Bruit de choses heurtées - Cégep du Vieux Montréal
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Le chalet <strong>de</strong>s chiens retrouvés<br />
Jonas Fortier<br />
Il a fon<strong>du</strong> sur le village, le mois <strong>de</strong>s algues noyeuses <strong>de</strong> femmes. Mois <strong>de</strong><br />
températures géniales où j’enfile mes manteaux d’arbres, capes <strong>de</strong> branches, <strong>de</strong><br />
bois <strong>de</strong> grève <strong>de</strong>venu noir, et cherche à boire les marées lasses.<br />
Neptune se lève avec lueur :<br />
c’est l’heure <strong>de</strong> brise et <strong>de</strong> nichement,<br />
c’est l’heure <strong>de</strong> taverne pour moi. Je fais ma drogue <strong>du</strong> gros sel<br />
comme pour danser sans gêne un disco vi<strong>de</strong> et personnel,<br />
je fais <strong>de</strong> la nuit mon épouse terminale<br />
puis je déboule dans le brouillard.<br />
Neptune, au zénith, insensé,<br />
m’apporte <strong>de</strong>s pensées aux chevelures asociales :<br />
« Les dragues, séchées, vont te détruire, mais les oiseaux t’aimer.<br />
N’as-tu fait le choix <strong>de</strong> survivre que par <strong>de</strong>mi-amitié <strong>de</strong>s gens ? Vois<br />
dans le ciel quelqu’une, sans rythme, sans espoir. Vois ! tes amies<br />
sour<strong>de</strong>s, fulgurations, toutes les rumeurs étranges se lancent dans<br />
la mer ; et toi tu es <strong>de</strong>s leurs, et toi tu es <strong>de</strong>s leurs, et toi, moindre<br />
fou, tu as trop raison <strong>de</strong> croire que l’existence passe comme une<br />
jeune fille. »<br />
Au bar,<br />
j’ai la surprise <strong>du</strong> nom : le Chalet <strong>de</strong>s chiens retrouvés…<br />
Il y a bien une porte, oui, que je laisse battre (qu’elle batte), il y<br />
a un plancher certain et <strong>de</strong> l’atmosphère, mais pas une Louise<br />
ni une France. Nulle Réjeanne ; même les tables manquent,<br />
même le tabac. Ce serait enfin le néant s’il n’y avait pas cette<br />
pique en bois <strong>de</strong> grève, <strong>de</strong>venue noire, <strong>de</strong>venue sang, dans<br />
un narval évidé, sans boyaux, sans yeux, sans écalure ni aucun<br />
axe précis. Un narval ou un fou <strong>de</strong> grand chemin… Allons<br />
donc! c’est au final une heure d’orgie.<br />
Heure <strong>de</strong> pureté.<br />
Nouveau pétrole.<br />
Quitter ces veines!<br />
Ma langue, éclose, vaut bien <strong>de</strong>s chevaux marins pour ce<br />
qui est <strong>de</strong> jouir : j’ai bu la saignée froi<strong>de</strong> jusqu’à plus soif,<br />
jusqu’à plus unicorne tandis que <strong>de</strong>s oiseaux semblaient<br />
venir à moi dans le désordre et dans l’amour.<br />
Neptune <strong>de</strong>scend au large<br />
les <strong>de</strong>rniers membres <strong>de</strong> ma famille : Mollet,<br />
Omoplate, Raie <strong>de</strong>s fesses… Last call. Il fait noir à<br />
cette heure ; c’est l’heure <strong>de</strong> partir. Last call. C’est<br />
l’heure <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir. Jamais celle <strong>de</strong> revenir.<br />
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