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— Ouais… J’ai pas be<strong>au</strong>coup dormi, c’est tout.<br />
— Tu es rentré tard ?<br />
— …<br />
Kaleb perçoit l’inquiétude de son père et se dit qu’il peut en tirer profit.<br />
— En fait, je ne me sens pas bien <strong>ce</strong>s derniers temps…<br />
Franck Astier dépose les œufs dans l’assiette de son fils et s’assied fa<strong>ce</strong> à lui.<br />
— Et tu sais pourquoi ?<br />
— Ouais… Je me pose des questions sur maman.<br />
— Ah.<br />
Franck s’est raidi. Il a peur de dé<strong>ce</strong>voir son fils. Kaleb le sent, très étonné des craintes de son père.<br />
— Tu sais, papa, je crois que rien de <strong>ce</strong> que tu pourrais me raconter ne me fera plus de mal que de ne<br />
rien savoir…<br />
Heureusement que Franck est assis. Sinon il serait tombé de sa chaise. Ça fait des siècles que son<br />
fils n’a amorcé une discussion avec lui ni ne l’a appelé papa. Il s’effor<strong>ce</strong> de ne rien montrer, mais ça<br />
l’émeut.<br />
— Je la connaissais peu. On n’est sortis ensemble que quelques mois…<br />
— Oui, je sais. Et je comprends que rien de tout ça n’a été facile. Je suis conscient de <strong>ce</strong> que tu as<br />
fait pour moi.<br />
— C’est normal, tu es mon fils.<br />
Car si Franck n’avait nullement désiré <strong>ce</strong>t enfant, il l’aimait pourtant profondément.<br />
— Je t’aime, papa, lâche Kaleb en baissant les yeux. Mais j’ai besoin de savoir si j’ai des choses en<br />
commun avec elle.<br />
— Oui, tu lui ressembles. Tu as ses cheveux et sa carnation. Les mêmes sourcils arqués qui lui<br />
donnaient un charme fou…<br />
— Et son caractère ? Elle était comment ?<br />
— Elle était dou<strong>ce</strong>. Très intelligente <strong>au</strong>ssi. Mais je te l’ai déjà dit <strong>ce</strong>nt fois.<br />
— T’es sûr de n’avoir rien oublié ? Elle n’était pas bizarre ou un peu…<br />
— Un peu quoi, fils ?<br />
— Folle.<br />
— Non, pas folle du tout ! rigole Franck. Peut-être originale…<br />
Mais le rire sonne f<strong>au</strong>x et ne trompe pas Kaleb. Sous le rire, une inquiétude… et le remords d’avoir<br />
parlé d’originalité.<br />
— Originale comment ?<br />
— J’en sais rien, Kaleb. Originale dans le sens « atypique », exotique. Elle était islandaise, moi<br />
français. Je ne comprenais pas tout <strong>ce</strong> qu’elle disait ou faisait… c’est <strong>ce</strong> qu’on appelle le choc des<br />
cultures, voilà.<br />
Mensonge. Ce n’était pas tout.<br />
— Elle était… sensible ?<br />
— Comme toutes les femmes ! Écoute, fils, je ne peux rien te dire de plus, crois-moi.<br />
— Mais elle avait de la famille quand même ? Personne n’a jamais cherché à me connaître ?<br />
— Non. Et elle ne m’a jamais parlé de sa famille.<br />
Mensonge. Peur.<br />
— Mais pourquoi toi tu n’as jamais essayé de les retrouver ? T’as pu me récupérer comme ça, sans<br />
que personne te demande des comptes ?<br />
— Bah non, tu vois. Et puis je n’aime pas en parler. Je ne sais pas <strong>ce</strong> que tu attends de moi mais je ne<br />
peux pas t’aider. Désolé.<br />
Et avant même que Franck n’en prenne la décision, Kaleb sait qu’il va quitter l’appartement en