Le démembrement de propriété sur les titres sociaux - Focus PCG
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40<br />
Synthèse // Réflexion // Une entreprise/un homme // Références<br />
droit<br />
<strong>Le</strong> <strong>démembrement</strong> <strong>de</strong> <strong>propriété</strong><br />
<strong>sur</strong> <strong>les</strong> <strong>titres</strong> <strong>sociaux</strong><br />
<strong>Le</strong> présent article apporte une réflexion supplémentaire, <strong>sur</strong> certains<br />
points, aux artic<strong>les</strong> publiés dans la RFC <strong>sur</strong> le même sujet en avril et en<br />
juillet-août 2010.<br />
1. La qualité d’associé<br />
1.1 <strong>Le</strong> nu-propriétaire<br />
est-il un associé ?<br />
<strong>Le</strong> nu-propriétaire est incontestablement<br />
un associé. La Cour <strong>de</strong> cassation l’affirmait<br />
déjà dans un arrêt du 8 novembre<br />
1967. Elle le confirme dans l’arrêt “<strong>de</strong><br />
Gaste“ du 4 janvier1994 par ces termes :<br />
« Aucune dérogation n’est prévue concernant<br />
le droit <strong>de</strong>s associés et donc du nupropriétaire<br />
<strong>de</strong> participer aux décisions<br />
collectives ».<br />
Elle ne fait que confirmer la qualité d’associé<br />
du nu-propriétaire reconnue par elle<br />
<strong>de</strong>puis trente ans sans que l’on puisse en<br />
tirer la conclusion que l’usufruitier n’est<br />
pas un associé. Elle ne dit pas que seul<br />
le nu-propriétaire est un associé. En effet,<br />
<strong>les</strong> mots “et donc“ ne font que confirmer<br />
cette qualité. Il n’est pas écrit “et donc<br />
Résumé <strong>de</strong> l’article<br />
<strong>Le</strong> nu-propriétaire est un associé.<br />
La Cour <strong>de</strong> cassation n’a jamais dit<br />
ni voulu dire que l’usufruitier n’était<br />
pas un associé. Pru<strong>de</strong>nce: la question<br />
reste entière.L’assemblée générale<br />
ordinaire approuve <strong>les</strong> comptes<br />
annuels et constate l’existence <strong>de</strong><br />
sommes distribuab<strong>les</strong> (pouvoirs<br />
reconnus au nu-propriétaire dans<br />
<strong>les</strong> SARL, SNC, sociétés civi<strong>les</strong> et à<br />
l’usufruitier dans <strong>les</strong> SA, SAS, SCA,<br />
sauf décisions contraires <strong>de</strong>s statuts).<br />
La décision d’affectation du<br />
bénéfice n’est pas distincte <strong>de</strong> la<br />
décision <strong>de</strong> distribution. Elle relève<br />
du seul pouvoir <strong>de</strong> l’usufruitier.<br />
L’usufruitier appréhen<strong>de</strong> le bénéfice<br />
<strong>de</strong> l’exercice. Appréhen<strong>de</strong>-t-il aussi<br />
le bénéfice distribuable ? La loi et<br />
la jurispru<strong>de</strong>nce n’en disent mot.<br />
<strong>Le</strong>s statuts peuvent remédier à ce<br />
silence. Un nu-propriétaire privé <strong>de</strong><br />
divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s réservés <strong>de</strong> par la loi et<br />
<strong>les</strong> statuts uniquement à l’usufruitier<br />
ne peut invoquer l’abus <strong>de</strong> majorité.<br />
L’article présente <strong>les</strong> arguments justifiant<br />
ces positions.<br />
// N°436 Octobre 2010 // Revue Française <strong>de</strong> Comptabilité<br />
<strong>de</strong>s seuls nus-propriétaires“ ni “et donc<br />
uniquement du nu-propriétaire“.<br />
La question posée à la Cour <strong>de</strong> cassation<br />
n’était pas <strong>de</strong> savoir si l’usufruitier avait<br />
la qualité d’associé, mais si <strong>les</strong> statuts<br />
attribuant l’intégralité <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> vote<br />
à l’usufruitier pouvaient empêcher un<br />
nu-propriétaire d’y participer. Réponse<br />
négative au regard <strong>de</strong> l’article 1844 du<br />
Co<strong>de</strong> civil alinéa 1 : « Tout associé a le<br />
droit <strong>de</strong> participer aux décisions collectives<br />
».<br />
1.2 L’usufruitier est-il un associé ?<br />
1.2.1 Au regard <strong>de</strong> la jurispru<strong>de</strong>nce<br />
La question n’est pas tranchée à ce jour<br />
comme le pensent certains auteurs dont<br />
le cabinet Francis <strong>Le</strong>febvre 1 .<br />
Il est impossible d’affirmer avec certitu<strong>de</strong><br />
que la Cour <strong>de</strong> cassation, dans son<br />
arrêt du 29 novembre 2006 n° 05-17009,<br />
a estimé que la cession <strong>de</strong> la nue-<strong>propriété</strong><br />
<strong>de</strong>s <strong>titres</strong> par un associé lui faisait<br />
perdre sa qualité d’associé. Pour quel<strong>les</strong><br />
raisons?<br />
a) La Cour <strong>de</strong> cassation n’a jamais eu<br />
à se prononcer <strong>sur</strong> la qualité d’associé<br />
<strong>de</strong> l’usufruitier. Un arrêt <strong>de</strong> Cour<br />
<strong>de</strong> cassation s’analyse à la lumière <strong>de</strong>s<br />
moyens invoqués par la partie qui a fait<br />
pourvoi, car c’est à ces moyens et à<br />
ceux-là seuls que la Cour répond. Aucun<br />
<strong>de</strong>s trois moyens invoqués par la partie<br />
qui a fait pourvoi ne conteste la qualité<br />
<strong>de</strong> non-associé d’un usufruitier. Au<br />
contraire, dans leur troisième moyen, le<br />
preneur lui-même ne se reconnaît pas la<br />
qualité d’associé : « Attendu que Mmes<br />
Z et A font grief à l’arrêt <strong>de</strong> prononcer<br />
la résiliation <strong>de</strong>s baux, alors, selon le<br />
moyen (…) 3°) qu’en toute hypothèse,<br />
l’usufruitier peut exercer certaines prérogatives<br />
attachées à la qualité <strong>de</strong>s<br />
associés sans pour autant avoir cette<br />
qualité (…) ».<br />
1. F. <strong>Le</strong>febvre, Mémento du Patrimoine 2010,<br />
n° 3162, page 144, alinéa a du paragraphe<br />
Précisions. J. Prieur, R. Mortier, S. Schiller, T.<br />
Revet, La Semaine Juridique 11 juin 2010 n°<br />
23, paragraphe 16 page 39.<br />
Par Joël GAZULLA,<br />
expert-comptable<br />
conseil en stratégie patrimoniale<br />
directeur <strong>de</strong> JG Formation<br />
b) La Cour <strong>de</strong> cassation n’avait à se<br />
prononcer que <strong>sur</strong> l’application <strong>de</strong>s<br />
dispositions <strong>de</strong> l’article L 411-37 du<br />
Co<strong>de</strong> rural. Celui-ci dispose que le<br />
preneur associé d’une société à objet<br />
principalement agricole peut mettre à<br />
la disposition <strong>de</strong> celle-ci tout ou partie<br />
<strong>de</strong>s biens dont il est locataire. <strong>Le</strong> preneur<br />
qui reste seul titulaire du bail doit,<br />
à peine <strong>de</strong> résiliation, continuer à se<br />
consacrer à l’exploitation du bien loué<br />
mis à disposition, en participant <strong>sur</strong><br />
<strong>les</strong> lieux aux travaux <strong>de</strong> façon effective<br />
et permanente. Autrement dit, <strong>de</strong>ux<br />
conditions doivent être remplies par le<br />
preneur à bail pour la validité <strong>de</strong> l’apport<br />
: être associé et participer à l’exploitation.<br />
La Cour <strong>de</strong> cassation, prenant acte que la<br />
cour d’appel avait constaté que la qualité<br />
d’associé manquait, a inéluctablement<br />
rejeté ce pourvoi voué à l’échec dès le<br />
départ.<br />
Conseil<br />
<strong>Le</strong> professionnel restera donc pru<strong>de</strong>nt<br />
et <strong>de</strong>vra prévoir, par exemple, que l’usufruitier<br />
détienne au moins une part en<br />
pleine <strong>propriété</strong> (pour <strong>les</strong> sociétés où il<br />
est exigé la présence d’au moins <strong>de</strong>ux<br />
associés).<br />
Au <strong>de</strong>meurant, il n’est nul grand et impératif<br />
besoin <strong>de</strong> savoir si l’usufruitier est<br />
associé vu <strong>les</strong> moyens juridiques dont<br />
on dispose pour en faire un réel “associé“<br />
:<br />
- a minima d’abord : l’article L 225-110<br />
du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> commerce prévoit que<br />
l’usufruitier (dans <strong>les</strong> SA, SAS et SCA)<br />
a le droit <strong>de</strong> vote dans <strong>les</strong> assemblées<br />
généra<strong>les</strong> ordinaires ;<br />
- a maxima ensuite : la Cour <strong>de</strong> cassation<br />
(chambre commerciale 2 décembre<br />
2008 n° 08-13185) lui a reconnu la possibilité<br />
<strong>de</strong> disposer statutairement <strong>de</strong>
tous <strong>les</strong> droits <strong>de</strong> vote à la condition que<br />
le nu-propriétaire soit convoqué à l’assemblée<br />
pour y participer. Cette possibilité<br />
concerne toutes <strong>les</strong> sociétés civi<strong>les</strong><br />
et commercia<strong>les</strong>.<br />
Ces <strong>de</strong>ux bornes léga<strong>les</strong> et jurispru<strong>de</strong>ntiel<strong>les</strong>,<br />
bien appliquées, offrent une réelle<br />
sécurité juridique.<br />
1.2.2 Au regard <strong>de</strong>s dispositions<br />
du Co<strong>de</strong> civil<br />
La lecture <strong>de</strong> l’article 1844-5 du Co<strong>de</strong> civil<br />
permet-elle d’en déduire que l’usufruitier<br />
n’est pas un associé ? Que dit cet article ?<br />
Alinéa 1 : « La réunion <strong>de</strong> toutes <strong>les</strong> parts<br />
socia<strong>les</strong> en une seule main n’entraîne pas<br />
la dissolution <strong>de</strong> plein droit <strong>de</strong> la société.<br />
Tout intéressé peut <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r cette dissolution<br />
si la situation n’a pas été régularisée<br />
dans le délai d’un an ».<br />
Alinéa 2 : « L’appartenance <strong>de</strong> l’usufruit <strong>de</strong><br />
toutes <strong>les</strong> parts socia<strong>les</strong> à la même personne<br />
est sans conséquence <strong>sur</strong> l’existence<br />
<strong>de</strong> la société ».<br />
Henri Royal 2 écrit : « Est-il illogique d’en<br />
déduire que l’usufruitier n’a pas la qualité<br />
d’associé ? ». Bien que non exprimée par<br />
l’auteur, il semble que la logique rési<strong>de</strong> dans<br />
le fait que si l’usufruitier avait la qualité d’associé,<br />
l’alinéa 2 n’aurait pas <strong>de</strong> raison d’être<br />
(la société serait alors constituée d’un usufruitier<br />
associé et au moins d’un nu-propriétaire<br />
associé, donc <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux associés). Mais<br />
n’est-il pas tout aussi illogique d’en déduire<br />
que l’usufruitier a la qualité d’associé ?<br />
Cette logique peut exister également<br />
au regard <strong>de</strong> l’alinéa 1 <strong>de</strong> l’article 1832<br />
du Co<strong>de</strong> civil qui édicte que « la société<br />
est instituée par <strong>de</strong>ux ou plusieurs personnes<br />
». Autrement dit, pour qu’une<br />
seule <strong>de</strong>s personnes associées à l’origine<br />
se retrouve usufruitière <strong>de</strong> la totalité <strong>de</strong>s<br />
parts, il faut qu’elle ait acheté ou reçu un<br />
usufruit <strong>de</strong> l’autre associé.<br />
Exemple<br />
Un associé A échange sa nue-<strong>propriété</strong><br />
<strong>de</strong>s parts 1 à 5 contre l’usufruit <strong>de</strong>s parts<br />
6 à 10. La situation est alors la suivante :<br />
A se retrouve seul usufruitier et B se<br />
retrouve seul nu-propriétaire. Faut-il en<br />
conclure logiquement que le risque <strong>de</strong><br />
l’alinéa 1 <strong>de</strong> l’article 1844-5 s’applique ?<br />
Non, car la loi ne distingue pas selon la<br />
cause <strong>de</strong> la réunion <strong>de</strong> l’usufruit entre <strong>les</strong><br />
mains d’une seule personne.<br />
L’alinéa 1 <strong>de</strong> l’article 1844-5 édicte que<br />
la présence d’un seul associé au sein<br />
d’une société (exception <strong>de</strong>s EURL,<br />
SASU, EARL à associé unique) peut<br />
entraîner une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> dissolution.<br />
Or, la détention <strong>de</strong> l’usufruit <strong>de</strong>s parts<br />
socia<strong>les</strong> entre <strong>les</strong> mains d’une seule<br />
personne est sans conséquence <strong>sur</strong><br />
l’existence <strong>de</strong> la société, donc sans<br />
risque d’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> dissolution<br />
<strong>de</strong> la société. C’est donc que l’usufruitier<br />
a la qualité d’associé. Sinon, à<br />
défaut <strong>de</strong> cette qualité, on se trouverait<br />
en présence d’un seul nu-propriétaire,<br />
donc d’un seul associé, l’alinéa 1 s’appliquerait<br />
automatiquement et donc il<br />
y aurait <strong>de</strong>s conséquences éventuel<strong>les</strong><br />
<strong>sur</strong> l’existence <strong>de</strong> la société (dissolution<br />
possible).<br />
L’alinéa 2 précise qu’une même personne<br />
peut détenir l’intégralité <strong>de</strong> l’usufruit <strong>de</strong>s<br />
parts socia<strong>les</strong>. Donc, la nue-<strong>propriété</strong><br />
<strong>de</strong>s parts socia<strong>les</strong> peut être détenue par<br />
une seule personne. En effet, l’alinéa 2<br />
ne mentionne pas « à la condition qu’il y<br />
ait au moins <strong>de</strong>ux nus-propriétaires ». Ce<br />
serait ajouter au texte que <strong>de</strong> supposer<br />
comme présumée cette condition.<br />
Enfin, l’article 1844-5 est issu <strong>de</strong> la loi<br />
du 5 janvier 1978, soit bien avant que le<br />
législateur n’autorise la société unipersonnelle<br />
(article 1832 alinéa 2 institué<br />
le 11 juillet 1985). <strong>Le</strong> législateur a-t-il<br />
volontairement ou non omis <strong>de</strong> modifier<br />
l’article 1844-5 à ce moment-là ?<br />
De même, l’article 132-12 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
commerce dispose que « l’assemblée<br />
générale détermine la part attribuée aux<br />
associés sous forme <strong>de</strong> divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s ».<br />
Autrement dit, comme l’usufruitier<br />
est le bénéficiaire <strong>de</strong>s divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s (au<br />
moins <strong>de</strong> ceux résultant du bénéfice <strong>de</strong><br />
l’exercice), il est donc reconnu par la loi<br />
comme étant un associé à part entière.<br />
La logique du droit est plutôt sinueuse.<br />
Il n’y a pas toujours, loin s’en faut, prévalence<br />
<strong>de</strong> l’alinéa précé<strong>de</strong>nt <strong>sur</strong> l’alinéa<br />
suivant, ni <strong>de</strong> déduction logique à faire<br />
entre alinéas !<br />
1.2.3 Au regard <strong>de</strong>s dispositions<br />
fisca<strong>les</strong><br />
L’article RFC <strong>de</strong> juillet-août 2010 invoque<br />
(paragraphe 1.2 page 38) la position <strong>de</strong><br />
l’administration fiscale (instruction BOI 5<br />
D-2-07 du 23 mars 2007) qui ne reconnaît<br />
pas la qualité d’associé à l’usufruitier. Mais<br />
il ne s’agit que d’une position <strong>de</strong> l’administration<br />
avec la seule valeur qu’elle a :<br />
une valeur interprétative susceptible d’être<br />
contestée. L’administration fiscale ne fait<br />
pas le droit civil ni la jurispru<strong>de</strong>nce civile,<br />
et aucun texte du CGI n’édicte que seul<br />
le nu-propriétaire est un associé.<br />
Or, la problématique <strong>de</strong> la qualité d’associé<br />
ne relève pas d’un problème d’interprétation<br />
d’un texte fiscal mais d’un<br />
texte civil.<br />
1.3 Conclusions<br />
El<strong>les</strong> sont au nombre <strong>de</strong>ux :<br />
n Juridique : La question <strong>de</strong> la qualité<br />
d’associé est purement juridique. C’est<br />
2. RFC n° 434 juillet-août, page 38.<br />
droit<br />
dans la nature <strong>de</strong> l’usufruit qu’il faut<br />
chercher la réponse et que la cherchera<br />
la Cour <strong>de</strong> cassation (à moins qu’elle ne<br />
soit <strong>de</strong>vancée par le législateur) :<br />
• soit l’usufruit est considéré comme un<br />
vrai <strong>démembrement</strong> <strong>de</strong> <strong>propriété</strong>, et alors<br />
l’usufruitier est associé,<br />
• soit l’usufruit n’est qu’une charge (une<br />
servitu<strong>de</strong>) <strong>de</strong> la <strong>propriété</strong>, et alors l’usufruitier<br />
n’est pas un associé.<br />
Si l’on remonte au droit romain qui<br />
semble s’être perpétué à ce jour <strong>sur</strong><br />
cette question, il est une servitu<strong>de</strong>,<br />
autrement dit une prérogative détachée<br />
<strong>de</strong> la <strong>propriété</strong> (le dominium). Mais<br />
l’avant-projet <strong>de</strong> loi portant réforme du<br />
droit <strong>de</strong>s biens déposé le 12 novembre<br />
2008 auprès du Gar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Sceaux<br />
énonce que l’usufruit est un <strong>démembrement</strong><br />
<strong>de</strong> <strong>propriété</strong>.<br />
n Pragmatique : Patience ! La question<br />
finira bien par être posée, à moins que<br />
le projet <strong>de</strong> réforme du droit <strong>de</strong>s biens<br />
ne finisse par y répondre clairement. En<br />
attendant, la pru<strong>de</strong>nce recomman<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
conseiller à l’usufruitier <strong>de</strong> détenir au<br />
moins une part en pleine <strong>propriété</strong> afin<br />
qu’aucun risque <strong>de</strong> fictivité <strong>de</strong> la société<br />
ne soit encouru (pour constitution d’une<br />
société avec un seul associé, hormis <strong>les</strong><br />
cas autorisés par la loi).<br />
Abstract<br />
A bare owner is a partner. The<br />
French Cour <strong>de</strong> Cassation has<br />
never stated or inten<strong>de</strong>d to state<br />
that a usufructuary was not a partner.<br />
Beware: the issue remains<br />
unresolved. The general assembly<br />
approves annual accounts and<br />
observes the amounts to be distributed<br />
(recognized bare owner<br />
rights in French SARL, SNC and<br />
civil companies and usufructuary<br />
rights in SA, SAS and SCA structures,<br />
excluding all <strong>de</strong>cisions to the<br />
contrary in the company statutes).<br />
The <strong>de</strong>cision to share profit is not<br />
separate from the <strong>de</strong>cision taken<br />
on how to distribute it. This <strong>de</strong>cision<br />
is ma<strong>de</strong> only by the usufructuary<br />
who establishes the amount<br />
of profit for the period. Does the<br />
usufructuary also establish distribution<br />
rights? The law and prece<strong>de</strong>nt<br />
remain silent on this issue<br />
leaving only the company statues<br />
to comment. A bare owner who<br />
is exclu<strong>de</strong>d from divi<strong>de</strong>nds reserved<br />
by law and company statutes<br />
for a usufructuary cannot refer to<br />
minority sharehol<strong>de</strong>r abuse. The<br />
following article presents the arguments<br />
behind the above claims.<br />
Revue Française <strong>de</strong> Comptabilité // N°436 Octobre 2010 //<br />
41
42<br />
Synthèse // Réflexion // Une entreprise/un homme // Références<br />
droit<br />
2. L’affectation<br />
du bénéfice et <strong>de</strong>s<br />
sommes distribuab<strong>les</strong><br />
Il sera fait la distinction entre le bénéfice<br />
<strong>de</strong> l’exercice (distribuable ou non) et <strong>les</strong><br />
sommes distribuab<strong>les</strong> (distribuées ou<br />
non).<br />
2.1 L’affectation du bénéfice<br />
<strong>de</strong> l’exercice<br />
Henri Royal propose une distinction très<br />
subtile entre la décision d’affectation et<br />
la décision <strong>de</strong> distribution (paragraphe 3<br />
page 40) en écrivant : « Cette distinction<br />
est clairement établie par la loi et<br />
la jurispru<strong>de</strong>nce, même si <strong>les</strong> écritures<br />
comptab<strong>les</strong> confon<strong>de</strong>nt <strong>les</strong> opérations ».<br />
Cette distinction (tirée <strong>de</strong> l’interprétation<br />
du schéma fléché proposé dans l’article)<br />
s’opère <strong>sur</strong> l’argument suivant : la loi et<br />
la jurispru<strong>de</strong>nce prévoient d’abord l’affectation<br />
du résultat, puis la constatation <strong>de</strong><br />
sommes distribuab<strong>les</strong> et enfin la distribution<br />
d’un divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>. L’auteur estime que<br />
l’usufruitier (dans <strong>les</strong> sociétés civi<strong>les</strong>, <strong>les</strong><br />
SARL, <strong>les</strong> SNC entre autres) a le pouvoir<br />
d’affecter le bénéfice et que le nu-propriétaire<br />
(l’assemblée générale) déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />
distribution.<br />
La jurispru<strong>de</strong>nce dit-elle exactement<br />
ceci ? La Cour <strong>de</strong> cassation 3 évoque une<br />
chronologie différente : « Mais attendu<br />
que <strong>les</strong> bénéfices réalisés par une société<br />
ne participent <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>s fruits que<br />
lors <strong>de</strong> leur attribution sous forme <strong>de</strong><br />
divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s, <strong>les</strong>quels n’ont pas d’existence<br />
juridique avant l’approbation <strong>de</strong>s<br />
comptes <strong>de</strong> l’exercice par l’assemblée<br />
générale, la constatation par celle-ci <strong>de</strong><br />
l’existence <strong>de</strong> sommes distribuab<strong>les</strong> et la<br />
détermination <strong>de</strong> la part qui est attribuée<br />
à chaque associé (…) ».<br />
La loi dit-elle exactement ceci ? « Après<br />
approbation <strong>de</strong>s comptes annuels et<br />
constatation <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong> sommes<br />
distribuab<strong>les</strong>, l’assemblée générale détermine<br />
la part attribuée aux associés sous<br />
forme <strong>de</strong> divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s » (Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> commerce<br />
article L 232 –12).<br />
La Cour <strong>de</strong> cassation ne fait qu’une juste<br />
application <strong>de</strong> la loi quant à la chronologie<br />
à respecter :<br />
• d’abord, approbation <strong>de</strong>s comptes <strong>de</strong><br />
l’exercice par l’assemblée générale,<br />
• puis, constatation <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong><br />
sommes distribuab<strong>les</strong>,<br />
• enfin, détermination <strong>de</strong> la part attribuée<br />
à chaque associé.<br />
Un bénéfice peut être affecté :<br />
• à un compte <strong>de</strong> report à nouveau débiteur<br />
(pertes antérieures),<br />
• à un compte <strong>de</strong> réserve légale (si prévu<br />
par la loi),<br />
• à un compte <strong>de</strong> réserve statutaire (si<br />
prévu par <strong>les</strong> statuts),<br />
• au capital par incorporation,<br />
• à un compte <strong>de</strong> réserve facultative,<br />
// N°436 Octobre 2010 // Revue Française <strong>de</strong> Comptabilité<br />
• à un compte <strong>de</strong> report à nouveau créditeur,<br />
• à une distribution <strong>de</strong> divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s.<br />
<strong>Le</strong> bénéfice <strong>de</strong> l’exercice n’est distribuable<br />
pour la partie qui subsiste qu’après<br />
que toutes <strong>les</strong> pertes antérieures ont été<br />
apurées (à défaut, on doit <strong>les</strong> imputer en<br />
priorité <strong>sur</strong> le bénéfice), que la réserve<br />
légale a été entièrement dotée (dans <strong>les</strong><br />
sociétés où elle est obligatoire) et que la<br />
réserve statutaire a été dotée (dans <strong>les</strong><br />
sociétés où <strong>les</strong> statuts l’exigent).<br />
Il ne peut donc y avoir constatation d’un<br />
bénéfice distribuable après l’affectation<br />
du résultat, vu que l’affectation du bénéfice<br />
à une distribution doit avant tout<br />
reposer <strong>sur</strong> la constatation <strong>de</strong> l’existence<br />
d’une somme distribuable, au risque<br />
d’une distribution <strong>de</strong> divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s fictifs.<br />
C’est parce que l’on a constaté l’existence<br />
<strong>de</strong> son caractère distribuable que<br />
le bénéfice <strong>de</strong> l’exercice peut être affecté<br />
à une distribution. Autrement dit, un usufruitier<br />
ne peut déci<strong>de</strong>r une affectation du<br />
bénéfice à une distribution que s’il a été<br />
constaté au préalable l’existence d’un<br />
bénéfice distribuable.<br />
Or, la constatation <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong><br />
sommes distribuab<strong>les</strong> ne résulte pas d’une<br />
décision spécifique <strong>de</strong> l’assemblée générale<br />
mais <strong>de</strong> la vérification mathématique<br />
que <strong>de</strong>s pertes antérieures restent à apurer<br />
ou que la réserve légale n’a pas encore<br />
été complètement dotée. La constatation<br />
résulte <strong>de</strong> l’approbation <strong>de</strong>s comptes<br />
annuels par l’assemblée générale. Et<br />
c’est ce que dit ni plus ni moins l’article L<br />
232 12 : « Après approbation <strong>de</strong>s comptes<br />
et constatation <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong> sommes<br />
distribuab<strong>les</strong>, l’assemblée générale détermine<br />
la part attribuée aux associés sous<br />
forme <strong>de</strong> divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s (…) ».<br />
L’affectation du résultat ne détermine pas<br />
la somme distribuable mais le montant<br />
<strong>de</strong> la somme distribuée. Voilà pourquoi<br />
la pratique juridique et la pratique comptable<br />
affectent et déci<strong>de</strong>nt d’un montant<br />
distribué en une seule résolution et une<br />
seule écriture. Rien n’interdit d’ailleurs <strong>de</strong><br />
prévoir une résolution spécifique constatant<br />
l’existence, ou non, d’une part d’un<br />
bénéfice distribuable, d’autre part <strong>de</strong><br />
sommes distribuab<strong>les</strong>.<br />
Il faut rappeler également que c’est <strong>sur</strong><br />
le bénéfice distribuable que doivent être<br />
prélevés en priorité <strong>les</strong> divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s (Co<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> commerce L 232-11 alinéa 2).<br />
Qui vote l’approbation <strong>de</strong>s comptes<br />
annuels dans <strong>les</strong> sociétés tel<strong>les</strong> que<br />
SARL, sociétés civi<strong>les</strong>, SNC ? <strong>Le</strong> nupropriétaire,<br />
sauf disposition contraire<br />
<strong>de</strong>s statuts. En votant l’approbation <strong>de</strong>s<br />
3. Chambre commerciale du 31 mars 2009<br />
n° 08-14053.<br />
comptes annuels (donc du montant du<br />
bénéfice <strong>de</strong> l’exercice, <strong>de</strong>s réserves, du<br />
report à nouveau), le nu-propriétaire a<br />
obligatoirement constaté l’existence ou<br />
non <strong>de</strong> sommes distribuab<strong>les</strong>, ou à tout<br />
le moins d’un bénéfice distribuable.<br />
Une fois constatée l’existence d’un bénéfice<br />
distribuable, il appartient à l’assemblée<br />
d’affecter ou non ce bénéfice distribuable<br />
à une distribution conformément<br />
à ce que prévoit le Co<strong>de</strong> civil.<br />
Qui doit affecter le bénéfice ? L’usufruitier<br />
présent à l’assemblée et lui seul. Il peut<br />
déci<strong>de</strong>r une mise en réserve ou une distribution<br />
ou combiner <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux. Bénéfice<br />
distribuable n’est pas bénéfice distribué.<br />
Lorsque la loi dans son article L 232-12<br />
évoque « l’assemblée générale comme<br />
déterminant la part attribuée aux associés<br />
sous forme <strong>de</strong> divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s », il est<br />
audacieux d’affirmer que la loi entend<br />
réserver le terme “assemblée générale“<br />
à la réunion <strong>de</strong>s seuls associés <strong>de</strong> la<br />
société. L’acception <strong>de</strong> ce terme doit<br />
être plus large et embrasse la notion<br />
<strong>de</strong> réunion. Autrement dit, la loi n’a pas<br />
voulu dire que le montant attribué aux<br />
associés en distribution <strong>de</strong> divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s<br />
relevait du seul pouvoir <strong>de</strong>s pleins propriétaires<br />
ou nus-propriétaires <strong>de</strong> parts<br />
socia<strong>les</strong>.<br />
Car alors comment appelle-t-on la réunion<br />
d’où sont exclus <strong>les</strong> actionnaires<br />
ayant <strong>de</strong>s actions à divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s prioritaires<br />
sans droit <strong>de</strong> vote ? la réunion où<br />
un usufruitier vote <strong>de</strong>s résolutions alors<br />
qu’il détient statutairement tous <strong>les</strong> droits<br />
<strong>de</strong> vote ? la réunion où un usufruitier ne<br />
vote que l’affectation du bénéfice ?<br />
2.2 L’affectation d’une somme<br />
distribuable<br />
La somme distribuable comprend :<br />
• le bénéfice distribuable <strong>de</strong> l’exercice,<br />
• le report à nouveau créditeur,<br />
• <strong>les</strong> réserves facultatives.<br />
2.2.1 Qui constate l’existence<br />
d’une somme distribuable ?<br />
C’est l’assemblée qui approuve <strong>les</strong><br />
comptes et constate l’existence <strong>de</strong><br />
sommes distribuab<strong>les</strong>. Autrement dit,<br />
sauf pouvoirs entiers donnés par <strong>les</strong> statuts<br />
à l’usufruitier, c’est le nu-propriétaire<br />
qui approuve <strong>les</strong> comptes (sauf pour <strong>les</strong><br />
SA, SCA et SAS et, pour ces sociétés,<br />
sauf dispositions contraires <strong>de</strong>s statuts)<br />
et par là-même, constate l’existence <strong>de</strong><br />
sommes distribuab<strong>les</strong>.<br />
2.2.2 Qui affecte <strong>les</strong> sommes<br />
distribuab<strong>les</strong>?<br />
Lorsque la somme distribuable se résume<br />
à la totalité du bénéfice <strong>de</strong> l’exercice, il<br />
appartient à l’usufruitier <strong>de</strong> l’affecter<br />
(dotation à une réserve facultative, dotation<br />
à un compte <strong>de</strong> report à nouveau<br />
créditeur, distribution).
Lorsque la somme distribuable comprend<br />
le bénéfice <strong>de</strong> l’exercice et le<br />
report à nouveau créditeur, le pouvoir<br />
d’affectation appartient à l’usufruitier. En<br />
effet, le report à nouveau créditeur n’est<br />
que le reflet <strong>de</strong> bénéfices en instance<br />
d’affectation.<br />
Lorsque la somme distribuable comprend<br />
en sus <strong>de</strong> l’un ou <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux postes précé<strong>de</strong>nts<br />
<strong>les</strong> réserves facultatives, la réponse<br />
est très délicate. <strong>Le</strong>s auteurs sont partagés,<br />
certains estimant que l’affectation<br />
<strong>de</strong>s réserves facultatives à une distribution<br />
relève du seul pouvoir du nu-propriétaire,<br />
d’autres estimant au contraire<br />
qu’elle relève du pouvoir <strong>de</strong> l’usufruitier.<br />
Ces <strong>de</strong>rniers relèvent que rien dans <strong>les</strong><br />
textes ni dans <strong>de</strong>s arrêts <strong>de</strong> jurispru<strong>de</strong>nce<br />
ne permet d’affirmer que l’usufruitier a le<br />
droit <strong>de</strong> vote pour l’affectation <strong>de</strong>s “bénéfices<br />
<strong>de</strong> l’exercice“. La loi civile et la loi fiscale<br />
font référence au terme “bénéfices“,<br />
sans autre précision et aucune décision<br />
jurispru<strong>de</strong>ntielle n’est venue infirmer ou<br />
confirmer qu’il s’agit <strong>de</strong>s bénéfices <strong>de</strong><br />
l’exercice. Or, <strong>les</strong> réserves facultatives<br />
ne sont que <strong>de</strong>s bénéfices antérieurs, ni<br />
plus ni moins.<br />
Ils font valoir aussi qu’il serait étonnant<br />
que le législateur, dans l’esprit, traite différemment<br />
<strong>les</strong> prérogatives <strong>de</strong> l’usufruitier<br />
<strong>sur</strong> <strong>les</strong> bénéfices selon que la société<br />
est une SARL, une société civile, une<br />
SNC ou selon qu’elle est une SA, une<br />
SAS, une SCA (dans ces sociétés, c’est<br />
l’usufruitier qui déci<strong>de</strong> seul en assemblée<br />
générale ordinaire), alors que le statut<br />
légal <strong>de</strong> l’usufruitier est un et indivisible<br />
quant à ses prérogatives <strong>sur</strong> <strong>les</strong> bénéfices.<br />
<strong>Le</strong> législateur civil n’évoquant que le<br />
terme “bénéfice“ a-t-il entendu restreindre<br />
cette notion à celle <strong>de</strong> bénéfice<br />
<strong>de</strong> l’exercice ? Rien n’est moins sûr<br />
car la notion <strong>de</strong> “somme distribuable“<br />
est une notion qui a été insérée dans<br />
le Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> commerce bien après l’article<br />
du Co<strong>de</strong> civil. Une harmonisation<br />
serait souhaitable entre le texte civil et<br />
le texte commercial, mais le législateur<br />
considère certainement qu’elle est inutile,<br />
du fait que ces dispositions sont,<br />
tant en matière civile qu’en matière commerciale,<br />
supplétives <strong>de</strong> la volonté <strong>de</strong>s<br />
parties.<br />
2.2.3 L’appréhension du bénéfice<br />
distribué<br />
Il ne fait aucun doute que l’usufruitier peut<br />
appréhen<strong>de</strong>r la distribution partielle ou<br />
totale du bénéfice distribuable <strong>de</strong> l’exercice<br />
et du report à nouveau créditeur. Ceci<br />
n’est que la juste application <strong>de</strong> l’article<br />
582 du Co<strong>de</strong> civil.<br />
Henri Royal défend une thèse intéressante<br />
: un nu-propriétaire privé <strong>de</strong> divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s<br />
peut-il invoquer l’abus <strong>de</strong> droit ?<br />
Oui, répond l’auteur en citant trois arrêts <strong>de</strong><br />
la Cour <strong>de</strong> cassation (22 avril 1976, 6 juin<br />
1990, 1 er juillet 2003).<br />
Une opinion différente peut être émise, se<br />
fondant, d’une part, <strong>sur</strong> le droit <strong>de</strong>s biens,<br />
et d’autre part <strong>sur</strong> le droit <strong>de</strong>s sociétés.<br />
Au regard du droit <strong>de</strong>s sociétés, l’abus<br />
<strong>de</strong> majorité n’est qu’un <strong>de</strong>s aspects <strong>de</strong><br />
l’abus du droit <strong>de</strong> vote (au même titre<br />
que l’abus <strong>de</strong> minorité), droit <strong>de</strong> vote<br />
qui ne doit pas être contraire à l’intérêt<br />
social ni émis dans l’unique <strong>de</strong>ssein <strong>de</strong><br />
favoriser <strong>les</strong> membres <strong>de</strong> la majorité (ou<br />
<strong>de</strong> la minorité) par rapport aux autres<br />
actionnaires (Cour <strong>de</strong> cassation 22 avril<br />
1976, 23 juin 1987, 6 juin 1990, 22 janvier<br />
1991, 3 juin 2003, 1 er juillet 2003).<br />
D’ailleurs, <strong>les</strong> trois arrêts cités ne concernent<br />
pas un litige entre usufruitiers et nuspropriétaires<br />
mais entre associés majoritaires<br />
et minoritaires pleins propriétaires<br />
<strong>de</strong> leurs <strong>titres</strong>.<br />
Admettre l’abus <strong>de</strong> majorité d’un usufruitier,<br />
c’est donc lui reconnaître la qualité<br />
d’associé. Ce qui est quelque peu paradoxal<br />
pour ceux qui affirment ou estiment<br />
qu’il ne l’a pas !<br />
Il appartient, <strong>de</strong> par la loi civile et commerciale,<br />
à l’usufruitier <strong>de</strong> voter l’affectation<br />
du bénéfice. Comment alors<br />
reprocher à un usufruitier <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r<br />
une distribution sauf si celle-ci mettait<br />
en péril la <strong>sur</strong>vie <strong>de</strong> la société ? Il suffit<br />
à l’usufruitier <strong>de</strong> laisser <strong>les</strong> sommes à la<br />
disposition <strong>de</strong> la société.<br />
Au regard du droit <strong>de</strong>s biens, il appartient<br />
à l’usufruitier d’appréhen<strong>de</strong>r <strong>les</strong> fruits<br />
civils (Co<strong>de</strong> civil article 582) donc <strong>les</strong> divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s.<br />
En quoi un usufruitier pourrait-il<br />
se voir reprocher un abus du droit <strong>de</strong><br />
majorité, alors que c’est la loi qui réserve<br />
<strong>les</strong> bénéfices distribués <strong>de</strong> l’exercice à<br />
l’usufruitier ?<br />
Pour qu’il y ait abus <strong>de</strong> majorité, il faut que<br />
soient remplies <strong>de</strong>ux conditions : droit <strong>de</strong><br />
vote contraire à l’intérêt social et droit <strong>de</strong><br />
vote émis dans l’unique but <strong>de</strong> favoriser<br />
celui qui vote. En quoi l’usufruitier s’accor<strong>de</strong>-t-il<br />
une faveur en s’attribuant <strong>de</strong>s<br />
divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s alors que c’est la nature même<br />
<strong>de</strong> l’usufruit qui veut que l’usufruitier perçoive<br />
<strong>de</strong>s fruits?<br />
Et n’y-a-t-il pas une solution, <strong>sur</strong> cet<br />
aspect-là <strong>de</strong>s choses, pour concilier le<br />
nu-propriétaire et l’usufruitier ? Oui. Il suffit<br />
que <strong>les</strong> statuts prévoient la dotation<br />
partielle du bénéfice à une réserve statutaire.<br />
Or qui, à l’origine, établit <strong>les</strong> clauses<br />
statutaires ou, par la suite, <strong>les</strong> modifie ?<br />
<strong>Le</strong> nu-propriétaire. Voie plus simple pour<br />
lui que celle d’une voie judiciaire pour<br />
abus <strong>de</strong> majorité.<br />
2.2.4 L’appréhension <strong>de</strong>s réserves<br />
distribuées<br />
<strong>Le</strong> problème <strong>de</strong> l’appréhension <strong>de</strong>s<br />
réserves par l’usufruitier se pose dans <strong>les</strong><br />
mêmes termes que celui <strong>de</strong> l’affectation<br />
<strong>de</strong>s réserves. L’article paru dans la RFC<br />
d’avril 2010 expose toutes <strong>les</strong> opinions<br />
<strong>de</strong>s auteurs <strong>sur</strong> ce sujet.<br />
Conclusion<br />
droit<br />
<strong>Le</strong> débat reste entier et passionnant<br />
au sujet du <strong>démembrement</strong> <strong>de</strong>s <strong>titres</strong><br />
<strong>sociaux</strong>. <strong>Le</strong>s questions sont nombreuses<br />
à rester sans réponse claire.<br />
En regard <strong>de</strong>s thèses intéressantes soutenues<br />
par H. Royal, tel<strong>les</strong> que :<br />
• la Cour <strong>de</strong> cassation dénie à l’usufruitier<br />
le droit d’être un associé,<br />
• le nu-propriétaire peut prétendre aux<br />
divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s,<br />
• le nu-propriétaire peut invoquer l’abus<br />
<strong>de</strong> majorité si l’usufruitier appréhen<strong>de</strong><br />
tous <strong>les</strong> résultats,<br />
• le nu-propriétaire déci<strong>de</strong> seul <strong>de</strong> la<br />
distribution et du montant <strong>de</strong>s divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s,<br />
cet article a pour but <strong>de</strong> démontrer<br />
que dans ce domaine peu <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong>s<br />
existent en fait.<br />
<strong>Le</strong>squel<strong>les</strong> ?<br />
• un usufruitier a le droit <strong>de</strong> vote en AGO<br />
dans <strong>les</strong> SA, SAS, SCA et SASU,<br />
• un usufruitier peut se voir conférer par<br />
<strong>les</strong> statuts le droit <strong>de</strong> vote à toutes <strong>les</strong><br />
assemblées, et ce dans toutes <strong>les</strong> sociétés,<br />
• un nu-propriétaire ne peut se voir interdire<br />
<strong>de</strong> participer à toutes <strong>les</strong> assemblées,<br />
et ce dans toutes <strong>les</strong> sociétés.<br />
Ces certitu<strong>de</strong>s suffisent à apporter le<br />
conseil ad hoc exigé par le client en<br />
fonction <strong>de</strong> sa situation et <strong>de</strong> ses souhaits.<br />
Il est donc inutile <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r ses<br />
conseils <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s incertitu<strong>de</strong>s juridiques.<br />
Pour ces <strong>de</strong>rnières, il ne s’agit pas <strong>de</strong><br />
dire qui a tort ou qui a raison.<br />
En attendant que <strong>les</strong> choses se clarifient,<br />
il sera pru<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> prévoir dans <strong>les</strong><br />
statuts <strong>les</strong> pouvoirs respectifs politiques<br />
et financiers <strong>de</strong> l’usufruitier et du nupropriétaire.<br />
Cela relève du conseil en<br />
stratégie patrimoniale que doit mener à<br />
bien l’expert-comptable en fonction <strong>de</strong>s<br />
souhaits <strong>de</strong> ses clients.<br />
Bibliographie<br />
J. Aulagnier et C. Orlhac, Support AUREP 2010,<br />
Démembrement <strong>de</strong> <strong>propriété</strong>, page 48.<br />
Joël Gazulla, “<strong>Le</strong>s risques civils du <strong>démembrement</strong><br />
<strong>de</strong> <strong>propriété</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> <strong>titres</strong> <strong>sociaux</strong>“, Revue française<br />
<strong>de</strong> comptabilité, avril 2010, p. 33-37<br />
F. <strong>Le</strong>febvre, Mémento du Patrimoine 2010, n° 3162,<br />
page 144, alinéa a du paragraphe Précisions.<br />
J. Prieur, R. Mortier, S. Schiller, T. Revet, La Semaine<br />
juridique 11 juin 2010 n° 23, paragraphe 16 page 39.<br />
Henry Royal, “<strong>Le</strong> <strong>démembrement</strong> <strong>de</strong>s <strong>titres</strong> <strong>sociaux</strong>“,<br />
Revue française <strong>de</strong> comptabilité, juillet-août 2010 p.<br />
38-41.<br />
Arrêts cités dans l’article.<br />
Revue Française <strong>de</strong> Comptabilité // N°436 Octobre 2010 //<br />
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