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"sensations" d'art de barbey d'aurevilly - tice - Université de la Réunion

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Norbert Dodille : "Les sensations <strong>d'art</strong> <strong>de</strong> Barbey d'Aurevilly" in Fins <strong>de</strong> siècle. Terme, évolution, révolution. Actes du congrès <strong>de</strong> <strong>la</strong> Société<br />

Française <strong>de</strong> littérature générale et comparée, Toulouse, 22-24 septembre 1987. Presse Universitaires du Mirail, 1989, p. 183-194<br />

surtout <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme qui veut entraîner son fils, lequel, garçon <strong>de</strong> sept à huit ans, se<br />

rebiffe et lutte contre sa mère, n'ayant pas du tout l'air <strong>de</strong> prendre goût à <strong>la</strong> chose. La<br />

mère est superbe! une taille d'amazone! une tête merveilleusement posée sur les<br />

épaules et un air qui annonce une résolution indomptable. Fière commère! et qui serait<br />

une agréable maîtresse à ce que je crois: oh! tout à fait agréable. Sorti du Musée,<br />

éreinté et froid (II, 890).<br />

Des tableaux du Musée, Barbey ne retient que <strong>de</strong>s modèles féminins, qu'il p<strong>la</strong>ce à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong><br />

ses propres portraits <strong>de</strong> femmes. Et qu'il n'hésite pas à sortir <strong>de</strong> leur cadre, pour entamer un<br />

nouveau récit <strong>de</strong> séduction. Dans le texte du journal, on ne distingue plus les figures réelles<br />

<strong>de</strong>s autres, sculptées ou peintes pas plus qu'on ne distingue les rêves <strong>de</strong> séduction <strong>de</strong>s<br />

véritables conquêtes. L'écriture se sert <strong>de</strong>s arts p<strong>la</strong>stiques comme re<strong>la</strong>is pour mettre en oeuvre<br />

<strong>de</strong>s scénarios qui mêlent indissolublement l'autobiographie et <strong>la</strong> fiction. Et Barbey affirme<br />

que [188] l'art est pour lui une alchimie diabolique, les corps peints ou sculptés <strong>de</strong>s occasions<br />

<strong>de</strong> fantasmes. Etre artiste, alors, c'est peut-être vivre plus intensément ses désirs: "Que les<br />

sculpteurs sont heureux <strong>de</strong> réaliser leur rêve <strong>de</strong> beauté avec le bronze et le marbre, et que <strong>la</strong><br />

forme est adorable! Les femmes nous donneraient le plus grand bonheur <strong>de</strong> contemp<strong>la</strong>tion si<br />

le diable n'allumait pas toujours le désir au bout" (II, 1007). Et ce choix <strong>de</strong> Barbey pour<br />

Rubens, contre Raphaël, s'explique d'autant mieux par l'effet produit: "Il trouble à tel point<br />

mes organes que l'intelligence ne juge plus, critique <strong>de</strong> chair et d'os que je suis!" (II, 966).<br />

La critique <strong>d'art</strong><br />

Rétrospectivement, Barbey évoquera cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa biographie dans le Memorandam <strong>de</strong><br />

1856:<br />

A cette époque, je m'occupais peu <strong>de</strong> peinture, car, en une foule <strong>de</strong> choses, je ne me<br />

suis développé que tard, et, d'ailleurs, l'être vivant me passait alors un peu plus près du<br />

coeur que son image. La femme me bouchait tout, m'empêchait <strong>de</strong> voir, me fermait le<br />

mon<strong>de</strong>.<br />

Ce texte précè<strong>de</strong>, en somme pour le justifier, un essai <strong>de</strong> critique <strong>d'art</strong>, comme si Barbey,<br />

ayant <strong>de</strong> s'y essayer, tenait à se démarquer d'une époque peu compatible avec ses théories<br />

actuelles dans le domaine artistique. Le Journal sert ici <strong>de</strong> lieu d'accueil à ce qu'on pourrait<br />

considérer avec J. Petit (7) comme une première tentative. II s'agit <strong>de</strong> <strong>la</strong> collection <strong>de</strong> tableaux<br />

<strong>de</strong> Bernard Mancel, libraire-éditeur à Caen, collection que Barbey va décrire longuement. En<br />

1864, Barbey autorisera le collectionneur, qui déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> léguer ses tableaux à <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Caen,<br />

à reproduire dans le catalogue le texte du Memorandum (cf. CG VI, 249). Barbey reconnaît<br />

donc à son texte <strong>la</strong> valeur d'une critique artistique qui est susceptible <strong>de</strong> préfigurer l'écriture<br />

<strong>de</strong> son Salon <strong>de</strong> 1872.<br />

Le diariste choisit <strong>de</strong> rendre compte d'un petit nombre <strong>de</strong> tableaux. Chez Mancel, il en décrit<br />

trois, et, par un procédé qu'autorise le journal intime, revient sur les trois premières<br />

<strong>de</strong>scriptions lors d'une secon<strong>de</strong> visite: "Revu les trois tableaux qui m'ont enlevé avant-hier,<br />

nettoyé mon impression, cette première impression qui, comme <strong>la</strong> vague, a son écume.<br />

C<strong>la</strong>rifié donc cette vague, et voici ce qui reste, et [189] ce qu'un troisième regard ne pourrait<br />

plus épurer" (II, 1049).<br />

La critique <strong>d'art</strong> se fon<strong>de</strong> ici sur une correction d'un premier regard par un second, susceptible<br />

soit d'introduire <strong>la</strong> critique après <strong>la</strong> louange, comme c'est le cas pour <strong>la</strong> <strong>de</strong>scription du Saint<br />

Sébastien <strong>de</strong> Van Dyck, soit <strong>de</strong> varier <strong>la</strong> thématique retenue dans l'évocation du tableau. A<br />

propos <strong>de</strong> <strong>la</strong> Vierge d'Hemling, <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> <strong>de</strong>scription sera précisément pour Barbey

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