"sensations" d'art de barbey d'aurevilly - tice - Université de la Réunion
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Norbert Dodille : "Les sensations <strong>d'art</strong> <strong>de</strong> Barbey d'Aurevilly" in Fins <strong>de</strong> siècle. Terme, évolution, révolution. Actes du congrès <strong>de</strong> <strong>la</strong> Société<br />
Française <strong>de</strong> littérature générale et comparée, Toulouse, 22-24 septembre 1987. Presse Universitaires du Mirail, 1989, p. 183-194<br />
l'occasion d'évoquer, en contraste avec les premiers Memoranda, <strong>la</strong> spiritualisation du corps<br />
féminin en peinture:<br />
Un <strong>de</strong>s seins est nud (8), et bombe avec une hardiesse qui ne nous trouble pas, malgré<br />
sa beauté drue, tant nous sommes sous le charme <strong>de</strong>s sentiments et non <strong>de</strong>s formes, en<br />
regardant cet incroyable portrait! (II, 1052).<br />
On pourra donc décidément considérer ce texte <strong>de</strong> 1856 comme une conversion <strong>barbey</strong>enne à<br />
l'art spirituel (9).<br />
Le Salon <strong>de</strong> 1872<br />
Le Salon est un genre littéraire, auquel plusieurs grands écrivains s'essayent. Depuis Di<strong>de</strong>rot<br />
(qui est <strong>la</strong> référence tuté<strong>la</strong>ire, reconnue par les successeurs (10)), Bau<strong>de</strong><strong>la</strong>ire, Gautier, Zo<strong>la</strong>,<br />
etc., y ont contribué. Un genre dont on pourra définir certaines règles, en somme assez<br />
contraignantes, mais que Barbey pourtant abor<strong>de</strong> avec un évi<strong>de</strong>nt souci d'originalité: "Je vais<br />
faire le Salon au Gaulois. Je n'ai jamais fait <strong>de</strong> salon et je ferai celui-là, à ma manière qui ne<br />
sera pas celle du voisin, je vous en réponds, ni même celle <strong>de</strong> personne" (CG VII, 109). Est-ce<br />
bien sûr?<br />
Barbey a lu Di<strong>de</strong>rot et Bau<strong>de</strong><strong>la</strong>ire. II n'écrira sur l'oeuvre <strong>de</strong> Di<strong>de</strong>rot qu'en 1875 (11), et l'on<br />
sait que ce sont précisément les Salons qui trouvent seuls grâce à ses yeux (12). Ce que<br />
Barbey approuve chez [190] le matérialiste Di<strong>de</strong>rot, c'est une paradoxale approche<br />
spiritualiste <strong>de</strong> l'art :<br />
Les matérialistes, qui ont, en art, engendré le réalisme, oublieront ingratement<br />
l'athéisme qu'ils doivent à Di<strong>de</strong>rot et riront avec mépris du bonhomme qui définit <strong>la</strong><br />
peinture: "l'art d'aller à l'âme par l'entremise <strong>de</strong>s sens", et qui, dans son Essai sur <strong>la</strong><br />
peinture, pose en principe que "le but <strong>de</strong> l'art est <strong>de</strong> rendre <strong>la</strong> vertu aimable, le vice<br />
odieux et le ridicule saisissant" (GD, 203).<br />
Moralité <strong>de</strong> l'art et surtout suprématie <strong>de</strong> l'idée et du sujet par rapport auxquels l'exécution<br />
reste subordonnée:<br />
Pour lui, l'important, c'est <strong>de</strong> trouver un grand sujet et une gran<strong>de</strong> idée, et toujours,<br />
dans tous ses Salons, c'est au point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l'idée qu'il discute le tableau qu'il a sous<br />
les yeux, ou qu'il l'invente quand le sujet abordé par le peintre lui semble manquer<br />
d'idéalité ou <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur (GD, 204).<br />
Enfin, le caractère actif du critique, qui fait du salonnier un créateur se substituant à l'occasion<br />
au peintre dont il corrige les défail<strong>la</strong>nces: "Di<strong>de</strong>rot, c'est <strong>la</strong> vie! C'est un épouseur <strong>de</strong> sujets. II<br />
entre en eux et les fécon<strong>de</strong>" (GD, 208). On retrouve là à <strong>la</strong> fois les principes théoriques qui<br />
déterminent <strong>la</strong> critique du Salon <strong>de</strong> 1872, et le parti qu'adopte parfois Barbey, à l'instar <strong>de</strong><br />
Di<strong>de</strong>rot, d'imaginer d'autres traitements possibles d'un sujet. Quant à Bau<strong>de</strong><strong>la</strong>ire, Barbey lui<br />
rend homme dans le Salon:<br />
En art, Bau<strong>de</strong><strong>la</strong>ire, c'est quelqu'un. Il avait le regard profond, sur et sous-aigu, presque<br />
somnambulique... Il voyait ! Ses Oeuvres esthétiques, qui sont pleines <strong>de</strong> pensées que<br />
lui suggérait <strong>la</strong> Peinture, donnent une gran<strong>de</strong> idée <strong>de</strong>s facultés du critique <strong>d'art</strong> qu'il<br />
aurait été, et que <strong>la</strong> mort a fauchées (OH 7, 334).