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Mettant son enfant en danger, se laissant aller à ses caresses, ses flatteries… Il l’avait séduite, avait fait<br />

s<strong>au</strong>ter chacune de ses barrières comme fétus de paille. Et si la petite voix avait été réduite <strong>au</strong> silen<strong>ce</strong>, elle<br />

était encore capable de porter un regard critique sur <strong>ce</strong> qu’il s’était passé. Elle ignorait comment, mais<br />

Kaleb l’avait manipulée, comme un marionnettiste virtuose tirant les fi<strong>ce</strong>lles de sa volonté. La sensation<br />

avait été délicieuse. Il avait <strong>ce</strong> don rare de comprendre les femmes, d’anticiper le moindre de leurs<br />

désirs, même les plus inavouables. Il l’avait rendue dépendante en une nuit, puis était parti sans se<br />

retourner, sans se soucier des dégâts qu’il avait c<strong>au</strong>sés. Car Kaleb avait commis un viol. Le viol de sa<br />

solitude, l’invasion de la tour d’ivoire dans laquelle Mathilde s’était enfermée et se sentait à l’abri. Il lui<br />

avait fait entrevoir <strong>ce</strong> que le bonheur pouvait être, avait démonté sa citadelle brique par brique, pour la<br />

laisser nue, exposée <strong>au</strong>x quatre vents, livrée <strong>au</strong> désespoir de s’être laissé aimer et à la <strong>ce</strong>rtitude d’être<br />

condamnée à ne plus jamais connaître ça.<br />

Kaleb comprend enfin. Il renon<strong>ce</strong> à insister. Le problème vient donc toujours des sentiments qui<br />

s’installent chez les <strong>au</strong>tres. Et son don accélère le pro<strong>ce</strong>ssus… Comme il ne veut pas d’attache, il doit<br />

donc museler son empathie avec les filles et ne compter que sur son charme pour les séduire. Il s’en<br />

tiendra désormais <strong>au</strong>x aventures d’un soir.<br />

Fort de ses nouvelles résolutions, il se dirige vers le quartier de la Bastille à la recherche d’une<br />

minette consentante et peu farouche avec qui passer la nuit. Il a besoin de compagnie, d’attentions… de<br />

sexe. Il atterrit dans un immense bar latino, commande une boisson et des tapas, et entreprend deux amies<br />

qui se ressemblent comme des sœurs sur la piste de danse. Salsa endiablée, muy caliente, où il passe des<br />

bras de l’une à <strong>ce</strong>ux de l’<strong>au</strong>tre. Son corps est bouillant, les mains des filles très dou<strong>ce</strong>s et aventureuses…<br />

Il se laisse aller quelques instants <strong>au</strong> rythme de la musique cubaine.<br />

Il n’<strong>au</strong>ra qu’à claquer des doigts, et elles suivront le be<strong>au</strong> ténébreux dans l’hôtel le plus proche. Mais<br />

<strong>au</strong> milieu de la foule et de sa fièvre arrosée de tequila, Kaleb se sent seul. Les deux brunes <strong>au</strong>raient <strong>au</strong>ssi<br />

bien pu être blondes, être trois, douze, être absentes… Elles sont interchangeables, leur présen<strong>ce</strong><br />

optionnelle. Elles n’en ont que faire de lui. Tout <strong>ce</strong> qu’elles recherchent, c’est le plaisir immédiat, le<br />

trophée de chasse à exhiber le lendemain sur leurs téléphones portables ou sur Fa<strong>ce</strong>book. Cette idée qui<br />

jusqu’alors ne lui a jamais posé <strong>au</strong>cun problème, puisqu’il a toujours fait de même avec les filles, le met<br />

à présent mal à l’aise. Il ne veut pas être une proie. Sans qu’il s’explique pourquoi, l’idée se met à<br />

tourner en boucle dans sa tête, à lui donner des vertiges, à l’étouffer. Chassé. Tu es chassé. Fuis !<br />

Incapable de penser à <strong>au</strong>tre chose, il prend soudain congé des deux filles, trop éméchées pour s’en<br />

offusquer, et quitte <strong>ce</strong> repaire de toutes les solitudes.<br />

Dehors, Kaleb pousse un long soupir. Soupir interrompu par la sonnerie de son téléphone :<br />

Tu me manques. J’ai envie de toi.<br />

Lucille. Malgré tout <strong>ce</strong> qu’il pourra lui faire, elle l’aimera toujours, il en a la conviction. Et bien<br />

qu’il n’ait <strong>au</strong>cune intention de donner une chan<strong>ce</strong> à leur histoire, il sourit en pensant qu’il ne sera jamais<br />

vraiment seul tant qu’il pourra susciter <strong>ce</strong> genre de sentiments…<br />

Le colonel l’a convoquée pour 5 h 30 du matin. Il sait son assistante insomniaque et préfère qu’ils<br />

s’entretiennent à l’heure où les idiots dorment encore. Il aime la discrétion de la nuit. Elle arrive à 5 h 36.<br />

— Ponctualité ! peste-t-il.<br />

— Désolée, j’ai…<br />

— Ça ne m’intéresse pas.<br />

— Bien, colonel.<br />

Le colonel n’est pas un homme patient. Pour lui, travailler demande discipline et soumission. Cela lui<br />

coûte parfois, mais c’est <strong>au</strong>ssi un privilège immense d’avoir gagné sa confian<strong>ce</strong>. Sévère et exigeant avec<br />

lui-même plus qu’avec quiconque, le colonel est <strong>au</strong>ssi un homme brillant et un stratège hors pair.

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