Enjeux de la violence sexuelle dans les littératures du Pacifique : le ...

Enjeux de la violence sexuelle dans les littératures du Pacifique : le retour du refoulé ?
Raylene Ramsey (Auckland University)
Dans quels cadres pourrait-on expliquer la forte présence de la violence entre hommes et
femmes chez des écrivains contemporains océaniens tels que Déwé Gorodé, Pierre Gope,
Titaua Peu, Alan Duff, Witi Ihimaera, Keri Hulme, Sia Figiel et Albert Wendt ? Notre étude
ce qui reste le non-dit de sa société.
Dans cette tent
partie attirance et en partie répulsion, envers l e, épanouie ou
barbare, qui a marqué les écrits littéraires et les récits de voyages depuis les débuts de la
colonisation européenne. Ensuite, notre étude ne cherche pas à faire disparaitre les
distinctions entre les disciplines, entre littérature et sciences sociales, mais à travailler en
parallèle avec les données relevées dans les sondages des sociologues sur la violence sexuelle
sur ce qui sous-tend les faits dévoilés par les enquêtes sociologiques. Enfin, les textes
littéraires examinés ne représentent pas la voix des premiers peuples océaniens ; toutefois ils
construisent des jeux de voix dialogiques pour dire la complexité (et la perversité) du non-dit
historique du colonialisme, faire passer des leçons pour leur société contemporaine, et surtout
approcher ce qui est encore enfoui derrière les statistiques, par son coté vécu. Ils explorent
-dites, et les relations conscientes ou dites souvent
1

personnel et peut-être aussi bien sociétal, permet-il enfin de mieux connaitre la nature du
rapport à
? Ensuite, peut-on éviter
commerciales ?
Il existe des cadres conventionnels pour expliquer la violence de plus en plus documentée
contre les femmes et les enfants en Océanie 1 surtout analysée dans le cadre de référence des
droits autés du
Pacifique, tels ceux des Nations Unies, cadrant typiquement leurs observations dans le moule
locaux ou nationaux du statut généralement inférieur des femmes et des enfants et le manque
de progrès seraient une explication à la violence en tant que telle.
Contextes locaux et réactions à la violence sexuelle : contextes locaux et féminisme(s)
uestion de la violence
encore largement ignorée envers les membres les plus vulnérables de la société 2 se doit aussi
-culturelles et idéologiques locales. 3
e dans le Territoire du Nord, intervention
aborigène, Alexis Wright, observe Jolly, défend les aborigènes, hommes. Pour sa part,
2

hawaïenne, Kay Haunana Trask, tout en publiant un certain
nombre de poèmes qui critiquent les violences physiques faites aux corps des femmes, renie
aussi le féminisme occidental afin de mieux proclamer sa solidarité avec les hommes
hawaïens dans la lut
Par ailleurs, au
Vanuatu, pays indépendant depuis 1980, la poète ni-vanuatuaise Grace Mera Molisa,
représente da
-Vanuatu par les hommes ni-
Vanuatu. Sur la couverture de son recueil de poèmes en-dessous du titre, Colonised Peoples
figurent une femme et un enfant. Molisa se sert donc du discours postcolonial engagé qui,
dans un premier temps, donne une voix au refoulé colonial historique pour enfin donner
une voix à des femmes, doublement colonisées, meurtries, passées sous silence. 4 En
Polynésie Française, par contre, dans son roman, LIle des rêves écrasés, Chantal Spitz
mettra en scène
les terres traditionnelles, un
masculin polynésien en harmonie avec le féminin, afin de
pollution (nucléaire) française. 5
La publication du roman, , 6 par Déwé Gorodé, qui dénonce le pouvoir masculin et
-pouvoirs
féminins dans un monde où les hommes restent les garants parfois abusifs de la tradition,
serait-elle donc une exception ? Car, la Nouvelle-Calédonie reste, elle-aussi, comme la
Polynésie Française ou Hawaii, un pays sous tutelle
. Ou bien, la
possibilité de publier et de lire ce roman qui révèle des secrets enfouis, serait-il le résultat de
contextes, de féminismes, bien particuliers à leur tour ? Serait-elle la démonstration
prise de conscience Kanake eur avenir de donner une forme et un
es questions de violence, de pouvoirs
3

et de contre-pouvoirs du genre, dans les contextes locaux rapidement changeants de la
Nouvelle Calédonie ? Selon les sociologues, Christine Salomon et Christine Hamelin, la
baisse récente dans le seuil de la violence tolérée contre la femme par les femmes elles-
-
pays de la région pacifique où de tels sondages ont été autorisés, comme aux Samoa, par
exemple. 7 Le taux de violence lui-
océaniens voisins et la loi paritaire française est en train de modifier le paysage politique de
-
Calédonie, selon
féministe radical, le produit du jeune mouvement indépendantiste, et également, du
mouvement féministe en Europe des années 1970. Plus tard, cependant, cette dynamique
révolutionnaire initiale avait été remplacée par des Associations Féminines telles que SOS
Violences Sexuelles
-Claude Tjibaou et Femmes et Violences
conjugales, établie en 1998 en partenariat avec des instances gouvernementales françaises qui
cherchaient a réduire les inégalités socio-économiques. En fait, le sondage effectué par les
deux chercheuses a été mis en place par Déwé Gorodé dans son rôle de Vice-présidente entre
2004 et 2007 dans un gouvernement calédonien collégial fortement féminisé. Les sondages
conception de la personne, plus individualiste et moins dominée par le système clanique et les
chemins des alliances (matrimoniaux) contrôlés par les hommes.
insistent, pour expliquer cette violence, sur la responsabilité du colonialisme et des processus
érosion cul aquer aux anciennes
règles
coutumières du genre, rejetant les codes universalistes et les conceptions du Droit français en
4

faveur de valeurs Kanakes. Leur féminisme a été influencé à son tour, affirment les
sociologues, par le forum international des Premi
Gorodé, nous offre, me semble-t-il une autre perspective sur ce débat, montrant les
limitations des deux approches, féminisme radical occidental et antiféminisme ou est-ce
plutôt un jeune féminisme indigène, 8 un Woman
noire américaine, Alice Walker, une solidarité pragmatique entre les femmes
pour faire face à la complexité des questions posées par la
sexualité
Le colonialism
Il est toutefois évident dans tous ces textes littéraires que la violence au sein des sociétés
séquelles. Les écrivains océaniens rejoignent les militants indépendantistes et les théoriciens
et auteurs postcoloniaux qui
nce à situer les causes de toutes les
violences ts de la perte de terre,
de
cadre, une violence coloniale
patriarcale contre les femmes autochtones est une donnée de base, ainsi que le formule
, dans sa pièce de théâtre, Women for Walking : par
qui la grippe espagnole entre dans la communauté est décrit comme étant le fils d une femme
maorie qui avait été violée par quatre hommes blancs. 9 Dans de Déwé Gorodé, le
lle coloniale, capitaine de la marine brutal et charismatique, qui
une version
blanche, mythique et historique, du personnage central de ce premier roman, le pêcheur-ogre-
5

coloniales au Musée de Nouméa, intitulée «
droit du seigneur
en face
colon plutôt débraillé qui gesticule vers elles en dit long sur ces pouvoirs masculins
coloniaux, et cela, malgré le fait que cette image se révèle être truquée, un montage
dramatisé par le photographe.
Dans ce contexte du retour du refoulé historique/mythique, entré dans le domaine conscient
et devenu même un lieu de la postcolonialité par excellence, la curieuse préoccupation des
premiers scientifiques- et la préoccupation de la
colonisation avec le corps du colonisé si souvent féminisé nous reviennent à . On se
souvient d
qui caractérisaient les descriptions de prise de possession des terres coloniales. Dans son
premier roman, Where we once belonged, Sia Figiel, critique explicitement le discours sur
de la femme polynésienne comme la Muse (dévergondée pour certains ) du Pacifique. Un de
- «
de paradis. » 10 Elle rebaptise le protagoniste de Melville dans son roman Typee : a peep at
Polynesia life, 11 un homme dénommé Tommo, Peeping Tom.
Autre de Gauguin qui dans Noa Noa exprime le fantasme du viol de femmes polynésiennes
re un moment «
obéit » 12 et le texte de cet homme âgé qui parle de sa fascination avec les corps souples de
très jeunes gens, masculins et féminins, deviennent
eures
polynésiennes. Il est toutef , comme Witi Ihimaera, se
servent de ces images pour les récupérer et les détourner, dans son roman Nights in the
6

Gardens of Spain, par exemple, où un personnage-dieu dont le surnom est Noble Savage
[Bon Sauvage], sort « tout droit de chez Gauguin »
resplendissant de vie et de présence physique. 13 Ce Bon Sauvage hyper-masculin au corps
musclé de colosse grec, récupéré du mythe européen et transformé aux propres fins
idéologique et la vitalité, et une forte présence
blancs), la place qui revenait historiquement le
plus souvent à la belle et sexuellement généreuse Vahiné. Par ailleurs, Ihimaera va créer des
femmes fortes, phalliques ou androgynes : Artemis sa Matriarch, 14 est une araignée
dévoreuse fatale ent The Parihaka
Woman 15 est une femme héroïque mais également de sexualité ambigüe, qui se fait passer
pour un homme afin de sauver son mari, enchainé à un rocher, captif du colon sadique.
Certains des textes de Wendt vont aussi opérer des inversions ou des confusions de rôles
masculins et féminins ; à coté du sadisme explicite du pouvoir masculin prédominant, un de
ses personnages, Faléasa, montre en même temps une fascination avec le grand tabou du
masochisme masculin. 16
La schizophrénie culturelle et la démoralisation résultant de la position partagée entre une
culture européenne dominante et une coutume autochtone ou hybride, entre décolonisation et
néo-colonisation, ne se prêtent pas toujours aux renversements ou à la création de nouveaux
« troisièmes » espaces créateurs comme chez Homi Bhabha. 17 Elles sont vues plutôt comme
parfois retournée contre lui-même. Chez Figiel, les deux jeunes filles qui rentrent aux Samoa
après avoir fait des études en Nouvelle-Zélande, refusant de porter un soutien-gorge et
7

contesta
finissent par être exclues de la communauté ; Siniva se suicide et Siala sombre dans la folie.
A la fin de la saga historique de Wendt, ,
18 Pélé, la femme résiliente,
résistante, inspirée de la propre grand-
est frappée et délaissée par le mari
ntre la volonté de sa famille de pasteurs samoans.
mamalu
aiga en lui faisant des
reproches sur la liaiso
chez Wendt
physique et se défendent ainsi contre toute velléité de prise de pouvoir par les femmes. En
même temps, les hommes veillent jalousement sur leurs propres femmes et
réagissent à tout manque de respect pour leur mère de la part des autres
hommes e la
et
violente actuelle.
Mutismes de Titaua Peu, 19 roman autobiographique situé à Tahiti,
et les coups subis par la mère polynésienne de
père-
choisie pour lui ; une violence familiale passée
le plus souvent encore sous silence. Ce qui reste donc
-
-
8

ière des
textes océaniens post-coloniaux
.
Parler la violence dans les textes post-coloniaux du Pacifique : une fonction didactique
et politique
Au-delà de la dénonciation des séquelles de la colonisatio
héritiers des traditions orales et de la sacralité du souffle et de la parole, sont souvent chargés
-politique, voire didactique, afin de remplir ce que Witi Ihimaera a nommé
leurs responsabilités de gardiens des traditions envers leur peuple (« custodial
responsabilities »). 20
pouvoir entre les sexes comme des problèmes sociétaux dans des communautés océaniennes
samoane, ni-
ce de théâtre de
le de Maré, Pierre Gope, Où est
le droit . Okerenitit , 21
le rappelle, à
Maré où la violence serait vue peut-être, comme le suggère Christine Salomon, moins
comme une conséquence des mentalités et des
pouvoir des femmes que des déstructurations coloniales. Dans cette pièce, le père de la fille
violée, chef coutumier alcoolique, ne sait pas rendre justice à sa fille et rend la victime plus
ou moins coupable du crime question que se pose la pièce
justice où est le droit ? toutefois pas résolue par le recours de la protagoniste
9

va se suicider par la suite sur la tombe de sa mère, malgré la proposition de mariage faite
comme la coutume le veut par son ravisseur quand il sort de prison. Dans la nouvelle
renommée de Witi Ihimaera, « Big Brother, Little Sister », 22 ori mettra en scène
« ». Sa dépendance matérielle et sexuelle sur un homme, même un homme qui
maltraite ses enfants, lorsque le père des enfants la quitte, pourrait être reprochée à un auteur
considéré comme quelque peu misogyne, ou vue comme une étude de la réalité sociale
actuelle de beaucoup de familles recomposées où les femmes ont peu de ressources et où ce
sont les enfants qui en s
avec le pouvoir et le contrôle exercé sur les jeunes filles par les oncles où les pères « à qui on
ne peut rien refuser » dans L de Déwé Gorodé ; ou avec le viol, inceste suggéré, et
Once Were Warriors, 23 mettant en scène un guerrier déchu et son goût
pour la violence. Jake-the-Muss est le reflet aussi une certaine jeuness
et parfois violente dont la société e comme raciste.
Ask the Posts of the House, 24 le narrateur
ne fille forcée de prendre la place de sa
mère décédée dans le lit du père, inceste globalement accepté par ses tantes dans le contexte
du cadre « ancien testament
par la jeune fille elle-même.
Elle
petite-fille pubère. Les églises messianiques semblent offrir un nouveau projet social au
groupe déstructuré, pas si différent peut-
dans de Gorodé où le boucan/ la magie peut être à la fois la cause de la maladie et la
mort injuste, déséquilibrant le groupe, et un remède, une revanche à ce mal. Toutefois, ces
10

projets, qui sont tous les deux problématiques mais en quelque sorte dynamisants,
Grace Mera Molisa énumère
enfants dans ses trois volumes de poèmes, dont un, Blackstone, 25 a été traduit en français par
Déwé Gorodé (Pierre noire). 26 Les romans de Sia Figiel traitent de nombreux cas de jeunes
qui souffrent
et parfois mortelles par leur communauté. dans son
autobiographie, To a Young Artist in Contemplation, « la relation sexuelle est sans bruit,
se glissent par accident dans
votre culotte quand vous
». 27 Albert Wendt, comme nous avons vu, a déclaré que les femmes samoanes ont toujours été
traitées comme « des citoyennes de deuxième classe à utiliser et à dominer » 28 et situe
la bravoure et le machisme socialement
accept .»
29
Toutefois, ces critiques parfois féroces, parfois osées, difficiles, ou courageuses, à but
Gorodé de revendiquer très fortement leur appartenance primordiale à leur communauté et à
ses valeurs.
Le retour historique ou/et personnel ?
11

Au-
mises en scène de sujets qui semblent correspondre aux catégories occidentales de
; harcèlement ou abus sexuel ; non
respect des droits des femmes
; inceste ; pédophilie),
culturelle particulière
The Bone People 30 d
Hulme, est recherchée par le texte
Nouvelle-Zélande de jeunes gens abandonnés ou délinquants comme apprentis par exemple.
Les divisions dans la famille de Kerewin, issue de deux races, pourraient aussi bien se
Najita
suggère par exemple que
« différence désastreuse ») de Kerewin serait le résultat du traumatisme
temporalités historiques réprimées qui resurgissent dans la vie quotidienne des personnages
par le biais de réalisme traumatique. 31 Mais le lien exact entre ses difficultés et son propre
vécu sexuel a child-bashing
ogre » 32
pour Hulme, semblent être
plus liés Joe, pour
sa part
. En ceci,
-femmes de
, car il a été, lui
aussi, tout comme elles, profondément blessé par la mort insensée, inacceptable, de sa femme
vieux sorcier, Tom, symbole de malédiction, de transgression, et de viol mais aussi de
12

prestige viril, voire de protection, lutin rusé et charismatique qui représenterait dans le roman
de Gorodé le prix de la transgression de la relation sexuelle interdite par la coutume et/ou
e; ce prix, cette rétribution serait éventuellement
Certaines de nos études précédentes avaien
et de ses avatars dans des textes océaniens
-
beau-père, guerrier déchu, cannibale, - et leur
une
harmonie des contraires comme le prétendait le pasteur-ethnologue Leenhardt, mais plutôt
une interdépendance souvent sado-masochiste du masculin-féminin dans un système bien
patriarcal. 33 La fiction et la textualité, avons-nous fait remarquer, fournissent un espace qui
permet de dénoncer mais plus spécifiquement de réfracter, de dédoubler les aspects intimes,
intérieurs, inavoués ou guère inavouables de la violence ainsi que de parler du pouvoir
sauvage de la sexualité, le plus souvent réprimé et des plaisirs parfois pervers du corps sexuel.
éré, est précisément un roman sur le non-dit personnel et
sexuel, sur le retour. La maladie et la mort, associées à la déstructuration, qui ont poursuivi
la tribu sont perçues sous la forme de la sorcellerie et sont étroitement associées à la violence
exercée contre le ventre de la femme. Puisque la femme est explicitement liée à la terre-mère
Utê Mûrûnû » 34 par exemple,
le ventre de la femme et le ventre de la terre nourricière sont étroitement associés. On se
-
que « des béquilles » qui permettaient au ventre de la terre de respirer. Si des générations de
femmes, si Hélena, Léna, Lila, Eva, so
13

charismatique, viril, imprévisible, en dehors de la loi, a réussi à « leur attacher le ventre très
jeune » 35 par le viol incestueux ou des relations sexuelles coutumièrement interdites. Mais le
non-respect du ventre de la femme a des séquelles et mène à des représailles pour restaurer
et il fait émerger la contre-violence, les contre-pouvoirs de la femme.
Les thèmes de la vengeance féminine, de la femme qui refuse son ventre ou la terre qui venge
souvent très long et qui punit les péchés des pères dans leur progéniture à travers des
une série
traître
de « Prêtresse du
Feu
sexuellement par la suite avec une femme blanche ou ont trahi la
Affaire classée »
36 où Maguy,
Marguerite, Margaret, Doigts-calcinés fait une apparition à différents moments historiques,
en se métamorphosant, tantôt blanche et tantôt noire, pour punir les « traîtres », coloniaux et
Kanak, et reprendre son héritage. Cette figure fantastique qui aime bien « jouer des petits
tours aux bons vivants » 37 tout aussi de et le lutin dans
suivante, Graines de pins colonnaires, 38
et matériel que personnel (affectif) ainsi que de pouvoirs masculins et contre-pouvoirs
féminins -père qui
du vieux par la sève, reste une figure protectrice et
consolante. « Affaire classée » semble donc réfracter des hi
différente
-
ent frustrée de
pardon de sa famille, se retrouve au Camp-Est, en prison, pour la naissance de son enfant.
14

-violence ou vengeance par le feu, dans la nouvelle, y trouverait peut-être une
de ses sources. Les récits légendaires de personnages fictionnels trouveraient ainsi des points
de départ dans
le retour, au niveau du
corps, et dans le processu
, de sentiments forts non reconnus ou non
dits, à la fois familiaux et historiques, tout comme dans une certaine « lutte des sexes » vue
chez Ihimaera, Wendt, Hume, Figiel ou Gorodé ou dans
ntion de personnages homosexuels ou de sexualité ambigüe.
Il est possible que le terme « refoulé
-
océanien ou « le retour » la volonté de « dire le vrai » un volume des poèmes de
Gorodé) t
féminisme ne correspondent pas
sociale et sexuelle kanak. Les relations sexuelles illicites mais tolérées dans Epave se
social de la tribu. Ce qui est
-le Vieux
de sa femme en tribu,
transgression de la part du Vieux Tom
et de
son fils. Patrice Godin, nous rappelle que dans
sociale Kanak où les échanges matrimoniaux servent surtout à produire des enfants pour le
groupe, la sexualité elle-même
a-social, sauvage.
Dans la nouvelle Utê Mûrûnû de Gorodé, le non-dit est défini par la jeune fille Utê
Mûrûnû ne peut pas dire de peur de « froisser les maternels, et, à plus
forte raison, quand on est une femme ». 39 Elle ne peut que se confier à ses proches, son frère
15

de lait/ père coutumier et sa grand- elle refuse de se marier « là-haut » comme le
clan lui demande de faire puisque « celui à qui vous allez donner m
ue je porte ». 40 Comme elle explique ce
être refoulé, il y a une
sorte de tabou tacite qui occulte ces problèmes-là. Néanmoins l pour sa part, va
prendre le risque de « dire le vrai, » de dire un système ou « nous étions échangées comme
autant de poteries scellant une alliance entre deux guerres. Voies et pistes inter claniques,
nous survivions tant bien que mal à nos enfances et nos pubertés trop souvent violées par des
vieillards en état de lubricité ». 41
Il va sans dire que ce qui a ét
dans le non-dit sur la vie Kanak,
et que littéraires, comprend un
parler sur le corps et le désir, y compris sur le désir physique entre femmes, dans une
tentative de rendre au corps ce qui appartient au corps mais aussi de dénoncer tout le non-dit
sur le corps de la femme, y compris le pouvoir de refuser son ventre. Il me semble que ces
textes littéraires océaniens réussissent à ouvrir une brèche dans le non-dit au moyen du
retour du refoulé historique et familial. Il faut espérer que le
de lieux océaniens très
ion, et étrangeté même de cette vérité,
réussiront à détourner le regard colonisateur du corps sexuel exotique en le tournant vers la
volonté courageuse de regarder cette violence ambiguë et complexe en face, Comme le dit
Michel Foucault : « La tâche de dire vrai est un travail infini : la respecter dans sa complexité
oser le silence et
la servitude. » 42
16

1
Toutefois, une étude publiée dans le Pacific Islands Monthly en juin 1996 (pp. 26-8) montre
que des 30 percent de femmes interviewées qui ont avoué avoir été victimes de violence ou
de violence sexuelle, seules trois avaient porté plainte.
2
Le travail de Margaret Jolly, par exemple, pub
?
Feminist Review no. 52 (Spring
1996) 169-90,
3
e Horizon? Nationalisms, Feminisms, and Globalization in the
Pacific." Ethnohistory 52: 1 (winter 2005), 137- 166.
4
Grace Mera Molisa, Colonised Peoples, Port Vila, Blackstone Publications, 1987.
5
Chantal Spitz,
, Papeete, Les Editions de la Plage, 1991.
6
Déwé Gorodé, Nouméa, Madrépores, 2005.
7
Christine Salomon and Christine
The Asia-Pacific Journal of
Anthropology, 9: 1 (2008), 29-46.
8
vue comme un facteur de plus de déstabilisation de la société Kanake. Les femmes Kanakes,
es femmes soutenaient cette mesure qui donnait une
place plus importante aux voix des femmes dans les prises de décisions.
9
Witi Ihimaera, Woman Far Walking, Wellington, Huia Publishers, 2000.
10
Sia Figiel, Wher e We Once Belonged, Auckland, Pasifika, 1996. p. 187. Voir aussi,
Female Body, SPAN, 48/49, April - October, 1999, p. 91-106.
11
Hermann Melville, Typee: a peep at Polynesian life during a four months' residence in a
valley of the Marquesas, London, John Murray 1846; New York, Wiley and Putman, 1846.
12
Paul Gauguin, Noa Noa, Paris, Les Editions G. Crès, 1929, p. 25.
13
Witi Ihimaera, Nights in the Gardens of Spain. Auckland, Secker and Warburg, 1995.
14
Witi Ihimaera, The Matriarch, Auckland, N. Z., Heinemann, 1986.
15
Witi Ihimaera, The Parihaka Woman, Auckland, Vintage, 2011.
16
Wendt Faleasa Albert Wendt, Pouliuli, New Zealand, Longman Paul, 1977.
p. 122.
17
Homi Bhabha The Location of Culture, New York, Routledge, 1994.
18
Albert Wendt,
, Auckland, Random House, New Zealand, 2003,
19
Titaua Peu, Mutismes, Papeete, Haere Po, 2003.
20
Witi Ihimaera. Keynote
in Literature, Language
and Culture, University of Auckland, 5-7th Feb. 2009.
21
Pierre Gope, Où est le droit. Okerenitit, Noumea, Grain de Sable, 1997.
22
Witi Ihimaera ,
Ihimaera, His Best Stories, p. 92-102. Repris
du recueil, The New Net Goes Fishing, New Zealand, Heinemann, 1977.
23
Alan Duff, Once Were Warriors, Auckland, Tandem Press, 1990.
24
Witi Ihimaera, Ask the Posts of the House
25
Grace Mera Molisa, Black Stone, Port Vila, Blackstone Publications and Suva, SPAS Mana
Publications, 1983 et Black Stone 11, Port Vila, Vanuatu, Black Stone. 1990.
26
Déwé Gorodé, Pierre noire, Nouméa, Grain de Sable, 1997 traduction des poèmes de
Grace Mera Molisa.
17

27
Sia Figiel, To a Young Artist in Contemplation : poetry & prose, Suva, Fiji, Pacific Writing
Forum, University of the South Pacific, 1998
sex is quiet ... silent like those
for
].
Pacific Island
Monthly, vol. 54 no. 4, 1983, p. 13.
29
Ibid., p. institutionalized bravado and machismo performed by Samoan men in order
] Cité aussi par Michelle Keown dans Postcolonial Pacific
28
Writing: representations of the body, London and New York, Routledge, 2005, p. 26.
30
Keri Hulme, The Bone People, USA, Penguin. 1983.
31
, and genealogy in
The Bone People Decolonizing cultures in the Pacific: reading history and
trauma in contemporary fiction, New York, Taylor & Francis, 2006, pp. 99-131.
32
Keri Hulme, The Bone People, USA, Penguin. 1983, p. 231.
33
Raylene Ramsay, «
: sorcellerie, sadomasochisme, et violences sexuelles
dans les littéra
». Colloque du CNEP, « Masculin/Féminin :
sexe, genre, identité, » tenu 3-5 sept. 2011
-Calédonie, Nouméa.
Voir aussi, communication de Dominique Jouve, « Corps meurtris, femmes blessées ».
34
Déwé Gorodé, Utê Mûrûnû, petite fleur de cocotier, Nouméa : EDIPOP Grain de Sable. p.
69-78.
35 Déwé Gorodé,
Nouméa, Madrépores, 2005, p. 209.
36 Déwé Gorodé, « Affaire classée »,
, Nouméa, Grain de sable, 1996, pp. 22-44.
37
Déwé Gorodé, Nouméa, Madrépores, 2005, p. 27.
38
Déwé Gorodé, Graines de Pins Colonnaires, Nouméa : Madrépores, 2009.
39
Déwé Gorodé, Utê Mûrûnû, petite fleur de cocotier, p. 16.
40
Ibid., p. 17.
41
Ibid., p. 21.
42
« Le souci de la vérité, » propos avec Michel Foucault recueillis par Francois Erwald,
Magazine Littéraire, no. 207 (mai 1984), p. 23.
18