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en |couverture|<br />
Molière<br />
IN LOVE<br />
Pour incarner l’auteur de Dom Juan au grand écran, rien de mieux que le Don Juan du<br />
cinéma français, Romain Duris. Coup de théâtre pour Molière, le film. I NATALIA WYSOCKA<br />
Pour beaucoup, il est resté la petite frappe qui dévalisait les<br />
appartements parisiens dans De battre mon coeur s’est arrêté,<br />
de Jacques Audiard. Pour d’autres, il est longtemps demeuré<br />
l’étudiant français perdu dans les rues espagnoles de la<br />
toute aussi espagnole auberge de Cédric Klapisch. Certains se<br />
souviennent aussi de son gentleman cambrioleur, mieux connu<br />
sous le nom d’Arsène Lupin. Prolifique, Romain Duris? Sans<br />
conteste. Et, <strong>com</strong>me si la liste exhaustive de ses rôles n’était pas<br />
assez diversifiée, le voilà qui prend les traits de l’ineffable Jean-<br />
Baptiste Poquelin, dit Molière. Mais qu’est-ce qui pousse un<br />
jeune premier dans le vent à s’intéresser à un dramaturge du<br />
17 e siècle? «Le scénario m’a frappé avant même que je l’ouvre»,<br />
relate-t-il dans le dossier de presse du long métrage. Sur la couverture<br />
était écrit en gros "MOLIÈRE ". Ça interpelle forcément!<br />
Je l’ai <strong>com</strong>mencé et j’ai tout de suite été accroché. Je l’ai dévoré<br />
<strong>com</strong>me un polar! Je trouvais malin de montrer un Molière<br />
humain, avec ses doutes», <strong>com</strong>mente l’acteur chouchou de la<br />
nouvelle génération du cinéma français.<br />
Vous l’aurez <strong>com</strong>pris, ce Molière revisité n’est ni un drame, ni<br />
un biopic. Que nenni! Ce Molière en est plutôt un créé de toutes<br />
pièces. Ou plutôt de toutes SES pièces. Car à coups de «cachez ce<br />
sein que je ne saurais voir!» et de «belle marquise, vos beaux yeux<br />
me font mourir d’amour», les répliques ramènent constamment<br />
le spectateur néophyte et le spectateur averti aux œuvres les plus<br />
célèbres du plus célèbre des dramaturges français de l’histoire.<br />
Que ceux qui perçoivent cet homme illustre <strong>com</strong>me étant un<br />
être démodé rangent leurs préjugés à l’arrière-scène. Molière<br />
serait tout ce qu’il y a de plus in et trendy. Au premier abord blasé,<br />
tout <strong>com</strong>me ces ex-étudiants désabusés par des cours de français<br />
trop classiques, Duris a dû lui aussi se rendre à l’évidence: «Du<br />
théâtre de Molière, je gardais malheureusement une image<br />
poussiéreuse, acquise à l’école. En relisant les pièces pour préparer<br />
le film, je me suis aperçu que la façon dont on nous le<br />
présentait alors ne reflétait ni la vie, ni l’énergie que Jean-<br />
Baptiste Poquelin avait mises dans son travail. Je crois que<br />
Molière aurait été fou de voir la façon dont on le joue souvent!<br />
Son œuvre peut parfaitement captiver les jeunes si on la présente<br />
de façon vivante, sans emphase inutile. Molière est moderne, critique,<br />
volontiers subversif, et cela touche tout le monde.»<br />
Et le premier touché semble être Duris lui-même. Dans un<br />
making of présenté sur le site <strong>com</strong>meaucinéma.<strong>com</strong>, celui qui<br />
est devenu partisan malgré lui de son propre personnage le<br />
qualifie de «très fougueux», de «très malin», de «manipula-<br />
famous québec 22 | avril 2007<br />
teur», en plus d’ajouter qu’il «s’enflamme très vite». À cette liste<br />
de qualificatifs, l’acteur n’omet pas d’ajouter: «Mais ça me plaît<br />
qu’il soit lâche à des moments. Je me suis même amusé à penser<br />
qu’il pouvait être radin aussi…»<br />
Radin de paroles, celui qui interprète l’auteur de L’Avare l’est<br />
sans doute aussi quelque peu. Ses interventions courtes et son<br />
parler laconique semblent <strong>com</strong>penser les effusions de mots que<br />
livre Duris au grand écran. Ainsi, dans une entrevue réalisée à<br />
l’occasion de la grande première du film, à Paris, et projetée sur<br />
<strong>com</strong>meaucinéma.<strong>com</strong>, à la vaste question: «Qu’aurait donné<br />
un monde sans Molière?», Duris rétorque: «Y’en aurait eu<br />
un autre, je pense!» Et quand on lui demande <strong>com</strong>ment il a<br />
procédé afin de travailler le rôle de cette figure légendaire, il<br />
s’exclame: «Je me suis concentré sur qui il était en tant que personne<br />
[sic] et donc, c’est bon, quoi!»<br />
Nombreux auraient été intimidés par la responsabilité d’incarner<br />
une figure historique aussi imposante. Duris, lui, aurait<br />
plutôt pris la chose avec une certaine assurance… et une assurance<br />
certaine: «Ce qui me plaît, c’est que c’est inventé, c’est<br />
créé. On a l’impression que plein de moments dans le scénario<br />
pourraient être du Molière. [...] À jouer, c’est un régal, quoi!<br />
Ces petites scénettes de théâtre qui représentent finalement des<br />
vraies pièces de Molière, c’était génial parce que c’était assez<br />
jouissif […]. On était assez libres parce que, finalement, c’est<br />
du Molière et que moi, je suis Molière. Donc on peut se permettre<br />
des choses, hein?» Oui, surtout avec ces beaux yeux qui<br />
font mourir d’amour…