Le démembrement de propriété sur les titres sociaux - Focus PCG
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tous <strong>les</strong> droits <strong>de</strong> vote à la condition que<br />
le nu-propriétaire soit convoqué à l’assemblée<br />
pour y participer. Cette possibilité<br />
concerne toutes <strong>les</strong> sociétés civi<strong>les</strong><br />
et commercia<strong>les</strong>.<br />
Ces <strong>de</strong>ux bornes léga<strong>les</strong> et jurispru<strong>de</strong>ntiel<strong>les</strong>,<br />
bien appliquées, offrent une réelle<br />
sécurité juridique.<br />
1.2.2 Au regard <strong>de</strong>s dispositions<br />
du Co<strong>de</strong> civil<br />
La lecture <strong>de</strong> l’article 1844-5 du Co<strong>de</strong> civil<br />
permet-elle d’en déduire que l’usufruitier<br />
n’est pas un associé ? Que dit cet article ?<br />
Alinéa 1 : « La réunion <strong>de</strong> toutes <strong>les</strong> parts<br />
socia<strong>les</strong> en une seule main n’entraîne pas<br />
la dissolution <strong>de</strong> plein droit <strong>de</strong> la société.<br />
Tout intéressé peut <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r cette dissolution<br />
si la situation n’a pas été régularisée<br />
dans le délai d’un an ».<br />
Alinéa 2 : « L’appartenance <strong>de</strong> l’usufruit <strong>de</strong><br />
toutes <strong>les</strong> parts socia<strong>les</strong> à la même personne<br />
est sans conséquence <strong>sur</strong> l’existence<br />
<strong>de</strong> la société ».<br />
Henri Royal 2 écrit : « Est-il illogique d’en<br />
déduire que l’usufruitier n’a pas la qualité<br />
d’associé ? ». Bien que non exprimée par<br />
l’auteur, il semble que la logique rési<strong>de</strong> dans<br />
le fait que si l’usufruitier avait la qualité d’associé,<br />
l’alinéa 2 n’aurait pas <strong>de</strong> raison d’être<br />
(la société serait alors constituée d’un usufruitier<br />
associé et au moins d’un nu-propriétaire<br />
associé, donc <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux associés). Mais<br />
n’est-il pas tout aussi illogique d’en déduire<br />
que l’usufruitier a la qualité d’associé ?<br />
Cette logique peut exister également<br />
au regard <strong>de</strong> l’alinéa 1 <strong>de</strong> l’article 1832<br />
du Co<strong>de</strong> civil qui édicte que « la société<br />
est instituée par <strong>de</strong>ux ou plusieurs personnes<br />
». Autrement dit, pour qu’une<br />
seule <strong>de</strong>s personnes associées à l’origine<br />
se retrouve usufruitière <strong>de</strong> la totalité <strong>de</strong>s<br />
parts, il faut qu’elle ait acheté ou reçu un<br />
usufruit <strong>de</strong> l’autre associé.<br />
Exemple<br />
Un associé A échange sa nue-<strong>propriété</strong><br />
<strong>de</strong>s parts 1 à 5 contre l’usufruit <strong>de</strong>s parts<br />
6 à 10. La situation est alors la suivante :<br />
A se retrouve seul usufruitier et B se<br />
retrouve seul nu-propriétaire. Faut-il en<br />
conclure logiquement que le risque <strong>de</strong><br />
l’alinéa 1 <strong>de</strong> l’article 1844-5 s’applique ?<br />
Non, car la loi ne distingue pas selon la<br />
cause <strong>de</strong> la réunion <strong>de</strong> l’usufruit entre <strong>les</strong><br />
mains d’une seule personne.<br />
L’alinéa 1 <strong>de</strong> l’article 1844-5 édicte que<br />
la présence d’un seul associé au sein<br />
d’une société (exception <strong>de</strong>s EURL,<br />
SASU, EARL à associé unique) peut<br />
entraîner une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> dissolution.<br />
Or, la détention <strong>de</strong> l’usufruit <strong>de</strong>s parts<br />
socia<strong>les</strong> entre <strong>les</strong> mains d’une seule<br />
personne est sans conséquence <strong>sur</strong><br />
l’existence <strong>de</strong> la société, donc sans<br />
risque d’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> dissolution<br />
<strong>de</strong> la société. C’est donc que l’usufruitier<br />
a la qualité d’associé. Sinon, à<br />
défaut <strong>de</strong> cette qualité, on se trouverait<br />
en présence d’un seul nu-propriétaire,<br />
donc d’un seul associé, l’alinéa 1 s’appliquerait<br />
automatiquement et donc il<br />
y aurait <strong>de</strong>s conséquences éventuel<strong>les</strong><br />
<strong>sur</strong> l’existence <strong>de</strong> la société (dissolution<br />
possible).<br />
L’alinéa 2 précise qu’une même personne<br />
peut détenir l’intégralité <strong>de</strong> l’usufruit <strong>de</strong>s<br />
parts socia<strong>les</strong>. Donc, la nue-<strong>propriété</strong><br />
<strong>de</strong>s parts socia<strong>les</strong> peut être détenue par<br />
une seule personne. En effet, l’alinéa 2<br />
ne mentionne pas « à la condition qu’il y<br />
ait au moins <strong>de</strong>ux nus-propriétaires ». Ce<br />
serait ajouter au texte que <strong>de</strong> supposer<br />
comme présumée cette condition.<br />
Enfin, l’article 1844-5 est issu <strong>de</strong> la loi<br />
du 5 janvier 1978, soit bien avant que le<br />
législateur n’autorise la société unipersonnelle<br />
(article 1832 alinéa 2 institué<br />
le 11 juillet 1985). <strong>Le</strong> législateur a-t-il<br />
volontairement ou non omis <strong>de</strong> modifier<br />
l’article 1844-5 à ce moment-là ?<br />
De même, l’article 132-12 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
commerce dispose que « l’assemblée<br />
générale détermine la part attribuée aux<br />
associés sous forme <strong>de</strong> divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s ».<br />
Autrement dit, comme l’usufruitier<br />
est le bénéficiaire <strong>de</strong>s divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s (au<br />
moins <strong>de</strong> ceux résultant du bénéfice <strong>de</strong><br />
l’exercice), il est donc reconnu par la loi<br />
comme étant un associé à part entière.<br />
La logique du droit est plutôt sinueuse.<br />
Il n’y a pas toujours, loin s’en faut, prévalence<br />
<strong>de</strong> l’alinéa précé<strong>de</strong>nt <strong>sur</strong> l’alinéa<br />
suivant, ni <strong>de</strong> déduction logique à faire<br />
entre alinéas !<br />
1.2.3 Au regard <strong>de</strong>s dispositions<br />
fisca<strong>les</strong><br />
L’article RFC <strong>de</strong> juillet-août 2010 invoque<br />
(paragraphe 1.2 page 38) la position <strong>de</strong><br />
l’administration fiscale (instruction BOI 5<br />
D-2-07 du 23 mars 2007) qui ne reconnaît<br />
pas la qualité d’associé à l’usufruitier. Mais<br />
il ne s’agit que d’une position <strong>de</strong> l’administration<br />
avec la seule valeur qu’elle a :<br />
une valeur interprétative susceptible d’être<br />
contestée. L’administration fiscale ne fait<br />
pas le droit civil ni la jurispru<strong>de</strong>nce civile,<br />
et aucun texte du CGI n’édicte que seul<br />
le nu-propriétaire est un associé.<br />
Or, la problématique <strong>de</strong> la qualité d’associé<br />
ne relève pas d’un problème d’interprétation<br />
d’un texte fiscal mais d’un<br />
texte civil.<br />
1.3 Conclusions<br />
El<strong>les</strong> sont au nombre <strong>de</strong>ux :<br />
n Juridique : La question <strong>de</strong> la qualité<br />
d’associé est purement juridique. C’est<br />
2. RFC n° 434 juillet-août, page 38.<br />
droit<br />
dans la nature <strong>de</strong> l’usufruit qu’il faut<br />
chercher la réponse et que la cherchera<br />
la Cour <strong>de</strong> cassation (à moins qu’elle ne<br />
soit <strong>de</strong>vancée par le législateur) :<br />
• soit l’usufruit est considéré comme un<br />
vrai <strong>démembrement</strong> <strong>de</strong> <strong>propriété</strong>, et alors<br />
l’usufruitier est associé,<br />
• soit l’usufruit n’est qu’une charge (une<br />
servitu<strong>de</strong>) <strong>de</strong> la <strong>propriété</strong>, et alors l’usufruitier<br />
n’est pas un associé.<br />
Si l’on remonte au droit romain qui<br />
semble s’être perpétué à ce jour <strong>sur</strong><br />
cette question, il est une servitu<strong>de</strong>,<br />
autrement dit une prérogative détachée<br />
<strong>de</strong> la <strong>propriété</strong> (le dominium). Mais<br />
l’avant-projet <strong>de</strong> loi portant réforme du<br />
droit <strong>de</strong>s biens déposé le 12 novembre<br />
2008 auprès du Gar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Sceaux<br />
énonce que l’usufruit est un <strong>démembrement</strong><br />
<strong>de</strong> <strong>propriété</strong>.<br />
n Pragmatique : Patience ! La question<br />
finira bien par être posée, à moins que<br />
le projet <strong>de</strong> réforme du droit <strong>de</strong>s biens<br />
ne finisse par y répondre clairement. En<br />
attendant, la pru<strong>de</strong>nce recomman<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
conseiller à l’usufruitier <strong>de</strong> détenir au<br />
moins une part en pleine <strong>propriété</strong> afin<br />
qu’aucun risque <strong>de</strong> fictivité <strong>de</strong> la société<br />
ne soit encouru (pour constitution d’une<br />
société avec un seul associé, hormis <strong>les</strong><br />
cas autorisés par la loi).<br />
Abstract<br />
A bare owner is a partner. The<br />
French Cour <strong>de</strong> Cassation has<br />
never stated or inten<strong>de</strong>d to state<br />
that a usufructuary was not a partner.<br />
Beware: the issue remains<br />
unresolved. The general assembly<br />
approves annual accounts and<br />
observes the amounts to be distributed<br />
(recognized bare owner<br />
rights in French SARL, SNC and<br />
civil companies and usufructuary<br />
rights in SA, SAS and SCA structures,<br />
excluding all <strong>de</strong>cisions to the<br />
contrary in the company statutes).<br />
The <strong>de</strong>cision to share profit is not<br />
separate from the <strong>de</strong>cision taken<br />
on how to distribute it. This <strong>de</strong>cision<br />
is ma<strong>de</strong> only by the usufructuary<br />
who establishes the amount<br />
of profit for the period. Does the<br />
usufructuary also establish distribution<br />
rights? The law and prece<strong>de</strong>nt<br />
remain silent on this issue<br />
leaving only the company statues<br />
to comment. A bare owner who<br />
is exclu<strong>de</strong>d from divi<strong>de</strong>nds reserved<br />
by law and company statutes<br />
for a usufructuary cannot refer to<br />
minority sharehol<strong>de</strong>r abuse. The<br />
following article presents the arguments<br />
behind the above claims.<br />
Revue Française <strong>de</strong> Comptabilité // N°436 Octobre 2010 //<br />
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