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Pour une pêche durable - WWF France

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<strong>Pour</strong> <strong>une</strong> <strong>pêche</strong> <strong>durable</strong><br />

en <strong>France</strong> et en Europe !<br />

Proposition du <strong>WWF</strong><br />

© P. Joachim


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

" Nous n’avons fait que ramasser<br />

quelques cailloux sur le rivage "<br />

(Giani Esposito)<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 1


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

REMERCIEMENTS<br />

Ce travail n’aurait pas été possible si des professionnels n’avaient pas cru, dés le début, que<br />

<strong>pêche</strong>urs et écologistes pouvaient travailler ensemble, et je veux ici remercier tout<br />

particulièrement René-Pierre Chever et Robert Bouguéon, Didier Ranc et Elisabeth Tempier.<br />

Leur expérience et leur conviction me resteront en modèle.<br />

J’ai un souvenir personnel pour chaque patron <strong>pêche</strong>ur langoustinier que j’ai rencontré et je<br />

les remercie chacun chaleureusement. Merci pour leur gentillesse et leur ouverture d’esprit.<br />

Ce sont les premiers à vouloir un avenir pour la <strong>pêche</strong>. Merci à Dominique Faou pour avoir<br />

accepté aussi spontanément de m’embarquer pour <strong>une</strong> marée de langoustine, qui a marqué<br />

mon esprit, et mes entrailles.<br />

Merci aussi aux mareyeurs qui ont pris un moment avec moi pour m’expliquer leur métier. Un<br />

merci particulier à Alain Le Venec.<br />

Je pense aussi à ceux qui construisent depuis maintenant 5 ans la gestion collective de la<br />

<strong>pêche</strong>rie de langoustine du Golfe de Gascogne : Hugues Autret, Patrice Donnart, René-Pierre<br />

Chever et Thierry Guigue. Grâce à des gens comme eux, la <strong>pêche</strong> a encore un avenir. Merci<br />

aussi à Patrick Berthou pour l’attention qu’il a apportée à mon étude. Et je peux témoigner de<br />

son engagement profond pour la <strong>pêche</strong> et les <strong>pêche</strong>urs.<br />

Je pense à tous les prud’hommes du Var et des Alpes Maritimes qui ont accepté de me<br />

recevoir pour me faire part de leur expérience, de leur savoir, de leurs espoirs et de leurs<br />

doutes. Je garde à l’esprit leur sagesse et leur amour de la mer. Notre société doit préserver cet<br />

héritage menacé par le développement subit d’<strong>une</strong> côte sauvage il y a peu de temps encore.<br />

Merci à Christian Décugis. Son dynamisme, son ouverture et sa modernité aideront la petite<br />

<strong>pêche</strong> à trouver sa place dans notre époque. Merci à Frédéric Durandetto pour tous les<br />

embarquements qui m’ont permis de découvrir la beauté de cette <strong>pêche</strong> aux « petits métiers ».<br />

L’aurore, le pointu glissant au fil de l’eau, le filet remonté et les belles pièces (pagre, rouget,<br />

chapon ou langouste) qu’on démaille l’<strong>une</strong> après l’autre. Merci à Michel Sévenier pour<br />

m’avoir appris la liberté de ce métier.<br />

Un merci tout particulier à Loïc Abalea qui m’a donné tout de suite sa confiance et qui<br />

travaille lui aussi avec enthousiasme et énergie pour offrir un avenir à la <strong>pêche</strong>.<br />

Merci à Marie-Christine Monfort, Philippe Paquotte et Patrice Guillotreau pour m’avoir tant<br />

appris sur le marché des produits de la mer. Merci pour leur disponibilité et tout le temps<br />

qu’ils ont pris avec moi.<br />

C’est Sergi Tudela qui m’a aidé à voir plus loin que l’agitation et les polémiques sans avenir.<br />

Il m’a montré que ma passion pour la <strong>pêche</strong> et les <strong>pêche</strong>urs et la nécessité de préserver la mer<br />

et les écosystèmes marins étaient indissociables.<br />

Sans François Sarano et Laurent Debas, ce travail n’aurait jamais commencé. Merci à Laurent<br />

de m’avoir fait confiance et de m’avoir permis de vivre cette aventure qui aura changé ma vie.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 2


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Je veux remercier enfin mes collègues : Jean-Pierre pour sa sagesse, Catherine Gabrié pour sa<br />

disponibilité, Amandine pour son amitié, Daniel pour toutes nos discussions tardives,<br />

Catherine Piante pour ses conseils, Denis pour sa bonne humeur et sa clairvoyance. Je veux<br />

remercier chaleureusement Bernard Cressens. Son énergie, son soutien et sa clairvoyance<br />

m’ont aidé comme ils en ont aidé tant d’autres au <strong>WWF</strong>. Son parcours témoigne de sa<br />

conviction que l’écologie passe par ceux qui vivent de la nature et de ses ressources.<br />

Enfin, je veux remercier tous ceux qui ont participé au travail fastidieux de relecture : Patrick<br />

Berthou, René-Pierre Chever, Hugues Autret, Thierry Guigue, Jacques Pichon, Delphine<br />

Ciolek, Elisabeth Tempier, Christian Decugis, Gildas Le Corre, Caroline Mangalo, Laurent<br />

Debas.<br />

Un grand merci à Denis pour tout son travail de réorganisation. Si vous arrivez à lire ce<br />

rapport, c’est largement grâce à lui.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 3


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

TABLE DES MATIÈRES<br />

1. INTRODUCTION.......................................................................................................... 10<br />

2. ANALYSE DE LA PÊCHE........................................................................................... 14<br />

2.1. Constat : <strong>une</strong> surexploitation généralisée, aggravée par un marché en constante<br />

augmentation préjudiciable à l’alimentation des populations des pays pauvres.................. 14<br />

2.1.1. Situation mondiale............................................................................................ 14<br />

2.1.2. Situation en Europe .......................................................................................... 15<br />

2.1.3. Situation en <strong>France</strong>........................................................................................... 17<br />

2.1.4. Constat global................................................................................................... 18<br />

2.2. Problématique de la filière halieutique : un équilibre à trouver entre des ressources<br />

biologiques limitées et un marché non régulé...................................................................... 19<br />

2.3. Analyse de la filière halieutique et pistes pour des solutions................................... 21<br />

2.3.1. En aval : les paramètres du marché des produits halieutiques ......................... 21<br />

2.3.2. En amont : la nature bio-économique de la sur<strong>pêche</strong>....................................... 22<br />

2.3.3. La dimension sociale des choix d’orientation de la filière............................... 23<br />

2.4. Une solution : la co-gestion des <strong>pêche</strong>ries ............................................................... 24<br />

2.4.1. Les conditions de la réussite de la co-gestion .................................................. 24<br />

3. LE CADRE RÉGLEMENTAIRE DE LA PÊCHE EN EUROPE ET EN FRANCE<br />

26<br />

3.1. L’encadrement de la <strong>pêche</strong> en Europe par la mise en place de la Politique Comm<strong>une</strong><br />

de la Pêche (PCP)................................................................................................................ 27<br />

3.1.1. La construction de la PCP ................................................................................ 27<br />

3.1.2. Le fonctionnement de la PCP........................................................................... 29<br />

3.1.3. Les raisons d’un échec ..................................................................................... 34<br />

3.1.4. La réforme de la PCP en 2002 et la mise en place des Comités Consultatifs<br />

Régionaux (CCR)............................................................................................................. 38<br />

3.2. Le cadre national : acteurs et moteurs de la gestion des <strong>pêche</strong>s............................... 39<br />

3.2.1. Le développement de la <strong>pêche</strong> en <strong>France</strong>......................................................... 39<br />

3.2.2. La gestion des <strong>pêche</strong>s en <strong>France</strong> ...................................................................... 40<br />

3.2.3. Les dysfonctionnements de l’organisation de la <strong>pêche</strong> en <strong>France</strong> ................... 46<br />

3.2.4. Des pistes d’avenir pour le développement de la <strong>pêche</strong> en <strong>France</strong>.................. 48<br />

4. LA PROPOSITION DU <strong>WWF</strong> FRANCE POUR UNE PÊCHE DURABLE EN<br />

EUROPE : LA CREATION D’UNITES D’EXPLOITATION ET DE GESTION<br />

CONCERTEES (UEGC) ....................................................................................................... 50<br />

4.1. Fonctionnement des UEGC..................................................................................... 51<br />

4.1.1. Etape 1 : définir le territoire de gestion............................................................ 51<br />

4.1.2. Etape 2 : organiser <strong>une</strong> nouvelle gouvernance via la construction d’<strong>une</strong> plateforme<br />

de concertation....................................................................................................... 51<br />

4.1.3. Etape 3 : identifier des créneaux de marché porteurs, et réorganiser la filière 51<br />

4.1.4. Etape 4 : aménager qualitativement les usages en mettant en place des plans de<br />

gestion, intégrant tous les usagers, définissant les mesures techniques et la régulation de<br />

l’accès à l’UEGC.............................................................................................................. 52<br />

4.1.5. Etape 5 : mettre en place un contrôle strict sur l’ensemble de la filière........... 52<br />

4.2. Les leviers nationaux et communautaires pour la mise en place des UEGC ........... 53<br />

4.2.1. La mise en place des Comités Consultatifs Régionaux (CCR), au niveau<br />

communautaire ................................................................................................................. 53<br />

4.2.2. Des évolutions nationales favorables au concept des UEGC........................... 53<br />

5. FAISABILITÉ : DE LA THEORIE A LA PRATIQUE (METHODOLOGIE) ...... 55<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 4


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

5.1. Choix des « sites pilotes » ........................................................................................ 56<br />

5.2. Des questions clés pour les études de cas ................................................................ 56<br />

5.2.1. Etape 1 : délimitation des zones des UEGC (définition du territoire de gestion)<br />

56<br />

5.2.2. Etape 2 : création, composition, positionnement et reconnaissance des UEGC<br />

(pour <strong>une</strong> nouvelle gouvernance)..................................................................................... 56<br />

5.2.3. Etape 3 : « valorisation » des produits ou de l’activité de <strong>pêche</strong> au sein de<br />

l’UEGC (analyse de marché et ré-organisation de la filière) ........................................... 57<br />

5.2.4. Etape 4 : ajustement des moyens d’exploitation au potentiel de production des<br />

ressources halieutiques et répartition de ces moyens (pour l’aménagement de la <strong>pêche</strong>rie)<br />

57<br />

5.3. Analyse du « système halieutique » ......................................................................... 57<br />

5.3.1. Méthode d’analyse ........................................................................................... 57<br />

5.3.2. Rencontres et enquêtes (septembre 2004 – septembre 2006)........................... 59<br />

6. PREMIERE ETUDE DE CAS : L’EXPLOITATION DE LA LANGOUSTINE<br />

DANS LE GOLFE DE GASCOGNE ................................................................................... 60<br />

6.1. Analyse de la <strong>pêche</strong>rie.............................................................................................. 60<br />

6.1.1. Eléments de biologie ........................................................................................ 60<br />

6.1.2. Etat de l’exploitation de la langoustine : historique et diagnostic.................... 61<br />

6.1.3. Les caractéristiques de l’exploitation de la langoustine du Golfe de Gascogne<br />

62<br />

Deux raisons expliquent le niveau des débarquements en fin d’année. D’abord, la<br />

langoustine reste dans son terrier et se <strong>pêche</strong> donc moins facilement (même si l’on peut<br />

faire de très bonnes marées en hiver). Mais les flottilles ont aussi presque épuisé leur<br />

quota (ce qui est arrivé à la fin de l’année 2005). ........................................................... 65<br />

6.1.4. Le marché de la langoustine (source : OFIMER, 2004)................................... 65<br />

6.1.5. Gestion de la <strong>pêche</strong>rie ...................................................................................... 67<br />

6.2. Opinions des acteurs socioprofessionnelles sur la <strong>pêche</strong>rie et mise en perspective<br />

par rapport à la proposition des UEGC ................................................................................ 69<br />

6.2.1. Rencontres et enquêtes ..................................................................................... 69<br />

6.2.2. Les ONG et le « monde de la <strong>pêche</strong> » : éclairage sur la place du <strong>WWF</strong> ......... 70<br />

6.2.3. La nécessité d’un constat commun................................................................... 71<br />

6.2.4. Etape 1 : des éléments pour le choix de l’échelle de gestion ........................... 75<br />

6.2.5. Etape 2 : des éléments pour la mise en place d’<strong>une</strong> plate-forme de concertation<br />

à l’échelle de la <strong>pêche</strong>rie .................................................................................................. 77<br />

6.2.6. Etape 3 : des éléments pour la réorganisation de la filière............................... 87<br />

6.2.7. Etape 4 : des éléments pour l’aménagement qualitatif de la <strong>pêche</strong>rie.............. 89<br />

6.2.8. Etape 5 : la nécessité de mettre en place un contrôle strict et homogène......... 97<br />

6.2.9. La responsabilité politique ............................................................................... 97<br />

6.3. Recommandations pour la mise en place d’<strong>une</strong> UEGC « Langoustine du Golfe de<br />

Gascogne » ........................................................................................................................... 99<br />

6.3.1. Etape 1 : maintenir la concession fermée......................................................... 99<br />

6.3.2. Etape 2 : organiser <strong>une</strong> nouvelle gouvernance................................................. 99<br />

6.3.3. Etape 3 : réorganiser la filière ........................................................................ 100<br />

6.3.4. Etape 4 : mettre en place <strong>une</strong> gestion par l’effort........................................... 100<br />

6.3.5. Etape 5 :assurer un contrôle strict .................................................................. 100<br />

7. SECONDE ETUDE DE CAS : LA PÊCHE AUX « PETITS METIERS » SUR LE<br />

LITTORAL DU VAR ET DES ALPES-MARITIMES :.................................................. 102<br />

7.1. Analyse de la <strong>pêche</strong>rie............................................................................................ 102<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 5


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

7.1.1. Le choix de l’échelle d’analyse...................................................................... 102<br />

7.1.2. L’activité économique du littoral du Var et des Alpes-Maritimes : urbanisation<br />

excessive et apparition récente de nouveaux usages de la ressource halieutique .......... 104<br />

7.1.3. Éléments de biologie : ichtyofa<strong>une</strong> et étages sous-marins............................. 104<br />

7.1.4. Durabilité de l’exploitation par les « petits métiers » : historique et diagnostic<br />

106<br />

7.1.5. Les caractéristiques de l’exploitation halieutique du littoral du Var et des<br />

Alpes-Maritimes par les « petits métiers »..................................................................... 107<br />

7.1.6. Quelques éléments sur le marché des produits de la mer débarqués par la <strong>pêche</strong><br />

aux « petits métiers »...................................................................................................... 108<br />

Le Bilan 2004 des ports de <strong>pêche</strong> édité par l’hebdomadaire Le Marin donne pour le Var :<br />

1800 tonnes et 12 millions d’euros, et pour les Alpes-Maritimes : 900 tonnes et 6<br />

millions d’euros. <strong>Pour</strong> la majeure partie, ces produits concernent des poissons nobles<br />

(dorade, rouget, sar, chapon, etc.), commercialisés en direct - et hautement valorisés<br />

puisque le prix de vente moyen s’établit à 6,7 €/kg pour les 2 quartiers - et ne passent pas<br />

sous criée. La ressource est donc très bien valorisée. .................................................... 108<br />

7.1.7. Gestion de la <strong>pêche</strong> : l’exception des prud’homies de <strong>pêche</strong>......................... 108<br />

7.2. Opinion des acteurs socioprofessionnels sur la <strong>pêche</strong>rie : mise en perspective par<br />

rapport à la proposition des UEGC .................................................................................... 111<br />

7.2.1. Rencontres et enquêtes ................................................................................... 111<br />

7.2.2. Le constat des usagers de la ressource halieutique sur le secteur liguroprovençal<br />

113<br />

7.2.3. Etape 1 : le choix de l’échelle de gestion ....................................................... 115<br />

7.2.4. Etape 2 : la nécessité d’<strong>une</strong> nouvelle gouvernance ........................................ 116<br />

7.2.5. Etape 3 : des éléments pour la valorisation des usages de la ressource<br />

halieutique sur le secteur liguro-provençal .................................................................... 120<br />

7.2.6. Etape 4 : aménagement des usages à l’échelle du secteur liguro-provençal : 122<br />

7.2.7. Etape 5 : renforcer le contrôle et l’application des règles .............................. 126<br />

7.3. Recommandations pour la mise en place d’<strong>une</strong> UEGC « gestion des usages<br />

halieutiques sur le secteur liguro-provençal ».................................................................... 128<br />

7.3.1. Etape 1 : Mettre en place <strong>une</strong> concession fermée à l’échelle du secteur liguroprovençal<br />

128<br />

7.3.2. Etape 2 : créer la plate-forme de concertation................................................ 128<br />

7.3.3. Etape 3 : valoriser les usages de la ressource halieutique .............................. 129<br />

7.3.4. Etape 4 : organiser et réguler les usages halieutiques sur le secteur liguroprovençal<br />

129<br />

7.3.5. Etape 5 :Renforcer les moyens de contrôle.................................................... 129<br />

8. DISCUSSION : LES TRANSFORMATIONS NECESSAIRES POUR UNE MISE<br />

EN PLACE DES UEGC EN EUROPE .............................................................................. 130<br />

8.1. Etape 1 : définir les territoires des UEGC.............................................................. 131<br />

8.2. Etape 2 : Organiser un nouvelle gouvernance à l’échelle de l’UEGC ................... 132<br />

8.3. Etape 3 : valoriser la <strong>pêche</strong> pour créer des incitations positives à <strong>une</strong> activité<br />

<strong>durable</strong> 135<br />

8.4. Etape 4 : gérer par l’effort plutôt que par la quantité ............................................. 136<br />

8.5. Etape 5 : imposer un contrôle européen strict pour détruire les incitations négatives<br />

créées par la fraude............................................................................................................. 138<br />

9. CONCLUSION............................................................................................................. 139<br />

10. BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................... 143<br />

11. Annexe 1 : Table des sigles .......................................................................................... 152<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 6


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

12. Annexe 2 : quelques définitions................................................................................... 153<br />

13. Annexe 3: Liste des personnes rencontrées................................................................ 155<br />

14. Annexes 4 : la concertation à l’épreuve des réalités (exemples de co-gestion) ....... 159<br />

15. Annexe 5 : guides d’entretien pour les enquêtes ....................................................... 169<br />

16. Annexe 6 : Programme Sélectivité Langoustine........................................................ 172<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 7


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Liste des tableaux et figures<br />

Figure 1. Représentation schématique de la filière halieutique............................................... 19<br />

Figure 2. Les deux composantes de l’aménagement des <strong>pêche</strong>s (d’après BONCOEUR et<br />

TROADEC, 2003).................................................................................................................... 23<br />

Figure 3. Cadre réglementaire encadrant la filière halieutique en Europe.............................. 26<br />

Figure 4. Les étapes de la construction de la PCP................................................................... 28<br />

Figure 5. Schéma du processus de prise de décision des TAC et quotas, dans la Politique<br />

Comm<strong>une</strong> de la Pêche. ............................................................................................................. 31<br />

Figure 6. Représentation schématique des outils de gestion en Europe, disponibles pour <strong>une</strong><br />

gestion par l’effort ou par la quantité. ..................................................................................... 33<br />

Figure 7. Organigramme des différentes structures de gestion de la <strong>pêche</strong> en <strong>France</strong>. .......... 43<br />

Figure 8. Représentation schématique de l’aménagement des <strong>pêche</strong>s en <strong>France</strong>. .................. 45<br />

Figure 9. Valeur ajoutée maritime en 2001 : 18,5 milliards €................................................. 49<br />

Figure 11. Caractéristiques des deux <strong>pêche</strong>ries étudiées......................................................... 56<br />

Figure 12. Structure du système halieutique (l’activité de <strong>pêche</strong>) de production halieutique et<br />

niveaux d’analyse..................................................................................................................... 58<br />

Figure 13. La langoustine (Nephrops norvegicus). ................................................................. 60<br />

Figure 14. Débarquements et rejets de langoustine du Golfe selon la classe de taille (taille<br />

légale : 8,5 cm) ......................................................................................................................... 61<br />

Figure 15. Carte des zones d’exploitation de la langoustine (1,2,3) ; et principaux ports<br />

langoustiniers du Golfe de Gascogne....................................................................................... 62<br />

Tableau 1.Classes de longueur des navires exploitant la langoustine du Golfe (source : SIH-<br />

IFREMER, 2001) ..................................................................................................................... 63<br />

Figure 16. Répartition du temps total d’activité de la flottille à l’exercice de métiers (source :<br />

SIH – IFREMER, 2001)........................................................................................................... 63<br />

Figure 17. Importance de l’activité langoustine selon les navires (source : SIH – IFREMER,<br />

2001)......................................................................................................................................... 63<br />

Tableau 2. Poids relatif de l’activité Langoustine du Golfe pour les différents quartiers<br />

maritimes.................................................................................................................................. 64<br />

Tableau 3. Estimation de la répartition moyenne des quantités capturées par région ........... 64<br />

Figure 18. Variations saisonnières de l’activité langoustine (source : SIH-IFREMER, 2001).<br />

.................................................................................................................................................. 65<br />

Figure 19. Variations saisonnières de productivité et prix au débarquement (source : SIH-<br />

IFREMER, 2001). .................................................................................................................... 65<br />

Figure 20. Schéma de fonctionnement de la gestion de la <strong>pêche</strong>rie de langoustine du Golfe de<br />

Gascogne.. ................................................................................................................................ 68<br />

Figure 21. Comparaison des évaluations de recrutement entre les années 2004 et 2005, pour<br />

le groupe de travail de l’AFCM. .............................................................................................. 72<br />

Tableau 4. Constat des différents acteurs socioprofessionnels sur la <strong>pêche</strong>rie de langoustine<br />

du Golfe de Gascogne (d’après les entretiens et enquêtes réalisés de septembre 2004 à<br />

septembre 2005). ...................................................................................................................... 74<br />

Tableau 5. Proposition pour la construction d’<strong>une</strong> plate-forme de concertation au sein de la<br />

commission « langoustine du Golfe de Gascogne » ................................................................ 85<br />

Tableau 6. Conséquences de la réorganisation de la filière « langoustine vivante du Golfe de<br />

Gascogne » pour la gestion de la ressource.............................................................................. 88<br />

Figure 22. Représentation schématique de la proposition faite pour l’aménagement de la<br />

<strong>pêche</strong>rie de langoustine.. .......................................................................................................... 95<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 8


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Figure 23. Représentation schématique du positionnement de l’UEGC « langoustine du Golfe<br />

de Gascogne ». ....................................................................................................................... 101<br />

Figure 24. Mise en évidence des deux unités de gestion le long de la côté méditerranéenne<br />

française : le golfe du Lion (en bleu), le littoral du secteur liguro-provençal (en rouge). Les<br />

deux unités sont délimitées par la ligne bathymétrique des – 200 m..................................... 102<br />

Figure 25. Puissance moyenne des navires des ports de la façade continentale en 1997<br />

(source : Direction des Pêches). ............................................................................................. 103<br />

Figure 26. Répartition géographique des prud’homies autour des la zone des îles d’Hyères.<br />

................................................................................................................................................ 107<br />

Tableau 7. Répartition par quartier et caractéristiques techniques d’un navire moyen, armé<br />

aux « petits métiers ».............................................................................................................. 108<br />

Tableau 8. Indicateurs économiques moyennes annuelles sur l’activité de fileyeur ............ 108<br />

Figure 27. Schéma de la gestion de la <strong>pêche</strong> sur le littoral des départements du Var et des<br />

Alpes-Maritimes..................................................................................................................... 110<br />

Tableau 9. Proposition pour la construction de la plate-forme de concertation de la<br />

commission du secteur liguro-provençal................................................................................ 117<br />

Figure 28. Représentation schématique de la gestion des usages sur <strong>une</strong> portion de côte du<br />

secteur liguro-provençal......................................................................................................... 125<br />

Figure 30. Localisation des Comités Consultatifs Régionaux dans les eaux européennes.<br />

.........................................................................................................Erreur ! Signet non défini.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 9


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

1. INTRODUCTION<br />

« Les animaux aquatiques, et tout spécialement les animaux marins, sont protégés de la<br />

destruction de leur espèce par l'homme. Leur multiplication est tellement rapide, et leurs<br />

moyens d'échapper à la poursuite ou aux pièges sont si grands, qu'il est invraisemblable que<br />

l'homme soit capable d'exterminer complètement l'<strong>une</strong> quelconque de ces espèces »<br />

(Philosophie zoologique, Lamarck).<br />

Le développement des technologies modernes (sondeurs multi-faisceaux, GPS, imagerie<br />

satellitaire) a permis de prospecter sur de grandes étendues et de disposer d’engins de capture<br />

de plus en plus performants pour <strong>pêche</strong>r à toutes les profondeurs et sur tous les types de fond.<br />

On ne laisse plus beaucoup de chance au poisson.<br />

Aujourd’hui, la crise se généralise : pour la majorité des <strong>pêche</strong>ries, les indicateurs sont au<br />

rouge. Ce constat se décline en termes écologique, mais aussi économique et social.<br />

Economique, puisqu’en 1990, la FAO a estimé à 50 milliards $ le coût annuel de la<br />

surcapacité de <strong>pêche</strong> mondiale. Manque à gagner auquel il faut rajouter les<br />

subventions des politiques publiques intervenant en soutien d’activités dont certaines<br />

sont devenues non rentables. Ainsi pour les <strong>pêche</strong>s maritimes françaises, l’ensemble<br />

des concours publics, directs ou indirects, nationaux et communautaires, s’est élevé en<br />

2004 à 808 millions d’euros pour un chiffre d’affaires à la première vente de 1,1<br />

milliard € (TANGUY, 2006).<br />

Social, puisque la production halieutique génère 38 millions d’emplois directs dans le<br />

monde, et que, en Europe, le nombre de <strong>pêche</strong>urs a diminué de 60 000 entre 1990 et<br />

2000. La <strong>France</strong> comptait 59 000 marins embarqués en métropole en 1950, ils ne sont<br />

plus que 20 000 aujourd’hui. Et combien de ports autrefois hauts en couleur et faisant<br />

vivre le littoral, sont aujourd’hui ternes, inquiets, proches de la faillite.<br />

Ecologique, puisqu’au niveau mondial 75% des ressources marines sont en passe<br />

d’être surexploitées (au-delà du rendement maximal que permet la productivité<br />

biologique naturelle des populations marines) alors que 90% de la biomasse des<br />

grands prédateurs (requins, orques, dauphins) a disparu (FAO, 2005), avec des<br />

conséquences significatives sur l’équilibre des écosystèmes marins. Au niveau<br />

européen, 81% des populations de l’Atlantique Nord Est évaluées sont surexploitées<br />

(communication de la Commission Européenne, 2006).<br />

Aujourd’hui, le constat se répète donc aux échelles internationale, européenne, nationale et<br />

locale : l’activité de <strong>pêche</strong> n’est pas <strong>durable</strong> telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 10


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

<strong>Pour</strong> l’Europe, la commission européenne a dressé un constat sans appel : “ La politique<br />

comm<strong>une</strong> de la <strong>pêche</strong>, dont les débuts remontent à près de 20 ans, est aujourd’hui confrontée<br />

à de grands défis. Elle n’a en effet pas permis d’atteindre l’objectif visé, à savoir <strong>une</strong><br />

exploitation <strong>durable</strong> des ressources, et il faudra donc adapter la politique pour qu’elle puisse<br />

y parvenir ” (Livre Vert, Politique Comm<strong>une</strong> des Pêches, 2001, vol. 1, chap. 1).<br />

L’ambition de ce rapport est précisément de proposer <strong>une</strong> voie pour un développement<br />

<strong>durable</strong> (écologique, économique et social) de l’activité de <strong>pêche</strong> en Europe en général, et en<br />

<strong>France</strong>, en particulier. Le <strong>WWF</strong> <strong>France</strong> poursuit <strong>une</strong> démarche ambitieuse, lucide, et sociale.<br />

Ambitieuse car elle entend corriger des décennies de gestion inadaptée dans un<br />

contexte de crise ou les mauvaises habitudes deviennent d’ultimes bouées de<br />

sauvetage, et parce qu’il faudra modifier tant les politiques que les mentalités qu’elles<br />

ont forgées.<br />

Lucide puisqu’il faut aujourd’hui analyser et affronter sans idéologie les raisons de<br />

l’échec de la gestion des <strong>pêche</strong>s.<br />

Sociale, puisque le poisson que nous achetons fait vivre des hommes et des femmes<br />

qui participent au patrimoine et à la vie de nombreuses communautés littorales.<br />

C’est <strong>une</strong> démarche qui s’inscrit dans la durée. Initiée en 2002 (DEBAS & SARANO, 2002)<br />

lors de la réforme de la Politique Comm<strong>une</strong> de la Pêche, elle s’est poursuivie par de<br />

nombreux contacts avec le monde de la <strong>pêche</strong> qui a abouti à la présente analyse, et elle se<br />

poursuivra par des projets de terrain allant dans le sens des unités d’exploitation et de gestion<br />

concertées.<br />

Enfin c’est <strong>une</strong> démarche pragmatique, car si la crise est globale, les solutions doivent être<br />

élaborées sur le terrain avec ceux qui vivent de la mer et de ses ressources. <strong>Pour</strong> confronter<br />

cette analyse à la réalité du terrain le <strong>WWF</strong> a choisi deux « sites pilotes » représentatifs de la<br />

diversité de l’activité de <strong>pêche</strong> en <strong>France</strong> : la <strong>pêche</strong> à la langoustine sur le Golfe de Gascogne,<br />

et la <strong>pêche</strong> aux « petits métiers » en Méditerranée. Ce travail s’appuie en grande partie sur les<br />

idées et propositions qui ont été présentées au cours des nombreuses rencontres et enquêtes<br />

que le <strong>WWF</strong> a menées à l’échelle nationale, mais surtout à l’échelle des deux sites choisis.<br />

Quel est l’enjeu d’<strong>une</strong> <strong>pêche</strong> <strong>durable</strong> ?<br />

L’activité de <strong>pêche</strong> est à appréhender en termes de filière, mettant à disposition sur un marché<br />

(mondialisé et hautement spéculatif) des produits sauvages issus d’<strong>une</strong> activité de<br />

« cueillette » (la <strong>pêche</strong>) pratiquée sur un territoire particulier. La filière <strong>pêche</strong> est protéiforme.<br />

Toute la problématique de son organisation est de trouver un équilibre entre la production<br />

biologique des écosystèmes marins (limitée par nature), et un marché des produits de la mer<br />

non régulé, et de plus en plus demandeur.<br />

Nous voulons trouver l’équilibre qui permettra un développement <strong>durable</strong> de la <strong>pêche</strong>. C’est à<br />

dire <strong>une</strong> <strong>pêche</strong> créatrice de richesses, <strong>une</strong> <strong>pêche</strong> créatrice d’emplois et contribuant à<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 11


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

l’animation des territoires littoraux, et enfin <strong>une</strong> <strong>pêche</strong> dont les pratiques préservent (ou<br />

contribuent à préserver) la productivité biologique et l’équilibre des écosystèmes.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 12


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

<strong>Pour</strong>quoi l’Europe a échoué à organiser <strong>une</strong> activité de <strong>pêche</strong> <strong>durable</strong> ?<br />

L’organisation de la filière <strong>pêche</strong> – dirigée en amont par des écosystèmes marins, en aval par<br />

un marché – dépend des politiques publiques qui l’orientent et la contraignent. En Europe, la<br />

Politique Comm<strong>une</strong> de la Pêche réglemente l’activité de <strong>pêche</strong> dans les eaux européennes (la<br />

Zone Economique Exclusive qui s’étend jusqu’aux 200 milles nautiques).<br />

La Politique Comm<strong>une</strong> de la Pêche s’est construite de manière centralisée et sur des bases<br />

erronées. La <strong>pêche</strong> a été pensée comme <strong>une</strong> activité productrice : <strong>une</strong> « production » (alors<br />

que c’est <strong>une</strong> activité de cueillette), issue de l’exploitation de « stocks » (pour décrire les<br />

populations d’espèces marines), et mettant à disposition des quantités sur un marché. Cette<br />

conception a eu des implications en aval de la filière sur l’organisation comm<strong>une</strong> du marché,<br />

et en amont sur l’aménagement de l’activité de <strong>pêche</strong> en mer.<br />

La Politique Comm<strong>une</strong> de la Pêche a mis en place <strong>une</strong> gestion centraliste de l’activité de<br />

<strong>pêche</strong>. L’évaluation scientifique, les propositions et les mesures décidées sont prises loin des<br />

acteurs du terrain. Techniquement, cette distance nuit à la finesse et à la pertinence des<br />

mesures prises. Sociologiquement, cette distance compromet dès le départ l’acceptation des<br />

décisions par les acteurs auxquels elles sont pourtant destinées. En outre, le mécanisme de<br />

décision repose sur la réunion du conseil des ministres de la <strong>pêche</strong> des pays de l’Union<br />

Européenne. Mais s’il faut 5 ans à <strong>une</strong> langoustine, à un bar ou à un thon rouge, 38 ans à un<br />

empereur pour atteindre leur maturité sexuelle, un ministre de la <strong>pêche</strong> d’un pays de l’Union<br />

Européenne ne reste rarement plus de un ou deux ans en exercice. <strong>Pour</strong> des raisons<br />

électoralistes, les décideurs politiques ne gèrent que sur le court terme alors que la gestion de<br />

l’activité de <strong>pêche</strong> nécessiterait de dégager des perspectives sur le moyen (5 ans) et long<br />

terme (10 – 20 ans), dans l’intérêt des poissons et des <strong>pêche</strong>urs.<br />

En aval de la filière, organisé sur le modèle de l’organisation comm<strong>une</strong> du marché des<br />

produits agricoles, le marché des produits de la mer en Europe assure un prix à tout<br />

produit débarqué même s’il n’existe pas de débouché. Dans <strong>une</strong> situation généralisée<br />

de pénurie, on assiste ainsi au retrait de la vente de produits nobles tels que le bar ou la<br />

coquille Saint-Jacques, réduits en farine.<br />

En amont de la filière, sur les zones de <strong>pêche</strong>, la mise en commun des Zones<br />

Economiques Exclusives (200 milles nautiques) des Etats Membres s’est<br />

accompagnée du principe du libre accès. Ainsi, les zones les plus riches ont attiré de<br />

nombreux bateaux, chacun cherchant à capturer le plus possible avant les autres.<br />

L’addition de ces logiques individuelles a abouti à <strong>une</strong> dynamique collective<br />

d’exploitation dépassant le rendement maximal que pourrait autoriser les populations<br />

marines (si on leur laissait le temps de se développer et de se renouveler) : ce qui serait<br />

dans l’intérêt collectif. Cette « course aux poissons » est un manque à gagner<br />

économique pour la collectivité (la somme des revenus individuels étant inférieure au<br />

revenu global qui pourrait être retiré si la <strong>pêche</strong> était bien gérée), et un « manque à<br />

gagner social » (l’activité se réduisant avec la baisse des débarquements, moins<br />

d’emplois sont crées). Mais c’est aussi un « manque à gagner écologique »<br />

(l’exploitation intensive diminuant la productivité biologique des écosystèmes marins<br />

et affectant leur équilibre).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 13


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

La proposition du <strong>WWF</strong> <strong>France</strong> pour <strong>une</strong> <strong>pêche</strong> <strong>durable</strong> en Europe.<br />

Sur la base de cette analyse, la politique proposée par le <strong>WWF</strong> <strong>France</strong> consiste à garantir aux<br />

exploitants des ressources marines, organisés en unités de gestion, la jouissance de<br />

l'exploitation à long terme de la ressource, et à leur confier, sous conditions, la responsabilité<br />

de sa gestion. Elle se fonde sur un système d'attribution de concession à long terme à <strong>une</strong><br />

Unité d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC) qui s'engage contractuellement à<br />

respecter les règles d’<strong>une</strong> gestion <strong>durable</strong>. Il est temps de mettre un terme aux conflits, aux<br />

compétitions entre états, entre <strong>pêche</strong>urs pour enfin gérer <strong>durable</strong>ment un patrimoine collectif.<br />

Ces UEGC organiseraient à l’échelle d’un territoire <strong>une</strong> concertation régulière entre usagers<br />

de la ressource, pouvoirs publics et société civile. Les scientifiques apporteraient leur<br />

expertise au débat. Partant d’un diagnostic partagé (écologique, économique, social) sur<br />

l’exploitation des ressources marines du territoire, les acteurs de l’UEGC, en partenariat avec<br />

l’Union Européenne comme représentante des intérêts des citoyens européens, feraient<br />

émerger et fixeraient des objectifs (économiques, sociaux et écologiques) à moyen et long<br />

terme. Et c’est bien cette « démarche négociée qui est actuellement privilégiée pour la mise<br />

en œuvre des politiques environnementales, tant en direction du secteur agricole (Contrats<br />

d’Agriculture Durable) que forestier ou des services comme dans les contrats Natura 2000 »<br />

(MABILE, 2004).<br />

Economiquement, elles aideraient à valoriser <strong>une</strong> ressource rare et demandée : la filière doit<br />

rencontrer l’exigence des consommateurs. Socialement, en impliquant les collectivités dans<br />

les orientations de l’activité de <strong>pêche</strong>, elles seraient le lieu d’élaboration de politiques<br />

publiques fortes visant à préserver des activités structurantes pour le territoire. Enfin d’un<br />

point de vue écologique, ces unités favoriseraient un débat constructif entre la filière et les<br />

ONG pour mieux gérer le patrimoine collectif que représentent les ressources marines.<br />

Sur le court terme (temps de toutes les crispations et de toutes les polémiques), ces UEGC<br />

permettraient de faire en sorte que toute décision de la Commission Européenne fasse l’objet<br />

d’<strong>une</strong> concertation en amont. De l’affrontement, il est temps de passer au débat d’idées.<br />

Privilégions la concertation en amont plutôt que l’épreuve de force en aval.<br />

S’appuyant sur la connaissance, l’expérience et le savoir des hommes et des femmes des<br />

territoires des deux sites pilotes choisis (l’exploitation de la langoustine dans le Golfe de<br />

Gascogne et la pratique des « petits métiers » en Méditerranée), la présente étude montre que<br />

l’organisation en UEGC permettra de dégager les voies d’un développement <strong>durable</strong> de<br />

l’activité de <strong>pêche</strong> en Europe.<br />

« Dans le concert européen, la <strong>France</strong>, l’<strong>une</strong> des seules puissances à posséder <strong>une</strong> façade<br />

atlantique et méditerranéenne, ainsi qu’un exceptionnel domaine maritime dans les océans<br />

Pacifique, Atlantique et Indien par ses territoires d’outre-mer, a un rôle primordial à jouer.<br />

Elle peut être l’initiateur et le moteur d’un changement historique, en inscrivant<br />

définitivement le secteur de la <strong>pêche</strong> dans <strong>une</strong> politique de développement <strong>durable</strong> » (DEBAS<br />

& SARANO, 2002).<br />

Pêcheurs, mareyeurs, distributeurs, administrateurs, scientifiques, politiciens, citoyens :<br />

re-dessinons enfin un avenir pour les <strong>pêche</strong>s maritimes !<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 14


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

2. ANALYSE DE LA PÊCHE<br />

Les captures<br />

2.1. Constat : <strong>une</strong> surexploitation généralisée, aggravée par un marché<br />

en constante augmentation préjudiciable à l’alimentation des<br />

populations des pays pauvres<br />

2.1.1. Situation mondiale<br />

D’après l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation (FAO, 2004), les captures<br />

marines se sont élevées à 84 millions de tonnes en 2002, auxquelles il faut ajouter 7 millions<br />

de tonnes de prises rejetées. On remarque globalement que les prises plafonnent depuis la<br />

fin des années 80.<br />

Or des niveaux situés de plus en plus bas dans la chaîne trophique sont exploités. Les<br />

populations y sont logiquement plus abondantes. Et les captures sont donc plus importantes.<br />

Dans le même temps, l’effort de <strong>pêche</strong> a augmenté de façon continue (nombre et tonnage des<br />

bateaux, amélioration des techniques de <strong>pêche</strong>). Ces 2 éléments montrent qu’il faut donc<br />

fortement nuancer la stabilité globale des captures marines qui cache <strong>une</strong> véritable situation<br />

de surexploitation.<br />

D’après la FAO (2004) 25% des ressources halieutiques sont sous-exploitées, 50% sont<br />

pleinement exploitées, 15% sont surexploitées, et enfin 10% sont épuisées.<br />

Dans l’ensemble, les informations disponibles tendent à confirmer les informations avancées<br />

par la FAO dans les années 70, à savoir que le potentiel mondial des <strong>pêche</strong>s de capture marine<br />

représente un volume global de 100 millions de tonnes, dont 80 millions de tonnes sont<br />

probablement réalisables.<br />

En 2002, le poisson a assuré à plus de 2,6 milliards de personnes au moins 20% de leurs<br />

apports de protéines animales. Plus de 38 millions de personnes sont directement engagées<br />

dans des activités de <strong>pêche</strong> ou d’aquaculture, soit 200 millions de personnes qui dépendent de<br />

ces activités en tenant compte des emplois induits.<br />

Le marché<br />

La consommation humaine directe représente 76% des captures mondiales. Globalement,<br />

l’offre mondiale de poisson par habitant (13 kg/an en 2004) recule du fait de la croissance<br />

démographique.<br />

Régionalement, l’offre par habitant est très inégale. L’apport en poisson est particulièrement<br />

élevé dans quelques pays ne disposant pas d’alternatives en matière d’aliments protéiques, et<br />

où la préférence pour le poisson est à la fois marquée et bien ancrée, comme le Japon,<br />

l’Islande, et certains petits Etats insulaires en développement. Il y représente <strong>une</strong> source<br />

précieuse de nutriments, de minéraux, et d’acides gras essentiels.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 15


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

A l’inverse de la plupart des autres produits alimentaires, la transformation de poisson<br />

n’augmente pas la valeur du produit final, et le poisson frais reste la forme la plus largement<br />

prisée du produit sur le marché.<br />

En 2002, la valeur totale des échanges commerciaux portant sur le poisson et ses dérivés a<br />

augmenté pour s’établir à 58,2 milliards de dollars EU, soit <strong>une</strong> progression de 45% depuis<br />

1992.<br />

Ainsi, les captures sont stagnantes (voire déclinantes si l’on tient compte de l’évolution de la<br />

composition des captures) alors que le marché est en constante augmentation. « La<br />

libéralisation progressive du marché devrait accroître les pressions subies par les<br />

populations naturelles de poisson des pays en développement » (FAO, 2004).<br />

Les qualités nutritionnelles et diététiques des produits de la mer expliquent la demande<br />

croissante des pays occidentaux où la santé est devenue <strong>une</strong> préoccupation de premier ordre.<br />

En revanche, l’offre par habitant dans les pays à faible revenu et à déficit vivrier reste<br />

relativement faible puisqu’elle est estimée à 8,5 kg en 2001, soit à peine 1/3 de l’offre<br />

estimative dans les pays les plus riches (FAO, 2004).<br />

Ainsi le marché est marqué par un profond déséquilibre entre les pays en développement,<br />

globalement exportateurs, et les pays développés, globalement importateurs et<br />

consommateurs.<br />

Les captures<br />

2.1.2. Situation en Europe<br />

Avec <strong>une</strong> production halieutique de 6 millions de tonnes/an, l’Union Européenne (UE-25)<br />

occupe le 3 e rang mondial après la République Populaire de Chine et le Pérou. La production<br />

cumulée de l’UE-25, de la Norvège, de l’Islande, des îles Féroé et du Groenland dépasse celle<br />

du Pérou et atteint 11 millions de tonnes/an (FAO, 2004).<br />

De même qu’à l’échelle mondiale, l’activité de <strong>pêche</strong> est marquée par <strong>une</strong> surcapacité des<br />

moyens d’exploitation, et <strong>une</strong> situation globale de surexploitation au niveau des eaux<br />

européennes. Le rapport de l’Académie des sciences (2003), fait ainsi le constat d’<strong>une</strong><br />

« situation généralisée de surexploitation que connaissent les <strong>pêche</strong>ries européennes [..] :<br />

la plupart des stocks pêchés sont à des degrés divers, surexploités ; certains sont même<br />

proches de l’épuisement. »<br />

« Sur 43 stocks analysés (en Atlantique Nord Est), 35 (soit 81 %) étaient surexploités et seuls<br />

huit d’entre eux étaient soumis à des niveaux de <strong>pêche</strong> correspondant aux rendements<br />

maximaux à long terme (c’est-à-dire à <strong>une</strong> prise maximale équilibrée). Cette exploitation<br />

excessive des ressources était de deux à cinq fois supérieure au niveau qui entraînerait <strong>une</strong><br />

prise maximale et était particulièrement élevée en ce qui concerne les espèces démersales »<br />

(communication de la Commission Européenne, 2006).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 16


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Le marché<br />

Au niveau communautaire, la consommation de poisson par tête est de 23,9 kg par an. Ce<br />

chiffre est supérieur à la moyenne mondiale (13 kg) et est en constante augmentation depuis<br />

20 ans.<br />

Les pays de l’Union Européenne font partie des pays les plus dynamiques en terme de<br />

commerce international des produits de la mer. En 2000, l’Union Européenne a importé 8,4<br />

millions de tonnes de produits de la mer (soit 10% de la production mondiale) pour <strong>une</strong> valeur<br />

totale de 20 milliards de dollars EU. Le commerce extérieur a généré un chiffre d’affaires de<br />

11,5 milliards de dollars pour un volume exporté de 5,8 millions de tonnes.<br />

Cette augmentation de la demande en produits de la mer pèse sur les <strong>pêche</strong>ries européennes,<br />

incitées à tirer toujours plus des écosystèmes marins.<br />

L’augmentation des captures par le pillage des ressources des pays tiers<br />

La situation de surcapacité de la flotte européenne et les conditions attractives du marché<br />

communautaire sont d’autre part <strong>une</strong> des principales raisons des accords de <strong>pêche</strong> de l’UE<br />

avec les pays tiers. Ces accords permettent à l’UE d’acheter des droits d’accès pour que ses<br />

flottes (provenant pour l’essentiel des anciennes puissances coloniales : Espagne, Portugal et<br />

<strong>France</strong>) aillent <strong>pêche</strong>r dans les eaux d’Afrique de l’Ouest, de l’Océan Indien ou encore du<br />

Pacifique.<br />

En plus de surexploiter ses eaux, l’UE contribue donc également à exporter sa sur<strong>pêche</strong><br />

dans les pays en développement, où ses flottilles rentrent en compétition avec les flottes des<br />

pays tiers. La compétition est inégale : les bateaux européens profitant de leurs tailles et de<br />

leurs avantages technologiques pour prospecter plus loin et plus vite que les embarcations des<br />

communautés de <strong>pêche</strong>urs des pays riverains.<br />

Un symposium international sur les <strong>pêche</strong>ries maritimes en Afrique de l’Ouest s’est tenu à<br />

Dakar en 2002. S’inscrivant dans l’un des plus gros programmes de recherche de l’UE, il<br />

rassemblait parmi les plus grands instituts scientifiques en halieutique et océanographie<br />

(FAO, University of British Columbia, IRD, IEO, etc.).<br />

Les conclusions étaient claires. « Si la demande internationale pour les produits de la mer<br />

procure un important revenu aux gouvernements et aux grands armements de <strong>pêche</strong>, c’est<br />

souvent aux dépens des populations locales. [..] D’un point de vue économique la situation<br />

est loin d’être idéale et elle devrait susciter des inquiétudes en termes de sécurité<br />

alimentaire. [..] Le volume des captures a augmenté, atteignant actuellement 3,5 millions de<br />

tonnes pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, [..] la <strong>pêche</strong> artisanale y contribuant à<br />

hauteur de 400 000 tonnes. »<br />

En plus du risque « d’aboutir prochainement à des écosystèmes très appauvris, incapables de<br />

supporter <strong>une</strong> exploitation <strong>durable</strong> conséquente », se pose un véritable problème de<br />

subsistance pour les populations locales.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 17


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

2.1.3. Situation en <strong>France</strong><br />

La <strong>pêche</strong> maritime française recouvre <strong>une</strong> grande diversité (flottilles, captures, techniques).<br />

La flotte française effectue les deux tiers de ses captures dans les eaux communautaires (Mer<br />

Celtique, Ouest Ecosse, Manche, Mer du Nord et Golfe de Gascogne). Elle opère également<br />

dans de nombreuses régions du globe, via ses territoires Outre-mer dans le cadre des accords<br />

de <strong>pêche</strong> conclu par l’Union Européenne (voir supra).<br />

Les captures<br />

En 2003, les <strong>pêche</strong>s maritimes métropolitaines ont débarqué 622 477 tonnes de poissons,<br />

crustacés, mollusques et autres produits de la mer. Le chiffre d’affaire a atteint 1,14 milliards<br />

d’euros (source : DPMA). La flotte française compte 5 400 navires (dont 4 535 navires<br />

artisans de mois de 12 m). En 2003, 25 300 marins <strong>pêche</strong>urs ont embarqué à la <strong>pêche</strong> en<br />

<strong>France</strong> (toutes nationalités confondues).<br />

Même si la situation est à considérer plus finement, stock par stock, <strong>pêche</strong>rie par <strong>pêche</strong>rie,<br />

l’IFREMER (à l’occasion d’<strong>une</strong> présentation du Système d’Informations Halieutique, 2003)<br />

fait état d’<strong>une</strong> situation de surexploitation prononcée des ressources.<br />

Le marché<br />

Le niveau de consommation en <strong>France</strong> en produits de la mer est d'environ 34 kg par an<br />

(équivalent poids vif) et par personne (OFIMER, 2006). La <strong>France</strong>, comme ses partenaires<br />

européens, souffre d'un déficit structurel puisque les débarquements ne satisfont qu’environ<br />

15% de la consommation (TANGUY, 2006). Ce déséquilibre s'explique par la conjonction<br />

d'<strong>une</strong> demande croissante et d'<strong>une</strong> stabilisation des captures débarquées par les flottilles. La<br />

situation de surexploitation est ainsi aggravée par <strong>une</strong> demande croissante en produits de la<br />

mer.<br />

<strong>Pour</strong> répondre à l’augmentation de la demande en produits de la mer, les importations<br />

augmentent. Elles proviennent des autres pays de l’UE ou de pays tiers où elles diminuent<br />

automatiquement l’approvisionnement local (voir supra).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 18


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

2.1.4. Constat global<br />

Le développement historique de la <strong>pêche</strong> dans le monde résulte d’un triple processus (rapport<br />

de l’Académie des Sciences, 2003) :<br />

- intensification de l’exploitation des espèces nobles, les plus abondantes et les plus<br />

proches des premiers centres d’expansion ;<br />

- diversification par le développement dans les mêmes aires de la <strong>pêche</strong> de nouvelles<br />

espèces de valeur commerciale ou d’abondance moindre ;<br />

- extension géographique des opérations, par le déploiement des flottilles hauturières<br />

vers de nouvelles aires de <strong>pêche</strong> où les 2 processus précédents se répètent.<br />

En Europe, la découverte et l’exploitation industrielle des grands fonds situés au Nord de<br />

l’Ecosse peuvent ainsi être vues comme la dernière étape de ce processus.<br />

Le constat est donc récurrent aux échelons international, communautaire et national.<br />

Aujourd’hui, l’immense majorité des stocks est exploitée et les possibilités de développement<br />

sont restreintes, voire nulles.<br />

La situation généralisée de surexploitation résulte d’un déséquilibre entre les capacités de<br />

production et le potentiel biologique des ressources.<br />

Ces tendances globales, structurelles au secteur des <strong>pêche</strong>s, sont néanmoins à nuancer selon<br />

les régions et selon les stocks. En <strong>France</strong>, sur la façade atlantique, certains stocks semblent<br />

même repartir à la hausse comme l’églefin, le lieu noir, le merlu (Le Marin, 2006). Au niveau<br />

européen, l’analyse de 14 stocks commerciaux montre que, surexploités pendant 30 ans, « la<br />

situation semble s’être améliorée durant la dernière décennie avec quelques exceptions »<br />

(GARCIA cité par Le Marin, 2006). Ce « léger mieux » ne change pas le constat fait mais<br />

montre qu’en « prenant des mesures de gestion parfois dures, les stocks pourraient se porter<br />

mieux » (GASCUEL cité par Le Marin, 2006). La situation n’est donc pas arrêtée et<br />

l’épuisement des ressources halieutiques n’est pas <strong>une</strong> fatalité mais un problème à<br />

résoudre.<br />

« Les <strong>pêche</strong>s de capture vont-elles connaître <strong>une</strong> « implosion », c'est-à-dire <strong>une</strong> diminution<br />

considérable des prises, en quantité comme en qualité, du fait de la difficulté croissante de<br />

freiner la recherche et la capture de poisson ? Ou les gouvernements et autres parties<br />

prenantes pourront-ils enrayer la progression là où elle s’intensifie ? » (FAO, 2004)<br />

Par ailleurs, l’augmentation forte de la demande en produits de la mer des pays occidentaux<br />

réduit directement l’approvisionnement des populations des pays du sud. Or la subsistance des<br />

populations locales doit constituer un débouché prioritaire pour la distribution des<br />

débarquements des produits des <strong>pêche</strong>s nationales.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 19


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

2.2. Problématique de la filière halieutique : un équilibre à trouver<br />

entre des ressources biologiques limitées et un marché non régulé<br />

L’halieutique (ce qui a trait à la <strong>pêche</strong>) appartient au champ d’étude de la gestion des<br />

ressources naturelles renouvelables (WEBER, 1995 ; MERMET, 1992), tout comme la<br />

problématique de la gestion forestière.<br />

Un système halieutique est un « ensemble coordonné d’éléments en interaction dynamique,<br />

[..] organisé par l’homme en vue de valoriser les ressources halieutiques » (BIAIS et al.,<br />

1997). La <strong>pêche</strong> peut être vue comme un système.<br />

La <strong>pêche</strong> est à l’interface entre le marché et l’environnement (figure 1). Il est sous l’influence<br />

de ces deux ensembles. Elle peut ainsi être vue comme <strong>une</strong> courroie de transmission entre<br />

deux pôles. La ressource halieutique étant par nature limitée, ses limites biologiques limitent<br />

le niveau d’exploitation.<br />

Maîtrisant leur production, on comprend qu’on puisse intégrer des produits manufacturés dans<br />

un marché régi par l’interaction de l’offre et de la demande. Mais la <strong>pêche</strong> n’est pas <strong>une</strong><br />

production mais <strong>une</strong> activité de cueillette. La demande ne peut pas <strong>durable</strong>ment excéder<br />

l’offre potentielle. A terme, la demande doit donc s’ajuster sur cette offre.<br />

Figure 1. Représentation schématique de la filière halieutique. La<br />

<strong>pêche</strong> (système halieutique) regroupe aujourd’hui les<br />

professionnels de la filière, le « pouvoir » (administrations, et<br />

ministère), et les scientifiques.<br />

<strong>Pour</strong> les pays où la consommation est très forte (pays occidentaux essentiellement), les<br />

ressources disponibles dans les eaux nationales ne suffisant pas à approvisionner le marché<br />

très demandeur, l’importation est nécessaire.<br />

Si les ressources halieutiques sont circonscrites à <strong>une</strong> aire géographique précise, le marché est<br />

global. Dans ce contexte l’enjeu est bien de trouver un équilibre entre des ressources locales<br />

limitées et un marché global en constante augmentation.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 20


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Le Code de Conduite pour <strong>une</strong> Pêche Responsable rédigé en 1995 par les experts de la FAO<br />

pose cette double contrainte. En effet, l’article 6.14 (principes généraux du Code) précise que<br />

« le commerce international du poisson et des produits de la <strong>pêche</strong> devrait être entrepris<br />

conformément aux principes, droits et obligations établis par l’Organisation Mondiale du<br />

Commerce (OMC). Les Etats devraient veiller à ce que leurs politiques, programmes et<br />

pratiques en rapport avec le commerce du poisson et des produits de la <strong>pêche</strong> n’entraînent ni<br />

la création d’obstacles à ce commerce, ni la dégradation de l’environnement, ni des effets<br />

négatifs sur les plans social et nutritionnel. »<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 21


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

2.3. Analyse de la filière halieutique et pistes pour des solutions<br />

La <strong>pêche</strong> vue comme un système (voir supra) rassemble l’ensemble des usagers de la<br />

ressource halieutique, l’administration, les scientifiques et les autorités publiques. Sur la<br />

bande côtière les <strong>pêche</strong>urs professionnels partagent l’espace et la ressource avec la plaisance<br />

(<strong>pêche</strong> sportive et récréative). Cette multiplicité des usages sera abordée dans l’étude<br />

particulière de la <strong>pêche</strong>rie littorale présente sur les départements du Var et des Alpes-<br />

Maritimes (partie 7). L’ensemble des professionnels (figure 1) regroupe en fait toute<br />

l’interprofession de la filière halieutique : producteurs (armateurs et équipages), commerçants<br />

(mareyage), transformateurs (conserve, congélation…).<br />

L’activité de <strong>pêche</strong> n’est un simple maillon du système <strong>pêche</strong>. Les <strong>pêche</strong>urs, souvent<br />

stigmatisés, ne sont que des intermédiaires d’un mécanisme plus large. Mais ce « maillon »<br />

est critique puisque c’est celui qui met en contact le système <strong>pêche</strong> avec l’environnement. De<br />

même, l’activité de mareyage met en contact le système <strong>pêche</strong> avec le marché. <strong>Pour</strong> <strong>une</strong><br />

analyse de la filière, il faut donc étudier en détail ces 2 activités.<br />

Aujourd’hui les autres usagers (<strong>pêche</strong>urs plaisanciers) ou les autres activités ayant un impact<br />

sur la ressource ne sont pas invitées au débat. De même la société civile est absente des<br />

échanges sur la gestion des <strong>pêche</strong>s et, si les ressources marines sont considérées comme un<br />

« patrimoine collectif », leur gestion est corporatiste, réservée au microcosme halieutique.<br />

2.3.1. En aval : les paramètres du marché des produits<br />

halieutiques<br />

L’aval de la filière est constitué des étapes du débarquement, de la distribution et de la<br />

commercialisation qui permettent de répondre à <strong>une</strong> demande. A terme, la demande doit<br />

nécessairement s’ajuster à l’offre potentielle. Différentes étapes sont à respecter.<br />

Etape 1 : conditionner la demande à l’offre potentielle<br />

La demande ne peut pas excéder <strong>durable</strong>ment l’offre. Ainsi, la demande de certaines espèces<br />

surpêchées (par exemple les espèces de grands fonds comme le grenadier ou l’empereur) doit<br />

être fortement réduite (via <strong>une</strong> politique d’ensemble de la filière : <strong>pêche</strong>, distribution et<br />

consommation).<br />

Etape 2 : identifier les débouchés potentiels dans la limite de l’offre<br />

Malgré <strong>une</strong> demande forte, de nombreux produits débarqués en <strong>France</strong>, faute de marché, sont<br />

retirés après débarquements. Ainsi, au printemps 2006, plusieurs tonnes de bar et de coquille<br />

Saint-Jacques (produits de luxe) sont parties à prix de retrait. De même, le thon Germon pêché<br />

au chalut ne trouve pas de marché et est régulièrement retiré au débarquement. <strong>Pour</strong> vendre<br />

un produit, il faut <strong>une</strong> demande. Il ne faut pas <strong>pêche</strong>r pour <strong>pêche</strong>r mais <strong>pêche</strong>r pour<br />

vendre, <strong>pêche</strong>r pour un marché.<br />

Une analyse de marché est donc nécessaire afin d’identifier des débouchés. Dans cette<br />

analyse, la subsistance des populations locales doit constituer un débouché prioritaire,<br />

précédant tout autre débouché potentiel.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 22


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Ces débouchés dépendent de la structure de la consommation liée aux besoins, aux modes de<br />

vie et aux goûts. Sur le marché français, on peut ainsi identifier de façon simplifiée plusieurs<br />

segments de marché : la restauration hors foyer (repas rapides et fonctionnels), la<br />

consommation familiale (motivée par les soucis de santé et d’hygiène de vie), la<br />

consommation festive (animée par le plaisir).<br />

Etape 3 : organiser la filière en fonction de ces débouchés<br />

En fonction des débouchés, il faut mettre en place des logiques d’exploitation, un réseau de<br />

distribution permettant d’apporter le produit recherché au consommateur Le poisson est <strong>une</strong><br />

denrée hautement périssable et la conservation (la fraîcheur) est un paramètre structurant du<br />

marché, qui conditionne l’organisation de la filière. La maîtrise du suivi du produit<br />

(traçabilité) est un indicateur du niveau d’organisation de la filière.<br />

2.3.2. En amont : la nature bio-économique de la sur<strong>pêche</strong><br />

On est aujourd’hui arrivé à un déséquilibre entre la capacité de capture et le potentiel<br />

biologique des ressources. De ce constat découle les mauvaises performances du secteur des<br />

<strong>pêche</strong>s que sont :<br />

- la surexploitation prononcée des ressources ;<br />

- des conflits récurrents entre flottilles ;<br />

La nature économique de ce problème est liée aux caractéristiques des ressources halieutiques<br />

qui sont à la fois comm<strong>une</strong>s et renouvelables.<br />

Le caractère de ressource comm<strong>une</strong> favorise la « course aux poissons ». Le libre accès (ou<br />

l’accès mal régulé) aux ressources conduit à leur dégradation (surexploitation) au détriment<br />

des intérêts de la collectivité. On assiste alors à <strong>une</strong> « tragédie des communs » (HARDIN,<br />

1968). Il y a <strong>une</strong> opposition totale entre l’intérêt individuel (<strong>pêche</strong>r le plus possible) et<br />

l’intérêt général (prélever la quantité permettant <strong>une</strong> exploitation optimale de la ressource).<br />

Le caractère de ressource renouvelable implique que l’exploitation ne peut être <strong>durable</strong> que si<br />

elle s’ajuste à la capacité de production biologique des écosystèmes.<br />

Les conclusions pratiques de constat sont de 2 ordres. <strong>Pour</strong> em<strong>pêche</strong>r la surcapacité, la<br />

gestion doit revenir sur le caractère « commun » de la ressource et limiter l’accès. <strong>Pour</strong><br />

em<strong>pêche</strong>r la surexploitation, et permettre <strong>une</strong> conservation de la ressource, la gestion doit<br />

imposer <strong>une</strong> contrainte de durabilité, imposée par des mesures techniques (figure 2). La<br />

gestion des <strong>pêche</strong>s doit donc coupler des mesures techniques et des mesures de régulation de<br />

l’accès.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 23


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Figure 2. Les deux composantes de l’aménagement des <strong>pêche</strong>s (d’après BONCOEUR et TROADEC, 2003).<br />

Mesures techniques :<br />

conservation de la capacité productive<br />

et reproductive des stocks<br />

Sélectivité des<br />

captures<br />

GESTION DES PÊCHES<br />

Limitation de la<br />

capture totale<br />

Régulation de l’accès :<br />

répartition de l’activité d’exploitation<br />

Sélection des<br />

armements<br />

Détermination de la<br />

part de chaque<br />

2.3.3. La dimension sociale des choix d’orientation de la filière<br />

Il y a d’abord les conséquences sociales des mesures de gestion. En effet, <strong>une</strong> interdiction de<br />

zone, d’engin, <strong>une</strong> diminution du quota ont des effets directs sur l’activité de <strong>pêche</strong> et<br />

affectent la rentabilité des entreprises de la filière à court terme, et le maintien des emplois<br />

qu’elles fournissent. Et Il y a les conséquences sociales des choix de la régulation de l’accès.<br />

C’est évidemment un choix de société : déterminer comment on répartit un niveau<br />

d’exploitation donnée.<br />

Mais la dimension sociale comprend aussi la nécessité d’<strong>une</strong> véritable adhésion et d’<strong>une</strong><br />

acceptation des acteurs sur le terrain, sans quoi les règlements et mesures prises sont<br />

difficilement appliqués (voire inapplicables).<br />

Cette dimension n’est que rarement intégrée dans la gestion moderne, centralisée, qui est<br />

construite autour des postulats de conservation des stocks (durabilité), et d’efficience<br />

économique (en réponse au caractère « commun » de la ressource). On ne considère pas les<br />

communautés vivant de la <strong>pêche</strong> (ou les autres utilisateurs) concernées en premier lieu par les<br />

mesures prises.<br />

Or il faut nécessairement impliquer et intégrer les acteurs aux discussions préalables aux<br />

choix de gestion. En effet d’autres acteurs sont intéressés comme les <strong>pêche</strong>urs plaisanciers et<br />

les chasseurs sous-marins (qui exploitent également la ressource halieutique) mais aussi les<br />

associations de défense de l’environnement qui ont intérêt général à la conservation de la<br />

ressource.<br />

La légitimité des structures et des groupes évolue dans le temps selon leur reconnaissance,<br />

leurs expériences, et leur autorité, selon l’approche de Max Weber (1978). La légitimité se<br />

construit.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 24


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

2.4. Une solution : la co-gestion des <strong>pêche</strong>ries<br />

La prise en compte, dans le même temps, de la nature bio-économique et de la dimension<br />

sociale de la gestion des <strong>pêche</strong>s amène à concevoir, de façon théorique, la solution de<br />

<strong>pêche</strong>ries fermées (dont l’accès est limité), placées sous <strong>une</strong> contrainte de durabilité, et<br />

fonctionnant en co-gestion : c’est à dire gérées en concertation entre les différents acteurs<br />

locaux et les administrations. L’objectif de la co-gestion est de ré-organiser la filière afin de<br />

valoriser au mieux les ressources halieutiques disponibles.<br />

La co-gestion permet d’impliquer directement, et formellement, les utilisateurs de la<br />

ressource (<strong>pêche</strong> professionnelle ou récréative) dans la gestion et le processus de décision<br />

(JENTOFT, 2000).<br />

Les initiatives de co-gestion sont, soit issues de la tradition (cas du Japon et des prud’homies),<br />

soit découlent d’<strong>une</strong> situation de crise (déclin de la ressource exploitée). Assez logiquement,<br />

cette situation va forcer les acteurs intéressés à trouver <strong>une</strong> solution.<br />

Une analyse de différentes <strong>pêche</strong>ries co-gérées (voir quelques exemples en annexe 4) permet<br />

de relever différents points essentiels à la démarche de co-gestion (PINKERTON, 1989 ;<br />

ORSTOM, 1992 ; REY et CATANZANO (sous presse)).<br />

2.4.1. Les conditions de la réussite de la co-gestion<br />

Existence d’<strong>une</strong> organisation aux limites géographiques clairement définies :<br />

le bon choix de l’échelle de gestion<br />

Il existe souvent un « terreau » favorable à la co-gestion : <strong>une</strong> histoire, des traditions, des<br />

habitudes. C’est évidemment le cas pour les <strong>pêche</strong>ries communautaires (exemples du Japon et<br />

des prud’homies) organisées et encadrées par des valeurs et des principes historiques,<br />

sociologiques ou même religieux.<br />

On considère d’un côté des écosystèmes, de l’autre, des systèmes humains. La pertinence de<br />

l’unité de co-gestion dépend donc du niveau de recouvrement de ces 2 échelles. Elle doit<br />

avoir <strong>une</strong> pertinence d’un point de vue écologique. Les efforts consentis par les usagers de la<br />

zone doivent offrir des gains dans cet espace (sans être compromis par les pratiques des<br />

usagers des espaces alentours). D’autre part, l’unité doit présenter <strong>une</strong> certaine commodité<br />

opérationnelle. Ainsi, elle doit correspondre, autant que possible, à des unités socioéconomiques<br />

(<strong>pêche</strong>ries) et administratives. C’est souvent un problème crucial puisque les<br />

limites administratives terrestres n’ont pas de pertinence en milieu marin. Le choix de<br />

l’échelle de gestion est la principale difficulté de la démarche. Les exemples connus à ce jour<br />

ne concernent que des <strong>pêche</strong>ries côtières, très localisées et concernant des stocks sédentaires.<br />

Initiative locale et adhésion claire<br />

La co-gestion part nécessairement d’<strong>une</strong> initiative locale. Elle repose sur la volonté et la<br />

maturité des usagers de la ressource, et des acteurs de la filière depuis l’amont jusqu’à l’aval.<br />

Elle ne se décrète pas.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 25


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

« Ouverture aux avis extérieurs »<br />

<strong>Pour</strong> les <strong>pêche</strong>ries communautaires au Japon, l’ouverture des coopératives à divers groupes<br />

(femmes, je<strong>une</strong>s) permet d’intégrer les avis extérieurs. On peut espérer <strong>une</strong> meilleure<br />

robustesse et <strong>une</strong> plus grande souplesse d’un dispositif « ouvert » aux avis extérieurs.<br />

Intégration de l’avis scientifique<br />

Le succès de la co-gestion tient aussi largement à la connaissance et à l’acceptation par les<br />

acteurs des avis émis par les scientifiques. L’amélioration de la connaissance des<br />

professionnels permet des décisions plus justes. En outre, en comprenant le processus<br />

scientifique en jeu, les usagers adhèrent et fournissent de meilleures données. Ainsi la cogestion<br />

suppose logiquement <strong>une</strong> démarche participative où le savoir des professionnels est<br />

reconnu, formalisé et intégré au processus d’avis scientifiques. Réciproquement les<br />

professionnels peuvent suggérer des sujets de recherche scientifique.<br />

Des bénéfices dépassant les coûts couplés à des incitations à coopérer<br />

La co-gestion doit produire un gain supplémentaire. Mais, il faut nécessairement que la cogestion<br />

permette de pérenniser <strong>une</strong> exploitation plus profitable que celle qui était en place. La<br />

perception de cet intérêt renforce d’ailleurs la participation des acteurs. Or les acteurs sont<br />

souvent intéressés par un gain économique à court terme. Il est donc souvent pertinent de<br />

prévoir <strong>une</strong> période de transition, couvrant les pertes à court terme (conséquentes de la baisse<br />

de l’effort de <strong>pêche</strong>) et les frais de la structure de co-gestion.<br />

Une limitation de l’accès (droits d’usage) et de l’effort de <strong>pêche</strong> couplée à un<br />

alignement des moyens d’exploitation<br />

L’alignement des moyens d’exploitation est <strong>une</strong> condition forte qui va à l’encontre d’<strong>une</strong><br />

motivation essentielle du <strong>pêche</strong>ur qui est de faire mieux que « l’autre ». Ce qui s’accompagne<br />

logiquement d’<strong>une</strong> recherche d’augmentation de ses propres moyens d’exploitation. Or dans<br />

un système de co-gestion, « la problématique du partage prévaut sur la problématique de<br />

l’efficacité individuelle » (FERAL, 2001).<br />

Décentralisation coordonnée entre gouvernement et communautés pour <strong>une</strong><br />

application réelle des règles de gestion<br />

Une vraie volonté politique doit accompagner la démarche de co-gestion. “S’il y a quelque<br />

chose que les sociologues ont appris de la co-gestion en général, c’est que le manque de<br />

soutien du gouvernement peut signer l’arrêt de mort de tels programmes » (JENTOFT, 1989).<br />

« Est-ce que la co-gestion peut marcher pour des <strong>pêche</strong>ries où domine encore la mentalité de<br />

« course aux poissons» ? Sous quelles conditions les acteurs vont-ils mettre en place des<br />

règles pour le bénéfice commun ? Quand est-ce que les utilisateurs de la ressource<br />

développeront <strong>une</strong> vraie éthique de la conservation ? [..] Ce sont peut-être les plus<br />

importantes questions posées à la gestion des ressources pour les prochaines années »<br />

(ACHESON, 2000).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 26


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

3. LE CADRE RÉGLEMENTAIRE DE LA PÊCHE EN EUROPE ET<br />

EN FRANCE<br />

Le développement de la filière halieutique dépend du cadre réglementaire qui la contraint et<br />

l’oriente (figure 3). En Europe, ce cadre réglementaire est donné par la Politique Comm<strong>une</strong> de<br />

la Pêche (PCP).<br />

Figure 3. Cadre réglementaire encadrant la<br />

filière halieutique en Europe.<br />

CADRE REGLEMENTAIRE (PCP)<br />

Plusieurs équilibres seraient possibles respectant à la fois les limites biologiques inhérentes<br />

aux ressources halieutiques et l’approvisionnement du marché. Une même ressource peut être<br />

exploitée par quelques navires puissants et performants ou par de nombreux autres tout aussi<br />

modernes, mais moins puissantes et capturant moins.<br />

« La politique communautaire a été pensée et conçue comme <strong>une</strong> politique centralisée, au<br />

point que la Cour de justice des Communautés européennes l’a reconnue dès 1976 comme<br />

l’<strong>une</strong> des rares actions qui, avec la politique agricole ou encore la politique commerciale,<br />

relevaient de la compétence exclusive de la Commission Européenne » (LEQUESNE, 2001).<br />

La Commission Européenne dispose ainsi d’<strong>une</strong> compétence exclusive en matière de <strong>pêche</strong><br />

dans la Zone Economique Exclusive (ZEE : 200 milles de la côte). La réglementation<br />

nationale ne peut qu’aggraver la réglementation communautaire. Aucun Etat ne peut ainsi<br />

assouplir les règles communautaires au profit de ses <strong>pêche</strong>urs nationaux<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 27


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

3.1. L’encadrement de la <strong>pêche</strong> en Europe par la mise en place de la<br />

Politique Comm<strong>une</strong> de la Pêche (PCP)<br />

3.1.1. La construction de la PCP<br />

Dès 1957, le traité de Rome avait prévu que les règles du marché commun s’appliquent aux<br />

produits de la <strong>pêche</strong> au même titre qu’aux produits agricoles. Mais c’est à partir des années 70<br />

et la création de la Direction Générale de la Pêche que se mit en place <strong>une</strong> vraie politique des<br />

<strong>pêche</strong>s. La PCP repose sur 4 axes structurels :<br />

- en aval, l’organisation comm<strong>une</strong> du marché (sur le modèle préexistant pour<br />

l’agriculture) ;<br />

- les fonds structurels devant permettre <strong>une</strong> modernisation et un développement des<br />

moyens de production ;<br />

- en amont, la mise en œuvre du principe communautaire du libre accès pour les<br />

flottes des Etats membres ;<br />

- la politique extérieure : participation aux organisations régionales de <strong>pêche</strong>, et<br />

accords avec les pays tiers.<br />

Historiquement, la PCP a été mise en place dans un souci d’organisation du marché commun.<br />

Par la suite, la diminution des ressources halieutiques (et la prise de conscience de la limite<br />

biologique des ressources exploitées) est à l’origine du régime communautaire de<br />

conservation et de gestion de la ressource qui apparaît en 1983, sous le nom de l’Europe<br />

bleue.<br />

Suite à <strong>une</strong> période de subvention pour l’aide à la modernisation des moyens de production, la<br />

Commission, via ses Programmes d’Orientation Pluriannuels (POP), a donc fixé pour chaque<br />

Etat membre et pour chaque type de métier, des objectifs de réduction des flottes devant être<br />

atteints en contrepartie d’aides à la cessation d’activité ou à la reconversion. Les bateaux<br />

subventionnés lors de leur construction, sont alors subventionnés pour être envoyé à la casse.<br />

L’histoire est donc absurde puisque l’Europe a payé pour des évolutions contraires. Elle a<br />

d’abord financé l’augmentation des capacités de production avant de payer pour leur<br />

diminution (par la casse des navires).<br />

L’histoire de l’élaboration de la PCP est ainsi marquée par la double influence du marché et<br />

de l’environnement. Alors que cette politique est née du souci d’<strong>une</strong> organisation comm<strong>une</strong><br />

du marché, elle s’est par la suite construite autour de la problématique environnementale de la<br />

gestion de la ressource. La PCP a été construite sur <strong>une</strong> logique contradictoire :<br />

l’approvisionnement d’un marché croissant entraînant l’augmentation des capacités des<br />

<strong>pêche</strong>s tendant à épuiser des ressources par nature limitées.<br />

La PCP a, dès ses débuts, considéré la <strong>pêche</strong> comme <strong>une</strong> activité purement productive,<br />

<strong>une</strong> capacité de <strong>pêche</strong> mettant des produits à disposition sur un marché. « Ce modèle<br />

productiviste a promu comme modèle unique <strong>une</strong> <strong>pêche</strong> de type industriel déterritorialisée,<br />

pouvant opérer loin du port d’attache. Il est principalement tourné vers la maximisation des<br />

quantités pêchées – la qualité se limitant à la fraîcheur – et donc vers la recherche de la plus<br />

grande productivité. Il mobilise toutes les innovations techniques à cet effet (sonar, GPS,<br />

informatique, etc.) » (CENTI et TEMPIER, 2001).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 28


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Mais, depuis les années 90, des changements importants sont intervenus tant du côté de l’offre<br />

que de la demande.<br />

« La demande dans les pays européens a évolué et les produits de masse sont moins prisés. La<br />

différenciation du produit, sa diversification, sa « qualité », en termes sanitaires et gustatifs,<br />

deviennent des dimensions de plus en plus incontournables dans la satisfaction de la<br />

demande. La recherche absolue de la quantité ne peut plus constituer l’objectif principal et<br />

exclusif tant pour les pouvoirs publics que pour les producteurs » (CENTI et TEMPER,<br />

2001).<br />

Du côté de l’offre, les années 90 ont vu le décollage de la production aquacole. Aujourd’hui<br />

un quart des produits de la mer consommés en <strong>France</strong> provient d’élevages, un tiers au niveau<br />

mondial (FAO, 2004). Face à la forte croissance de la demande prévue (§ 2.1), il est clair que<br />

le recours à l’aquaculture augmentera. L’adoption récente du nouveau fonds structurel pour le<br />

secteur (le Fonds Européen pour la Pêche couvrira la période 2007-2013), prévoyant des aides<br />

plus importantes pour le secteur aquacole, illustre bien la volonté de l’Europe d’encourager le<br />

développement de ce secteur. L’aquaculture permet <strong>une</strong> production de masse (puisque la<br />

pression sur la ressource est sensiblement relâchée) et soumet les produits de la mer à <strong>une</strong><br />

exigence qualitative comme tout autre produit de la terre. Cette évolution récente rend<br />

dépassée la <strong>pêche</strong> de type industriel. Plus que de la <strong>pêche</strong>, la production de masse relèvera de<br />

plus en plus de l’aquaculture, activité ancrée dans un territoire.<br />

Dans le même temps, on reconnaît aujourd’hui d’autres valeurs à la <strong>pêche</strong> artisanale : la<br />

création d’emplois qu’elle engendre, son rôle dans la vie économique des régions littorales,<br />

son rôle d’indicateur de l’état du milieu marin, sa valeur patrimoniale pour les régions à fort<br />

caractère maritime (comme la Galice en Espagne ou la Bretagne).<br />

Tous ces éléments soulignent l’importance du territoire pour l’activité de «production<br />

halieutique » . Le développement de la filière devient donc intimement lié au développement<br />

des territoires. Les prémices d’un nouveau modèle devrait donc faire évoluer le cadre<br />

réglementaire de la Politique Comm<strong>une</strong> de la Pêche (figure 4).<br />

Figure 4. Les étapes de la construction de la PCP.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 29


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

3.1.2. Le fonctionnement de la PCP<br />

Gouvernance de la <strong>pêche</strong> en Europe et processus de prise décision<br />

Dans chaque Etat Membre, la <strong>pêche</strong> est organisée autour de son ministère. Ce dernier a aussi,<br />

le plus souvent, la charge de l’agriculture.<br />

Les structures et les acteurs de la gouvernance des <strong>pêche</strong>s<br />

Un organisme international de coordination de la recherche : le CIEM<br />

C’est la plus ancienne organisation internationale traitant des sciences marines et halieutiques.<br />

En matière d’évaluations des ressources halieutiques, le Conseil International pour<br />

l’Exploration de la Mer (CIEM) réunit chaque année des groupes de travail regroupant les<br />

scientifiques des instituts de recherche des Etats Membres (IFREMER en <strong>France</strong>, CEFAS en<br />

Grande-Bretagne, IEO en Espagne,…) riverains de l’Atlantique Nord. Les résultats et<br />

conclusions de ces groupes sont synthétisés par le Comité d’avis pour la gestion des <strong>pêche</strong>s<br />

(AFCM en anglais) qui formule l’avis du CIEM à destination de la Commission Européenne.<br />

Les scientifiques analysent les données à leur disposition suivant des schémas et des méthodes<br />

relativement standardisées. Le CIEM est seulement habilité à exprimer des recommandations<br />

mais il ne dispose d’aucun pouvoir de décision.<br />

La Commission Européenne et les comités qui lui sont rattachés<br />

Emanation directe de la Commission Européenne, le Comité Scientifique, Technique et<br />

Economique des Pêches (CSTEP), est chargé de lui fournir des avis sur l‘état des stocks<br />

intéressant pour la communauté et sur les niveaux maximaux de capture (TAC). Intégrant la<br />

dimension économique de la <strong>pêche</strong>, il est un outil d’aide à la décision. Mais dans les faits, ses<br />

recommandations sont peu suivies.<br />

Crée en 1999, regroupant les parties intéressées par la gestion des <strong>pêche</strong>s (professionnels et<br />

ONG de développement ou de défense de l’environnement), le Comité Consultatif de la Pêche<br />

et de l’Aquaculture (CCPA), est <strong>une</strong> structure de concertation à l’échelle européenne.<br />

Proposés avec la réforme de la PCP en 2002 pour accroître l’implication des acteurs au<br />

processus de prise de décision et améliorer ainsi la gouvernance, les Comités Consultatifs<br />

Régionaux (CCR) doivent organiser la concertation à l’échelle des mers régionales<br />

(Méditerranée, Eaux Occidentales Sud, Mer du Nord, Mer Baltique, etc.). Même s’ils n’ont<br />

pour l’instant qu’un rôle consultatif, leur mise en place devrait permettre <strong>une</strong> décentralisation<br />

de la gestion de la <strong>pêche</strong>.<br />

Les « acteurs » qui prennent part au débat<br />

Le Parlement Européen est tenu relativement à l’écart du processus de gestion qui passe<br />

essentiellement par la Commission Européenne et le Conseil des ministres. Néanmoins, il est<br />

force de réflexion (via la réunion d’un intergroupe sur la <strong>pêche</strong> réunissant des parlementaires<br />

et invitant professionnels, scientifiques et ONG), et force de proposition. Plusieurs groupes<br />

d’acteurs, représentants divers intérêts, participent au débat sur la gestion des <strong>pêche</strong>s. On<br />

compte par exemple Euro<strong>pêche</strong>, pour les <strong>pêche</strong>urs, l’Association Européenne des<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 30


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Organisations de Producteurs (AEOP), l’Association des industries du poisson de l’UE<br />

(AIPCEE/CEP) qui regroupent les industriels de la transformation ou encore la Fédération<br />

Européenne des Producteurs Aquacoles (FEAP). Les ONG environnementalistes comme<br />

Greenpeace ou le <strong>WWF</strong> sont également présentes et peuvent porter leurs idées. Les ONG de<br />

développement ou de défense du consommateur sont encore faibles et peu entendues.<br />

La prise de décision : le conseil des ministres de la <strong>pêche</strong> de l’Union Européenne<br />

Les décisions sont prises par le Conseil des ministres de la <strong>pêche</strong> des pays de l’UE ou par la<br />

structure qui en assure la délégation : le COREPER (Comité des représentants permanents).<br />

Dans la plupart des états membres de l’UE, la filière halieutique est représentée par <strong>une</strong><br />

structure de représentation nationale. En <strong>France</strong>, c’est le Comité National des Pêches<br />

Maritimes et Elevages Marins (CNPMEM) qui est le principal interlocuteur des pouvoirs<br />

publics.<br />

Le processus de prise de décision<br />

Si on considère de façon schématique le processus de décision de la PCP, on distingue la<br />

phase d’expertise scientifique (assurée par les travaux du CIEM et, dans <strong>une</strong> moindre mesure<br />

du CSTEP).<br />

L’expertise est fournie à la Commission Européenne qui va la soumettre au débat des les<br />

différents groupes d’acteurs. Cette phase peut-être « transparente » via le CCPA, les CCR ou<br />

les auditions du Parlement Européen. Elle peut aussi être plus « souterraine », chaque groupe<br />

d’influence essayant de convaincre les fonctionnaires de la Commission avant qu’elle ne<br />

soumette des propositions de règlements au Conseil des ministres.<br />

Enfin, on peut identifier <strong>une</strong> phase de négociation politique, qui se cristallise lors de la<br />

réunion annuelle du conseil des ministres de la <strong>pêche</strong> des Etats membres.<br />

La réunion annuelle du Conseil des ministres pour définir les TAC (Totaux<br />

Admissibles de Capture) et quotas de <strong>pêche</strong> (figure 5)<br />

Au sein du Comité d’Avis sur la Gestion des Pêches du CIEM, la tâche des scientifiques est<br />

de répondre aux questions de la Commission Européenne qui pourrait se résumer à « Quel est<br />

l’état actuel du stock ? Comment peut-il évoluer à court et moyen terme ? ». Le rapport du<br />

groupe de travail présente l’analyse et les conclusions. Les TAC sont ensuite proposés (par<br />

espèce et par zone) par la Commission Européenne au Conseil. Ces propositions sont alors<br />

discutées et négociées par les différents Etats membres. La décision est finalement prise par le<br />

Conseil des ministres.<br />

La répartition finale doit également obéir au principe de la stabilité relative (établi en 1976)<br />

qui reconnaît à chaque Etat <strong>une</strong> proportion fixée du TAC établi pour chaque stock sur la seule<br />

base des antériorités de captures de sa flotte. Ce principe encourage <strong>une</strong> approche très<br />

nationale de la gestion des <strong>pêche</strong>s.<br />

Appréhendée comme <strong>une</strong> simple activité productive, la gestion de la <strong>pêche</strong> se résume alors à<br />

la définition des volumes de captures autorisés.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 31


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Figure 5. Schéma du processus<br />

de prise de décision des TAC et<br />

quotas, dans la Politique<br />

Comm<strong>une</strong> de la Pêche.<br />

Etape 1. L’expertise<br />

scientifique conduit à la<br />

proposition des Totaux<br />

Admissibles de Capture (TAC)<br />

à la Commission Européenne.<br />

Etape 2. Les différents acteurs<br />

prenant part au débat tentent<br />

d’influencer la Commission.<br />

Etape 3. Sur proposition de la<br />

Commission, le conseil des<br />

ministres de la <strong>pêche</strong> prend la<br />

décision des TAC et sa<br />

répartition en quotas nationaux.<br />

La négociation est opaque mais<br />

les ministres sont largement<br />

influencés par l’opinion<br />

publique.<br />

CIEM<br />

Organisation comm<strong>une</strong> des marchés en Europe<br />

1. Expertise scientifique<br />

ONG de défense de<br />

l’environnement<br />

CSTEP<br />

Instituts<br />

scientifiques des<br />

pays membres<br />

L’organisation des marchés des produits de la mer en Europe a suivi le modèle de<br />

l’agriculture. Elle s’articule autour de 3 axes.<br />

Normes comm<strong>une</strong>s de commercialisation<br />

2. Débats, Lobbying<br />

Parlement<br />

Européen<br />

COMMISSION EUROPÉENNE<br />

CONSEIL DES MINISTRES<br />

Opinion publique<br />

Ce sont des normes fixant les standards requis pour assurer la qualité et la sécurité sanitaire<br />

des produits de la mer débarqués. En <strong>France</strong>, sous les halles à marée, les produits débarqués<br />

sont ainsi triés selon 4 critères : espèce, taille, présentation, qualité. La Direction des Services<br />

Vétérinaires réalise des contrôles réguliers et retire de ventes les produits ne respectant les<br />

critères sanitaires minimums.<br />

Création des Organisations de Producteurs (OP)<br />

La PCP a encouragé partout en Europe, la création des Organisations de Producteurs (OP).<br />

Elles proviennent parfois de l’évolution d’organisations professionnelles plus anciennes.<br />

Responsables de la première mise sur le marché, elles sont les seules organisations<br />

professionnelles reconnues par l’UE qui peut leur attribuer directement l’usage des<br />

quotas.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 32<br />

3. Négociation<br />

politique<br />

DECISION<br />

TAC et quotas<br />

Associations de<br />

professionnels<br />

CCPA


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Systèmes de prix communautaire<br />

Le système de prix de retrait est comparable aux prix garantis assurés par le FEOGA (Fonds<br />

Européen d’Orientation et de Garantie Agricole) pour la Politique Agricole Comm<strong>une</strong>.<br />

Appliqué par les OP, le prix de retrait correspond aux prix payé au débarquement pour 1<br />

produit retiré de la vente pour cause de saturation du marché.<br />

Crée dans un objectif de stabilisation du marché et de l’activité de <strong>pêche</strong>, ce système assure<br />

donc <strong>une</strong> valeur pour des produits pour lesquels il n’existe pas de débouchés. Il conforte donc<br />

<strong>une</strong> organisation de la <strong>pêche</strong> construite sur <strong>une</strong> logique de quantité, de « production » : on<br />

encourage ainsi à <strong>pêche</strong>r pour <strong>pêche</strong>r. <strong>Pour</strong> reprendre l’exemple du thon germon, si la moitié<br />

des quantités débarquées par les chalutiers en 2006 est partie au prix de retrait à 1,5 €/kg, le<br />

thon germon issu de la <strong>pêche</strong> à la ligne s’est vendu à un prix moyen de 3,5 €/kg. Même si le<br />

thon pêché à la ligne n’occupe qu’un marché de niche, haut de gamme, il semble que le<br />

marché pourrait en absorber de plus grandes quantités (OFIMER, 2005).<br />

Le principe du retrait est choquant pour un marché européen caractérisé par la pénurie<br />

et l’importation de produits de la mer.<br />

Outils et aménagement des <strong>pêche</strong>s en Europe<br />

Mesures techniques : les Totaux Admissibles de Capture (TAC, limitation de<br />

la capture totale) et engins de <strong>pêche</strong> (sélectivité des captures)<br />

La mesure technique adoptée au niveau communautaire est la limite de la capture totale par la<br />

définition du Total Admissible de Capture (TAC), par la suite réparti entre les Etats Membres<br />

sous la forme de quotas de <strong>pêche</strong>. La division en quotas se fait selon le principe de la stabilité<br />

relative (voir supra). Cette clé de répartition est historique et dépasse le simple problème de la<br />

<strong>pêche</strong> puisqu’elle renvoie à la dimension maritime des Etats Membres.<br />

L’Union Européenne légifère également en matière d’utilisation des engins de <strong>pêche</strong>,<br />

déterminant la sélectivité des captures. Par exemple, les mailles des chaluts autorisés dans le<br />

Golfe de Gascogne proviennent d’<strong>une</strong> décision communautaire. De même, l’interdiction des<br />

filets maillants dérivants a été décidée en 1992, via un règlement communautaire (règlement<br />

de la commission n° 345/92).<br />

Régulation de l’accès : la licence communautaire<br />

La licence communautaire permet de réguler l’accès à des <strong>pêche</strong>ries spécifiques. Elle est<br />

définie par le règlement n° 1627/94 comme étant « <strong>une</strong> autorisation préalable de <strong>pêche</strong><br />

délivrée à un navire de <strong>pêche</strong> communautaire qui complète sa licence de <strong>pêche</strong> et lui permet<br />

d’exercer ses activités pendant <strong>une</strong> période déterminée dans <strong>une</strong> zone délimitée et pour <strong>une</strong><br />

<strong>pêche</strong>rie déterminée [..] »<br />

Cet outil est récent (1996) et pas encore généralisé à l’ensemble des <strong>pêche</strong>ries européennes<br />

puisque la PCP a été construite sur le principe du libre accès.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 33


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

La gestion se fait à la fois par l’effort et par la quantité<br />

D’abord uniquement gérée par la quantité, la <strong>pêche</strong> est aussi gérée par l’effort depuis la mise<br />

en place en 1992 des Plans d’Orientation Pluriannuels (POP) qui établissait pour chaque<br />

Etat Membre les objectifs de réduction de l’effort de <strong>pêche</strong> (fonction de la puissance de<br />

motorisation des navires de <strong>pêche</strong>, et de leurs dimensions). La gestion par l’effort se fait<br />

également via la définition de mesures techniques précisant les engins autorisés (en référence<br />

à leur sélectivité).<br />

Par ailleurs, la licence précise les critères techniques (dimensions du bateau, engin utilisé,<br />

etc.) obligatoires pour son obtention.<br />

Figure 6. Représentation schématique des outils de gestion en Europe, disponibles pour <strong>une</strong> gestion par l’effort<br />

ou par la quantité.<br />

Outils de contrôle de la <strong>pêche</strong> en Europe : le log-book et le VMS (Vessel Monitoring System)<br />

Au sein de l’Union Européenne, chaque embarcation de plus de 10m doit rapporter ses<br />

captures quotidiennement sur un log-book. Les chiffres reportés sont à la fois utilisés pour<br />

l’évaluation scientifique des stocks, mais aussi pour le contrôle des bateaux (respect du quota,<br />

temps et zones de <strong>pêche</strong>, etc.…). A la fois outil de contrôle et d’information, le log-book est<br />

mal perçu par les professionnels.<br />

En <strong>France</strong>, pour les embarcations de moins de 10 m, un report hebdomadaire ou mensuel est<br />

demandé.<br />

Depuis le 30 juin 2005, tout bateau de plus de 15m est également obligé d’être équipé d’un<br />

VMS (Vessel Monitoring System), permettant sa localisation en temps réel via un satellite.<br />

Cet équipement est adapté à la gestion par zone qui se met en place à différents endroits dans<br />

les eaux communautaires (box merlu du Golfe de Gascogne, par exemple).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 34


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

3.1.3. Les raisons d’un échec<br />

La Commission Européenne, via le Livre Vert qui fut <strong>une</strong> consultation large des acteurs du<br />

secteur halieutique (débuté en 1995), a fait un constat d’échec. « La politique comm<strong>une</strong> de la<br />

<strong>pêche</strong>, dont les débuts remontent à près de 20 ans, est aujourd’hui confrontée à de grands<br />

défis. Elle n’a en effet pas permis d’atteindre l’objectif visé, à savoir <strong>une</strong> exploitation <strong>durable</strong><br />

des ressources » (Livre Vert, 2001).<br />

Les causes principales de cet échec sont :<br />

- <strong>une</strong> échelle de gestion inadaptée : des décisions globales inapplicables<br />

localement ;<br />

- un déficit de gouvernance :<br />

o des professionnels mal associés aux décisions (et n’ayant pas la formation<br />

pour l’être), ce qui compromet dès le départ l’acceptation des règlements ;<br />

o <strong>une</strong> recherche scientifique isolée : les programmes n’associent pas les<br />

professionnels qui en sont les destinataires (et qui fournissent les données) ;<br />

o <strong>une</strong> recherche scientifique dépassée : les avis scientifiques sont issus d’<strong>une</strong><br />

approche mono-spécifique qui ne tient pas compte de la place des espèces<br />

exploitées dans les écosystèmes marins à l’inverse de l’approche écosystémique<br />

; <strong>une</strong> négociation politique privilégiant les intérêts nationaux à<br />

très court terme (alors que la gestion de la ressource nécessite <strong>une</strong> vision à<br />

long terme) ;<br />

- <strong>une</strong> organisation du marché inadaptée, construite sur l’impératif<br />

d’approvisionnement, qui a encouragé <strong>une</strong> <strong>pêche</strong> productiviste sans approche<br />

« filière » et sans identification des débouchés ;<br />

- un déficit d’aménagement : <strong>une</strong> politique construite sur le principe du libre<br />

accès qui a encouragé la « course aux poissons », alors que la gestion des<br />

<strong>pêche</strong>s impose <strong>une</strong> limitation de l’accès ;<br />

- un manque d’homogénéité et de rigueur dans les contrôles : l’absence de<br />

moyens mais aussi la variabilité des dérogations, des tolérances et des<br />

sanctions insuffisantes encourageant les dérives.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 35


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Une gestion centralisée, non dimensionnée à l’échelle des territoires de <strong>pêche</strong> et des<br />

écosystèmes<br />

La phase d’expertise creuse le fossé entre professionnels et scientifiques<br />

Dans son bilan des processus d’avis, l’Union Européenne met l’accent sur plusieurs points :<br />

- le fonctionnement en circuit fermé de la procédure : incompréhension<br />

originelle, d’autant plus que cette expertise est en partie fondée sur les<br />

déclarations des <strong>pêche</strong>urs eux-mêmes ;<br />

- le manque de précision, voire la fiabilité des données, celles-ci étant le plus<br />

souvent issues de systèmes de collecte utilisés pour le contrôle (log-book) ;<br />

- les délais de réaction, qui sont en moyenne de 15 mois, ne permettent pas<br />

d’avoir des réponses rapides en cas de crise (décalage avec le temps vécu par<br />

les professionnels) ;<br />

- l’utilisation de critères standardisés qui rend impossible la prise en compte des<br />

spécificités de certaines <strong>pêche</strong>ries.<br />

Un débat généralisateur, sans rapport avec la diversité des <strong>pêche</strong>ries<br />

européennes<br />

Le conseil des ministres décidant des TAC et quotas est l’occasion pour les médias d’<strong>une</strong><br />

dramatisation entre « amis de la <strong>pêche</strong> » et « amis des <strong>pêche</strong>urs ». Cette dichotomie réductrice<br />

ne reflète pas la complexité et la diversité des <strong>pêche</strong>ries européennes. La réalité est à<br />

appréhender au cas par cas, <strong>pêche</strong>rie par <strong>pêche</strong>rie.<br />

La décision révèle un éloignement du terrain et <strong>une</strong> perception trop nationale<br />

des enjeux de la <strong>pêche</strong><br />

Les règlements issus de la Commission Européenne ne sont pas toujours adaptés au<br />

terrain<br />

Par exemple les Programmes d’Orientation Pluriannuels (POP, voir supra) devaient permettre<br />

d’ajuster les capacités techniques aux disponibilités potentielles de la ressource. Mais, si la<br />

puissance du moteur directement liée à la force de traction des chalutiers ou à la vitesse des<br />

thoniers, s’avère <strong>une</strong> donnée stratégique pour les métiers pratiquant les arts traînants (chalut,<br />

senne tournante,…), ce n’est pas le cas pour les métiers pratiquant les arts dormants (filet,<br />

casier,…).<br />

En <strong>France</strong>, cette réduction nécessaire s’est traduite par le départ à la casse de bateaux de<br />

<strong>pêche</strong> et, de façon indirecte, par un transfert de kW entre segments de flotte ou entre façades<br />

maritimes. Dans <strong>une</strong> certaine mesure, la diminution de puissance supportée par le segment de<br />

la petite <strong>pêche</strong> a amorti la réduction d'<strong>une</strong> flottille de grands métiers. Dans le même temps,<br />

l’augmentation d’efficacité des nouveaux bateaux a plus que compensé la diminution en<br />

puissance de la flotte.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 36


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Ce phénomène est aussi observable à l’échelle européenne. « La capacité de <strong>pêche</strong> (jauge et<br />

puissance motrice des navires) a diminué très lentement au cours des dix dernières années<br />

(de 2 % par an en puissance motrice). Cette légère baisse a été totalement compensée par le<br />

renforcement constant de l’efficacité des navires de <strong>pêche</strong>. Malgré la réduction de la capacité<br />

de <strong>pêche</strong>, les avis scientifiques ne signalent auc<strong>une</strong> amélioration significative des stocks de<br />

poissons commercialement importants» (communication de la Commission Européenne,<br />

2006).<br />

Le caractère contraignant des POP a en outre renforcé les sentiments négatifs des <strong>pêche</strong>urs à<br />

l’égard de l’action communautaire. Selon LEQUESNE (2001), les POP ont « incarné aux<br />

yeux des <strong>pêche</strong>urs européens, quel que soit leur métier et leur situation économique,<br />

l’archétype de la régulation centralisée depuis Bruxelles visant à mettre leur activité sous<br />

tutelle. »<br />

Les ministres de la <strong>pêche</strong> des pays de l’UE privilégient les intérêts nationaux<br />

" La régulation européenne met en jeu non seulement des fonctionnaires de la Commission et<br />

des comités d’experts dont les attentes sont largement déconnectées des cycles électoraux,<br />

mais aussi des acteurs politiques dont la rationalité décisionnelle est fonction de la<br />

préservation de la paix sociale dans les territoires nationaux, y compris lorsque celle-ci est<br />

susceptible d’être menacée par un groupe social très limité comme les <strong>pêche</strong>urs. Elle permet<br />

même d’affirmer que les préoccupations des seconds tendent à prévaloir sur celles des<br />

premiers, le maintien de la paix sociale dans les ports primant sur l’avenir des stocks de<br />

poissons " (LEQUESNE, 2001).<br />

La négociation politique privilégie donc la défense des intérêts nationaux alors que l’activité<br />

de <strong>pêche</strong> n’est pas circonscrite par les frontières des états et la plupart des <strong>pêche</strong>ries<br />

européennes sont aujourd’hui transnationales.<br />

Une gestion à court terme (1 an) pour des phénomènes évoluant à moyen (5 ans) ou long<br />

terme (10 ans)<br />

Il n’y a rien à gagner et tout à perdre comme ministre de la Pêche. Au mieux, il s’est bien<br />

battu, et a réussi à limiter les réductions de TACs préconisées par la Commission. Cela<br />

n’encourage évidemment pas au courage politique.<br />

S’il faut 3 ans à 1 langoustine ou 5 ans à un bar pour atteindre leur maturité sexuelle, un<br />

ministre de la <strong>pêche</strong> d’un pays de l’Union Européenne ne reste rarement plus d’un ou deux<br />

ans en fonction. Dans ces conditions, il n’a aucun intérêt à développer <strong>une</strong> nécessaire<br />

planification stratégique à long terme.<br />

Globalement en Europe, la capacité de <strong>pêche</strong> est trop importante par rapport aux ressources<br />

halieutiques exploitables. <strong>Pour</strong> revenir à un niveau soutenable, il faut donc diminuer cette<br />

capacité. A court terme, cette réduction s’accompagnerait d’<strong>une</strong> diminution des moyens de<br />

capture. Ainsi, les intérêts professionnels arguant de raisons sociales et économiques poussent<br />

logiquement à augmenter les volumes autorisés. Les ONG de défense de l’environnement,<br />

fortes des avis du CIEM, appellent à respecter les niveaux de capture soutenables afin de<br />

préserver les capacités productives des stocks.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 37


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Le débat tourne alors à l’affrontement, stérile. Chaque camp s’arque boute sur des niveaux de<br />

capture autorisés pour l’année, sans vision à long terme. Les décision prises lors du conseil<br />

des ministres (figure 5) conduisent à un dépassement systématique des recommandations des<br />

scientifiques.<br />

Les ministres de la <strong>pêche</strong> défendent évidemment les intérêts nationaux, et, dépendants de<br />

cycles électoraux courts, les mesures les plus populaires à court terme. Il y a peu de temps<br />

encore, l’opinion publique, émue par un métier dure et sauvage porté par <strong>une</strong> imagerie<br />

d’Epinal, penchait du côté des professionnels. Mais aujourd’hui, en partie suite à l’effort de<br />

communication des ONG de défense de l’environnement, l’opinion publique, plus attentive au<br />

respect de l’environnement, tend l’oreille aux questions de surexploitation, de destructions des<br />

fonds marins. En outre, en période d’économie budgétaire, les subventions accordées à<br />

certains segments de flotte de moins en moins rentables font réagir.<br />

Une analyse critique de la PCP fait donc apparaître :<br />

o un problème technique : spatial, gestion centralisée inadaptée à la réalité<br />

des territoires de <strong>pêche</strong> ; temporel, gestion à court terme de phénomènes<br />

évoluant à moyen ou long terme ;<br />

o un problème politique : représentation des seuls intérêts nationaux et<br />

impossibilité de porter <strong>une</strong> vision à long terme ;<br />

o un problème institutionnel : déficit de gouvernance et manque de<br />

participation des parties intéressées.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 38


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

3.1.4. La réforme de la PCP en 2002 et la mise en place des<br />

Comités Consultatifs Régionaux (CCR)<br />

En 2001, la Commission Européenne adopte le « Livre vert », qui avait offert aux<br />

professionnels du secteur <strong>une</strong> trib<strong>une</strong> pour la réforme de la PCP. A cette occasion, la<br />

proposition de la Commission avait déclenché localement l’organisation spontanée (et<br />

souvent informelle) de nombreux groupes de réflexion. S’appuyant sur ce travail de<br />

consultation, la Commission, avec la réforme de 2002, a défini 4 grands objectifs et proposé<br />

des actions qui répondent en partie au problèmes précédemment soulevés :<br />

- en termes d’échelle et de gouvernance : accroître l’implication des acteurs au<br />

processus de décision et améliorer ainsi la gouvernance en créant les Comités<br />

Consultatifs Régionaux (CCR), en décentralisant certaines responsabilités de<br />

gestion et en resserrant les liens entre professionnels et scientifiques ;<br />

- en terme de temps : améliorer les conditions de conservation et de protection<br />

des écosystèmes marins, en adoptant des quotas pluriannuels et<br />

plurispécifiques fondés sur le principe de précaution, en intégrant davantage<br />

l’environnement et en renforçant et harmonisant le contrôle de la <strong>pêche</strong> ;<br />

- garantir la viabilité et la pérennité du secteur des <strong>pêche</strong>s et de l’aquaculture, en<br />

aidant les collectivités côtières à réduire leur dépendance à la <strong>pêche</strong><br />

(reconversion des marins vers d’autres secteurs d’activité) ;<br />

- promouvoir <strong>une</strong> <strong>pêche</strong> <strong>durable</strong> hors des eaux communautaires, en soutenant les<br />

organisations régionales (ORP), en luttant contre les <strong>pêche</strong>s illégales.<br />

Opération de communication et « alibi politique », ou véritable volonté, l’établissement des<br />

Comités Consultatifs Régionaux (CCR) est l’outil dont la commission s’est dotée pour<br />

organiser et structurer <strong>une</strong> consultation régionale des acteurs. Par rapport aux problèmes<br />

identifiés, les CCR devraient permettre <strong>une</strong> véritable avancée à la fois en terme de<br />

gouvernance (implication des acteurs) et en terme d’échelle. Mais l’échelle reste trop grande<br />

pour <strong>une</strong> « appropriation par le terrain ». Ils offrent néanmoins <strong>une</strong> plate-forme de<br />

concertation sur laquelle peuvent se raccrocher des initiatives locales.<br />

D’autre part, la <strong>pêche</strong> reste appréhendée comme <strong>une</strong> activité purement productive et la seule<br />

conclusion à la surcapacité actuelle de la flotte européenne est de reconvertir les <strong>pêche</strong>urs à<br />

d’autres métiers. Or, l’évolution de la demande du public (produits des proximité associés à<br />

un territoire, cf § 2.1.1) devrait amener à réfléchir à des transformations de l’activité<br />

permettant un maintien des emplois et des communautés locales dépendant de la <strong>pêche</strong>.<br />

A l’instar de l’évolution qu’on a pu observer pour l’agriculture et les agriculteurs, la <strong>pêche</strong> et<br />

les <strong>pêche</strong>urs, dans leur dimension industrielle, sont de plus en plus perçus comme des<br />

destructeurs de l’environnement, vivant des subsides de l’Union Européenne. La prise de<br />

conscience de ce risque doit amener <strong>une</strong> véritable transformation de l’activité de <strong>pêche</strong> en<br />

Europe. D’<strong>une</strong> activité productiviste et destructrice, la <strong>pêche</strong> doit maintenant évoluer vers <strong>une</strong><br />

activité privilégiant la qualité des produits et le respect de l’environnement. Les communautés<br />

littorales vivant de la <strong>pêche</strong> doivent aujourd’hui anticiper et proposer, agir. Ce sont elles qui<br />

seront moteur du changement. La PCP doit quant à elle s’ajuster à l’échelle de ces<br />

territoires et fixer des objectifs clairs pour un développement <strong>durable</strong> de la filière<br />

halieutique.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 39


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

3.2. Le cadre national : acteurs et moteurs de la gestion des <strong>pêche</strong>s<br />

Malgré <strong>une</strong> compétence exclusive de l’Union européenne, les Etats disposent toujours d’un<br />

pouvoir en matière de gestion de la <strong>pêche</strong> dans leur bande côtière, réservée en grande partie à<br />

leurs ressortissants nationaux. Dès l’origine de la PCP, <strong>une</strong> dérogation au principe général de<br />

libre accès fut posée par l’article 100 de l’acte d’adhésion du 22 janvier 1972 qui dispose que<br />

la <strong>pêche</strong> dans la zone des 12 milles de chaque Etat membre est réservée aux <strong>pêche</strong>urs de cet<br />

Etat sous réserve de l’exercice, par les <strong>pêche</strong>urs d’autres Etats membres, de leurs droits<br />

historiques ou de « relations de voisinage ». Ce principe a été réaffirmé et renforcé en 2002.<br />

3.2.1. Le développement de la <strong>pêche</strong> en <strong>France</strong><br />

« Si l’on évoque les grandes lois d’orientation du secteur des <strong>pêche</strong>s en <strong>France</strong> depuis le<br />

milieu du XXe siècle, on ne manquera pas de constater <strong>une</strong> omniprésence de la puissance<br />

publique » (BIAIS et al., 1997). Afin de maintenir un niveau d’approvisionnement national<br />

élevé dans un cadre de concurrence, l’Etat va mener, au sortir de la guerre, <strong>une</strong> politique très<br />

forte d’investissement, s’intégrant très vite au cadre européen.<br />

Les subventions publiques ont surtout profité aux plus grands bateaux, aux détriments des<br />

plus petits. Comme l’a montré <strong>une</strong> enquête réalisée auprès d’un échantillon de 235 patrons<strong>pêche</strong>urs<br />

de la région Bretagne (TROADEC et BONCOEUR, 2003), c’est le segment des<br />

navires entre 16 et 25 m qui a été le plus subventionné (21% contre 5% pour les moins de 10<br />

m).<br />

De même, la flotte du Golfe du Lion s’inscrit ainsi dans l’histoire du développement de la<br />

filière halieutique en Méditerranée française que FERAL (2001) décrit comme <strong>une</strong> première<br />

« phase d’encouragement et de développement du secteur semi-industriel par l’administration.<br />

Dans un second temps cette administration se mobilise non plus pour développer mais pour<br />

intervenir sur les multiples crises de ce secteur, déstabilisé par la surcapitalisation : crise du<br />

marché, crise de la ressource, crise des entreprises de <strong>pêche</strong>, crises démographique et sociale.<br />

C’est la phase d’interventionnisme en spirale dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui ».<br />

« L’Etat va ensuite soutenir des activités devenues non compétitives, et, enfin, il lui incombe<br />

de continuer à intervenir dans le cadre des récents plans de sortie de flotte pour permettre un<br />

retrait indemnisé des producteurs. […] Le tout aboutit à des situations significatives de<br />

surinvestissement et de surexploitation des ressources » (BIAIS et al., 1997).<br />

Ainsi, comme au niveau communautaire, la politique nationale est d’abord intervenue pour<br />

soutenir l’industrialisation du secteur de la <strong>pêche</strong>, dans un souci d’approvisionnement du<br />

marché. Elle intervient aujourd’hui, au contraire, pour diminuer la capacité de la flotte. A<br />

l’instar de la PCP, la politique nationale a appréhendé l’activité de <strong>pêche</strong> comme <strong>une</strong> simple<br />

activité productive.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 40


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

3.2.2. La gestion des <strong>pêche</strong>s en <strong>France</strong><br />

De nombreuses structures participent à la gestion de la <strong>pêche</strong> en <strong>France</strong>. L’activité de <strong>pêche</strong><br />

se développe autour des ports, d’où les bateaux partent pour regagner leurs zones de <strong>pêche</strong>.<br />

Ces zones ne respectent pas nécessairement les échelons administratifs (département, région,<br />

état), sur lesquels est organisée l’administration des Affaires Maritimes, responsable du<br />

respect des règlements ainsi que la plupart des structures professionnelles. Il y a donc un<br />

problème d’ajustement entre les échelons administratifs terrestres (état, région, département)<br />

et l’échelle des territoires de <strong>pêche</strong>.<br />

Structures et gouvernance de la <strong>pêche</strong> en <strong>France</strong><br />

Les services de l’Etat<br />

La Direction des Pêches Maritimes et de l’Aquaculture (DPMA)<br />

Au niveau national, le secteur est sous l’autorité de la Direction des Pêches Maritimes et de<br />

l’Aquaculture (DPMA), soumise à la tutelle du Ministère de l’Agriculture, de la Pêche et des<br />

Affaires Rurales (MAPAR).<br />

La Direction des Affaires Maritimes (DAM)<br />

Rattachée à la Direction générale de la Mer et des Transports au sein du ministère des<br />

Transports, de l'Équipement, du Tourisme et de la Mer, la DAM exerce trois grandes<br />

missions : la sécurité et la sûreté maritimes, l’animation des services des Affaires Maritimes,<br />

les gens de mer, dans un contexte administratif en évolution. Les Affaires Maritimes sont<br />

responsables de la police des <strong>pêche</strong>s et du contrôle des activités de mareyage en relation avec<br />

le respect des règlements de <strong>pêche</strong> (taille des produits débarqués). Les services déconcentrés<br />

des affaires maritimes comprennent 1750 agents et sont structurés selon les échelles<br />

administratives (département, région). La vocation interrégionale de ces services s’affirme de<br />

plus en plus dans <strong>une</strong> logique de façade au contact des préfets maritimes et des préfets de<br />

région.<br />

L’Office National Interprofessionnel des Produits de la Mer et de l’Aquaculture<br />

(OFIMER)<br />

La loi d'orientation sur la <strong>pêche</strong> maritime et les cultures marines du 18 novembre 1997 a<br />

donné naissance à l'OFIMER. Etablissement public à caractère industriel et commercial, il est<br />

placé sous la tutelle du ministre chargé de la <strong>pêche</strong> et du ministre chargé du budget. Outil de<br />

dialogue et de concertation, instance d'orientation stratégique, un conseil de direction<br />

(associant les professionnels de la filière) émet des avis sur les projets proposés par le<br />

directeur de l'office. L'OFIMER, organisme payeur agréé par la Commission européenne, met<br />

en œuvre les crédits du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA)<br />

destinés aux interventions sur les marchés. Ces interventions se font dans le cadre de<br />

l'Organisation comm<strong>une</strong> de marché (OCM) dans le secteur des produits de la <strong>pêche</strong> dans le<br />

cadre général de la Politique Comm<strong>une</strong> des Pêches (PCP).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 41


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

L’organisation de la profession<br />

L’organisation de la profession est régie par la loi relative à l’organisation<br />

interprofessionnelle des <strong>pêche</strong>s maritimes et des élevages marins et à l’organisation de la<br />

conchyliculture (Loi n°91-411 du 2 mai 1991).<br />

Le Comité National des Pêches Maritimes et des Elevages Marins (CNPMEM)<br />

Le CNPMEM est « l’organisation interprofessionnelle des <strong>pêche</strong>s maritimes et des élevages<br />

marins, à laquelle adhèrent obligatoirement les membres des professions qui, quel que soit<br />

leur statut, se livrent aux activités de production, de premier achat et de transformation des<br />

produits des <strong>pêche</strong>s maritimes et des élevages marins. » Il est donc la représentation nationale<br />

du secteur. « L’organisation comprend un comité national, des comités régionaux et des<br />

comités locaux. »<br />

« Les missions des comités comprennent :<br />

a. la représentation et la promotion des intérêts généraux de ces activités ;<br />

b. la participation à l’organisation d’<strong>une</strong> gestion équilibrée des ressources ;<br />

[..] »<br />

Les organes dirigeants des comités doivent intégrer des représentants des <strong>pêche</strong>urs, du<br />

mareyage, des coopératives maritimes (rattachées à la confédération maritime, voir infra)., et<br />

des organisations de producteurs (OP, voir infra).<br />

« Peuvent être rendues obligatoires par l'autorité administrative les délibérations, adoptées à<br />

la majorité des membres des organes dirigeants du comité national et des comités régionaux,<br />

nécessaires à la mise en oeuvre des dispositions internationales, communautaires ou<br />

nationales relatives à la protection et à la conservation de la ressource » (Loi n°91-411 du 2<br />

mai 1991). [..] Les comités locaux se limitent à faire des propositions et appliquer les<br />

délibérations des organes dirigeants.<br />

Les Organisations de Producteurs (OP)<br />

Les OP sont des associations ou groupements d’intérêt économique, « reconnus par le<br />

ministre chargé des <strong>pêche</strong>s comme organisations de producteurs conformément aux<br />

dispositions des règlements de la Communauté Economique Européenne. (§ 3.1.2) [..] Elles<br />

sont habilitées à prendre, conformément aux règlements communautaires, les mesures<br />

propres à assurer l’amélioration des conditions de vente de leur production ». Elles sont en<br />

charge du retrait ou de la première mise sur le marché des produits débarqués. On en compte<br />

23, regroupées selon leur vocation artisanale sous la FEDOPA (Fédération des organisations<br />

de producteurs de la <strong>pêche</strong> artisanale), ou industrielle sous l’ANOP (Association Nationale<br />

des Organisations des Producteurs), même si la différence tend à s’estomper. En<br />

Méditerranée, les différentes OP sont regroupées sous l’AMOP (Association Méditerranéenne<br />

des Organisations de Producteurs). L’adhésion à <strong>une</strong> OP n’est pas obligatoire, et 34% des<br />

bateaux ne sont pas adhérents (TANGUY, 2006).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 42


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

La confédération maritime et les coopératives maritimes<br />

Dans la plupart des ports français, des coopératives maritimes permettent aux professionnels<br />

de mutualiser l’achat du matériel. Au niveau national, ces coopératives sont regroupées au<br />

sein de la coopération maritime. La coopération maritime dispose également d’<strong>une</strong> banque, le<br />

Crédit Maritime, assurant l’essentiel des crédits aux patrons-<strong>pêche</strong>urs pour la construction des<br />

bateaux de <strong>pêche</strong>.<br />

La confédération maritime compte ainsi : la caisse maritime (Crédit Maritime) ;1 mutuelle ; la<br />

FEDOPA (voir supra) ; la CODIMAR (cellule marketing de la coopération) ; le Centre de<br />

Gestion de la Pêche Artisanale (CGPA) ; les fédérations nationales des coopératives (environ<br />

15 000 en <strong>France</strong>).<br />

La coopération maritime est caractérisée par <strong>une</strong> grande complexité qui prend l’allure d’un<br />

« mille feuilles » où les rôles respectifs restent difficile à définir.<br />

La confédération est régie par la loi relative au développement de certaines activités<br />

d'économie sociale (Loi n°83-657 du 20 juillet 1983) qui vise essentiellement un triple<br />

objectif :<br />

o le renforcement des fonds propres des coopératives et la sécurité des tiers ;<br />

o l’élargissement du sociétariat et des partenaires économiques. Il s’agit de la<br />

possibilité d’admettre comme sociétaires des personnes ne rentrant pas<br />

dans la catégorie professionnelle concernée, et même de traiter avec ces<br />

personnes ou des tiers ;<br />

o l’adaptation des dispositions régissant les coopératives au contexte<br />

particulier d’exercice de leur activité.<br />

Via les coopératives, la confédération est en partie rattachée au CNPMEM mais, selon un<br />

représentant (com. pers.), « la coopérative, c’est un choix, le CNPMEM, on y est d’office : les<br />

2 organes sont complètement différents. »<br />

L’institut scientifique : l’Institut Français pour l’Exploration de la Mer<br />

(IFREMER)<br />

Issu de la fusion de l’ISTPM (Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes) et du<br />

CNEXO (Centre National pour l’Exploration des Océans), l’IFREMER est chargée de<br />

rassembler au niveau national la recherche fondamentale, appliquée et l’expertise sur les<br />

océans et les ressources marines.<br />

Etablissement public à caractère industriel et commercial, l'IFREMER est placé sous la tutelle<br />

conjointe des ministères chargés de la Recherche, de l'Agriculture et de la Pêche, des<br />

Transports, de l'Equipement, du Tourisme et de la Mer, et de l'Ecologie et du Développement<br />

<strong>durable</strong>.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 43


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

L’activité de l’institut s’articule autour de 6 domaines dont « Ressources halieutiques,<br />

exploitation <strong>durable</strong> et valorisation ». Ses missions sont de :<br />

- améliorer les méthodes de surveillance, de prévision d'évolution de protection et de<br />

mise en valeur du milieu marin et côtier ;<br />

- favoriser le développement économique du monde maritime ;<br />

- connaître, évaluer et mettre en valeur les ressources des océans et permettre leur<br />

exploitation <strong>durable</strong>.<br />

Dans le processus de gestion, c’est l’organe d‘émission des avis scientifiques et techniques<br />

sur la <strong>pêche</strong>.<br />

La diversité et la complexité des structures (figure 7) sont surprenantes si on le rapporte au<br />

poids économique du secteur halieutique qui représente moins de 1% du PIB national.<br />

Figure 7. Organigramme des différentes structures de gestion de la <strong>pêche</strong> en <strong>France</strong>. Chaque structure nationales<br />

est présente à l’échelle locale. Si, à l’échelle locale, les comités intègrent tous les professionnels de la filière, au<br />

niveau national les trois structures (coopération, OP, CNPMEM) sont distinctes. La FEDOPA est <strong>une</strong> fédération<br />

d’OP artisanales appartenant à la coopération maritime. L’IFREMER dépend en partie du ministère,<br />

NATIONAL<br />

LOCAL<br />

DAM<br />

Stations<br />

Aff Mar<br />

MINISTRE DE L’AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE<br />

DIRECTION DES PÊCHES MARITIMES ET DE<br />

L’AQUACULTURE<br />

Coopératives, crédit<br />

maritime, OP,…<br />

CNPMEM<br />

Coopération FEDOPA<br />

En aval : l’organisation de la filière <strong>pêche</strong> en <strong>France</strong><br />

Comités des <strong>pêche</strong>s (locaux ou régionaux)<br />

(incluent tous les professionnels de la filière)<br />

L’organisation de la filière française des produits des <strong>pêche</strong>s françaises suit l’organisation<br />

comm<strong>une</strong> des marchés (§ 2.1.2). Elle dépend des OP qui ont la responsabilité de la mise sur le<br />

marché. Les OP sont garantes du système des prix communautaires. Enfin, les produits sont<br />

débarqués et enregistrés sous les halles à marée (criées). Ils y sont triés selon 4<br />

critères (espèce, taille, présentation, qualité) répondant aux normes de commercialisation.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 44<br />

OP<br />

OP<br />

IFREMER<br />

Stations<br />

IFREMER


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

En amont : Les Outils et l’aménagement des <strong>pêche</strong>s en <strong>France</strong><br />

L’obtention du PME : <strong>une</strong> condition sine qua non à l’entrée dans la <strong>pêche</strong>rie<br />

Dans le contexte français, la première condition pour l’accès à la ressource est l’accès à un<br />

bateau ayant un permis de mise en exploitation (PME). Le PME est le droit de pratiquer<br />

l’activité de <strong>pêche</strong> professionnelle. Il constitue de fait un « droit à cueillir » et est logiquement<br />

la première barrière à l’accès à la <strong>pêche</strong>rie. La mise en œuvre du PME doit permettre d’ajuster<br />

les capacités techniques aux disponibilités potentielles de la ressource. Il est l’outil utilisé par<br />

la <strong>France</strong> pour la mise en application des Programmes d’Orientation Pluriannuels (POP)<br />

définis par la Commission Européenne pour la réduction de l’effort de <strong>pêche</strong>. Il est aussi<br />

l’outil utilisé pour la mise en application de certaines mesures techniques.<br />

Les licences de <strong>pêche</strong> :<br />

Gestion par l’effort : mesures techniques et licences de <strong>pêche</strong><br />

Dans les eaux territoriales (12 milles nautiques), la gestion des <strong>pêche</strong>s est régionale et<br />

largement organisée par les comités régionaux, sous l’autorité du préfet de région (limitation<br />

de l’accès, du volume des captures, mesures techniques, etc.). Au-delà des 12 mn, la<br />

régulation est assurée par l’attribution de licences au niveau national (via des comités<br />

nationaux, hébergés par le CNPMEM). La principale caractéristique d’un régime de licence<br />

est qu’il sous-entend l’idée d’un numerus clausus, c’est à dire d’un nombre limité de<br />

bénéficiaires.<br />

On distingue des licences dites « administratives », et des licences dites « professionnelles ».<br />

Les premières sont délivrées par l’autorité administrative et visent à permettre « l’exercice de<br />

la <strong>pêche</strong> [..] pendant des périodes, dans des zones, pour des espèces ou groupes d’espèces et,<br />

le cas échéant, avec des engins et pour des volumes qu’elles fixent » (article 3 (I, a) du décret<br />

du 9 janvier 1852 modifié). Les secondes sont délivrées par l’organisation<br />

interprofessionnelle (CRPMEM ou CNPMEM), sous le contrôle de l’autorité administrative,<br />

et dont l’objet est plus large puisqu’elles visent à procéder « à l’adéquation, pour certaines<br />

espèces ou certaines <strong>pêche</strong>ries particulières, de l’outil de <strong>pêche</strong> à la ressource disponible »<br />

(article 22-b du décret n°92_335 du 30 mars 1992).<br />

En droit interne, les licences, qu’elles soient « professionnelles » ou « administratives », sont<br />

annuelles, personnelles et non transférables.<br />

On distingue d’autre part, <strong>une</strong> licence « ressources » et <strong>une</strong> licence « métiers ». La première<br />

permet, à l’échelle d’un comité régional, de mettre en place un véritable régime de gestion :<br />

limitation de l’effort de <strong>pêche</strong>, limitation des captures, conservation des espèces… La seconde<br />

autorise la pratique d’un métier (filet, chalut, etc.).<br />

En <strong>France</strong>, les licences de <strong>pêche</strong>, qui permettent de réserver l’accès à un territoire de <strong>pêche</strong>,<br />

ne sont pas transférables en raison de la non « patrimonialisation » de la ressource, réaffirmée<br />

par la loi d’orientation sur la <strong>pêche</strong> de 1997. Aussi, il n’existe pas de valeur associée à la<br />

licence (à la différence d’<strong>une</strong> licence de taxi par exemple), et le droit de tirer des bénéfices de<br />

l’exploitation est donc directement lié à la rémunération du travail.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 45


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Les zonages environnementaux<br />

Les aires marines protégées (AMP) permettent de contrôler l’activité halieutique dans un<br />

souci de promouvoir la protection de l’environnement marin. Elles peuvent donc servir de<br />

support à <strong>une</strong> gestion intégrée et raisonnée de l’espace maritime et permettent de décentraliser<br />

la gestion vers des organismes de gestion où peuvent être représentées diverses catégories<br />

d’usagers.<br />

L’établissement d’un réseau écologique paneuropéen (réseau Natura 2000 issue des directives<br />

« oiseaux » et « habitats ») va offrir de nouvelles opportunités pour un développement d’<strong>une</strong><br />

politique de gestion décentralisée et intégrée de l’espace maritime.<br />

Gestion par la quantité : répartition du quota entre les armements<br />

L'article 4 de la loi d’orientation sur la <strong>pêche</strong> du 18 novembre 1997 (n° 97-1051) prévoit que<br />

le quota national peut être scindé en « sous quotas affectés soit à des organisation de<br />

producteurs ou à leurs unions qui en assurent la gestion, soit à des navires ou des groupements<br />

de navires ». La gestion se fait à la fois par l’effort et par la quantité<br />

Figure 8. Représentation schématique de l’aménagement des <strong>pêche</strong>s en <strong>France</strong>. Les COREMODE (comités<br />

régionaux de modernisation de la flotte) décide de la construction des nouveaux navires et donc de l’attribution<br />

des PME. Ils regroupent professionnels, administration et scientifiques de l’IFREMER à l’échelle régionale.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 46


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Une gestion centralisée<br />

3.2.3. Les dysfonctionnements de l’organisation de la <strong>pêche</strong> en<br />

<strong>France</strong><br />

La gestion des <strong>pêche</strong>s en <strong>France</strong> reste très centralisée, dépendant des services de l’état et des<br />

représentations nationales des structures professionnelles. Or l’échelle nationale n’est pas<br />

adaptée aux territoires de <strong>pêche</strong>. Ainsi un chalutier français du Golfe de Gascogne a plus<br />

d’intérêts en commun avec un chalutier espagnol évoluant sur la même zone (et partageant les<br />

mêmes ressources) qu’avec un fileyeur de Boulogne. Et pourtant, les structures centralisées<br />

rapprocheront le chalutier français et le fileyeur, et les opposeront au chalutier espagnol.<br />

Une gestion à court terme<br />

Se calquant sur le rythme de la PCP et du conseil des ministres, la gestion des <strong>pêche</strong>s s’inscrit<br />

dans un rythme annuel (attribution des licences ou allocation des quotas), sans jamais reposer<br />

sur <strong>une</strong> vision stratégique à 5 ou 10 ans. Une telle vision stratégique serait pourtant nécessaire<br />

pour redonner de la perspective au secteur, contraint par des décisions et changements<br />

annuels.<br />

Gestion de la paix sociale plutôt que gestion de la <strong>pêche</strong><br />

L’image positive qu’avait la <strong>pêche</strong> dans le grand public et l’ancrage territorial de l’activité ont<br />

expliqué « la capacité de mobilisation politique d’un groupe professionnel très largement<br />

supérieure à la place qu’il occupe dans la population active » (LEQUESNE, 2001). Ainsi<br />

« en 1993 et en 1994, <strong>une</strong> chute brutale des cours du poisson en <strong>France</strong> a amené les marins<br />

<strong>pêche</strong>urs de Bretagne sud et leurs familles à se mobiliser au sein d’un « comité de survie »<br />

qui, au moins dans ses débuts, a bénéficié de l’appui des populations côtières, malgré des<br />

violations de l’ordre public. »<br />

Si l’on met cette capacité de mobilisation politique en rapport avec le coût du secteur pour les<br />

dépenses publiques, on comprend que nombre d’observateurs (scientifiques ou<br />

administrateurs) qualifient la politique nationale en matière de <strong>pêche</strong> comme <strong>une</strong> volonté de<br />

maintien de la « paix sociale » (BOUDE et al., 2001). <strong>Pour</strong> aller plus loin, si on considère la<br />

situation de surexploitation des stocks et de surcapacité de la flotte à la lumière du déclin<br />

constant du secteur, on peut même accuser la puissance publique de ne faire<br />

« qu’accompagner la mort lente du secteur des <strong>pêche</strong>s » (scientifique IFREMER, com. pers.).<br />

Mais aujourd’hui, il n’est pas sûr que des manifestations similaires à celles de 92-93 seraient<br />

approuvées de l’opinion publique.<br />

Une profession morcelée et isolée, un débat pauvre<br />

La <strong>pêche</strong> française est caractérisée par <strong>une</strong> grande diversité. A côté du modèle général,<br />

beaucoup de bateaux débarquent hors criée et n’appartiennent pas à <strong>une</strong> OP. Au sein de la<br />

filière, les passerelles sont rares : il manque souvent un lien entre l’aval (le marché) et l’amont<br />

(la <strong>pêche</strong>). En mer, les logiques d’exploitation s’opposent et rentrent en compétition. Les<br />

professionnels, absorbés par <strong>une</strong> activité exigeante, sont souvent coupés des préoccupations<br />

de la société (droit du travail, chômage, environnement, etc.).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 47


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Même s’il existe à l’échelle des commissions spécialisées (voir infra), le débat est pauvre.<br />

Difficile entre scientifiques et professionnels, il est absent entre les professionnels et le reste<br />

de la société. On est loin d’un dispositif de co-gestion (§ 2.4.4).<br />

Une « filière » construite sur <strong>une</strong> logique de quantité en décalage avec le marché français des<br />

produits de la mer<br />

A l’instar de ce que prévoit la Politique Comm<strong>une</strong> de la Pêche, l’aval de la filière halieutique<br />

française a été organisé selon <strong>une</strong> logique de quantité. <strong>Pour</strong> la filière, le but est encore souvent<br />

d’écouler ce qui est pêché et non pas de <strong>pêche</strong>r pour le marché. Ainsi l’augmentation<br />

fulgurante de la consommation en <strong>France</strong> depuis 20 ans (2%/an en moyenne), a été<br />

exclusivement couverte par l’importation (TANGUY, 2006). Les produits des <strong>pêche</strong>s<br />

françaises ne couvrent plus que 15% de la consommation nationale, et ils peinent à trouver<br />

leur place. Il semble aujourd’hui que les « espèces de la <strong>pêche</strong> française doivent rechercher un<br />

positionnement qualitatif tout en maîtrisant les coûts nécessaires dès la capture »<br />

(PAQUOTTE, 2006).<br />

D’autre part, il faut remarquer que les structures permettant d’organiser l’aval de la filière (OP<br />

et criées) ne concernent pas l’ensemble de la <strong>pêche</strong> française. En effet 34% de l’ensemble des<br />

<strong>pêche</strong>urs sont en dehors de l’organisation économique assurée par les OP (TANGUY, 2006).<br />

De même, 39% des quantités pêchées sont débarquées en dehors du circuit « officiel » des<br />

halles à marée (OFIMER, 2006). Une part non négligeable des produits des <strong>pêche</strong>s françaises<br />

passe donc en dehors de ces « circuits officiels ».<br />

La dissension entre les structures : conséquence du non-choix entre gestion par la quantité ou<br />

gestion par l’effort<br />

L’activité de <strong>pêche</strong> est gérée à la fois par la quantité (via les quotas alloués) et par l’effort (via<br />

les licences). L’utilisation d’un système de licences – géré par les CRPMEM sous l’autorité<br />

administrative – ignore un certain nombre d’acteurs et confie l’essentiel des prérogatives aux<br />

comités. Les OP, élément clé de la gestion des <strong>pêche</strong>s à l’échelle européenne, restent ainsi à<br />

l’écart de ce système.<br />

Un contrôle laxiste qui a encouragé la fraude et la triche<br />

La <strong>France</strong> est le premier Etat Membre « condamné à <strong>une</strong> amende forfaitaire de 20 millions<br />

d’euros pour avoir manqué à ses obligations communautaires en matière de <strong>pêche</strong> [..] la<br />

Commission a considéré que la <strong>France</strong> ne respectait toujours pas intégralement ses<br />

obligations en tolérant la mise en vente de poissons sous taille et en maintenant <strong>une</strong> attitude<br />

permissive dans la poursuite des infractions » (Communiqué de presse de la Commission des<br />

Communautés européennes, 12 juillet 2005).<br />

La possibilité de vendre sous taille crée des distorsions au sein de la filière. Elle avantage les<br />

fraudeurs au détriment de ceux qui respectent les règles. Or un système de gestion ne peut<br />

fonctionner que si ceux qui en dépendent peuvent recueillir les fruits de leurs efforts. Par<br />

exemple, les <strong>pêche</strong>urs chalutiers qui respectent le maillage réglementaire pour laisser les<br />

juvéniles atteindre leur maturité sexuelle veulent pouvoir <strong>pêche</strong>r plus tard les adultes, sans<br />

qu’il n’ait été capturé par des <strong>pêche</strong>urs ne respectant pas les règles.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 48


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Des subventions publiques mal ciblées et disproportionnées<br />

Si « la <strong>pêche</strong> métropolitaine a généré un chiffre d’affaires à la première vente de 1,1 milliard € en<br />

2004, [..] l’ensemble des concours publics, directes ou indirects, nationaux et<br />

communautaires, aux <strong>pêche</strong>s maritimes s’est élevé en 2004 à 808 millions € (TANGUY,<br />

2006). Souvent justifiées par la lourdeur des investissements nécessaires, ces dépenses n’en<br />

sont pas moins critiquables. « Il n’existe en réalité aucun argument économique selon lequel<br />

il reviendrait au contribuable de participer au financement d’investissements privés au motif<br />

de leur forte intensité capitalistique » (TROADEC, BONCOEUR, BOUCHER, 2003). Les<br />

aides communautaires et nationales ont contribué à la surcapacité des flottes, laquelle s’est<br />

soldée par un effort de <strong>pêche</strong> dont l’intensité n’est pas supportable pour les stocks.<br />

L’opinion publique accepte de moins en moins le principe de dépenses publiques qui ne<br />

profiteraient qu’à <strong>une</strong> corporation et mettraient en danger la pérennité de ressources marines<br />

qui appartiennent pourtant au « patrimoine collectif » (loi d’orientation sur la <strong>pêche</strong>, 1997).<br />

Mais si la <strong>pêche</strong> « productiviste » ne fait plus recette, l’activité de <strong>pêche</strong> porte de nombreuses<br />

valeurs qui devraient lui fournir des pistes d’un nouveau développement.<br />

3.2.4. Des pistes d’avenir pour le développement de la <strong>pêche</strong> en<br />

<strong>France</strong><br />

Les prémices de la co-gestion : les commissions spécialisées par espèce ou par métier<br />

Sur l’ensemble des façades maritimes françaises, des commissions (locales, régionales ou<br />

nationales) se mettent en place pour gérer un espace, <strong>une</strong> espèce ou un groupe d’espèces. Ces<br />

commissions attribuent des licences qui définissent les navires autorisés, les engins autorisés,<br />

les conditions d’accès en fonction des saisons, du nombre de jours, d’heures. Ces<br />

commissions rassemblent professionnels, scientifiques et administration. Elles concernent<br />

principalement des <strong>pêche</strong>ries côtières (inclues dans la bande des 12 milles), locales ou<br />

régionales. Elles devraient montrer la voie d’<strong>une</strong> gestion concertée de la <strong>pêche</strong> par territoire.<br />

Une activité répondant à <strong>une</strong> demande du consommateur<br />

La <strong>pêche</strong> « artisanale » est considérée comme <strong>une</strong> activité respectueuse de l’environnement,<br />

et débarque des produits diversifiés, de qualité, de plus en plus demandés.<br />

Un poids socio-économique dans des zones littorales<br />

L’emploi à la <strong>pêche</strong> représente presque 4% de l’emploi total dans la zone Quimper-<br />

Cornouaille, alors que l’ensemble de la filière <strong>pêche</strong>-aquaculture y contribue pour 8,5%<br />

(TROADEC, BONCOEUR, BOUCHER, 2003). La <strong>pêche</strong> a donc un poids socio-économique<br />

dans certaines zones littorales fortement dépendantes de la <strong>pêche</strong> et présentant peu de sources<br />

alternatives d’emplois. Elle a donc un rôle à jouer dans la structuration des territoires<br />

littoraux.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 49


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Une valeur patrimoniale et identitaire<br />

L’activité de <strong>pêche</strong> reste pour l’opinion publique un élément fort de l’identité des territoires<br />

maritimes. « La <strong>pêche</strong> a été longtemps un élément important de l’animation portuaire,<br />

apportant <strong>une</strong> note souvent haute en couleur à l’activité des cités littorales. […] » (BIAIS et<br />

al., 1997).<br />

Ainsi la <strong>pêche</strong> aux « petits métiers » est emblématique de l’exploitation de la mer<br />

Méditerranée, encore pratiquée tout le long du littoral français, de Port-Vendres à Nice. Cette<br />

flotte est évaluée à 1500 bateaux, d’après les données du Système d’Informations<br />

Halieutiques (SIH), mis en place par l’IFREMER en 2001. Tout le long de ce littoral, devenu<br />

un objet de valorisation économique soumis à de nombreuses compétitions (plaisance, <strong>pêche</strong><br />

de loisirs, places à quai etc.), on trouve encore, dans chaque port, le « quai des <strong>pêche</strong>urs »,<br />

témoin d’<strong>une</strong> tradition héritée du passé. Et localement, les municipalités ont bien compris<br />

l’intérêt d’<strong>une</strong> telle « carte postale » et financent largement les aménagements à quai. Et c’est<br />

notamment la <strong>pêche</strong> qui fait l’attractivité touristique des territoires littoraux.<br />

Or le rapport de la Direction de l’aménagement du territoire (DATAR, 2003) précise que le<br />

tourisme est la première activité du littoral (figure 9) .<br />

Figure 9. Valeur ajoutée maritime en 2001 : 18,5 milliards €<br />

(source : IFREMER, données économiques maritimes françaises<br />

2003)<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 50


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

4. LA PROPOSITION DU <strong>WWF</strong> FRANCE POUR UNE PÊCHE<br />

DURABLE EN EUROPE : LA CREATION D’UNITES<br />

D’EXPLOITATION ET DE GESTION CONCERTEES (UEGC)<br />

La proposition du <strong>WWF</strong> d’organiser la gestion de la <strong>pêche</strong> autour d’Unités d’Exploitation et<br />

de Gestion Concertées (UEGC) nous semble répondre à la préoccupation européenne et<br />

internationale de la durabilité des <strong>pêche</strong>. Elle s’inscrit dans le cadre établit par le Code de<br />

Conduite pour <strong>une</strong> Pêche Responsable de la FAO. Elle résulte d‘<strong>une</strong> analyse de la filière<br />

<strong>pêche</strong> établie après de nombreuses rencontres avec ses principaux acteurs. Enfin, elle s’appuie<br />

sur les principes de la co-gestion.<br />

Le <strong>WWF</strong> propose de placer les usagers, et en premier lieu les professionnels, au centre du<br />

dispositif de gestion.<br />

Nous proposons d’organiser la gestion des <strong>pêche</strong>s en Europe autour d’Unités d’Exploitation et<br />

de Gestion Concertée et Contrôlée (UEGC). Ces unités doivent permettre d’ajuster l’effort de<br />

<strong>pêche</strong> à la capacité de production des ressources halieutiques. <strong>Pour</strong> cela elles couvrent des<br />

échelles écologiques et économiques pertinentes. Elles organisent <strong>une</strong> nouvelle gouvernance,<br />

et établissent des règles formulées sur la base de la concertation et du consensus entre leurs<br />

membres. Une analyse de marché doit permettre d’identifier les débouchés qui permettront de<br />

valoriser au mieux les produits de la mer issus de l’UEGC. La valorisation offre des<br />

incitations positives à la gestion de la ressource. Ces unités sont des concessions fermées dont<br />

l’exploitation est régulée par un système d’attribution de droits de <strong>pêche</strong> à long terme. Enfin,<br />

le contrôle doit être strict au sein de l’UEGC.<br />

Les UEGC doivent permettre <strong>une</strong> exploitation <strong>durable</strong> : c’est à dire créant des emplois<br />

(social), rentable (économique), et préservant le capital halieutique afin de continuer à en<br />

exploiter les revenus (écologique).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 51


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

4.1. Fonctionnement des UEGC<br />

Figure 10. Représentation schématique des 5 étapes de la mise en place d’<strong>une</strong> UEGC.<br />

4.1.1. Etape 1 : définir le territoire de gestion<br />

L’aire géographique de l’UEGC doit avoir <strong>une</strong> pertinence écologique (vis à vis des<br />

écosystèmes concernés) et présenter <strong>une</strong> facilité opérationnelle (cohérence avec les zones de<br />

<strong>pêche</strong> et adéquation avec les limites administratives).<br />

4.1.2. Etape 2 : organiser <strong>une</strong> nouvelle gouvernance via la<br />

construction d’<strong>une</strong> plate-forme de concertation<br />

Les UEGC doivent s’inscrire dans un arrangement entre l’Etat et les communautés de<br />

<strong>pêche</strong>urs. La participation et l’implication des acteurs locaux, membres de l’UEGC, sont alors<br />

indispensables. Ils doivent se concerter pour proposer aux pouvoirs publics des plans de<br />

gestion à long terme, dans le respect des règles de gestion <strong>durable</strong> définies par la PCP. La<br />

responsabilité de l’UEGC est engagée vis à vis de la représentation nationale de la profession,<br />

de l’Etat et de l’Europe.<br />

4.1.3. Etape 3 : identifier des créneaux de marché porteurs, et<br />

réorganiser la filière<br />

Il faut, pour chaque UEGC, identifier les créneaux de marché qui permettront de valoriser au<br />

mieux les produits de la <strong>pêche</strong>. En fonction de ces créneaux, il faut réorganiser la filière et, en<br />

amont, la <strong>pêche</strong>, afin de débarquer le produit désiré. On peut également créer des incitations<br />

positives aux produits pêchés dans des conditions <strong>durable</strong>s. Ainsi, des « labels » (éco-labels,<br />

labels équitables, bio-équitables) doivent permettre, via le choix des consommateurs<br />

(sensibilisés par ailleurs pour devenir des « consom’acteurs » informés et responsables),<br />

d’encourager <strong>une</strong> <strong>pêche</strong> <strong>durable</strong> (écologique, sociale et économique).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 52


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

4.1.4. Etape 4 : aménager qualitativement les usages en mettant<br />

en place des plans de gestion, intégrant tous les usagers,<br />

définissant les mesures techniques et la régulation de<br />

l’accès à l’UEGC<br />

Les membres de l’UEGC doivent définir des mesures techniques, permettant <strong>une</strong> maîtrise<br />

stricte des prélèvements. Ils fixent ainsi :<br />

- le niveau de la capture totale permettant <strong>une</strong> exploitation optimale des populations<br />

de poissons de l’UEGC ;<br />

- le débarquement des captures accessoires (afin de connaître la mortalité par <strong>pêche</strong><br />

de façon exhaustive) ;<br />

- le type et le niveau de sélectivité des engins de <strong>pêche</strong> ;<br />

- les engins autorisés en recherchant à diminuer l’impact sur le fond et les<br />

écosystèmes associés.<br />

<strong>Pour</strong> la régulation de l’accès, un ensemble d’aménagements réglementaires doit accompagner<br />

la mise en place des UEGC :<br />

- la mise en place d’<strong>une</strong> concession fermée dont l’accès est limité par un numerus<br />

clausus ;<br />

- déterminer le type et le nombre des navires rattachés à l’UEGC : seuls les navires<br />

enregistrés au sein de l’unité sont autorisés à exploiter les ressources de l’UEGC.;<br />

- le nombre de jours de mer et les périodes de <strong>pêche</strong> ;<br />

- le cantonnement et les fermetures temporaires pour repos biologique.<br />

L’aménagement de la <strong>pêche</strong> au sein de l’UEGC repose sur l’allocation de droits d’usages<br />

collectifs.<br />

4.1.5. Etape 5 : mettre en place un contrôle strict sur l’ensemble<br />

de la filière<br />

La fraude est le principal obstacle à un dispositif de co-gestion : les efforts collectifs profitant<br />

à ceux qui enfreignent les règles. Les règles prises en concertation (avec la participation et<br />

l’adhésion des acteurs) à l’échelle des UEGC doivent être appliquées rigoureusement :<br />

- enregistrement obligatoire au sein d’<strong>une</strong> UEGC ;<br />

- systématisation, renforcement et uniformisation des contrôles et de la pénalisation<br />

à l’échelon européen (pour être respecté et accepté le contrôle doit être le même<br />

pour toutes les unités de gestion) ;<br />

- livret de bord et enregistrement des captures : chaque patron devra remplir les<br />

documents et fiches nécessaires à l’expertise scientifique ;<br />

- localisation par satellite (VMS) : cette mesure doit permettre de contrôler la<br />

présence des bateaux dans l’UEGC (notons que pour certaines petites <strong>pêche</strong>ries la<br />

localisation peut-être simplement visuelle) ;<br />

- rôle central des criées (excepté pour la <strong>pêche</strong> de proximité) : contrôle des<br />

débarquements, traçabilité des produits ;<br />

- traçabilité du poisson pour éviter le trafic illégal : le vendeur (GMS, poissonnier ou<br />

restaurateur) doit pouvoir présenter l’origine du poisson.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 53


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

4.2. Les leviers nationaux et communautaires pour la mise en place des<br />

UEGC<br />

4.2.1. La mise en place des Comités Consultatifs Régionaux<br />

(CCR), au niveau communautaire<br />

Avec la réforme de la PCP en 2002, la création des CCR doit en effet permettre « d’améliorer<br />

la gouvernance » (décision du Conseil instituant des conseils comités régionaux dans le cadre<br />

de la politique comm<strong>une</strong> de la <strong>pêche</strong>, 2003) par l’implication des acteurs au processus de<br />

décision, en décentralisant certaines responsabilités de gestion et en resserrant les liens entre<br />

professionnels et scientifiques.<br />

Nécessairement, la co-gestion passera au niveau européen par ces CCR, qui peuvent être <strong>une</strong><br />

vraie courroie de transmission pour des projets plus locaux. En effet, des <strong>pêche</strong>ries pourront<br />

être reconnues comme groupes de travail au sein des CCR (par exemple la zone des Skattegat<br />

pour le CCR Mer du Nord).<br />

Dans un souci de transparence, « les réunions de l’assemblée générale et du comité exécutif<br />

sont publiques » (article 6.6), permettant ainsi <strong>une</strong> large visibilité des discussions et travaux<br />

en cours. « Des scientifiques provenant d’instituts des États membres concernés ou<br />

d’organismes internationaux sont invités à prendre part en tant qu’experts aux travaux des<br />

comités consultatifs régionaux » (article 6.1).<br />

Ces CCR sont donc bien l’outil que s’est donnée la commission européenne pour rapprocher<br />

la gestion du « terrain ». Et ils permettent aux « représentants du secteur de la <strong>pêche</strong> et des<br />

autres groupes d’intérêts concernés par la politique comm<strong>une</strong> » (article 5.1) de se rencontrer<br />

autour des enjeux régionaux de la gestion des <strong>pêche</strong>s.<br />

Si on peut s’interroger sur le poids réel donnée à ces conseils qui ne sont que consultés par la<br />

Commission, la déclaration du commissaire Joe Borg souligne leur reconnaissance: « si un<br />

CCR était amené à produire un avis équilibré résultant d’un compromis entre différents<br />

intérêts, il serait alors pratiquement impossible pour un gouvernement ou la commission<br />

d’ignorer un tel avis. »<br />

4.2.2. Des évolutions nationales favorables au concept des UEGC<br />

La rédaction de la charte entre la Direction des Pêches Maritimes et de l’Aquaculture<br />

(DPMA), le CNPMEM, et l’IFREMER doit permettre <strong>une</strong> meilleure coordination de leur<br />

action dans le domaine des <strong>pêche</strong>s maritimes (2003). Le texte est un code de bonne conduite<br />

permettant aux partenaires de s’accorder sur <strong>une</strong> ambition comm<strong>une</strong>, dans <strong>une</strong> approche<br />

concertée. Dans la pratique, cette charte doit se traduire par « la mise en place de méthodes de<br />

travail comm<strong>une</strong>s. […] Elle s’inscrit dans un processus qui se met également en place à<br />

l’échelle européenne » (communiqué de presse du Ministère de l’Agriculture, de<br />

l’Alimentation, de la Pêche et des Affaires Rurales, 2003).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 54


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

D’autre part, différents programmes de recherche associant professionnels et scientifiques se<br />

mettent en place. Ainsi le programme d’amélioration de la sélectivité des chalutiers<br />

langoustiniers du Golfe de Gascogne a permis de réunir les deux communautés autour d’un<br />

sujet technique concret pour l’amélioration de la <strong>pêche</strong>rie langoustinière (ANNEXE 6).<br />

Enfin, la généralisation des commissions spécialisées pour la gestion des espaces et espèces<br />

de la bande côtière (12 milles), associe presque systématiquement les professionnels, les<br />

scientifiques et l’administration autour de l’aménagement de la <strong>pêche</strong>rie.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 55


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

5. FAISABILITÉ : DE LA THEORIE A LA PRATIQUE<br />

(METHODOLOGIE)<br />

Le travail a consisté à la fois à éprouver le concept d’UEGC, et à en donner <strong>une</strong> traduction<br />

concrète sous la forme de recommandations. Il s’est articulé entre un volet juridique et un<br />

volet fonctionnel. L’analyse juridique a permis d’identifier les différents outils juridiques<br />

nationaux et communautaires disponibles (voir supra). Utilisant ces outils, le volet<br />

fonctionnel repose sur l’étude particulière de 2 <strong>pêche</strong>ries françaises : la <strong>pêche</strong> de la<br />

langoustine dans le Golfe de Gascogne, et la <strong>pêche</strong> aux « petits métiers » dans les<br />

départements du Var et des Alpes-Maritimes. L’information utilisée (colloques, présentations,<br />

discussions) a été recueillie de septembre 2004 à septembre 2006.<br />

Une <strong>pêche</strong>rie est comprise comme la combinaison d’un métier (un engin et <strong>une</strong> pratique de<br />

<strong>pêche</strong>) sur un territoire donné en vue de la capture d’espèces cibles. Elle rassemble donc,<br />

autour d’<strong>une</strong> aire géographique délimitée, <strong>une</strong> flotte de navires homogènes. Finalement, ces<br />

études de cas permettent de formuler des recommandations pour la mise en œuvre des UEGC<br />

à l’échelle des 2 sites pilotes.<br />

L’essentiel du volet fonctionnel a consisté à rencontrer d’abord au niveau national, puis à<br />

l’échelle des 2 sites pilotes, les acteurs de la gestion (représentants professionnels,<br />

administrateurs, scientifiques, <strong>pêche</strong>urs et mareyeurs). Ces entretiens ont été analysés et ont<br />

permis de formuler un diagnostique en regroupant les positions des uns et des autres autour<br />

des thèmes forts de la gestion de la <strong>pêche</strong>rie (ressource, régulation de l’accès, avis<br />

scientifique, marché, etc.) La confrontation de ce diagnostique avec notre proposition a<br />

permis de tester la pertinence de la notion d’UEGC pour la gestion de la <strong>pêche</strong>rie. Enfin, en<br />

utilisant les outils dégagés par l’analyse juridique, nous formulons des recommandations<br />

définissant les aménagements nécessaires pour mettre en place les UEGC.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 56


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

5.1. Choix des « sites pilotes »<br />

Nous avons retenu la <strong>pêche</strong> de langoustine du Golfe de Gascogne, et la <strong>pêche</strong> aux « petits<br />

métiers » sur le littoral du Var et des Alpes-Maritimes (figure 11) qui constituent des<br />

problématiques très différentes. Ces deux <strong>pêche</strong>ries sont représentatives d’<strong>une</strong> grande partie<br />

des <strong>pêche</strong>s françaises. En outre, pour ces deux <strong>pêche</strong>ries, des initiatives professionnelles qui<br />

vont vers la co-gestion se mettent en place. Il était intéressant d’utiliser ces initiatives afin de<br />

voir comment ces <strong>pêche</strong>ries peuvent évoluer vers des UEGC.<br />

Figure 11. Caractéristiques<br />

des deux <strong>pêche</strong>ries étudiées.<br />

5.2. Des questions clés pour les études de cas<br />

5.2.1. Etape 1 : délimitation des zones des UEGC (définition du<br />

territoire de gestion)<br />

La difficulté est de trouver <strong>une</strong> zone pertinente à la fois écologiquement et d’un point de vue<br />

opérationnel (gestion facilitée). L’espace d’exploitation de la flottille concernée a été retenu.<br />

5.2.2. Etape 2 : création, composition, positionnement et<br />

reconnaissance des UEGC (pour <strong>une</strong> nouvelle<br />

gouvernance)<br />

Ce point renvoie à la construction de la plate-forme de concertation (§ 4.1). Qui doit prendre<br />

part au débat ? Comment organiser ce débat ?<br />

Le fonctionnement de l’UEGC nécessite un cadre institutionnel autonome permettant<br />

d’assurer la participation de différents acteurs au processus. L’utilisation d’<strong>une</strong> charte dont le<br />

respect serait subordonné à l’octroi du droit de <strong>pêche</strong> (PME) et du droit d’usage territorial<br />

dans <strong>une</strong> <strong>pêche</strong>rie donnée (licence ou arrêté dans le cas d’<strong>une</strong> aire marine protégée)<br />

permettrait d’intégrer les différents acteurs au sein du processus décisionnel et ainsi de<br />

faciliter le dialogue.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 57


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Une charte est un instrument juridique particulièrement adapté au besoin d’évolution des<br />

règles de gestion. Ce système pourrait être mis en œuvre de manière à faire évoluer les<br />

conditions d’accès et les règles de gestion en fonction des données scientifiques recueillies<br />

auprès des professionnels. D’un point de vue institutionnel, ce montage nécessite toutefois la<br />

création d’un « comité de gestion de l’UEGC », doté de la personnalité juridique (type<br />

association « loi 1901 »).<br />

5.2.3. Etape 3 : « valorisation » des produits ou de l’activité de<br />

<strong>pêche</strong> au sein de l’UEGC (analyse de marché et réorganisation<br />

de la filière)<br />

Quel marché, quel type de produit permettront de valoriser au mieux les produits issus d’<strong>une</strong><br />

<strong>pêche</strong> <strong>durable</strong> ? Comment réorganiser la filière pour permettre <strong>une</strong> valorisation maximale ?<br />

Si ce n’est pour répondre à un marché, à quoi doit répondre l’activité d’exploitation au sein de<br />

l’UEGC. L’organisation en UEGC doit permettre de développer <strong>une</strong> activité de <strong>pêche</strong> qui<br />

réponde aux enjeux d’aménagement des territoires littoraux et de maintien d’<strong>une</strong> activité<br />

traditionnelle à forte valeur patrimoniale.<br />

5.2.4. Etape 4 : ajustement des moyens d’exploitation au<br />

potentiel de production des ressources halieutiques et<br />

répartition de ces moyens (pour l’aménagement de la<br />

<strong>pêche</strong>rie)<br />

Quelles logiques d’exploitation (type et taille des bateaux, engin de <strong>pêche</strong> utilisé, etc.)<br />

permettront de débarquer le produit recherché ? Quelles doivent être les nouveaux objectifs<br />

d’<strong>une</strong> gestion <strong>durable</strong> des <strong>pêche</strong>ries : création d’emplois, de valeur, respect des écosystèmes ?<br />

Ces questions renvoient à la problématique de l’aménagement de la <strong>pêche</strong>rie (§ 2.3.2).<br />

Comment ajuster l’effort de <strong>pêche</strong> au niveau de l’UEGC ? Et par quelles mesures techniques ?<br />

La répartition de cet effort de <strong>pêche</strong> « <strong>durable</strong> » entre les bateaux de la <strong>pêche</strong>rie rend<br />

obligatoire la régulation de l’accès à l’UEGC.<br />

5.3. Analyse du « système halieutique »<br />

5.3.1. Méthode d’analyse<br />

L’UEGC doit cadrer au système halieutique (figure 1, § 2.2). Il faut identifier les différents<br />

acteurs de ce système (figure 12). Ces acteurs seront naturellement des parties prenantes dans<br />

<strong>une</strong> unité d’exploitation et de gestion concertées. On analyse à la fois le système halieutique<br />

en général (tous ceux qui participent à l’activité de <strong>pêche</strong>), ainsi que les systèmes<br />

d’exploitation (<strong>pêche</strong> et mareyage) qui mettent en contact le système halieutique à<br />

l’environnement et au marché, respectivement (cf problématique : § 2.2).<br />

L’analyse du système halieutique repose sur des enquêtes auprès de différents acteurs<br />

identifiés. En 2 heures de temps, la visite a permis de discuter avec l’interlocuteur de sa vision<br />

de la gestion des <strong>pêche</strong>s, et de l’avenir de la <strong>pêche</strong>. Dans un second temps, la discussion a<br />

porté sur la proposition du <strong>WWF</strong>. On doit comprendre les intérêts, motivations et blocages de<br />

chacun, l’objectif étant de trouver un « terrain d’entente » autour des grands thèmes de la<br />

gestion de la <strong>pêche</strong>rie.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 58


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Figure 12. Structure du système<br />

halieutique (l’activité de <strong>pêche</strong>) de<br />

production halieutique et niveaux<br />

d’analyse<br />

L’analyse de la <strong>pêche</strong> et du mareyage (via la rencontre de patrons <strong>pêche</strong>urs et de chefs<br />

d’entreprises de mareyage) repose sur la méthodologie de l’approche globale<br />

(BONNEVIALE et al., 1989). Importée de l’agriculture cette méthode permet de décrire <strong>une</strong><br />

exploitation, en la considérant comme un tout, un système, structuré et agissant sous des<br />

contraintes à la fois sociales, techniques et économiques. Les enquêtes sont orientées par<br />

l'objectif des unités d’exploitation et de gestion concertées proposées. L’interlocuteur est<br />

interrogé sur son échelle d’appartenance. A quel groupe social appartient-il ? Sur quelle zone<br />

de <strong>pêche</strong> inscrit-il son activité ? Il est également interrogé sur ses échanges avec les autres<br />

« acteurs », sur son implication personnelle dans des projets collectifs, sur l’état de la<br />

ressource et le niveau d’exploitation. Le questionnaire doit permettre de répondre à la<br />

question de la pertinence, et de l'intérêt (pour 1 patron <strong>pêche</strong>ur ou 1 mareyeur) de la création<br />

d’UEGC.<br />

Dans les deux cas, l’analyse repose donc sur des rencontres et des enquêtes.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 59


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

5.3.2. Rencontres et enquêtes (septembre 2004 – septembre 2006)<br />

Les « représentants » : acteurs de la gestion<br />

Cette catégorie regroupe les représentants professionnels, les scientifiques et les<br />

administrateurs des Affaires Maritimes. En se basant sur notre proposition de création des<br />

UEGC, les entretiens ont été analysés selon :<br />

- leur constat sur la <strong>pêche</strong>rie : ressource halieutique, statut économique de la flotte,<br />

solutions pour l’aménagement (sélectivité et « droit à cueillir ») ;<br />

- leur perception de la bonne échelle de gestion : groupe social d’appartenance, unité<br />

pertinente pour la gestion, partage de l’espace ;<br />

- la cohérence du groupe qu’ils représentent : sentiment d’être représentatif, vision<br />

de son propre rôle ;<br />

- leurs relations avec les autres « acteurs » : interactions (ententes, conflits),<br />

solutions envisagées, possibilités de co-gestion,<br />

- l’organisation de la filière qu’ils imaginent ;<br />

- leurs solutions pour l’aménagement de la <strong>pêche</strong>rie : sélectivité, modalités<br />

d’exploitation.<br />

Enquêtes auprès des mareyeurs<br />

Dans la filière, les mareyeurs sont les courroies de transmission de la <strong>pêche</strong> (cueillette) vers<br />

l’aval de la filière (transformation, distribution). Ils ont logiquement <strong>une</strong> expertise du marché,<br />

des débouchés actuels, et potentiels qui devraient donner des indications pour l’organisation<br />

de la filière. Une attention particulière était portée à la réponse à certaines questions (guide<br />

d’entretien, Annexe 5) :<br />

- leur « rayon d’action » et leur clientèle : zone couverte, type de clientèle (grandes<br />

et moyennes surfaces ou poissonnerie) ;<br />

- leurs relations avec les autres « acteurs » : relations avec les <strong>pêche</strong>urs et le comité<br />

local, régional ;<br />

- le produit recherché : fraîcheur, taille, type de <strong>pêche</strong>, traçabilité, intérêt et<br />

faisabilité des démarches collectives de valorisation.<br />

Enquêtes auprès des <strong>pêche</strong>urs<br />

Le traitement des enquêtes a permis d’ évaluer la proportion des <strong>pêche</strong>urs se positionnant sur<br />

certaines questions (Annexe 5):<br />

- le constat :état de la ressource, confiance dans le diagnostic scientifique ;<br />

- les pratiques et zones de <strong>pêche</strong> exploitées.<br />

- la vision de sa place dans le processus de gestion : sentiment d’être représenté,<br />

implication personnelle, besoin d’information ;<br />

- les relations avec les autres « acteurs » : interactions (ententes, conflits), solutions<br />

envisagées, possibilités de co-gestion,<br />

- la vision de l’évolution de l’aménagement de la <strong>pêche</strong>rie : partage de la ressource<br />

(« droit à cueillir »), limitation de l’accès, mesures techniques (type de bateaux,<br />

type d’engins, sélectivité).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 60


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

6. PREMIERE ETUDE DE CAS : L’EXPLOITATION DE LA<br />

LANGOUSTINE DANS LE GOLFE DE GASCOGNE<br />

6.1. Analyse de la <strong>pêche</strong>rie<br />

Pendant longtemps, les marins l'ont rejetée à la mer comme un produit sans valeur marchande.<br />

L'apparition de la langoustine sur les marchés des côtes bretonnes remonte au début du 20 ème<br />

siècle, sous l’impulsion des <strong>pêche</strong>urs bigoudens.<br />

Aujourd’hui, la langoustine est <strong>une</strong> espèce de premier plan pour la <strong>pêche</strong> française puisqu’elle<br />

représente un peu plus de 5% de la valeur des débarquements de <strong>pêche</strong> fraîche, soit près de 50<br />

millions d’euros par an (toutes zones confondues). Les débarquements sont déclarés en criée<br />

dans leur quasi-totalité (moins de 5% de hors-criée d’après l’OFIMER). En 2001, ils ont été<br />

estimés à 6 100 tonnes pour <strong>une</strong> valeur de 48 millions d’euros (OFIMER, 2002). Ils sont<br />

remontés depuis (quota pour 2005 : 7 700 tonnes).<br />

Les <strong>pêche</strong>urs français exploitent deux grandes zones : les vasières du Golfe de Gascogne<br />

(38% des débarquements) et la Mer Celtique (62% des débarquements). Près de 600 navires<br />

exploitent la langoustine au moins <strong>une</strong> partie de l’année (source : AGLIA). Parmi ces navires,<br />

230 (soit 38% de la flottille) exploitent la langoustine du Golfe de Gascogne.<br />

6.1.1. Eléments de biologie<br />

Figure 13. La langoustine (Nephrops norvegicus). Source :<br />

Wikipédia, Hans Hillewaert<br />

La langoustine (Nephrops norvegicus, figure 13) est<br />

présente dans l’Atlantique Nord-Est, de l’Islande<br />

jusqu’au sud du Portugal, en mer du Nord, ainsi qu’en<br />

Méditerranée. Elle vit sur des fonds de –15 à –800 m sur<br />

des substrats vaseux et sablo-vaseux.<br />

La langoustine est sédentaire. Elle vit dans un terrier creusé dans la vase. Elle le quitte durant<br />

les périodes de faible éclairement (aube et crépuscule) pour rechercher sa nourriture<br />

(polychètes, crustacés, mollusques et échinodermes). C’est pendant cette phase active que<br />

l’on peut la capturer en grande quantité. La croissance s’effectue par mues successives<br />

(changement de carapace).<br />

Les langoustines acquièrent la maturité sexuelle à <strong>une</strong> longueur d’environ 8 cm (soit aux<br />

environs de 3 ans). La période de ponte est étalée d’avril à août. Le nombre d’œufs croît avec<br />

la taille (en moyenne 650 œufs pour <strong>une</strong> femelle de 7 à 8 cm, 800 œufs à 9 cm, 4000 à 15<br />

cm). A l’éclosion les larves sont pélagiques pendant un mois et permettent <strong>une</strong> dispersion des<br />

individus. Mais auc<strong>une</strong> migration à grande échelle n’a été observée (MAYNOU et al., 1996).<br />

Après métamorphose, la petite langoustine gagne le fond.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 61


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

6.1.2. Etat de l’exploitation de la langoustine : historique et<br />

diagnostic<br />

Historique de l’exploitation de langoustine du Golfe de Gascogne<br />

Les débarquements de langoustines pêchées dans le Golfe de Gascogne ont globalement<br />

baissé ces dix dernières années. Ils sont passés de 6 000 tonnes en 1988, à 3 700 tonnes en<br />

2002 et 3835 tonnes en 2003. L’année 2000 a enregistré un minimum de 3 000 tonnes (source<br />

CCGP : Comité Consultatif pour la Gestion des Pêches du CIEM, 2004).<br />

Avec le remplacement progressif du chalut simple par les chaluts jumeaux, l’apparition du<br />

bourrelet renforcé (« diabolo ») permettant l’exploitation des fonds plus accidentés, et enfin la<br />

généralisation du GPS permettant un gain de précision dans les plans de <strong>pêche</strong>, les bateaux<br />

sont devenus de plus en plus performants dans la période de 1995 à 2000. Mais, en parallèle,<br />

alors que 300 navires exploitaient la langoustine du Golfe en 1987, ils ne sont plus que 230<br />

aujourd’hui. Le nombre d’heures de <strong>pêche</strong> de la flottille a été diminué par 2 depuis 1990.<br />

Globalement, l’effort de <strong>pêche</strong> et la mortalité par <strong>pêche</strong> (qui y est associée) ont diminué lors<br />

des dernières années.<br />

Ainsi, les rendements commerciaux annuels récents (depuis 2000) sont relativement stables<br />

(IFREMER, 2005). Ils indiqueraient <strong>une</strong> stabilisation de la biomasse de langoustine. Le<br />

recrutement (arrivée de nouvelles générations) a suivi les mêmes évolutions.<br />

Diagnostic et recommandations de gestion<br />

L’amélioration de la sélectivité des chaluts<br />

La sélectivité est l’enjeu majeur pour cette <strong>pêche</strong>rie. La <strong>pêche</strong>rie considérée est <strong>une</strong> <strong>pêche</strong>rie<br />

mixte merlu-langoustine. Or le stock de merlus doit déjà supporter des taux d’exploitation<br />

élevés. La sélectivité des chaluts vis-à-vis des merlus doit donc être améliorée.. D’autre part,<br />

les chiffres disponibles (IFREMER) montrent que les rejets de langoustine hors-taille<br />

représentent 60% des captures en nombre (figure 14), soit 33% en poids, soit 1900 tonnes<br />

rejetées pour 3800 tonnes débarquées. Seules 30% des langoustines rejetées survivent.<br />

effectifs<br />

120<br />

100<br />

80<br />

60<br />

40<br />

20<br />

0<br />

débarquements<br />

rejets<br />

captures<br />

5 7 8 10 12 13 15 17<br />

longueur en cm.<br />

Figure 14. Débarquements et<br />

rejets de langoustine du Golfe<br />

selon la classe de taille (taille<br />

légale : 8,5 cm ; source :<br />

IFREMER).<br />

« Tout dispositif sélectif ou modification des pratiques de <strong>pêche</strong> susceptible de conduire à <strong>une</strong><br />

diminution des captures de petites langoustines doit être encouragé » (CCGP, 2003), comme<br />

par exemple, l’installation de grilles sélectives dans les chaluts ou l’évitement des zones à<br />

forte densité de petites langoustines.<br />

Conscient de ce problème, les professionnels se sont engagés en 2002 (via le CNPMEM) dans<br />

un programme d’Amélioration de la Sélectivité des Chaluts du Golfe de Gascogne<br />

(ASCGG).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 62


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

La limitation des débarquements<br />

Cette limitation a pour but de conserver <strong>une</strong> biomasse stable et donc de préserver les capacités<br />

productives du stock. <strong>Pour</strong> 2006, le quota a été relevé de 2900 tonnes (en 2005) à 3500 tonnes<br />

(soit + 30%).<br />

Zones de <strong>pêche</strong>s (figure 15)<br />

6.1.3. Les caractéristiques de l’exploitation de la langoustine du<br />

Golfe de Gascogne<br />

La langoustine est pêchée au chalut de fond (jumeau pour la majorité) à <strong>une</strong> profondeur d’<strong>une</strong><br />

centaine de mètres par <strong>une</strong> flottille d’environ 230 bateaux français en 2004, qui pêchait<br />

chacun plus de 2 tonnes (d’autres bateaux <strong>pêche</strong>nt moins de 2 tonnes).<br />

Structure de la flotte : <strong>une</strong> flotte chalutière spécialisée<br />

Figure 15. Carte des zones<br />

d’exploitation de la langoustine<br />

(1,2,3) ; et principaux ports<br />

langoustiniers du Golfe de<br />

Gascogne.<br />

Zone 1 (autour des îles de<br />

Glénan) : Ports bigoudens (Saint<br />

Guénolé, Le Guilvinec, Lesconil et<br />

Loctudy) et Concarneau.<br />

Zone 2 (au large de Groix et de<br />

Belle-Île) : Concarneau, Lorient et<br />

quartier maritime de Saint-Nazaire<br />

(Le Croisic, La Turballe).<br />

Zone 3 (vasières de l’Ile d’Yeu, de<br />

Rochebonne et de la Gironde) : Le<br />

Croisic, Les Sables d’Olonne, La<br />

Rochelle et La Cotinière.<br />

En 2000, la flottille a réalisé 65% de son activité annuelle globale sur la langoustine du<br />

Golfe (SIH, 2001). Ce chiffre est calculé à partir du nombre de marées (sorties en mer)<br />

destinées à la capture de langoustine. Mais, à chac<strong>une</strong> de ses marées, le patron peut rechercher<br />

d’autres espèces (merlu ou lieu par exemple). L’activité « langoustine » pour la flotte est donc<br />

probablement inférieure à ce chiffre. Le bateau type est un chalutier de 15 m de long pour 235<br />

kW, âgé de 19 ans. En moyenne, l’équipage est constitué de 3 hommes. Ces chiffres cachent<br />

de fortes disparités puisque la flottille comprend à la fois des navires de moins de 12 mètres et<br />

des bateaux de taille supérieure à 20 mètres (tableau 1).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 63


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Tableau 1.Classes de longueur des navires exploitant la langoustine du Golfe (source : SIH-IFREMER, 2001)<br />

Classes de longueur<br />

Nombre<br />

navires<br />

de<br />

Classes d’effectifs embarqués Nombre de navires<br />

moins de 12 m 35 Inf. ou égal à 2 hommes 50<br />

12 –16 m 129 2 – 3 hommes 74<br />

16 – 20 m 62 3 – 5 hommes 96<br />

plus de 20 m 3 plus de 5 hommes 9<br />

<strong>Pour</strong> 63% des navires (région Bretagne principalement), la langoustine a représenté 6 à 12<br />

mois d’activité (figure 17). Les activités connexes des navires pêchant la langoustine sont<br />

essentiellement du chalutage (figure 16).<br />

chalut<br />

pélagique<br />

9%<br />

chalut de<br />

fond<br />

22%<br />

casier à<br />

langoustine<br />

0,3%<br />

drague<br />

4%<br />

filets<br />

1%<br />

chalut à<br />

langoustine<br />

64%<br />

Figure 16. Répartition du temps total d’activité de<br />

la flottille à l’exercice de métiers (source : SIH –<br />

IFREMER, 2001).<br />

Nombre de navires<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 64<br />

140<br />

120<br />

100<br />

80<br />

60<br />

40<br />

20<br />

0<br />

[0-3] ]3-6] ]6-9] ]9-12]<br />

Mois d'activité langoustine<br />

Figure 17. Importance de l’activité langoustine selon les<br />

navires (source : SIH – IFREMER, 2001).<br />

Les navires composent donc <strong>une</strong> flottille chalutière, très fortement spécialisée dans la capture<br />

de la langoustine.<br />

La flotte a bénéficié du soutien des subventions offertes par les politiques publiques de<br />

développement du secteur. Environ 15% pour les bateaux de 10 à 16 m, et environ 25% pour<br />

les bateaux allant de 16 à 25 m (TROADEC et BONCOEUR, 2003). Les investissements<br />

matériels sont très lourds. Le capital investi par homme employé est estimé en moyenne à 100<br />

k€, comparable à celui calculé dans l’industrie des biens intermédiaires (présentation de<br />

l’IFREMER au Défi Golfe de Gascogne, 2004).<br />

Importance socio-économique de l’exploitation<br />

L’exploitation de la Langoustine du Golfe est <strong>une</strong> activité de premier plan pour de nombreux<br />

quartiers maritimes de la façade atlantique (tableau 2).<br />

Une analyse par port (LEN-CORRAIL, 1998) montre <strong>une</strong> forte dépendance de certaines<br />

criées aux débarquements de langoustines pêchées dans le Golfe de Gascogne. Les ports de<br />

Bretagne Sud sont logiquement les plus dépendants. Par exemple, la part de la langoustine du<br />

Golfe dans le chiffre d’affaire global de la criée de Lesconil (quartier maritime du Guilvinec)<br />

atteignait 60 à 70 % en 2001 (20% pour Le Croisic). <strong>Pour</strong> de nombreuses criées, l’évolution<br />

des débarquements de cette espèce reste un élément important de l’équilibre financier du port.<br />

Cette exploitation a donc aussi un rôle en terme d’aménagement et de dynamique du territoire<br />

littoral.


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Tableau 2. Poids relatif de l’activité Langoustine du Golfe pour les différents quartiers maritimes (source : SIH-<br />

IFREMER, 2001). L’activité totale (toutes espèces confondues) des 230 navires de la flotte a généré en 2000 un<br />

chiffre d’affaire total estimé à 75 M€. La part de la langoustine dans ce chiffre est estimé à 39% (30 M€).<br />

Quartier<br />

Total<br />

navires du<br />

quartier<br />

Nb de navires<br />

Langoustine<br />

du Golfe<br />

Chiffre<br />

d’affaires<br />

Langoustine<br />

du Golfe<br />

(MF)<br />

Chiffre<br />

d’affaires<br />

total flotte<br />

(MF)<br />

Déb.<br />

Langoustine<br />

du Golfe<br />

(tonnes)<br />

Guilvinec 353 79 81 133 1419 61%<br />

Lorient 145 44 47 121 927 39%<br />

Concarneau 180 21 19 37 343 52%<br />

Saint-Nazaire 216 18 15 54 245 28%<br />

Oléron 70 17 9 34 168 26%<br />

Les Sables 220 16 7 41 123 17%<br />

La Rochelle 146 8 4 15 49 29%<br />

Auray 127 7 4 13 77 28%<br />

Total<br />

(15 quartiers)<br />

229 194 492 3474 39%<br />

Part<br />

Langoustine<br />

dans CA<br />

flotte<br />

On estimait en 2001 à plus de 1100 emplois l’activité générée par la <strong>pêche</strong>rie française de<br />

langoustine du Golfe de Gascogne (DESCAMPS, 2004). Ces emplois se répartissent entre :<br />

- environ 350 à 375 emplois à plein temps de marins <strong>pêche</strong>urs (Equivalent Temps<br />

Plein, ETP),<br />

- 320 à 330 emplois ETP directement liés à cette <strong>pêche</strong>rie, dans les structures<br />

portuaires,<br />

- 475 à 500 emplois dans l’économie de proximité (services, commerces).<br />

Une importance inégale selon les régions<br />

La flottille langoustinière est présente dans 15 quartiers maritimes du littoral Atlantique mais<br />

l’exploitation ne revêt pas la même importance selon les régions (tableau 3). On observe en<br />

effet <strong>une</strong> nette prédominance de la Bretagne Sud.<br />

Cette région concentre à elle seule 68% de la flotte capturant la langoustine dans le Golfe et<br />

64% des emplois directs associés à cette activité (tableau 3). Le Guilvinec recense 34% des<br />

navires, Lorient, 19%, et Concarneau, 9% (IFREMER, 2002).<br />

Ces quartiers se distinguent donc par des niveaux de spécialisation particulièrement élevés.<br />

Plus largement, ce sont les quartiers les plus importants au plan national pour les<br />

débarquements de langoustine toutes zones confondues (Golfe de Gascogne, Mer Celtique et<br />

Mer d’Irlande).<br />

Tableau 3. Estimation de la répartition moyenne des quantités capturées par région (Source : Fédération<br />

bretonne de la Coopération Maritime et LEN-CORRAIL, calculé d'après données DPMA).<br />

Régions % de Langoustine du Golfe de Gascogne<br />

Bretagne 75-78%<br />

Pays de la Loire 12-14%<br />

Poitou-Charentes 8-10%<br />

Aquitaine


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Variations saisonnières de l’exploitation<br />

L’activité est marquée par des variations saisonnières (figure 18). Au total, 70% des<br />

débarquements de langoustine du Golfe sont concentrés 4 mois de l’année, entre mai et août.<br />

700<br />

600<br />

500<br />

400<br />

300<br />

200<br />

100<br />

0<br />

Navires actifs Déb langoustine (tonnes)<br />

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12<br />

Mois<br />

Figure 18. Variations saisonnières de l’activité<br />

langoustine (source : SIH-IFREMER, 2001).<br />

Figure 19. Variations saisonnières de productivité et<br />

prix au débarquement (source : SIH-IFREMER, 2001).<br />

Les prix (figure 19) varient en sens inverse des débarquements. Logiquement, plus il y a de<br />

langoustines débarquées, plus leur prix baisse. En plus, la langoustine est culturellement un<br />

plat de fêtes. Les prix sont donc maximums en fin d’année, quand les débarquements sont,<br />

eux, minimums.<br />

Deux raisons expliquent le niveau des débarquements en fin d’année. D’abord, la langoustine<br />

reste dans son terrier et se <strong>pêche</strong> donc moins facilement (même si l’on peut faire de très<br />

bonnes marées en hiver). Mais les flottilles ont aussi presque épuisé leur quota (ce qui est<br />

arrivé à la fin de l’année 2005).<br />

6.1.4. Le marché de la langoustine (source : OFIMER, 2004)<br />

Au niveau mondial, la production de langoustine s’élève à 62 000 tonnes en 1999, d’après la<br />

FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation). C’est <strong>une</strong> production<br />

spécifiquement européenne (réalisée à 95 % par des pays de l’Union). Le Royaume-Uni, et<br />

tout particulièrement l’Ecosse, a fourni en 1999 plus de la moitié de la production de<br />

langoustines. L’Irlande, puis la <strong>France</strong>, arrivent derrière. Les échanges de langoustines sont<br />

essentiellement intra-communautaires. Ils portent sur la moitié de la production : 30 000<br />

tonnes pour <strong>une</strong> valeur de 300 millions d’euros en 2000 (OFIMER, 2004). En 2000, les deux<br />

tiers de ces échanges ont porté sur de la langoustine congelée, contre un tiers pour la<br />

langoustine fraîche (10 000 tonnes), mais la part des langoustines fraîches est en<br />

augmentation régulière.<br />

Alors que les débarquements nationaux affichent <strong>une</strong> baisse tendancielle de 6% par an en<br />

moyenne depuis dix ans, les importations sont en hausse de 2% par an. Ainsi, le bilan du<br />

commerce extérieur fait apparaître un solde fortement déficitaire (350 MF au total en 1998).<br />

La différence de prix seule n’explique pas cette tendance. La langoustine de casier en<br />

provenance d’Ecosse, traitée individuellement est achetée à prix fort (15-17 €/kg par un<br />

grossiste breton) alors que le prix de vente de la langoustine de chalut du Golfe de Gascogne<br />

s’établit à environ 8€/kg. Il existe donc un créneau de marché lucratif pour des très<br />

grosses langoustines vivantes.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 66<br />

en tonnes/navire<br />

3,5<br />

3<br />

2,5<br />

2<br />

1,5<br />

1<br />

0,5<br />

0<br />

Déb / navire Prix langoustine<br />

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12<br />

70<br />

60<br />

50<br />

40<br />

30<br />

20<br />

10<br />

0<br />

prix en F/kg


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Au niveau national, ce sont les OP (organisations de producteurs) qui sont responsables de la<br />

première mise sur le marché. La distribution de la langoustine fraîche (vivante) est<br />

caractérisée par l’importance des circuits traditionnels (poissonneries). En effet, la part de<br />

marché des Grandes et Moyennes Surfaces (GMS) n’est que de 51% alors qu’elle atteint 64%<br />

pour l’ensemble des produits aquatiques frais.<br />

Cette distribution est très régionale (grand ouest). Produit à connotation traditionnelle<br />

(l’acheteur type est un retraité), près de 8% des ménages français achètent de la langoustine<br />

vivante, mais ce taux de pénétration est en recul depuis 1996. On observe <strong>une</strong> grande disparité<br />

régionale (les habitants de la région Ouest mangent 4 fois plus de langoustine que la moyenne<br />

nationale). La langoustine souffre de sa très grande fragilité quand elle est commercialisée<br />

vivante et reste mal connue en dehors de sa zone de production.<br />

Des essais de conditionnement sont actuellement en cours pour conserver la langoustine<br />

vivante et la transporter sur l’ensemble du territoire français. En raison d’un prix élevé et<br />

d’<strong>une</strong> saisonnalité marquée des débarquements, elle est fortement concurrencée par la crevette<br />

cuite dont les approvisionnements par l’élevage sont plus réguliers et dont la durée de<br />

conservation sur étal est plus longue. Afin de pouvoir fournir de nouveaux marchés en<br />

langoustines de qualité pêchées dans le Golfe de Gascogne (Ile de <strong>France</strong>, ou autres grandes<br />

métropoles françaises), des évolutions techniques et organisationnelles sont donc à mettre en<br />

place tout au long de la filière.<br />

La consommation nationale apparente est de l’ordre de 14 000 à 15 000 tonnes par an, avec<br />

<strong>une</strong> tendance à la baisse de 2% par an en moyenne depuis dix ans. Elle a lieu principalement<br />

en été, et au moment des fêtes de fin d’année.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 67


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

6.1.5. Gestion de la <strong>pêche</strong>rie<br />

Située en moyenne à 50 miles nautiques des côtes françaises, la <strong>pêche</strong>rie de langoustine du<br />

Golfe de Gascogne se situe dans les eaux communautaires (200 mn).<br />

<strong>Pour</strong> présenter les structures et outils organisant la gestion de la <strong>pêche</strong>rie, on peut reprendre la<br />

distinction selon les mesures techniques et les mesures de régulation de l’accès (cf figure 2, §<br />

2.3.2).<br />

La définition des mesures techniques : conservation de la capacité productive et reproductive<br />

du stock de langoustine du Golfe de Gascogne<br />

Sélectivité des captures : maillage réglementaire et dispositifs sélectifs<br />

Au 1 er janvier 2000, la Commission Européenne a fixé à 70 mm le maillage des chaluts à<br />

langoustines dans le Golfe de Gascogne (sauf dans le box merlu où il est de 100 mm). La<br />

taille minimale de captures pour la Communauté Européenne est de 7 cm, et 9 cm pour les<br />

professionnels français (depuis octobre 2005).<br />

En 2005, suite à un programme d’amélioration de la sélectivité des chaluts, un panneau de<br />

mailles carrées permettant de réduire de 25 à 30% les rejets de merlu a été adopté sur chaque<br />

chalutier langoustinier du Golfe de Gascogne (Annexe 6). Une grille à langoustine avait<br />

également été testée à cette occasion. Dans la continuité, un programme « sélectivité » a vu le<br />

jour en 2006. Si les résultats des différents tests de la grille sont concluants, la grille devrait<br />

être rendu obligatoire 2008. L’adoption de ces dispositifs est décidée par la commission<br />

« langoustine » du Comité National des Pêches Maritimes et Elevages Marins (CNPMEM).<br />

Limitation de la capture totale : TAC et quotas<br />

Un système de Taux Admissible de Captures (TAC) a été instauré en 1987 par la Commission<br />

Européenne. Le TAC annuel est de 3500 tonnes pour l’année 2006. Il est partagé entre<br />

l’Espagne (pour 6%) et la <strong>France</strong> (pour 94%), lors du Conseil des Ministres. On peut donc<br />

considérer la <strong>pêche</strong>rie comme franco-française.<br />

La régulation de l’accès : répartition de l’activité d’exploitation<br />

Détermination de la part de chaque armement : le rôle des Organisations de<br />

Producteurs (OP) dans la gestion des quotas<br />

5 OP se partagent le quota français de langoustine du Golfe de Gascogne (OPOB, FROM<br />

Bretagne, PROMA, SOCOSAMA, et l’OP de La Cotinière). Elles sont responsables de la part<br />

de quota qui leur est allouée. Elles sont aussi responsables de la première mise sur le marché<br />

des langoustines débarquées.<br />

Elles sont libres d’organiser l’étalement du quota le long de l’année. PROMA a ainsi épuisé<br />

son quota de langoustine en octobre 2005. Ces structures collaborent peu entre elles. Elles<br />

sont également libres de l’usage de leur quota. Elles peuvent ainsi choisir que leur part est un<br />

pot commun, vide lorsque le quota est atteint. Elles peuvent aussi choisir de le répartir entre<br />

les différents bateaux.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 68


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Sélection des armements : Permis de Mise en Exploitation (PME) et<br />

attribution des licences aux armements et<br />

Le PME est l’autorisation pour un bateau de pratiquer la <strong>pêche</strong> professionnelle. Il constitue de<br />

fait un « droit à cueillir » et est logiquement la première barrière à l’accès à la <strong>pêche</strong>rie de<br />

langoustine. Il est distribué via le Comité Régional de Modernisation de la Flotte<br />

(COREMODE, cf figure 8, § 2.2.2).<br />

La commission « langoustine » du CNPMEM réunit tous les représentants professionnels de<br />

la façade, concernés par cette exploitation. L’obtention de la licence est conditionnée par <strong>une</strong><br />

limite en longueur des navires (22,5 m), et, pour l’année 2005, à l’adoption du dispositif<br />

sélectif pour le merlu (mailles carrées). En 2005, c’est le règlement TAC&Quotas de la<br />

Commission Européenne qui a imposé le dispositif sur le Golfe de Gascogne. <strong>Pour</strong> l’année<br />

2006, cette disposition a de même été rendue obligatoire par le règlement TAC&Quotas de fin<br />

d’année 2005.<br />

Les comités régionaux des <strong>pêche</strong>s (CRPMEM) peuvent renforcer les conditions fixées par la<br />

commission « langoustine ». Ainsi le comité Bretagne possède sa propre commission<br />

« langoustine » qui peut proposer des mesures plus contraignantes.<br />

228 licences pour la langoustine du Golfe de Gascogne ont été attribué en octobre 2004 aux<br />

chalutiers ayant pêché individuellement au moins 2 tonnes.<br />

Figure 20. Schéma de fonctionnement de la gestion de la <strong>pêche</strong>rie de langoustine du Golfe de Gascogne.<br />

PROMA, le FROM Nord, l’OPPOB, la SOCOSAMA, et L’OP de La Cotinière sont les quatre OP qui possèdent<br />

un quota pour la langoustine du Golfe de Gascogne.<br />

La gestion actuelle de la <strong>pêche</strong>rie (figure 20) couple donc <strong>une</strong> gestion par l’effort (assurée<br />

par la Commission Européenne et les comités des <strong>pêche</strong>s) et <strong>une</strong> gestion par la quantité<br />

(assurée par la Commission Européenne et les organisations de producteurs).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 69


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

6.2. Opinions des acteurs socioprofessionnelles sur la <strong>pêche</strong>rie et mise<br />

en perspective par rapport à la proposition des UEGC<br />

6.2.1. Rencontres et enquêtes<br />

Les « représentants » : acteurs de la gestion<br />

Un travail de terrain de 6 mois a permis de rencontrer la quasi-totalité des représentants<br />

professionnels (CRP, CLP et OP, soit 15 entretiens) des 3 principales régions concernées par<br />

la <strong>pêche</strong>rie de Langoustine du Golfe de Gascogne : Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-<br />

Charente. D’autre part, tous les scientifiques travaillant sur le sujet ont également été<br />

rencontrés (soit 5 entretiens).<br />

Enquêtes auprès des patrons-<strong>pêche</strong>urs<br />

21 enquêtes auprès des patrons <strong>pêche</strong>urs ont été réalisées pendant les 6 mois de « terrain »,<br />

soit un peu moins de 10% des patrons ayant le PPS pour la langoustine Golfe de Gascogne<br />

(228 PPS distribués en 2004). En suivant la répartition de l’activité par quartier maritime<br />

(tableau 2, § 6.1.3), l’effort d’échantillonnage a été alloué de façon proportionnel. Ainsi, 8<br />

enquêtes ont été réalisées dans le quartier du Guilvinec ; 2 sur Concarneau ; 3 sur Lorient ; 2<br />

sur Le Croisic (quartier de Saint-Nazaire) ; 4 sur les Sables d’Olonne ; et enfin 2 au port de La<br />

Cotinière (île d’Oléron).<br />

Enquêtes auprès des mareyeurs<br />

Le marché influe logiquement sur l’exploitation. On a donc rencontré 8 mareyeurs de la<br />

façade atlantique. Ce nombre est faible et cette sélection ne constitue pas un échantillon<br />

représentatif. Mais les enquêtes devaient permettre d’avoir un éclairage des aspects du marché<br />

de la langoustine vivante. En environ 1 heure, on a pu aborder les différentes questions du<br />

guide d’entretien (Annexe 5).<br />

L’administration des Affaires Maritimes<br />

Seul 1 représentant de l’administration des Affaires Maritimes a été rencontré, ce qui est bien<br />

sûr largement insuffisant pour en retirer <strong>une</strong> quelconque interprétation. Néanmoins, les<br />

Affaires Maritimes sont souvent écartées du débat par les autres acteurs, eux-mêmes. De<br />

l’avis des professionnels, ils sont légalistes et ne font qu’appliquer la loi, avec plus ou moins<br />

de tolérance. Comme souvent dans la <strong>pêche</strong>, les relations avec l’administration des Affaires<br />

Maritimes sont en grande partie conditionnées par les rapports humains avec le représentant<br />

de l’administration, jugé en fonction de sa sensibilité à la <strong>pêche</strong> professionnelle. « La<br />

présence dans les ports français d’<strong>une</strong> administration d’Etat et de la mer, redoutant parmi<br />

tout la détérioration du climat social chez les <strong>pêche</strong>urs, peut même être considérée en <strong>France</strong><br />

comme un facteur de flexibilisation plutôt que d’application rigide de la règle<br />

communautaire » (LEQUESNE, 2001). Ce qui va à l’encontre d’un contrôle homogène et<br />

strict, tel qu’il est requis pour la création des UEGC.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 70


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Les responsables politiques<br />

Seul 1 élu politique a été rencontré, au niveau régional. Compte tenu du rôle essentiel des<br />

politiques dans le processus de gestion, ce manque est bien sûr critiquable. Mais l’analyse<br />

réalisée doit justement permettre de préciser le cadre d’action et la responsabilité des élus.<br />

6.2.2. Les ONG et le « monde de la <strong>pêche</strong> » : éclairage sur la<br />

place du <strong>WWF</strong><br />

Il est intéressant d’analyser la perception qu’ont les personnes d’un acteur extérieur au monde<br />

de la <strong>pêche</strong> française, traditionnellement fermé. De manière générale, les représentants des<br />

professionnels sont surpris qu’<strong>une</strong> telle démarche (c’est à dire un projet pour <strong>une</strong> gestion<br />

décentralisée la <strong>pêche</strong> professionnelle) soit entreprise par <strong>une</strong> ONG environnementaliste,<br />

d’autre part caractérisée de « multinationale de l’écologie généraliste » dans la presse<br />

spécialisée (Le Marin, 24 juin 2005). <strong>Pour</strong> la plupart, ils n’ont jamais rencontré de<br />

représentants de tels ONG et s’inscrivent ouvertement dans <strong>une</strong> logique d’opposition. Mais ils<br />

sont rassurés sur l’intention du travail et ont adhéré pleinement à la méthode employée<br />

(rencontre des représentants, des patrons <strong>pêche</strong>urs et embarquements). En revanche,<br />

l’interlocuteur a remis presque systématiquement en doute la portée de ce travail au sein du<br />

réseau du <strong>WWF</strong>. La remarque récurrente est : « avec vous, OK, on peut discuter. Mais ce<br />

n’est pas vous qui aurez la parole. Ce seront des extrémistes, des fondamentalistes. »<br />

Du côté des scientifiques, si certains ne comprennent pas (voire n’acceptent pas) la venue du<br />

<strong>WWF</strong> dans le sujet de la gestion des <strong>pêche</strong>s, d’autres pensent au contraire qu’un regard<br />

extérieur (perçu comme celui de la société civile) peut être utile, voire débloquer le statu<br />

quo actuel. Tous les représentants rencontrés reconnaissent au <strong>WWF</strong> <strong>une</strong> capacité de<br />

communication (en particulier vers le grand public) et <strong>une</strong> audience qu’ils considèrent euxmêmes<br />

ne pas avoir. Cette reconnaissance est évidemment la première raison pour laquelle ils<br />

manifestent de l’intérêt pour la démarche.<br />

Les patrons, habitués des enquêtes, étaient eux aussi très surpris qu’<strong>une</strong> telle démarche<br />

soit entreprise par <strong>une</strong> ONG environnementaliste, représentant donc les « écolos ».<br />

Contrairement aux idées reçues, nombre de patrons comprenaient bien la place de l’écologie<br />

dans le débat. Certains y étaient même très sensibles. Ils ne demandaient qu’<strong>une</strong><br />

compréhension en retour des contraintes et réalités de leur activité. Ils remarquaient avant<br />

tout la présence sur le « terrain », passage nécessaire pour l’acceptation de l’étude.<br />

Précisant les embarquements réalisés, les patrons approuvaient la démarche. Ainsi des patrons<br />

de Lorient rappelaient l’attitude constructive et pragmatique de l’association de défense de<br />

l’environnement « les robins des bois » lors de l’épisode de l’interdiction des filets maillants<br />

dérivants (1994), qui a <strong>durable</strong>ment marqué la profession : « les seuls à avoir embarqués » (et<br />

à les avoir soutenus).Ils ont gagné le respect de la profession.<br />

Ainsi tous les interlocuteurs ont approuvé la démarche mais leurs avis sur l’objectif de la<br />

démarche entreprise sont partagés. Certains critiquent l’objectif même, en mettant en cause la<br />

légitimité du <strong>WWF</strong> à entreprendre un tel travail. L’interlocuteur conseille alors un autre<br />

positionnement que le <strong>WWF</strong> devrait avoir. D’autres encore, approuvent l’objectif et<br />

conseillent un positionnement particulier, ce qui ressemble parfois à <strong>une</strong> tentative de<br />

récupération. Enfin, d’autres approuvent la démarche et ne formulent aucun conseil. « Nous<br />

n’avons pas forcément raison. Faites votre travail. »<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 71


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

6.2.3. La nécessité d’un constat commun<br />

Le constat fait sur le marché de la langoustine<br />

Le constat fait par les acteurs de la gestion<br />

A part pour les responsables d’OP (responsables de la mise sur le marché des produits (§<br />

2.2.2), le marché est souvent absent des discussions. Au mieux, il est discuté dans un second<br />

temps : <strong>une</strong> bonne gestion étant <strong>une</strong> condition préalable et indépassable.<br />

Toutes les réunions et colloques abordant la question de la gestion des <strong>pêche</strong>s en <strong>France</strong><br />

réunissent les représentants professionnels (représentant avant tout l’intérêt des <strong>pêche</strong>urs et<br />

non des mareyeurs), les scientifiques, l’administration et les élus autour de questions<br />

techniques et administratives. Aucun représentant du mareyage n’est jamais présent lors de<br />

ces " grandes messes ". A l’échelon local, les permanents des CLPMEM et CRPMEM<br />

précisent que les mareyeurs sont invités à chaque réunion mais qu’ils ne se déplacent jamais.<br />

Les mareyeurs répondent que les questions abordées en comité ne touchent jamais au marché.<br />

Mais des évolutions sont en cours. Les professionnels de l’association bigoudène « Pesca<br />

Cornouaille » ont ainsi commandé <strong>une</strong> étude du marché de la langoustine vivante (OCEANIC<br />

DEVELOPPEMENT, 2005).<br />

Le constat fait par les mareyeurs<br />

La plupart des mareyeurs rencontrés s’interrogent aussi sur l’état d’<strong>une</strong> ressource, dont ils<br />

dépendent. Certains font également remarquer le déclin de l’activité, renforcés dans leur<br />

jugement par la consommation très traditionnelle et vieillissante de la langoustine vivante.<br />

Mais pour l’approvisionnement tous produits confondus, ils s’inquiètent au regard d’apports<br />

de moins en moins bonne qualité (taille et état des produits).<br />

Le constat sur le niveau d’exploitation de la langoustine :<br />

Le constat des « acteurs » : scientifiques et représentants professionnels<br />

Côté scientifique, le diagnostic a radicalement changé entre 2003 et 2005. Les avis du groupe<br />

de travail du CCGP (§ 6.1.2, AFCM en anglais) changent profondément entre 2003 et 2005<br />

(figure 21). Alors qu’en 2003, on constatait <strong>une</strong> baisse des débarquements depuis 20 ans, on<br />

note en 2005 <strong>une</strong> stabilisation sur les dernières années. Si on notait <strong>une</strong> baisse régulière de la<br />

biomasse totale depuis 20 ans en 2003, on précise en 2005 que la biomasse des géniteurs a<br />

presque retrouvé son niveau historique (1987). De même, alors qu’on diagnostiquait <strong>une</strong><br />

baisse régulière du recrutement en 2003, le groupe d’experts précise en 2005 que les<br />

estimations du recrutement sont très incertaines (du fait de l’incertitude sur les rejets).<br />

La priorité pour la <strong>pêche</strong>rie reste l’amélioration de la sélectivité intra-spécifique<br />

(échappement des juvéniles de langoustine). Les rejets représentent 60% des captures en<br />

nombre. Mais l’amélioration de la sélectivité engendrée par la future adaptation de la grille est<br />

jugée insuffisante par les scientifiques (l’écartement des barreaux devrait être encore<br />

augmenté). Il y a surexploitation du stock (les navires prospectent dans des zones accidentées,<br />

autrefois inexploitées, capturant des individus plus petits en moyenne).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 72


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Figure 21. Comparaison des évaluations de recrutement entre les années 2004 et 2005, pour le groupe de travail<br />

de l’AFCM.<br />

1 200 millions<br />

1 000 millions<br />

800 millions<br />

600 millions<br />

400 millions<br />

200 millions<br />

0 millions<br />

comparaison des évaluations / estimations du recrutement lors des deux derniers<br />

groupes de travail CIEM/ACFM<br />

1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004<br />

WG2004 WG2005<br />

Côté professionnel, le constat est globalement partagé par les représentants. La plupart (en<br />

fait tous ceux impliqués dans le programme ASCGG, § 6.1.2) reconnaissent le diagnostic<br />

scientifique. Ils pensent en effet que les flottilles ont trop pêché avant 2000. Mais ils pensent<br />

que la généralisation des dispositifs sélectifs à la flottille (mailles carrées et grille à<br />

langoustine) va permettre au stock de se reconstituer.<br />

Le constat des patrons-<strong>pêche</strong>urs sur le niveau d’exploitation<br />

La plupart des patrons rencontrés nient <strong>une</strong> surexploitation de la ressource en langoustine<br />

(60%). Selon eux, son abondance est cyclique (ce qui est d’ailleurs en lien avec la forte<br />

variabilité du recrutement). La langoustine vit dans un petit espace, inféodé à son terrier. Elle<br />

n’est capturable que lorsqu’elle est hors de son terrier. Ainsi, de nombreux patrons ont<br />

observé que, en quelques heures d’intervalle, un trait de chalut passé sur la même zone<br />

pouvait avoir <strong>une</strong> réussite radicalement différente. Se fondant sur ces observations, ils doutent<br />

qu’<strong>une</strong> évaluation précise du stock soit possible.<br />

Certains (15%) pensent même que les zones exploitées « donnent » plus que les zones<br />

vierges, comparant en cela cette <strong>pêche</strong> à un terrain cultivé qu’il conviendrait de " labourer ".<br />

Et, en effet, on se demande si le passage des chaluts sur le fond ne remet pas en suspension<br />

des éléments, vers polychètes et mollusques constituant le régime alimentaire de la<br />

langoustine, stimulant ainsi la croissance de la population (Le Loch, IRD, com. pers.). Les<br />

passages réguliers des chaluts semblent avoir modifié la structure de l’écosystème. Il semble<br />

qu’on soit passé à un nouvel équilibre (moins riche en biodiversité) qu’on pourrait caractériser<br />

comme celui d’un « écosystème chaluté ».<br />

Mais d’autres (25% de l’ensemble des patrons) pensent que l’extension de l’activité à des<br />

fonds accidentés, autrefois non exploités, ainsi que la diminution globale de la taille des<br />

captures indiquent <strong>une</strong> situation de surexploitation. Il s’agit de patrons du pays bigouden,<br />

évoluant en zone 1. Dans cette <strong>pêche</strong>rie, l’arrivée du chalut " rockhopper " a permis de passer<br />

sur des fonds accidentés, autrefois inexploités. En effet, on a pu observer, entre 2000 et 2004,<br />

un glissement de la <strong>pêche</strong>rie bigoudène vers des zones inexploitées (OLLITRAUT, 2005).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 73


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Le constat des patrons-<strong>pêche</strong>urs sur le niveau de l’effort de <strong>pêche</strong><br />

La plupart des patrons font remarquer les départs massifs de navires à la casse (70 depuis<br />

1987), survenus lors des différents Plans d’Organisation Pluriannuels (POP), et précisent le<br />

vieillissement des hommes et des bateaux. En effet, depuis 1987, le nombre d’heures de <strong>pêche</strong><br />

a en effet été divisé par 2 (§ 6.1.2).<br />

L’installation des je<strong>une</strong>s est <strong>une</strong> angoisse diffuse et beaucoup (40%) déconseille à leurs<br />

enfants d’entrer dans le métier. S’inscrivant le plus souvent dans <strong>une</strong> histoire familiale (85%),<br />

ils constatent le déclin du métier et, selon eux, la profession est condamnée. Ils ont fait leur<br />

<strong>une</strong> expression reprise par nombre de représentants : " nous sommes les derniers indiens, que<br />

les touristes viennent voir. "<br />

2 raisons pour lesquelles les patrons <strong>pêche</strong>urs ne reconnaissent pas le<br />

diagnostic scientifique<br />

Selon nous, cette angoisse, cette peur de l’avenir, explique en partie le déni affiché de la<br />

situation de surexploitation. En réalité, si l’on passe plus de temps avec eux, ils reconnaissent<br />

plus facilement la réalité de la situation. Mais, vu la lourdeur des investissements et<br />

l’échéance des emprunts (15 ans en moyenne), des changements significatifs en terme<br />

d’exploitation remettraient en cause la rentabilité des entreprises à court terme. D’autre part,<br />

les avis scientifiques ont radicalement changé entre 2003 et 2005 et l’évaluation n’em<strong>pêche</strong><br />

pas <strong>une</strong> forte incertitude. Leur méfiance – voire défiance – de l’avis scientifique est donc en<br />

partie fondée.<br />

Le constat sur la rentabilité de la flottille :<br />

Côté scientifique, la flotte langoustinière est performante à court terme et présente <strong>une</strong> très<br />

forte intensité capitalistique (DAURES et al., communication au Défi Golfe de Gascogne,<br />

2005). En effet, avec 105 k€ de capital investi par homme embarqué (SIH, 2001), on rejoint<br />

des niveaux qu’on trouve dans l’industrie automobile (160 k€). Néanmoins, il est pour<br />

l’instant impossible de conclure quant à sa rentabilité à long terme (BERTHOU et al., fiche<br />

signalétique, résultats intermédiaires, 2001).<br />

On note un contexte instable marqué par <strong>une</strong> surexploitation de la ressource, <strong>une</strong> concurrence<br />

internationale accrue et <strong>une</strong> augmentation des prix du carburant. La situation économique est<br />

donc fragile (DAURES et al., communication au Défi Golfe de Gascogne, 2005). De façon<br />

générale, le constat est celui d’<strong>une</strong> surcapacité de la flotte (puissance et efficience des<br />

bateaux), encouragée par les politiques publiques (§ 3.2.1).<br />

Côté professionnel, on insiste unanimement sur la lourdeur des emprunts comme paramètre<br />

fondamental pour la recherche de rentabilité. Sur la rentabilité justement, les avis sont<br />

partagés. Certains considèrent l’activité comme déjà rentable, voire très rentable. D’autres<br />

pensent qu’il faut chercher à encore mieux valoriser le produit. Enfin, certains pensent qu’il<br />

faut avant tout limiter les coûts.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 74


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Commentaire : il manque un constat global commun sur la <strong>pêche</strong>rie<br />

Tableau 4. Constat des différents acteurs socioprofessionnels sur la <strong>pêche</strong>rie de langoustine du Golfe de<br />

Gascogne (d’après les entretiens et enquêtes réalisés de septembre 2004 à septembre 2005).<br />

Professionnels<br />

CONSTAT<br />

Niveau<br />

d’exploitation<br />

Rentabilité des<br />

exploitations<br />

Marché<br />

Représentants<br />

Surexploitation<br />

Patrons<strong>pêche</strong>urs<br />

Soutenable<br />

(activité<br />

déclinante)<br />

Avis partagé mais consensus sur<br />

la lourdeur des emprunts<br />

Peu d’avis (à part OP)<br />

Evolutions en cours (démarche<br />

qualité)<br />

Mareyeurs<br />

Soutenable (activité<br />

déclinante)<br />

Limitée par le manque<br />

d’approvisionnement et par un<br />

marché très traditionnel<br />

Marché restreint (traditionnel<br />

et déclinant)<br />

Scientifiques<br />

Surexploitation<br />

Incertaine (lourdeur<br />

des emprunts)<br />

Pas d’avis<br />

Le tableau 4 montre qu’il n’y a pas de constat commun ni sur l’état de la ressource, ni sur la<br />

rentabilité des exploitations, ni sur le marché de la langoustine du Golfe de Gascogne. Or<br />

partager un diagnostic commun sur la <strong>pêche</strong>rie est un préalable nécessaire. Il permettrait par<br />

la suite de fixer des objectifs selon des considérations écologiques, sociales et économiques.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 75


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

6.2.4. Etape 1 : des éléments pour le choix de l’échelle de gestion<br />

Echelles écologiques : le stock de langoustine du Golfe divisé entre le sous-stock de la<br />

« Grande Vasière » et le sous-stock du plateau de Rochebonne<br />

D’un point de vue biologique, les scientifiques identifient 2 sous-stocks (ou « unités<br />

fonctionnelles ») : l’un occupant la « Grande Vasière » (zone 1 et 2, cf figure 16), l’autre<br />

occupant le plateau de Rochebonne (zone 3). Néanmoins, pour l’évaluation, on ne considère<br />

qu’un stock « langoustine du Golfe de Gascogne ».<br />

Echelles humaines : groupes sociaux et particularismes régionaux structurants pour<br />

l’exploitation<br />

L’attachement à un port, à un quartier maritime, est un élément fort d’identification pour les<br />

<strong>pêche</strong>urs de la flottille langoustinière du Golfe. On distingue différentes échelles<br />

d’appartenance.<br />

Tout d’abord, le patron <strong>pêche</strong>ur travaille pour lui, pour son entreprise : son bateau et ses<br />

hommes. On remarque des différences selon les patrons mais beaucoup ont souligné le<br />

caractère fondamentalement individualiste du métier. « Le matin, si tu ne pars pas en mer, les<br />

autres sont contents. Ils seront moins à vendre en criée. Et c’est pareil : s’il y en a un qui<br />

n’est pas en mer, je suis content. » Le plus souvent, chaque patron travaille avec un petit<br />

groupe de patrons (5 environ). Structuré par affinités, en mer et à quai, un tel regroupement<br />

permet <strong>une</strong> prospection plus large des zones de <strong>pêche</strong>. Chacun prospecte <strong>une</strong> zone et celui qui<br />

trouve un « bon coin » prévient les autres. Ensuite, le port et le quartier maritime sont des<br />

facteurs identitaires forts. Les patrons rencontrés renvoient aux pratiques d’un port ou d’un<br />

quartier maritime (« ceux de Lorient », « ceux de La Cotinière », « les bigoudens »).<br />

Mais on peut regrouper différents ports et quartiers selon les zones exploitées par leurs<br />

navires. Les zones de <strong>pêche</strong> identifiées (figure 16) structurent donc l’activité de <strong>pêche</strong><br />

langoustinière.<br />

Ainsi, on constate un alignement des moyens de production (longueur de bateaux, main<br />

d’œuvre, durée des marées, engins) selon les zones de <strong>pêche</strong> exploitées.<br />

<strong>Pour</strong> la zone 1, les navires, proches de leur zone de <strong>pêche</strong>, sont petits (moyenne inférieure à<br />

la moyenne de l’ensemble de la flotte), comptent <strong>une</strong> main d’œuvre réduite (2-3 hommes) et<br />

font des marées (temps passé en mer) courtes (12h). Chalutant sur des fonds plus accidentés,<br />

la plupart des bateaux sont équipés de chaluts jumeaux, diabolos ou rockhopper permettant de<br />

s’adapter au relief.<br />

<strong>Pour</strong> la zone 2, les navires <strong>pêche</strong>nt sur des zones plus éloignées de la côte. Ils sont plus<br />

grands, avec plus d’hommes à bord (4 à 5) et partent pour des marées plus longues (36h).<br />

Equipés pour la plupart de chaluts jumeaux, certains <strong>pêche</strong>nt avec un chalut simple adapté aux<br />

fonds sableux, peu accidentés.<br />

Enfin, les stratégies et pratiques des navires de la zone 3 sont comparables à ce qu’on observe<br />

en zone 2, sur les fonds de Groix et de Belle-Île.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 76


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Commentaire : les échelles de gestion pertinentes<br />

La pertinence d’<strong>une</strong> coordination au niveau de la façade atlantique<br />

L’aire est incluse dans la façade atlantique. Elle est partagée entre les 3 régions<br />

administratives que sont la Bretagne, les Pays de la Loire et Poitou-Charente. Elle présente<br />

donc <strong>une</strong> facilité opérationnelle, avec les compétences des 3 comités régionaux des <strong>pêche</strong>s<br />

concernés.<br />

Une sous-division du Golfe en 2 zones<br />

D’un point de vue biologique, on identifie 2 sous-stocks : l’un occupant la « Grande Vasière »<br />

(zone 1 et 2), l’autre occupant le plateau de Rochebonne (zone 3).<br />

D’un point de vue opérationnel, on observe des différences structurantes entre zones de <strong>pêche</strong>.<br />

Ainsi les conditions d’exploitation en zone 1 ne sont pas comparables à celles pratiquées en<br />

zone 2 ou 3 (figure 16). Il semble que la zone 1 se démarque des 2 autres zones plus<br />

semblables entre elles.<br />

Tout en préservant <strong>une</strong> cohérence d’ensemble à l’échelle de la façade atlantique, il faudrait<br />

donc gérer séparément les 3 zones de <strong>pêche</strong> identifiées.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 77


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

6.2.5. Etape 2 : des éléments pour la mise en place d’<strong>une</strong> plateforme<br />

de concertation à l’échelle de la <strong>pêche</strong>rie<br />

Un besoin de dialogue entre représentants professionnels et scientifiques à l’échelle de la<br />

<strong>pêche</strong>rie<br />

Les concepts et fondamentaux de l’évaluation scientifique du stock ne sont pas bien compris<br />

des responsables professionnels.<br />

Poids de l’avis scientifique<br />

Côté scientifique, les interlocuteurs rencontrés doutent du poids et de la portée de leurs<br />

travaux. Conscient du processus de fixation des TAC (§ 3.1.2) et de la décision finale du<br />

ressort des politiques, ils pensent que l’avis du CCGP (§ 6.1.2, AFCM en anglais) ne sera de<br />

toute façon pas suivi lors du conseil des ministres. Côté professionnel, les interlocuteurs<br />

voient l’expertise scientifique comme un élément fondamental et fondateur des mesures de<br />

gestion prises par la commission. Ainsi, toutes les grandes OP ont développé leurs propres<br />

capacités d’expertise afin d’analyser et de discuter l’avis scientifique.<br />

Questionnement sur l’indépendance scientifique<br />

Le poids de l’évaluation scientifique du stock par les biologistes amène certains scientifiques<br />

à s’interroger sur leur place dans la gestion des <strong>pêche</strong>s. Certains se demandent si la recherche<br />

halieutique n’est pas trop proche des décideurs (FOREST, présentation à l’AFH, 2003).<br />

Une critique de l’expertise nécessaire<br />

« Le constat a été fait que pour des raisons notamment techniques (rapport très longs, non<br />

traduit, de présentation ardue etc…), le document du CIEM (rapport annuel sur l’état du stock<br />

et les recommandations de TAC) n’est quasiment jamais lu par les responsables<br />

professionnels. Un autre constat est que la présentation des résultats bruts de l’évaluation,<br />

accompagnée d’<strong>une</strong> consultation rapide et/ou tardive des professionnels, conduit à un risque<br />

de rejet radical des conclusions et du diagnostic. A l’inverse, un examen détaillé des<br />

informations, la décomposition des données de base, ouvre la possibilité d’un débat et<br />

d’échanges qui permettront d’accroître la qualités des données utilisées et au final <strong>une</strong><br />

meilleure acceptation des résultats… » (Compte Rendu de la réunion OCIPESCA, 31 mai<br />

2005).<br />

Le Programme OCIPESCA a pour but d’étudier la possibilité d’<strong>une</strong> co-expertise entre<br />

scientifiques et professionnels. Ce programme s’inscrit dans le programme INTERREG IIIC<br />

financé par l’Union Européenne. L’Union Européenne encourage donc un rapprochement<br />

entre scientifiques et professionnels.<br />

Les représentants professionnels sont solidaires et engagés dans ce programme, croyant à la<br />

possibilité d’<strong>une</strong> contre-expertise pour certains, d’<strong>une</strong> co-expertise pour la plupart. D’autres,<br />

<strong>une</strong> minorité non impliquée dans le programme, remettent en doute le diagnostic scientifique<br />

sur la langoustine.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 78


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Le programme OCIPESCA s’est concrétisé récemment par la rédaction d’<strong>une</strong> lecture critique<br />

de l’avis du CIEM sur le stock de langoustine. Ce document précise les points d’entrée<br />

possibles dans le processus d’avis des informations venant des professionnels. Néanmoins, il<br />

faut préciser que ce programme « pionnier », revendiquant <strong>une</strong> démarche de co-expertise, n’a,<br />

pour l’instant, pas intégré les scientifiques français : ce qui correspond à de la contreexpertise.<br />

<strong>Pour</strong> la suite, pour la continuité du programme OCIPESCA, l’IFREMER doit<br />

impérativement être associée.<br />

Dans le cadre d’OCIPESCA, la dernière réunion (30 mai 2005) rendant compte des avancées<br />

de l’atelier langoustine, a réuni l’ensemble des « acteurs » concernés : représentants<br />

professionnels, administration, élus régionaux, scientifiques de l’IFREMER. Elle a été<br />

l’occasion d’<strong>une</strong> vulgarisation du processus d’évaluation scientifique auprès des personnes<br />

présentes.<br />

Cette tentative, pionnière et inédite, a suscité l’attention et la participation de l’auditoire. Elle<br />

a suivi <strong>une</strong> procédure déjà expérimentée ailleurs, appelée procédure « sandwich ». Le<br />

principe est simple. Le groupe de travail scientifique se réunit et formule un premier avis. Cet<br />

avis est présenté à l’ensemble des « acteurs » et l’évaluation y est discutée et critiquée. Les<br />

remarques et commentaires faits sont intégrés, et permettent au groupe de travail scientifique<br />

d’affiner le premier avis.<br />

La critique du diagnostic scientifique est saine en cela qu’elle permet aux professionnels<br />

d’appréhender et de s’approprier la problématique scientifique de la gestion de la ressource, et<br />

qu’elle permet aux scientifiques d’affiner leur travail et de le confronter aux réalités de la<br />

pratique du métier. Ainsi le programme OCIPESCA a le mérite de structurer les<br />

revendications professionnelles sur des bases scientifiques. En effet, l’initiative est plus<br />

constructive qu’<strong>une</strong> critique maintes fois entendue qui voudrait que les scientifiques, ne<br />

connaissant pas le métier, ne puissent pas rendre compte des réalités (état du stock, niveau<br />

d’exploitation, etc.).<br />

Il reste que l’équilibre à trouver est délicat. Mais il serait dangereux et regrettable que le débat<br />

en cours autour de la nature de l’expertise OCIPESCA (contre- ou co-expertise) glisse de la<br />

critique scientifique vers la polémique. Il paraît d’autre part indispensable de continuer à<br />

séparer le processus scientifique (son élaboration et sa critique via la procédure « sandwich »)<br />

du processus de décision.<br />

La notion d’expertise<br />

<strong>Pour</strong> répondre à cette polémique sur l’expertise, l’IFREMER a développé sa Charte de<br />

l’expertise et de l’avis à l’IFREMER (2003). On distingue ainsi le demandeur d’<strong>une</strong><br />

expertise (collectivité, organisation professionnelle, etc.) et son prestataire (l’IFREMER dans<br />

ce cas).<br />

L’expertise y est définie comme « un ensemble d’activités nécessaires pour analyser un<br />

problème posé en s’appuyant sur l’état des connaissances, sur des démonstrations et sur<br />

l’expérience des experts. Elle conduit en général à la rédaction d’un document (rapport<br />

d’expertise) pouvant se conclure, selon la demande, par des interprétations, voire des<br />

recommandations. »<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 79


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Cette charte est <strong>une</strong> note de cadrage pour les salariés de l’établissement. Elle replace le<br />

scientifique dans son rôle d’expert indépendant, et son « expertise se doit de tendre vers<br />

l’impartialité, la fiabilité, la transparence et la clarté ». Ainsi « tout salarié de l’Ifremer reste<br />

libre de son opinion personnelle et du choix de l’expression de celle-ci. Mais <strong>une</strong> telle<br />

démarche impose cependant d’indiquer clairement qu’elle n’est pas faite à titre professionnel<br />

et, en particulier, qu’elle n’engage pas l’Ifremer. » La notion d’expertise renvoie donc à <strong>une</strong><br />

définition précise. Elle renvoie à <strong>une</strong> approche scientifique rigoureuse.<br />

La notion de compétence<br />

Mais si les <strong>pêche</strong>urs ne sont pas « experts » - au sens de l’Ifremer – ils sont compétents pour<br />

apporter des compléments au travail scientifique. L’enjeu est alors de « déterminer l’apport<br />

potentiel d’information de la part des professionnels et de définir les possibilités et modalités<br />

d’intégration du savoir-faire des professionnels dans l’interprétation des résultats »<br />

(document de présentation de OCIPESCA). Plutôt que de co-expertise, il faudrait donc parler<br />

de co-compétence.<br />

L’essentiel est que les <strong>pêche</strong>urs s’approprient la problématique de la gestion de la ressource<br />

de langoustine. Ainsi, on ne remet pas en cause le devoir de réserve des scientifiques mais on<br />

souhaite qu’il aille de pair avec un devoir d’explication.<br />

Commentaire : les étapes d’<strong>une</strong> meilleure collaboration entre scientifiques et professionnels<br />

Une meilleure collaboration pour <strong>une</strong> meilleure communication des données<br />

Cette amélioration des échanges et des rapports entre scientifiques et représentants<br />

professionnels permettraient en outre <strong>une</strong> amélioration de la communication des données de<br />

débarquement (utilisées pour l’évaluation du stock). Aujourd’hui, « 20 à 30 % de<br />

l’information serait perdue pour des raisons pratiques. [..] Il y a un problème structurel sur<br />

la chaîne de transmission de l’information » (GUIGUE, com. pers.).<br />

Une intégration nécessaire des autres facteurs d’évolution de la ressource en<br />

langoustine<br />

On peut prendre l’exemple du recrutement en langoustine. L’évaluation du stock de<br />

langoustine est essentiellement fondée sur les données de débarquement. La <strong>pêche</strong> est en effet<br />

un facteur primordial sur l’évolution du stock. Mais d’autres facteurs jouent également, tels<br />

que le vent, les courants, la température, la pollution (en particulier sur la phase larvaire). Or<br />

on ne retient habituellement que le facteur « <strong>pêche</strong> ».<br />

Dans le cadre d’un échange régulier entre scientifiques et professionnels, il faudrait intégrer<br />

les autres facteurs d’évolution de la ressource.<br />

Étendre l’analyse aux sciences sociales (économie, sociologie)<br />

Comme on l’a déjà fait remarquer (dans le constat sur le statut économique), il faudrait aussi<br />

étendre la co-expertise à la question plus générale des stratégies d’exploitation afin de dégager<br />

des scenarii d’évolution de la <strong>pêche</strong>rie.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 80


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Les professionnels ont eux aussi leurs idées pour <strong>une</strong> meilleure rentabilité des entreprises. Il y<br />

aurait beaucoup à gagner que la co-expertise s’étende à la définition de stratégies<br />

d’exploitation (type et taille des bateaux, engins utilisés, zones prospectées, taille de<br />

langoustine ciblée, nombre de jours en mer et rythme de travail, marché visé). Il faut aussi<br />

s’interroger sur la répartition de l’activité le long du littoral, sur la création d’emplois. Cette<br />

approche globale serait plus intégrative, plus concrète et plus parlante pour les <strong>pêche</strong>urs.<br />

Une collaboration plus étroite entre représentants professionnels et scientifiques –<br />

indispensable – est aujourd’hui faisable et nécessaire. Mais encore faut-il des moyens. Les<br />

professionnels ont besoin d’<strong>une</strong> personne pour les aider à concrétiser et objectiver ce genre de<br />

démarche.<br />

Cette personne serait un scientifique capable, d’<strong>une</strong> part de vulgariser l’information<br />

scientifique pour les professionnels, et d’autre part de traduire l’expérience et les savoirs<br />

empiriques des professionnels en facteurs pouvant être intégrés à l’évaluation scientifique.<br />

La participation nécessaire des <strong>pêche</strong>urs et des mareyeurs à la réflexion sur l’avenir de la<br />

<strong>pêche</strong>rie<br />

Patrons <strong>pêche</strong>urs : un isolement préjudiciable à l’acquisition d’<strong>une</strong> vision<br />

d’ensemble de la <strong>pêche</strong>rie de langoustine<br />

L’isolement des patrons est exacerbée dans un monde cloisonné, individualiste, et où le secret<br />

est de rigueur (pour les « coins » de <strong>pêche</strong>, les techniques…). Ainsi, de nombreuses rumeurs<br />

sont rapidement propagées, amplifiées, déformées dans les ports, et la situation peut devenir<br />

très délicate pour le travail d’enquête. Sans discuter du fondement rationnel de cette méfiance,<br />

les <strong>pêche</strong>urs ont le sentiment de "donner de l’information pour être mieux contrôlés par la<br />

suite. " N’étant pas impliqués, ils ne s’approprient pas les questions en jeu, et restent dans <strong>une</strong><br />

attitude de défense.<br />

D’autre part, tous regrettent <strong>une</strong> " époque de liberté ", qui leur a fait aimer le métier. La<br />

plupart des patrons rencontrés disent aimer leur métier mais s’avouent dépassés par<br />

l’ensemble des règlements. Beaucoup ont peur d’un avenir qu’ils voient sombre<br />

(augmentation des prix du gazole, vieillissement des marins et des unités de production, etc.).<br />

Un patron résumait ainsi ce sentiment diffus. «Le métier, c’est le métier. Ca va. Le problème,<br />

c’est tout ce qu’il y a autour. On part en mer stressé. »<br />

La démarche du <strong>WWF</strong> <strong>France</strong> est venue s’ajouter à de nombreux projets. Les patrons<br />

<strong>pêche</strong>urs sont « perdus » par rapport à l’ensemble des programmes en cours. Même le<br />

programme OCIPESCA, monté sur l’initiative des professionnels, est inconnu pour la plupart<br />

des patrons rencontrés. « Depuis le quai », ce contexte est très peu lisible. N’ayant pas de vue<br />

d’ensemble, ils ne voient pas l’intérêt des études dont ils font l’objet. Tous ont l’impression<br />

que beaucoup de gens "s’agitent" autour d’eux et qu’ils font vivre des "parasites". Le patron<br />

voit simplement des gens, des "gratte papier", venir pour diverses questions sans vraiment<br />

comprendre ni leur utilité, ni leur finalité. Les patrons sont logiquement de plus en plus<br />

méfiants vis-à-vis de ces requêtes et de plus en plus agacés par des questions, souvent très<br />

précises, dont ils ne comprennent pas les enjeux.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 81


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Ainsi, dans un sentiment permanent d’inquiétude et d’angoisse, ils ne comprennent pas les<br />

mesures de gestion et les contraintes de plus en plus nombreuses, qu’ils trouvent en décalage<br />

complet avec leur situation quotidienne.<br />

Plus que de l’incompréhension, leur sentiment envers les scientifiques tourne à la défiance<br />

voire au mépris. En outre, ils font <strong>une</strong> distinction nette entre les enquêteurs ou « techniques »<br />

(les technologistes des <strong>pêche</strong>s) qu’ils connaissent et voient à quai et les « biologistes » qu’ils<br />

voient rarement. Comme on le faisait remarquer, la présence sur le " terrain " est un passage<br />

nécessaire pour l’acceptation de l’étude par les professionnels.<br />

En revanche la majorité des patrons (60%) souhaiteraient être impliqués et tenus au courant<br />

des études et discussions concernant la gestion de leur activité. Ces chiffres révèlent un vrai<br />

besoin d’information.<br />

Ainsi, on a pu rencontrer plusieurs patrons ayant participé aux essais de grille sélective lors du<br />

programme d’Amélioration de la Sélectivité des Chalutiers du Golfe de Gascogne (§ 6.1.2,<br />

Annexe 6).Tous ont approuvé la démarche et la citent comme un exemple de collaboration<br />

entre scientifiques et professionnels. L’angle « technique » de ce programme a permis <strong>une</strong><br />

sensibilisation concrète au problème de gestion de la ressource. Chaque patron est en effet<br />

conscient de l’importance des rejets de langoustines hors taille et, pour eux, il s’agissait<br />

vraiment de " trier sur le fond, plutôt que sur le pont. "<br />

En outre, <strong>une</strong> relation de confiance et d’estime s’est installée entre la personne chargée des<br />

essais et les patrons <strong>pêche</strong>urs volontaires. Les embarquements ont d’abord permis de lever le<br />

« tabou » qui existait sur la question des rejets, qui est un point noir de l’exploitation. Ils ont<br />

aussi permis de discuter de sujets plus généraux sur l’évolution et l’avenir de la <strong>pêche</strong>.<br />

Patrons <strong>pêche</strong>urs : un sentiment d’être mal représenté, couplé à un manque<br />

de « responsabilisation individuelle »<br />

La majorité des patrons rencontrés se sentent mal représentés (55%), ce sentiment<br />

variant fortement selon les ports. Ils campent alors dans <strong>une</strong> posture d’opposition et ne<br />

participent pas aux travaux de leurs comités et OP. Observant que « la raison du plus fort est<br />

souvent la meilleure », les <strong>pêche</strong>urs rencontrés pensent que les « forts en tête, et grandes<br />

gueules » monopolisent le débat. Selon eux, nombreux sont ceux qui n’ont pas de voix et dont<br />

les idées ne sont pas représentées.<br />

Dans le même temps aucun de ces patrons ne s’implique. De manière générale, <strong>une</strong> grande<br />

majorité des patrons rencontrés (70%) ne s’impliquent pas dans les questions de gestion. Les<br />

autres, au contraire, s’impliquent et, dans leur grande majorité, ces patrons se sentent bien<br />

représentés.<br />

En parallèle, le débat autour de la grille sélective (pour l’échappement des juvéniles de<br />

langoustine) illustre un manque de responsabilisation des patrons. L’attitude selon les ports<br />

est différente et, si plusieurs patrons du Croisic ont déjà adapté la grille sélective (pas encore<br />

obligatoire) sur leurs chaluts, nombre de patrons du pays bigouden refusent pour l’instant<br />

cette adaptation.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 82


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Mareyeurs : <strong>une</strong> déconnexion de l’activité des organisations<br />

professionnelles qui porte préjudice à <strong>une</strong> gestion intégrée de la filière<br />

Toutes les personnes rencontrées regrettent l’absence d’échange avec les <strong>pêche</strong>urs. Les<br />

mareyeurs ne sont jamais présents dans les réunions des comités des <strong>pêche</strong>s. <strong>Pour</strong>tant l’article<br />

1 er de loi n°91-411 du 2 mai 1991 (relative à l’organisation interprofessionnelle des <strong>pêche</strong>s<br />

maritimes), précise que les comités regroupent les <strong>pêche</strong>urs, les mareyeurs et les<br />

transformateurs.<br />

Propositions pour <strong>une</strong> participation des <strong>pêche</strong>urs et des mareyeurs à la concertation<br />

Les changements se feront si les acteurs du terrain (<strong>pêche</strong>urs et mareyeurs) participent<br />

à la concertation. Il est indispensable de prévoir la diffusion de l’information et des résultats<br />

des différents programmes aux <strong>pêche</strong>urs, pour <strong>une</strong> prise de conscience individuelle. Les<br />

patrons ont besoin d’avoir plus d’information sur les projets et programmes en cours. Il faut<br />

aujourd’hui décloisonner leur perception de la situation et l’ouvrir à l’échelle de gestion : le<br />

Golfe de Gascogne.<br />

Fournir aux professionnels <strong>une</strong> information global sur l’état de la <strong>pêche</strong>rie<br />

Selon nous, il y a 1 condition essentielle pour <strong>une</strong> participation active des <strong>pêche</strong>urs et<br />

mareyeurs à un processus de co-gestion. Il faut leur fournir <strong>une</strong> information globale sur l’état<br />

de la <strong>pêche</strong>rie afin qu’ils disposent d’<strong>une</strong> vue d’ensemble. <strong>Pour</strong> cela, il est utile de monter un<br />

programme sous un angle très technique (sélectivité pour les <strong>pêche</strong>urs, qualité pour les<br />

mareyeurs). Cet angle permet l’adhésion spontané des professionnels qu’on peut alors<br />

sensibiliser sur les autres aspects de la gestion.<br />

Ainsi l’amélioration de la sélectivité permise par les dispositifs sélectifs, même si elle se<br />

révélait insuffisante, a en tout cas été un « déclic psychologique » pour nombre de patrons<br />

<strong>pêche</strong>urs. Ils ont pris conscience du fait qu’ils pouvaient effectivement éprouver et proposer<br />

des alternatives aux mesures de gestion venues de la Commission Européenne. Mais tous<br />

n’acceptent pas encore le principe d’un dispositif sélectif pour les juvéniles de langoustine.<br />

Et les enquêtes auprès des patrons <strong>pêche</strong>urs (et a fortiori des mareyeurs) ont souligné l’écart<br />

qui demeure entre les initiatives et programmes des « représentants » et leur propre perception<br />

de la gestion. On constate malheureusement <strong>une</strong> évolution à 2 vitesses.<br />

Faciliter le rapprochement des professionnels avec les scientifiques : le rôle<br />

des enquêteurs IFREMER<br />

Les enquêteurs de l’IFREMER peuvent jouer un rôle essentiel. En effet, rattaché à un réseau<br />

couvrant l’ensemble du littoral, ils sont au contact des <strong>pêche</strong>urs au quotidien. Ayant établi des<br />

relations de confiance, ils sont dans les faits des courroies de transmission du « terrain » vers<br />

les « bureaux » des scientifiques. Réciproquement, ils peuvent « aider les professionnels à<br />

structurer leurs savoirs, commentaires et questions en terme de problématique scientifique »<br />

(PAJOT, com. pers.). Leur mission pourrait utilement s’étendre au suivi de l’activité des<br />

mareyeurs. Cette tâche supplémentaire permettrait de disposer d’<strong>une</strong> vision de toute la filière,<br />

à l’échelon local.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 83


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Formation continue pour <strong>une</strong> responsabilisation individuelle des <strong>pêche</strong>urs et<br />

mareyeurs<br />

La responsabilisation des <strong>pêche</strong>urs et mareyeurs serait facilitée par <strong>une</strong> formation continue<br />

des <strong>pêche</strong>urs et mareyeurs à la problématique de la gestion des ressources marines.<br />

En outre, <strong>une</strong> formation initiale doit intégrer <strong>une</strong> présentation simplifiée des concepts<br />

d’écosystèmes (fonctionnalité, stabilité, productivité).<br />

Il est aujourd’hui indispensable de faciliter la concertation en :<br />

- rapprochant les « acteurs » à l’échelle de la <strong>pêche</strong>rie ;<br />

- assurant <strong>une</strong> diffusion régulière de l’information vers les <strong>pêche</strong>urs et mareyeurs .<br />

Proposition : le cadre naturel pour <strong>une</strong> concertation au sein de la <strong>pêche</strong>rie<br />

La discussion nécessaire au pilotage de la <strong>pêche</strong>rie de langoustine du Golfe de Gascogne doit<br />

prendre place à l’échelle de la façade atlantique.<br />

Conforter la commission nationale « langoustine du Golfe » du CNPMEM et<br />

l’ouvrir à d’autres intervenants<br />

A l’instar de la gestion de l’eau encadrant les usages à l’échelle naturelle des bassins versants,<br />

la structure encadrant la concertation autour de la <strong>pêche</strong>rie de langoustine doit nécessairement<br />

s’établir à l’échelle du Golfe de Gascogne (aire géographique de la <strong>pêche</strong>rie). Cette structure<br />

existe déjà : c’est la commission nationale « langoustine » du CNPMEM. Afin d’intégrer les<br />

avis et expertises extérieurs, il serait utile d’ouvrir cette commission à la contribution d’autres<br />

acteurs concernés par l’exploitation de la langoustine sur le Golfe de Gascogne (associations,<br />

collectivités territoriales, etc.).<br />

Cette commission serait soutenue par l’AGLIA<br />

L’AGLIA – Association du Grand Littoral Atlantique regroupant les régions Aquitaine,<br />

Poitou-Charente, Pays de la Loire, et Bretagne (depuis 2005) – correspond à l’échelle de la<br />

<strong>pêche</strong>rie de langoustine du Golfe de Gascogne et doit poursuivre l’accompagnement de<br />

l’effort des professionnels (comités des <strong>pêche</strong>s et OP), en mettant à leur service des<br />

compétences et des expertises.<br />

La commission serait rattachée à la mission de façade atlantique<br />

De manière générale, on a pu constater <strong>une</strong> pertinence de la gestion des activités maritimes<br />

par grande façade maritime (DUPILET, 2001) : Manche et Mer du Nord, Golfe de Gascogne,<br />

Méditerranée. « Il est proposé de créer pour chac<strong>une</strong> des trois façades <strong>une</strong> « Mission de<br />

façade », émanation des divers services concernés » : préfet maritime, préfet de région, préfet<br />

de département (DUPILET, 2001). La commission nationale « langoustine du Golfe » serait<br />

rattachée ) à cette mission. La <strong>pêche</strong> de la langoustine trouverait ainsi sa place parmi d’autres<br />

usages de l’espace marin du Golfe de Gascogne (extraction, pose de câbles, etc.).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 84


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

La construction de la plate-forme de concertation<br />

La dimension environnementale : intégrer la société civile<br />

La ressource halieutique est <strong>une</strong> ressource comm<strong>une</strong>. Par conséquent, des intérêts autres que<br />

professionnels doivent être représentés. La société civile doit avoir sa place dans le débat.<br />

La dimension économique : jeter <strong>une</strong> passerelle entre la gestion et le marché<br />

et adopter <strong>une</strong> approche par filière<br />

Le marché est absent du débat. <strong>Pour</strong>tant il a <strong>une</strong> influence directe sur les stratégies<br />

d’exploitation mises en œuvre, et donc sur la gestion des <strong>pêche</strong>s. Ainsi, on continue à vendre<br />

de la langoustine hors taille. C’est évidemment <strong>une</strong> incitation à continuer à transgresser les<br />

règles.<br />

Aujourd’hui on vend mieux la grosse langoustine traitée individuellement. La langoustine de<br />

casier en provenance d’Ecosse, traitée individuellement et achetée à prix fort (15-17 €/kg par<br />

un grossiste breton) s’impose ainsi sur la langoustine de chalut du Golfe de Gascogne. On ne<br />

connaît pas les volumes de langoustines de casier écoulées sur le marché français<br />

(PAQUOTTE, com. pers.). Et on ne peut pas espérer que l’ensemble de la flotte<br />

langoustinière se convertisse au casier. Mais <strong>une</strong> partie de la flotte pourrait exploiter au casier<br />

à profit quelques zones bien précises (en particulier les zones rocheuses impactées par le<br />

passage du chalut). Sous un angle « marché », cet exemple éclaire l’ensemble de la filière : le<br />

produit fait apparaître la stratégie d’exploitation mise en œuvre.<br />

Ainsi, la concertation doit permettre de développer <strong>une</strong> approche par filière. <strong>Pour</strong> cela, <strong>une</strong><br />

interprofession doit apparaître, liant l’amont, et la problématique de l’aménagement de la<br />

<strong>pêche</strong>rie, à l’aval, et les éléments du marché de la langoustine vivante en <strong>France</strong> et en Europe.<br />

La dimension sociale : conditions de travail, création d’emplois et<br />

aménagement du littoral<br />

La <strong>pêche</strong>rie s’analyse également à travers les conditions de travail en mer ou à terre, et à<br />

travers le nombre d’emplois crées (en mer ou à terre).<br />

D’autre part, la langoustine est <strong>une</strong> espèce indispensable pour le maintien de l’activité de<br />

nombreux ports de la façade atlantique. Par conséquent, la <strong>pêche</strong>rie peut aussi être étudiée<br />

selon son rôle dans l’aménagement du littoral.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 85


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Proposition pour la création d’<strong>une</strong> plate-forme de concertation autour de la <strong>pêche</strong>rie<br />

Tableau 5. Proposition pour la construction d’<strong>une</strong> plate-forme de concertation au sein de la commission<br />

« langoustine du Golfe de Gascogne »<br />

Amont de la<br />

filière<br />

Aval de la<br />

filière<br />

Dimension<br />

environnementale<br />

Ressource et préservation de<br />

l’écosystème<br />

- professionnels<br />

- associations de défense de<br />

l’environnement<br />

+ experts<br />

(biologistes des <strong>pêche</strong>s)<br />

Sécurité alimentaire :<br />

- associations de<br />

consommateurs<br />

+ experts<br />

(services vétérinaires, …)<br />

Dimension<br />

économique<br />

Rentabilité des bateaux<br />

de <strong>pêche</strong> :<br />

- Pêcheurs<br />

- Mareyeurs<br />

+ experts<br />

(économistes, centres de<br />

gestion)<br />

Valorisation de<br />

langoustine vivante :<br />

- <strong>pêche</strong>urs<br />

- mareyeurs<br />

- transformateurs,<br />

distributeurs<br />

+ experts<br />

(OFIMER, consultant …)<br />

Dimension<br />

sociale<br />

Conditions de travail, création<br />

d’emplois et aménagement du<br />

littoral :<br />

- Professionnels<br />

- gestionnaire du port (CCI,<br />

région, départements…)<br />

- collectivités territoriales<br />

+ experts<br />

(ergonomiste, économiste,<br />

urbaniste)<br />

Conditions de travail, création<br />

d’emplois, et implantation des<br />

points de vente :<br />

- mareyeurs<br />

- transformateurs, distributeurs<br />

- collectivités territoriales<br />

+ experts<br />

(ergonomiste, économiste,<br />

urbaniste)<br />

Dans un objectif de développement <strong>durable</strong>, la <strong>pêche</strong>rie de langoustine doit donc être analysée<br />

à travers 3 dimensions : environnementale, économique et sociale. D’autre part, la <strong>pêche</strong>rie<br />

est à appréhender en tant que filière avec l’amont (<strong>pêche</strong>) et l’aval (mise sur le marché). Sous<br />

cet angle, on identifie alors les différents intérêts pour chaque dimension.<br />

Cette approche fait apparaître différents acteurs qui pourraient faire partie de la plate-forme de<br />

concertation (tableau 5). <strong>Pour</strong> chaque sujet, on peut identifier des experts. Ces derniers<br />

interviendraient comme experts indépendants et non comme parties « intéressée » (voir supra<br />

la notion d’expertise). La composition de cette plate-forme serait évolutive. Tous les groupes<br />

d’intérêt ne seraient pas nécessairement présents à l’origine. Le dispositif doit rester souple,<br />

flexible.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 86


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Proposition : la mise en œuvre de la concertation<br />

Une condition pour l’efficacité de cette concertation est de se donner les moyens d’<strong>une</strong><br />

animation permanente des structures professionnelles locales (OP, comités des<br />

<strong>pêche</strong>s,…).<br />

Faciliter et coordonner la concertation : l’exemple de la gestion de l’eau<br />

Comme pour les Schémas d’Aménagement et de Gestion de l’Eau (SAGE) pour la gestion de<br />

l’eau des bassins versants continentaux, il serait également pertinent de créer un poste de<br />

coordinateur», responsable de la concertation et un échange régulier entre les « acteurs ».<br />

L’animateur devra nécessairement être rattaché à <strong>une</strong> structure neutre. Sans cela, il sera très<br />

vite taxé de parti pris et ne pourra assurer son travail. Ce poste serait donc logiquement<br />

rattaché à la mission de façade.<br />

Définir les règles de fonctionnement pour la mise en place de la<br />

concertation : la pertinence de la charte comme outil juridique<br />

Cette structure prendrait la forme d’<strong>une</strong> commission paritaire, encadrée et régulée par un<br />

système de charte (§ 5.2.2). L’outil contractuel permet en effet <strong>une</strong> structure souple et<br />

évolutive et facilite la recherche de consensus dans un secteur animé par les conflits et les<br />

passions. La structure devrait ainsi offrir <strong>une</strong> plate-forme pour <strong>une</strong> expérience de démocratie<br />

participative, qui serait pionnière en matière de gestion de la <strong>pêche</strong>.<br />

Au vu des expériences de co-gestion existantes (Annexe 4), il apparaît nécessaire, de laisser la<br />

porte libre pour de nouvelles organisations ou représentations. Comme précisé dans la loi<br />

d’orientation de 1997, la ressource halieutique est res nullius. Aucun groupe ou individu ne<br />

peut par conséquent se l’approprier. La société civile, via des associations de consommateurs<br />

ou de défense de l’environnement, ou encore des personnalités extérieures reconnues, devrait<br />

progressivement être représentée.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 87


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

6.2.6. Etape 3 : des éléments pour la réorganisation de la filière<br />

Propositions des mareyeurs pour <strong>une</strong> organisation de la filière langoustine<br />

Les mareyeurs rencontrés font des propositions pour l’organisation de l’exploitation :<br />

- Annoncer à l’avance (quelques heures suffiraient) les débarquements du jour afin<br />

que les mareyeurs valorisant au mieux les produits (en organisant leurs<br />

commandes).<br />

- Privilégier la qualité : grande taille et langoustines bien vivantes (d’où la nécessité<br />

d’<strong>une</strong> plus grande sélectivité).<br />

Tous les mareyeurs insistent sur l’importance de la qualité du produit. Sur un prix moyen sous<br />

criée de 8,1 €/kg (OFIMER, 2003), la qualité peut apporter un différentiel de 1 à 3 €/kg. <strong>Pour</strong><br />

les personnes rencontrées, tous les professionnels de la filière reconnaissent la qualité et la<br />

paient.<br />

- Assurer des volumes en fin de semaine et en fin d’année, là où la langoustine se<br />

vend le mieux.<br />

- Maîtriser la traçabilité du produit tout le long de la filière.<br />

La qualité n’est pas tout le temps reconnu du consommateur, d’où l’intérêt de démarches de<br />

valorisation et de signes d’identification (type pin’s « bar de ligne », ou étiquette Bretagne<br />

Qualité Mer). L’étiquetage participe ainsi à ranimer la relation entre <strong>pêche</strong>urs et<br />

consommateurs.<br />

Or de telles démarches supposent <strong>une</strong> transparence et un suivi tout le long de la filière : la<br />

traçabilité. De l’avis général, la traçabilité est, à l’heure actuelle, très mal maîtrisée pour toute<br />

la filière.<br />

Proposition : éléments pour <strong>une</strong> réorganisation de la filière<br />

Une analyse du marché de langoustine du Golfe de Gascogne met en évidence plusieurs<br />

lac<strong>une</strong>s dans l’organisation de la filière :<br />

- pas de prévision des apports ;<br />

- volumes insuffisants en fin de semaine et en fin d’année ;<br />

- seulement 8% des ménages achètent de la langoustine fraîche ;<br />

- mauvaise qualité du produit (taille et vivacité de la langoustine)<br />

- pas de maîtrise de la traçabilité<br />

- absence de contrôles stricts tout le long de la filière.<br />

Le traitement de chacun de ces points permettrait <strong>une</strong> meilleure valorisation du produit. Et il<br />

permettrait de tirer vers le haut la gestion de la <strong>pêche</strong>rie (Tableau 6).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 88


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Tableau 6. Conséquences de la réorganisation de la filière « langoustine vivante du Golfe de Gascogne » pour la<br />

gestion de la ressource.<br />

Solutions techniques pour l’organisation de la<br />

filière<br />

Prévision des apports<br />

Augmentation du taux de pénétration du produit<br />

(par <strong>une</strong> amélioration de la conservation)<br />

Volumes disponibles en fin de semaine et en fin<br />

d’année<br />

Amélioration de la qualité<br />

Maîtrise de la traçabilité<br />

Contrôles stricts<br />

Conséquences pratiques<br />

Meilleure distribution<br />

Etalement du quota sur la<br />

semaine et sur l’année<br />

Augmentation de la taille des<br />

langoustines capturées<br />

Récompense aux <strong>pêche</strong>urs<br />

attentifs à la qualité,<br />

respectueux des règles<br />

Conséquences sur la gestion<br />

de la ressource<br />

Meilleure rentabilité des<br />

entreprises permettant de<br />

soulager la pression sur la<br />

ressource<br />

Eviter le risque d’un<br />

épuisement puis d’un<br />

dépassement du quota<br />

Sélectivité des engins<br />

Tester le casier à langoustine<br />

Des gains récompensent ceux<br />

qui participent à la bonne<br />

gestion de la <strong>pêche</strong>rie.<br />

A la vue de l’intérêt des grossistes pour la langoustine écossaise de casier, il semble<br />

intéressant pour les professionnels français de tester le casier, en particulier sur les zones<br />

rocheuses où le chalut est plus impactant. Le casier n’est pas amené à remplacer le chalut<br />

mais à fournir <strong>une</strong> solution pour pourvoir le marché de niche de très grosses langoustines<br />

vivantes.<br />

Une telle réorganisation de la filière permettrait d’améliorer les résultats économiques et<br />

écologiques de la <strong>pêche</strong>rie de langoustine. En maîtrisant le respect de telles modifications (via<br />

la maîtrise de la traçabilité), on apporterait ainsi au consommateur un produit reconnaissable,<br />

issue d’<strong>une</strong> <strong>pêche</strong> <strong>durable</strong> : créatrice de richesse et à faible empreinte écologique.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 89


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

6.2.7. Etape 4 : des éléments pour l’aménagement qualitatif de la<br />

<strong>pêche</strong>rie<br />

<strong>Pour</strong> les mesures techniques : l’amélioration de la sélectivité des chaluts<br />

De façon générale, les « représentants » reconnaissent la situation actuelle de surexploitation<br />

de la langoustine et le problème majeur qui est le manque de sélectivité des chaluts. A<br />

l’inverse de la définition du quota (qui oppose régulièrement scientifiques et professionnels),<br />

l’amélioration de la sélectivité des chaluts fait consensus. Les mareyeurs, quant à eux, sont<br />

particulièrement attentifs à la qualité (taille et état de conservation) de la langoustine pêchée.<br />

Or la qualité est logiquement dépendante de la sélectivité des engins de <strong>pêche</strong>.<br />

<strong>Pour</strong> la régulation de l’accès à la <strong>pêche</strong>rie<br />

La mise en place de la licence<br />

L’avis des patrons-<strong>pêche</strong>urs sur la mise en place de la licence est inédit et présage peut-être<br />

d’<strong>une</strong> évolution en cours. En effet, la majorité des patrons (60%) acceptent cette mise en<br />

place. Ils voient clairement l’intérêt d’<strong>une</strong> limitation de l’accès au Golfe. <strong>Pour</strong> eux, cette<br />

mesure permet de figer l’effort actuel : c’est à dire, en particulier, d’interdire l’accès de la<br />

<strong>pêche</strong>rie de langoustine aux chalutiers évoluant en Mer d’Irlande et Mer Celtique (plus grands<br />

et plus puissants). En passant dans les différents ports, on a ainsi pu constater <strong>une</strong><br />

« sensibilité collective » autour de la question de la gestion de la langoustine du Golfe.<br />

Le refus de l’adoption de la grille sélective dans certains ports peut s’expliquer par des<br />

pratiques différentes. Les bateaux du Croisic <strong>pêche</strong>nt en zone 2, sur des fonds sableux plats,<br />

adaptés à des traits de chaluts longs et droits. Au contraire, les chalutiers bigoudens évoluent<br />

en zone 1 où les fonds sont accidentés (la grille pourrait casser), sur des bateaux plus petits :<br />

la grille est mal adaptée à l’étroitesse des enrouleurs de chaluts.<br />

Il semble qu’<strong>une</strong> solution technique soit possible pour la zone 1, en adaptant des " mailles<br />

carrées " sur le ventre du chalut (du type du panneau installé sur le dessus du chalut pour<br />

l’échappement des merlus). On voit ici l’importance que peut avoir <strong>une</strong> gestion précise,<br />

adaptée aux conditions spécifiques des zones de <strong>pêche</strong>, qui se concentre sur l’objectif à<br />

atteindre en restant souple sur les moyens d’y parvenir.<br />

La répartition de la production biologique : Le débat autour du partage du TAC : le droit à<br />

cueillir<br />

Le débat autour du partage du TAC est polémique car il soulève la question de la privatisation<br />

de la ressource halieutique, res nullius et « patrimoine collectif » d’après la loi d’orientation<br />

de 1997 (cf § 5.2). Même s’il existe d’autres instruments pour attribuer un « droit à cueillir » à<br />

chaque armement, le débat tourne très vite autour de la mise en place éventuelle de Quotas<br />

Individuelles Transférables (QIT).<br />

<strong>Pour</strong> les scientifiques rencontrés, il faut bien donner <strong>une</strong> part du quota à chaque navire. <strong>Pour</strong><br />

les biologistes, cette décision serait un outil en terme d’aménagement de la <strong>pêche</strong>rie. <strong>Pour</strong> les<br />

économistes, cette mesure permettrait <strong>une</strong> plus grande efficience économique.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 90


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

<strong>Pour</strong> la plupart des représentants professionnels, il ne faut pas mettre en place de quota<br />

individuel puisqu’on courrait le risque d’<strong>une</strong> concentration des moyens de production.<br />

Quelques représentants d’OP pensent qu’il faut penser <strong>une</strong> gestion collégiale.<br />

<strong>Pour</strong> les patrons rencontrés, la question n’a pas été posée de façon récurrente. Néanmoins,<br />

beaucoup y voient un intérêt. Connaissant leur quota, ils pourraient avoir <strong>une</strong> plus grande<br />

visibilité pour la conduite de leur entreprise. Ils valoriseraient donc au mieux leur part, et<br />

s’intéresseraient plus spontanément aux aspects de marché.<br />

Commentaire : gérer par l’effort plutôt que par la quantité<br />

L’enjeu primordial est bien aujourd’hui de casser le mécanisme profond et pervers de la<br />

« course aux poissons » qui découle d’<strong>une</strong> absence de régulation individuelle de l’accès. En<br />

effet, ce mécanisme oppose intérêt individuel et intérêt collectif : il se traduit par <strong>une</strong><br />

surexploitation de la ressource et <strong>une</strong> surcapacité des flottes, et compromet l’avenir de la<br />

<strong>pêche</strong> (§ 1.3.2).<br />

<strong>Pour</strong> chac<strong>une</strong> des 2 sous-zones définies (ou unités fonctionnelles), on peut estimer <strong>une</strong><br />

production biologique. <strong>Pour</strong> rationaliser l’exploitation et éviter la « course aux poissons », il<br />

faut attribuer <strong>une</strong> part de la production biologique (TAC) à chaque armement. Partant, 2 types<br />

de gestion sont possibles : <strong>une</strong> gestion par les quantités ou <strong>une</strong> gestion par l’effort (les modes<br />

de capture). Aujourd’hui, la <strong>pêche</strong>rie de langoustine est gérée par l’effort et par la quantité<br />

(Figure 20).<br />

Dans la gestion par les quantités, la part de chaque armement est définie par un quota<br />

(quantité). Le quota est alors un outil de gestion, et on définit logiquement un Quota<br />

Individuel (QI).<br />

Dans la gestion par l’effort, la part de chaque armement est définie par les modes et moyens<br />

de capture autorisés (effort). On fixe alors des critères restrictifs sur les moyens d’exploitation<br />

(longueur des bateaux, jours de mer, taille et sélectivité des engins).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 91


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

La gestion par l’effort répond aux objectifs d’<strong>une</strong> <strong>pêche</strong> <strong>durable</strong><br />

Des objectifs écologiques : respect de la capacité productive du stock et de<br />

l’intégrité de l’écosystème<br />

L’exploitation doit s’ajuster sur la capacité productrice de la population de langoustine du<br />

Golfe de Gascogne. Le problème est de répartir la cueillette de la production biologique entre<br />

chaque bateau. La proposition d’<strong>une</strong> gestion par les QI semble alors logique. Mais en quoi ne<br />

dépasserait-on pas des QI comme on dépasse les quotas à l’heure actuelle ? En outre, le QI<br />

encourage à rejeter les petits individus pour ne garder que les gros (plus chers). La gestion par<br />

la quantité encourage de façon perverse à <strong>pêche</strong>r au poids alors que c’est le nombre<br />

d’individus qui compte pour l’état du stock.<br />

En outre, le respect de l’intégrité de l’écosystème joue clairement en faveur d’<strong>une</strong> gestion par<br />

l’effort. En effet, la gestion par la quantité n’intègre pas le caractère multi-spécifique de la<br />

<strong>pêche</strong>rie. Elle repose sur des quotas définis par espèce comme si les captures étaient<br />

distinctes. Or, si les langoustiniers prennent de la langoustine, ils capturent aussi du merlu, du<br />

lieu, de la baudroie, etc. D’autre part, elle n’intègre pas les impacts sur l’écosystème marin.<br />

Au contraire, la gestion par l’effort tient compte de l’ensemble des captures réalisées dans<br />

l’écosystème, lors des opérations de <strong>pêche</strong>. Via la définition des modalités de captures sur la<br />

sélectivité des captures et sur l’impact physique des engins sur les fonds.<br />

Un objectif économique : <strong>une</strong> meilleure rentabilité des entreprises de <strong>pêche</strong><br />

La préservation de la capacité productrice de l’écosystème du Golfe de Gascogne est la<br />

meilleure garantie de la pérennité de l’activité de <strong>pêche</strong> à la langoustine.<br />

Dans <strong>une</strong> gestion par la quantité, on raisonne en considérant les moyens de capture comme<br />

donnés et non modifiables (diagramme d’exploitation constant). Ainsi, en conservant la<br />

sélectivité actuelle des chaluts à langoustine, il faut <strong>une</strong> réduction de 40% de l’effort de <strong>pêche</strong><br />

pour soutirer le maximum du stock de langoustine du Golfe de Gascogne (niveau du<br />

rendement maximum soutenable). Cette réduction exigerait <strong>une</strong> très forte réduction de<br />

l’activité langoustinière sur le Golfe, avec <strong>une</strong> probable réduction de la flottille. Une telle<br />

réduction apporterait un gain de 6% en terme de capture (GASCUEL, com. pers.). Au<br />

contraire, en améliorant fortement la sélectivité des chaluts (mortalité nulle aux âges 0,1,2 et<br />

3), les gains en terme de capture s’élèveraient à 48% en conservant l’activité langoustinière<br />

actuelle (GASCUEL, com. pers.).<br />

Un objectif social : <strong>une</strong> activité présente sur tout le littoral<br />

Si un QI est attribué, il est à craindre qu’on en réclame rapidement la valeur qu’il a. En<br />

réclamant sa valeur, un marché du QI – légal ou illégal – se mettrait naturellement en place.<br />

Ces QI deviendraient alors monnayables et transférables (QIT). A ce titre, on peut rappeler<br />

que les concessions ostréicoles, situées sur le Domaine Public Maritime (DPM), n’avaient pas<br />

de valeur et étaient gérées par l’Etat, via l’administration des Affaires Maritimes. Objets de<br />

spéculation, négociées « sous le manteau », l’Etat a finalement décidé de reconnaître la valeur<br />

des concessions et a officialisé ce marché « sous-terrain ». Tous les interlocuteurs rencontrés<br />

reconnaissent ce risque.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 92


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Or si les QI deviennent des QI Transférables, on assisterait à <strong>une</strong> concentration des moyens de<br />

productions. Le patron <strong>pêche</strong>ur, propriétaire de son quota vendrait logiquement au plus<br />

offrant. On pourrait alors voir l’activité se concentrer dans un nombre réduit de port - alors<br />

qu’elle est aujourd’hui présente dans 15 quartiers maritimes - et à un nombre réduit de<br />

bateaux.<br />

Or la <strong>pêche</strong> langoustinière a <strong>une</strong> place dans la structuration du littoral du Golfe de Gascogne<br />

(cf importance socio-économique de l’exploitation, § 6.1.3), et doit être présente sur tout le<br />

littoral de la façade atlantique. Une gestion par l’effort permet justement d’allouer les droits<br />

de <strong>pêche</strong> pour préserver <strong>une</strong> activité répartie le long du littoral.<br />

Un objectif de gestion : faire du <strong>pêche</strong>ur un gestionnaire de la ressource<br />

Le choix du mode de gestion doit être opérationnel et applicable sur le « terrain ». C’est l’un<br />

des principaux défauts de la politique communautaire des <strong>pêche</strong>s que de s’être rendue<br />

incompréhensible de la part des professionnels (§ 3.3.2). Et c’est un argument de poids en<br />

faveur d’<strong>une</strong> gestion par l’effort. L’évaluation de l’état de la ressource en langoustine est<br />

remis en question de façon récurrente par les <strong>pêche</strong>urs. Il y a souvent un hiatus entre leur<br />

perception et l’évaluation scientifique. Tout repose alors sur l’évaluation scientifique de la<br />

ressource et donne <strong>une</strong> importance énorme - non souhaitable et non souhaitée - aux<br />

biologistes des <strong>pêche</strong>s. Perdant de sa crédibilité, la gestion par les quantités perd alors de son<br />

efficacité.<br />

Au contraire, <strong>une</strong> gestion par les modes de capture est plus intuitive pour les <strong>pêche</strong>urs. Ils<br />

comprennent par exemple qu’il faille laisser les « petites au fond ». C’est d’ailleurs pour cette<br />

raison que les <strong>pêche</strong>urs ont accepté le programme sur l’amélioration de la sélectivité puisqu’il<br />

s’agissait de « trier sur le fond plutôt que sur le pont ».<br />

La gestion par l’effort encourage un comportement de gestionnaire, à l’inverse d’<strong>une</strong> gestion<br />

par la quantité qui fait du <strong>pêche</strong>ur un « producteur ».<br />

Proposition : la mise en place d’<strong>une</strong> gestion par l’effort de la <strong>pêche</strong>rie de langoustine<br />

Limiter l’accès<br />

L’accès à la <strong>pêche</strong>rie est d’ores et déjà limitée à l’échelle inter-régionale via la mise en place<br />

de la licence<br />

La mise en place des PPS a en effet permis de fermer et limiter l’accès à la <strong>pêche</strong>rie (numerus<br />

clausus). La langoustine du Golfe est considérée comme un stock à part (langoustine de la<br />

zone VIII du CIEM) et l’échelle concernée offre donc <strong>une</strong> vraie pertinence écologique où les<br />

efforts devraient profiter aux <strong>pêche</strong>urs de la zone.<br />

Attribuer <strong>une</strong> part à chaque armement en définissant les modalités de<br />

capture<br />

En plus de la limitation de l’accès, la licence permet de définir les modalités techniques<br />

obligatoires pour l’exploitation de la langoustine du Golfe (longueur des bateaux, chaluts<br />

autorisés, dispositifs sélectifs). En 2006, le panneau de mailles carrées pour l’échappement<br />

des juvéniles de merlu a ainsi été imposé pour l’obtention de la licence. Suite aux essais de<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 93


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

dispositifs sélectifs pour l’échappement des langoustines hors taille (grille sélective, panneau<br />

de mailles carrées, augmentation du maillage), le choix d’un des trois dispositifs devrait être<br />

rendu obligatoire en 2008.<br />

Mettre en place <strong>une</strong> régulation publique des PME des langoustiniers via <strong>une</strong><br />

agence publique disposant d’un droit de préemption<br />

Principal reproche fait au QI, la concentration des moyens de productions s’observe déjà dans<br />

la gestion actuelle. Le « droit à cueillir » que constitue l’accès à la <strong>pêche</strong>rie a effectivement un<br />

prix et est intégré dans la valeur du Permis de Mise en Exploitation (PME). C’est ce que<br />

révèle l’étude du marché des bateaux d’occasion (GUYADER, communication à l’université<br />

d’été de l’IFREMER à Nantes, 2005).<br />

Le but n’est pas d’officialiser par des QI ce que les PME portent déjà (la valeur du « droit à<br />

cueillir », c’est à dire <strong>une</strong> part de la production biologique), mais de gérer publiquement les<br />

PME. Gérés publiquement, on soustrairait la valeur des PME de la logique du marché.<br />

Les PME devraient être gérés par <strong>une</strong> agence publique. Cette agence disposerait d’un<br />

droit de préemption à l’image de ce qu’on observe pour la gestion des terrains agricoles avec<br />

les Sociétés d’Aménagement Foncières et des Exploitation Agricoles (SAFER),<br />

« structures de médiation, de concertation et d’équilibre qui contribue à l’aménagement<br />

<strong>durable</strong> du territoire rural, en intervenant par des opérations d’orientation foncière<br />

concourant à l’intérêt général » (FNSAFER, 2004). Cette agence définirait le type de bateau<br />

(longueur et puissance) susceptible de se voir délivrés le PME, nécessaire à l’exploitation de<br />

la langoustine dans le Golfe de Gascogne. A cet égard, <strong>une</strong> standardisation et un alignement<br />

des moyens d’exploitation sont souhaitables (bateaux génériques), à l’image de ce qu’on<br />

observe dans les <strong>pêche</strong>ries traditionnelles (Annexe 4).<br />

De même que les SAFER pour le domaine terrestre, <strong>une</strong> telle agence publique serait ainsi<br />

responsable de l’élaboration d’un projet de territoire pour la façade atlantique.<br />

Cette agence publique ferait donc le choix de la répartition de la production biologique. Elle<br />

capterait et redistribuerait les PME. Cette intervention permettrait ainsi de veiller aux<br />

équilibres portuaires et régionaux, afin de préserver <strong>une</strong> <strong>pêche</strong> dispersée le long du littoral<br />

dans l’intérêt général.<br />

Conserver éventuellement les TAC et quotas comme indicateurs et non<br />

comme outils de gestion<br />

Le système de TAC et quotas serait conservé dans <strong>une</strong> phase transitoire, puis, éventuellement,<br />

comme des indicateurs. Dans cette hypothèse, certaines améliorations seraient néanmoins à<br />

apporter au système existant.<br />

Un TAC pluriannuel pour <strong>une</strong> plus grande visibilité<br />

L’évolution du TAC de langoustine du Golfe de Gascogne fait apparaître de très fortes<br />

variations annuelles (voir supra). En plus de la perte de crédibilité du diagnostic scientifique,<br />

cette évolution pose aux patrons <strong>pêche</strong>urs des difficultés pour la gestion de leurs entreprises.<br />

Un TAC pluriannuel donnerait aux professionnels un horizon plus large pour organiser leur<br />

activité et assurer ainsi la rentabilité de leurs exploitations.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 94


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Un sous-quota attribué à chaque zone de <strong>pêche</strong><br />

Il faudrait un partage du quota de langoustine « Golfe de Gascogne » entre la zone de la<br />

« Grande Vasière » (zones 1 et 2) et la zone du plateau de Rochebonne (zone 3). Puis on<br />

partagerait à nouveau le quota « Grande Vasière » entre la zone 1 et la zone 2 afin d’autoriser<br />

<strong>une</strong> gestion différentielle des modes de capture sur les 2 zones, les conditions du PPS étant<br />

minimales. Si l’on ne fait pas ce partage, l’alignement des moyens d’exploitation se fera par le<br />

haut au détriment de la ressource.<br />

Gérer par l’effort plutôt que par la quantité est un choix crucial. A l’échelle de la <strong>pêche</strong>rie,<br />

comme au niveau communautaire, ce choix n’a pas encore été fait et on reste à <strong>une</strong><br />

combinaison des deux. A l’échelle de la <strong>pêche</strong>rie, cette absence de choix devient critique et<br />

abouti à des tensions de plus en plus vives entre comités des <strong>pêche</strong>s - gérant par l’effort via<br />

les licences - et les organisations de producteurs - gérant par la quantité via le quota qui leur<br />

est attribué. Une gestion par l’effort présente beaucoup plus d’intérêts tant écologiques,<br />

économiques que sociaux.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable 95


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Figure 22. Représentation schématique de la proposition faite pour l’aménagement de la <strong>pêche</strong>rie de langoustine. L’agence publique est responsable d’un « projet de<br />

territoire », définit en fonction les critères pour l’attribution d’un PME et les répartit le long de la façade atlantique. La commission nationale langoustine définit les critères<br />

techniques nécessaires pour l’obtention d’<strong>une</strong> licence « chalut », et éventuellement d’<strong>une</strong> licence « casier ». Ces conditions sont évolutives et sont re-décidées tous les ans.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable » 96


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

6.2.8. Etape 5 : la nécessité de mettre en place un contrôle strict<br />

et homogène<br />

Dans le contexte d’<strong>une</strong> concertation à l’échelle de la <strong>pêche</strong>rie, les décisions seraient formulées<br />

par les acteurs, eux-mêmes. Dans ces conditions, un contrôle social devrait émerger. Les<br />

professionnels attacheraient normalement beaucoup d’attention à ce que les décisions, dont ils<br />

sont à l’origine, soient respectées. Mais on ne pourrait pas se contenter d’un tel vœu dans un<br />

jeu qui reste largement fondé sur <strong>une</strong> opposition entre les intérêt individuels (<strong>pêche</strong>r plus que<br />

les autres) et l’intérêt collectif (<strong>pêche</strong>r <strong>durable</strong>ment). Des moyens de contrôle réguliers<br />

devront donc être assurés.<br />

En 2005, on pouvait acheter de la langoustine hors taille à la poissonnerie d’un des plus<br />

grands ports langoustiniers du Golfe de Gascogne. Cette poissonnerie est le long du quai où<br />

l’on peut aussi trouver les locaux des armements, de l’OP, du CLPMEM et des Affaires<br />

Maritimes. Nombreux sont les témoignages qui rapportent de tels écarts, ou le surclassement<br />

sous criée de langoustines de qualité B en qualité A, etc. On peut se concerter, élaborer,<br />

organiser, proposer, décider si les décisions prises au sein de l’UEGC ne sont pas appliquées,<br />

rien ne changera.<br />

De nombreux contrôles sont actuellement en cours tout le long de la filière. Il faut espérer<br />

qu’ils permettent de faire évoluer les mentalités. De l’aveu de certains professionnels, la<br />

fraude était un « sport national ».<br />

6.2.9. La responsabilité politique<br />

Les choix ne sont pas du ressort des professionnels ou des scientifiques mais bien des<br />

politiques.<br />

Gérer la ressource à long terme pour pérenniser l’activité économique, plutôt que la « paix<br />

sociale » dans <strong>une</strong> optique purement électoraliste<br />

Tous les scientifiques rencontrés critiquent le flou des demandes des décideurs (les ministres<br />

de la <strong>pêche</strong> des pays de l’Union Européenne, réunis lors du conseil des ministres) et regrettent<br />

de ne pas se voir poser les "bonnes questions". Certains pensent que ces demandes sont<br />

sciemment imprécises, les gestionnaires "instrumentalisant" la recherche scientifique. Le<br />

processus qui va de l’avis scientifique à la décision politique des TAC (cf § 3.3.2) illustre cet<br />

état de fait. Chaque année, avant la réunion du conseil des ministres, les avis scientifiques<br />

émis par le CIEM recommandent des diminutions fortes de TAC pour de nombreux stocks.<br />

Au final, les décisions prises en conseil des ministres sont largement plus clémentes. Et le<br />

même jeu reprend chaque année.<br />

On reproche aux avis scientifiques de ne tenir compte que des éléments de biologie, mais les<br />

biologistes reconnaissent pourtant la pertinence d’<strong>une</strong> approche sociologique, toujours pas<br />

intégrée. Nombre de patrons <strong>pêche</strong>urs interrogés font cette analyse. " Les quotas chaque<br />

année, au début, c’est stressant. Après, tu prends le coup. Tu sais que ça ne va pas bouger<br />

beaucoup. De toute façon, ce ne sont pas les scientifiques, ce sont les politiques qui<br />

décident. Eux, ils intègrent le social ".<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable » 97


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Ce constat, lucide, est inquiétant. L’activité économique créée dépend directement de la<br />

ressource de langoustine du Golfe de Gascogne. Les dimensions écologiques, économiques et<br />

sociales sont donc très étroitement liées. Si le stock de langoustine diminue, c’est l’activité<br />

économique qui régresse et des emplois qui disparaissent. La gestion de la ressource suppose<br />

d’avoir un horizon à 5 – 10 ans. Il y a donc clairement un décalage entre le pas de temps<br />

nécessaire pour <strong>une</strong> gestion éclairée, et le temps politique borné par les échéances électorales.<br />

En bref, si <strong>une</strong> langoustine peut vivre jusqu’à 10 ans, un ministre de l’agriculture et de la<br />

<strong>pêche</strong> en <strong>France</strong> passe rarement plus de 2 ans au ministère. Jugé sur cette période, on<br />

comprend qu’il ne s’attache qu’à gérer la « paix sociale », en ménageant ses électeurs<br />

potentiels.<br />

Inscrire la gestion par façade dans le contexte de la décentralisation du pouvoir de l’Etat vers<br />

les régions<br />

La mise en place d’<strong>une</strong> plate-forme de concertation à l’échelle de la <strong>pêche</strong>rie de langoustine<br />

du Golfe de Gascogne permettrait de gérer au plus près du « terrain ». Les décisions seraient<br />

discutées en amont, acceptées par les parties prenantes et donc, plus facilement applicables.<br />

Cette décentralisation du débat, portée par la mise en place d’un mission de façade, prendrait<br />

place naturellement dans le contexte actuelle de transfert des compétences de l’Etat vers les<br />

régions administratives.<br />

Ces adaptations ne doivent néanmoins pas remettre en cause la responsabilité de l’Union<br />

Européenne dans la gestion de la ressource.<br />

Renforcer l’interprofession et encourager <strong>une</strong> approche « filière » à l’échelle de la <strong>pêche</strong>rie<br />

Dans le débat actuel sur la refonte des structures professionnelles, l’Etat doit faire apparaître<br />

et revaloriser le rôle de l’interprofession. Est-ce toujours le rôle des comités des <strong>pêche</strong>s, selon<br />

la loi de 1991 ? Est-ce le rôle de l’OFIMER ? Celui des OP qui sont justement à l’interface<br />

entre l’amont et l’aval de la filière ? En tous cas, des passerelles doivent être mises en place à<br />

l’échelle de la <strong>pêche</strong>rie afin de rapprocher la gestion et le marché.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable » 98


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

6.3. Recommandations pour la mise en place d’<strong>une</strong> UEGC<br />

« Langoustine du Golfe de Gascogne »<br />

6.3.1. Etape 1 : maintenir la concession fermée<br />

Maintenir la limitation de l’accès via la licence. Mettre en place <strong>une</strong> gestion plus<br />

précise selon les zones de <strong>pêche</strong>, en considérant dans un premier temps les 2 unités<br />

écologiques fonctionnelles (Grande Vasière et Plateau de Rochebonne), puis en en<br />

séparant par la suite l’unité « Grande Vasière » en 2 zones.<br />

On distinguerait ainsi 3 sous-zones. L’entrée et la sortie de ces zones pourraient être<br />

contrôlées grâce au relèvement des positionnements à partir du VMS (Vessel<br />

Monitoring System).<br />

6.3.2. Etape 2 : organiser <strong>une</strong> nouvelle gouvernance<br />

Faire évoluer la commission nationale « langoustine » du CNPMEM en l’ouvrant à<br />

l’aval de la filière (mareyage en particulier) et à la contribution d’autres acteurs<br />

(associations de consommateurs, de défense de l’environnement, etc.). Cette<br />

commission serait organisée par un système de charte souple et évolutive, et elle serait<br />

chargée de définir les conditions pour l’obtention de licence PPS. Elle serait appuyée<br />

par l’AGLIA et rattachée à la mission de façade atlantique.<br />

Mettre en place au sein de la commission nationale « langoustine » la co-compétence.<br />

Grâce à l’expertise scientifique, fixer un point zéro : niveau de référence fondant un<br />

diagnostic commun. Etablir <strong>une</strong> feuille de route fixant des objectifs à 10 ans :<br />

économiques, rentabilité des exploitations de <strong>pêche</strong> ; sociaux : emplois et répartition<br />

de l’activité le long de la façade atlantique ; écologiques : niveaux de prélèvements et<br />

préservation de l’écosystème marin. Une telle feuille de route permettrait de dessiner<br />

un projet d’avenir pour la <strong>pêche</strong>rie langoustinière, au-delà des polémiques et des<br />

crispations sur le court terme qui occupent aujourd’hui toutes les forces et toutes les<br />

énergies.<br />

Etablir des indicateurs de progrès. Mettre en place <strong>une</strong> gestion adaptative (adaptation<br />

annuelles pour atteindre les objectifs de la feuille de route). On s’attacherait à proposer<br />

différentes stratégies d’exploitation intégrant la problématique globale du système<br />

halieutique (biologie, économie, aspects de marché, équilibres financiers des ports).<br />

Expérimenter sur certaines zones précises (fonds durs particulièrement sensibles à<br />

l’impact physique des chaluts « diabolo ») la <strong>pêche</strong> de la langoustine au casier.<br />

Créer un poste de coordinateur de la commission nationale « langoustine »,<br />

financé par l’AGLIA (comme mise à disposition de compétence en appui aux<br />

structures professionnels). A l’image du poste d’animateur pour la gestion de l’eau,<br />

cette personne serait chargée de la diffusion de l’information entre les membres de<br />

l’UEGC et assurerait un échange régulier entre eux. Il faciliterait l’animation<br />

permanente des structures locales (comités locaux des <strong>pêche</strong>s et OP), en collaboration<br />

avec le réseau des enquêteurs de l’IFREMER.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable » 99


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

6.3.3. Etape 3 : réorganiser la filière<br />

Réorganiser la filière « langoustine vivante du Golfe de Gascogne » de l’amont (accès<br />

limité, <strong>pêche</strong> sélective, etc.) à l’aval (améliorer la conservation et le transport pour<br />

approvisionner de nouveaux marchés en langoustine vivante) pour valoriser les<br />

langoustines issues d’<strong>une</strong> <strong>pêche</strong> <strong>durable</strong>.<br />

Communiquer pour vendre de la langoustine toute l’année. L’étalement de<br />

l’exploitation de la langoustine dans l’année évitera le dépassement du quota et<br />

stabilisera le marché de la langoustine vivante.<br />

Communiquer pour valoriser la langoustine vivante de belle taille (> 10 cm). Un tel<br />

produit correspond à la fois à un marché lucratif et à <strong>une</strong> <strong>pêche</strong> sélective.<br />

Impliquer le consommateur final dans cette logique d’exploitation <strong>durable</strong> par la<br />

traçabilité et l’étiquetage des langoustines issues d’<strong>une</strong> filière <strong>durable</strong>.<br />

6.3.4. Etape 4 : mettre en place <strong>une</strong> gestion par l’effort<br />

Préciser les conditions d’obtention des licences « langoustine » en définissant les<br />

modalités de capture : la longueur et la puissance maximales pour les chalutiers,<br />

l’ouverture et le type de chalut autorisé, le dispositif sélectif obligatoire. Les<br />

conditions sont évolutives et seraient précisées par la commission nationale<br />

« langoustine », dans le respect de la feuille de route établie.<br />

Conserver le quota comme indicateur et non comme outil de gestion.<br />

Créer <strong>une</strong> agence publique disposant d’un droit de préemption sur les Permis de<br />

Mise en Exploitation, à l’image des SAFER pour les terrains agricoles. Cette agence<br />

prendrait place au sein de la mission de façade atlantique et travaillerait sur l’ensemble<br />

des <strong>pêche</strong>ries du Golfe. Elle travaillerait en étroite association avec les autres UEGC<br />

de la façade, et veillerait à <strong>une</strong> répartition de l’activité de <strong>pêche</strong> le long du littoral<br />

(répartition des licences le long de la façade et maintien des équilibres portuaires).<br />

6.3.5. Etape 5 :assurer un contrôle strict<br />

Développer des contrôles stricts pour la traçabilité le long de la filière. Une garantie de<br />

la traçabilité permettrait de valoriser la langoustine de meilleure qualité, correspondant<br />

à <strong>une</strong> <strong>pêche</strong> plus sélective.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable » 100


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

Figure 23. Représentation schématique du positionnement de l’UEGC « langoustine du Golfe de Gascogne ». Au niveau de la mission de façade, l’agence publique est<br />

responsable de l’aménagement du territoire ; la politique de gestion de la ressource est organisée par l’UEGC sous l’égide la Commission Européenne (via le CCR<br />

éventuellement). Le contrôle est assuré par les <strong>pêche</strong>urs eux-mêmes (auto-contrôle), l’Etat, et la Commission Européenne<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 101


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

7. SECONDE ETUDE DE CAS : LA PÊCHE AUX « PETITS<br />

METIERS » SUR LE LITTORAL DU VAR ET DES ALPES-<br />

MARITIMES :<br />

7.1. Analyse de la <strong>pêche</strong>rie<br />

7.1.1. Le choix de l’échelle d’analyse<br />

Dans le cas de la <strong>pêche</strong>rie de langoustine, l’aire géographique était logiquement circonscrite à<br />

l’échelle du Golfe de Gascogne qui correspond à l’aire de répartition de la population de<br />

langoustine. Dans le cas présent, la distinction a été faite sur des éléments géographiques<br />

(largeur du plateau continental) qui déterminent les différentes stratégies d’exploitation mises<br />

en œuvre.<br />

Eléments géographiques<br />

En considérant la carte bathymétrique de la méditerranée Nord-Occidentale, deux unités<br />

géographiques se distinguent sur le littoral continental (figure 24) :<br />

- le Golfe du Lion : de Barcelone à La Ciotat, son exploitation halieutique intéresse<br />

les régions de Catalogne (Espagne), du Languedoc-Roussillon et le département<br />

des Bouches du Rhône ;<br />

- Le secteur liguro-provençal : de La Ciotat à Gênes (en Italie), son exploitation<br />

intéresse les départements du Var et des Alpes-Maritimes et <strong>une</strong> partie de la région<br />

de Ligurie (Italie).<br />

Figure 24. Mise en évidence<br />

des deux unités de gestion le<br />

long de la côté<br />

méditerranéenne française :<br />

le golfe du Lion (en bleu), le<br />

littoral du secteur liguroprovençal<br />

(en rouge). Les<br />

deux unités sont délimitées<br />

par la ligne bathymétrique<br />

des – 200 m.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 102


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

Les stratégies de <strong>pêche</strong> adoptées sur la façade méditerranéenne française<br />

Sur le Golfe du Lion, le plateau continental est large de plusieurs milles. Le réseau trophique<br />

est productif et les populations d’espèces marines abondants. Cette situation permet<br />

notamment <strong>une</strong> <strong>pêche</strong>rie chalutière ciblant des espèces de fond (rouget, lotte, sole, etc.) et les<br />

petits poissons pélagiques (sardine, anchois, maquereau, etc.).<br />

Au contraire, pour le secteur liguro-provençal (partie française), le plateau continental est<br />

étroit. La production biologique est donc beaucoup plus limitée. Les espèces d’intérêt<br />

halieutiques sont des espèces côtières démersales, dont les stocks sont limités. La <strong>pêche</strong> est<br />

exclusivement composée de « petits métiers » (voir infra) côtiers, polyvalents.<br />

Dans le cadre de notre réflexion sur les unités d’exploitation et de gestion concertées, il nous<br />

a donc paru pertinent de considérer ces deux unités.<br />

La région du Languedoc-Roussillon est la région la plus importante avec 2400 marins et près<br />

de 850 navires (armés à 85 % dans la catégorie des « petits métiers »), dont 120 chalutiers et<br />

35 thoniers-senneurs. La région Provence Alpes Côte d’Azur (650 navires et 1200 marins)<br />

connaît <strong>une</strong> activité moindre, presque uniquement réalisée par <strong>une</strong> flotte de « petits métiers »<br />

(source : fichier POP au 31/12/01).<br />

<strong>Pour</strong> affiner la distinction faite entre les 2 unités de gestion a priori, on peut considérer la<br />

structure des flottes. Si on regroupe d’<strong>une</strong> part les quartiers maritimes de Port-Vendres, Sète,<br />

Martigues et Marseille dont les flottes évoluent dans le Golfe du Lion, et d’autre part, les<br />

quartiers de Toulon et de Nice, la flotte du Golfe est globalement 2 fois plus puissante (103<br />

kW/navire) que celle du Var et des Alpes-Maritimes (46 kW/navire, figure 25). L’essentiel de<br />

la puissance est capté par les grands métiers (chalutiers et thoniers)<br />

120<br />

100<br />

80<br />

60<br />

40<br />

20<br />

0<br />

Port-<br />

Vendres<br />

Sète Martigues Marseille Toulon Nice<br />

kW/navire<br />

Port-Vendres<br />

Sète<br />

Martigues<br />

Marseille<br />

Toulon<br />

Nice<br />

Figure 25. Puissance moyenne des navires des ports<br />

de la façade continentale en 1997 (source :<br />

Direction des Pêches).<br />

Dans le Golfe du Lion, trois stratégies d’exploitation co-existent : les « petits métiers », les<br />

chalutiers et les thoniers. <strong>Pour</strong> le secteur liguro-provençal, seuls les « petits métiers » sont<br />

présents.<br />

<strong>Pour</strong> l’étude, le secteur liguro-provençal correspond bien à <strong>une</strong> <strong>pêche</strong>rie comme définie dans<br />

la partie cinq : la combinaison d’un métier et d’un territoire en vue de la capture d’espèces<br />

cibles. Néanmoins, pour des raisons pratiques (temps, argent, barrière de la langue), la partie<br />

italienne a été exclue du champ d’analyse. L’étude porte sur la gestion et les acteurs de la<br />

gestion des <strong>pêche</strong>s sur l’espace littoral du Var et des Alpes-Maritimes.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 103


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

7.1.2. L’activité économique du littoral du Var et des Alpes-<br />

Maritimes : urbanisation excessive et apparition récente de<br />

nouveaux usages de la ressource halieutique<br />

Un littoral attractif subissant <strong>une</strong> forte pression et caractérisé par des activités diversifiées<br />

Le littoral est un espace de convergence et de compétition. Les pressions qui s'y exercent sont<br />

d'origine anthropique : concentration urbaine et déprise rurale, érosion côtière, dépérissement<br />

de la végétation des rivages, appauvrissement et destruction de biotopes littoraux,<br />

contamination des eaux, etc...<br />

Une urbanisation excessive<br />

Provence Alpes Côte d'Azur a le taux d'artificialisation littorale le plus élevé en <strong>France</strong> avec<br />

61% et 92 % dans les Alpes Maritimes (source : Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse).<br />

Sur la côte, de Martigues à Menton, 192 ouvrages (ports de plaisance et abris) couvrent 15 %<br />

des fonds entre 0 et 10 mètres et 17 % du linéaire côtier, rognant sur les zones de frayères des<br />

espèces côtières. L'espace littoral qui représente 10 % de l'espace régional, reçoit ainsi<br />

globalement 90 % de la population de la région. Dans les Alpes Maritimes, le littoral<br />

rassemble 84 % de la population du département (source : Agence de l’eau Rhône<br />

Méditerranée Corse).<br />

L’apparition de nouveaux usagers : <strong>pêche</strong> plaisancière et chasse sousmarine<br />

Provence Alpes Côte d'Azur est la première région touristique de <strong>France</strong> et l'<strong>une</strong> des plus<br />

importantes du bassin méditerranéen, avec 237 millions de nuitées en 1992, contre 21,1<br />

millions en Languedoc Roussillon. La plaisance a ainsi explosé en moins de 3 décennies et le<br />

rivage méditerranéen concentre <strong>une</strong> flotte immatriculée de près de 320 000 bateaux (dont 77<br />

% à moteur). Logiquement, d’autres usages de la ressource halieutique tels que la <strong>pêche</strong><br />

plaisancière et la chasse sous-marine ont crû de façon importante.<br />

Un avenir incertain pour la <strong>pêche</strong> aux « petits métiers »<br />

L’espace littoral devient donc, pour l’ensemble des activités ou des acteurs, un objet de<br />

valorisation économique soumis à de nombreuses compétitions. Les problèmes de co-gestion<br />

liés à l’usage de l’espace littoral sont de plus en plus aigus. Dans ce contexte, la <strong>pêche</strong><br />

professionnelle peine à trouver sa place.<br />

7.1.3. Éléments de biologie : ichtyofa<strong>une</strong> et étages sous-marins<br />

Dans la zone des 0 – 30 m (limite inférieure de l’herbier), vivent la plupart des espèces<br />

ciblées par la petite <strong>pêche</strong> artisanale. Sans être exhaustif, citons les principales espèces<br />

d’intérêt commercial : les labridés (Symphodus spp., Labrus spp., Coris julis), sparidés<br />

(Diplodus spp.), scorpaenidés (Scorpaena spp.), et enfin le rouget (Mullus spp.), recherché<br />

juste en bord d’herbier. Les <strong>pêche</strong>urs appellent cette limite le bord de « bronde » : elle<br />

correspond généralement à <strong>une</strong> cassure de la pente (la pente augmente), et est<br />

particulièrement prisée. La mostelle (Phycis phycis), également d’intérêt halieutique est<br />

présente uniquement dans les fonds rocheux.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 104


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

Au-delà, de 30 à 100 m, les espèces intéressantes pour la <strong>pêche</strong> sont moins abondantes. Les<br />

<strong>pêche</strong>urs y recherchent le chapon (Scorpaena scrofa), la langouste (Palinurus elephas). Le<br />

merlu (Merluccius merluccius) y est également présent.<br />

La zone d’étude est un site homogène caractérisée par un vaste herbier de Posidonie et<br />

de nombreuses roches, présentant <strong>une</strong> ichtyofa<strong>une</strong> diverse et importante.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 105


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

Une exploitation <strong>durable</strong><br />

7.1.4. Durabilité de l’exploitation par les « petits métiers » :<br />

historique et diagnostic<br />

Les études scientifiques disponibles sur les logiques de <strong>pêche</strong> des « petits métiers » sont<br />

généralement réalisées par des étudiants (CRIQUET, 2001 ; CULIOLI, 1994 ; GUERIN,<br />

2003) au sein d’associations, ou d’unités de recherche universitaires. Elles s’inscrivent dans<br />

<strong>une</strong> problématique plus large de conservation du milieu marin, dans le cadre de la gestion de<br />

parcs marins (Banyuls-sur-Mer, réserve des Bouches de Bonifacio, Parc National de Port-<br />

Cros,).<br />

Ces études montrent <strong>une</strong> relative stabilité des <strong>pêche</strong>ries aux « petits métiers » (zones<br />

exploitées, effort de <strong>pêche</strong>, espèces cibles, etc.). Elles indiquent de manière indirecte <strong>une</strong><br />

dynamique équilibrée entre l’exploitation (activité de <strong>pêche</strong>) et les populations des espèces<br />

côtières. Mais ces études sont réalisées à l’intérieur d’aires marines protégées, là où la <strong>pêche</strong><br />

est particulièrement régulée. Ailleurs les signes d’évolution sont plus inquiétants.<br />

Evolutions technologiques<br />

Les filets, autrefois en coton, sont aujourd’hui en polyester et polyamide, un fil plus résistant<br />

et presque transparent. Les filets actuels sont donc beaucoup plus performants (plus<br />

« pêchants ») que ceux utilisés il y a 20 ans. De même, l’utilisation de la roue hydraulique<br />

(permettant de remonter les filets sans effort) s’est généralisée dans les années 70-80. Elle<br />

permet de caler plus de filets, sur des fonds plus importants. Les <strong>pêche</strong>urs ont ainsi pu <strong>pêche</strong>r<br />

sur des fonds auparavant inaccessibles. Enfin, les <strong>pêche</strong>urs repéraient leurs coins grâce à des<br />

amers (points fixes à la côte). La généralisation du sondeur et du GPS (voire pour certains<br />

l’utilisation de traceur de carte ou d’ordinateur) leur permet aujourd’hui de retrouver les bons<br />

coins beaucoup plus sûrement.<br />

Même si elles ne sont pas comparables aux innovations technologiques de la flottille<br />

chalutière, les évolutions technologiques de la <strong>pêche</strong> aux « petits métiers » ont permis un<br />

développement des moyens d’exploitation depuis 20-30 ans. L’effort de <strong>pêche</strong> par bateau a<br />

logiquement augmenté.<br />

Un manque structurelle de connaissance scientifique<br />

Comparée à sa place sur la façade atlantique, la recherche halieutique en Méditerranée a<br />

longtemps été à la traîne. La Commission européenne a incité en 1993 le lancement d’un<br />

programme de recherche commun basé sur des campagnes de chalutage de fond sur le Golfe<br />

du Lion, pour la connaissance des ressources démersales en Méditerranée. Les travaux qui ont<br />

suivi (BERTRAND et RELINI, 1998) ne donnent de résultats que pour quelques stocks<br />

« phares » du Golfe du Lion : le thon rouge (Thunnus thynnus), le merlu et le rouget barbet<br />

(Mullus barbatus). Mais on ne dispose d’auc<strong>une</strong> évaluation pour les stocks halieutiques ciblés<br />

par la <strong>pêche</strong> aux « petits métiers »,<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 106


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

7.1.5. Les caractéristiques de l’exploitation halieutique du<br />

littoral du Var et des Alpes-Maritimes par les « petits<br />

métiers »<br />

Zones de <strong>pêche</strong> : les territoires prud’homaux<br />

15 prud’homies se partagent le littoral du Var et des Alpes-Maritimes. Généralement<br />

organisées autour d’un port unique, certaines, comme Toulon, Saint Tropez ou Villefranche<br />

en comptent plusieurs.<br />

Chaque territoire prud’homal s‘étend sur un linéaire côtier d’<strong>une</strong> dizaine de kilomètres. En<br />

mer, la zone de <strong>pêche</strong> est limitée par le plateau continental, étroit sur la zone considérée : de<br />

quelques centaines de mètres à un ou deux milles pour certaines rades comme celles de<br />

Toulon ou de Hyères (figure 26).<br />

Métiers et espèces cibles<br />

Figure 26. Répartition<br />

géographique des prud’homies<br />

autour des la zone des îles d’Hyères.<br />

Le terme de métier correspond à un engin et <strong>une</strong> pratique de <strong>pêche</strong> en vue de la capture d’<strong>une</strong><br />

espèce cible (VERDELHAN, in LAUREC et LE GUEN, 1981). Si à un engin peut<br />

correspondre plusieurs techniques, la pratique – c’est à dire l’utilisation particulière de cet<br />

engin – permet de définir un métier. « L’acquisition du savoir de la <strong>pêche</strong> est un processus<br />

empirique et constant. […] Le <strong>pêche</strong>ur exerce son métier à partir d’<strong>une</strong> accumulation de<br />

faits, d’expériences » (HARDOUIN, 1984).<br />

L’<strong>une</strong> des caractéristiques des espèces côtières est leur répartition étagée. Les <strong>pêche</strong>urs<br />

doivent donc aller chercher le poisson où il est. Dans la pratique, le métier est donc associé à<br />

un « type de fond », caractérisé par <strong>une</strong> « couverture » (herbier ou roches) et <strong>une</strong> profondeur.<br />

Un <strong>pêche</strong>ur peut donc pratiquer plusieurs métiers. C’est ce qui explique le terme « petits<br />

métiers ».<br />

La connaissance du territoire, du « bon coin » (roche, cassure, tombant, etc.) se révèle donc<br />

être un paramètre essentiel pour la <strong>pêche</strong> aux « petits métiers ».<br />

Structure de la flotte et données socio-économiques<br />

Les bateaux armés aux « petits métiers » pratiquent <strong>une</strong> <strong>pêche</strong> artisanale exercée pour<br />

l’essentiel à partir d’embarcations de type « pointu » avec <strong>une</strong> seule personne à bord,<br />

embarquée en tant que patron-matelot. On compte 331 navires et 430 marins sur les deux<br />

départements,. mais la flotte vieillit : à la fois ses bateaux (moyenne d’âge des navires de 33<br />

ans), et ses hommes (Tableau 7).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 107


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

Tableau 7. Répartition par quartier et caractéristiques techniques d’un navire moyen, armé aux « petits métiers »<br />

(source : IFREMER – SIH, 2001).<br />

Quartier<br />

de provenance<br />

Nombre<br />

de navires<br />

Age<br />

moyen<br />

Nombre<br />

de marins<br />

Caractéristique techniques<br />

Nice 119 32 ans 148 Longueur 7 m<br />

Toulon 212 33 ans 282 Effectif moyen 1,3 marin<br />

Moyenne 166 32.5 215<br />

Les indicateurs d’activité révèlent un effort de <strong>pêche</strong> relativement faible (tableau 8). A titre de<br />

comparaison, dans le Golfe de Gascogne, le nombre d’heures moteur annuel s’élève à 2 200<br />

en moyenne, pour 220 jours de mer (d’après les enquêtes réalisées), contre 1168 heures et 182<br />

jours en PACA.<br />

Tableau 8. Indicateurs économiques moyennes annuelles sur l’activité de fileyeur (Source : IFREMER-SIH).<br />

Indicateurs d’activité<br />

Nombre d’heures moteur 1168<br />

Nombre de jours de mer 182<br />

Indicateurs économiques généraux<br />

Chiffre d’affaires (k€) 46<br />

Valeur ajoutée (k€) 31<br />

Capital investi (k€) 70<br />

Salaire brut annuel (€/marin) 12566<br />

D’après les indicateurs, l’activité semble rentable. Lors d’<strong>une</strong> enquête réalisée en 2002 par<br />

le comité local du Var sur 20% des <strong>pêche</strong>urs du département, 50% des <strong>pêche</strong>urs interrogés<br />

déclarent un revenu compris entre 5 et 10 000F, 35% entre 10 et 15 000F. Quelle que soit la<br />

pertinence de ces chiffres, on peut en tout cas retenir que 90% considèrent que les revenus de<br />

la <strong>pêche</strong> sont suffisants.<br />

7.1.6. Quelques éléments sur le marché des produits de la mer<br />

débarqués par la <strong>pêche</strong> aux « petits métiers »<br />

Le Bilan 2004 des ports de <strong>pêche</strong> édité par l’hebdomadaire Le Marin donne pour le Var :<br />

1800 tonnes et 12 millions d’euros, et pour les Alpes-Maritimes : 900 tonnes et 6 millions<br />

d’euros. <strong>Pour</strong> la majeure partie, ces produits concernent des poissons nobles (dorade, rouget,<br />

sar, chapon, etc.), commercialisés en direct - et hautement valorisés puisque le prix de vente<br />

moyen s’établit à 6,7 €/kg pour les 2 quartiers - et ne passent pas sous criée. La ressource est<br />

donc très bien valorisée.<br />

7.1.7. Gestion de la <strong>pêche</strong> : l’exception des prud’homies de <strong>pêche</strong><br />

La gestion de la <strong>pêche</strong> professionnelle<br />

Délégation d’autorité des Affaires Maritimes vers les prud’homies<br />

Le décret du 19 novembre 1859 (B.O.379.) portant réglementation sur la <strong>pêche</strong> côtière<br />

institue les prud’homies de <strong>pêche</strong>urs. « La police supérieure de la <strong>pêche</strong> [..] est exercée par le<br />

préfet maritime. [..] Les commissaires de l’Inscription maritime (ancien nom de<br />

l’administration des Affaires Maritimes) sont secondés par les inspecteurs des <strong>pêche</strong>s, les<br />

syndics des gens de mer, les prud’hommes <strong>pêche</strong>urs, les gardes maritimes et les gendarmes<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 108


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

de la Marine » (article premier). Ce texte reconnaît officiellement l’organisation prud’homale,<br />

émanation des corporations de patrons <strong>pêche</strong>urs du Moyen-âge (TEMPIER, 1993). Elle reste<br />

néanmoins placée sous la tutelle des Affaires Maritimes, intégrant ainsi le cadre général de la<br />

réglementation française de la <strong>pêche</strong>.<br />

« Afin de prévenir, autant que possible, les rixes, dommages ou accidents, ils (les<br />

prud’hommes) sont spécialement chargés sous l’autorité du commissaire de l’inscription<br />

maritime : de régler entre les <strong>pêche</strong>urs la jouissance de la mer et des dépendances du<br />

domaine public maritime / de déterminer les postes [..] à chaque genre de <strong>pêche</strong> / [..] enfin de<br />

prendre toutes les mesures d’ordre et de précaution qui, à raison de leur variété et de leur<br />

multiplicité, ne sont pas prévues par le présent décret » (Journal Officiel, 8 avril 1962). Ce<br />

texte souligne le pouvoir exceptionnel donné aux prud’hommes.<br />

Le fonctionnement prud’homal<br />

Cette institution cumule des rôles réglementaire, juridictionnel et disciplinaire pour tout ce qui<br />

touche au territoire prud’homal (DUFOUR, 1996). L’action de la prud’homie se place<br />

logiquement à l’échelle du territoire prud’homal. La prud’homie rassemble l’ensemble des<br />

<strong>pêche</strong>urs. Le groupe élit son prud’homme mais la gestion reste collégiale. Le règlement<br />

prud’homal, établi par les <strong>pêche</strong>urs, précise les mesures techniques : c’est à dire les moyens<br />

d’exploitation autorisés sur le territoire prud’homal. Ainsi sont décidés les engins de <strong>pêche</strong><br />

autorisés, leur longueur, leur temps de calée (temps de <strong>pêche</strong>). Enfin, la prud’homie régule<br />

l’accès à son territoire. Ainsi sur ce territoire, on ne peut exercer <strong>une</strong> activité de <strong>pêche</strong><br />

professionnelle sans adhérer à la prud’homie. Le concept d’UEGC (§ 4) est donc très<br />

proche du modèle prud’homal.<br />

La place des comités des <strong>pêche</strong>s<br />

Les comités locaux (CLPMEM) sont statutairement les relais départementaux des<br />

prud’homies. Le comité régional est quant à lui le relais vers l’échelon national. Les<br />

CLPMEM, sous l'égide du Ministère de l'Agriculture et de la Pêche (et plus particulièrement<br />

de la Direction des Pêches Maritimes et de l'Aquaculture), assurent un contrôle de légalité des<br />

décisions ainsi qu'un contrôle financier.<br />

Installé en juillet 1999, le Comité de liaison méditerranéen, de nature informelle, est constitué<br />

au sein du comité national des <strong>pêche</strong>s (CNPMEM) en vue, d'<strong>une</strong> part, de satisfaire le besoin<br />

de concertation exprimé par les <strong>pêche</strong>urs du Languedoc-Roussillon, de PACA et de Corse et,<br />

d'autre part, d'informer et d'éclairer le conseil du CNPMEM sur les dossiers méditerranéens<br />

les plus préoccupants.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 109


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

La gestion de la <strong>pêche</strong> amateur<br />

La réglementation pour l’exercice de la <strong>pêche</strong> amateur dépend de l’administration des<br />

Affaires Maritimes.<br />

L’activité de <strong>pêche</strong> amateur, libre et gratuite, n’est pas circonscrite à un territoire. Le nombre<br />

de <strong>pêche</strong>urs amateurs n’est donc pas connu. Mais on sait que 300 000 bateaux de plaisance<br />

sont présents sur la façade méditerranéenne en période estival (140 000 dans le seul<br />

département du Var).<br />

Les règlements et mesures sont établis par les Affaires Maritimes. Le niveau de capture<br />

autorisé est limité par la notion de « consommation familiale ».<br />

Figure 27. Schéma de la gestion de la <strong>pêche</strong> sur le littoral des départements du Var et des Alpes-Maritimes. Les<br />

prud’homies, placées sous la tutelle des Affaires Maritimes, gèrent la <strong>pêche</strong> professionnelle. La <strong>pêche</strong><br />

plaisancière est gérée par les Affaires Maritimes.<br />

UE<br />

NATIONAL<br />

PÊCHERIE<br />

COMMISSION EUROPEENNE<br />

DIRECTION DES PECHES MARITIMES ET<br />

DE L’AQUACULTURE (DPMA)<br />

COMITES DES PÊCHES<br />

Mesures techniques<br />

(type d’engin,<br />

longueur, …)<br />

PRUD’HOMIES<br />

Gestion par l’effort<br />

Régulation de<br />

l’accès au territoire<br />

prud’homal<br />

PÊCHE PROFESSIONNELLE<br />

DIRECTION NATIONALE DES AFFAIRES<br />

MARITIMES<br />

DIRECTION REGIONALE<br />

DIRECTION DEPARTEMENTALE<br />

Mesures techniques<br />

(type d’engin,<br />

longueur, …)<br />

PÊCHE AMATEUR<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 110<br />

…<br />

Pas de régulation<br />

d’accès


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

7.2. Opinion des acteurs socioprofessionnels sur la <strong>pêche</strong>rie : mise en<br />

perspective par rapport à la proposition des UEGC<br />

<strong>Pour</strong> les aspects méthodologiques qui ont guidé les différents entretiens, on se reportera à la<br />

partie cinq.<br />

7.2.1. Rencontres et enquêtes<br />

Les « représentants » : acteurs de la gestion<br />

Un travail de terrain de six mois a permis de rencontrer tous les scientifiques français<br />

travaillant sur les <strong>pêche</strong>ries de méditerranée Nord-Occidentale (soit sept personnes), et les<br />

présidents des 2 comités locaux concernés (Var et Alpes-Maritimes).<br />

Enquêtes auprès des prud’hommes<br />

15 enquêtes auprès des prud’hommes ont été réalisées pendant les 6 mois de « terrain », soit -<br />

à l’exception de Villefranche-sur-mer et de Saint-Tropez - tous les prud’hommes de la zone<br />

étudiée ont été rencontrés. En environ 2 heures, l’enquête permettait d’aborder les différents<br />

aspects de l’activité de la prud’homie en lien avec notre proposition.<br />

A l’inverse du Golfe de Gascogne - où l’on a rencontré des patrons <strong>pêche</strong>urs au « hasard » -<br />

nous avons ici rencontré des représentants élus de la profession. Mais ce sont des<br />

représentants « actifs ». En outre, vu la taille des prud’homies (entre cinq et dix marins en<br />

activité), on peut admettre qu’ils représentent fidèlement la position de l’ensemble des<br />

<strong>pêche</strong>urs. Des entretiens plus brefs avec d’autres <strong>pêche</strong>urs de plusieurs prud’homies ont<br />

confirmé cette hypothèse.<br />

L’administration des Affaires Maritimes<br />

Quatre administrateurs des Affaires Maritimes ont été rencontrés.<br />

Rencontre des représentants des autres usagers : <strong>pêche</strong> plaisancière et chasse sous-marine<br />

<strong>Pour</strong> la <strong>pêche</strong> plaisancière, 2 personnes ont été rencontrées (Fédération Française des<br />

Pêcheurs en Mer, et Union National de la Navigation de la Pêche Plaisancière Française).<br />

<strong>Pour</strong> la chasse sous-marine, 2 représentants de la division régionale de la Fédération d’Etude<br />

et de Sports Sous-Marins (FFESSM) ont été rencontrés. Uniquement représentée par la<br />

FFESSM il y a quelques années, la chasse sous-marine est depuis quelques années également<br />

représentée par la FNSPA (Fédération Nautique de Pêche Sportive en Apnée). Nous n’avons<br />

rencontré personne de cette structure.<br />

Ces rencontres ont donné quelques éléments. Néanmoins, ils sont à considérer avec la plus<br />

grande précaution vu l’adhésion très limitée des usagers à ces structures.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 111


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

Les responsables politiques :<br />

Aucun élu politique n’a été rencontré. Compte tenu du rôle essentiel des politiques dans le<br />

processus de gestion, ce manque est bien sûr critiquable. Mais l’analyse réalisée doit<br />

justement permettre de préciser le cadre d’action et la responsabilité des élus.<br />

La vision des écologistes :<br />

Les représentants et les administrateurs des Affaires Maritimes rencontrés reconnaissaient <strong>une</strong><br />

légitimité du <strong>WWF</strong> à travailler sur ce sujet.<br />

De même tous les prud’hommes ont accepté assez rapidement le principe de l’enquête. La<br />

plupart s’intéressaient au travail réalisé et s’appliquaient à «bien répondre ». A l’inverse des<br />

patrons rencontrés sur le Golfe de Gascogne, les prud’hommes étaient heureux de l’intérêt<br />

porté à leur activité.<br />

De même, les représentants des autres usages étaient heureux de l’intérêt porté à leur activité.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 112


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

7.2.2. Le constat des usagers de la ressource halieutique sur le<br />

secteur liguro-provençal<br />

Un intérêt commun : la défense du milieu marin<br />

Même s’ils sont en compétition sur la ressource et sur l’espace, les différents usagers (<strong>pêche</strong><br />

professionnelle, plaisancière et chasse sous-marine) ont en commun l’intérêt de protéger le<br />

milieu marin afin qu’il reste riche et productif.<br />

Une activité de <strong>pêche</strong> professionnelle <strong>durable</strong> mais marginale et vieillissante<br />

On remarque <strong>une</strong> très grande similarité entre les différents entretiens réalisés et toutes les<br />

enquêtes se recoupent autour des mêmes points : contrôle en mer, perte d’autorité des<br />

prud’hommes, tourisme.<br />

Un consensus sur la durabilité de la <strong>pêche</strong> professionnelle mais des signes<br />

d’évolution inquiétants<br />

Toutes les personnes rencontrées s’accordent sur la durabilité de l’exploitation halieutique de<br />

la <strong>pêche</strong> aux « petits métiers ». L’exploitation présente <strong>une</strong> certaine stabilité (effort de <strong>pêche</strong><br />

et taille des flottilles), les débarquements sont à peu près constants. Néanmoins, certains<br />

signes indiquent <strong>une</strong> évolution inquiétante. De nombreux prud’hommes rappellent ainsi les<br />

évolutions techniques et remarquent <strong>une</strong> indiscipline des nouveaux arrivants face aux<br />

règlements prud’homaux. Dans les prud’homies de taille très modeste (5-6 bateaux) où la<br />

gestion a largement dérivé des règlements traditionnels, la plupart des prud’hommes<br />

s’inquiètent de la perte de leur autorité.<br />

Certains prud’hommes demandent d’exercer un droit de police sur les <strong>pêche</strong>urs amateurs.<br />

Cette demande est révélatrice d’un état d’esprit. Tous évoquent avec nostalgie le passé. De la<br />

génération de leurs pères (après-guerre) – ou même de la leur pour les plus âgés – le<br />

prud’homme était <strong>une</strong> figure morale, respectée. Le renouvellement n’est aujourd’hui plus<br />

assuré et de nombreux prud’hommes voient leur activité disparaître.<br />

Mais les professionnels ne sont plus les seuls aujourd’hui à occuper l’espace marin. Le<br />

développement du tourisme (par conséquent de la plaisance), l’évolution des mentalités<br />

(réticence des plus je<strong>une</strong>s face aux règles prud’homales), et le manque de soutien des Affaires<br />

Maritimes ont largement ébranlé l’institution prud’homale.<br />

Opposition entre « petits métiers » et « grands métiers » à l’échelle de la<br />

façade méditerranéenne<br />

Les prud’hommes opposent systématiquement leur type de <strong>pêche</strong> celle qu’on peut rencontrer<br />

sur le Golfe du Lion. Les scientifiques parlent de stratégies d’exploitation, en précisant que<br />

l’exploitation du Golfe du Lion permet certaines stratégies (chalutage, senne) impossibles sur<br />

le secteur liguro-provençal. Dans ce cadre, ils reconnaissent un développement d’<strong>une</strong> partie<br />

de la flottille méditerranéenne adoptant des stratégies d’exploitation opposées à celles des<br />

« petits métiers » (homogénéité des fonds de <strong>pêche</strong>, limitation du nombre d’espèce ciblées,<br />

captures abondantes et circuits commerciaux longs).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 113


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

Si tous les administrateurs des Affaires Maritimes rencontrés disaient être au service de la<br />

<strong>pêche</strong> et des <strong>pêche</strong>urs, ils ne voulaient pas rentrer dans <strong>une</strong> distinction entre la <strong>pêche</strong> aux<br />

« grands métiers » et la <strong>pêche</strong> aux « petits métiers ».<br />

La distinction entre <strong>une</strong> <strong>pêche</strong> aux « petits métiers », artisanale, et des thoniers senneurs ou<br />

chalutiers pratiquant les « grands métiers » est à replacer dans le contexte du développement<br />

différentiel de l’activité de <strong>pêche</strong> entre le Golfe du Lion et le secteur liguro-provençal.<br />

FERAL (2001) met en évidence « la constitution d’un appareil administratif<br />

d’industrialisation » après guerre, qui va être mis en place en opposition avec « <strong>une</strong><br />

organisation décentralisée ancienne, fondée sur l’autodiscipline des communautés<br />

(prud’homies) et qui était restée dans <strong>une</strong> indifférence générale des pouvoirs publics ». Cet<br />

appareil est venu encadrer et soutenir la flottille du Golfe du Lion, la seule à présenter un réel<br />

intérêt en terme de tonnages débarqués.<br />

Des éléments techniques bien précis (longueur et puissance des bateaux, engins utilisés,<br />

espèces cibles, zone exploitée etc.) aboutissent à <strong>une</strong> ségrégation de la flottille à l’échelle de<br />

la façade méditerranéenne (moins de 12 m et plus de 12 m).<br />

D’ailleurs, il existait auparavant <strong>une</strong> ségrégation entre les flottilles pour l’attribution de<br />

kilowatts pour la construction des navires. <strong>Pour</strong> des « raisons pratiques » (d’après un<br />

administrateur des Affaires Maritimes), elle a été abolie. Or la « de-ségrégation » a permis à<br />

certains patrons de grands métiers d’acheter les puissances (kW) des « petits métiers » pour<br />

construire de nouveau chalutiers. Cette permission est l’<strong>une</strong> des causes du déclin de l’activité<br />

de <strong>pêche</strong> aux « petits métiers » sur le secteur liguro-provençal.<br />

Une activité de <strong>pêche</strong> professionnelle vieillissante<br />

Les nouveaux usages de la ressource halieutique : <strong>une</strong> activité grandissante, un impact certain<br />

mais mal connu<br />

Toutes les personnes rencontrées rappellent l’important développement de la <strong>pêche</strong> amateur<br />

de ces 20 dernières années, et lui reconnaissent un impact non négligeable sur la ressource<br />

halieutique Les représentants de la FFPM souhaitent ainsi <strong>une</strong> évaluation scientifique des<br />

différents impacts.<br />

Les représentants de la chasse sous-marine rencontrés estiment tout faire pour réglementer et<br />

encadrer l’activité et la compétition. Ils ont à disposition les chiffres (nombres, espèces et<br />

poids) des captures de chaque compétition. Mais ils précisent ne représenter qu’<strong>une</strong> petite<br />

part de l’ensemble des chasseurs sous-marins. Et, selon eux, « beaucoup de poissons sont<br />

sortis de l’eau par les braconniers, avec des complicités locales : restaurateurs ou même des<br />

<strong>pêche</strong>urs professionnels qui vendent leur chasse. »<br />

Des moyens scientifiques insuffisants<br />

La recherche halieutique « classique » (IFREMER) fait largement défaut sur la zone étudiée.<br />

A part le suivi des flottilles (FARRUGIO et LE CORRE, 1984 ; LE CORRE, 1990 ;<br />

GUILLOU et CRESPI, 1999 ; Système d’Information Halieutique, 2002), très peu d’études<br />

s’intéressent aux logiques de <strong>pêche</strong> des « petits métiers ». « L’échelle est trop fine.<br />

L’IFREMER n’est pas structurée pour étudier ce genre d’activité » (scientifique de<br />

l’IFREMER, com. pers.).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 114


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

7.2.3. Etape 1 : le choix de l’échelle de gestion<br />

Territoires prud’homaux et découpages administratifs<br />

Sur la zone étudiée, la <strong>pêche</strong> professionnelle est gérée à l’échelle des prud’homies (au nombre<br />

de 15 sur le département du Var et des Alpes-Maritimes). La prud’homie est typiquement un<br />

territoire social, empreint de culture, de connaissance et auquel sont liés des savoir-faire.<br />

D’autre part, la zone est composée de deux départements administratifs : ce qui offre <strong>une</strong><br />

commodité opérationnelle (comités locaux des <strong>pêche</strong>s, et organisation des services publics).<br />

La <strong>pêche</strong> amateur, en revanche, n’est pas circonscrite à un espace.<br />

Consensus autour du choix de l’unité de gestion : le secteur liguro-provençal<br />

Les représentants et les administrateurs ont reconnu la pertinence du choix de la zone d’étude.<br />

Les scientifiques insistent sur <strong>une</strong> extension naturelle et nécessaire à l’ensemble du secteur<br />

liguro-provençal (il aurait fallu pour cela la partie italienne allant jusqu’à Gênes). Les<br />

prud’hommes reconnaissaient aussi la pertinence du choix de la zone d’étude (type de bateau,<br />

métiers pratiqués, rythmes de <strong>pêche</strong>, etc.). Les représentants des autres usagers n’ont pas<br />

d’avis mais ils reconnaissent le fondement du choix fait.<br />

Proposition : fixer l’échelle de gestion au secteur liguro-provençal<br />

La zone d’étude présente <strong>une</strong> homogénéité à la fois écologique (plateau continental étroit,<br />

fonds homogènes) et sociale (culture, pratiques et métiers similaires entre les différentes<br />

prud’homies). En outre, elle recouvre deux départements administratifs, présentant ainsi <strong>une</strong><br />

facilité opérationnelle.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 115


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

7.2.4. Etape 2 : la nécessité d’<strong>une</strong> nouvelle gouvernance<br />

Un besoin de concertation exprimé par les acteurs<br />

Les prud’hommes souhaitent tous avoir des lieux d’expression. Ils reconnaissent et admettent<br />

l’évolution récente, mais ils campent sur <strong>une</strong> certaine nostalgie du passé quant à l’institution<br />

prud’homale. Néanmoins, ils reconnaissent la nécessité d’intégrer les différentes activités<br />

(et acteurs) dans un processus de concertation.<br />

<strong>Pour</strong> la <strong>pêche</strong> amateur, nous avons noté 2 positions opposées. Dans la première, la plaisance,<br />

« c’est la tranquillité, c’est le plaisir [..] et on en a assez des problèmes de réglementation<br />

pour la <strong>pêche</strong> de plaisance. » La personne n’a donc pas manifesté un besoin particulier en<br />

terme de concertation. Dans la seconde, la concertation semble bien nécessaire. « On ne se<br />

connaît pas. Il n’y pas d’échanges ou alors très localement. [..] <strong>Pour</strong>tant, il faudrait qu’on<br />

travaille ensemble. »<br />

Les représentants de la chasse sous-marine rencontrés reconnaissent la nécessité d’<strong>une</strong><br />

concertation entre les différents acteurs. Ils n’avaient aucun contact avec la <strong>pêche</strong><br />

professionnelle et plaisancière.<br />

Tous les administrateurs des Affaires Maritimes rencontrés font remarquer qu’il faut intégrer<br />

les autres usages de l’espace littoral. A cette occasion, tous précisent l’importance récente de<br />

la plaisance dans l’occupation de l’espace. Certains dénoncent la demande anachronique de<br />

certains professionnels de demeurer les usagers prioritaires de l’espace.<br />

Proposition pour un cadre de concertation au sein de la <strong>pêche</strong>rie<br />

Mission de façade Méditerranéenne avec 2 commissions<br />

La concertation doit logiquement s’établir à l’échelle du secteur liguro-provençal. Au niveau<br />

national, il serait pertinent d’établir <strong>une</strong> « mission de façade » (comme proposé pour la<br />

gestion de la langoustine du Golfe de Gascogne), partagé entre <strong>une</strong> commission pour la<br />

<strong>pêche</strong>rie du Golfe du Lion et <strong>une</strong> pour celle du secteur liguro-provençal.<br />

Conformément aux limites géographiques de ces <strong>pêche</strong>ries, il faut mettre en place un<br />

processus de concertation transnational réunissant l’Espagne et la <strong>France</strong> (pour le Golfe du<br />

Lion), la <strong>France</strong> et l’Italie (pour le secteur liguro-provençal), ce qui pourrait s’inscrire dans la<br />

mise en place du futur Comité Consultatif Régional Méditerranée.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 116


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

Proposition pour la construction de la plate-forme de concertation<br />

De même que pour la <strong>pêche</strong>rie de langoustine, la concertation entre les usagers doit<br />

s’organiser autour de trois dimensions : la dimension écologique, la dimension économique et<br />

la dimension sociale.<br />

Créer la plate-forme de concertation autour de la <strong>pêche</strong>rie<br />

La composition de la plate-forme de concertation (Tableau 9) serait également évolutive.<br />

Tous les groupes d’intérêt ne seraient pas nécessairement présents à l’origine. Le dispositif<br />

doit rester souple, flexible.<br />

Tableau 9. Proposition pour la construction de la plate-forme de concertation de la commission du secteur<br />

liguro-provençal.<br />

Amont de la<br />

filière<br />

Aval de la<br />

filière<br />

Dimension<br />

environnementale<br />

Ressource et préservation<br />

des écosystèmes :<br />

- <strong>pêche</strong>urs professionnels<br />

- <strong>pêche</strong>urs amateurs<br />

- chasseurs sous-marins<br />

- associations de défense de<br />

l’environnement<br />

+ experts<br />

(biologistes des <strong>pêche</strong>s)<br />

Sécurité alimentaire :<br />

- associations de<br />

consommateurs<br />

+ experts<br />

(services vétérinaires,<br />

consultant …)<br />

Dimension<br />

économique<br />

Rentabilité des différents<br />

usages :<br />

- <strong>pêche</strong>urs<br />

professionnels<br />

- <strong>pêche</strong>urs amateurs<br />

- chasseurs sous-marins<br />

+ experts<br />

(économistes, centres de<br />

gestion)<br />

Valorisation :<br />

- restauration<br />

- rôle de « veille<br />

écologique » de la<br />

<strong>pêche</strong> aux « petits<br />

métiers »<br />

- <strong>pêche</strong>-tourisme<br />

+ experts<br />

(OFIMER, consultant …)<br />

Proposition : mettre en place <strong>une</strong> gestion intégrée des usages<br />

Dimension<br />

sociale<br />

Conditions de travail, création<br />

d’emplois et aménagement du<br />

littoral :<br />

- usagers<br />

- collectivités territoriales<br />

(mairies, départements, régions)<br />

+ experts<br />

(ergonomiste, économiste,<br />

urbaniste)<br />

Création d’emplois, et<br />

implantation des points de vente :<br />

- offices de tourisme<br />

- collectivités territoriales<br />

+ experts<br />

(économiste, urbaniste)<br />

<strong>Pour</strong> les scientifiques, malgré <strong>une</strong> grande longévité et <strong>une</strong> stabilité certaine, l’activité de <strong>pêche</strong><br />

des « petits métiers » est sur le déclin. D’autres usages sont récemment apparus. Cette activité<br />

doit donc nécessairement être appréhendée dans <strong>une</strong> problématique plus large de gestion des<br />

usages halieutiques (professionnels, amateurs) et d’aménagement du littoral.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 117


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

Si l’on veut gérer la ressource sur la zone considérée, il faut mettre en place <strong>une</strong> gestion<br />

intégrée des différents usages. C’est à dire regrouper les usagers autour de la protection du<br />

milieu sous-marin. Les différents usagers ont en commun l’intérêt de protéger le milieu marin<br />

afin qu’il reste riche et productif.<br />

Etablir un panorama de l’ensemble des activités halieutiques présentes sur le<br />

secteur liguro-provençal<br />

Aujourd’hui, <strong>une</strong> seule étude, réalisée par l’IFREMER, permet d’avoir quelques éléments<br />

chiffrés sur l’impact de la <strong>pêche</strong> récréative à l’échelle nationale (MORIZUR, sous presse).<br />

Elle concerne la <strong>pêche</strong> récréative du bar (Dicentrarchus labrax), et a été réalisée auprès de 14<br />

000 personnes sur l’ensemble du territoire français (sondage téléphonique réalisé par l’institut<br />

de sondage BVA). Le nombre de <strong>pêche</strong>urs amateurs, pêchant en mer (en bateau ou depuis la<br />

côte), est estimé à 4 millions de personnes, dont environ 900 000 <strong>pêche</strong>urs de bar. Le<br />

prélèvement annuel estimé de ces <strong>pêche</strong>urs est de 3 à 5 000 tonnes, soit l’équivalent des<br />

débarquements de la <strong>pêche</strong> professionnelle sur les façades Manche et Atlantique en 2003 (4<br />

400 tonnes).<br />

A <strong>une</strong> échelle plus locale, on a aussi montré que les prélèvements de la <strong>pêche</strong> amateur étaient<br />

comparables à ceux de la <strong>pêche</strong> professionnelle. Ainsi dans les eaux de Port-Cros (14 km²),<br />

les prises de la seule <strong>pêche</strong> à la ligne (la <strong>pêche</strong> sous-marine au fusil harpon est interdite depuis<br />

1963, date de la création du Parc national de Port-Cros) ont été évaluées à 10 t/an (5,5 t depuis<br />

<strong>une</strong> embarcation, 4,5 t depuis le rivage), contre 14,3 t/an pour la <strong>pêche</strong> professionnelle, soit<br />

41% du total des prises (COMBELLES, 1991 ; ABOUSSOUAN et BOUTIN, 1993). Dans un<br />

secteur situé près de Marseille, l'Archipel de Riou, où toutes les formes de <strong>pêche</strong> amateur sont<br />

autorisées (<strong>pêche</strong> à la ligne et chasse sous-marine), les prises de la <strong>pêche</strong> amateur (2 t/km²/an)<br />

sont du même ordre de grandeur que celles de la <strong>pêche</strong> professionnelle (DANIEL et al.,<br />

1998).<br />

<strong>Pour</strong> la chasse sous-marine en particulier, auc<strong>une</strong> étude n’est disponible à cette échelle. On<br />

évalue pourtant le nombre de chasseurs sous-marins à environ 40 000 en <strong>France</strong> (RAIBALDI,<br />

com.pers.), et la plupart pratiquent en PACA.<br />

Au vu de la diversité des usages halieutiques et de la situation conflictuelle qui en découle, il<br />

semble nécessaire de dresser un bilan scientifique quantifiant chacun des différents<br />

usages.<br />

Un développement nécessaire des connaissances scientifiques<br />

L’implantation géographique des centres IFREMER est significative de la répartition de<br />

l’effort de recherche halieutique. Sur le littoral méditerranéen, seul le centre de Sète dispose<br />

d’un laboratoire « Ressources Halieutiques ». Le seul laboratoire sur la zone étudiée est celui<br />

de Toulon dont l’activité concerne les systèmes sous-marins (recherche océanographique) et<br />

l’environnement côtier.<br />

Qu’ils viennent d’un développement des capacités et de la couverture de l’IFREMER ou d’un<br />

développement des compétences scientifiques présentes sur la zone (université, parcs marins,<br />

associations), des moyens scientifiques supplémentaires sont nécessaires.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 118


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

La mise en œuvre de la concertation<br />

Suivre l’exemple de la gestion de l’eau<br />

A l’instar de l’étude de la <strong>pêche</strong>rie de langoustine sur le Golfe de Gascogne, l’exemple de la<br />

gestion de l’eau donne des orientations. L’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse a<br />

d’ailleurs commencé à transférer ses compétences acquises en matière de gestion des eaux<br />

continentales, à la gestion du littoral de Provence Alpes Côtes d’Azur.<br />

S’inspirer des sites pilotes pour la gestion concertée : parcs marins, gestion<br />

littorale de l’Agence de l’Eau, et sites NATURA 2000<br />

Tout le long du littoral, plusieurs espaces de régulation – intégrant l’ensemble des usages –<br />

sont ou se mettent en place. C’est le cas pour l’aire de cantonnement du Cap Roux (demandée<br />

par la prud’homie de Saint-Raphaël), le Parc National de Port-Cros, la zone NATURA 2000<br />

de Porquerolles, les espaces régulés dans le cadre de la gestion littorale de l’Agence de l’Eau.<br />

La mise en place de l’aire NATURA 2000 (herbier à Posidonie) sur l’espace marin autour de<br />

Porquerolles (Var) est un bon exemple. Maître d’œuvre, le Parc National de Port-Cros<br />

échange avec chaque groupe d’usager (<strong>pêche</strong> professionnelle, <strong>pêche</strong> récréative, plongée,<br />

plaisance) afin de l’amener vers <strong>une</strong> compréhension des problèmes posés par le partage de<br />

l’espace, et de la ressource halieutique. Dans la continuité de la gestion de l’aire marine de<br />

Port-Cros, le Parc met en place un système de charte avec chaque groupe d’usager. Des<br />

démarches locales de gestion de l’espace littoral se développent sur le littoral méditerranéen,<br />

financées par l’Agence de l’Eau. Elles s’engagent généralement dans le cadre de structures<br />

intercommunales et aboutissent à la définition d’un plan d’actions touchant aussi bien le<br />

domaine de la dépollution, que celui des différents usages associés au plan d’eau.<br />

Ces différents exemples locaux doivent apporter à l’UEGC des retours d’expérience, dans<br />

l’optique d’<strong>une</strong> structuration de la concertation à l’échelle du secteur liguro-provençal.<br />

Coordonner et faciliter la concertation entre les différents usagers du secteur<br />

liguro-provençal<br />

Tous les acteurs rencontrés se sont plaints d’<strong>une</strong> mauvaise circulation de l’information. Alors<br />

qu’ils se sentent liés par la même problématique - la gestion halieutique et, plus largement,<br />

l’environnement marin - ils ne se rencontrent pas, ne travaillent pas ensemble.<br />

Tous ont reconnu la pertinence de la création d’un poste d’animateur chargé de la diffusion et<br />

de la circulation de l’information entre les acteurs. Certains ont fait remarquer que cette<br />

personne devrait nécessairement être rattachée à <strong>une</strong> structure neutre (c'est-à-dire appartenant<br />

à la mission de façade).<br />

Définir les règles de fonctionnement pour la mise en place de la<br />

concertation : <strong>une</strong> charte<br />

En s’inspirant notamment de la charte de partenariat de la <strong>pêche</strong> professionnelle dans les eaux<br />

du Parc National de Port-Cros (Var), un système de charte doit permettre d’associer les<br />

différents usagers (professionnels et amateurs) autour de la gestion halieutique du secteur<br />

liguro-provençal.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 119


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

7.2.5. Etape 3 : des éléments pour la valorisation des usages de la<br />

ressource halieutique sur le secteur liguro-provençal<br />

Nous abordons la valorisation possible de la ressource halieutique sous 3 angles :<br />

- la ressource halieutique en tant que produit de la <strong>pêche</strong> professionnelle ;<br />

- la ressource halieutique en tant que « valeur touristique » ;<br />

- la ressource halieutique en tant que produit dépendant d’un territoire marin et de<br />

l’environnement.<br />

Proposition : La certification de la <strong>pêche</strong> aux « petits métiers » : des produits régionaux de<br />

luxe<br />

A la condition d’un contrôle strict des règles d’hygiène des produits débarqués, il nous semble<br />

possible qu’un eco-label soit apposé aux produits de la <strong>pêche</strong> du secteur liguro-provençal. Des<br />

méthodes indirectes (indicateurs d’effort de <strong>pêche</strong>, d’occupation territoriale) pourraient<br />

confirmer l’analyse de durabilité de la <strong>pêche</strong>rie. Vu la répartition de l’activité et<br />

l’homogénéité de la répartition des moyens d’exploitation (taille des bateaux, engins calés), la<br />

<strong>pêche</strong>rie mérite même la qualification d’équitable.<br />

Les produits débarqués représentent, de par leur diversité, leur fraîcheur et la beauté des<br />

terroirs maritimes, des produits régionaux de luxe.<br />

La « valeur touristique » de la ressource halieutique : <strong>pêche</strong> professionnelle et tourisme<br />

L’activité de <strong>pêche</strong> professionnelle profite largement de l’affluence touristique en période<br />

estivale. Tout d’abord les <strong>pêche</strong>urs peuvent vendre à prix fort, et en direct, leurs produits.<br />

Ensuite, les pointus étant de véritables attractions, les mairies, collectivités et conseils<br />

généraux subventionnent ou facilitent la construction des installations à terre (quais, étals de<br />

vente, machine à glace, locaux, etc.).<br />

Enfin, la <strong>pêche</strong> aux « petits métiers » présente un attrait certain pour les touristes<br />

(majoritairement citadins). Devant le quai des <strong>pêche</strong>urs, nombreux sont les estivants brûlant<br />

d’envie d’<strong>une</strong> escapade matinale en mer, avec l’espoir de voir sortir de l’eau des belles pièces<br />

(chapons, mostelles et autres langoustes) qu’ils ne captureront eux-mêmes jamais. Dans ce<br />

sens, le développement de la « <strong>pêche</strong>-promenade » (à l’intérieur du « pesca tourismo » en<br />

Italie) est <strong>une</strong> voie d’avenir pour les « petits métiers » du secteur liguro-provençal, l’<strong>une</strong> des<br />

premières destinations touristiques au monde.<br />

La pratique quotidienne d’un territoire marin naturel : valorisation du rôle de « veille<br />

écologique » de la <strong>pêche</strong> aux « petits métiers »<br />

Le prud’homme de Bandol, a alerté la mairie sur la raréfaction des oursins, indicatrice selon<br />

lui de la dégradation de la qualité de l’eau. Les prélèvements d’eau ont confirmé son intuition<br />

et poussé la Mairie à faire construire <strong>une</strong> nouvelle station d’épuration. L’anecdote est<br />

représentative de l’ensemble des problèmes de pollution soulevée par les <strong>pêche</strong>urs. Alors que<br />

les plaisanciers ne sortent que quelques jours par an, les professionnels sont en mer très<br />

régulièrement (200 jours en moyenne d’après nos enquêtes). Leur expérience, leurs<br />

connaissances empiriques peuvent être valorisées pour la protection de l’environnement.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 120


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

« Qu’il s’agisse de pollution par les hydrocarbures, les produits chimiques ou les effluents<br />

urbains, de projets de comblement d’étangs, de construction illicite, d’occupation abusive du<br />

domaine public, de décharges illégales… les prud’homies sont souvent les premières, et<br />

depuis de nombreuses années, à alerter les autorités maritimes et à engager des procédures »<br />

(BERGER, FERAL, TEMPIER, 1991).<br />

Ces constats et remarques doivent se structurer – mise en place et harmonisation de protocoles<br />

d’observation et/ou de prélèvements, création d’<strong>une</strong> base de données – à l’échelle des<br />

départements du Var et des Alpes-Maritimes, en étroite collaboration avec l’Agence de l’Eau<br />

Rhône Méditerranée Corse. Les <strong>pêche</strong>urs doivent être rémunérés pour les services rendus : le<br />

travail de « veille écologique » doit être rémunéré.<br />

L’Agence de l’Eau peut en effet verser des aides pour la restauration et la mise en valeur des<br />

milieux aquatiques, et pour la lutte contre la pollution.<br />

Comme l’état a pu encourager les agriculteurs à devenir des gestionnaires de l’espace<br />

terrestre, il peut maintenant encourager les <strong>pêche</strong>urs artisans à devenir des gestionnaires de<br />

l’espace marin.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 121


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

7.2.6. Etape 4 : aménagement des usages à l’échelle du secteur<br />

liguro-provençal :<br />

Une gestion prud’homale efficace pour la <strong>pêche</strong> professionnelle mais en décalage avec la<br />

Politique Comm<strong>une</strong> de la Pêche et insuffisante avec l’apparition des nouveaux usages<br />

Une gestion efficace de l’activité professionnelle<br />

Chaque prud’homie gère et organise la pratique de la <strong>pêche</strong> professionnelle sur son territoire.<br />

Les règlements prud’homaux sont proposés, puis adoptés, de façon collégiale. Le 1 er<br />

prud’homme a alors la responsabilité et l’autorité (déléguée par les Affaires Maritimes) pour<br />

faire appliquer et respecter les règles décidées (voir supra).<br />

Un territoire prud’homal est de dimension restreinte (voir supra) où tout reste à portée de la<br />

vue. <strong>Pour</strong> les scientifiques, « la gestion prud’homale est pertinente pour <strong>une</strong> gestion à vue »<br />

(LE CORRE, com.pers.), ce qui correspond à l’activité des « petits métiers » sur la zone<br />

considérée. De même les administrateurs des Affaires Maritimes reconnaissent la pertinence<br />

et de la gestion prud’homale pour l’activité de <strong>pêche</strong> aux « petits métiers ».<br />

Les prud’hommes sont convaincus que cette forme de gestion est la plus appropriée à leurs<br />

pratiques. Mais <strong>une</strong> grande majorité des prud’hommes (80%) pense qu’il faut réaffirmer leur<br />

pouvoir. Ils se sentent « lâchés » par les Affaires Maritimes.<br />

Une inadéquation la Politique Comm<strong>une</strong> de la Pêche<br />

Selon les prud’hommes, la Commission Européenne est inapte à gérer leur activité. Deux<br />

exemples sont cités : le critère de la puissance et les mesures techniques.<br />

Tout d’abord, la puissance n’est pas <strong>une</strong> mesure adaptée à la <strong>pêche</strong> aux « petits métiers ». En<br />

effet, si la puissance du moteur directement liée à la force de traction des chalutiers ou à la<br />

vitesse des thoniers, s’avère <strong>une</strong> donnée stratégique pour ces grands métiers, ce n’est pas le<br />

cas des « petits métiers » qui exercent les arts dormants (filets, palangres,…).<br />

D’autre part, les mesures techniques européennes - destinées à « harmoniser » les mesures<br />

nationales et « ajuster » les procédés techniques aux caractéristiques de la ressource marine -<br />

sanctionnent particulièrement la petite <strong>pêche</strong>. La limitation de la hauteur des filets à 4 m<br />

(règlement (CE) n°1626/94) supprimeraient la plupart des filets utilisés. Selon les<br />

prud’hommes, 50 à 80% des prises sont dues à la souplesse de filets qui « veillent » (qui<br />

arrivent en surface). Avec la réglementation européenne, près de la moitié des engins serait<br />

supprimée. En condamnant ainsi la polyvalence des « petits métiers », les prud’hommes<br />

pensent qu’on condamne leur indispensable adaptabilité.<br />

L’apparition de nouveau usages perturbe l’organisation traditionnelle<br />

Certains prud’hommes (33%) réclament un droit de police sur la <strong>pêche</strong> plaisancière comme<br />

ils en disposent sur la <strong>pêche</strong> professionnelle. Les représentants des usagers refusent<br />

catégoriquement cette possibilité. De même, on rappelle (voir supra) que certains<br />

administrateurs des Affaires Maritimes dénoncent la demande anachronique de certains<br />

professionnels de demeurer les usagers prioritaires de l’espace. « Ils ne sont pas les seuls<br />

utilisateurs du plan d’eau. »<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 122


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

Une gestion déficiente des autres usages<br />

Les autres usages, amateurs, (<strong>pêche</strong>, chasse sous-marine) sont libres et gratuits. <strong>Pour</strong> tous les<br />

acteurs rencontrés, la surveillance et le contrôle des pratiques des amateurs sont largement<br />

insuffisants. De nombreuses personnes rencontrées racontent ainsi les pratiques de <strong>pêche</strong>urs<br />

amateurs locaux qui dépassent le cadre réglementaire (vire-ligne électrique pour la <strong>pêche</strong> à la<br />

palangre, nombre d’hameçons, non-respect des distances de sécurité par rapport aux filets,<br />

etc.).<br />

Proposition pour un aménagement des usages<br />

Gérer les nouveaux usages : mesures techniques et régulation de l’accès par<br />

la mise en place de permis obligatoires<br />

Comme pour la <strong>pêche</strong> professionnelle, les autres usages doivent également être régulés. On ne<br />

peut pas espérer avoir <strong>une</strong> véritable gestion halieutique sans intégrer ces nouveaux usages.<br />

Réglementer l’unique <strong>pêche</strong> professionnelle tout en restant très permissif vis à vis des autres<br />

usages serait incohérent voire même contre-productif. En effet, les prud’hommes ne peuvent<br />

plus justifier le respect des règlements dans ce contexte. De façon perverse, le laxisme<br />

observé dans l’encadrement des autres usages ébranle l’autorité prud’homale. Et sans<br />

encadrement et gestion des différents usages, il est à craindre que la <strong>pêche</strong> professionnelle<br />

disparaisse en faveur de la plaisance.<br />

L’intégration des acteurs doit permettre de pouvoir agir sur chacun des usagers, de la même<br />

façon qu’on peut agir sur chaque <strong>pêche</strong>ur professionnel. Aujourd’hui les associations de<br />

<strong>pêche</strong> de loisir ne représentent pas les <strong>pêche</strong>urs de loisir. <strong>Pour</strong> la <strong>pêche</strong> de loisirs, il est donc<br />

nécessaire d’instaurer des permis de <strong>pêche</strong> obligatoire, précisant les règles et interdictions<br />

dans la pratique de l’activité.<br />

A terme, il nous semble normal que ce permis soit payant. Les moyens dégagés permettraient<br />

de mettre en place <strong>une</strong> vraie régulation de l’accès pour les autres usages. D’autre part, cela<br />

permettrait aussi, comme en eau douce, d’avoir les moyens d’un encadrement des activités, et<br />

de financer des opérations de restauration de la qualité du milieu.<br />

Ces évolutions permettraient alors <strong>une</strong> gestion cohérente de l’ensemble des usages en<br />

définissant <strong>une</strong> part de la ressource halieutique attribuée à chacun, et en fixant des règles<br />

d’occupation de l’espace. Elles permettraient aussi à l’institution prud’homale de retrouver<br />

<strong>une</strong> place reconnue dans <strong>une</strong> gestion intégrée des usages de l’espace littoral.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 123


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

Renforcer les prud’homies : responsables de la régulation de l’accès<br />

Le territoire prud’homal est bien <strong>une</strong> concession fermée où l’accès est conditionné et<br />

réglementé (longueur des filets, durées des calées, etc.) par la prud’homie. Chaque <strong>pêche</strong>ur<br />

professionnel doit en effet adhérer à la prud’homie pour pouvoir exercer son activité. De<br />

même, la prud’homie assure la limitation de l’accès puisqu’elle autorise, ou pas, un <strong>pêche</strong>ur à<br />

exploiter le territoire prud’homal.<br />

Les études disponibles montrent la pertinence de l’institution prud’homale dans <strong>une</strong> gestion<br />

territoriale. Chaque roche, chaque poste, chaque calée de filet est identifiée, nommée. Cette<br />

compétence est précieuse, et rare si on considère la situation de la plupart des <strong>pêche</strong>ries dans<br />

le monde (surcapacité, surexploitation). En réaffirmant le rattachement des prud’homies à<br />

l’organisation des comités des <strong>pêche</strong>s, il faut <strong>une</strong> reconnaissance officielle de la pertinence<br />

des prud’homies pour la gestion du patrimoine halieutique littoral.<br />

Ainsi les Affaires Maritimes doivent réaffirmer leur tutelle et assurer leur soutien aux<br />

prud’hommes dans leur rôle de police de la <strong>pêche</strong> professionnelle.<br />

Sortir les « petits métiers » du système d’attribution des kW et des PME<br />

Il faut sortir les « petits métiers » du système d’attribution des kW et des PME. L’effort de<br />

<strong>pêche</strong> exercé par les « petits métiers » ne s’évalue pas en terme de puissance mais est<br />

caractérisé par la longueur des filets calés et leur temps de calée. Le système national des kW<br />

et PME est inadapté et em<strong>pêche</strong> le renouvellement des bateaux pourtant vieillissants.<br />

A l’inverse, de nombreux bateaux aux « petits métiers » de la façade méditerranéenne sont<br />

partis à la casse pour permettre la construction d’unités neuves, modernes, armées pour les<br />

grands métiers (chalutiers, thoniers) et évoluant sur le Golfe du Lion.<br />

Alors que l’exploitation des ressources halieutiques sur la zone étudiée par les petits métiers<br />

semble <strong>durable</strong>, ce système d’attribution des PME la pénalise et favorise des <strong>pêche</strong>ries qui ne<br />

le sont pas.<br />

Articuler l’action des prud’homies et comités des <strong>pêche</strong>s à l’échelle du<br />

secteur liguro-provençal<br />

La régulation de l’accès doit se faire à l’échelle du secteur liguro-provençal. Au niveau<br />

régionale, cela suppose <strong>une</strong> coordination entre les CLPMEM du Var et des Alpes-<br />

Maritimes, permettant <strong>une</strong> articulation entre les prud’homies du littoral. Il faut ensuite<br />

articuler cet ensemble avec les structures professionnelles italiennes gérant la <strong>pêche</strong> jusqu’à<br />

Gênes (consorzi).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 124


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

AFFAIRES MARITIMES<br />

Légende :<br />

Prud’homie et territoire<br />

prud’homal<br />

Gestion prud’homale de la<br />

<strong>pêche</strong> professionnelle<br />

Contrôle de la <strong>pêche</strong> amateur<br />

Soutien de l’institution<br />

prud’homal<br />

Figure 28. Représentation schématique de la gestion des usages sur <strong>une</strong> portion de côte du secteur liguroprovençal.<br />

Appliquer le principe de subsidiarité : <strong>une</strong> innovation institutionnelle<br />

nécessaire dans la mise en œuvre de la Politique Comm<strong>une</strong> de la Pêche<br />

L’Union Européenne doit conserver la compétence exclusive en matière de <strong>pêche</strong> et de<br />

gestion des ressources halieutiques. Mais la Politique Comm<strong>une</strong> de la Pêche doit néanmoins<br />

permettre l’application du principe de subsidiarité. Selon ce principe, la règle est qu’<strong>une</strong><br />

décision doit être prise au plus près des citoyens.<br />

Ayant démontré leur compétence, les prud’homies doivent pouvoir continuer à gérer l’activité<br />

de <strong>pêche</strong> professionnelle sur la zone d’étude. Cette gestion devrait être planifiée et encadrée<br />

par ma mise en œuvre de plans de gestion, comme le prévoit le futur règlement européen sur<br />

la <strong>pêche</strong> en Méditerranée (règlement (CE) n°13406/03), plans de gestion qui devraient être<br />

progressivement intégrés à l’échelle du secteur Liguro-Provencal.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 125


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

7.2.7. Etape 5 : renforcer le contrôle et l’application des règles<br />

Contrôle en mer : des moyens largement insuffisants :<br />

La plupart des prud’hommes rencontrés (85%) se plaignent de l’insuffisance des contrôles en<br />

mer. Ils constatent en outre un contrôle inégal entre professionnels et plaisanciers. Certains<br />

(25%) parlent même de l’incompétence des Affaires Maritimes pour l’encadrement de<br />

l’activité de <strong>pêche</strong>.<br />

<strong>Pour</strong> tous, le contrôle de la plaisance est largement insuffisant et la plupart des personnes<br />

rencontrées racontent les pratiques de certains <strong>pêche</strong>urs amateurs locaux qui dépassent le<br />

cadre réglementaire (vire-ligne électrique pour la <strong>pêche</strong> à la palangre, nombre d’hameçons<br />

trop important, non-respect des distances de sécurité par rapport aux filets, etc.).<br />

Une priorité : la lutte contre le braconnage<br />

Les <strong>pêche</strong>urs sont les premiers à pâtir de l’activité des braconniers (compétition sur la<br />

ressource et compétition illégale sur le marché). Aux Affaires Maritimes, toutes les personnes<br />

rencontrées reconnaissaient l’ampleur du braconnage et le préjudice qu’il porte à la <strong>pêche</strong><br />

professionnelle.<br />

Les représentants des <strong>pêche</strong>urs amateurs et des chasseurs sous-marins reconnaissent<br />

également ce préjudice. Selon eux, la collaboration doit s’intensifier entre professionnels et<br />

amateurs dans la lutte contre le braconnage.<br />

Le braconnage est unanimement dénoncé par les différents acteurs rencontrés. De même, le<br />

problème est soulevé dans le rapport sur l’exercice de la <strong>pêche</strong> dans la zone côtière de la<br />

<strong>France</strong> (BOLOPION, FOREST, SOURD, 2000). Le rapport recommande à ce titre de<br />

« consolider les concertations plaisance/<strong>pêche</strong> professionnelle et mener des actions<br />

énergiques contre la fausse plaisance. » Une mesure simple serait d’obliger chaque <strong>pêche</strong>ur<br />

plaisancier à couper les nageoires et la queue de chac<strong>une</strong> de ses prises.<br />

De manière générale, les moyens des Affaires Maritimes pour le contrôle de la <strong>pêche</strong> dans la<br />

bande côtière sont insuffisants. « Force est de constater que cette administration qui détient<br />

l’expertise et le savoir- faire dans ce domaine, n’a pas obtenu tous les moyens dont elle a<br />

besoin pour remplir sa mission » (DUPILET, 2001).<br />

Renforcer les moyens des Affaires Maritimes<br />

Le contrôle des <strong>pêche</strong>s s’exerce à terre et en mer. Tous deux sont assurés par un grand<br />

nombre de services de l’Etat (Gendarmerie Nationale, Direction Générale de la Concurrence<br />

de la Consommation et de la Répression des Fraudes, Direction des Services Vétérinaires,<br />

Douanes, Gendarmerie Maritime, Marine Nationale, et Affaires Maritimes). Cette grande<br />

diversité pose le problème de la coordination, assurée par les Affaires Maritimes.<br />

La première étape est de mettre en œuvre des actions ciblées contre la fraude des <strong>pêche</strong>urs<br />

professionnels, en soutien au travail des prud’hommes.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 126


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

Malgré les estimations disponibles sur l’impact de la plaisance sur les ressources halieutique,<br />

le contrôle de la <strong>pêche</strong> plaisancière ne fait pas partie des priorités des services en charge de<br />

cette mission. Il faut le renforcer, en particulier en période estivale où l’activité est maximale.<br />

Créer <strong>une</strong> police littorale pour la sensibilisation, la prévention voire la<br />

répression des différents usagers<br />

<strong>Pour</strong> la majorité des prud’hommes (65%), il faut <strong>une</strong> surveillance accrue de l’espace littoral<br />

pendant la saison estivale. Certains proposent la création d’unités de « police littorale » :<br />

pneumatiques légers permettant un contrôle rapide des bateaux de plaisance. Cette « police »<br />

pourrait être structurée autour des grandes agglomérations (Toulon, Hyères, Saint-Raphaël).<br />

Ils voient ces unités comme des outils de sensibilisation et de prévention, plus que comme des<br />

instruments de répression. Ils verraient ainsi des emplois saisonniers, pourvus lors de la saison<br />

touristique (quatre mois, de mai à septembre).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 127


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

7.3. Recommandations pour la mise en place d’<strong>une</strong> UEGC « gestion des<br />

usages halieutiques sur le secteur liguro-provençal »<br />

7.3.1. Etape 1 : Mettre en place <strong>une</strong> concession fermée à l’échelle<br />

du secteur liguro-provençal<br />

Fixer le secteur liguro-provençal (portion littorale qui va de La Ciotat à Gênes)<br />

comme échelle de gestion des usages halieutiques<br />

Maintenir et renforcer le rôle des prud’homies pour la gestion de l’activité de <strong>pêche</strong><br />

professionnelle (régulation de l’accès et mesures techniques)<br />

Mettre en place des permis de <strong>pêche</strong> payants pour la régulation de l’accès des autres<br />

usages, donnant des moyens supplémentaires pour le contrôle et la mise en place<br />

d’actions de restauration ou préservation du milieu marin<br />

7.3.2. Etape 2 : créer la plate-forme de concertation<br />

Réaliser <strong>une</strong> étude scientifique établissant l’impact des différents usages de la<br />

ressource halieutique.<br />

Créer <strong>une</strong> mission de façade méditerranée. Cette mission articulerait <strong>une</strong> commission<br />

chargée de la gestion du Golfe du Lion, et <strong>une</strong> commission chargée de la gestion du<br />

secteur liguro-provençal. Il y a aussi des usages halieutiques dans le Golfe du Lion et<br />

ta formulation les évacuent un peu vite.<br />

Créer <strong>une</strong> commission « liguro-provençale », organisée par un système de charte<br />

souple, évolutive, permettant d’intégrer les différents usages de la ressource<br />

halieutique.<br />

Créer un poste d’animateur de la commission rattaché à la mission de façade<br />

méditerranéenne<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 128


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC)<br />

7.3.3. Etape 3 : valoriser les usages de la ressource halieutique<br />

Certifier les produits de la <strong>pêche</strong> aux « petits métiers » : des produits régionaux<br />

Développer la polyactivité pour les « petits métiers » et en particulier les activités liées<br />

au tourisme.<br />

Structurer et financer le rôle de « veille écologique » de la <strong>pêche</strong> aux « petits<br />

métiers ». Les petits métiers deviendraient des gestionnaires de l’espace marin.<br />

7.3.4. Etape 4 : organiser et réguler les usages halieutiques sur le<br />

secteur liguro-provençal<br />

Gérer les nouveaux usages par la mise en place de permis obligatoires, payants, pour<br />

la <strong>pêche</strong> amateur et la chasse sous-marine.<br />

Maintenir <strong>une</strong> gestion par l’effort en sortant les « petits métiers » du système<br />

d’attribution des kW<br />

Articuler l’action des prud’homies et comités des <strong>pêche</strong>s à l’échelle du secteur liguroprovençal.<br />

Renforcer l’autorité prud’homale grâce au soutien des Affaires Maritimes<br />

Mettre en place un plan de gestion des usages halieutiques dans le cadre du<br />

règlement européen sur la <strong>pêche</strong> en Méditerranée.<br />

7.3.5. Etape 5 :Renforcer les moyens de contrôle<br />

Renforcer les moyens de contrôle des Affaires Maritimes. Vis-à-vis de la fraude, du<br />

braconnage et de l’explosion des nouveaux usages, les moyens des Affaires Maritimes<br />

semblent insuffisants.<br />

Créer <strong>une</strong> police littorale. Structurée autour des grandes agglomérations du secteur,<br />

elle serait chargée de la gestion des conflits d’usage.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 129


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

8. DISCUSSION : LES TRANSFORMATIONS NECESSAIRES POUR<br />

UNE MISE EN PLACE DES UEGC EN EUROPE<br />

Lors du sommet de Johannesburg sur le Développement Durable (2002), l’Europe s’est<br />

engagée à respecter « l’objectif 2015 », imposant que les stocks soient restaurés, en 2015, à<br />

des niveaux permettant de produire le rendement maximal soutenable (MSY).<br />

Le problème de la sur<strong>pêche</strong> est global. Mais les solutions qui apparaissent aujourd’hui sont<br />

locales, adaptées à un écosystème et enracinées dans la culture des hommes qui l’exploitent.<br />

Le système d’organisation de la <strong>pêche</strong> par unités d’exploitation et de gestion concertées<br />

répond à ce constat. Mais sa mise en œuvre nécessite des transformations dans le cadre actuel<br />

de la Politique Comm<strong>une</strong> de la Pêche<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 130


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

8.1. Etape 1 : définir les territoires des UEGC<br />

S’appuyer sur la notion de « mer régionale » et la mise en place des Comités Consultatifs<br />

Régionaux<br />

Dans le débat sur la <strong>pêche</strong> en Europe, le concept de « mer régionale » est apparu il y a <strong>une</strong><br />

dizaine d’années. Il s’est concrétisé en 2002 avec la réforme de la Politique Comm<strong>une</strong> des<br />

Pêches par la décision de mettre en place des Comités Consultatifs Régionaux (décision du<br />

Conseil instituant des conseils consultatifs régionaux dans le cadre de la politique comm<strong>une</strong><br />

de la <strong>pêche</strong>, 2003).Ces CCR correspondent à <strong>une</strong> échelle écologique et présente <strong>une</strong><br />

commodité opérationnelle. Ils offrent donc un bon cadre de gestion.<br />

Figure 30. Localisation des Comités Consultatifs Régionaux dans les eaux européennes.<br />

S’appuyer sur le cadre « naturel » des façades maritimes<br />

En <strong>France</strong>, la plupart des <strong>pêche</strong>ries peuvent être appréhendées à l’échelle des façades<br />

maritimes (Manche et Mer du Nord, Golfe de Gascogne, Méditerranée). Ainsi le Golfe de<br />

Gascogne circonscrit plusieurs <strong>pêche</strong>ries (sole, langoustine, baudroie, merlu)<br />

interdépendantes. Cette façade présente donc un cadre naturel pour la gestion de ces<br />

différentes <strong>pêche</strong>ries.<br />

Définir les UEGC<br />

Les territoires des UEGC correspondent aux aires géographiques des <strong>pêche</strong>ries. Elles doivent<br />

offrir <strong>une</strong> commodités opérationnelles et <strong>une</strong> pertinence écologique. Elles peuvent être<br />

transnationales.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 131


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

8.2. Etape 2 : Organiser un nouvelle gouvernance à l’échelle de l’UEGC<br />

Partager un même diagnostic sur l’état de la <strong>pêche</strong>rie<br />

Aucun constat clair n’est posé – et encore moins partagé – sur le niveau de durabilité de<br />

l’exploitation des ressources halieutiques en Europe.<br />

Concernant la ressource, les professionnels discutent systématiquement les avis scientifiques<br />

sur l’état des stocks, et ils critiquent vivement le constat alarmiste dressé par les<br />

environnementalistes.<br />

Dans <strong>une</strong> analyse économique, le niveau de capitalisation des flottes européennes est un<br />

paramètre fort pour l’estimation de leur niveau de rentabilité. Or les subventions distribuées<br />

biaisent les calculs, et il est aujourd’hui très difficile d’évaluer la rentabilité des entreprises de<br />

<strong>pêche</strong>. Aucun bilan d’ensemble, fiable, n’est disponible en Europe.<br />

La dimension sociale n’est intégrée que de façon subjective, voire émotive. Alors qu’elle<br />

devrait justifier des mesures profondes et courageuses, les ministres des <strong>pêche</strong>s des pays de<br />

l’Union Européenne s’en servent au contraire pour les repousser.<br />

Le débat est le plus souvent très général et n’aboutit pas. Si ce constat n’existe pas, c’est qu’il<br />

est impossible à l’échelle européenne. En effet, on ne peut dresser un constat clair et concret<br />

qu’à l’échelle d’<strong>une</strong> <strong>pêche</strong>rie. Ayant défini un territoire de gestion, on peut alors aborder les<br />

questions fondamentales pour la durabilité de l’exploitation : niveau de la ressource, création<br />

d’emplois, de richesses.<br />

L’instauration d’<strong>une</strong> concertation au sein de l’UEGC répond à la nécessité d’un constat<br />

commun. Au sein d’<strong>une</strong> UEGC, les parties prenantes doivent partager un diagnostic commun<br />

sur l’exploitation : sur sa dimension écologique, économique et sociale. Cette étape de<br />

diagnostic est indispensable afin de définir des objectifs communs.<br />

Définir un cadre de concertation<br />

Il doit être calqué sur l’échelle de gestion de l’UEGC. Les Comités Consultatifs Régionaux<br />

constituent un cadre pertinent. Mais leur dimension est encore trop grande pour <strong>une</strong><br />

« appropriation » et <strong>une</strong> décentralisation de la gestion. Ils constituent néanmoins la plateforme<br />

adéquate pour la mise en place des UEGC qui peuvent être établies comme divisions<br />

géographiques au sein des CCR.<br />

Construire la concertation : intégrer tous les intérêts<br />

La concertation doit permettre de rassembler, à l’échelle de l’UEGC, les différents intérêts<br />

exprimés autour des 3 dimensions de l’exploitation halieutique (écologique, économique et<br />

sociale). Chaque groupe d’intérêt doit avoir un poids dans cette concertation. Des experts<br />

extérieurs peuvent intervenir.<br />

La complexité et la multiplicité des structures professionnelles sont obsolètes en regard de<br />

l’activité que représente la <strong>pêche</strong> en Europe. De plus l’isolement du secteur des <strong>pêche</strong>s<br />

maritimes nous semble préjudiciable pour son développement.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 132


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Placé entre l’environnement et la marché, la filière halieutique concerne d’autres acteurs que<br />

les professionnels qui en font partie. Il faut ouvrir la problématique de la gestion des <strong>pêche</strong>s<br />

vers des acteurs extérieurs et le grand public (associations de développement, de<br />

consommateurs, de défense de l’environnement, etc.). C’est <strong>une</strong> évolution que prépare les<br />

CCR qui doivent être composées pour 2/3 de professionnels et pour 1/3 de représentants de la<br />

société civile. De la même façon, les UEGC doivent être ouverte à la participation<br />

d’autres interlocuteurs.<br />

Assigner des objectifs clairs à la concertation sur le long terme<br />

Rapprocher l’amont et l’aval de la filière<br />

La filière halieutique est morcelée, cloisonnée : les professionnels s’opposent souvent les uns<br />

aux autres. En mer, les conflits de métier font rage. Et très peu d’acteurs ont <strong>une</strong> vision<br />

d’ensemble. La systématisation d’<strong>une</strong> approche filière, intégrant à la fois les aspects<br />

écologiques, économiques et sociaux, permettra de faire apparaître les différentes stratégies<br />

d’exploitation possibles sur le territoire de l’UEGC.<br />

Mettre en place un plan de gestion à 10 ans : <strong>une</strong> « feuille de route »<br />

partagée<br />

Il faut d’abord fixer un niveau de référence, point zéro : diagnostic commun partagé par<br />

l’ensemble des acteurs. En Europe la gestion des ressources halieutiques ne peut pas se faire<br />

sur un rythme annuel, dépendant des aléas d’un Conseil des Ministres de passage. Rappelons<br />

que s’il faut cinq ans à <strong>une</strong> langoustine pour atteindre sa taille de maturité sexuelle, tout<br />

ministère de la <strong>pêche</strong> d’un des pays de l’UE aura connu cinq ministres pendant cette période.<br />

Au niveau d’<strong>une</strong> UEGC, faut un engagement sur des plans de gestion à moyen (cinq ans) et<br />

long terme (10 ans) en vue d’atteindre « l’objectif 2015 ». De toute façon, un objectif sur<br />

plusieurs années donne plus de lisibilité pour la conduite des exploitations. Un tel plan de<br />

gestion est <strong>une</strong> feuille de route partagée par les parties prenantes de l’UEGC et<br />

auxquelles elles se réfèrent de manière régulière.<br />

Etablir des indicateurs de progrès et mettre en place <strong>une</strong> gestion adaptative<br />

permettant d’évaluer les progrès faits vers l’atteinte des objectifs<br />

On doit déduire de cette feuille de route des indicateurs de progrès mesurables. L’avancement<br />

vers les objectifs est ainsi mesuré de façon régulière (tous les 6 mois ou tous les ans).<br />

A court terme, la concertation doit permettre la conduite d’<strong>une</strong> gestion adaptative : c'est-à-dire<br />

évoluant et s’adaptant à la grande variabilité de l’exploitation halieutique (variabilité des<br />

ressources halieutiques mais aussi des organisations humaines). C’est un objectif essentiel<br />

puisque c’est à court terme que les tensions se cristallisent. Cette crispation et les conflits<br />

sociaux qui en découlent impriment malheureusement le rythme de la gestion des <strong>pêche</strong>s,<br />

depuis 20 ans. Il faut donc développer un système de gestion avec un ajustement annuel des<br />

paramètres (nombre de jours en mer, caractéristiques des engins, etc.) selon des variations<br />

limitées de façon à lisser les changements imposés sur le moyen terme. La gestion adaptative<br />

ne doit surtout pas être <strong>une</strong> simple « gestion de la paix sociale » mais bien s’inscrire dans la<br />

feuille de route.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 133


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Mettre en œuvre la concertation<br />

Monter un projet technique permettant d’associer les parties prenantes de<br />

l’UEGC<br />

Le montage d’un projet technique (essai d’un nouvel engin de <strong>pêche</strong> sur <strong>une</strong> <strong>pêche</strong>rie,<br />

sélectivité des engins de <strong>pêche</strong> existants, valorisation des produits grâce à la labellisation,<br />

etc.) permet d’associer les parties prenantes de l’UEGC autour d’un problème concret, utile<br />

pour l’évolution des stratégies d’exploitation. Il permet d’ancrer dès son origine, la<br />

concertation sur le « terrain », et d’éviter des discussions abstraites décourageantes pour ceux<br />

qui vivent de l’exploitation.<br />

Mettre en place un système de charte au sein de l’UEGC<br />

Les UEGC seraient encadrées et régulées par un système de charte, souple et évolutif,<br />

reposant sur l’engagement et la responsabilité de chaque partie. L’outil contractuel permet de<br />

trouver un terrain d’entente dans un secteur animé par les conflits et les passions.<br />

Créer un poste de coordinateur de l’UEGC<br />

On comprend que le métier de <strong>pêche</strong>ur, en imposant de longues périodes en mer, entraîne un<br />

certain isolement. Mais il est essentiel que chaque matelot, chaque patron soit informé et<br />

s’approprie la situation et la problématique globale de la gestion des ressources halieutiques.<br />

De même, chaque professionnel de la filière halieutique doit disposer de cette vision globale.<br />

<strong>Pour</strong> rompre l’isolement du secteur des <strong>pêche</strong>s, chaque professionnel doit être informé de<br />

façon continue (formation continue ou diffusion de l’information) de la situation et des enjeux<br />

de la gestion de sa <strong>pêche</strong>rie.<br />

Suivre l’exemple de la gestion de l’eau<br />

La problématique de la gestion de l’eau et la mise en place des Schémas Directeurs<br />

d’Aménagement et de Gestion de l’Eau (SDAGE), puis des SAGE, peut offrir des retours<br />

d’expérience pertinents pour la gestion des <strong>pêche</strong>s.<br />

<strong>Pour</strong> préciser le parallèle, si les CCR peuvent s’apparenter aux SDAGE, on peut comparer la<br />

mise en place des UEGC à celle des SAGE. Un échange régulier de l’information est<br />

nécessaire au sein de chaque UEGC. Dans ce sens, chaque SAGE dispose d’un, chargé de<br />

mission « responsable de l’animation et de la coordination technique de la démarche tout au<br />

long de l’élaboration du SAGE. C’est lui qui propose un planning général, procède à la<br />

rédaction (des cahiers des charges d’études, des compte rendus de réunion, du SAGE luimême,<br />

etc.), prépare les réunions, que ce soit au plan technique ou au plan de la concertation,<br />

etc. » Il doit faire vivre la Commission Locale de l’Eau qui réunit tous les acteurs du SAGE.<br />

La gestion de l’eau en <strong>France</strong> est réglée par la concertation entre les usagers, les élus et l’Etat.<br />

Ce système fait référence à travers le monde et inspire largement la Directive Cadre sur l’Eau<br />

de l’Union Européenne. De même, la <strong>France</strong> peut être pionnière en proposant la mise en place<br />

des UEGC pour la gestion des <strong>pêche</strong>s.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 134


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

8.3. Etape 3 : valoriser la <strong>pêche</strong> pour créer des incitations positives à<br />

<strong>une</strong> activité <strong>durable</strong><br />

Lors de sa construction, la PCP a placé l’activité de <strong>pêche</strong> dans <strong>une</strong> dimension purement<br />

productive en vue de l’approvisionnement du marché. Mais aujourd’hui d’autres valeurs sont<br />

unanimement accordées à l’activité de <strong>pêche</strong> : son rôle dans la structuration de la zone<br />

littorale, son rôle d’approvisionnement en produits frais de proximité, le respect du milieu<br />

naturel. En fonction de ces valeurs, il conviendra de déterminer la ou les stratégies<br />

d’exploitation privilégiées au sein du territoire de l’UEGC.<br />

La dimension « produit » : organiser le marché pour valoriser les produits issus d’<strong>une</strong> gestion<br />

<strong>durable</strong><br />

Il convient d’identifier les débouchés existants permettant de valoriser au mieux pour<br />

les produits « cueillis » dans le territoire de l’UEGC.<br />

Développer <strong>une</strong> approche par filière<br />

L’UEGC doit permettre d’adopter <strong>une</strong> approche par filière. Le <strong>pêche</strong>ur doit <strong>pêche</strong>r pour<br />

vendre au mieux, et non pour <strong>pêche</strong>r au plus. Le mareyeur doit payer pour la qualité et ainsi<br />

encourager <strong>une</strong> meilleure exploitation. Pêcher pour le marché, c’est mieux valoriser la<br />

ressource.<br />

Maîtriser la traçabilité du produit<br />

Sans maîtrise de la traçabilité, les produits issus d’<strong>une</strong> <strong>pêche</strong> <strong>durable</strong> ne seront pas valorisés à<br />

coup sûr. A terme, le <strong>pêche</strong>ur ne trouvera plus d’intérêt à consentir les efforts nécessaires pour<br />

<strong>une</strong> pratique <strong>durable</strong>.<br />

Faire apparaître au consommateur final le choix du produit comme le choix<br />

d’<strong>une</strong> logique d’exploitation<br />

Il faut mettre en évidence le choix du produit comme choix d’<strong>une</strong> logique d’exploitation,<br />

d’<strong>une</strong> pratique, d’un savoir-faire. A la condition d’<strong>une</strong> maîtrise de la traçabilité, l’étiquetage<br />

fait savoir, et contribue ainsi à rapprocher le <strong>pêche</strong>ur du consommateur. Le poisson constitue<br />

en effet le dernier produit sauvage de grande consommation. Il faut encourager des circuits<br />

commerciaux courts au niveau de chaque UEGC, valorisant au maximum l’exploitation, dans<br />

l’esprit d’un développement local. A la condition d’<strong>une</strong> traçabilité parfaite des produits, le<br />

consommateur peut choisir le type de développement qu’il veut pour la filière halieutique.<br />

Dans <strong>une</strong> optique globale et nécessaire de responsabilisation individuelle, le consommateur<br />

doit faire de son achat un acte citoyen et devenir « un consom’acteur ».<br />

La dimension écologique : reconnaître et valoriser, dans certains cas, le rôle d’indicateur du<br />

milieu marin de l’activité de <strong>pêche</strong><br />

Les <strong>pêche</strong>urs sont des témoins quotidiens de l’évolution du milieu marin et des atteintes qui<br />

lui sont portés. Ils en sont d’ailleurs les premières victimes. Certains <strong>pêche</strong>urs ont un souci<br />

particulier du milieu et s’attachent à rapporter des informations caractérisant son évolution.<br />

rôle de sentinelle.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 135


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

8.4. Etape 4 : gérer par l’effort plutôt que par la quantité<br />

La <strong>pêche</strong> est l’exploitation d’<strong>une</strong> ressource comm<strong>une</strong>. Dans ce contexte, chacun a intérêt à<br />

<strong>pêche</strong>r le plus possible sous risque de voir <strong>pêche</strong>r par un autre ce qu’il n’a pas pris lui-même.<br />

Au fur et à mesure du temps, tout navire qui acquiert un avantage en capacité de <strong>pêche</strong> obtient<br />

le bénéfice de ce différentiel et « aspire » donc les autres navires derrière lui. C’est le<br />

mécanisme pervers de la course aux poissons. Or, pour que l’UEGC soit fonctionnelle, le<br />

partage doit prévaloir. Comme l’analyse des exemples de co-gestion le montre (Annexe 4) il<br />

faut forcer au niveau de chaque UEGC un alignement, <strong>une</strong> « standardisation » des moyens<br />

d’exploitation.<br />

<strong>Pour</strong> chaque UEGC, on pourra définir <strong>une</strong> production biologique donnée pour chaque stock.<br />

<strong>Pour</strong> rationaliser l’exploitation, il faut attribuer <strong>une</strong> part de la production biologique<br />

capturable (TAC) à chaque armement. Partant, 2 types de gestion sont possibles : <strong>une</strong> gestion<br />

par les quantités ou <strong>une</strong> gestion par les modes de capture.<br />

Dans la gestion par les quantités, on utilise le plus souvent le Quota Individuel (QI). A l’instar<br />

de ce qu’on a observé avec le Domaine Public Maritime, ces QI deviendraient alors<br />

monnayables et transférables. Le risque est alors de voir l’activité se concentrer : quelques<br />

bateaux récolteraient la totalité du TAC. On pourrait éventuellement remplir l’objectif<br />

économique assigné à l’UEGC (chaque bateau optimisant son chiffre d’affaire en fonction des<br />

ses coûts et des bénéfices qu’il peut à peu près prévoir), mais on ne remplirait ni l’objectif<br />

écologique (de tels bateaux s’adapteraient difficilement à la variabilité des écosystèmes), ni<br />

l’objectif social (<strong>une</strong> telle évolution ferait disparaître des emplois et ferait perdre à l’activité<br />

de <strong>pêche</strong> son rôle structurant dans l’aménagement du littoral.<br />

Au contraire (§ 6.2.6), la gestion par l’effort répond à la fois aux objectifs écologique<br />

(approche écosystémique), social (meilleure répartition de la production biologique), et<br />

économique (<strong>une</strong> augmentation de la sélectivité permet un augmentation des captures).<br />

En outre la gestion par l’effort encourage le <strong>pêche</strong>ur à avoir un comportement de gestionnaire,<br />

à l’inverse de la gestion par la quantité qui fait de lui un « producteur ». Réfléchir aux modes<br />

de capture, c’est se représenter l’impact de son activité sur la ressource et l’écosystème en<br />

général. C’est considérer la mer comme un verger où la santé des arbres est nécessaire pour<br />

cueillir de beaux fruits, et non pas la considérer comme un puits dont l’entretien est inutile.<br />

Définir des mesures techniques exhaustives applicables à tous les bateaux de l’UEGC, et<br />

précisées dans la licence PPS<br />

L’UEGC doit assurer un alignement des moyens d’exploitation (à l’image de ce qu’on<br />

observe dans les <strong>pêche</strong>ries traditionnelles). A ce titre, les initiatives de « bateaux génériques »<br />

vont dans le bon sens.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 136


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Définir des règles d’entrée et réguler l’accès à l’UEGC grâce à la licence PPS et à l’allocation<br />

du PME géré par <strong>une</strong> Agence Publique<br />

L’accès au PME et à la licence sont conditionnés par le respect de la charte de l’UEGC<br />

élaboré en collaboration avec les parties prenantes.<br />

Nous proposons que les PME soient gérés par <strong>une</strong> agence publique, à laquelle serait<br />

rattachée l’UEGC. Cette agence pourrait couvrir plusieurs UEGC. Cette agence disposerait<br />

d’un droit d’émission, d’encadrement et de préemption à l’image de ce qu’on observe en<br />

<strong>France</strong> pour la gestion des terrains agricoles avec les Sociétés d’Aménagement Foncières et<br />

des Exploitation Agricoles (SAFER).<br />

L’agence publique capterait et redistribuerait les PME, en veillant aux équilibres portuaires et<br />

régionaux, afin de préserver <strong>une</strong> <strong>pêche</strong> dispersée le long du littoral. Grâce à cette régulation,<br />

le rôle de l’activité de <strong>pêche</strong> dans l’aménagement du littoral peut être appréhendé et contrôlé.<br />

Afin d’éviter toute concentration des moyens d’exploitation nous recommandons donc <strong>une</strong><br />

gestion par les modes de captures. C'est-à-dire par <strong>une</strong> régulation publique stricte des PME<br />

couplée à <strong>une</strong> gestion des licences par les UEGC.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 137


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

8.5. Etape 5 : imposer un contrôle européen strict pour détruire les<br />

incitations négatives créées par la fraude<br />

L’enjeu d’<strong>une</strong> gestion <strong>durable</strong> est que chacun prélève la part de la ressource qui lui est<br />

attribuée, et pas plus. L’un des points essentiels de la mise en place des UEGC est que<br />

chaque <strong>pêche</strong>ur récupère le fruit des efforts qu’il a consentis. La fraude crée des<br />

distorsions entre les <strong>pêche</strong>urs qui ne favorisent pas <strong>une</strong> gestion concertée de la ressource,<br />

indispensable au développement des UEGC.<br />

L’émergence d’un auto-contrôle<br />

La cohésion du groupe professionnel est un élément déterminant. Les systèmes de gestion<br />

collective reposent sur <strong>une</strong> exigence individuelle, dans un respect mutuel, entre les <strong>pêche</strong>urs<br />

et avec l’administration.<br />

Une gestion <strong>durable</strong> permet à chacun de récupérer le fruit de ses efforts. Au sein d’<strong>une</strong> unité<br />

de gestion, chacun a donc personnellement intérêt à ce que les autres aussi respectent les<br />

règles établies. Une forme d’auto-contrôle émerge ainsi. Mais il serait naïf et dangereux de<br />

croire que l’auto-contrôle suffit.<br />

Mettre en place un contrôle européen strict<br />

L’absence ou l’inefficacité du contrôle accroît ainsi les suspicions contre l’administration et<br />

entrave le processus. A terme, la fraude renforce le sentiment d’<strong>une</strong> inefficacité économique<br />

et halieutique des efforts concédés par les <strong>pêche</strong>urs.<br />

Le scandale du braconnage<br />

Le braconnage correspond à <strong>une</strong> « fraude totale » : pas d’inscription maritime, braconnage<br />

sur des espèce interdites, injection des produits de la <strong>pêche</strong> dans les circuits officiels et nonofficiels…<br />

Cette activité constitue évidemment <strong>une</strong> concurrence complètement déloyale à<br />

l’activité de <strong>pêche</strong> professionnelle. En outre, les captures, non déclarées, ne rentrent pas en<br />

compte dans l’évaluation biologique, faussant le diagnostic de l’état du stock.<br />

Importance du contrôle pour la gestion<br />

Nombre de règlements pris ne sont pas appliqués aujourd’hui. On comprend que des<br />

règlements, pris de manière unilatérale et sans consultation des intéressés, soient difficiles à<br />

faire appliquer (voire qu’ils soient inapplicables). En revanche les mesures prises en<br />

concertation au sein des UEGC doivent être appliquées de la façon la plus stricte.<br />

Importance du contrôle pour l’organisation de la filière<br />

La fraude concerne également la partie avale de la filière : non-respect des tailles<br />

réglementaires, produit surclassé dans <strong>une</strong> autre qualité, falsification des dates, etc. La fraude<br />

favorise ainsi <strong>une</strong> dévalorisation de la ressource et <strong>une</strong> déstabilisation du marché.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 138


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

9. CONCLUSION<br />

Au terme d’un an d’enquêtes et d’entretiens (octobre 2004 – octobre 2005), après deux années<br />

de réflexions et discussions (octobre 2004 – octobre 2006), nous souhaitons aujourd’hui<br />

redonner de la perspective à la <strong>pêche</strong>, et lui offrir un développement <strong>durable</strong> en <strong>France</strong> et en<br />

Europe, en proposant <strong>une</strong> nouvelle organisation de cette activité par la mise en place d’Unités<br />

d’Exploitation et de Gestion Concertée (UEGC).<br />

Le but est d’établir pour chaque « territoire de <strong>pêche</strong> » <strong>une</strong> planification stratégique (à 5, 10 et<br />

20 ans) permettant le développement <strong>durable</strong> de l’activité de <strong>pêche</strong>. La création des UEGC<br />

repose sur cinq étapes fondamentales :<br />

- définir le territoire dont les populations marines seront exploitées et gérées, et dont<br />

les usagers (<strong>pêche</strong>urs professionnels et récréatifs) se sentent responsables ;<br />

- organiser <strong>une</strong> nouvelle gouvernance pour inscrire l’activité de <strong>pêche</strong> dans un<br />

développement <strong>durable</strong> ;<br />

- adopter <strong>une</strong> « approche filière » afin de valoriser au mieux les ressources marines<br />

exploitées, et de répartir équitablement la valeur créée ;<br />

- aménager l’activité de <strong>pêche</strong> par l’effort et la qualité, afin de mieux préserver les<br />

écosystèmes (objectif écologique), de mieux préserver <strong>une</strong> activité dispersée le<br />

long du littoral structurant l’aménagement du territoire (objectif social), et de<br />

mieux préserver la productivité biologique des écosystèmes (objectif<br />

économique) ;<br />

- mettre en place un contrôle rigoureux tout le long de la filière afin d’encourager<br />

chaque acteur à <strong>une</strong> pratique responsable et vertueuse.<br />

Définir un territoire, c’est déjà le partager, et c’est revenir sur le concept de libre accès et sur<br />

la gestion centralisée qui ont prévalu à la mise en place de la Politique Comm<strong>une</strong> de la Pêche.<br />

Un tel territoire doit combiner <strong>une</strong> échelle écologique pertinente (recouvrir l’aire de<br />

répartition des populations marines) et <strong>une</strong> échelle humaine commode (recouvrir les zones de<br />

<strong>pêche</strong>). Bénéficiant d’un accès réservé à ce territoire dont ils contribuent à la gestion, les<br />

usagers ont la garantie de bénéficier des efforts et des actions qu’ils entreprennent. La richesse<br />

du milieu marin devient leur richesse, leurs efforts d’aujourd’hui fondent leurs profits pour<br />

demain.<br />

Organiser <strong>une</strong> nouvelle gouvernance, c’est reconnaître que la mer et ses richesses<br />

appartiennent à tous, et c’est privilégier le débat en amont plutôt que l’épreuve de force en<br />

aval. A l’échelle de chaque UEGC, le débat doit se construire collectivement entre toutes les<br />

parties intéressées par le développement <strong>durable</strong> des activités d’exploitation des ressources<br />

marines. Un diagnostic initial intégrant tous les facteurs d’évolution des ressources marines<br />

(<strong>pêche</strong>, pollution, climat) doit être partagé afin de fixer des objectifs sur le long terme. La<br />

concertation régulière entre toutes les parties, doit alors permettre la mise en place d’<strong>une</strong><br />

gestion adaptative permettant d’atteindre les objectifs fixés tout en évitant les écueils des<br />

polémiques issues des mesures prises à court terme.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 139


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Adopter <strong>une</strong> « approche filière », c’est former des « équipes gagnantes » de <strong>pêche</strong>urs winners<br />

pour des gains supérieurs aux intérêts corporatistes à court terme. Une étude de marché doit<br />

permettre d’identifier les débouchés qui permettront de valoriser au mieux les ressources<br />

disponibles sur le territoire de l’UEGC. Quelle logiques d’exploitation (type et taille des<br />

bateaux, engin de <strong>pêche</strong> utilisé, etc.) permettront de débarquer le produit recherché ? Quels<br />

doivent être les nouveaux objectifs d’<strong>une</strong> <strong>pêche</strong> <strong>durable</strong> : création d’emplois, de valeur,<br />

respect des écosystèmes ?... La filière (du <strong>pêche</strong>ur au distributeur) doit alors se réorganiser<br />

pour viser ces débouchés. L’esprit d’équipe doit primer, et la valeur être équitablement<br />

partagée entre tous les acteurs de la filière, qui doivent faire savoir au consommateur final<br />

leur savoir-faire par l’étiquetage des produits.<br />

Aménager l’activité de <strong>pêche</strong> par l’effort et la qualité plutôt que par la quantité, c’est pour le<br />

<strong>pêche</strong>ur passer d’un rôle de « producteur » à un rôle de « cueilleur », gestionnaire du milieu<br />

marin, et c’est ouvrir la voie du développement <strong>durable</strong> (économique, écologique, et social)<br />

de cette activité. <strong>Pour</strong> chaque UEGC, il faut fixer un niveau de prélèvement maximal<br />

(dépendant de la productivité biologique du milieu marin). La gestion par les quantités de<br />

captures autorisées cantonne l’activité de <strong>pêche</strong> à <strong>une</strong> simple activité « productrice », et les<br />

ressources marines à des stocks, tout comme on disposerait de stocks de marchandises. La<br />

gestion par les modes de capture permet au contraire d’appréhender la <strong>pêche</strong> dans sa<br />

dimension économique (valorisation maximale du produit), mais aussi social (aménagement<br />

du territoire) et écologique (préservation des écosystèmes).<br />

Mettre en place un contrôle rigoureux tout le long de la filière, c’est em<strong>pêche</strong>r que la fraude et<br />

l’irresponsabilité de quelque uns anéantissent les efforts consentis par la majorité. Le principe<br />

des UEGC est que les règles proposées et adoptées collectivement soient respectées par<br />

chaque acteur individuel.<br />

Les évolutions en cours au sein du monde de la <strong>pêche</strong> semblent aller dans le sens de la mise<br />

en place des UEGC. En effet :<br />

- la réforme de la Politique Comm<strong>une</strong> de la Pêche (2002) a proposé de réorganiser<br />

l’activité de <strong>pêche</strong> à l’échelle des grandes mers régionales (via la création des<br />

Comités Consultatifs Régionaux) ;<br />

- les interrogations de l’opinion publique qui presse de plus en plus les décideurs<br />

politiques de rendre des comptes, et condamne la politique de gestion clientéliste<br />

d’un patrimoine collectif ;<br />

- <strong>une</strong> filière professionnelle qui se différencie et se spécialise autour de produits<br />

associés à des territoires de <strong>pêche</strong> ;<br />

- <strong>une</strong> grande distribution qui souhaite se montrer responsable et proposer au<br />

consommateur final un produit issu d’<strong>une</strong> <strong>pêche</strong> <strong>durable</strong>.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 140


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

La proposition des UEGC renvoie au concept connu de : « penser globalement, agir<br />

localement ». En effet, l’Europe doit aujourd’hui repenser l’activité de <strong>pêche</strong> dans la<br />

perspective d’un développement <strong>durable</strong>. Quels usages souhaite-t-on faire des ressources<br />

marines vivant dans les eaux européennes ? Si les objectifs de développement sont de la<br />

responsabilité de l’Union Européenne (qui doit les fixer en partenariat avec les grandes<br />

régions européennes et les Etats Membres), les solutions doivent être pensées et ajustées<br />

localement.<br />

Il n’y a aucun doute que l’homme puisse encore augmenter l’efficacité de ses engins de<br />

<strong>pêche</strong>. Mais à l’heure où la plupart des espèces marines sont surexploitées, il est urgent de<br />

s’interroger sur notre conception du progrès. Il faut aujourd’hui mettre les efforts de recherche<br />

et les évolutions technologiques au service de la gestion d’<strong>une</strong> <strong>pêche</strong> <strong>durable</strong> et de la<br />

protection du milieu marin.<br />

La réorganisation de la <strong>pêche</strong> européenne doit s’intégrer dans le contexte plus vaste de la<br />

Politique Maritime Européenne en cours de construction. La <strong>pêche</strong> serait ainsi intégrée dans<br />

<strong>une</strong> politique globale, avec les autres usages de l’espace marin (transport maritime, pose de<br />

câbles, extraction de granulats, pose d’éoliennes, exploitation pétrolière, etc.).<br />

La mer, comme la terre, est finie. Nous avons hérité, nous partageons et nous jouissons des<br />

richesses de ses eaux et de ses fonds. Puis nous laisserons à notre tour ce monde marin en<br />

partage.<br />

Beaucoup de communautés littorales, de nombreux hommes et femmes de la mer ont préservé<br />

un lien précieux avec ce monde sauvage. Un lien rare dans nos sociétés agitées et ultrasophistiquées.<br />

Faisant partie de notre histoire maritime et de notre patrimoine commun, leurs<br />

savoirs et leurs cultures nous aideront à retrouver l’équilibre que nous avons perdu avec la<br />

nature, pour mieux conserver la vie et la richesses de nos océans.<br />

La mise en place d’<strong>une</strong> <strong>pêche</strong> <strong>durable</strong> n’est pas un problème technologique. C’est un<br />

problème sociologique et humain d’organisation et de gouvernance. Mais c’est aussi un enjeu<br />

politique. Nous faisons aujourd’hui appel au courage et à la volonté politique car il faudra <strong>une</strong><br />

bonne mesure de l’un et de l’autre, pour opérer <strong>une</strong> rupture dans le mode de gestion actuel et<br />

offrir l’espoir d’<strong>une</strong> <strong>pêche</strong> <strong>durable</strong> en <strong>France</strong> et en Europe.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 141


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

"L’ été est fait pour travailler, je ne prends pas de<br />

congé. En février à la seiche j’insiste, au mois d’octobre<br />

c’est colline et chasse. En septembre, je piste la sériole,<br />

je cherche la pélamide et le barracuda, parfois même les<br />

somptueuses coryphènes. Les autres mois déclinent :<br />

poissons blancs, bouillabaisse et rougets. En janvier, ce<br />

petit peuple hiberne et moi je lâche un peu. "<br />

(L’encre de mer, N° 3, citation d’un <strong>pêche</strong>ur varois)<br />

" C'est le chant des galets qui enseigne la manière de<br />

bâtir un mur...<br />

Et quand un galet ne se trouve pas bien dans un mur, le<br />

mur ne se trouve pas bien debout"<br />

[..]<br />

" La sagesse de la terre est <strong>une</strong> complicité totale entre<br />

l'homme et son environnement."<br />

(Les autres et les miens, Pierre Jakez-Hélias)<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 142


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

10. BIBLIOGRAPHIE<br />

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TEMPIER E., 1993. La <strong>pêche</strong> franco-méditerranéenne à l’épreuve de l’administration.<br />

Vème Conférence AEFE, Bruxelles.<br />

WEBER M.,1978. Economy an society : an outline of interpretive sociology. Berkeley :<br />

University of California Press, vol. I : 31.<br />

WEBER J., 1995. Gestion des ressources renouvelables: fondements théoriques d’un<br />

programme de recherche.<br />

ACTES DE COLLOQUES ET CONFÉRENCES<br />

ANONYME, 2001. Actes de la journée mondiale de la <strong>pêche</strong> artisanale. Six-Fours les plages,<br />

25 novembre 2000. Pêche et Développement publ. : 1-19<br />

BRETHES JC, RONDEAU M-H., LUCE E., 2003. L’analyse de l’espace halieutique à<br />

l’interface de l’écologie et de la géographie humaine. Institut des sciences de la mer de<br />

Rimouski. Université du Québec à Rimouski. Communication au 6 e forum halieumétrique<br />

(connaissance scientifique et demande sociale). Montpellier, 24-26 juin 2003.<br />

GROS P., 2006. Quelles réponses à la raréfaction des ressources vivantes marines ?<br />

IFREMER. Note de présentation. 4 e assises du développement <strong>durable</strong> : 1-18.<br />

LEQUESNE C., 2000. De la convergence européenne à la mise en œuvre différenciée: la<br />

Politique Comm<strong>une</strong> de la Pêche, Communication au colloque CEVIPOF – CERI,<br />

L’intégration européenne entre émergence institutionnelle et recomposition de l’Etat,<br />

Sciences Po, Paris, 26 et 27 mai 2000.<br />

MORIZUR Y., DROUOT B., THEBAUD O., FRITSCH M. , GUYADER O., 2005.<br />

Exploitation du bar commun par les <strong>pêche</strong>s récréatives : analyse quantitative. Présentation au<br />

colloque Défi Golfe de Gascogne, IFREMER<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 145


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

PAQUOTTE, 2006. Le marché français des produits de la <strong>pêche</strong> et de l’aquaculture.<br />

Présentation aux 6 e Rencontres Halieutiques de Rennes. Agrocampus de Rennes : 30.<br />

PLATTEAU J.P., 2003. Droits de propriété et gestion efficace des ressources naturelles, Les<br />

Séminaires de l’Iddri, n°10, Conférence donnée à Paris, le 1er juillet 2003.<br />

WEBER J., BETSCH, J.M. et CURY, P., 1990. A l'interface hommes-nature : les<br />

ressources renouvelables. Rapport introductif au Colloque National Recherche et<br />

Environnement, Strasbourg. CNRS, Programme Environnement : 39-50.<br />

NOTES ET FICHES TECHNIQUES<br />

ICES, 2003. Report of the Working Group on Nephrops Stocks. ICES Doc. CM<br />

2003/ACFM,18p.<br />

IFREMER, 2001. « Enquêtes économiques annuelles » et « Statistiques de <strong>pêche</strong> ».<br />

IFREMER-SIH. Ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la <strong>pêche</strong> et des affaires<br />

rurales. DPMA publ.<br />

IFREMER, 2002. Fiche signalétique Langoustine (zone VIII). Décembre 2001. Résultats<br />

préliminaires. Système d’Informations Halieutiques (SIH) : 8.<br />

IFREMER, 2003. Langoustine - Golfe de Gascogne (extraits de la fiche ACFM) : 3.<br />

IFREMER, 2004. Langoustine - Stock du golfe de Gascogne (Divisions VIIIabd du CIEM) :<br />

4.<br />

IFREMER, 2005. Langoustine – Golfe de Gascogne (extraits de la fiche ACFM) : 2.<br />

OFIMER, 2002. Le marché de la langoustine, mars 2001. Note présentée au conseil de<br />

direction : 7.<br />

OFIMER, 2005. Le point sur le marché du thon germon, septembre 2005. Note présentée au<br />

conseil de direction : 3.<br />

OFIMER, 2006. Les chiffres clés de la filière <strong>pêche</strong> et aquaculture en <strong>France</strong>. Edition 2006 :<br />

34.<br />

RAPPORTS<br />

ABOUSSOUAN A. & BOUTIN C., 1993. La <strong>pêche</strong> professionnelle dans les eaux de Parc<br />

National de Port -Cros. GIS Posidonie publ., Marseille, Fr. : 1- 15.<br />

AGLIA, 1999. Langoustine dans le Golfe de Gascogne : 31.<br />

BERNARD G., BONHOMME P., DANIEL B., 1998. Archipel de Riou : étude socioéconomique<br />

sur la <strong>pêche</strong>, la plaisance, la plongée et la chasse sous-marine. Périodes estivale<br />

et hivernale. GIS Posidonie publ. : 1-54 + Annexes.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 146


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

BERTRAND J., CABOCHE C, CATANZANO J., REY H., TEMPIER E., 1993.<br />

Programme pilote de gestion halieutique : groupe de propositions sur l’organisation de la<br />

gestion des <strong>pêche</strong>s dans le Golfe du Lion. Contrat CNPMEM / IFREMER, CEE n°14, pp 1-<br />

149.<br />

BONCOEUR J., MARTIN A., CURTIL O., 2004. Scénarios d’aménagement des activités<br />

de <strong>pêche</strong> dans la bande côtière bretonne, étude juridique et économique. Rapport d’activité<br />

2003, CEDEM, UBO : 1-135.<br />

CLPMEM Var, 2002. Rapport d’activités. Comité local des <strong>pêche</strong>s maritimes et des<br />

élevages : 22.<br />

COMBELLES., 1991. Pêche amateur dans les eaux du Parc national de Port -Cros. Rapport<br />

final. Parc National Port- Cros éd, Hyères : 1- 63.<br />

CRIQUET G., 2001. La <strong>pêche</strong> professionnelle dans la région de Banyuls-sur-Mer. Effort et<br />

productions. Rapport DESS Ecosystèmes Littoraux Méditerranéens, Univ. Pascal Paoli,<br />

Corte, Fr. : 1-43 + Annexes 1-7<br />

CULIOLI J-M., 1995. La <strong>pêche</strong> professionnelle dans la Réserve Naturelle des Iles Lavezzi<br />

(Corse). Effort et productions (Août 1991 – Juillet 1993). Trav. Sci. Parc nat. Rés. Nat. Corse,<br />

Fr : 1-93.<br />

D’ABOVILLE G., 2005. La <strong>pêche</strong>, acteur de la vie du littoral métropolitain : l’heure des<br />

choix. Avis du Conseil économique et social sur le rapport présenté par M. Gérard d'Aboville<br />

au nom de la section de l'agriculture et de l'alimentation. MANDATURE 2004-2009. Séance<br />

des 25 et 26 octobre 2005. Fr : 1-93 + Annexes.<br />

DUFOUR A.H., 1985. La <strong>pêche</strong> aux salins d’Hyères. Contrat Parc National de Port- Cros.<br />

Fr. : 1- 106 + annexes.<br />

DUPILET D., 2001. Le règlement des conflits d’usage dans la zone côtière entre <strong>pêche</strong><br />

professionnelle et autre activité. Rapport à monsieur le Premier Ministre. Fr : 1-42 +<br />

Annexes.<br />

FAO, 2004. La situation mondiale des <strong>pêche</strong>s et de l’aquaculture : 2004. Département des<br />

<strong>pêche</strong>s et de l’aquaculture. Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation : 156.<br />

FARRUGIO H. & LE CORRE G., 1984. Stratégie d'échantillonnage des <strong>pêche</strong>s aux<br />

"petits métiers" en Méditerranée. Rapp. Conv. CEE XIV-B-1 83/2/MO9 P1. : 1-120.<br />

FERAL, 2002. Sociétés maritimes, droit et institutions des <strong>pêche</strong>s en Méditerranée<br />

occidentale. Rome, FAO. Fr : 1-58<br />

GUERIN B., 2003. Approche descriptive de l'activité de <strong>pêche</strong> aux "petits métiers". Le cas<br />

des Iles d'Hyères (Var, <strong>France</strong>). Mémoire de fin d'étude d'Agronomie Approfondie,<br />

spécialisation halieutique, ENSAR. GIS Posidonie publ., Fr. :1-50 + annexes.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 147


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

GUILLOU A., CRESPI V., 1999. Enquête cadre concernant la répartition, la composition<br />

et l’activité des petits métiers dans le Golfe du Lion. IFREMER. Rapport interne,<br />

DRV/RH/RST/99-14 : 1-124.<br />

HARDOUIN G., 1984. Pêcheurs - espaces et espèces halieutiques au Lavandou. Premier<br />

rapport. Contrat Parc National de Port-Cros. Fr : 1-35 + Annexes I-III.<br />

LE CORRE G., ROSECCHI E. et BIGOT J.L.,1990. Enquête-cadre sur la <strong>pêche</strong><br />

artisanale en Région Provence-Alpes-Cote d’Azur. Rapport Interne IFREMER/DRV 90-13<br />

RH/Sète : 105.<br />

LE DIREAC’H L., CADIOU G., BOUDOURESQUE C.F., 2002. Mise en place d'un suivi<br />

de l'effort de <strong>pêche</strong> professionnelle dans la réserve naturelle de Scandola (Corse). Données<br />

2000-2001. Contrat Parc naturel Régional de Corse & GIS Posidonie publ., Fr. : 61 + annexe.<br />

LEN-CORAIL, 2005. Suivi socio-économique des <strong>pêche</strong>s maritimes et de l’aquaculture dans<br />

les régions de l’AGLIA (1992-2003). Rochefort, AGLIA.<br />

MABILE S., 2004. Etude sur la faisabilité juridique de la notion d’Unités d’Exploitation, de<br />

Gestion et de Contrôle (UEGC). <strong>WWF</strong> <strong>France</strong> / Longitude 181 : 53.<br />

OCEANIC DEVELOPPEMENT, 2005. Le marché de la langoustine vivante. Rapport final<br />

pour Pesca Cornouaille, octobre 2005 : 53.<br />

RIGO D., 2000. La <strong>pêche</strong> professionnelle dans la réserve Naturelle des Bouches de<br />

Bonifacio (Corse). Effort et productions. DESS Ecosystèmes Méditerranéens Littoraux,<br />

Université de Corse Pascal Paoli, Fr : 1-52 + annexes<br />

SARANO F. et DEBAS L., 2002. Une nouvelle politique des <strong>pêche</strong>s. <strong>Pour</strong> <strong>une</strong> <strong>pêche</strong><br />

responsable en <strong>France</strong> et en Europe. <strong>WWF</strong> : 15 + annexes.<br />

TANGUY H., 2006. Les <strong>pêche</strong>s maritimes françaises : entre le défi du marché et le défi de<br />

l’aménagement du territoire. Rapport à monsieur le Premier Ministre. Fr : 1-66 + Annexes.<br />

WEBER J., 1992. Le rôle des organisations professionnelles dans la gestion des <strong>pêche</strong>s en<br />

Méditerranée (Espagne, <strong>France</strong>, Italie, Grèce). Doc. De synthèse. Rapport Convention CCE-<br />

ASCA n°XIV-I/MED/91/010 : 24.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 148


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

TEXTES JURIDIQUES COMMUNAUTAIRES<br />

Règlements<br />

Règlement (CE) n° 1954/2003 du Conseil du 4 novembre 2003 concernant la gestion de<br />

l’effort de <strong>pêche</strong> concernant certaines zones et ressources de <strong>pêche</strong> communautaires,<br />

modifiant le règlement (CE) n° 2847/93 et abrogeant les règlements (CE) n° 685/95 et (CE)<br />

n° 2027/95.<br />

Règlement n° 2371/02 du Conseil du 20 décembre 2002 relatif à la conservation et à<br />

l’exploitation <strong>durable</strong> des ressources halieutiques dans le cadre de la politique comm<strong>une</strong> de la<br />

<strong>pêche</strong>.<br />

Règlement (CE) n° 3690/93 du Conseil, du 20 décembre 1993, établissant un régime<br />

communautaire fixant les règles relatives aux informations minimales que doivent contenir les<br />

licences de <strong>pêche</strong>.<br />

Décisions<br />

Décision du Conseil du 19 juillet 2004 instituant des conseils consultatifs régionaux dans le<br />

cadre de la politique comm<strong>une</strong> de la <strong>pêche</strong> (n° 2004/585/CE).<br />

Communications<br />

Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, 2005. Plan d'Action<br />

2006-2008 pour la simplification et l'amélioration de la Politique Comm<strong>une</strong> de la Pêche.<br />

COM/2005/0647 final.<br />

Communication de la commission au Conseil et au Parlement Européen, 2006. Améliorer la<br />

situation économique du secteur des <strong>pêche</strong>s. COM/2006/0103 final.<br />

Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, 2006. Application du<br />

principe de durabilité dans les <strong>pêche</strong>ries de l’Union européenne au moyen du rendement<br />

maximal <strong>durable</strong>. COM/2006/0360 final.<br />

Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen et au Comité<br />

Économique et Social européen, 2005. Lancer le débat sur <strong>une</strong> approche communautaire en<br />

matière de programmes d'étiquetage écologique des produits de la <strong>pêche</strong>. COM/2005/0275<br />

final.<br />

Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen, 2004. Encourager<br />

les méthodes de <strong>pêche</strong> plus respectueuses de l’environnement: le rôle des mesures techniques<br />

de conservation. COM/2004/0438 final.<br />

Communication de la Commission du 26 juin 2004. Encourager les méthodes de <strong>pêche</strong> plus<br />

respectueuses de l’environnement: le rôle des mesures techniques de conservation, COM<br />

(2004) 438 final<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 149


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, 2003. Vers <strong>une</strong><br />

application uniforme et efficace de la politique comm<strong>une</strong> des <strong>pêche</strong>s, 21 mars 2003, COM<br />

(2003) 130 final<br />

Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 14 juillet 1999.<br />

Gestion halieutique et conservation de la nature et du milieu marin, COM (1999) 363 final<br />

TEXTES JURIDIQUES NATIONAUX<br />

Lois<br />

Loi d’orientation sur les <strong>pêche</strong>s maritimes n° 97-1051 du 18 novembre 1997 (JORF<br />

n° 268 du 19 novembre 1997, page 16723).<br />

Loi n° 91-411 du 2 mai 1991 relative à l'organisation interprofessionnelle des <strong>pêche</strong>s<br />

maritimes et des élevages marins et à l'organisation de la conchyliculture<br />

Décrets<br />

Décret n° 86-1282 du 16 décembre 1986 relatif à la reconnaissance et au contrôle<br />

des organisations de producteurs dans le secteur des <strong>pêche</strong>s maritimes et des<br />

cultures marines et à l’extension aux non adhérents de certaines règles de ces<br />

organisations (modifié par le décret n° 94-178 du 28 février 1994).<br />

Décret n° 90-94 du 25 janvier 1990 pris pour l’application de l’article 3 du décret du 9 janvier<br />

1852 modifié fixant les conditions générales d’exercice de la <strong>pêche</strong> maritime dans les eaux<br />

soumises à la réglementation communautaire de conservation et de gestion, JO du 27 janvier<br />

1990.<br />

Décret 92-335 du 30 mars 1992 fixant les règles d'organisation et de fonctionnement du<br />

Comité national des <strong>pêche</strong>s maritimes et des élevages marins ainsi que des comités régionaux<br />

et locaux des <strong>pêche</strong>s maritimes et des élevages marins.<br />

Décret n° 2004-308 du 29 mars 2004 relatif aux concessions d’utilisation du domaine public<br />

maritime en dehors des ports, JO du 30 mars 2004, p. 6078.<br />

Arrêtés<br />

Arrêté du 9 mai 1994 modifiant l’arrêté du 14 mai 1993 portant création d’un régime de<br />

licences pour la <strong>pêche</strong> professionnelle dans les eaux de la Méditerranée continentale, JO du 26<br />

mai 1994.<br />

Arrêté du 1er août 1996 modifiant l’arrêté du 7 décembre 1993 portant création d’<strong>une</strong> licence<br />

pour la <strong>pêche</strong> des crustacés dans les eaux sous souveraineté ou juridiction française.<br />

Arrêté du 12 février 2004 portant répartition de certains quotas de <strong>pêche</strong> accordés à la <strong>France</strong><br />

pour la période du 1er janvier 2004 au 30 avril 2004, JO du 22 février 2004.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 150


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

ANNEXES<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 151


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

11. Annexe 1 : Table des sigles<br />

AEOP : Association européenne des organisations de producteurs<br />

ANOP : Association nationale des organisations de producteurs<br />

CCPA : Comité consultatif de la <strong>pêche</strong> et de l’aquaculture<br />

CCR : Comités consultatifs régionaux<br />

CGPA : Centre de gestion de la <strong>pêche</strong> artisanale<br />

CIEM : Conseil international pour l’exploration de la mer<br />

CLPM : Comité local des <strong>pêche</strong>s maritimes<br />

CNPMEM : Comité national des <strong>pêche</strong>s maritimes et des élevages marins<br />

Commission régionale de modernisation et de développement de<br />

COREMODE : la flottille de <strong>pêche</strong> artisanale et des cultures marines<br />

CRPM : Comité régional des <strong>pêche</strong>s maritimes<br />

CSTEP : Comité scientifique, technique et économique des <strong>pêche</strong>s<br />

DDAM : Direction départementale des affaires maritimes<br />

Direction interrégionale des affaires<br />

DIRAM : maritimes<br />

DPMA : Direction des <strong>pêche</strong>s maritimes et de l’aquaculture<br />

DRAM : Direction régionale des affaires maritimes<br />

FEDOPA : Fédération des organisations de producteurs à la <strong>pêche</strong> artisanale<br />

FEOGA : Fonds européen d’orientation et de garantie agricole<br />

Fonds d’intervention et d’organisation des marchés des produits<br />

FIOM : de la <strong>pêche</strong> maritime et des cultures marines<br />

FPAP : Fonds de prévention des aléas de <strong>pêche</strong><br />

IFOP : Instrument financier d’orientation pour la <strong>pêche</strong><br />

IFREMER : Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer<br />

OCM : Organisation comm<strong>une</strong> des marchés<br />

Office interprofessionnel des produits de la mer et de<br />

OFIMER : l’aquaculture<br />

OP : Organisation de producteur<br />

PCP : Politique comm<strong>une</strong> de la <strong>pêche</strong><br />

PME : Permis de mise en exploitation<br />

POP : Programme d’orientation pluriannuel<br />

PPS : Permis de <strong>pêche</strong> spécial<br />

QIT : Quota individuel transférable<br />

SAGE : Schéma d'aménagement et de gestion de l'eau<br />

SDAGE : Schéma directeur d'aménagement et de gestion de l'eau<br />

TAC : Total allowable catch (total admissible de capture)<br />

ZEE : Zone économique exclusive<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 152


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

12. Annexe 2 : quelques définitions<br />

Approche écosystémique :<br />

L’approche écosystémique (définie à la convention pour la biodiversité de Rio en 1992) est<br />

considérée comme l’un des principes fondamentaux de la gestion environnementale <strong>durable</strong>.<br />

Elle implique la prise en considération des effets des actions de la gestion sur chaque élément<br />

de l’écosystème.<br />

Ecosystème :<br />

Un écosystème désigne l’ensemble formé par <strong>une</strong> association ou communauté d’êtres vivants<br />

et son environnement géologique, pédologique et atmosphérique. Les éléments constituant un<br />

écosystème développent un réseau d’interdépendances permettant le fonctionnement d’<strong>une</strong><br />

entité globalement indépendante assurant le maintien et le développement de la vie.<br />

La limite d’un écosystème est variable. Elle dépend du degré d’indépendance fixé. Quelques<br />

exemples :<br />

- un souche d’arbre mort avec ses vers et champignons peut être considéré comme<br />

un écosystème<br />

- la terre, ses océans, ses continents et ses habitants peut aussi être considérée<br />

comme un écosystème<br />

La définition est fonctionnelle : un ensemble présentant <strong>une</strong> autonomie de fonctionnement.<br />

Quelques exemples renvoyant aux sites pilotes choisis :<br />

- L’herbier de Posidonie (Posidonia oceanica) qui recouvre les fonds littoraux<br />

de la Méditerranée est un écosystème. L’herbier, premier élément de la chaîne<br />

trophique, assure la vie des herbivores (poissons, crustacés, oursins, etc. ), assurant<br />

la vie des prédateurs secondaires (poissons essentiellement), permettant à l’homme<br />

de capturer <strong>une</strong> partie de la population. Mais l’herbier assure également des<br />

fonctions de nourriceries et cachettes pour la fa<strong>une</strong>. Enfin, retenant le sable, il joue<br />

un rôle global dans la stabilisation des habitats et la protection du littoral.<br />

- La grande Vasière du Golfe de Gascogne est également un écosystème,<br />

caractérisé par <strong>une</strong> structure sédimentaire et <strong>une</strong> fa<strong>une</strong> benthique (rattachée au<br />

fond). les forçages physiques contrôlent la production primaire (ensoleillement,<br />

température, disponibilité des sels nutritifs, extension des panaches, stratification)<br />

assurant la vie des prédateurs. Le chalutage agit directement par capture<br />

d’individus commercialisables (dont la langoustine) mais aussi par casse induite<br />

sur les espèces benthiques et par rejets d’espèces non désirées. Enfin, le chalutage<br />

agit en réduisant la complexité et l’hétérogénéité de la structure sédimentaire<br />

Effort de <strong>pêche</strong> :<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 153


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Ensemble des moyens mis en œuvre par les <strong>pêche</strong>urs pour la capture de populations<br />

d’animaux marins pendant un intervalle de temps déterminé.<br />

Gestion des <strong>pêche</strong>s :<br />

Ensemble des processus destinés à gérer les interactions au sein des systèmes productifs<br />

halieutiques et entre ces derniers et leur environnement économique, social ou naturel.<br />

Mesures techniques :<br />

Au sens de la réglementation communautaire, ensemble de dispositions visant à contrôler la<br />

composition des captures (maillage des engins, zones et saisons autorisées, tailles minimales<br />

au débarquement). Elles se distinguent des mesures portant sur les quantités autorisées<br />

d’effort de <strong>pêche</strong> ou de capture<br />

Métier :<br />

Défini comme la combinaison d’un engin (associé à un savoir-faire), d’<strong>une</strong> ou de plusieurs<br />

espèces cibles et d’<strong>une</strong> zone de <strong>pêche</strong>. Il suffit qu’<strong>une</strong> des composantes change pour qu’on<br />

change de métier.<br />

Pêcherie :<br />

Une <strong>pêche</strong>rie est comprise comme la combinaison d’un métier (un engin et <strong>une</strong> pratique de<br />

<strong>pêche</strong>) sur un territoire donné en vue de la capture d’espèces cibles. Elle rassemble donc,<br />

autour d’<strong>une</strong> aire géographique délimitée, <strong>une</strong> flotte de navires homogènes.<br />

Stratégie (ou logique) d’exploitation :<br />

Définie comme la combinaison des choix d’un métier, d’un effort de <strong>pêche</strong>, et d’un créneau<br />

de marché. La stratégie d’exploitation est décidée par le patron-<strong>pêche</strong>ur (ou par l’armateur<br />

dans le cas d’armement) en fonction de l’analyse de différents paramètres dont la disponibilité<br />

de la ressource ciblée, les coûts d’exploitation engendrée, les subventions perçues, et, dans<br />

<strong>une</strong> moindre mesure, les créneaux de marché existants pour la ressource ciblée.<br />

TAC (Totaux admissibles de capture) :<br />

Mesure de gestion définissant des contingents limitant les captures de certaines espèces.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 154


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

13. Annexe 3: Liste des personnes rencontrées<br />

OUEST<br />

AUTRET Hugues Président CRPMEM Pays de la Loire<br />

BERNARD Gilles secrétaire CLPMEM Audierne<br />

BERTHOU Patrick responsable système d'information halieutique IFREMER Brest<br />

BERTIN Yves Directeur SOCOSAMA<br />

BODET Paul Patron du Bigdil<br />

BOENNEC M. Sud Marée Loctudy<br />

BONCOEUR Jean économiste UBO / CEDEM<br />

BOUGUEON Robert Président CLPMEM Le Guilvinec<br />

BOURHIS Raymond SCEO Marée<br />

BREERETTE Stéphane enquêteur FREMER Nantes<br />

CHARLOT Philippe Patron du Jacana<br />

CHARRIER M. Patron du Pontife<br />

CHEVER René-Pierre secrétaire CLPMEM Le Guilvinec<br />

CONAN Bernard ancien secrétaire CLPMEM Lorient<br />

CURTIL Olivier Maître de conférences Faculté de droit UBO<br />

DONNART Patrice Président OPOB<br />

DOUARD Tristan chargé de mission PROMA<br />

DROUINEAU Hilaire doctorant IFREMER Nantes<br />

ETIEN Albert Président CRPMEM Poitou-Charente<br />

FAOU Dominique Patron du Gwenvidik<br />

FOUCAUD François secrétaire général AGLIA<br />

GRANDIDIER Jean-<br />

Pierre Directeur général CME<br />

GARNIER Jean Président CLPMEM Les Sables d'Olonne<br />

GIRARD Marine chargée de mission PROMA<br />

GUIGUE Thierry chargé de mission OCIPESCA AGLIA<br />

GUYADER Olivier économiste IFREMER Brest<br />

HEMON Anthony Patron du Mémère Marie<br />

JAMET Marc Animateur "pôle <strong>pêche</strong> Lorient"<br />

JAOUEN Emmanuel Patron du Le Guitou<br />

KERGUERIS M. responsable commercial Ame Hasle (importateur)<br />

KLETZEL M. ancien administrateur de la station locale des affaires maritimes du Guilvinec<br />

LE BERRE André Président CRPMEM Bretagne<br />

LE FAOU M, mareyeur de Lesconil<br />

Le FLOCH Jean-Michel Responsable commercial "Moulin Loctudy Marée"<br />

LE FLOCH Patrice Patron de L'Oural<br />

LE FLOCH Robert Patron du Peacoq<br />

LE FORT René Patron du Maanci<br />

LE MOIGNE Philippe Patron du Mam Goz<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 155


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

LE ROCH Yann chargé de mission SMIDAP<br />

LE SAUCE Danielle Collectif Pêche & Développement<br />

LE VENEC Alain Président Le Venec SAS<br />

LETELLIER Isabelle Directrice Norma<strong>pêche</strong> Bretagne<br />

MACHER Claire doctorante IFREMER Brest<br />

MAHEVAS Stéphanie<br />

MARSEILLERE<br />

chercheuse IFREMER Nantes<br />

Bernard Mareyeur Le Croisic<br />

MARTIN M. Patron du Grizzly<br />

MORICEAU Janick Vice-présidente chargée de la mer Région Bretagne<br />

MORVAN Olivier Directeur de site, Halios, Pêcheurs Bretons<br />

NADEAU Aurélie enquêtrice IFREMER L'Houmeau<br />

NORMANT Guillaume ancien président CLPMEM Audierne<br />

OLLITRAUT Anthony post-doctorant IFREMER Lorient<br />

PAJOT Régis ancien directeur SMIDAPx<br />

PELLETIER Dominique chercheuse IFREMER Nantes<br />

PENNORS Laurence enquêtrice IFREMER Lorient<br />

PICAUD Gaston Patron du Mabon II<br />

PICHON Jacques Directeur adjoint FROM Bretagne<br />

PLORMEL Jean-Pierre Directeur Général FROM Bretagne<br />

POCHAT Eric Patron du Avel an Heol<br />

PRAT Mélanie Secrétaire SCEP<br />

RAGUENES Pierre enquêteur IFREMER Lorient<br />

RENAUD Eric Directeur OP La Cotinière<br />

RENAULT Emmanuel Patron du Ar Louarn<br />

ROCTON Thierry Directeur de la criée du Croisic<br />

ROUANNES Michel Vice-président CLPMEM Concarneau<br />

SELLIN Philippe commission "langoustine" CRPMEM Bretagne<br />

STERVINOU Jacques Directeur de la criée de Loctudy<br />

TALIDEC Catherine responsable du département sciences et technologie halieutique IFREMER Lorient<br />

THEBAUD Olivier économiste IFREMER Brest<br />

THERET François responsable du laboratoire technologie des <strong>pêche</strong>s IFREMER Lorient<br />

Patron du Tri Yann<br />

Patron du Nevez Amzer<br />

Patron du Solo<br />

Patron du Ville du Croisic<br />

Patron du Bad Temper<br />

responsable commercial "Pêcheries Guilvinistes"<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 156


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

MÉDITERRANÉE<br />

ABALLEA Loïc responsable du contrôle des <strong>pêche</strong>s DIRAM PACA<br />

BAUDU Cécile ancienne chef des affaires économiques DRAM PACA<br />

BIASIZZO Robert Prud'homme de Carqueiranne<br />

BOISSERY Pierre Agence de l'eau RMC<br />

CADIOU Gwenaël chargé d'étude GIS Posidonie<br />

CALVIERA M. Prud'homme d'Antibes<br />

CANALE Jean Prud'homme des Salins d'Hyères<br />

CEI Jean-Michel Prud'homme de Sanary<br />

COULLOUME-<br />

LABARTHE Stéphanie ancienne chargé de mission CEPRALMAR<br />

CUNNINGHAM Stephen consultant indépendant IDDRA<br />

DECUGIS Christian Prud'homme de Saint-Raphaël<br />

DELEAGE Max Prud'homme de Sainte Maxime<br />

DURANDETTO Frédéric Prud'homme de Giens<br />

ESCAFFRE Laurent chargé <strong>pêche</strong> région PACA<br />

FERRAUD Eric Prud'homme du Brusc<br />

GUILLAUME Jacques Président CLPMEM Var<br />

JORDANENGO François Prud'homme de Cannes<br />

KAHOUL Mourad Président CRPMEM PACA<br />

LANUSSE Noël Prud'homme de Bandol<br />

LE CORRE Gildas responsable du laboratoire "ressources halieutiques" IFREMER Sète<br />

LEGUEN Frédéric Prud'homme de Saint Mandrier<br />

PARLIER Philippe Prud'homme de Hyères-Proquerolles<br />

PARY Béatrice Service mer région Languedoc-Roussillon<br />

PICHOU Xavier Directeur DDAM Alpes Maritimes<br />

PLUSQUELLEC Alex Président CLPMEM Var<br />

RANC Didier Prud'homme de La Seyne sur mer<br />

RANC Manon Chargée de mission CLPMEM Var<br />

REY-VALETTE Hélène économiste Université Montpellier I<br />

ROBERT Philippe Ancien responsable scientifique Parc National de Port-Cros<br />

SAUX Dominique secrétaire générale CLPMEM Var<br />

SEVENIER Michel 2e prud'homme du Lavandou<br />

TATANIA Gilles Prud'homie de Toulon<br />

TEMPIER Elisabeth Secrétaire de la prud'homie de Saint-Raphaël<br />

VERGER Patrick Prud'homme de Menton<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 157


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

NATIONAL<br />

BIAIS Gérard Responsable du laboratoire "ressources halieutiques" IFREMER L'Houmeau<br />

CARRE Hubert Directeur CNPMEM<br />

CAZE Damien Directeur DPMA<br />

CIOLEK Delphine Chargée de mission CNPMEM<br />

CORREARD Bruno Responsable gestion <strong>durable</strong> des ressources halieutiques Carrefour<br />

DACHICOURT Pierre-<br />

Georges Président CNPMEM<br />

DASSIE Christophe Responsable "organisation du marché, filière" OFIMER<br />

DEBAS Laurent ancien chargé de mission "Océans & Côtes" <strong>WWF</strong> <strong>France</strong><br />

Président de l’Association des directeurs et responsables des halles à marées de<br />

DELAHAYE Marc <strong>France</strong><br />

FONTENELLE Guy Directeur adjoint "Pôle halieutique" Agrocampus Rennes<br />

FOURNIER Jean-Charles ancien chargé de mission CNPMEM<br />

GARNIER Jean Président Coopération Maritime<br />

GASCUEL Didier Directeur "Pôle halieutique" Agrocampus Rennes<br />

GAUTHIEZ François Sous-directeur des <strong>pêche</strong>s DPMA<br />

GROS Philipppe Directeur du département "ressources halieutiques" IFREMER<br />

KERVELLA Gaëlle Bureau de la ressource, de la réglementation et des affaires internationales DPMA<br />

économiste UBO Brest (ancien administrateur de la division des <strong>pêche</strong>ries à<br />

LE GALLIC Bertrand l'OCDE)<br />

Responsable du laboratoire économie du département économie rurale et gestion"<br />

LE GOFFE Philippe Agrocampus Rennes<br />

LE SANN Alain Président du collectif Pêche & Développement<br />

MANGALO Caroline Chargée de mission CNPMEM<br />

MICHELET Nicolas Chargé de mission CNPMEM<br />

MINET Jean-Pierre Conseiller scientifique DPMA<br />

MONFORT Marie-Christine Consultante commercialisation produits aquatiques<br />

MOREL Pierrick Chargé de mission CODIMAR<br />

PAQUOTTE Philippe Responsable "observatoire économique, entreprises" OFIMER<br />

PLORMEL Jean-Pierre Directeur Général Pêcheurs Manche & Atlantique<br />

SARANO François ancien chargé de programme "Pêche Durable" <strong>WWF</strong> <strong>France</strong><br />

SAUVION Emmanuelle ancienne chargée de mission CNPMEM<br />

TACHOIRES Stéphanie Chargée de mission CNPMEM<br />

THOMAS Hervé Ancien conseiller "<strong>pêche</strong>" au cabinet de Hervé Gaymard<br />

INTERNATIONAL<br />

BONZON Alain secrétaire général CGPM FAO<br />

GARCIA Serge directeur "ressources halieutiques" FAO<br />

GREBOVAL Dominique économiste FAO<br />

GUICHOUX Nicolas Responsable commercial pour l'Europe MSC<br />

ORDAN Marcel Fédération internationale de la <strong>pêche</strong> sportive en mer<br />

PHUA Carol responsable "<strong>pêche</strong>" <strong>WWF</strong> Mediterranean Policy Office<br />

SHORT Katherine responsable "<strong>pêche</strong>" <strong>WWF</strong> International<br />

TUDELA Sergi responsable "<strong>pêche</strong>" <strong>WWF</strong> European Policy Office<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 158


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

14. Annexes 4 : la concertation à l’épreuve des réalités (exemples de cogestion)<br />

La <strong>pêche</strong>rie de homards du Maine :<br />

Cette partie est largement tirée de : ACHESON J.M., STOCKWELL T., WILSON J.A., 2000.<br />

Evolution of the Maine lobster co-management law. Maine Policy Review, 52-63<br />

La <strong>pêche</strong> de homards du Maine est d’abord remarquable parce que c’est l’<strong>une</strong> des <strong>pêche</strong>ries<br />

les plus « <strong>durable</strong>s » du monde. Ceci est d’autant plus notable à <strong>une</strong> époque où la plupart des<br />

grandes <strong>pêche</strong>ries sont dans <strong>une</strong> situation de crise prononcée. Cette <strong>pêche</strong>rie apparaît dans la<br />

littérature comme le premier exemple de co-gestion institutionnalisé dans le monde.<br />

Située aux Etats-Unis, dans l’état du Maine, cette <strong>pêche</strong>rie comptait 2 200 <strong>pêche</strong>urs à plein<br />

temps en 1980. La flottille est constituée de bateaux de 9 à 12 m, avec 1 seul homme à bord,<br />

qui cale entre environ 600 et 800 casiers.<br />

Localisation du Maine<br />

Cette <strong>pêche</strong>rie était historiquement caractérisée par un système territorial informel et fermé,<br />

avec 1 clan dans chaque port. Gérée en autogestion (non reconnu par l’état), les sanctions<br />

étaient décidées et appliquées au sein de la communauté. On mentionne ainsi la première<br />

mesure légale en 1872, avec l’interdiction de prise des femelles avec œufs. Par la suite, et<br />

jusqu’à aujourd’hui, la gestion s’est articulée autour de la limitation de la taille des captures et<br />

la conservation du stock reproducteur. <strong>Pour</strong> les scientifiques, cette autogestion était efficace<br />

pour le stock. En revanche, il n’existait auc<strong>une</strong> coordination entre les <strong>pêche</strong>urs et<br />

l’administration.<br />

Dès la fin des années 70, l’état exprima sa volonté de mettre en place de nouvelles mesures<br />

mais ses propositions ne rencontrèrent auc<strong>une</strong> adhésion de la part des <strong>pêche</strong>urs. Dans les<br />

années suivantes, les <strong>pêche</strong>urs connurent <strong>une</strong> diminution de leurs revenus (consécutive à <strong>une</strong><br />

augmentation de l’effort de <strong>pêche</strong>) et <strong>une</strong> véritable psychose naquit sur l’état du stock de<br />

homards. Les <strong>pêche</strong>urs inquiets s’ouvrent alors à la discussion.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 159


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Progressivement, <strong>une</strong> collaboration entre professionnels, scientifiques et politiques allait<br />

permettre <strong>une</strong> adhésion volontaire et un renforcement de la législation. En 1995, la loi sur la<br />

co-gestion du homard du Maine était votée.<br />

Cette loi établit un cadre de travail grâce auquel le commissaire des ressources marines du<br />

Maine put créer sept zones de gestion. Ces zones sont gérées par un conseil d’élus<br />

professionnels. Cette loi donne également la compétence aux conseil de proposer des<br />

règlements sur trois points :<br />

- le nombre de casiers autorisés par <strong>pêche</strong>ur ;<br />

- le nombre de casiers autorisés par ligne ;<br />

- le moment de la journée où la <strong>pêche</strong> au homard est autorisée.<br />

Si <strong>une</strong> proposition reçoit plus des 2/3 des voix du conseil, ce dernier doit faire suivre cette<br />

proposition au commissaire. Si le commissaire juge cette proposition raisonnable, les<br />

réglementations proposées sont appliquées par l’état. Dans les premières années de la loi,<br />

beaucoup prédirent un échec rapide. Ainsi un ex-élu dit que cette loi était « conçue pour<br />

échouer. Vous ne pouvez pas demander aux <strong>pêche</strong>urs de homards de limiter leur propre effort<br />

de <strong>pêche</strong>. » Les conseils commencèrent leur travail en 1997 et l’expérience fut un succès<br />

puisque à l’été 1998, le nombre de casiers par <strong>pêche</strong>ur fut limité entre 600 et 800 selon les<br />

zones, alors qu’il dépassait 1200 casiers par <strong>pêche</strong>urs dans toutes les zones. Le problème fut<br />

que cette limite gênait plus les « gros bateaux », <strong>pêche</strong>urs à plein temps, que les « petits<br />

bateaux », souvent des <strong>pêche</strong>urs qui ne <strong>pêche</strong>nt le homard qu’<strong>une</strong> partie de l’année. De plus,<br />

le succès de la gestion, attira dans la <strong>pêche</strong>rie de nouveaux arrivants, issus d’autres <strong>pêche</strong>ries.<br />

Ainsi, sous la pression des « gros bateaux », <strong>une</strong> nouvelle loi passa qui limita l’accès aux<br />

zones de <strong>pêche</strong>. Un numerus clausus fut donc fixé pour chac<strong>une</strong> des zones de <strong>pêche</strong>. En<br />

conséquence, de nombreux conflits d’usage apparurent aux frontières des zones et certains<br />

<strong>pêche</strong>urs, arguant d’habitudes et de droits historiques, transgressèrent la nouvelle loi, en<br />

continuant à <strong>pêche</strong>r dans d’autres zones. Cette question n’est toujours pas réglée.<br />

En fait, chaque nouvelle loi fait apparaître de nouveaux problèmes mais cela fait normalement<br />

partie du processus d’évolution. Et le fait que les conseils aient réussi à résoudre toute <strong>une</strong><br />

série de problèmes ne doit pas occulter les difficultés rencontrées. Il est toujours dur de<br />

demander aux <strong>pêche</strong>urs de se contraindre d’eux-mêmes et chaque mesure demanda de longs<br />

mois de négociations, parfois vives. Acheson (2000) fait encore remarqué que tout le<br />

processus législatif qui conduit à l’adoption de la loi de co-gestion fut possible grâce au<br />

soutien particulier du commissaire de l’époque, chargé des ressources marines. A l’inverse,<br />

l’auteur pense probable qu’un « nouveau commissaire, avec de bonnes compétences<br />

bureaucratiques, pourrait tuer un tel programme ».<br />

« Le succès de l’effort de co-gestion dépendra aussi des activités des autres agences fédérales<br />

qui renforcent les lois de conservation votées depuis les années 70. Ces lois donnent au<br />

gouvernement fédéral un niveau élevé d’autorité pour la gestion des <strong>pêche</strong>ries. Leur vote<br />

signifie que les Etats-Unis prennent la direction exactement opposée de celle des structures<br />

institutionnelles de co-gestion. Pire que ça, le gouvernement fédéral a le pouvoir de se passer<br />

des conseils de la <strong>pêche</strong>rie de homard. Si tout ça arrive, il n’y a plus beaucoup de sens pour<br />

que les conseils passent des mois à négocier des lois, si le gouvernement doit de toute façon<br />

dicter ses lois » (ACHESON, 2000).<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 160


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Le Comité Hydrographique de la Skeena<br />

Localisation de la Skeena<br />

Située au Canada, à l’Ouest de la Colombie<br />

Britannique, la rivière Skeena est <strong>une</strong> grande rivière à<br />

saumon. Six espèces de saumon sauvage y sont<br />

présentes. La <strong>pêche</strong> est répartie entre 3 catégories<br />

d’usagers : les autochtones (tribus indiennes), les<br />

<strong>pêche</strong>urs sportifs, et les <strong>pêche</strong>urs professionnels<br />

(capturant les espèces à l’embouchure de la rivière).<br />

En 1989, on observe <strong>une</strong> diminution des stocks sauvages de certaines espèces (coho, chinook<br />

et Steelhead) avec <strong>une</strong> diminution forte des captures de steelhead pour les <strong>pêche</strong>urs sportifs.<br />

En 1992, les conflits d’usage générés par la baisse des stocks sauvages se cristallisent en <strong>une</strong><br />

crise caractérisée par :<br />

- le mécontentement des <strong>pêche</strong>urs sportifs, qui proposent l’interdiction des<br />

filets maillants (utilisés par les professionnels) ;<br />

- la réclamation des autochtones pour <strong>pêche</strong>r les sokeyes en amont de la<br />

Skeena ;<br />

- l’ opposition des <strong>pêche</strong>urs commerciaux de l’embouchure<br />

Suite à cette crise, l’état décida de mettre en place un comité de bassin qui devait permettre de<br />

réunir les 3 parties afin de planifier les captures dans la Skeena. De façon assez directive, des<br />

solutions furent apportées qui devaient permettre de trouver un modus vivendi pour les<br />

différentes catégories. La crise persista mais la décision de l’état avait permis d’instaurer le<br />

dialogue entre les parties et de faire naître <strong>une</strong> volonté de protection chez les professionnels.<br />

En 1994, l’état se retira du dispositif et mis à disposition du comité un animateur indépendant<br />

et des logiciels informatiques pour simuler des stratégies de gestion. D’autre part, l’état<br />

encouragea fortement le comité à définir son propre plan de gestion. D’<strong>une</strong> initiative<br />

centralisée, on évolua donc vers <strong>une</strong> approche locale participative (gestion ascendante ou<br />

bottom-up).<br />

Les résultats furent probants. Il y eut <strong>une</strong> diminution du taux de capture des steelhead par les<br />

<strong>pêche</strong>urs commerciaux de 21% à 36%. Un compromis fut trouvé entre les différentes parties.<br />

Des programmes de recherche furent lancés (protection des habitats, sélectivité…) On peut<br />

relever différents facteurs qui expliquent cette évolution vers <strong>une</strong> co-gestion réussie :<br />

- <strong>une</strong> ressource comm<strong>une</strong> ;<br />

- un intérêt économique ;<br />

- <strong>une</strong> responsabilisation des trois parties : encouragement à la proposition de<br />

mesures par les usagers ;<br />

- la mise à disposition de fonds pour la recherche ;<br />

- la reconnaissance du savoir des autochtones.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 161


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

La gestion traditionnelle des <strong>pêche</strong>ries côtières au Japon :<br />

Avec 6,2 Mt en 2000, le Japon est le 3 e pays producteur de produits de la mer derrière la<br />

Chine et le Pérou. Ile couverte à 70% par les montagnes, à l’espace limité, des communautés<br />

de <strong>pêche</strong>urs sont présentes tout le long du littoral. Les produits de la mer ont historiquement<br />

et culturellement <strong>une</strong> place très importante dans le régime alimentaire des japonais. Ils<br />

constituent aujourd’hui 40% de l’apport en protéines. Le Japon est ainsi le premier<br />

importateur au monde, absorbant ¼ des exportations mondiales (source : FAO).<br />

Les <strong>pêche</strong>ries côtières sont prépondérantes dans le secteur halieutique nippon puisqu’elles<br />

représentent 45% des débarquements en volume(2,8 Mt), 63% en valeur. Par ailleurs, elles<br />

font vivre 220 000 <strong>pêche</strong>urs (85% des <strong>pêche</strong>urs japonais) qui animent 6200 villages répartis<br />

tout au long des 35 000 km de côte, là où la <strong>pêche</strong> est l’<strong>une</strong> des plus importantes sources de<br />

revenu pour les communautés (source : OCDE).<br />

Les ressources sont allouées à des coopératives, structurées autour des communautés de<br />

<strong>pêche</strong>urs. Ces coopératives constituent des entités économiques autonomes et sont fédérées<br />

aux niveaux régional et national. Les bénéfices sont mis en commun, ce qui présente plusieurs<br />

intérêts :<br />

- <strong>une</strong> égalisation du niveau de vie des <strong>pêche</strong>urs<br />

- <strong>une</strong> dissuasion quant à la sur<strong>pêche</strong><br />

- <strong>une</strong> adaptation des <strong>pêche</strong>urs à l’offre et à la demande nationale<br />

- <strong>une</strong> amélioration de la qualité du poisson débarqué<br />

Ces bénéfices sont rendus possible grâce à un fonctionnement souple et ouvert de la<br />

coopérative. Ainsi, chaque réunion rassemble <strong>une</strong> grande diversité de participants (groupes<br />

formels et informels, comme des groupes de femmes ou des associations de je<strong>une</strong>s), où la<br />

liberté de parole permet d’aboutir à un consensus large. Ce brassage d’information au niveau<br />

de la coopérative permet au <strong>pêche</strong>ur : de s’intégrer pleinement au processus décisionnel, et de<br />

s’informer et s’adapter à la ressource et aux tendances du marché. En outre, cette organisation<br />

permet d’adopter des règles de gestion locales et concertées, et facilite en aval le contrôle<br />

pour les autorités.<br />

En pratique, des droits d’usages territoriaux sont alloués aux coopératives de <strong>pêche</strong>urs, Le<br />

droit de <strong>pêche</strong> est assimilable à un droit de propriété et ne peut être gagé, loué ou transféré.<br />

C’est un droit exclusif de <strong>pêche</strong>r, alloués dans des zones marines prédéfinies pour des métiers<br />

spécifiques, dans la bande des 12 miles. Il existe différents types de droits de <strong>pêche</strong>, figurant<br />

sur un « cadastre » marin : droits communs, droits de filets fixes, droits aquacoles et droits<br />

spéciaux.<br />

Globalement, la gestion est centralisée et vient de l’état (gestion descendante). L’état définit<br />

des buts et des moyens de la gestion des <strong>pêche</strong>s, ainsi que des lois générales quant aux engins<br />

et saisons de <strong>pêche</strong>. Mais localement, les coopératives adaptent les différentes mesures et<br />

dressent les plans de <strong>pêche</strong>.<br />

Au-delà de ces prérogatives, les coopératives se sont lancées depuis les années 60 dans<br />

d’importants projets d’aménagement de la bande côtière à travers la mise en place de champs<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 162


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

de récifs artificiels. A tel point qu’elles sont parfois davantage perçues comme des<br />

aménageurs que comme des gestionnaires.<br />

Ce système a largement fait ses preuves puisque la production des <strong>pêche</strong>s côtières est restée<br />

globalement stable au cours des 50 dernières années et le nombre de <strong>pêche</strong>urs n’a pas baissé<br />

significativement.<br />

Ce succès est possible malgré la complexité et le partage des pouvoirs. Il est fondé sur<br />

l’adaptation des mesures nationales au niveau local et du fort pouvoir décisionnel des<br />

<strong>pêche</strong>urs. De plus, les coopératives, véritables institutions de gestion sont complètement<br />

intégrées dans le paysage social, économique et environnemental. Enfin, le <strong>pêche</strong>ur est à la<br />

fois membre d’<strong>une</strong> communauté et gestionnaire de la ressource dont il dépend.<br />

Néanmoins <strong>une</strong> crise récente vient toucher ce système. On peut d’abord relever des faiblesses<br />

internes avec un vieillissement de la population et <strong>une</strong> diminution de la rentabilité due à la<br />

chute des cours du poisson. Mais on note aussi des facteurs externes menaçant la <strong>pêche</strong><br />

côtière : <strong>une</strong> concurrence croissante pour l’utilisation du territoire (nouveaux usages), et <strong>une</strong><br />

pollution provoquée par ces nouvelles activités. On verra que, à bien des égards, on peut<br />

rapprocher ce modèle de celui des prud’homies de <strong>pêche</strong> en Méditerranée.<br />

Les <strong>pêche</strong>ries côtières de la Nouvelle Ecosse (Canada)<br />

Cette partie est extraite de : PEACOCK FG and HANSEN J, 1999. Community Management<br />

in Groundfish: a New Approach to Property Rights.<br />

Dans la région de Scotia Fundy au Canada (fig… ???), <strong>une</strong> gestion communautaire a été mise<br />

en place partir de 1976, pour 9 flottilles distinctes, caractérisées par des engins (dormants ou<br />

traînants) et la longueur des bateaux.<br />

Localisation de la Nouvelle Ecosse<br />

Des nouvelles règles de gestion se sont d’abord appliquées pour les arts traînants. La <strong>pêche</strong>rie<br />

fut ainsi encadrée par des QIT (Quotas Individuels Transférables) avec pour conséquence <strong>une</strong><br />

augmentation des licences pour les engins fixes (situation de sur<strong>pêche</strong>). C’est au milieu des<br />

années 90 que la gestion commença à concerner cette flottille particulière, caractérisée par la<br />

pratique d’engins fixes (palangres, filets) et de bateaux de moins de 19,8m. Cette <strong>pêche</strong>rie<br />

concernait plus de 2000 bateaux, rattachés à de nombreux ports, dispersés tout le long de la<br />

côte. Alimentant dans chaque port des usines de transformation, cette activité était localement<br />

très importante et le nombre d’emplois en dépendant en fit un sujet politique.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 163


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

C’est en 1995 que le « Halifax West group » fut le premier à tenter <strong>une</strong> nouvelle approche : il<br />

proposait <strong>une</strong> gestion indépendante des stocks pour cette <strong>pêche</strong>rie. L’initiative prit et 7<br />

conseils communautaires de gestion, composés de représentants élus, furent établis autour de<br />

7 zones géographiques.<br />

Localisation des 7 groupes<br />

communautaires de la<br />

Nouvelle Ecosse et du New<br />

brunswick (chaque groupe<br />

a un conseil<br />

communautaire).<br />

Ces conseils devaient apporter des propositions en termes de gestion, de contrôle et de<br />

surveillance des activités de la communauté. Considérés comme les « pilotes socioéconomiques<br />

», ils étaient responsables de la mise en place des approches de co-gestion. Les<br />

quotas étaient alloués à chaque conseil, qui pouvait à son tour les allouer individuellement, les<br />

échanger entre les autres conseils, appliquer des sanctions parmi ses membres, monter des<br />

projets commerciaux intégrés, dans le cadre de la conservation et du principe de précaution.<br />

Fonctionnement<br />

schématique des<br />

conseils<br />

communautaires.<br />

Analyses socioéconomiques<br />

Impact du plan de <strong>pêche</strong><br />

Plan de <strong>pêche</strong><br />

stratégique<br />

Plan de <strong>pêche</strong><br />

opérationnel<br />

Evaluation des<br />

stocks<br />

Plans de <strong>pêche</strong> Résultats<br />

Plans de contrôle<br />

Droits de<br />

<strong>pêche</strong><br />

Contrôle de l’effort<br />

et des captures<br />

Sanctions / suspensions<br />

Protection et<br />

renforcement<br />

En fait, c’est <strong>une</strong> sorte d’auto-gestion qui se mit progressivement en place. Sans instituer des<br />

QIT par bateau, elle conservait la propriété des ressources au niveau communautaire<br />

(propriété communale).<br />

Ce changement institutionnel permit la naissance d’un dialogue local riche et constructif,<br />

impossible auparavant, dans le cadre de la gestion centralisée par l’état. Cette évolution vers<br />

<strong>une</strong> démarche participative supposait à la fois un changement de philosophie de la part du<br />

gouvernement qui devait faciliter le changement et aider le secteur professionnel à se<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 164


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

structurer, qui lui, devait s’organiser et proposer des plans de gestion pour le bien de la<br />

collectivité. L’évolution fut progressive. Les <strong>pêche</strong>urs n’avaient pas l’habitude de participer et<br />

leur implication fut faible au départ.<br />

Dans ce nouveau dispositif, le gouvernement conservait la responsabilité de l’émission des<br />

licences, de l’enregistrement des bateaux, de la limitation des engins, de la délimitation des<br />

zones, et des espèces à contrôler. Les conseils avaient eux la responsabilité de la gestion des<br />

droits de <strong>pêche</strong> et de leur mode d’allocation.<br />

Ainsi, les professionnels ont évolué vers la mise en place de communautés qui fonctionnent<br />

pour le bien de ses membres et participent à la surveillance de la ressource, de pair avec le<br />

gouvernement et d’autres agences. Le rôle du gouvernement est de s’assurer que les objectifs<br />

de conservation, de même que les allocations décidées par les communautés, sont respectés.<br />

L’un des points très positifs de cette nouvelle gestion concerne l’évaluation de la ressource.<br />

En effet, les <strong>pêche</strong>urs sont en général tenus à l’écart du processus d’évaluation scientifique<br />

qu’ils remettent en question parce que l’information utilisée ne reflète pas leur activité. Avec<br />

cette évolution vers <strong>une</strong> gestion décentralisée, les conseils participent à un processus de<br />

consultation, au cours duquel ils font part de leurs commentaires et suggestions sur l’analyse<br />

des données.<br />

L’amélioration de la connaissance des professionnels qui en résulte, permet également des<br />

décisions plus justes des conseils. En outre, en comprenant le processus scientifique en jeu,<br />

les <strong>pêche</strong>urs adhèrent et fournissent de meilleures données.<br />

D’un point de vue économique, cette nouvelle gestion a représenté des dépenses<br />

supplémentaires à court terme (essentiellement pour la mise en place des conseils<br />

communautaires), mais, à long terme, on espère des économies.<br />

Néanmoins des problèmes demeurent. Il y a toujours de nombreux reproches formulés entre<br />

les tenants des QIT qui reprochent de payer des droits que les tenants de l’approche<br />

communautaire ne payent pas ; et ces derniers qui pensent que l’évolution vers les QIT<br />

créeraient des disparités entre les possédants et les autres. D’autre part, des conflits sont<br />

apparus entre les communautés. Enfin, en ce qui concerne l’enjeu de conservation, même si<br />

<strong>une</strong> vraie conscience semble être apparue au sein des professionnels, on continue à observer<br />

un déclin global des stocks.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 165


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

La coquille Saint-Jacques en baie de Saint-Brieuc<br />

Cette partie largement tirée de : FIFAS S., 2004. La coquille Saint-Jacques en Bretagne.<br />

Direction des Ressources Vivantes, Ressources halieutiques. IFREMER ed. 15p.<br />

La flottille exploitant cette ressource est constituée de petites unités de<br />

<strong>pêche</strong> côtière (en 2001, longueur moyenne des navires de 10,48 m),<br />

d’ancienne construction (25 ans en moyenne contre 10 seulement en<br />

1974), relativement puissantes (127 kW en moyenne) : ceci est expliqué<br />

par la pratique dominante d’arts de <strong>pêche</strong> traînants (dragage à coquilles<br />

Saint-Jacques, chalutage à poissons de fond, dragage à petits bivalves). La<br />

flottille mobilise environ 600 marins.<br />

La réglementation minimum des <strong>pêche</strong>ries au<br />

niveau communautaire porte sur les tailles<br />

minimales au débarquement. Mais au niveau<br />

régional, chaque gisement a ses propres règles de<br />

gestion. <strong>Pour</strong> les plus importants, on peut relever<br />

celui de la rade de Brest, celui de la baie de<br />

Seine, et celui de la baie de Saint-Brieuc.<br />

Située dans les 12 miles des eaux territoriales, on rappelle que, les différents gisements sont<br />

gérés par des systèmes de licences de <strong>pêche</strong> spécifiques au niveau national, gérés par les<br />

CLPM ou CRPM concernés. Ce système a été initié en baie de Saint-Brieuc en 1973, les<br />

licences, au nombre de 240 (contre 466 à l'apogée du stock lors de la saison de <strong>pêche</strong><br />

1975/76) y sont attribuées aux couples patron/navire.<br />

Au cours des années 80, la capacité de capture augmente considérablement et le stock décline<br />

de façon inquiétante. Des travaux sur la sélectivité des dragues se mettent alors en place,<br />

associés à des règles de gestion très strictes (essentiellement via le temps de <strong>pêche</strong> autorisée).<br />

Chaque année, ces règles sont décidées par les professionnels sur la base des évaluations de<br />

l’IFREMER. Ainsi, durant les premières semaines d’ouverture de la <strong>pêche</strong> (octobre ou<br />

novembre selon les années), la <strong>pêche</strong> n’est autorisée qu’un laps de temps très court (30 à 90<br />

minutes par jour selon les années).<br />

Grâce à cette gestion, les rendements sont relativement stables depuis 15 ans, et comparables<br />

à ceux connus dans les années 70 et la <strong>pêche</strong>rie est souvent présentée comme un modèle de<br />

<strong>pêche</strong>rie <strong>durable</strong>, fonctionnant en co-gestion.<br />

Néanmoins, <strong>une</strong> critique est récurrente. L’encadrement de l’activité consiste en la limitation<br />

de 2 moyens de production : la longueur des bateaux, et le temps de <strong>pêche</strong> autorisé. Mais la<br />

puissance étant également un facteur de production (permettant un meilleur enfoncement des<br />

dragues dans le sédiment), elle est passée est, passée de 74 kW en 1973 à 96 kW en 1982,<br />

puis à 132 kW en 1990 pour diminuer légèrement au cours de la dernière décennie.<br />

Ainsi le rendement annuel moyen est comparable à celui du milieu des années 70. Mais la<br />

biomasse du stock était alors de 30% supérieure et les captures totales atteignaient près du<br />

double du niveau actuel. Ce développement illustre le caractère hautement « substituable »<br />

des moyens de production. Dans la « course aux poissons », les <strong>pêche</strong>urs ont intensifié le<br />

moyen de production qui n’était pas régulé.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 166


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Actuellement, la capacité de capture continue à se développer grâce à l'assimilation du<br />

progrès technique apporté par l'informatique à bord, malgré la stabilisation de la puissance<br />

motrice. Cette intensification de la <strong>pêche</strong> est la conséquence d’<strong>une</strong> régulation de plus en plus<br />

contraignante des moyens de production, couplée à <strong>une</strong> absence d’<strong>une</strong> allocation individuelle<br />

du quota global (TAC). De ce fait, même si les mesures biologiques de gestion semblent bien<br />

adaptées, la surexploitation économique est déjà largement atteinte.<br />

Les Prud’homies en Méditerranée française<br />

D'origine très ancienne (1452) les Prud'homies peuvent se définir comme des communautés<br />

de patrons <strong>pêche</strong>urs. Elles sont placées sous tutelle de l'état depuis le décret du 19.11.1859 qui<br />

définit actuellement leur pouvoir (sous réserve de modifications ponctuelles par des décrets<br />

postérieurs). Au total sur le littoral méditerranéen français on en recense actuellement 36<br />

prud'homies. La fonction des prud'hommes est d'organiser sur un territoire géographique<br />

délimité et pour <strong>une</strong> communauté de <strong>pêche</strong>urs, "la jouissance de la mer". A l'origine elle était<br />

donc chargée de réguler l'effort de <strong>pêche</strong> avec 2 objectifs :<br />

- " organiser l'exercice des métiers de la <strong>pêche</strong> et de la commercialisation des<br />

produits halieutiques de manière à ce que chaque membre de la communauté<br />

puisse vivre de l'exercice de la <strong>pêche</strong>" ;<br />

- "assurer la continuité de la profession par des mesures de protection sociale<br />

et de protection de la ressource".<br />

Les pouvoirs réglementaires et disciplinaires des prud'hommes sont désormais plus limités<br />

(notamment depuis l'arrêté du 6.2.1962) et les prud'hommes sont à présent placés sous<br />

l'autorité du Chef de Quartier des Affaires Maritimes. En accord avec la réglementation<br />

générale, ils peuvent cependant encore édicter des "règlements prud’homaux" : ces<br />

règlements concernent toutes les composantes de l'effort de <strong>pêche</strong> (durée, période,<br />

caractéristiques des engins) à l'exception du nombre de <strong>pêche</strong>urs. Ils sont de plus chargés de<br />

la répartition des postes de <strong>pêche</strong> fixes entre <strong>pêche</strong>urs lagunaires (gestion du partage de<br />

l'espace). Les prud'hommes jugent "des différents entre <strong>pêche</strong>urs, survenus à l'occasion de<br />

faits de <strong>pêche</strong>, manœuvre et dispositions qui s'y rattachent, dans l'étendue de leur juridiction".<br />

Ils ont donc un pouvoir d'arbitrage et un pouvoir disciplinaire.<br />

Leur capacité à exécuter eux-mêmes leurs décisions, permet d'aboutir rapidement à la<br />

résolution des conflits et à l'indemnisation des <strong>pêche</strong>urs lésés, mais est contestée par le fait<br />

qu'il n'existe pas de recours possible extérieur à la profession. Les décisions des prud'hommes<br />

bénéficient du principe d'extension c'est à dire qu'elles sont opposables à tous les <strong>pêche</strong>urs<br />

exerçant leurs métiers dans la circonscription y compris les chalutiers à l'intérieur des 3 milles<br />

et les plaisanciers (les décisions prud'homales s'appliquent aux plaisanciers depuis le décret<br />

du 12.1.1932).<br />

Alors que la fonction de gestion des biens collectifs est tombée en désuétude (les prud'homies<br />

ne possèdent plus maintenant en général que la maison de la prud'homie), les prud'hommes<br />

ont toujours un rôle important de soutien social (information, conseils, aide pour des<br />

démarches administrative, interface avec des organismes officiels pour des cas sociaux). Ils<br />

ont en outre, bien qu'elle ait perdu de l'importance, <strong>une</strong> fonction de représentation de la<br />

profession.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 167


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

L'importance et la cohésion des prud'homies varie selon les endroits. L'adhésion des <strong>pêche</strong>urs<br />

à ces mesures est liée à la cohésion de la communauté et au principe d'équité sur lesquelles<br />

elles reposent. Celles-ci sont, en général, adoptées à la majorité en Assemblée Générale et<br />

vont plutôt dans le sens d'<strong>une</strong> limitation des métiers existants que du nombre de <strong>pêche</strong>urs.<br />

Ainsi par exemple lorsque des métiers sont concurrents, la priorité est généralement donnée<br />

aux plus utilisés, aux moins efficaces et enfin à ceux dépendant de conditions temporelles<br />

(métiers saisonniers) ou de lieux précis (métiers liés à la profondeur). De même la durée de<br />

permutation des postes fixes est fonction du nombre de sites disponibles par rapport au<br />

nombre de participant et à la période d'utilisation, afin que l'ensemble des <strong>pêche</strong>urs puisse<br />

bénéficier à tour de rôle des meilleurs postes Outre le contrôle social interne à la<br />

communauté, l'adaptation aux conditions locales rend cette réglementation moins<br />

contraignante tandis que l'intégration des prud'hommes dans la profession, leur permet<br />

d'exercer leur pouvoir d'arbitrage avec plus d'équité (FERAL, 1977 ; TEMPIER, 1986).<br />

« L’appareil administratif d’industrialisation » (FERAL, 2001) qui se développe après guerre<br />

(création des comités des <strong>pêche</strong>s calqués que les départements et les régions administratives),<br />

va être mis en opposition avec le système prud’homal, l’affaiblissant en conséquence. D’autre<br />

part, depuis plus de 30 ans, les prud’homies doivent trouver leur place sur un littoral de plus<br />

en plus convoité et dont les usages se multiplient (plaisance, <strong>pêche</strong> sous-marine, etc.).<br />

Gradient des<br />

régimes de cogestion<br />

(Fontenelle,<br />

2003)<br />

Gestion<br />

centralisée<br />

gouverne-<br />

-mentale<br />

TOP<br />

DOWN<br />

Gestion basée sur<br />

le gouvernement<br />

Gestion basée sur<br />

la communauté<br />

C O G E S T I O N<br />

Information<br />

Consultation<br />

Coopération<br />

Echange d’informations<br />

Rôle de conseil<br />

Action conjointe<br />

Partenariat<br />

Contrôle communautaire<br />

Coordination inter-zones<br />

Auto-<br />

Gestion<br />

Gradient des régimes de cogestion (d’après Berkes, 1994)<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 168<br />

UP<br />

BOTTOM


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

15. Annexe 5 : guides d’entretien pour les enquêtes<br />

GUIDE D’ENTRETIEN POUR LES ENQUÊTES AUPRÈS DES PATRONS<br />

LANGOUSTINIERS<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 169


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

GUIDE D’ENTRETIEN POUR LES ENQUÊTES AUPRÈS DES MAREYEURS<br />

(GOLFE DE GASCOGNE)<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 170


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

GUIDE D’ENTRETIEN POUR LES ENQUÊTES AUPRÈS DES PRUD’HOMMES<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 171


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

16. Annexe 6 : Programme Sélectivité Langoustine<br />

Travail réalisé sous l’égide d’un comité de pilotage réunissant :<br />

CNPMEM, CRPM Bretagne, CRPM Pays de la Loire, CRPM Poitou-Charentes, CLPM Guilvinec, CLPM Concarneau, CLPM Lorient,<br />

CLPM La Turballe, CLPM Le Croisic, CLPM Sables d'Olonne, CLPM La Rochelle, CLPM Marennes-Oléron, SOCOSAMA, OPOB,<br />

PROMA, FROM Bretagne, FROM Sud Ouest, OP La Côtinière, ACAV, GPAL, FFSPM, SCEP, Région Poitou-Charentes, Région Pays de la<br />

Loire, Région Bretagne, <strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Aglia, SMIDAP, Ifremer, DPMA, DEMK, Le Drezen<br />

Un projet collectif décidé et piloté par les professionnels<br />

Depuis avril 2006, les structures professionnelles (comités des <strong>pêche</strong>s et OP) ont souhaité<br />

relancer les travaux pour trouver des solutions afin de réduire les captures des langoustines<br />

hors taille.<br />

Un comité de pilotage a été constitué, réunissant tous les professionnels, les structures<br />

institutionnelles, administratives et scientifiques, et qui reste ouvert à tous ceux qui souhaitent y<br />

participer. Ce comité est présidé par un représentant professionnel, Hugues Autret, président de la<br />

commission nationale langoustine (et du comité régional des <strong>pêche</strong>s des Pays de la Loire).<br />

Sur le terrain, le travail est accompli par les patrons et les équipages volontaires (navires candidats) ;<br />

l’organisation des essais et leur suivi est réalisé par l’AGLIA (1 chargé de mission + 1 observateur).<br />

Un appui technique et scientifique est apporté par l’Ifremer Lorient.<br />

Un travail pour anticiper des contraintes trop fortes et contribuer à maintenir l’activité<br />

Dans cette période difficile et très incertaine pour la <strong>pêche</strong>, certains craignent des contraintes<br />

supplémentaires liées à cette amélioration de la sélectivité. Tout en entendant ces craintes, les<br />

représentants professionnels ont rappelé lors de la première réunion de comité de pilotage à Nantes<br />

certains points importants :<br />

individuellement, beaucoup de <strong>pêche</strong>urs disent leur souhait « d’arrêter le gaspillage » ;<br />

les paniers de rejets mis par-dessus bord, particulièrement en 2005 et 2006, ont marqué<br />

les esprits…<br />

<strong>une</strong> meilleure sélectivité c’est moins de travail de tri pour les équipages, moins de<br />

« risque de mélange » et donc moins de risque par rapport aux contrôles très pointilleux<br />

sur la taille minimale<br />

il faut préparer l’avenir : soulager la pression de <strong>pêche</strong> sur les langoustine hors taille<br />

c’est <strong>une</strong> solution pour être moins tributaire « d’accidents naturels » sur le recrutement<br />

Un travail concret à bord des navires professionnels<br />

Les essais ont été réalisés sur des navires de 11,7 à 19 m de longueur, de Penmarch’ à Oléron en<br />

passant par Concarneau, Lorient, Le Croisic etc….<br />

Le principe des essais est de comparer les captures entre deux chaluts jumeaux, l’un d’entre eux<br />

étant équipé du dispositif sélectif testé.<br />

Le souci de trouver des solutions adaptables à tous les modes de <strong>pêche</strong><br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 172


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Trois pistes techniques différentes ont été étudiées ; elles pourraient correspondre aux différents<br />

types de navires, aux différentes façons de travailler dans les différentes zones de <strong>pêche</strong> du Golfe<br />

de Gascogne.<br />

1. Le test des derniers prototypes de grilles flexibles<br />

Il s’agit de grilles à barreaux cylindriques, réalisées avec l’objectif d’améliorer la résistance<br />

au pliage. Ces grilles se plient facilement pour passer sur les enrouleurs ; aucun des essais<br />

réalisés n’a réellement mis en évidence un risque accru d’avaries.<br />

2. Une fenêtre de mailles carrées « langoustine » en position ventrale<br />

Cette fenêtre est implantée dans la partie haute de la rallonge ; ses dimensions sont de 1m en<br />

largeur et 3m en longueur. <strong>Pour</strong> ce dispositif tout particulièrement, seule la répétition intensive<br />

des essais dans de « bonnes conditions » (abondance de hors taille et <strong>pêche</strong>s commerciales<br />

significatives) permettra de dégager <strong>une</strong> tendance nette en terme de résultats sur l’échappement<br />

et les pertes commerciales.<br />

3. Evaluer, mesurer l’efficacité d’<strong>une</strong> augmentation de maillage à 80mm<br />

Ce choix de méthode pour améliorer la sélectivité est <strong>une</strong> demande principalement des navires<br />

travaillant dans la roche ; leur demande est de disposer du système qui soit avant tout le plus<br />

simple possible. A l’inverse, les navires qui ciblent davantage le poisson et ceux de plus petite<br />

taille craignent les effets d’<strong>une</strong> augmentation de maillage ; pour ces derniers, il est rappelé<br />

que le souhait du comité de pilotage est de laisser le choix entre différentes solutions<br />

techniques dans la mesure où leur efficacité aura été démontrée.<br />

Etude financée par : l’Europe (Ifop 50%), la Région Bretagne (33,3%), la Région Poitou-<br />

Charentes (8,3%), la Région Pays de la Loire (8,3%)<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 173


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Annexe 7 : projet de plan de gestion de la prud’homie de Saint Raphaël<br />

25 patrons <strong>pêche</strong>urs armés aux petits métiers et répartis sur 4 ports : Agay, St Raphaël, Fréjus,<br />

Les Issambres. Techniques : palangres, filets et nasses. Territoire : 33 km de côtes. Peu de<br />

plateau continental : ligne de sonde des 500m à 2 – 3 km des côtes. La Prud’homie de <strong>pêche</strong><br />

de Saint Raphaël :<br />

- gère la <strong>pêche</strong> exercée par les membres de la communauté ;<br />

- gère le territoire littoral en lien avec d’autres institutions ;<br />

- valorise la culture du métier et de l’institution prud’homale.<br />

Identité administrative de la Prud’homie<br />

La prud’homie est <strong>une</strong> organisation professionnelle patronale et consulaire, dotée<br />

d’un fonctionnement associatif. Elle a été créée en 1811 sur le modèle de la<br />

prud’homie de Marseille. Issue des communautés de métier du Moyen-Age, l’institution<br />

a été confirmée par l’Assemblée Constituante en 1792. Comme pour les 33 prud’homies<br />

réparties sur le littoral méditerranéen français, les statuts actuels de la Prud’homie de<br />

St Raphaël sont régis par le Décret d’Etat du 19 novembre 1859 (B.O. 379) modifié,<br />

portant règlement sur la <strong>pêche</strong> côtière dans le cinquième arrondissement maritime<br />

(Institution des prud’homies de <strong>pêche</strong>urs). La prud’homie exerce <strong>une</strong> activité<br />

réglementaire, juridictionnelle, disciplinaire, de gestion et de représentation liée à<br />

l’exercice de la <strong>pêche</strong> professionnelle dans les eaux de la prud’homie. Sa compétence<br />

territoriale, définie par le décret du 19/11/1859, est re-confirmée par le décret<br />

ministériel 93-56 du 15/01/1993. Le bureau de la prud’homie de Saint-Raphaël se<br />

compose de 3 prud’hommes assistés d’<strong>une</strong> secrétaire et d’un trésorier.<br />

L’expérience de gestion prud’homale constitue un modèle pour la gestion des <strong>pêche</strong>s<br />

méditerranéennes :<br />

- la gestion prud’homale, expérimentée depuis plusieurs siècles, a fait ses preuves dans<br />

le temps,<br />

- elle est reconnue comme étant actuellement la forme d’organisation de la <strong>pêche</strong> la<br />

plus élaborée du bassin méditerranéen,<br />

- l’état relativement bon de la fa<strong>une</strong> et de la flore littorales atteste de l’efficacité de cette<br />

gestion même si on note la pression conjointe et croissante des activités nautiques et<br />

de la <strong>pêche</strong> de loisirs (la population des 3 comm<strong>une</strong>s limitrophes dépasse les 90 000<br />

habitants et la pression touristique est parmi les plus importantes de <strong>France</strong>).<br />

La réglementation prud’homale est <strong>une</strong> gestion du territoire.<br />

Pêche de montagnes sous-marines et biodiversité : le plateau continental est très<br />

réduit, le territoire de <strong>pêche</strong>, petit, et les fonds « montagneux ». Les engins et les<br />

techniques piègent les différentes espèces en fonction de leur migration saisonnière<br />

vers le littoral. Dans ce contexte, un métier n’est pas considéré en lui-même mais au<br />

sein d’un ensemble complexe. Plus il y a de métiers, plus la pression sur la ressource<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 174


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

est répartie sur diverses espèces, plus les opportunités de <strong>pêche</strong> (et donc de vivre du<br />

métier) sont grandes et moins il y a de concurrence entre les <strong>pêche</strong>urs.<br />

La configuration du littoral est telle que nos engins sont adaptés à des zones profondes<br />

et peu étendues. Les engins de poste sont calés sur des postes de <strong>pêche</strong> identifiés par<br />

des alignements à terre.<br />

Les petits métiers côtiers polyvalents doivent pouvoir exercer plusieurs techniques<br />

dans la même journée, changer d’un jour à l’autre, s’adapter en fonction des saisons,<br />

de la météo…<br />

La Prud’homie réglemente les métiers techniquement et par des droits d’usage limités<br />

dans le temps et dans l’espace.<br />

Quand il y a concurrence sur un espace ou <strong>une</strong> ressource, elle attribue des postes<br />

de <strong>pêche</strong> par tirage au sort et prévoit un tour de rôle. Certains métiers, ou<br />

certaines zones abritées, sont réservés pour les jours d’intempéries. Il s’agit bien<br />

d’<strong>une</strong> gestion collective et territoriale.<br />

En contribuant fortement à la valorisation littorale, la Prud’homie constitue un outil<br />

moderne pour la spécialisation touristique et résidentielle des régions littorales au sein<br />

de l’Europe :<br />

Centrée sur <strong>une</strong> gestion à vue du territoire maritime, la Prud’homie est en mesure<br />

d’adapter l’activité de <strong>pêche</strong> en fonction de l’évolution des prises, de la pression exercée<br />

par les différents métiers et de la compétition dans la <strong>pêche</strong>rie.<br />

La présence régulière, dans la borne côtière, de <strong>pêche</strong>urs rôdés aux aléas de la navigation<br />

et attentifs aux écosystèmes marins joue un rôle important en matière de sécurité, de<br />

contrôle et d’alerte environnementale.<br />

La qualité d’extrême fraîcheur des produits débarqués, l’animation des ports de <strong>pêche</strong><br />

engendrée par le montage des filets et la vente à quai, la participation aux événements<br />

festifs comme le développement de la communication sur la culture halieutique et<br />

prud’homale, tous ces éléments confortent l’attractivité de la bande côtière.<br />

Par son fonctionnement basé sur la responsabilité des acteurs et le respect de l’activité de<br />

chacun, la Prud’homie peut devenir un partenaire privilégié dans les formes de gestion,<br />

partagée et négociée, qui se dessinent à propos des zones littorales.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 175


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Le Projet de Plan de gestion<br />

Une gestion des métiers adaptée à l’activité de la communauté de <strong>pêche</strong>urs et ajustée aux<br />

ressources naturelles disponibles.<br />

Partir d’<strong>une</strong> gestion collective - la réglementation prud’homale - qui permet de faire vivre<br />

<strong>durable</strong>ment <strong>une</strong> communauté de <strong>pêche</strong>urs exerçant les petits métiers à partir des<br />

caractéristiques du territoire.<br />

Insérer ce mode de gestion collective et « territorialisée » dans les dispositifs régionaux,<br />

nationaux et européens à partir de principes communs qui donnent lieu à des applications<br />

locales.<br />

Organiser un travail conjoint avec des scientifiques pour valider et faire évoluer le cas<br />

échéant, les applications locales. Le travail de réflexion avec les scientifiques nécessite <strong>une</strong><br />

description préalable des caractéristiques physiques propres au territoire (composantes<br />

géomorphologiques, biologiques, météorologiques…) afin de pouvoir apprécier la pertinence<br />

de la réglementation prud’homale.<br />

Une préservation des écosystèmes marins et <strong>une</strong> contribution à la gestion littorale<br />

Parce qu’un milieu géré rapporte potentiellement plus qu’un milieu non géré (exemple<br />

du Parc National de Port-Cros), la gestion prud’homale a des retombées positives sur<br />

d’autres activités telles que la plongée sous-marine, la <strong>pêche</strong> de loisirs… Encore fautil<br />

que le développement des activités maritimes, les rejets en mer et empiétements sur<br />

les fonds côtiers n’affectent pas de façon démesurée les écosystèmes littoraux. Par sa<br />

présence dans les divers lieux de concertation et de gestion des espaces littoraux, sa<br />

participation aux études de terrain, ses capacités de proposition (ré-actualisation de la<br />

réglementation de la <strong>pêche</strong> de plaisance dont les techniques ont fortement évoluées…),<br />

et sa présence régulière sur l’eau, la prud’homie peut largement contribuer à cette<br />

gestion littorale et à son application.<br />

Ainsi, dans un souci de protection du littoral maritime, la Prud’homie de <strong>pêche</strong> de<br />

Saint-Raphaël a demandé la création du Cantonnement de <strong>pêche</strong> du Cap Roux. Par<br />

arrêté ministériel du 3 décembre 2003, la <strong>pêche</strong> professionnelle et la <strong>pêche</strong> de loisirs y<br />

sont interdites pour <strong>une</strong> durée de 4 ans. Avec ses 480 ha qui longe le massif de<br />

l’Estérel jusqu’aux fonds de 100m, ce cantonnement est le plus grand de la <strong>France</strong><br />

continentale. Le suivi scientifique est effectué par le laboratoire de « Gestion de la<br />

Biodiversité » de l’Université de Nice.<br />

In fine, ce travail pourrait constituer un modèle d’analyse transposable à d’autres prud’homies<br />

ou gestions territorialisées des <strong>pêche</strong>s.<br />

Le plan de gestion a pour vocation de servir de modèle et d’être étendu sur l’ensemble du<br />

secteur liguro-provençal (secteur constitué par la bande côtière allant de La Ciotat à Gênes, en<br />

Italie).<br />

NB : ce dimensionnement correspond <strong>une</strong> aire cohérente en terme de pratiques et usages, et<br />

homogène écologiquement. C’est l’échelle pertinente reconnue par les acteurs institutionnels.<br />

C’est la condition d’un engagement de l’IFREMER.<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 176


Faisabilité des Unités d’Exploitation et de Gestion Concertées (UEGC)<br />

Un comité de pilotage traduisant <strong>une</strong> nouvelle gouvernance de la gestion des utilisations<br />

des ressources marines<br />

La Prud’homie travaille en lien avec des ONG (Collectif Pêche et Développement, Forum<br />

Mondial des Pêcheurs Artisans, <strong>WWF</strong> <strong>France</strong>…), les collectivités territoriales (Directions<br />

Environnement de la Mairie et du Département…), l’Administration des Affaires Maritimes,<br />

des associations. Elle participe dans la mesure du possible à des manifestations, colloques et<br />

symposiums (Journées Régionales de la mer, Séminaire « Littoral en danger : comment les<br />

régions maritimes d’Europe s’adapteront-elles au climat à venir ? », symposium « Patrimoine<br />

industriel entre terre et mer : pour un réseau européen d’écomusées »)<br />

<strong>WWF</strong> <strong>France</strong>, Programme « Pêche Durable », 177


RÉSUMÉ<br />

Depuis 20 ans, malgré l’augmentation du nombre de<br />

bateaux, malgré <strong>une</strong> amélioration considérable des<br />

techniques de <strong>pêche</strong> et des outils mis à la disposition des<br />

patrons <strong>pêche</strong>urs, les captures mondiales plafonnent autour<br />

de 85 millions de tonnes par an. Cet effort de <strong>pêche</strong> toujours<br />

croissant ne laisse plus de chance au poisson et 75% des<br />

espèces ciblées sont en passe d’être surexploitées.<br />

Le constat se répète à toutes les échelles, jusque dans la plupart<br />

des ports du littoral : telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, l’activité<br />

de <strong>pêche</strong> n’est pas <strong>durable</strong>. Si ce constat est global, il n’est pas <strong>une</strong><br />

fatalité et les solutions doivent être développées localement, avec<br />

tous ceux qui vivent de la <strong>pêche</strong>. Le <strong>WWF</strong> pense qu’il est possible de<br />

développer <strong>une</strong> activité de <strong>pêche</strong> <strong>durable</strong> : créatrice de richesses, d’emplois<br />

et respectueuse du milieu marin et que ce changement ne pourra venir<br />

que des communautés littorales.<br />

La Politique Comm<strong>une</strong> de la Pêche en Europe s’est construite de manière<br />

centralisée et sur des bases erronées. La <strong>pêche</strong> a été pensée comme <strong>une</strong><br />

activité basée sur <strong>une</strong> « production » alors que c’est <strong>une</strong> activité de « cueillette »<br />

des espèces marines exploitables.<br />

En 2002, le <strong>WWF</strong> a lancé l’idée d’Unité d’Exploitation et de Gestion Concertées<br />

(UEGC), qui remettait le <strong>pêche</strong>ur au centre de la gestion des <strong>pêche</strong>s et redonnait<br />

la primauté à l’échelon local, au territoire. Le <strong>WWF</strong> a depuis confronté cette idée<br />

à la réalité du monde la <strong>pêche</strong> et rencontré plus d’<strong>une</strong> centaine de professionnels<br />

représentant l’ensemble de la filière, ainsi que des scientifiques et des élus. Deux<br />

sites représentatifs de la diversité des <strong>pêche</strong>s françaises (la <strong>pêche</strong> de la langoustine<br />

dans le Golfe de Gascogne et la petite <strong>pêche</strong> côtière dans les départements du Var et<br />

des Alpes-Maritimes) ont servi de laboratoire pour tester cette idée et en faire ce que le<br />

<strong>WWF</strong> propose comme <strong>une</strong> nouvelle voie vers <strong>une</strong> <strong>pêche</strong> européenne économiquement,<br />

socialement et écologiquement viable.<br />

<strong>Pour</strong> en savoir plus : rapport de synthèse et plaquette téléchargeables sur www.wwf.fr<br />

(rubrique Océans et côtes - Campagne <strong>pêche</strong>). Documents disponibles en anglais.<br />

© P. Joachim<br />

Rédaction : Benoît Guerin<br />

Parution avril 2007<br />

<strong>WWF</strong>-<strong>France</strong><br />

1, carrefour de Longchamp<br />

75016 Paris<br />

Tel : 01 55 25 84 84<br />

Fax : 01 55 25 84 74

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