elle-même nous l’enseigne : là réside l’ « enseignement 

», l’« apprentissage » que les personnages, mais surtout le lecteur, 

peuvent retirer de ce parcours initiatique en forme d’errance… 

Bilan 

La composition du roman Zazie dans le métro présente donc des similarités 

certaines avec le genre littéraire des récits d’apprentissage, dont 

il se distingue cependant par des divergences, la principale étant qu’il 

semble à première vue n’avoir pas « formé » son personnage principal. 

Il s’avère que l’apprentissage est en réalité celui des tares et des vices 

des hommes, que la dimension satirique du récit souligne à souhait, 

grâce en partie au regard « enfantin » que porte Zazie sur les adultes. 

Mais les errements et les aventures souvent privées de significations de 

personnages perdus dans des quêtes vouées à l’échec orientent aussi 

l’œuvre vers une lecture philosophique : c’est alors le lecteur lui-même 

qui aurait à « apprendre » de Zazie un enseignement sur le désir – qui 

ne mène qu’à la déception –, sur l’existence – laquelle est une forme 

d’illusion–, et sur l’universelle recherche du sens de la vie – qui se 

heurte aux limites de la connaissance humaine, égarée par l’erreur et les 

apparences qui lui voilent la vérité. La seule vérité semble alors être celle 

du passage du temps, comme le révèle la réplique finale (« J’ai vieilli »), 

qui recèle à la fois déception et sagesse… 

Puisque la vie est un songe, et que par conséquent les personnages ne 

sont plus que le « songe d’un rêve », donc bien peu réels, c’est tout le 

récit lui-même dont l’illusion romanesque se trouve compromise : à quoi 

peut donc se fier le lecteur, dans un univers mouvant où seule l’incertitude 

fait loi ? 


29 



6 Le 

A 


roman de l’incertitude 

et de l’illusion ? 

Unité de lieu (Paris), de temps (à peine plus de 36 heures), d’action (la 

quête de Zazie) : l’intrigue de Zazie dans le métro respecte, comme 

dans le théâtre classique, la règle des trois unités. Et de fait, tant l’univers 

du roman et du film que la construction des personnages instaurent un 

univers théâtral où règnent en maître les notions de décor, de rôle, de 

masque et de travestissement, renforçant l’incertitude qui déstabilise le 

lecteur à chaque page. Mêler le théâtral au romanesque fait alors une 

autre incertitude, touchant au genre même de l’œuvre. Entre pastiches, 

parodies, jeux littéraires, intrusions de l’auteur dans son œuvre, on en 

vient en effet à douter de la nature du roman… 

Le théâtre des faux-semblants 


1 Paris, un décor de carton-pâte ? 

a) Relevez dans le roman les allusions à la géographie parisienne. Quels 

sont les lieux qui semblent vrais ? Lesquels ont une localisation sujette 

à caution ? Quelle image générale de la ville est instaurée dans le roman 

du fait de cette incertitude ? 

b) Analysez la place de l’univers du théâtre et la présence du genre théâtral 

dans l’œuvre. En quoi cette présence a-t-elle une influence sur la 

perception que le lecteur peut avoir de l’espace romanesque ? 

Analyse filmique : « la répétition » (58’42’’ à 1h04’20’’) 

Quel thème exploite Louis Malle dans cette séquence qui ne figure pas 

originellement dans le roman ? Que révèle-t-il sur la nature du monde 

dans lequel les personnages évoluent ? En quoi ce thème structure-t-il 

la fin du film ? 

2 Les personnages et leurs doubles 

Quels sont les personnages qui ont une double identité, ou bien une 

identité prêtant à confusion ? Quelle place tient le thème du travestissement 

et du masque dans le roman ? À quels moments les personnages 

semblent-ils des acteurs de théâtre ?

Analyse filmique : chassé-croisé dans les rues de Paris (minutes 

1h07’39’’ à 1h12’20’’) 

Visionnez à nouveau cette séquence ; quelle image des personnages 

nous renvoie-t-elle ? 

3 L e maître des masques : Trouscaillon 

Quelles sont les différentes identités de Trouscaillon ? Quel rapport ce 

personnage a-t-il avec sa propre identité ? Quel type de rapport le lecteur 

peut-il établir avec un tel personnage ? Sa « construction » littéraire estelle 

traditionnelle ? 

Mise au point 


partie A. de ce chapitre. 

1. Paris, un décor de carton-pâte ? 

La présentation de Paris, cadre unique du roman, s’appuie sur un certain 

nombre de lieux ou de monuments, qui sont nommés : la gare d’Austerlitz, 

la Tour Eiffel, le Sacré-Cœur, les Halles, le boulevard Sébastopol, la 

rue Rambuteau, le café le Vélocipède, le café des Deux-Palais, Sainte- 

Clotilde… Ce premier ensemble de noms conforte l’illusion du réel. Mais 

d’autres lieux, au contraire, semblent soumis au principe d’incertitude, 

comme le Panthéon, la caserne de Reuilly, les Invalides (« du bidon » 

selon Gabriel), la gare de Lyon, la Sainte Chapelle, ou le tribunal de commerce 

: le lecteur ne sera jamais certain ni qu’ils sont à l’endroit désigné, 

ni de les « voir », ni même que les personnages les voient, eux, « réellement 

» ; peut-être les imaginent-ils seulement, tel Gabriel les confondant 

au chapitre I dans sa volonté enthousiaste de montrer Paris à Zazie ? Le 

manque frappant de descriptions des lieux et de précision participe de 

l’impression générale qu’ils n’existent pas réellement. Ainsi, la plupart 

des rues ne sont pas nommées (telle celle dans laquelle Zazie s’aventure 

au début du chapitre III, qui n’est qu’une « rue tranquille » parmi tant 

d’autres, p. 31), non plus que les Puces où Zazie rencontre Pédro-Surplus 

(sont-elles celles de Clignancourt ? de Montreuil ?...). Entre réalisme 

et inexistence, la ville est alors un espace ambigu, un univers où tout 

est vrai sans être réel – distinction fondamentale dans Zazie. La perte 

de repères qu’instaure ce « brouillage » géographique égare le lecteur, 

jusqu’à la perte du sens de la réalité : c’est alors un univers qui tient 

davantage du décor de théâtre qui se met en place. 

Le thème du théâtre et de l’espace théâtral parcourt d’ailleurs le roman : 

E le Mont-de-Piété, la « boîte » de Gabriel, est le cadre de tout un chapitre 

(XIV) ; 

E Gabriel, un professionnel de la scène (« danseuse de charme » plus 

précisément), se livre devant l’auditoire fasciné des touristes – ou pour 

le profit du seul lecteur – à trois « monologues » ou tirades de théâtre ; 


31 




E au Nyctalope, Marcel fait descendre de façon impromptue Gabriel, 

Zazie, Gridoux et Turandot par le monte-charge, les personnages quittant 

la « scène » de la bataille comme par un « deus ex machina »… 

Plus profondément, les personnages de Malle semblent ne pas travailler, 

n’avoir pas de fonction véritable, ni sociale ni autre : ils évoluent, tels 

des acteurs sur une scène, en assumant un rôle. N’oublions pas, à ce 

titre, que Turandot porte le nom d’un opéra de Puccini… et semble passer 

plus de temps à exprimer ses plaintes qu’à agir ! D’ailleurs, comme nous 

l’avions déjà noté, il y a relativement peu d’action dans Zazie : ce sont 

les dialogues qui priment, comme au théâtre… La perception de l’espace 

romanesque est en quelque sorte contaminée par cette présence de 

l’univers de la scène au cœur du récit, dont il modifie jusqu’à la forme : il 

semble ainsi que rien, ni lieux ni monuments, ne crée d’« effet de réel », 

tout n’est que décor, apparence donc. 

Cette dimension théâtrale se trouve exploitée par Louis Malle en 

particulier dans la séquence de la répétition, ajoutée au scénario 

filmique. 

Analyse filmique : « la répétition » 

Dans cette séquence, les éléments traditionnels rappelant l’univers 

du théâtre (loges, répétition, metteur en scène…) se mêlent aux gags 

burlesques (Gabriel se cogne la tête deux fois dans la cabine de téléphone, 

l’ours de la tour Eiffel jongle avec des torchères…) pour produire 

une scène au rythme de plus en plus rapide. La présence de cette scène 

très visuelle, aux couleurs riches et discordantes, manifeste le basculement 

du film vers un univers plus onirique, qui reflète le regard que 

Zazie épuisée porte sur une ville qui lui semble devenir folle. La scène 

du théâtre et la magie (voyez les accessoires qui la connotent comme les 

lapins) rappellent par une mise en abyme l’espace du roman, lui-même 

illusoire comme peut l’être un décor de théâtre. Ce thème théâtral permet 

de développer de façon explicite et imagée le sentiment de facticité 

du monde telle que Queneau nous la fait percevoir dans son œuvre : le 

monde est un théâtre, et donc fait d’apparences sans substance et sans 

consistance, un univers aussi changeant que la scène du « Paradis » 

elle-même qui tourne, monte et descend, entraînant les hommes vers un 

destin qu’ils connaissent aussi peu que les acteurs leur « rôle »… 

L’intervention de Zazie (« C’est comme ça qu’on m’abandonne ? », 

1h01’44’’) est le moment qui fait basculer le passage dans une forme 

de délire qui entérine la perte progressive de réalisme du film. C’est en 

effet à cet instant que la fillette prend la tête de la répétition, et impose 

à Gabriel et aux danseuses une danse endiablée : il est manifeste que 

le « théâtre » lui obéit alors, jusqu’au moment où le décor prend feu et 

se désintègre sous les yeux du metteur en scène impuissant. Il est révélateur 

que ce soit Zazie elle-même qui soit à l’origine de l’écroulement 

du décor. Les faux-semblants qui constituent l’univers des adultes, 

représenté par un théâtre circulaire dont les lourds rideaux bleu-vert

symbolisent l’artificialité et sur la piste duquel les acteurs tournent littéralement 

en rond, sont détruits par la spontanéité et la franchise de 

l’enfant. Zazie apparaît d’ailleurs, en un procédé de surimpression de 

l’image, aux côtés d’un ange de bois peint, le regard sévère, jugeant le 

« théâtre » de la vie des hommes tel l’ange « annonçant la destruction de 

Babylone » pour reprendre les mots déjà cités de Malle… 

La fin du film exploite à nouveau le motif du « décor », puisque lors de 

la scène de la bataille au Nyctalope, on se souvient que le restaurant 

est livré à la destruction (minutes 1h19’42’’ et suivantes), les murs laissant 

apparaître un ancien décor (quand c’est l’inverse qui se produit 

chez Turandot, les travaux engagés par le bistrotier remplaçant le bar 

des années 1940 par un bar moderne, achevé aux minutes 59’46’’ et 

suivantes) : les lieux sont en perpétuelle mutation, reflétant l’instabilité 

qui est celle de l’espace romanesque lui-même. 

2. Les personnages et leurs doubles 

Plusieurs personnages ont plusieurs identités, ou bien une identité 

« trouble » dans le roman. Gabriel est ainsi dès le premier chapitre un 

personnage des plus ambigus : « armoire à glace » (p. 8), il prétend aussi 

à un raffinement censé l’élever au-dessus de la foule qui « pue », et sort 

ainsi une « pochette de soie couleur mauve »… mais l’en « extirpe de sa 

manche » – geste en soi peu élégant – pour s’en « tamponn(er) le tarin ». 

Par cette expression, le narrateur révèle avec une ironie peu amène pour 

son personnage sa relative grossièreté (p. 7). Pris entre délicatesse et 

vulgarité, entre féminité et virilité (Gabriel chante des chansons obscènes 

tout en accomplissant sa manucure à la page 24), le personnage 

n’est jamais clairement défini – ce qui pousse Zazie à l’exaspération, 

elle qui voudrait savoir si son oncle est « hormosessuel ». Les réponses 

de la veuve Mouaque ne l’aident en rien, puisqu’elle répond tantôt 

« – Que vous en êtes une » (p. 103), et tantôt que Barbouze de chez 

Fior est bien un « parfum d’homme », soulignant que Zazie « n’a(s) rien 

deviné du tout » (p. 104)… comme le lecteur, qui, dans sa tentative de 

cerner le personnage, en est pour ses frais. Par ailleurs, Gabriel est un 

artiste, une « danseuse de charme » (p. 62) qui se déguise en femme 

pour ses numéros, et a donc besoin de rouge à lèvres et de robes de 

femmes : le thème du travestissement est lancé, qui explique certaines 

de ses habitudes (s’épiler par exemple). Mais il accorde à Pédro-Surplus 

que « c’est parce que la mère (le) considère comme une tante qu’elle 

(lui) a confié l’enfant » (p. 63) : « Gabriel devait bien le reconnaître. 

Iadssa, iadssa, qu’il concédait » (p. 64). L’allusion par Pédro-Surplus 

à l’ « hormosesualité », à « l’éonisme » (p. 67) de Gabriel, est à la fois 

crédible mais peu fiable, puisque l’on a vu que ce personnage est à la 

source des erreurs et des illusions, comme « maître de ce monde ». Il 

est d’ailleurs, dès le chapitre VI, qualifié de « méphistophélique », anticipation 

par laquelle le narrateur nous met sur la piste de sa véritable 

nature. Quant au personnage lui-même, il promet à Zazie une vérité qui 


33 




ne viendra pas… mais se laisse appeler Gabriella par Fédor Balanovitch ! 

Il s’avère donc que la « vérité » sur Gabriel n’apparaîtra jamais – au lecteur 

de se forger une opinion… 

Louis Malle à son tour s’amuse à délivrer des indices qui n’en sont peutêtre 

pas dans le film. D’une part, un panneau publicitaire lumineux « les 

naturistes » clignote devant chez Gabriel à la minute 09’05’’ ; d’autre 

part, le metteur en scène du « Paradis » met en cause avec ironie l’existence 

potentielle de la « femme » de Gabriel : « Votre femme, première 

nouvelle ! » (min. 59’22’’)… 

Le personnage de Marceline/Albertine est lié à celui de Gabriel dans 

le film. Marceline ne s’exprime jamais que « doucement » : l’adverbe 

revient près de soixante fois dans le récit ! Elle semble donc assumer 

dans la première partie du roman le statut d’épouse discrète, attentive 

à Gabriel, le réconfortant après la perte de sa trousse de manucure, lui 

apportant son rouge à lèvres (chap. II) et sa robe à la répétition… Elle 

tricote (coud une robe dans le film), fait la lessive, sert Zazie et Gabriel à 

table au chapitre II, « baiss[e] les yeux » avec pudeur (p. 25) : elle incarne 

ainsi à elle seule une « féminité » traditionnelle et presque stéréotypée. 

Personnage lisse et discret en apparence donc, et dont la douceur est 

remarquablement servie par l’actrice Carla Marlier. Mais la scène avec 

Madeleine révèle une première ambiguïté, qui tient à l’homosexualité 

suggérée dans l’échange entre les deux femmes. Bien qu’implicite, le 

lesbianisme est latent au chapitre 13, qui voit Madeleine rougir à l’allusion 

de Marceline à sa nudité – « je ne vous vois point nue », p. 143 

– et « susurre[r] encore des politesses confuses », ainsi que des compliments, 

des échanges de regards et des réactions relevant d’une relation 

amoureuse naissante (« Alors comme ça vous faites attention à moi 

des fois ? », « je vous trouve si belle », « Madeleine baissa les yeux et 

rosit doucement »…, pp.144-145). La scène culmine avec un échange de 

regards caractéristique (« Madeleine la regarde dans les yeux »), interrompu 

par Charles qui vient briser le charme du passage. À ce premier 

« accroc » dans l’apparence de perfection de Marceline succède au chapitre 

XVIII une progressive métamorphose du personnage, que le narrateur 

ne désigne plus que par des tournures de genre masculin : « le manipulateur 

du monte-charge » (p. 189), « le lampadophore » (p. 190)… Cet 

« autre » personnage n’est autre que Marceline, qui devient subitement 

Marcel au dernier chapitre : « Tiens, dit Jeanne Lalochère. Marcel » 

(p. 193). Comment comprendre cette métamorphose ? Faut-il penser 

que dès le départ, Marceline était un homme, qui révélerait sa véritable 

identité à la fin du roman, une fois que les yeux de Zazie et ceux du lecteur 

se seraient dessillés sur l’homosexualité de certains personnages ? 

Il semble en tout cas que le personnage soit aussi ambigu que Gabriel, 

oscillant de façon indécidable entre féminité et virilité. 

Mado-Ptits Pieds elle-même, dont le prénom change au cours du récit et 

devient Madeleine, semble changer d’identité, comme si le mariage – ou 

plutôt sa promesse – l’avait transformée de serveuse de bar au verbe haut en 

personnage biblique (Madeleine et Marie-Madeleine sont des personnages

féminins importants dans le Nouveau testament), anoblissant sa nature… 

Cette instabilité, sur laquelle joue le narrateur pour mieux égarer le lecteur, 

est renforcée par le thème du travestissement et du déguisement : 

E Gabriel se travestit en femme le soir devant son public pour incarner 

« Gabriella » ; 

E lors de la scène du marché aux Puces, Trouscaillon est « affublé de 

grosses bacchantes noires, d’un melon, d’un pébroque et de larges 

tatanes » (p. 44) ; plus tard, il arbore une tenue d’agent de la circulation, 

revendiquant son goût pour ces « atours » : « je m’amuse avec cet 

uniforme, vous ne pouvez pas vous en faire une idée » (p. 162) ; 

E quant à Marceline, elle semble bien avoir changé d’apparence dans les 

deux derniers chapitres… 

Les personnages semblent ainsi changer de costumes, tels des acteurs 

sur une scène qui endosseraient selon leurs rôles successifs divers 

déguisements. Zazie elle-même perçoit derrière les apparences l’artificialité 

du « jeu » de l’acteur : « C’est pas possib, se disait Zazie avec sa 

petite voix intérieure, c’est pas possib, c’est un acteur en vadrouille, un 

de l’ancien temps » (p. 44). Où alors chercher la réalité, la vérité d’un 

personnage, quand derrière un masque se cache un autre masque ? 

Notons d’ailleurs que le nom de scène de Gabriel, Gabriella, est intentionnellement 

dérivé de son véritable prénom : comme si la proximité 

entre l’acteur et le personnage était telle qu’il n’était plus possible de les 

distinguer l’un de l’autre. Or, que sont les trois « discours » de Gabriel 

(sur la Tour Eiffel, à la brasserie, au Mont-de-Piété), sinon des tirades 

ou des monologues de théâtre ? Le personnage et l’acteur ne font plus 

qu’un, et il devient dès lors impossible de distinguer l’être réel de son 

rôle… 

Analyse filmique : 

chassé-croisé dans les rues de Paris 

Dans l’une des séquences finales du film, (minutes 1h08’20’’– 

1h12’26’’), Malle souligne par la mise en scène l’absence de 

substance des personnages, qui semblent se comporter comme des 

marionnettes ou des automates. Le passage s’ouvre sur le départ 

d’Albertine en vélo, qui va rejoindre Gabriel afin de lui apporter son 

costume de scène. Notons qu’au moment-même où Trouscaillon part à 

sa poursuite, une musique jazz est lancée, qui ne prendra fin qu’avec la 

fin de la séquence, où la mélodie plus légère qui rythme le film comme 

un leitmotiv revient : la musique constitue un élément structurant du 

passage. En outre, par ses dissonances de plus en plus prononcées 

et son rythme marqué, elle contribue à l’atmosphère de modernité 

quelque peu agressive caractérisant Paris dans le film. Le spectateur 

voit les personnages errer dans la ville comme des automates perdus 

sur une scène : la veuve Mouaque cherche Trouscaillon, Trouscaillon 

poursuit Albertine, Albertine part retrouver Gabriel, Gabriel lutte 

contre le stress, Zazie marche sur les boulevards… Ces différents 


35 




parcours s’entrecroisent de façon particulièrement chaotique, chaque 

personnage étant figé dans une attitude répétitive : la veuve Mouaque 

court frénétiquement, filmée en accéléré ; Zazie a le regard fixe et 

avance presque inconsciemment en baillant ; Gabriel se balance dans 

son fauteuil à bascule… Ces diverses scènes sont par ailleurs reprises 

plusieurs fois, ce qui accentue l’aspect mécanique des gestuelles et 

des mimiques des personnages. Fait caractéristique, Albertine sur son 

vélo est filmée plusieurs fois en gros plan, le visage figé, comme si elle 

portait un masque (voir par exemple en 1h08’14’’ ou en 1h09’07’’) ; 

d’autres passages dans le film lui confèrent cette même immobilité 

mystérieuse, qui semble nous fermer tout accès à son intériorité. Malle, 

par l’usage des plans rapprochés et par le jeu dénué d’expressivité 

qu’il suggère à l’actrice, reproduit ainsi visuellement la sensation 

de « vide » intérieur, d’absence de psychologie des personnages 

que Queneau instaure par l’absence de monologues intérieurs et par 

la posture du narrateur, omniscient mais ne livrant que très peu les 

pensées de ses personnages. 

Entre masque, travestissement et jeu « d’automate », le roman comme 

le film interrogent lecteur et spectateur sur l’essence même de ce qu’est 

un personnage. 

3. Le maître des masques : Trouscaillon 

C’est avec Trouscaillon que la dimension profondément théâtrale des 

personnages se révèle le mieux. 

Le personnage endosse au cours du récit plusieurs identités : il est 

d’abord Pédro-Surplus, puis se présente comme « flic » et déclare 

s’appeler Trouscaillon, puis comme l’inspecteur Bertin Poirée, avant 

d’incarner enfin Aroun Arachide. Chacune de ces identités est caractérisée 

par l’incertitude, le doute et la fugacité. Ainsi, il oscille entre 

marchand forain et flic lors de « l’interrogatoire » de Gabriel, lequel est 

égaré par son attitude changeante ; voyez aux pages 60-61 : « La petite 

plaisante, dit le type avec une bonhomie constante », puis : « Alors, dit 

le type (silence), c’est comme ça que vous vivez de la prostitution des 

petites filles ? ». Le soir même il oublie son masque du matin : « Pourquoi 

ça « Meussieu Pédro » ? demanda le type très intrigué (…) ; – Parce 

que c’est comme ça que vous vous appeliez ce matin, répondit doucement 

Marceline. – Ah oui ? fit le type d’un air désinvolte. J’avais oublié » 

(p. 158). Il nie être un vrai flic, lorsque les autres personnages reconnaissent 

en lui le « satyre » du matin : « C’est un déguisement… juste 

pour m’amuser… » (p. 174). C’est Zazie qui souligne le mieux la complexité 

du personnage : « C’était pas un satyre qui se donnait l’apparence 

d’un faux flic, mais un vrai flic qui se donnait l’apparence d’un 

faux satyre qui se donne l’apparence d’un vrai flic » (p. 58). Comment 

démêler les masques du véritable personnage, dont on ne sait d’ailleurs 

qui il est à l’origine ? Est-il un satyre, un flic en uniforme ou en civil,

un potentiel violeur obsédé par Marceline ? Le film, lui, crée même une 

identité supplémentaire : poinçonneur du métro (1h26’20’’). Acteur par 

excellence, il joue perpétuellement à être un autre que lui-même : « Et il 

imitait le flic qui griffonne des trucs sur un vieil écorné carnet » (p. 114). 

Le personnage lui-même en vient à douter de sa véritable identité, lors du 

dialogue avec Gridoux au chapitre VII : « C’est moi, moi que j’ai perdu » 

(p. 82), affirmant qu’il a oublié son nom ; il semble ne plus rien savoir, et 

Gridoux lui-même peine à deviner son âge. Face à un tel vide existentiel, le 

malheureux cordonnier est pris à son tour d’une « angoisse » (p. 84) toute 

métaphysique : un homme peut-il exister sans nom, sans identité propre ? 

Qu’y a-t-il de réel derrière l’identité sociale que nous possédons tous dès 

la naissance ? Bref, qui sommes-nous véritablement ? Le dialogue entre Gridoux 

et Pédro-Surplus inaugure donc, sous des dehors humoristiques, un 

certain vertige philosophique sur la quête du « moi », que nous avons déjà 

évoqué au chapitre V du cours, et que le film souligne lors de la séquence 

du marché aux Puces par un bref contrechamp où Pédro est son propre 

interlocuteur, en vendeur de blue-jeans face à lui-même (23’38’’)… 

Trouscaillon est ainsi le signe d’une certaine désagrégation du personnage 

romanesque. Entre recherche d’identité, amnésie, mythomanie, 

enquête policière, le personnage semble vidé de son histoire, de son 

passé, de sa personnalité : plus aucune identification du lecteur avec 

un tel être protéiforme n’est alors possible. Faut-il voir en cette création 

littéraire originale et sans équivalent un symbole de la crise d’identité 

de l’homme moderne, comme dans L’Étranger de Camus 22 où le personnage 

paraît vide de toute caractérisation, et où l’individu semble par 

conséquent comme dépossédé de lui-même ? 

Ce jeu sur l’identité des personnages, son déplacement, son effacement, 

sa modification, qui est poussé jusqu’à l’absurde par l’auteur – Turandot 

propose ainsi d’échanger sa place avec celle de Laverdure à la fin 

du chapitre 18 ! –, révèle en tout cas une thématique chère à l’époque 

moderne et contemporaine : l’instabilité du moi, la difficulté de l’individu 

à se définir soi-même, à se cerner comme une entité complète. Il 

instaure également une instabilité du personnage romanesque qui n’est 

pas sans rappeler celle du Nouveau Roman, mouvement pour lequel la 

notion même de personnage romanesque est une création contestable, 

et qui refuse l’identification traditionnelle du lecteur. Lisons à ce sujet le 

jugement d’Alain Robbe-Grillet sur le personnage de roman : 

« En fait, les créateurs de personnages, au sens traditionnel, 

ne réussissent plus à nous proposer que des fantoches 

auxquels eux-mêmes ont cessé de croire. Le roman de personnages 

appartient bel et bien au passé, il caractérise une 

époque : celle qui marqua l’apogée de l’individu. » (Pour un 

nouveau roman, 1957). 

22. Le personnage de Meursault dans L’Étranger (1942) de Camus est caractéristique d’une obsession du roman contemporain 

pour l’interrogation sur le « soi » ; pensez également à Michel Leiris, un proche des surréalistes, et à son 

autobiographie, L’Âge d’homme (1939), qui inaugure un nouveau mode romanesque de recherche sur l’identité. 


37 



B 


« Fantoches » assumés, les personnages du récit sont, du fait de leur 

dimension théâtrale, des anti-personnages romanesques, qui exhibent 

leur artificialité et amènent ainsi le lecteur à une réflexion aussi bien 

littéraire que philosophique sur le « moi » et l’identité. 

De ce fait, le thème philosophique de la quête de la vérité comme vouée 

à l’échec prend un nouveau relief : cette quête perdue d’avance, c’est 

aussi celle de soi – comme si le romancier nous invitait à nous interroger 

sur la pertinence de se définir soi-même quand une telle définition est 

impossible, le moi étant par nature divers, éclaté, insaisissable, multiple, 

comme le sont les diverses personnalités de Trouscaillon ! 

Mais le jeu du narrateur avec le lecteur, d’ores et déjà quelque peu égaré 

par la nature insaisissable des lieux et des personnages, se poursuit 

et s’approfondit avec l’entreprise consistant à saper ce qui fonde 

traditionnellement le roman en tant que genre. 

Le jeu littéraire perpétuel, ou comment 

saper l’illusion romanesque 


1 Zazie dans le métro, un roman ? 

Relevez dans le roman, d’une part, diverses parodies auxquelles se livre 

le narrateur (parodies de genres littéraires et de styles), et d’autre part, 

des passages où le récit se fait poétique ou théâtral. Comment le mélange 

des genres et des registres influe-t-il sur la forme même du roman ? 

Analyse filmique 

Dans le film, démontrez que Louis Malle se livre à un travail comparable 

d’interrogation sur le genre filmique. 

2 « Un délire tapé à la machine par un romancier idiot » 

Pouvez-vous relever dans le cours du récit des allusions au narrateur, ou 

au romancier lui-même, qui rompent l’illusion romanesque et signalent 

la présence du créateur derrière son œuvre ? Quelles conséquences ont 

de telles allusions sur la lecture du roman ? 

Mise au point 

Les réponses aux questions vont ici constituer les deux sous-parties de 

la partie B. de ce chapitre.

1. Zazie dans le métro, un roman ? 

Queneau se livre dans Zazie à de très nombreuses parodies : on se rappellera 

qu’en tant que poète et virtuose de la langue, toute son œuvre, et 

en particulier les fameux Exercices de style, témoignent d’un goût certain 

pour la reprise, la transformation, le jeu sur des supports littéraires qui 

se trouvent ainsi détournés ou parodiés. 

Dans notre roman, on pourra relever par exemple des parodies de genres 

littéraires : 

E la parodie du roman sentimental dit « à l’eau de rose », par exemple 

lors de l’amourette entre Trouscaillon et la veuve Mouaque, qu’un style 

lourdement répétitif rend plus comique et caricaturale que touchante : 

« Trouscaillon et la veuve Mouaque avaient déjà fait un bout de chemin 

lentement côte à côte mais droit devant eux et de plus en silence, 

lorsqu’ils s’aperçurent qu’ils marchaient côte à côte lentement mais 

droit devant eux et de plus en silence » (p. 126) ; 

E la parodie du genre de la confession : au chapitre 16, quand Trouscaillon 

livre ses états d’âme : « J’ai la confession qui m’étrangle la pipe… », 

p. 169), il s’agit d’une parodie car Trouscaillon se confie… sans rien 

confier : « Je ne vous dirai rien de mon enfance… De mon éducation, 

n’en parlons point…» ; autre exemple : la tirade théâtrale de Gabriel ; 

E la parodie du fait-divers, genre codifié s’il en est, dont Queneau 

reprend les lieux communs dans le récit « autobiographique » de Zazie, 

qui accumule tant de clichés qu’il apparaît comme l’archétype même 

du fait divers sanglant dont raffole la presse à sensation ; il est ainsi 

question d’« immondes menaces », de père incestueux, de tentative 

de viol, de massacre à la hache, de crâne fendu, d’amant, de mère 

indigne, de procès à scandale… (pp. 54-55), mais il s’agit d’un archétype 

parodié, tant par le nombre invraisemblable de perversions au 

sein d’une même famille que par la présence de notations prosaïques 

comme celle des « spaghetti et des côtes de porc » ! 

À travers les déboires de la famille Lalochère, ne faut-il pas d’ailleurs percevoir 

également la parodie des intrigues familiales toujours complexes 

des tragédies grecques – Jeanne rappelant Clytemnestre mettant à mort 

son mari Agamemnon quand celui-ci menace d’attenter à l’intégrité de 

sa fille Iphigénie ? Mais ici, le tragique est remplacé par un sensationnel 

de pacotille… Signe que la tragédie a disparu avec les temps modernes ? 

Le roman comporte également des parodies et des pastiches 23 de styles 

et de discours. On relèvera ainsi : 

E la parodie du style biblique dans la dernière tirade de Gabriel sur le 

travail comme fatalité de la condition humaine : « j’ai oint la jointure de 

mes genoux avec la dite sueur de mon front et c’est ainsi qu’édénique 

23. On définit le pastiche comme l’imitation d’un auteur ou d’une œuvre précise. 


39 




et adamiaque 24 , je gagne ma croûte » (p. 154) ; 

E dans cette même tirade, la parodie du style scientifique : « Ce produit 

mellifluent, sapide et polygène s’évapore avec la plus grande facilité » ; 

E la parodie du style juridique : « il ne niait pas qu’il y ait eu tout d’abord 

une atteinte non contestable à ses droits les plus imprescriptibles à cet 

égard » (p. 120) ; 

E la parodie du discours « policier » type tel que chacun a pu l’entendre, 

l’énumération de Trouscaillon tournant à l’absurde du fait du procédé 

de l’accumulation, laquelle dévie peu à peu : « Nom prénoms date de 

naissance (…) quittance d’eau quittance de gaz (…) blanc-seing laissez-passer 

bulle du pape (…) » (p. 168) ; 

E la parodie du « grand style » des romans philosophiques signalé par 

le recours au passé simple, temps classique du récit, au présent de 

vérité générale, à une syntaxe complexe, et à la reprise emphatique 

de l’adjectif « déshérités » : « Il médita quelques instants ainsi sur la 

fragilité des choses humaines et sur les projets des souris qui n’aboutissent 

pas plus que ceux des anthropoïdes, puis il se prit à envier (…) 

le sort de ces déshérités, déshérités peut-être mais libérés du poids 

des servitudes sociales et des conventions mondaines » (p. 166) ; 

E la parodie du style homérique, à travers la parodie des longues comparaisons 

propres à l’écriture de l’Iliade (cf. p. 183 ; voir sur ce point le 

chapitre V du cours) ; 

E la parodie du registre mélodramatique et pathétique, lorsque Turandot 

s’exclame : « Jamais ! (…) Plutôt périr ! » (p. 189)… 

Par ailleurs, le récit romanesque, dont les éléments constitutifs sont traditionnellement 

la narration, le dialogue narrativisé, la description et le 

portrait, intègre également des passages tendant vers le poétique, comme 

dans la scène entre Marceline et Madeleine au chapitre XIII (nous renvoyons 

sur ce point au chapitre IV du cours). Plusieurs interventions du narrateur 

s’écartent de la pure narration, comme dans cette présentation de Fédor 

Balanovitch dont la « rêverie trouscaillonne » découvre la présence près 

du Mont-de-Piété : « elle découvrit l’origine de l’intervention sonore en la 

personne d’un kidan assis coi sur un banc » (p. 167). Le jeu de sonorités 

entre « sonore » et « personne », « kidan », « coi » et « banc », et l’alexandrin 

que constitue la seconde partie de la phrase, « la personne d’un kidan 

assis coi sur un banc », sans compter le néologisme de « kidan », version 

francisée de l’expression latine « quidam », témoignent d’un travail sur la 

langue, et soulignent le rôle important du narrateur dans le récit : loin 

d’être un simple relais narratif présentant actions et personnages, il écarte 

l’attention du lecteur de l’intrigue pour l’amener à se pencher sur la langue 

elle-même, assumant donc une fonction poétique plus que romanesque. 

24. Adjectifs désignant l’homme comme issu du jardin d’Éden et comme descendant d’Adam, premier homme 

condamné par Dieu à la suite du péché originel à travailler la terre pour gagner son pain « à la sueur de son 

front » (Genèse).

Enfin, de nombreux dialogues se présentent davantage comme des 

dialogues de théâtre que comme des dialogues romanesques. Prenons 

l’exemple de l’échange entre Marceline et Trouscaillon/Bertin Poirée au 

chapitre XV : les répliques sont régulièrement accompagnées de notations 

entre parenthèses, voire placées à la ligne, indiquant la gestuelle 

des personnages et qui constituent ainsi des didascalies : (geste), 

(silence), (un temps). La nature du « geste » est parfois précisée : il peut 

ainsi s’agir d’« un geste de théâtrale protestation » (p. 61) ; le ton également, 

qui peut être doux dans le cas de Marceline (« doucement »), 

« nettement menaçant » pour Gabriel (p. 27), ou « avec des intonations 

pathétiques » pour Turandot (ibid.)… 

La trame du récit semble donc faire alterner de façon constante des 

reprises parodiques et des jeux d’intertextualité, et adopter diverses 

formes, niveaux de langues et registres, au point qu’il devient difficile 

de discerner la frontière du romanesque et du poétique, du narratif et 

du théâtral, du sérieux et du comique… Il en résulte une incertitude : 

Zazie dans le métro est-il bien un roman ? Si au premier abord la réponse 

paraît évidente, les repères formels traditionnels se trouvent bouleversés 

au point de laisser le doute s’insinuer au cours de la lecture. C’est 

alors le genre même de l’œuvre qui est l’objet d’un questionnement, que 

reprend à son compte Louis Malle. 

Analyse filmique 

Dans le film, le réalisateur joue également sur la notion de genre filmique, 

faisant alterner diverses parodies. On relèvera entre beaucoup 

d’autres : 

E la parodie du film sentimental, à travers le pastiche de la scène classique, 

voire du cliché, du « coup de foudre » : ainsi Trouscaillon, rencontrant 

Albertine pour la première fois chez Gabriel (min. 34,11 et suivantes), 

échange avec elle des regards passionnés – se trouve ainsi également 

parodié le lieu commun du « premier regard ». Ses yeux exagérément 

écarquillés, les violons romantiques et la voix off (« l’amour peut naître 

d’un regard », 35’24’’) signalent clairement la visée parodique. 

E la parodie du feuilleton à sensation et ses effets, comme le fondu 

enchaîné au flou exagéré (25’53’’), la voix off au ton mélodramatique 

(« papa, il était tout seul à la maison », 25’56’’), le travelling avant 

se rapprochant par derrière d’un personnage dont on devine avec 

angoisse le funeste destin… 

E le « carton » 25 indiquant « 23 minutes plus tard » (37’00’’) rappelle 

les films muets des années 20 ; 

E la gestuelle et les mimiques de Mado, son chantonnement (37’05’’) 

évoquent le genre des comédies musicales sentimentales ; 

25. Dans le langage cinématographique, pour désigner un texte filmé, on parle d’intertitre ou de « carton » en 

référence au support du texte que l’on filmait aux débuts du cinéma, dans les films muets. 


41 



26. Qui a trait au genre. 


E la course-poursuite entre Zazie et Pédro-Surplus accumule de façon 

répétitive plusieurs effets de la comédie burlesque américaine : bris 

d’objets comme la statue, démultiplication des personnages, explosions 

de dynamite, accélérés, ralentis, transformation des personnages 

(Zazie en chat par exemple), coups et chutes…, incluant même 

le genre du dessin animé (min. 28’24’’) : le caractère excessif de l’accumulation 

finit par devenir à son tour parodique ; 

E enfin, rappelons dans la scène de bagarre du Nyctalope les éléments 

propres aux films de gangsters, d’espions et de « barbouzes », eux 

aussi parodiés par la dégradation burlesque qu’induit, par exemple, le 

remplacement des armes traditionnelles par la choucroute… 

Le réalisateur joue sur un semblable procédé d’accumulation extrême 

de références et de jeux sur les genres et les styles – non plus littéraires 

mais cinématographiques – pour créer à l’instar de Queneau une incertitude 

générique 26 , et ainsi proposer une réflexion sur la liberté formelle 

que peut adopter un film. 

2. « Un délire tapé à la machine par un 

romancier idiot » 

Dans plusieurs passages de Zazie, le narrateur signale sa présence, s’éloignant 

de la tradition romanesque. De fait, à moins que la narration ne soit 

à la première personne, le lecteur attend par convention que le récit soit 

autonome, le narrateur s’effaçant derrière son récit. C’est ainsi que se 

crée une forme d’« illusion romanesque » : l’action et les personnages de 

fiction acquièrent alors, pour le temps de la lecture, une forme de vérité. 

Dans Zazie, il semble que le narrateur joue au contraire à déconstruire 

cette forme d’illusion ; Gabriel dans son monologue s’exclame ainsi : 

« toute cette histoire [n’est que] le songe d’un songe, le rêve d’un rêve, 

à peine plus qu’un délire tapé à la machine par un romancier idiot (oh ! 

pardon) » (p. 92), semblant s’adresser directement à l’auteur – Queneau 

lui-même, qui signale ainsi explicitement et avec humour sa présence. 

Sortant du cadre du récit, le personnage interpelle son propre créateur, 

et bouleverse le cadre romanesque classique. De la même façon, 

Zazie s’interroge sur la provenance de ses « idées » : « ça c’est vrai, je 

me demande même où je vais les chercher » (p. 89), soulignant avec une 

involontaire ironie le rôle de l’auteur dans la création de son propre personnage, 

puisque c’est bien une nouvelle fois Queneau qui la fait penser 

et agir ! Enfin, l’intervention du narrateur, qui se reprend après s’être 

trompé de nom : « Trouscaillon pardon : Aroun Arachide » (p. 188) met 

à jour avec humour – puisque lui-même finit par s’égarer dans les multiples 

identités du personnage ! – le mécanisme de la narration par cette 

« erreur » volontaire, dévoilant ce qui reste habituellement implicite dans 

le roman : les procédés narratifs qui instaurent l’illusion romanesque.

Queneau semble ainsi se plaire à briser ce qu’au théâtre on appellerait 

le « quatrième mur », privant par moment le récit de son caractère fictionnel, 

comme pour prendre à parti le lecteur et le pousser à s’interroger 

sur sa propre lecture : est-il « dupe » de la narration ? Quelle relation a-t-il 

avec le narrateur ? Jusqu’où est-il prêt à « croire » le récit ? C’est donc à 

un recul critique que nous sommes invités, par des procédés qui ne sont 

pas sans rappeler ceux de nombreux romans de l’époque contemporaine 

et entre autres une nouvelle fois du Nouveau Roman. 

Louis Malle instaure une même rupture par le gros plan de la dernière 

scène que nous avons déjà évoqué, dans lequel Zazie s’exprime face au 

spectateur : outre que le message acquiert plus de force par ce procédé, 

c’est l’illusion dans laquelle le spectateur était plongé qui se trouve 

brisée par cette adresse directe du personnage. 

Bilan 

En lien direct avec le thème de l’existence comme songe, et de l’identité 

comme insaisissable et finalement dénuée de substance, Queneau 

accorde à son roman une dimension théâtrale forte, qui lui permet à la 

fois de souligner l’irréalité du monde – perçu comme un « décor » –, de 

faire de ses personnages des marionnettes dont le narrateur ou l’auteur 

tirent les fils, des automates endossant leur rôle comme l’homme son 

identité sociale, tout en instaurant une forme d’illusion propre à l’univers 

du théâtre, surtout baroque – comme chez Calderon, on ne sait plus 

qui est qui, et les masques règnent en maître. Ces procédés littéraires 

complexes font ressentir au lecteur le vertige de la quête de la vérité et 

de soi dans un monde mouvant et privé de dieu – Aroun Arachide n’est 

qu’un bien médiocre « prince de ce monde », qui ne réussit qu’à tuer une 

malheureuse veuve… Par le jeu littéraire presque continuel de la parodie 

et du pastiche, le romancier remet en cause l’unité de ton et de style qui 

fonde le genre du roman, et par ailleurs n’hésite pas à saper l’illusion 

romanesque avec humour et ironie par des intrusions surprenantes au 

cœur de la narration : il reste alors au lecteur bien peu de certitudes 

auxquelles se raccrocher ! 


43 



Conclusion 


La problématique orientant le cours nous incitait à nous demander dans 

quelle mesure le roman de Queneau et le film de Malle sont subversifs, 

au sens étymologique de ce terme, « qui renverse » : en quoi et comment 

contestent-ils un certain ordre établi, et quelle liberté de style et de 

pensée proposent-ils ? Au terme de l’étude, il apparaît que l’entreprise 

de Queneau, et à sa suite celle de Malle, consistent à déconstruire, au 

sein d’un cadre en apparence classique, les repères traditionnels de la 

lecture. Par le mélange des tons et des styles, le travail poétique sur la 

langue, la dimension théâtrale de l’œuvre, les jeux littéraires divers, Zazie 

est une subversion du genre romanesque dans ses codes les plus communs. 

Les dialogues sont plus théâtraux que romanesques, les personnages 

se refusent à l’identification habituelle, le narrateur n’hésite pas 

à se montrer avare, réticent ou lacunaire les registres s’entrechoquent, 

le poétique le dispute au philosophique… sans que la structure globale 

– temps et vitesse de la narration, mode de narration, déroulement de 

l’intrigue – en soient pour autant détruits. De façon subtile, le roman 

est ainsi, à sa façon pleine d’humour et de fantaisie verbale, bien plus 

qu’un « exercice de style » : une tentative de proposer un roman critique, 

qui incite à la réflexion sans pesanteur, une « fantaisie » dont l’originalité 

est sa position incertaine entre divertissement comique et œuvre 

sérieuse, d’où la remarque de Barthes citée en introduction : « Zazie 

dans le Métro (…) renvoie le sérieux et le comique dos à dos », Critiques, 

1959. La liberté de création réside alors au sein même de cette instabilité 

: s’il est impossible de situer Zazie, alors il est aussi impossible de 

l’enfermer dans l’étroitesse de la définition d’un genre ! La jeune héroïne 

au comportement et au langage libérés serait alors le symbole du projet 

romanesque même : s’affranchir des limites qu’imposent les a priori et 

les canons de l’écriture romanesque pour atteindre une authenticité de 

l’expression et de la langue – sans que jamais soit sacrifié le plaisir du 

texte. 

Louis Malle, se tenant comme Queneau en dehors des mouvements et 

écoles, fait également de son film le champ d’expérimentations sur le 

langage. Favorisant un des principaux procédés stylistiques du roman, 

l’accumulation, il propose une réflexion sur les limites des genres cinématographiques, 

en brouillant la réception de l’œuvre : le genre burlesque 

par exemple est exploité de façon si extrême, par exemple lors 

de la course poursuite ou au sommet de la Tour Eiffel, qu’il finit par se 

détruire lui-même, laissant place à une poésie de l’absurde qui incite le 

spectateur à une remise en question de ses propres attentes. 

Entre le roman et le film s’instaure donc un rapport d’analogie : Malle

opère sur son art – le cinéma – un travail de nature comparable à celui de 

Queneau, se livrant au sein d’un cadre formel en apparence traditionnel 

à un renouvellement des procédés d’expression. Les deux œuvres, 

qui témoignent chacune d’une personnalité marquée et d’une forte 

originalité, elles laissent au lecteur le sentiment d’avoir expérimenté le 

« songe d’un songe », une expérience onirique qui n’est pas sans rappeler 

celle à laquelle invitaient les surréalistes. L’épigraphe d’Aristote prend 

alors tout son sens : l’expérience romanesque est un univers artificiel 

que l’auteur construit et détruit à son gré, aussi virtuelle et dénuée de 

réalité qu’un rêve, et soumise comme ce dernier à une logique propre 

qu’il faut accepter et apprécier sans rechercher une « morale ». 


 

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Zazie dans le métro, Raymond Queneau - Académie en ligne

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