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RECHERCHES - Bibliothèque municipale de Senlis

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<strong>RECHERCHES</strong><br />

SUR<br />

DIVERS LIEUX DU PAYS DES SILVANECTES.<br />

ÉTUDES SUR LES ANCIENS CHEMINS DE CETTE CONTRÉE, GAUL0IS,<br />

ROMAINS, GAULOIS ROMANISÉS ET MÉROVINGIENS,<br />

PAR M. PEIGNÉ DELACOURT, MEMBRE DU COMITÉ.<br />

J'ai cherché à reconnaître ce qu'a été, dès les temps<br />

anciens, le pays <strong>de</strong>s Silvanectes. Je reproduis ce que<br />

j'ai trouvé dans les textes, à diverses époques, jusqu'à la<br />

fin <strong>de</strong> la domination <strong>de</strong>s Romains dans la Gaule septentrionale.<br />

On comprendra, en lisant les citations suivantes,<br />

qu'il m'ait fallu trouver ailleurs que dans les livres les<br />

vestiges <strong>de</strong> l'antiquité gauloise pour ce petit pays, qui n'a<br />

que très-peu <strong>de</strong> lignes à lui dans l'histoire et à dater<br />

seulement <strong>de</strong> l'époque gallo-romaine, bien qu'on puisse<br />

suivre sur le terrain les indices <strong>de</strong> son existence à diverses<br />

époques plus reculées.<br />

1° J. César et Hirtius n'ont rien dit sur les Silvanectes.<br />

Faut-il attribuer ce silence au peu d'importance <strong>de</strong> ce ter-<br />

12


— 162 —<br />

ritoire? Existait-il une ville principale? Quel était son<br />

nom ?<br />

2° Le géographe Strabon, qui vivait sous Tibère, indique<br />

(L. IV) le passage d'une <strong>de</strong>s quatre gran<strong>de</strong>s routes<br />

stratégiques parlant <strong>de</strong> Lyon, celle qui conduisait dans<br />

la Belgique et gagnait l'Océan par Beauvais et Amiens.<br />

L'auteur ne fait mention d'aucun autre point intermédiaire.<br />

3° Pline le jeune, contemporain <strong>de</strong> Domitien et <strong>de</strong> Trajan,<br />

classe les Ulmanectes ou Ulbanectes liberi dans la<br />

Belgique; mais cette attribution s'applique-t-elle bien<br />

aux Silvanectes? Le nom que portait cette contrée a-t-il<br />

été changé par les Romains en celui <strong>de</strong> Silvanectes, composé<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux parties, la première latine (Silva, forêt), la<br />

secon<strong>de</strong> gauloise ? L'addition <strong>de</strong> la lettre S, omise dans le<br />

texte, doit-elle être considérée, suivant l'avis d'Adrien <strong>de</strong><br />

Valois et <strong>de</strong> Banville, comme complétant le mot donné<br />

par l'auteur romain?<br />

4° Ptolémée, le géographe grec, qui vivait au second<br />

siècle <strong>de</strong> l'ère chrétienne, a-t-il dû en conséquence rétablir<br />

le nom <strong>de</strong> Subanecti, auquel il ajouta celui <strong>de</strong> leur<br />

capitale, Ratomagus ou Ratumagus, et l'appellation<br />

qu'il donne ne serait-elle pas Silvanecti défiguré ?<br />

Il n'entre pas dans le plan que j'ai adopté, <strong>de</strong> chercher<br />

à accor<strong>de</strong>r ces différents textes ni d'expliquer les origines<br />

<strong>de</strong>s noms.<br />

Pour établir l'existence avérée sous la domination<br />

romaine d'une cité <strong>de</strong>s Silvanectes, dont la capitale était<br />

Augustomagus, puis Silvanectum, il me suffira <strong>de</strong> rappeler<br />

ce qui suit :


— 163 —<br />

1° L'itinéraire d'Antonin a inscrit Augustomagus,<br />

comme station intermédiaire à l'égard <strong>de</strong> Litanobriga et<br />

<strong>de</strong> Suessones ;<br />

2° La carte Théodosienne nomme le même Augustomagus<br />

entre Fixtuinum et Cœsaromagus;<br />

3° Sur la Notice <strong>de</strong>s dignités <strong>de</strong> la Province <strong>de</strong> la<br />

Gaule, figure la Civitas Silvanectum;<br />

4° Dans la Notice <strong>de</strong>s Dignités <strong>de</strong> l'Empire, on lit :<br />

Prœfectus Lœtorum gentilium Remos et Silvanectas Belgicœ<br />

secundae.<br />

Si l'on recherche quels sont les vestiges du pays <strong>de</strong>s<br />

Silvanectes, une fois admis comme peupla<strong>de</strong> isolée et distincte,<br />

avant l'invasion <strong>de</strong>s Belges, cette branche <strong>de</strong>s<br />

Germains, qui, après avoir traversé le Rhin, chassèrent,<br />

suivant le texte <strong>de</strong> J. César, les Gaulois <strong>de</strong>s lieux fertiles<br />

qu'ils occupaient (1), on trouve, pour la première pério<strong>de</strong>,<br />

divers travaux accomplis par la main <strong>de</strong> l'homme<br />

au berceau <strong>de</strong> la civilisation, à savoir les oppidum, les<br />

haches et pointes <strong>de</strong> flèches en pierre, et les poteries les<br />

plus grossières.<br />

La secon<strong>de</strong> pério<strong>de</strong> commence au moment où les véhicules<br />

à roues sont usités, les chemins tracés, et lorsque<br />

les mélaux <strong>de</strong> facile fusion, et les monnaies, les unes<br />

coulées, les autres frappées, indiquent l'avancement progressif<br />

<strong>de</strong> l'industrie, par suite <strong>de</strong>s relations <strong>de</strong>s Gaulois<br />

avec les peuples plus avancés en civilisation.<br />

(1) Plerosque Belgas ortos à Germanis, Rhenumque antiquitus traductos,<br />

propler loci fertilitatem, ibi consedisse, Gallosque, qui in ea<br />

loea incolerent, expulisse. — De Bello Gallico. Lib. i.


— 164 —<br />

La contrée du <strong>Senlis</strong>is m'a présenté, réunis, dans un<br />

espace très-borné, ces éléments <strong>de</strong> la science agricole et<br />

industrielle, avec leurs caractères spéciaux.<br />

Le but que je me suis proposé consiste à les signaler.<br />

Chacun pourra visiter ces monuments, et recueillir <strong>de</strong>s<br />

débris <strong>de</strong> l'art le plus primitif. En effet :<br />

1° Les trois oppidum <strong>de</strong> Rhuis, <strong>de</strong><strong>Senlis</strong> et <strong>de</strong> Gouvieux<br />

représentent largement, et dans un rayon restreint, le<br />

système <strong>de</strong> défense pratiqué par les Gaulois, à l'époque<br />

<strong>de</strong> l'âge <strong>de</strong> pierre. On y trouve les armes et les instruments<br />

en silex caractéristiques.<br />

2° Les tronçons <strong>de</strong> routes gauloises, conservant la trace<br />

particulière <strong>de</strong>s voitures <strong>de</strong> forme étroite, y sont encore<br />

parfaitement visibles.<br />

3° Les armes en bronze, <strong>de</strong>s monnaies coulées ou frappées<br />

dans les <strong>de</strong>rniers temps <strong>de</strong> l'époque gauloise, ont le<br />

type grec. L'invasion romaine viendra bientôt démontrer<br />

à nos ancêtres la supériorité <strong>de</strong>s armes en fer aux mains<br />

<strong>de</strong> leurs ennemis.<br />

Aux temps <strong>de</strong> la conquête romaine, il est fort difficile<br />

d'assigner la part qui revient aux Gaulois, et celle qui<br />

appartient aux Germains ou aux Belges, dans l'état où<br />

se trouvait parvenue la science agricole dans le nord <strong>de</strong><br />

la Gaule. Cependant, comme J. César nous apprend que<br />

les vrais Germains qu'il vient <strong>de</strong> nommer furent attirés<br />

par la fertilité du sol dans la contrée qui prit le nom <strong>de</strong><br />

Belgique, on doit en conclure que les travaux agricoles<br />

commencèrent d'abord dans cette <strong>de</strong>rnière région où un<br />

climat plus doux favorisait le développement <strong>de</strong> la culture,


— 165 —<br />

Ce furent les richesses acquises par le travail agricole<br />

qui y appelèrent leurs belliqueux voisins.<br />

Il suffît <strong>de</strong> jeter les yeux sur la carte géologique du<br />

bassin <strong>de</strong> Paris pour saisir la condition dans laquelle se<br />

trouve la contrée située entre Paris au Nord, le cours<br />

<strong>de</strong> l'Aisne à l'Est, et l'Oise au Sud et à l'Ouest, pour<br />

reconnaître que le calcaire grossier, qui fut autrefois déposé<br />

par masses dans ce vaste plateau, est resté presque<br />

à fleur du sol actuel. La couche d'humus qui s'est formée<br />

successivement par la décomposition <strong>de</strong>s feuilles et <strong>de</strong>s<br />

végétaux (1) fertilisa cette contrée et la rendit propre à<br />

la culture <strong>de</strong>s céréales et <strong>de</strong>s plantes fourragères.<br />

Les Gaulois, ces maîtres <strong>de</strong>s Romains dans l'art <strong>de</strong><br />

cultiver les terres (2), avaient <strong>de</strong>puis longtemps défriché<br />

(1) Sans doute, dans les temps primitifs, une végétation arborescente<br />

avait pu s'établir peu à peu dans ces parages, mais une fois coupés, ces<br />

arbres ne se reproduisirent plus.<br />

Autant en fut-il dans les contrées méridionales, en Italie, en Afrique,<br />

etc. L'imprévoyance <strong>de</strong>s hommes condamna <strong>de</strong> vastes espaces <strong>de</strong><br />

terres sableuses, maintenant ari<strong>de</strong>s, à une stérilité permanente. — Mé-<br />

moire <strong>de</strong> M. A. Maury, Forêts <strong>de</strong> la France dans l'Antiquité, in-4°, 1856.<br />

(2) Les Gaulois alternaient les récoltes qu'ils <strong>de</strong>mandaient aux mêmes<br />

terres. Ils perfectionnèrent la charrue en y adaptant <strong>de</strong>s roues ; ils<br />

connaissaient l'usage <strong>de</strong> la marne et <strong>de</strong>s engrais, et savaient employer<br />

les plantes fourragères et légumineuses pour nourrir les bestiaux et<br />

fertiliser le sol ; ils les enfouissaient elles-mêmes à propos.<br />

La culture <strong>de</strong> la vigne, l'art <strong>de</strong> faire le vin et <strong>de</strong> fabriquer <strong>de</strong>s<br />

tonneaux leur étaient familiers. L'orge leur servait pour certains ali-<br />

ments et pour en tirer la bière. Partout où le besoin s'en était fait<br />

sentir, ils avaient défriché les bois et pratiqué l'écobuage. Ils élevaient<br />

<strong>de</strong>s bestiaux dans leurs prairies et dans les bois.


— 166 —<br />

les terrains. Jules-César n'a-t-il pas, au II e livre <strong>de</strong>s<br />

Commentaires, vanté les champs <strong>de</strong>s Suessions (latissimos<br />

feracissimosque agros)? La contrée <strong>de</strong>s Silvanectes,<br />

contiguë, se trouvait dans une condition analogue.<br />

Il était arrivé probablement qu'à l'époque' où cette<br />

région <strong>de</strong> la Gaule commença d'être habitée par suite<br />

<strong>de</strong> la migration <strong>de</strong>s hommes du nord <strong>de</strong> l'Asie qui<br />

suivaient ce qu'on a nommé le courant indo-germanique,<br />

les familles ou les tribus trouvèrent à leur disposition,<br />

pour s'y réunir, <strong>de</strong> larges espaces formant <strong>de</strong>s clairières<br />

et bornés par <strong>de</strong>s frontières naturelles, à savoir, les<br />

grands cours d'eau, les chaînes <strong>de</strong> montagnes et surtout<br />

Pour terminer cette digression, je citerai le passage suivantd'un livre<br />

très-intéressant <strong>de</strong> M. V. Cancalon, sur l'agriculture chez les Gaulois.<br />

Ce fait seul prouve à quel point l'industrie agricole <strong>de</strong> ce peuple était<br />

avancée. « Dans certaines parties <strong>de</strong> la Gaule, on se servait d'une ma-<br />

» chine fort ingénieuse pour moissonner, et dont Pline, liv. XVIII et Pal-<br />

» ladius, liv. VIII, c 2, ont fait l'éloge. Elle offrait l'avantage d'épargner<br />

» la main-d'œuvre et <strong>de</strong> terminer rapi<strong>de</strong>ment la moisson. On avait un<br />

» chariot carré et monté sur <strong>de</strong>ux petites roues. Les faces <strong>de</strong> ce chariot<br />

» étaient garnies <strong>de</strong> planches renversées en <strong>de</strong>hors. Elles portaient <strong>de</strong><br />

» petites <strong>de</strong>nts recourbées par en haut. Sur le <strong>de</strong>rrière du chariot se<br />

» trouvaient <strong>de</strong>ux brancards très-courts auxquels on attelait, à l'ai<strong>de</strong><br />

» d'un joug, un bœuf qui avait la tête tournée vers le chariot. Le bœuf,<br />

» en marchant, le poussait <strong>de</strong>vant lui, et le promenait à travers la<br />

» moisson ; les épis se trouvaient alors saisis par les petites <strong>de</strong>nts dont<br />

» étaient garnies les planches, étaient séparés du chaume et tombaient<br />

» dans l'intérieur du chariot. Le bouvier suivait par <strong>de</strong>rrière et diri-<br />

» geait l'instrument qui pouvait s'élever ou se baisser suivant les cas.<br />

» Cette métho<strong>de</strong>, ajoute Palladius, était bonne pour les pays plats et<br />

» les terres dont la surface était unie. »


— 167 —<br />

les forêts. Ces frontières furent annulées à dater du jour<br />

où les Belges implantés sur le sol, Suessions, Bellovaques,<br />

etc., dominateurs <strong>de</strong>s Gaulois, obéissant à cet entraînement<br />

qui porte les hommes puissants à tenir sous leur<br />

domination leurs voisins plus faibles, eurent pris possession,<br />

les premiers jusqu'à Verberie et ses environs (1),<br />

touchant au point qui domine Rhuis, les seconds <strong>de</strong>puis<br />

la limite formée par la vallée <strong>de</strong> Roberval jusqu'aux<br />

environs <strong>de</strong> la Morlaye et <strong>de</strong> Beaumont, et par conséquent<br />

<strong>de</strong>s hauteurs qui bor<strong>de</strong>nt la rive gauche <strong>de</strong><br />

l'Oise. Ce fut alors que les Silvaneetes durent se retirer<br />

vers le Sud et à l'Est <strong>de</strong> leur contrée. Le savant et trèsregrettable<br />

auteur <strong>de</strong>s Annuaires du département <strong>de</strong><br />

l'Oise, M. Graves, a montré le premier l'anomalie <strong>de</strong> cette<br />

disposition <strong>de</strong>s frontières, mais il n'a point cherché à<br />

l'expliquer.<br />

Il s'exprime ainsi (2) :<br />

« Quant aux paroisses situées à la gauche <strong>de</strong> l'Oise,<br />

» <strong>de</strong>puis la Morlaye jusqu'à Rhuis, nous ignorons com-<br />

» plètement sous quelle influence on méconnut la limite<br />

» si naturelle donnée par le cours <strong>de</strong> la rivière pour<br />

» ajouter à un diocèse déjà considérable une ban<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

» terrain sans importance, et pour établir une limite ar-<br />

» bitraire au milieu <strong>de</strong>s bois. Nous ne savons pas davan-<br />

» tage pourquoi ce changement <strong>de</strong> circonscription s'arrêta<br />

(1) Ver-bria, l'un <strong>de</strong>s noms anciens <strong>de</strong> ce lieu, est composé <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />

mots signifiant Barrière et Pont ; ce qui s'explique complètement par<br />

la situation du lieu.<br />

(2) Notice archéologique, page 97.


— 168 —<br />

» vers la très-petite paroisse <strong>de</strong> Rhuis, au lieu <strong>de</strong> re-<br />

» monter, par exemple, jusqu'à Compiègne et jusqu'au<br />

» confluent <strong>de</strong> l'Aisne. »<br />

Un autre motif qui me porte à croire que la cité <strong>de</strong>s<br />

Silvanectes, ainsi limitée à l'ouest, fut établie ou reconnue<br />

par les Romains, telle qu'ils l'avaient trouvée bornée<br />

à leur arrivée, est fondé sur l'argument suivant :<br />

Si la contrée <strong>de</strong>s Silvanectes avait été enlevée à la cité<br />

<strong>de</strong>s Bellovaques, seulement après le règne <strong>de</strong> Tibère,<br />

époque où le nombre <strong>de</strong>s divisions <strong>de</strong> la Gaule fut porté<br />

<strong>de</strong> 64 à 115, la rivière d'Oise n'aurait-elle pas été la<br />

limite naturelle? On n'eût pas laissé à ce peuple, dont<br />

on se défiait, une prédominance <strong>de</strong> position sur le peuple<br />

voisin.<br />

On pourrait, au contraire, bien qu'il n'existe pas <strong>de</strong><br />

titres qui le prouvent, inférer <strong>de</strong> la présence <strong>de</strong>s Suessions<br />

sur la gauche <strong>de</strong> l'Oise à Verberie et jusqu'à Rhuis, et<br />

<strong>de</strong> ce que l'on sait <strong>de</strong> leur puissance et <strong>de</strong> l'étendue<br />

<strong>de</strong> leur contrée, que c'étaient eux qui dominaient, au<br />

moins sous le rapport politique, toute la partie du vieux<br />

<strong>Senlis</strong>is, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la base <strong>de</strong>s terrains envahis et<br />

conservés par les Bellovaques, auxquels ils assuraient<br />

ainsi, comme cours d'eau à l'intérieur <strong>de</strong> leur pays, la<br />

très-importante jouissance <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux rives <strong>de</strong> l'Oise. Ainsi<br />

soumise aux Suessions, cette <strong>de</strong>rnière portion du pays<br />

<strong>de</strong>s Silvanectes, qui elle-même formait la circonscription<br />

méridionale <strong>de</strong> la Cotia Silva, a dû naturellement être<br />

négligée par J. César, dans ses écrits.<br />

On voit par le passage du livre si concis et si réfléchi


— 169 —<br />

<strong>de</strong> M. J. Desnoyers, <strong>de</strong> l'Institut, sur la topographie<br />

ecclésiastique <strong>de</strong> la France (1), que ce savant auteur partage<br />

cette incertitu<strong>de</strong> et incline vers la reconnaissance<br />

d'une contrée ou d'une peupla<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Silvanectes, indépendante<br />

<strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s Bellovaci.<br />

A l'égard du pays <strong>de</strong>s Silvanectes établis primitivement<br />

dans ces lieux en partie boisés, en partie fertilisables,<br />

si l'on examine sur une carte géographique la<br />

position <strong>de</strong> ce territoire borné au Nord, à l'Est et à<br />

l'Ouest par le cours <strong>de</strong> l'Oise et <strong>de</strong> l'Autonne, on y reconnaît<br />

<strong>de</strong>s démarcations parfaites. Les vallées baignées<br />

(1) Annuaire historique pour 1862, publié par la Société <strong>de</strong> l'Histoire<br />

<strong>de</strong> France, p. 476.<br />

« Toutefois, cette dépendance (<strong>de</strong>s Silvanectes à l'égard <strong>de</strong>s Bello-<br />

vaci), si elle a réellement existé, n'a pas dû être <strong>de</strong> longue durée, et<br />

» elle n'est démontrée par aucun témoignage incontestable. Le nom<br />

» <strong>de</strong> la Capitale, Augustomagus, qui indique, par sa forme <strong>de</strong>mi-gau-<br />

» loise, <strong>de</strong>mi-romaine, une influence romaine exercée peu <strong>de</strong> temps<br />

» après César, sur une localité gauloise importante, et la qualification<br />

» <strong>de</strong> liberi, que Pline (Hist. nat., lib. iv, c. vii) donna, comme aux<br />

» Nervii, aux Suessiones et aux Silvanectes, qu'il a cités, tout en alté-<br />

» rant leur nom sous la forme d'Ulbanectes ou d''Ulmanectes, montrent<br />

» qu'avant la fin du I er siècle, au moins, un territoire parfaitement dis-<br />

» tinct, couvert en partie <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s forêts dont les vestiges sont encore<br />

» considérables, a dû servir <strong>de</strong> base à la division politique consignée<br />

» dans la Notifia Prov. et Civit. Gall., et à la division ecclésiastique<br />

» qui lui a succédé, sous le nom <strong>de</strong> Civitas Silvanectum, ou Silvanec-<br />

» tensium. »<br />

« Le rang que ce peuple tient dans les plus anciennes rédactions <strong>de</strong><br />

» la Notice, où il est placé le huitième, avant les Bellovaci, les Ambiant,<br />

» et les Morini, est un autre témoignage <strong>de</strong> leur antiquité et <strong>de</strong> leur<br />

» indépendance comme peupla<strong>de</strong> gauloise. »


— 170 —<br />

par la Thève et la Thérouanne, défen<strong>de</strong>nt l'autre partie du<br />

territoire vers le Sud et complètent pour ainsi dire<br />

l'enceinte.<br />

Oppidum <strong>de</strong> Rhuis.<br />

Il y a <strong>de</strong>ux ans, M. Huillard-Bréholles, revenant d'une<br />

excursion aux environs <strong>de</strong> Verberie, me fit part <strong>de</strong> l'opinion<br />

qu'il s'était formée sur Rhuis. C'est que le mont<br />

Catillon qui domine ce lieu pouvait représenter le Ratomagus<br />

<strong>de</strong> Ptolémée. Il était conduit à cette idée par le<br />

nom d'un cours d'eau qui passe au bas <strong>de</strong> ce tertre isolé,<br />

et qui s'appelle le rù <strong>de</strong> la Rouanne. S'il eût visité les<br />

hauteurs <strong>de</strong> Rhuis, je suis certain qu'il aurait complété<br />

son idée, en reconnaissant l'analogie <strong>de</strong> ce lieu avec les<br />

autres oppidum <strong>de</strong> la contrée.<br />

Je regar<strong>de</strong> comme un témoignage, à l'appui <strong>de</strong> cette<br />

donnée, l'existence que je viens signaler, d'un point<br />

important <strong>de</strong> défense, en un lieu situé sur la rive gauche<br />

<strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> vallée <strong>de</strong> l'Oise, à l'extrémité d'un mont,<br />

ou pour mieux dire, d'un promontoire qui domine Rhuis<br />

et d'où la vue s'étend sur les environs <strong>de</strong>s villes <strong>de</strong><br />

Verberie et <strong>de</strong> Pont-Ste.-Maxence, entre lesquelles il est<br />

situé. Cette enceinte, dont le contour dépasse quatre<br />

kilomètres, naturellement défendue par <strong>de</strong>s ravins profonds,<br />

est abordable <strong>de</strong> plainpied, à la base du côté<br />

<strong>de</strong> l'Est seulement, sur une lisière <strong>de</strong> 7 à 800 mètres,<br />

et suivant la direction <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> route <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> à<br />

Verberie. Elle offre, par les avantages <strong>de</strong> sa position,<br />

tous les caractères que j'ai précé<strong>de</strong>mment signalés dans


- 171 -<br />

les oppidum gaulois disséminés sur les bords <strong>de</strong> l'Oise et<br />

<strong>de</strong> ses vallées collatérales, telles que Offémont, le Mont<br />

<strong>de</strong> Noyon, Nampcel, Epagny, etc.<br />

Un marais présentant divers prolongements sinueux et<br />

les prairies basses et ruisselantes <strong>de</strong>s Noues <strong>de</strong> St. Martin<br />

et <strong>de</strong> St.-Remy, enveloppe le promontoire à l'Est, à<br />

l'Ouest et au Sud. Ces lieux portent sur les feuilles du<br />

cadastre et sur la carte du dépôt <strong>de</strong> la guerre le nom<br />

défiguré <strong>de</strong> Noël. Divers actes <strong>de</strong>s XIII e et XIV e siècles leur<br />

donnent celui <strong>de</strong> Noa, qui signifie un pâturage entrecoupé<br />

<strong>de</strong> ruisseaux, où l'eau abon<strong>de</strong> : (locus pascuus et<br />

irriguus. — Du Cange.)<br />

Le vallon <strong>de</strong> Roberval continue au Sud la gran<strong>de</strong> fosse,<br />

en forme <strong>de</strong> <strong>de</strong>mi-cercle, qui se complète au Nord par la<br />

vallée <strong>de</strong> l'Oise, où se trouve situé le village <strong>de</strong> Rhuis,<br />

qui faisait partie autrefois du diocèse <strong>de</strong> Soissons. La<br />

surface <strong>de</strong> l'ensemble <strong>de</strong> l'enceinte <strong>de</strong> l'oppidum est sensiblement<br />

horizontale : seulement, sur un point d'où une<br />

ligne tirée <strong>de</strong> l'Ouest à l'Est réunirait le vallon <strong>de</strong> Roberval<br />

, qui appartenait au diocèse ancien <strong>de</strong> Beauvais,<br />

qu'il limitait, à la gran<strong>de</strong> vallée <strong>de</strong> l'Oise, en traversant<br />

une ligne <strong>de</strong> 3S0 mètres environ, l'on trouve une anfractuosité<br />

qui rétrécit cet espace et porte le nom <strong>de</strong> la<br />

Terrière. Sur cette cor<strong>de</strong>, existent <strong>de</strong>ux buttes <strong>de</strong> petite<br />

dimension formées évi<strong>de</strong>mment par un emprunt fait au<br />

terrain adjacent.<br />

Des fouilles indiqueront ultérieurement s'il s'y trouvera<br />

quelques sépultures ou vestiges <strong>de</strong> l'époque la plus reculée<br />

, ou si ce sont seulement <strong>de</strong>s rudiments <strong>de</strong> remparts<br />

romains.


— 172 -<br />

Une partie régulièrement disposée par la main <strong>de</strong><br />

l'homme en colline circulaire <strong>de</strong> 100 mètres <strong>de</strong> diamètre,<br />

située à l'Est <strong>de</strong> la première enceinte, domine ce plateau.<br />

À l'extrémité du promontoire et à l'Ouest, <strong>de</strong>s débris<br />

<strong>de</strong> tuiles à rebords dénotent l'emplacement d'habitations<br />

romaines sur ce point dominant.<br />

Le territoire <strong>de</strong> Rhuis offre divers monuments <strong>de</strong> l'époque<br />

gauloise.<br />

« Rhuis, dit M. Graves {Notice archéologique sur le<br />

» canton <strong>de</strong> Pont-Ste.-Maxence), est un lieu d'une haute<br />

» antiquité et probablement un <strong>de</strong>s établissements que<br />

» les Gaulois avaient faits sur les bords <strong>de</strong> l'Oise, dans<br />

» le voisinage <strong>de</strong>s forêts qui couvraient alors la plus gran<strong>de</strong><br />

» partie du pays compris entre la Seine et la Somme. Son<br />

» origine semble confirmée par l'existence d'un monu ment<br />

» druidique dont on voit les restes à 600 mètres environ<br />

» du village, dans les prairies voisines <strong>de</strong> l'Oise, à 150<br />

» mètres au plus du bord méridional <strong>de</strong> cette rivière. On<br />

» trouve en ce lieu, précisément sur la limite <strong>de</strong> la<br />

» commune <strong>de</strong> Verberie, une masse <strong>de</strong> grès, haute <strong>de</strong> 6<br />

» pieds, large <strong>de</strong> 5 ou 6, épaisse <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pieds, plantée<br />

» perpendiculairement en terre où elle s'enfonce <strong>de</strong> 4<br />

» pieds. Une pierre pareille, mais haute seulement <strong>de</strong> 5<br />

» pieds, un peu inclinée, était à 50 pas à l'Ouest <strong>de</strong> la<br />

» première ; elle a été brisée en 1793. Deux autres blocs<br />

» <strong>de</strong> moindre dimension existaient il y a 80 ans près <strong>de</strong><br />

» celle-ci.<br />

» La tradition locale veut que ces masses <strong>de</strong> grès, qui<br />

» paraissent provenir <strong>de</strong>s hauteurs <strong>de</strong> la forêt <strong>de</strong> Halatte,<br />

» soient l'indice <strong>de</strong> sépultures gauloises. »


— 173 —<br />

« La tradition désignait <strong>de</strong> tout temps, comme un lieu<br />

» <strong>de</strong> sépulture, un tertre placé près <strong>de</strong> la route <strong>de</strong> Pont-<br />

» Ste-Maxence à Verberie, à peu près vis-à-vis le chemin<br />

» <strong>de</strong> St.-Pierre. Lorsqu'on rectifia le tracé dans l'année<br />

» 1841, on détruisit l'érninence dont il s'agit, et qui<br />

» portait le nom <strong>de</strong> Pierre Huitaine. Les déblais mirent<br />

» à découvert plusieurs pierres superposées, enfouies<br />

» dans le sable, et plus bas, <strong>de</strong>ux gros blocs fichés, sup-<br />

» portant une table horizontale au-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> laquelle<br />

» était un squelette humain <strong>de</strong> très-gran<strong>de</strong> taille. Ce fait<br />

» vient à l'appui <strong>de</strong> l'opinion qui considère les dolmens<br />

» comme <strong>de</strong>s tombeaux et non comme <strong>de</strong>s autels (1).<br />

D'autres roches appartenant à l'étage du calcaire siliceux<br />

supérieur au calcaire grossier sont réunies, non<br />

loin <strong>de</strong> là, près <strong>de</strong> Maurû. Plusieurs d'entr'elles paraissaient<br />

placées par la main <strong>de</strong>s hommes. M. <strong>de</strong><br />

Verneuil, <strong>de</strong> l'Institut, dont on connaît la science et l'expérience<br />

en matière <strong>de</strong> géologie, croit qu'elles ont pu<br />

rester là par hazard, telles que les a laissées le diluvium<br />

<strong>de</strong> la vallée <strong>de</strong> l'Oise. Je m'incline <strong>de</strong>vant cette autorité.<br />

À peu <strong>de</strong> distance <strong>de</strong> ce point, et du même côté <strong>de</strong> la<br />

route, existe un menhir qui a été mutilé : la partie supérieure<br />

<strong>de</strong> cette pierre levée est gisante à quelques pas <strong>de</strong><br />

là. Le monument avait 2 mètres environ <strong>de</strong> hauteur, 40<br />

centimètres d'épaisseur et 75 à 80 centimètres <strong>de</strong> largeur.<br />

A partir <strong>de</strong> St.-Germain, lieu situé entre Verberie et<br />

Rhuis, un grand chemin, qui <strong>de</strong> la vallée conduit sur le<br />

promontoire, offre les caractères d'une haute antiquité.<br />

(1) Graves, Notice archéol. sur le dépt <strong>de</strong> l'Oise, p. 24.


— 174 —<br />

Cette voie est bornée à la longueur <strong>de</strong> la rampe qui, <strong>de</strong> la<br />

plaine, gagne la hauteur, et présente une largeur <strong>de</strong> 7 à 8<br />

mètres. La nécessité y a fait établir, à plusieurs reprises,<br />

un grossier pavage formé <strong>de</strong> roches juxtaposées sur la<br />

tranche. Les eaux pluviales, <strong>de</strong>scendant rapi<strong>de</strong>ment, ont<br />

creusé <strong>de</strong>s sillons ravinés qui ne permettraient le passage<br />

qu'aux chariots ou chars très soli<strong>de</strong>ment montés.<br />

Un monticule bifurqué à son sommet, témoin <strong>de</strong> l'état<br />

ancien <strong>de</strong> la surface du lieu, épargné par les eaux diluviennes<br />

lors du percement <strong>de</strong> la vallée <strong>de</strong> l'Oise, touche<br />

à la gauche du promontoire. Il porte le nom <strong>de</strong> Mont~<br />

Catillon.<br />

Ce dut être, tour à tour, pour les Gaulois et pour les<br />

Romains, un poste <strong>de</strong> surveillance, un accessoire <strong>de</strong><br />

l'oppidum. On y a trouvé, à plusieurs reprises, comme à<br />

Rhuis, <strong>de</strong>s haches en silex, <strong>de</strong>s pierres <strong>de</strong> fron<strong>de</strong>, etc.<br />

Cambry rapporte la tradition qui plaçait un tumulus<br />

sur le point culminant. Plusieurs sarcophages ont été<br />

découverts sur la butte même.<br />

Il donne la liste <strong>de</strong>s objets antiques trouvés près<br />

<strong>de</strong> là (1).<br />

Une autre tradition populaire et fantastique attribue ce<br />

tertre à Gargantua, qui aurait renversé là sa hotte.<br />

Le nom <strong>de</strong> Rhuis se retrouve en Bretagne près <strong>de</strong><br />

(1) Description du département <strong>de</strong> l'Oise, 1803, t. II, n° 336.<br />

Médaille gauloise, une tète casquée ; au revers, un cheval ailé, et les<br />

caractères GHCIK. Une autre : une tête au revers, un oiseau portant<br />

au bec une fleur, une brancha et 3 oiseaux.


175<br />

Vannes; il appartient à une presqu'île bien connue pour<br />

être le siège <strong>de</strong> l'abbaye bénédictine <strong>de</strong> St.-Gildas.<br />

Cette analogie <strong>de</strong> dénomination et <strong>de</strong> position exceptionnelles<br />

pourra présenter un sujet d'étu<strong>de</strong> pour les personnes<br />

versées dans la science <strong>de</strong>s étymolcgies.<br />

Oppidum <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>.<br />

Les Silvanectes, ayant perdu leur frontière naturelle<br />

au nord, envahie qu'elle était par les Belges Bellovaques<br />

et Suessions, durent chercher en arrière un autre point<br />

<strong>de</strong> refuge, une nouvelle ligne <strong>de</strong> défense.<br />

Or, il existe à quinze kilomètres au sud <strong>de</strong> Rhuis un<br />

emplacement qui convenait parfaitement à l'établissement<br />

d'un véritable oppidum ; c'est le lieu même où est<br />

situé <strong>Senlis</strong>, au milieu d'une vaste enceinte <strong>de</strong> forme<br />

triangulaire en partie circonscrite par la Nonette au sud,<br />

et l'Onette au nord. Ces <strong>de</strong>ux cours d'eau s'avancent <strong>de</strong><br />

l'est à l'ouest, au fond <strong>de</strong>s vallées en partie marécageuses,<br />

et se réunissent bientôt pour se jeter dans l'Oise.<br />

Près <strong>de</strong> leur confluent, le terrain enveloppé est assez<br />

proéminent pour dominer les alentours. Sur la carte<br />

topographique <strong>de</strong> la France, la disposition <strong>de</strong>s lieux est<br />

parfaitement indiquée.<br />

Sauf quelques haches en silex, on n'avait signalé, sur<br />

ce point, aucun <strong>de</strong> ces monuments caractéristiques qui<br />

accusent l'occupation d'un lieu quelconque par les<br />

Gaulois ; mais il existe, dans la direction <strong>de</strong> la ligne<br />

<strong>de</strong> l'Oise, près du hameau <strong>de</strong> Villevert, traversé par le


— 176 —<br />

petit cours d'eau <strong>de</strong> l'Onette, une indication précise <strong>de</strong>s<br />

communications fréquentes entretenues vers le nord dans<br />

la direction <strong>de</strong> l'Oise, dès la plus haute antiquité ; c'est<br />

l'existence avérée d'un <strong>de</strong> ces chemins étroits et encaissés<br />

pratiqués par les Gaulois et les peuples du nord <strong>de</strong> l'Europe<br />

en général.<br />

L'histoire <strong>de</strong> cet oppidum <strong>de</strong>s Silvanectes après sa<br />

transformation en bourga<strong>de</strong> militaire ou castrum situé<br />

au confluent <strong>de</strong> l'Onette et <strong>de</strong> la Nonette, puis en une<br />

ville du nom d'Augustomagus, forme une suite naturelle<br />

<strong>de</strong> la première époque <strong>de</strong> son existence comme place <strong>de</strong><br />

refuge. Ce qui concerne l'époque romaine, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à<br />

être traité dans un travail spécial. Les annales <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong><br />

au moyen-âge méritent également d'être étudiées à part.<br />

Les matériaux <strong>de</strong> cette partie intéressante <strong>de</strong> la partie au<br />

nord du diocèse <strong>de</strong> Paris, et du comté <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> lui-même,<br />

ont été heureusement conservés. La gran<strong>de</strong> collection<br />

d'Afforty, qui existe à la <strong>Bibliothèque</strong> <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, renferme<br />

<strong>de</strong> très-nombreuses indications sur l'ensemble <strong>de</strong> la contrée<br />

et spécialement sur la ville elle-même.<br />

Oppidum <strong>de</strong> Gouvieux.<br />

Il me paraît utile d'abor<strong>de</strong>r maintenant l'examen d'une<br />

autre enceinte naturellement fortifiée et présentant à<br />

l'ouest <strong>de</strong> l'ancienne circonscription du pays <strong>de</strong>s Sylvanectes<br />

les conditions d'un oppidum frontière. Je veux<br />

parler d'un promontoire voisin <strong>de</strong> St.-Leu d'Esserant,<br />

et dépendant <strong>de</strong> la commune <strong>de</strong> Gouvieux. Il est généralement<br />

connu sous le nom <strong>de</strong> Camp <strong>de</strong> César et a été décrit


- 177 -<br />

sous ce nom par Fontenu, dans les Mémoires <strong>de</strong> l'Académie<br />

<strong>de</strong>s Inscriptions, T. X. On voit, par les termes dont<br />

Oppidum <strong>de</strong> Gouvieux.<br />

LÉGENDE.<br />

A Camp, dit <strong>de</strong> César.<br />

B Prés et Marais.<br />

C Le village <strong>de</strong> Gouvieux.<br />

D Pont <strong>de</strong> St -Leu-d'Esserent-s.-1'Oise.<br />

E Les Fossés d'assainissement <strong>de</strong>s terrains marécageux.<br />

F La Frette, nom du rempart <strong>de</strong>s Romains.<br />

G Place d'un ancien Puits.<br />

H La Rivière L'onette,<br />

I L'Oise.<br />

K Champ en partie couvert <strong>de</strong> roches taillées grossièrement.<br />

L- Ilot sur l'Oise, la où aboutit Toutevoie {la Torte-Voie).<br />

M N Les Grouettes (ou fortes haies).<br />

O Partie du terrain où ont été trouvés les débris d'armes en silex.<br />

P Emplacement d'une Garenne défrichée.<br />

R Extrémité <strong>de</strong>s Marais <strong>de</strong> Chantilly.<br />

13<br />

Echelle au 40.000 e


— 178 —<br />

il se sert, que ce savant doutait fort que ce fût un camp<br />

romain; du moins, il y reconnaît un poste fortifié trèsancien,<br />

qu'il croit antérieur à celui que les Romains y<br />

établirent eux-mêmes. Cette distinction est très-remarquable,<br />

faite à une époque où les recherches sur les<br />

oppidum gaulois n'étaient pas encore entrées dans le<br />

cadre <strong>de</strong> la science <strong>de</strong> l'antiquité.<br />

M. Graves, dans la <strong>de</strong>scription du canton <strong>de</strong> Creil, qui<br />

comprend la commune <strong>de</strong> Gouvieux, a repris cette <strong>de</strong>scription,<br />

et n'a pas non plus porté son attention sur les<br />

temps antérieurs à la possession <strong>de</strong> cette partie <strong>de</strong> la<br />

Gaule par les Romains.<br />

« Ce camp, dit-il, offre une surface triangulaire,<br />

» à bords irréguliers ; les côtés parallèles aux <strong>de</strong>ux<br />

» rivières sont très-escarpés, prolongés d'environ 1,200<br />

» mètres ; le côté <strong>de</strong> l'ouest, adossé au village <strong>de</strong>s<br />

» Carrières, n'a pas plus <strong>de</strong> 600 mètres <strong>de</strong> développement.<br />

» Tout le périmètre est garni d'un rempart en terre<br />

» et moellons élevé <strong>de</strong> 6 à 8 mètres, généralement bien<br />

» conservé. Le côté étroit où était sans doute la tète du<br />

» camp, offre trois larges ouvertures ou entrées, repré-<br />

» sentant probablement la porte prétorienne et les <strong>de</strong>ux<br />

» portes principales par lesquelles on pénétrait dans l'en-<br />

» ceinte.<br />

» L'extrémité angulaire (touchant au hameau <strong>de</strong>s<br />

» Carrières) était couverte par un fort épaulement dont<br />

» les restes subsistent encore ; le centre du plateau est<br />

» plus élevé que le rempart ; un puits très-profond,<br />

» aujourd'hui comblé, était percé à cette sommité. Selon


— 179 —<br />

» la tradition locale, J. César a campé dans ce lieu,<br />

» lorsqu'il pénétra dans le pays <strong>de</strong>s Bellovaques.<br />

« On y a recueilli autrefois beaucoup d'armes qui<br />

» étaient déposées au cabinet <strong>de</strong> Chantilly, <strong>de</strong>s pierres<br />

» gravées, <strong>de</strong>s médailles romaines dont M. Cambry in-<br />

» dique une partie, T. II, p. 365, (savoir : « Julia Pia,<br />

» Nerva, Trajanus, Aug., Antoninus Pius, Domitianus,<br />

» Hadrianus, Vespasianus, Drusus Cesar, Philippus Imp.<br />

» Aug. Têtes d'Auguste et Antoine accolées, Julia<br />

» Mammea).<br />

« On y a également trouvé d'énormes morceaux <strong>de</strong><br />

» charbon, <strong>de</strong>s débris <strong>de</strong> tuiles, <strong>de</strong> poteries, <strong>de</strong>s osse-<br />

» ments humains et quelques tombeaux grossiers. »<br />

J'ajouterai sur ce lieu quelques détails qui m'ont frappé<br />

dans une visite récente. Au-<strong>de</strong>ssus du hameau <strong>de</strong> Chaumont<br />

et sur le bord du plateau en regard <strong>de</strong> la Nonette,<br />

où se trouve le lieu dit les Grouettes (1), il existe un<br />

amas <strong>de</strong> roches bouleversées, qui paraissent avoir appartenu<br />

à un amas monumental. Les pierres sont ici à un<br />

niveau supérieur à l'étage du calcaire, elles ont donc été<br />

transportées sur ce point à l'époque gauloise.<br />

Le rempart, qui affecte une forme légèrement curviligne,<br />

convexe à l'extérieur, porte le nom <strong>de</strong> la Frette<br />

(Fracta); il était surmonté, sans doute, par <strong>de</strong>s chevaux<br />

(i) Les mots Groa, Croa, ou Groua, ont, dans la basse latinité, <strong>de</strong>ux<br />

acceptions différentes; savoir, un marais ou une clôture au moyen<br />

d'une haie. Gomme cette <strong>de</strong>rnière explication est la seule admissible,<br />

en raison <strong>de</strong> la hauteur du territoire , il en résulte qu'une palissa<strong>de</strong><br />

ou frette a dû autrefois fortifier ce côté du camp, où l'abord était moins<br />

difficile que sur le reste <strong>de</strong> la circonférence du promontoire.


— 180 —<br />

<strong>de</strong> frise, dont les débris réduits en charbon ont été trouvés<br />

au couronnement <strong>de</strong> l'épaulement dont le profil en<br />

travers accuse évi<strong>de</strong>mment l'art militaire <strong>de</strong>s Romains.<br />

Il m'a suffi <strong>de</strong> parcourir l'ensemble du promontoire<br />

pour y trouver plusieurs débris <strong>de</strong> flèches en silex à une<br />

arête et <strong>de</strong> couteaux gaulois présentant <strong>de</strong>ux côtes sur<br />

la partie dorsale toujours légèrement cambrée, et à bords<br />

tellement tranchants qu'on pouvait parfaitement s'en<br />

servir pour tout usage. Le plateau présente également<br />

<strong>de</strong>s débris <strong>de</strong> tuiles et <strong>de</strong> poterie romaine. On y a trouvé<br />

autrefois <strong>de</strong>s sarcophages.<br />

J'ai offert ma petite récolte à M. l'abbé Litonois, curé<br />

<strong>de</strong> Gouvieux. Il a <strong>de</strong> suite fait, <strong>de</strong> son côté, <strong>de</strong> nouvelles<br />

recherches, et a augmenté, non sans un vif plaisir, sa<br />

collection d'armes en silex ; car c'est un homme studieux,<br />

fervent ami <strong>de</strong> ce camp, qui est une illustration <strong>de</strong> sa<br />

paroisse. Il a fait, lui-même, le don <strong>de</strong> ses trouvailles au<br />

Comité archéologique <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>.<br />

Il est possible qu'un examen <strong>de</strong> détail fasse reconnaître<br />

sur la ligne frontière <strong>de</strong>s anciens Silvanectes d'autres<br />

points <strong>de</strong> défense <strong>de</strong>s Gaulois non loin du cours <strong>de</strong> l'Oise.<br />

Un chemin très-ancien qui, à partir <strong>de</strong> la voie gauloise<br />

vers le point nommé la Chaussée, allait, contournant le<br />

camp <strong>de</strong> Gouvieux, et gagnait l'Oise à l'endroit où<br />

existait, avant le barrage établi un peu plus loin, un<br />

bas fond, avec un ilôt, tout à fait convenable pour l'établissement<br />

d'un gué, placé au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> l'embouchure <strong>de</strong><br />

la Nonette, au lieu dit <strong>de</strong> Toute-Voie. Cette route qui<br />

contourne le camp <strong>de</strong> Gouvieux, ne serait-elle pas une<br />

modification <strong>de</strong> Torte-Voie, qui s'explique d'elle seule


— 181 —<br />

par la courbure qu'elle décrit autour du promontoire?<br />

Je ne serais pas surpris que quelque acte ancien vînt<br />

confirmer un jour cette proposition.<br />

L'oppidum <strong>de</strong> Gouvieux s'étendait certainement bien<br />

au-<strong>de</strong>là du retranchement, œuvre <strong>de</strong>s Romains.<br />

Les Gaulois choisissaient pour refuge <strong>de</strong>s lieux assez<br />

vastes pour tenir leurs troupeaux enfermés dans la gran<strong>de</strong><br />

enceinte. Le camp gaulois, comme on peut le voir sur<br />

les cartes topographiques, se prolongeait, en conservant<br />

sa disposition d'isolement, jusqu'au hameau <strong>de</strong> la Chaussée,<br />

qui a pris évi<strong>de</strong>mment son nom du passage d'une<br />

voie romaine, comme le prouve le pavimentum qui a été<br />

trouvé à 2 m en contre-bas <strong>de</strong> la route actuelle, pendant<br />

l'exécution <strong>de</strong> travaux entrepris récemment sur ce point.<br />

Il a été facile <strong>de</strong> reconnaitre la couche épaisse <strong>de</strong> ciment<br />

sur laquelle reposent les dalles. C'est l'unique échantillon<br />

<strong>de</strong> pavimentum que je connaisse dans cette contrée.<br />

A ce point, le promontoire, là même où le terrain s'infléchit,<br />

offre la trace d'autres travaux <strong>de</strong> défense, une<br />

frette probablement. On y construisit au moyen-âge un<br />

. château-fort qui forma cette partie <strong>de</strong> l'enceinte, complétée<br />

par les marais et les eaux <strong>de</strong> la Nonette.<br />

Je dois, par discrétion, laisser à M. Litonois le soin <strong>de</strong><br />

publier ses étu<strong>de</strong>s sur la campagne <strong>de</strong> J. César contre les<br />

Bellovaques. Il trouve à Gouvieux même le fameux oppidum<br />

<strong>de</strong>s Bellovaques, et les autres phases ou actions, à<br />

proximité; le tout sur la rive gauche <strong>de</strong> l'Oise. Nous<br />

avons parcouru ensemble les lieux où il en place les<br />

épiso<strong>de</strong>s principaux. Il a consenti avec toute bonne, grâce,


— 182 —<br />

à changer la position qu'il donnait d'abord aux <strong>de</strong>ux<br />

camps, à rétablir, sur le camp dit <strong>de</strong> César, l'oppidum <strong>de</strong>s<br />

Gaulois, ,et à placer sur la colline voisine, à l'est, le lieu<br />

choisi par les Romains, en face <strong>de</strong>s Bellovaques. Cela<br />

fait, j'avoue en toute sincérité que les raisons que m'a<br />

données mon savant et convaincu collègue <strong>de</strong> ses préférences<br />

pour Gouvieux et ses environs, m'ont paru trèsjudicieuses.<br />

Toutefois, je trouve aussi que l'emplacement<br />

d'Offemont, tel que je l'ai donné, est bon et soli<strong>de</strong> (1) !!<br />

Quelques mots <strong>de</strong> plus, s'ils avaient été ajoutés au<br />

texte <strong>de</strong> l'historien, tireraient d'embarras les personnes<br />

qui s'obstinent à chercher le vrai sens <strong>de</strong> ces récits<br />

énigmatiques où l'on trouve le mot <strong>de</strong> double ou triple<br />

façon, même en l'étudiant sur le terrain.<br />

Camp <strong>de</strong> César à Catenoy.<br />

En raison <strong>de</strong> la proximité <strong>de</strong>s lieux, je rappellerai ici<br />

le camp <strong>de</strong> Catenoy, près <strong>de</strong> Sacy-le-Grand. On ne saurait<br />

y méconnaître une place <strong>de</strong> refuge analogue à celle <strong>de</strong><br />

Gouvieux. Mais celle-ci, située au nord <strong>de</strong> l'Oise, servait<br />

nécessairement <strong>de</strong> point <strong>de</strong> défense à une peupla<strong>de</strong> gauloise<br />

autre que celle <strong>de</strong>s Silvanectes.<br />

Le Musée <strong>de</strong> Beauvais renferme une foule d'objets <strong>de</strong><br />

guerre et d'industrie gauloise qui ont été recueillis par<br />

M. Ledicte-Duflos, et par mon digne ami M. Houbigant,<br />

sur remplacement <strong>de</strong> cet oppidum.<br />

(1) Recherches sur la eampagae <strong>de</strong> J. César contre les Bellovaques.<br />

1863, in-8°.


— 183 —<br />

Chemins gaulois.<br />

Ces routes, les plus anciennes que l'homme en société<br />

ait établies, n'étaient originairement que <strong>de</strong>s sentiers,<br />

avant qu'il eût commencé d'employer le cheval attelé ou<br />

le bœuf. Elles ont pris naturellement l'aspect <strong>de</strong> cavées,<br />

<strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s entailles, sur tous les points où la déclivité<br />

du terrain, le défaut <strong>de</strong> cohésion ou la désagrégation <strong>de</strong>s<br />

matériaux, <strong>de</strong>s sables surtout, facilitaient leur entraînement<br />

sur les pentes. Les ruisseaux <strong>de</strong>sséchés forment<br />

<strong>de</strong>s passages bien disposés et ensablés pour <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s<br />

sentiers.<br />

Dans les pays plats eux-mêmes, la fréquence du passage<br />

dans les terres meubles ou dans les sables se reconnaît<br />

à la fissure fréquemment accusée.<br />

Les Gaulois, comme je l'ai dit dans mon premier Mémoire<br />

sur ce sujet (1), ont eu un système particulier<br />

<strong>de</strong> routes : « Tandis que les Romains construisent<br />

» les routes avec un luxe <strong>de</strong> solidité qui a pour ainsi<br />

» dire éternisé ces ouvrages <strong>de</strong> Pharaons, marchent<br />

» droit au but, surmontent les obstacles, comblent<br />

» les vallées, jètent <strong>de</strong>s ponts hardis et donnent à la<br />

» chaussée un relief qui permet <strong>de</strong> suivre au loin<br />

» leur tracé; au contraire, les Gaulois, tout en pra-<br />

» tiquant leurs chemins aussi directement que le per-<br />

» mettaient les difficultés <strong>de</strong>s terrains qu'ils tournaient<br />

(1) Recherches sur la position <strong>de</strong> divers lieux du Soissonnais, t. xiv<br />

<strong>de</strong>s Mém.<strong>de</strong> la Société <strong>de</strong>s Antiquaires <strong>de</strong> Picardie, 1856. La lecture<br />

en fut faite dans la séance du 30 juin <strong>de</strong> la même année.)


- 184 -<br />

» et n'affrontaient pas, leur ont laissé un caractère tout<br />

» particulier qui se révèle par <strong>de</strong> fréquentes ondulations.<br />

» Loin d'être en saillie, ces routes sont généralement en-<br />

» caissées ; elles offrent en rase campagne une largeur<br />

» suffisante pour le passage <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux chars ; la voie est<br />

» réduite <strong>de</strong> moitié si l'encaissement est profond. Evi-<br />

» tant avec adresse les cours d'eau, les Gaulois connais-<br />

» saient cependant l'art <strong>de</strong> construire <strong>de</strong>s ponts formés<br />

» par <strong>de</strong>s lignes <strong>de</strong> pieux reliés par <strong>de</strong>s traverses. Mais,<br />

» le plus souvent, ils choisissaient, pour le passage <strong>de</strong>s ri-<br />

» vières, les endroits guéables, et pratiquaient <strong>de</strong>s bacs<br />

» près <strong>de</strong> ces points, pour la traversée au moment <strong>de</strong>s<br />

» basses eaux. »<br />

Quelques observations isolées, insérées dans le recueil<br />

<strong>de</strong>s Antiquaires <strong>de</strong> Normandie, par MM. Le Prévost,<br />

Gaillard, Feret et <strong>de</strong> Gerville, indiquent bien que cette<br />

particularité d'aspect <strong>de</strong> certains chemins anciens avait<br />

frappé leur attention.<br />

M. Norris Brewer les a également signalés, mais sans les<br />

considérer comme faisant partie d'un système complet <strong>de</strong><br />

viabilité. Tous disent seulement que quelques-unes <strong>de</strong> ces<br />

routes sont, peut-être, antérieures à la conquête romaine.<br />

M. <strong>de</strong> Caumont, dont le nom ne doit être prononcé<br />

qu'avec respect et gratitu<strong>de</strong>, car sa science et son dévouement<br />

ont puissamment servi à répandre l'entraînement<br />

vers les étu<strong>de</strong>s archéologiques, résume en ces termes<br />

l'état où se trouvaient les connaissances acquises jusquelà.<br />

(Tom. I, p. 201, Cours d'Antiquités monumentales).<br />

« On ne peut douter que les Gaulois, qui transportaient<br />

» leurs <strong>de</strong>nrées et leurs marchandises sur <strong>de</strong>s chevaux


— 185 —<br />

» ou <strong>de</strong>s chariots, n'eussent <strong>de</strong>s routes pour communi-<br />

» quer d'une contrée à l'autre, et pour accé<strong>de</strong>r aux<br />

» établissements <strong>de</strong> quelque importance; mais il est<br />

» bien difficile aujourd'hui <strong>de</strong> reconnaître ces anciennes<br />

» voies, faites sans art et qui n'avaient pas <strong>de</strong> caractères<br />

» tranchés comme les voies romaines. »<br />

M. <strong>de</strong> Caumont termine par une observation très-juste :<br />

« Ces voies, » dit-il, « n'étaient pas préparées ; elles ne<br />

» consistaient le plus souvent qu'en trouées percées dans<br />

» les bois, et se divisaient fréquemment en embranche-<br />

» ments parallèles. »<br />

D'autres auteurs ont donné quelques observations analogues,<br />

mais on peut dire, en résumé, que les caractères<br />

<strong>de</strong>s chemins gaulois n'ont pas encore été étudiés en détail,<br />

ni leur réseau tracé sur les diverses parties <strong>de</strong>s<br />

territoires.<br />

En effet, Bergier, dans son livre classique sur les chemins<br />

romains, se tait complètement à leur égard. Les<br />

livres spéciaux sur cette matière, tels que l'ouvrage <strong>de</strong><br />

J. Schœffer, <strong>de</strong> Strasbourg [<strong>de</strong> Re vehiculari veterum,<br />

1 vol. in-4°, 1637, avec le supplément par Ligori), le<br />

traité <strong>de</strong> Ginzrot (2 vol. in-4° : allemand. Munich, 1807),<br />

et le travail plus récent <strong>de</strong> M. Am. Thierry <strong>de</strong> l'Institut,<br />

sur l'histoire <strong>de</strong>s Gaulois, ne traitent pas cette question,<br />

qui sera pourtant <strong>de</strong>s plus intéressantes, lorsque <strong>de</strong> nombreux<br />

rameaux bien étudiés dans leurs rapports avec les<br />

branches diverses et les troncs principaux, auront amené<br />

la lumière sur ce sujet qui mérite <strong>de</strong> former une partie<br />

séparée dans la géographie et la topographie anciennes<br />

<strong>de</strong> la France et <strong>de</strong> tous les pays anciennement habités.


— 186 —<br />

II faut d'abord, sur tous les points, étudier et décrire<br />

les tronçons caractérisés, et je ne saurais trop y inviter<br />

les archéologues. Plus tard on procé<strong>de</strong>ra à leur réunion.<br />

J'en ai parlé pour la première fois, à l'occasion <strong>de</strong> la<br />

<strong>de</strong>scription du Chemin <strong>de</strong> la Barbarie, voie gauloise<br />

préexistante à l'époque <strong>de</strong> la conquête par les Romains,<br />

et établissant une communication directe <strong>de</strong> la Germanie<br />

jusques à la frontière <strong>de</strong> la Gaule, voisine <strong>de</strong> la<br />

Gran<strong>de</strong>-Bretagne. Dès-lors, j'ai constaté, dans le Mémoire<br />

précé<strong>de</strong>mment cité, qu'ils n'étaient pas établis en<br />

chaussées, ce qui, par conséquent, se trouve être à l'inverse<br />

<strong>de</strong>s chemins romains, au relief saillant, dont la<br />

construction en forme bombée par le travers, est <strong>de</strong><br />

règle constante.<br />

En appliquant cette règle au <strong>Senlis</strong>is, à un passage en<br />

cavée, si mes conjectures étaient fondées, on <strong>de</strong>vait<br />

rencontrer sur les flancs du vallon dans lequel coule la<br />

petite rivière <strong>de</strong> l'Onette , les traces <strong>de</strong>s communications<br />

fréquentes entretenues dans la direction <strong>de</strong> l'Oise et <strong>de</strong>s<br />

pays du Nord, dès la plus haute antiquité, puisque c'était<br />

le passage obligé pour arriver <strong>de</strong> ce côté à l'oppidum<br />

reculé <strong>de</strong>s Silvanectes.<br />

Gomme il m'était démontré par d'autres exemples, pris<br />

dans la Gaule-Belgique, que les Gaulois choisissaient les<br />

points guéables pour traverser les rivières, quand la hauteur<br />

<strong>de</strong> l'eau et la nature du fond <strong>de</strong>s rivières le permettaient,<br />

j'avisai le point où existe aujourd'hui le hameau <strong>de</strong><br />

Villevert. Son nom me paraissait répondre à l'étymologie<br />

Barrum, dont j'ai déjà appliqué le radical à plusieurs passages<br />

fortifiés du Soissonnais, tels que Pontavaire, Pont-


— 187 —<br />

vert, Pont <strong>de</strong> la Barre, Bac à Bairi, Bac à Berry et les dérivés<br />

<strong>de</strong> barrage, barrière, etc. (1). Le mot ville avait<br />

dû s'y joindre pendant le temps <strong>de</strong> la domination<br />

romaine.<br />

D'un autre côté, la disposition générale <strong>de</strong>s terrains<br />

qui présentent une masse <strong>de</strong> calcaire compact, connue,<br />

suivant la qualité <strong>de</strong> la pierre, sous le nom <strong>de</strong> clicart,<br />

<strong>de</strong> roche ferrée, ou <strong>de</strong> liais <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, me donnait la<br />

certitu<strong>de</strong> que l'on trouverait, une fois la route gauloise<br />

mise à nu, les ornières plus ou moins profondément<br />

tracées dans le calcaire, et je pus ainsi pronostiquer une<br />

largeur <strong>de</strong> la voie dans une dimension <strong>de</strong> un mètre cinq<br />

centimètres environ entre le passage <strong>de</strong> l'une et l'autre<br />

roue.<br />

En effet, les exemples ne me manquaient pas. Outre<br />

les indications qui m'avaient été fournies dès l'abord par<br />

les tronçons abandonnés du chemin <strong>de</strong> la Barbarie, sur<br />

(1) J'ai vu <strong>de</strong>rnièrement une miniature d'un manuscrit du xiv e siècle<br />

dans la <strong>Bibliothèque</strong> du prince Corsini à Rome. Ce livre porte le nom<br />

<strong>de</strong> Spéculum salvationis humanœ. Une <strong>de</strong>s images représente la Sainte-<br />

Vierge dans une forteresse avec l'explication suivante :<br />

Hec est imago sancte Virginis Marie que est propugnaculum contra ma-<br />

ta: et plus bas on lit; : Hec fortericia vulgo nominatur Barrys.<br />

Dans les manuscrits du même ouvrage (fonds latin, n° 9584 à 9586,<br />

Bibl. imp.}, on trouve le passage suivant joint à la représentation<br />

d'une tour gardée à l'intérieur par <strong>de</strong>ux personnages.<br />

Turris, barris, significant Mariam. Quapropter Virgo tam sancta et<br />

tam singularis comparatur etiam turri cujus vocabulum est Barris que<br />

<strong>de</strong>fendi potest ab omnibus viventibus. duobus custodibus istam custo-<br />

dientibus.


- 188 —<br />

la montagne du Soissonnais, ainsi que près <strong>de</strong> Nampcel<br />

et <strong>de</strong> Morienval, j'avais d'autres témoignages à ajouter<br />

à mes premières observations, pour mieux préciser la<br />

largeur entre ornières sur les voies gauloises.<br />

Je fus conduit à Alaise, en 1860, par un homme <strong>de</strong><br />

haute intelligence ainsi que d'un parfait dévouement à<br />

la science <strong>de</strong> l'archéologie, et particulièrement à la cause<br />

<strong>de</strong> l'Alesia <strong>de</strong> la Franche-Comté, M. Delacroix, <strong>de</strong> Besançon;<br />

je pus y reconnaître la marque certaine <strong>de</strong><br />

ces voies étroites, soit sur les montagnes près <strong>de</strong><br />

la ville, où ils portent le nom <strong>de</strong> Chemin <strong>de</strong>s Merciers,<br />

soit à Alaise, tout le long <strong>de</strong> cette curieuse digitation<br />

qui porte le nom <strong>de</strong>s Chastaillons. C'est là même qu'on<br />

peut admirer les traces <strong>de</strong> plusieurs centaines <strong>de</strong> Cabor<strong>de</strong>s<br />

circulaires, et quelquefois en quadrilatères irréguliers.<br />

La terre qui garnissait la base <strong>de</strong> ces habitations<br />

s'y trouve encore en place et forme un bourrelet qui indique<br />

le point où venait s'implanter la base <strong>de</strong>s perches qui<br />

se réunissaient à leur sommet, laissant libre seulement<br />

le passage pour la fumée du foyer <strong>de</strong> ces habitations primitives.<br />

Nulle part, on ne trouve mieux conservés les<br />

murs grossiers <strong>de</strong>s Gaulois, formés <strong>de</strong> plaquettes calcaires<br />

, amoncelées à peu près et alignées sans addition<br />

<strong>de</strong> mortier pour la consolidation du travail.<br />

C'est précisément autour <strong>de</strong> cette ville gauloise que<br />

l'on peut voir ces milliers <strong>de</strong> tumulus, véritable nécropole,<br />

qui prouve l'importance <strong>de</strong> celte cité si ancienne.<br />

M. Delacroix avait également reconnu au lieu <strong>de</strong> la<br />

Langutine le passage à l'Est dans l'enceinte <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong><br />

ville d'Alaise, et les Camps Barons qui le protégeaient.


— 189 —<br />

La largeur <strong>de</strong> la trouée dans le rocher, qui forme une<br />

sorte <strong>de</strong> rempart, suffisait, comme dans la Gaule du Nord,<br />

pour le passage d'un char à voie étroite.<br />

Telles étaient les indications qui me servaient à asseoir<br />

l'opinion que j'avais exprimée sur la gran<strong>de</strong> probabilité<br />

du succès <strong>de</strong>s fouilles à Villevert.<br />

Effectivement, quelques jours s'étaient à peine écoulés,<br />

lorsque j'eus la satisfaction d'apprendre, par une lettre <strong>de</strong><br />

M. le Prési<strong>de</strong>nt du Comité archéologique <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, que la<br />

recherche immédiatement entreprise sur la pente près du<br />

vallon <strong>de</strong> l'Onette, dans une sorte <strong>de</strong> fossé qui conduisait<br />

à la rivière à proximité <strong>de</strong> la voie romaine, avait bientôt<br />

mis en parfaite évi<strong>de</strong>nce l'existence d'une voie ancienne<br />

ignorée jusque-là, enfouie qu'elle était. La largeur entre<br />

les <strong>de</strong>ux ornières, d'après les traces laissées sur la masse<br />

calcaire était bien <strong>de</strong> un mètre cinq centimètres environ,<br />

et la profon<strong>de</strong>ur du sillon <strong>de</strong> six à sept centimètres (4).<br />

On avait <strong>de</strong> plus recueilli le témoignage important <strong>de</strong><br />

M. Gosselin, ingénieur <strong>de</strong>s Ponts-et-Chaussées, qui avait<br />

remarqué ce chemin à voie étroite, insolite, lorsqu'on<br />

avait ouvert la tranchée pour établir un pont sur la voie<br />

ferrée <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>. Il avait jugé, dès-lors, que si l'on prolongeait<br />

vers <strong>Senlis</strong> la fouille exécutée pour les fondations<br />

<strong>de</strong> la maçonnerie, la direction <strong>de</strong> cette voie, dans les<br />

mêmes conditions, on pourrait voir se continuer l'étroitesse<br />

exceptionnelle <strong>de</strong> l'intervalle entre les ornières.<br />

(i) On ne peut mesurer qu'approximativement la largeur <strong>de</strong> la voie<br />

par celle <strong>de</strong>s ornières, car il y a nécessairement un va et vient, un cahotage<br />

qui rongent les bords du sillon, à l'un ou l'autre côté.


— 190 —<br />

Je me hâtai d'aller visiter ce tronçon nouvellement mis<br />

à découvert par les soins du Comité <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, me disposant<br />

à partir peu <strong>de</strong> jours après pour l'Italie, où<br />

je <strong>de</strong>vais trouver, par la comparaison <strong>de</strong>s voies romaines<br />

avec les voies gauloises, la preuve <strong>de</strong> la différence <strong>de</strong><br />

longueur <strong>de</strong>s essieux, ou <strong>de</strong> la largeur <strong>de</strong> la voie charretière,<br />

et saisir, par la déduction à tirer <strong>de</strong> ce fait incontestable,<br />

l'indication d'un <strong>de</strong>s motifs qui déterminèrent les<br />

conquérants <strong>de</strong> la Gaule et <strong>de</strong>s contrées septentrionales <strong>de</strong><br />

l'Europe à construire, immédiatement après leur prise <strong>de</strong><br />

possession, <strong>de</strong>s chemins spéciaux pour le transport <strong>de</strong><br />

leurs chars <strong>de</strong> guerre et d'approvisionnement.<br />

. Dernièrement, j'ai pu constater un autre exemple <strong>de</strong><br />

voie gauloise, à Gouvieux, sur le passage d'un chemin<br />

qui offre <strong>de</strong>s signes irrécusables <strong>de</strong> la condition d'étroitesse<br />

que j'ai signalée. Là, se trouve une route, maintenant<br />

abandonnée, qui traverse la plaine dite <strong>de</strong>s Vignes. Elle<br />

aboutit à un tertre sableux profondément sillonné, voisin<br />

du point où une voie <strong>de</strong> l'époque romaine, traversant<br />

les hauteurs du Mont <strong>de</strong> Pô, vient s'y relier pour<br />

gagner la chaussée très-ancienne qui, <strong>de</strong> la Morlaye et<br />

par conséquent <strong>de</strong>s parages du pays <strong>de</strong>s Parisii conduisait<br />

à Credolium et <strong>de</strong> là au pays <strong>de</strong>s Bellovaci et <strong>de</strong>s<br />

Ambiani (1).<br />

(1) Je dois signaler, ici, une particularité remarquable.<br />

Une roche compacte, en face du village <strong>de</strong> Gouvicux, se<br />

montre en travers du chemin très-ancien <strong>de</strong> la plaine (au lieu dit<br />

les Vignes). Le passage <strong>de</strong>s chars y a laissé <strong>de</strong>ux empreintes profon<strong>de</strong>s,<br />

placées à 1 mètre environ d'écartement. Puis sur l'un <strong>de</strong>s côtés<br />

seulement, on voit figurer une 3e ornière ; celle-ci à 32 centimètres <strong>de</strong>


On trouve <strong>de</strong> semblables traces : 1° à l'entrée du chemin<br />

gaulois établissant une communication <strong>de</strong> la route<br />

<strong>de</strong>s Tombes, près <strong>de</strong> Coye (Oise) avec le commencement<br />

<strong>de</strong> la chaussée Brunehaut qui se continue vers <strong>Senlis</strong>,<br />

distance <strong>de</strong> celle qui appartient h la voie étroite primitive.<br />

N'est-il pas évi<strong>de</strong>nt que les <strong>de</strong>ux premiers sillons marquent la voie<br />

gauloise, et le 3 e , l'écartement <strong>de</strong>s roues <strong>de</strong>s chars romains?<br />

Ce chemin dut être très fréquenté : il conduisait à la Chaussée <strong>de</strong><br />

Gouvieux, passage obligé pour gagner Creil [Credolium], et le pays<br />

<strong>de</strong>s Bellovaci ; d'un autre côté, il contournait près <strong>de</strong> St.-Leu d'Esserent,<br />

l'oppidum qui maintenant porte le nom <strong>de</strong> Camp <strong>de</strong> César, terrain natu-<br />

rellement fortifié et qui prit, je le crois, le nom <strong>de</strong> Condate (Condatum),<br />

comme tant d'autres, en raison <strong>de</strong> sa position au confluent <strong>de</strong> l'Aunette<br />

et <strong>de</strong> l'Oise. Ce nom <strong>de</strong> Condate fréquemment employé, en pareille cir-<br />

constance, est probablement celtique dans sa terminaison; le nom <strong>de</strong><br />

Confluens, entièrement latin, l'a remplacé.<br />

Le nom <strong>de</strong> Gouvieux me paraît indiqué dans le lieu nommé Convi-<br />

cinum secus Silvanectum, siège, en l'an 863, d'un Concile où se traitè-<br />

rent les affaires relatives aux poursuites dirigées par Hincmar, le<br />

fameux archevêque <strong>de</strong> Reims, contre Rothal<strong>de</strong>, évèque <strong>de</strong> Soissons.<br />

M. Graves, parlant d'une transaction entre le Chapitre <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> et<br />

le prieuré <strong>de</strong> St.-Leu d'Esserent (jauvier 1247), cite le nom que portait<br />

alors la Chaussée <strong>de</strong> Gouvieux (Subtus Calceiam versus Govix.)<br />

J'ai trouvé <strong>de</strong> mon côté dans les Archives <strong>de</strong> la Préfecture <strong>de</strong> l'Oise<br />

un titre du XII e siècle dans les cartons relatifs au même prieuré, qui jette<br />

une vive lumière sur cette étymologie. Gouvieux y est nommé<br />

Guvisin (Ecclesia sancti Lupi <strong>de</strong> Asserens, 28-4).<br />

Or, comme Conventus a fait Couvent, et d'après d'autres exemples où<br />

le G a remplacé le C, Vicinus étant bien près <strong>de</strong> la finale actuelle<br />

Vieux, le nom du Gouvieux actuel ne peut-il pas provenir <strong>de</strong><br />

Convicinum ?<br />

— 191 —<br />

Je laisse à d'autres le soin <strong>de</strong> pousser plus loin cette investigation.<br />

Je me suis contenté d'indiquer, comme possible, cette origine.


— 192 —<br />

Champlieu, etc. La contrée <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> doit en offrir <strong>de</strong><br />

nombreux exemples analogues, encore inconnus.<br />

Je crois rester en plein dans la thèse dont je m'occupe,<br />

en donnant quelques détails au sujet <strong>de</strong> l'industrie<br />

<strong>de</strong>s anciens appliquée aux voitures et au mo<strong>de</strong> d'altelage,<br />

et en indiquant les conséquences résultant <strong>de</strong> leurs<br />

conditions différentes.<br />

Au premier abord, on reconnaît que le climat et la<br />

nature <strong>de</strong>s terrains durent, dès l'origine <strong>de</strong>s sociétés,<br />

amener une différence notable entre les chemins et par<br />

suite entre les véhicules (chars et chariots), dans les contrées<br />

du Midi et du Nord. En effet, en Asie, en Afrique,<br />

dans la Grèce, l'Etrurie, l'Italie et l'Espagne, la terre<br />

présente une surface ordinairement pierreuse, qui résiste<br />

parfaitement à l'action <strong>de</strong>s roues, tandis que dans les pays<br />

septentrionaux la couche d'humus est généralement profon<strong>de</strong>,<br />

et la terre s'y trouve souvent détrempée par les pluies.<br />

Comme les forêts y couvraient autrefois une gran<strong>de</strong> partie<br />

du sol, le soleil ne pouvait assécher les routes, si ce n'est<br />

dans la courte pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'été, et alors l'argile, en se<br />

durcissant, solidifiait les parois <strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>s et étroites<br />

ornières, ce qui rendait nécessaire l'usage <strong>de</strong>s charrettes,<br />

dont les <strong>de</strong>ux roues pouvaient mieux se dégager du sillon.<br />

Aussi, dans les contrées méridionales, où les ornières sont<br />

pour ainsi dire inconnues, là manœuvre du chariot à<br />

quatre roues dut en tout temps être plus facile que<br />

dans les pays septentrionaux.<br />

Chemins romains.<br />

L'attelage à <strong>de</strong>ux chevaux ou autres bêtes <strong>de</strong> trait,


— 193 —<br />

placés <strong>de</strong> front, était également usité presque généralement<br />

chez les Romains et les autres peuples, dans les<br />

contrées méridionales. Les monuments <strong>de</strong> l'antiquité en<br />

fournissent la preuve.<br />

A cet égard, le témoignage le plus positif résulte <strong>de</strong><br />

la disposition du pavage <strong>de</strong>s rues, et surtout <strong>de</strong>s ruelles<br />

<strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Pompeia, exhumée après dix-huit siècles<br />

d'enfouissement sous la cendre du Vésuve.<br />

Vue d'une rue <strong>de</strong> Pompeia.<br />

14


— 194 —<br />

Dans le parcours <strong>de</strong>s rues étroites où la voie carrossable,<br />

dans le centre, n'était réservée que pour un<br />

seul char, les roues circulant forcément sur la même<br />

ligne, entre les <strong>de</strong>ux trottoirs latéraux, ont creusé <strong>de</strong><br />

Vue d'une autre rue <strong>de</strong> Pompeia.<br />

chaque côté, et à la distance <strong>de</strong> 1 mètre 35 centimètres,<br />

suivant l'observation faite par M. E. Breton (1), une<br />

ornière nettement accusée. Dans la partie centrale <strong>de</strong><br />

(1) Pompei, 1 vol. in-8°, p. 28.


— 198 —<br />

l'espace carrossable, on voit au croisement <strong>de</strong> certaines<br />

rues, se projeter en saillie <strong>de</strong> véritables marches<br />

en matières volcaniques, soli<strong>de</strong>ment implantées dans le<br />

pavimentum, et disposées pour faciliter aux piétons le<br />

passage, hors <strong>de</strong> l'atteinte <strong>de</strong> la poussière ou <strong>de</strong> la boue.<br />

Elles offrent une longueur moyenne <strong>de</strong> 70 centimètres et<br />

une largeur <strong>de</strong> 40 centimètres en moyenne. Quelques-unes<br />

ont une largeur exceptionnelle plus que doublée. Le frottement<br />

<strong>de</strong>s roues les a ovalisées à leur extrémité. La circulation<br />

y aurait été souvent interrompue, n'eût été<br />

l'usage dès longtemps pratiqué par les conducteurs d'avertir<br />

à l'arrivée d'un char dans l'espace étroit, en frappant<br />

un timbre métallique sonore ; cette précaution bien connue<br />

suffisait (1). Les rues larges offrent plusieurs <strong>de</strong> ces<br />

marches alignées et ayant l'écartement voulu.<br />

Évi<strong>de</strong>mment, un cheval lancé n'aurait pu franchir ces<br />

heurts dont la hauteur est <strong>de</strong> 20 centimètres environ ;<br />

attelés qu'ils eussent été à un brancard. Mais, au contraire,<br />

<strong>de</strong>ux chevaux accouplés <strong>de</strong> l'un et <strong>de</strong> l'autre côté<br />

du limon trouvaient parfaitement place entre ces bancs<br />

<strong>de</strong> pierre et les ornières. La longueur <strong>de</strong> l'essieu était<br />

bien la même sur tous les points, car j'ai trouvé un<br />

semblable écartement <strong>de</strong> 1 mètre 35 centimètres entre<br />

les ornières, sur le pavé très-étroit d'un ancien chemin<br />

<strong>de</strong> Pouzzoles, non loin <strong>de</strong> la Solfatare.<br />

(1) M. Albert Lenoir (T. II, p. 158, Architecture monastique), rapporte<br />

qu'on a trouvé ces tintinnabula aux angles <strong>de</strong>s rues étroites <strong>de</strong> Pompeia<br />

; leur forme était celle d'un disque percé d'un trou pour le suspendre.<br />

On les employa longtemps dans les monastères <strong>de</strong> l'Orient.


— 196 —<br />

Les <strong>de</strong>ux gravures ci-jointes, copiées sur <strong>de</strong>s photographies<br />

font parfaitement connaitre ces dispositions <strong>de</strong>s<br />

rues <strong>de</strong> Pompeii,<br />

J'ai reçu <strong>de</strong> M. Minervini, le savant archéologue <strong>de</strong><br />

Naples, plusieurs cotes <strong>de</strong>s espaces qui séparent les<br />

marches saillantes et qui s'accor<strong>de</strong>nt toutes avec les<br />

passages nécessaires pour attelages par paires <strong>de</strong> bêtes<br />

<strong>de</strong> trait.<br />

L'une <strong>de</strong> ces rues, dont le nom, Vicolo di Mercurio,<br />

indique l'étroitesse, servait pour le passage d'un seul<br />

char.<br />

Gomme il existe, là, <strong>de</strong> chaque côté, soixante centimètres<br />

libres, il y avait parfaitement place pour un cheval<br />

et pour une ornière en bordure. Mais, ici, la rangée<br />

unique <strong>de</strong>s marches, toutes placées au milieu <strong>de</strong> la voie,<br />

ayant une largeur exceptionnelle variant <strong>de</strong> soixante-dix<br />

centimètres à un mètre, il est évi<strong>de</strong>nt, dès-lors, que ces<br />

dimensions auraient rendu le passage impossible pour un<br />

équipage attelé suivant le mo<strong>de</strong> actuel.<br />

En effet, aujourd'hui, les bêtes <strong>de</strong> trait sont maintenues<br />

le long <strong>de</strong> la flèche à l'ai<strong>de</strong> d'une courroie qui, <strong>de</strong><br />

son extrémité, dépassant un peu l'attelage, va se boucler<br />

soit au bas du collier soit au <strong>de</strong>vant <strong>de</strong> la bricole ou<br />

poitrinière. Ces pièces dans les moments <strong>de</strong> recul ou<br />

d'efforts <strong>de</strong> côté restent fixées au corps <strong>de</strong> l'animal,<br />

retenues qu'elles sont par la partie du harnais qui porte<br />

le nom d'avaloire, sur laquelle porte la résistance dans<br />

le mouvement en arrière.<br />

La traction se fait à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s traits qui ont leur point


— 197 —<br />

d'attache en avant sur le centre du collier ou <strong>de</strong> la bricole,<br />

et sont reliés en arrière à une barre dite d'attelage, qui<br />

elle-même se prête à <strong>de</strong>s mouvements bornés, étant fixée,<br />

par le milieu seulement, à l'ai<strong>de</strong> d'une courroie, à la<br />

traverse <strong>de</strong> <strong>de</strong>vant du chariot.<br />

Quand l'attelage est complet, c'est-à-dire, pourvu <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux bêtes <strong>de</strong> trait accouplées, les mouvements à droite<br />

et à gauche sont faciles ; le conducteur entraîne les animaux<br />

à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s gui<strong>de</strong>s, l'avant-train suit la direction<br />

imprimée à la flèche.<br />

S'il arrive qu'il n'y ait qu'un seul animal attelé sur<br />

un <strong>de</strong>s côtés <strong>de</strong> la flèche, ce qui est fréquent dans les<br />

pays où l'usage du chariot est pour ainsi dire exclusif,<br />

et je citerai pour la France Lille et ses environs, la<br />

manœuvre se fait néanmoins parfaitement, même avec<br />

<strong>de</strong>s chariots qui ont <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s dimensions. Il est vrai<br />

que dans cette contrée, les chevaux sont énormes.<br />

Les chars <strong>de</strong>s anciens étaient loin d'avoir l'ampleur<br />

<strong>de</strong> ces véhicules usités dans le nord <strong>de</strong> la France. Si les<br />

chevaux <strong>de</strong>s Romains étaient petits, sans doute les chars<br />

étaient <strong>de</strong> taille proportionnée. Tout me porte à croire<br />

que les chevaux ou mulets pouvaient être attelés isolément<br />

au besoin sur l'un <strong>de</strong>s côtés du timon pour entraîner le<br />

véhicule, la charge étant nécessairement réduite.<br />

J'avais vu à Londres, à Liverpool, au Havre <strong>de</strong>s montagnes<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>nrées transportées sur <strong>de</strong>s haquets énormes,<br />

à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> chevaux, véritables colosses. Dans ces gran<strong>de</strong>s<br />

villes, vaisseaux, magasins, tout s'y trouve à l'unisson<br />

et offre <strong>de</strong>s proportions qui étonnent l'œil.


— 198 —<br />

II faut le dire, l'industrie et le commerce apparaissent<br />

d'une façon bien mesquine dans la représentation vivante<br />

<strong>de</strong> cette ancienne ville maritime <strong>de</strong> Pompeia. Il n'est<br />

personne qui ne soit frappé, comme je l'ai été moi-même,<br />

en comparant la différence <strong>de</strong> mouvement et <strong>de</strong>s proportions<br />

<strong>de</strong>s organes. Il y a loin <strong>de</strong>s docks actuels aux petites<br />

boutiques <strong>de</strong> la ville exhumée.<br />

Pour m'expliquer le mo<strong>de</strong> d'attelage <strong>de</strong>s biges qui circulaient<br />

dans les rues et ruelles <strong>de</strong> Pompeia, en tenant<br />

compte <strong>de</strong> la largeur considérable <strong>de</strong>s marches mitoyennes,<br />

j'ai recherché dans les représentations <strong>de</strong>s chars anciens<br />

les détails techniques, indiquant positivement la façon<br />

dont l'avant-train s'articulait avec le corps du chariot ;<br />

je n'ai pu recueillir que <strong>de</strong>s données vagues.<br />

Evi<strong>de</strong>mment, la cheville ouvrière, axe indispensable,


— 199 —<br />

qui convertit le chariot en <strong>de</strong>ux charrettes <strong>de</strong> file, a dû<br />

s'y trouver employée, mais les exemples <strong>de</strong> l'agencement<br />

précis manquent dans les figures, ainsi que les termes<br />

exacts qui <strong>de</strong>vraient désigner le mo<strong>de</strong> ou du moins le<br />

principe <strong>de</strong> cette articulation.<br />

On peut voir, d'après le <strong>de</strong>ssin provenant d'une fresque<br />

découverte à Pompeia, combien est incomplète la représentation<br />

<strong>de</strong> ce char <strong>de</strong>stiné à parcourir les rues <strong>de</strong> la<br />

ville pour fournir l'approvisionnement aux habitants !<br />

Les roues du véhicule, tel qu'il est représenté, ne permettaient<br />

qu'une légère déviation <strong>de</strong> la ligne droite. Le<br />

corps du chariot formait obstacle aux déviations <strong>de</strong><br />

quelque importance <strong>de</strong>s roues <strong>de</strong> l'avant-train.<br />

Quant à l'autre char, <strong>de</strong>stiné au même emploi et<br />

dont je reproduis également le <strong>de</strong>ssin, on voit qu'il


— 200 —<br />

existe entre les <strong>de</strong>ux essieux un vi<strong>de</strong> qui aurait permis<br />

à l'avant train <strong>de</strong> passer sous le palier du char, si toutefois<br />

le montage avait été analogue à celui <strong>de</strong> nos caissons<br />

d'artillerie, pourvus <strong>de</strong> quatre roues hautes.<br />

Il peut exister d'autres représentations antiques <strong>de</strong><br />

véhicules offrant l'image <strong>de</strong>s pièces exactement tracées.<br />

J'avoue mon regret <strong>de</strong> n'avoir pu les trouver malgré<br />

toutes mes recherches.<br />

Char <strong>de</strong> la Victoire ailée. — Fresque <strong>de</strong> Pompei.


— 201 —<br />

Je recevrais avec gran<strong>de</strong> satisfaction les renseignements<br />

qui m'ont fait défaut.<br />

Les questions du mo<strong>de</strong> d'attelage se lient à celles <strong>de</strong> la<br />

forme <strong>de</strong>s chars, mais, pour ces <strong>de</strong>ux points les données<br />

que fournissent les monuments et les peintures ou <strong>de</strong>ssins<br />

sont également fort incomplètes.<br />

Pourtant, et en attendant mieux, je crois utile d'examiner<br />

ici ce que fut autrefois la forme du timon et les<br />

procédés employés par les Anciens, pour lui donner, à<br />

l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s bêtes <strong>de</strong> trait, les directions voulues.<br />

Le timon, comme l'indique le <strong>de</strong>ssin du char <strong>de</strong> la<br />

Victoire ailée, remontait obliquement, en forme <strong>de</strong> col <strong>de</strong><br />

cygne, assez haut, et assez en avant, pour qu'une barre<br />

adaptée transversalement à son extrémité, vint couvrir<br />

les bètes <strong>de</strong> trait à la hauteur <strong>de</strong>s reins.<br />

Un anneau, formant<br />

coulisse était<br />

soli<strong>de</strong>ment attaché<br />

sur la sellette<br />

qui était maintenue<br />

en place par<br />

une sangle et par<br />

le poitrail, <strong>de</strong>ux<br />

pièces indispensables<br />

qu'on trouve<br />

presque toujours<br />

figurées.<br />

La forme et la matière <strong>de</strong> cette barre variaient suivant<br />

la somptuosité <strong>de</strong> l'équipage. Le joug proprement dit convenait<br />

seulement à l'attelage <strong>de</strong>s bœufs.


— 202 —<br />

Le point d'appui, était en conséquence, sur le dos <strong>de</strong>s<br />

chevaux, auxquels la disposition <strong>de</strong> la barre transversale<br />

permettait <strong>de</strong> s'écarter largement, et, tout en obéissant<br />

au frein, ils pouvaient, dans leur course, s'écarter<br />

assez largement pour éviter les marches du centre <strong>de</strong> la<br />

voie et conserver plus <strong>de</strong> grâce et <strong>de</strong> liberté dans l'encolure.<br />

11 y a quelques années, pour les voitures élégantes à <strong>de</strong>ux<br />

roues, on employait le système dit à pompe, qui est analogue<br />

au mo<strong>de</strong> d'attelage <strong>de</strong>s anciens.<br />

Le collier est d'invention relativement récente ; il offre<br />

l'avantage <strong>de</strong> prendre son point d'appui sur les épaules<br />

<strong>de</strong>s bêtes <strong>de</strong> trait.<br />

Quand on employa ces parties du harnais, on dut<br />

allonger le timon pour en relier l'extrémité au poitrail<br />

<strong>de</strong>s animaux, à l'ai<strong>de</strong> d'une courroie. On avait dès auparavant<br />

attaché la courroie placée à l'extrémité du timon<br />

long, à la poitrinière.<br />

Une médaille consulaire<br />

(famille Aurélia) reproduite<br />

ici au double <strong>de</strong> son diamètre<br />

(20 m / m ) (1), offre<br />

un autre exemple <strong>de</strong> l'usage<br />

souvent adopté chez<br />

les Grecs et les Romains,<br />

d'éviter les reproductions<br />

du harnais et du mo<strong>de</strong> d'attelage.<br />

Ainsi le voulait la poésie <strong>de</strong>s arts.<br />

(1) Description <strong>de</strong>s monnaies <strong>de</strong> la république romaine par M. Co-<br />

hen, 3. pl. XII.


— 203 —<br />

Cette digression finie, je reviens au sujet principal.<br />

Les Romains, après une longue occupation du sol <strong>de</strong><br />

la Gaule, avaient, sans aucun doute, introduit l'usage<br />

exclusif <strong>de</strong> la large voie <strong>de</strong> leurs chars, puisque, près <strong>de</strong><br />

Pierrefont, on voit à travers le Vicus exclusivement galloromain<br />

(1) du III e siècle, s'étendre la route ancienne qui<br />

se dirigeait vers le nord. Il existe là une portion <strong>de</strong><br />

chaussée où le calcaire du Soissonnais est complètement<br />

à nu. On y voit l'écartement <strong>de</strong> quatre pieds anciens entre<br />

les <strong>de</strong>ux ornières entaillées dans la roche.<br />

D'un autre côté, le diamètre <strong>de</strong> l m 05 entre les ornières<br />

<strong>de</strong>s chars gaulois suffisait seulement pour l'attelage<br />

à un seul cheval ou bœuf. Aussi le passage <strong>de</strong>s bêtes <strong>de</strong><br />

trait est-il marqué au centre <strong>de</strong> la voie entre les ornières<br />

gauloises au passage <strong>de</strong> Villevert. Mais il est un autre<br />

point où cette condition est bien autrement accentuée,<br />

(1) Je repousse absolument l'opinion qui veut qu'il y ait là <strong>de</strong>s fondations<br />

<strong>de</strong> murs gaulois sur lesquels on aurait postérieurement bâti à<br />

la romaine.<br />

Les Gaulois n'ont placé là, ni ailleurs, <strong>de</strong>ux pierres maçonnées, l'une<br />

sur l'autre, à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> mortier ou <strong>de</strong> ciment; ce sont les Romains qui<br />

ont importé cet usage.<br />

Je connais parfaitement l'origine du nom <strong>de</strong> la prétendue ville <strong>de</strong><br />

Gaules, près <strong>de</strong> Pierrefont; ce fut M. Leféron d'Éterpigny, juge<strong>de</strong>-paix,<br />

habitant Cuise-la-Motte, qui, sans attacher l'importance qu'on<br />

pouvait donner à ce nom, l'appela ainsi, après qu'il y eut trouvé <strong>de</strong><br />

nombreuses traces <strong>de</strong> plusieurs <strong>de</strong>s habitations gallo-romaines que<br />

j'ai visitées avec lui il y a plus <strong>de</strong> quinze ans. Il ne se doutait certainement<br />

pas qu'un jour on donnerait aux fondations <strong>de</strong> ces maisons<br />

assez chétives, du reste, le nom <strong>de</strong> travail gaulois.


— 204 —<br />

c'est au passage <strong>de</strong> la Langutine d'Alaise, dont j'ai déjà<br />

parlé. Je l'ai visité <strong>de</strong> nouveau au mois <strong>de</strong> mai <strong>de</strong>rnier,<br />

accompagné, cette fois, par M. P. Bial, à qui je me hâtais<br />

d'apporter les observations que je venais <strong>de</strong> recueillir à<br />

Pompei et à Pouzzoles , avec l'explication du mo<strong>de</strong> particulier<br />

d'attelage résultant <strong>de</strong> la différence <strong>de</strong> la voie chez<br />

les Romains et les Gaulois. J'espérais que cette communication<br />

lui servirait pour le travail qu'il m'avait mandé,<br />

au mois <strong>de</strong> février précé<strong>de</strong>nt, avoir en préparation,sur les<br />

Chemins gaulois.<br />

Avant mon départ pour Naples, je lui avais alors envoyé<br />

avec empressement ce que j'ai écrit plus haut sur<br />

les particularités que m'avaient offertes, à cet égard,<br />

mes recherches sur le pays <strong>de</strong>s Silvanectes.<br />

Dans cette visite nouvelle à la Languiine d'Alaise, je<br />

me suis parfaitement rendu compte <strong>de</strong> la justesse <strong>de</strong>s<br />

observations suivantes, dont je m'empresse <strong>de</strong> déclarer<br />

que le mérite lui appartient. La roche étant entaillée<br />

strictement dans la largeur du passage, la saillie du<br />

moyeu <strong>de</strong>s roues a laissé les traces du frottement en<br />

plusieurs points et à différentes hauteurs <strong>de</strong> cette tranchée<br />

<strong>de</strong> 80 e environ <strong>de</strong> hauteur. On peut fixer à<br />

95 e environ le diamètre total <strong>de</strong> la roue <strong>de</strong>s chars,<br />

La garniture <strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fer était attachée au moyen<br />

<strong>de</strong> clous dont se servaient les Gaulois d'Alaise ; la preuve<br />

en est fournie par les débris d'un char trouvés sur ces<br />

lieux mêmes et déposés dans le très intéressant Musée <strong>de</strong><br />

Besançon (1).<br />

(1) Tels sont aussi les objets <strong>de</strong> même époque que j'ai vus près <strong>de</strong>


— 205 —<br />

Comme la profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> l'ornière <strong>de</strong>vait gêner le passage<br />

<strong>de</strong>s roues, les hommes d'Alaise usèrent d'un procédé<br />

fort ingénieux qui a été également découvert par<br />

M. Bial. Ils abattaient, et la trace <strong>de</strong> ce travail peut se<br />

voir, la partie saillante entre les <strong>de</strong>ux sillons, et dégageaient<br />

ainsi l'intérieur dont la partie du milieu ne<br />

tardait pas à se creuser <strong>de</strong> nouveau sous le pied <strong>de</strong>s<br />

chevaux.<br />

On peut affirmer, bien qu'il ne nous soit parvenu,<br />

que je sache, aucun monument écrit qui le prouve, que<br />

les Romains eurent le soin d'interdire l'usage <strong>de</strong> leurs<br />

routes militaires aux Gaulois, tant que ces <strong>de</strong>rniers<br />

n'eurent pas adopté la mesure <strong>de</strong> l m 35 c . De là vient<br />

sans doute leur nom <strong>de</strong> privilegiatoe. Il est probable que<br />

cette gêne les amena bientôt à modifier la voie <strong>de</strong> leurs<br />

anciens chars qui purent alors circuler sur les gran<strong>de</strong>s<br />

routes. Les chars et chariots <strong>de</strong>s Romains avec leurs<br />

longs essieux n'auraient pu cheminer, ayant constamment<br />

la roue, d'un côté, plongée dans <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s ornières, et<br />

l'autre juchée sur le sommet et au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la voie<br />

étroite ; et <strong>de</strong> plus, les parois étroites <strong>de</strong>s chemins creux<br />

auraient arrêté les voitures là où il n'y avait <strong>de</strong> place<br />

que pour le passage d'un seul véhicule gaulois.<br />

Th.ua, chez M. le. baron <strong>de</strong> Bonstetten et dans la collection <strong>de</strong> M. F.<br />

Troyou, à Lausanne. Ce savant conserve un segment d'une ban<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

roue, encore garni d'un clou: la largeur du fer est <strong>de</strong> 4 centimètres;<br />

il présente <strong>de</strong>s rebords saillants qui servaient à maintenir cette ban<strong>de</strong><br />

sur le bois <strong>de</strong>s jantes.


— 206 —<br />

Chemins gaulois romanisés.<br />

Plus tard, les Romains relièrent aux artères principales<br />

<strong>de</strong> nombreux chemins secondaires pour faciliter la circulation<br />

générale entre toutes les parties du territoire. On<br />

se servit, pour atteindre ce but, <strong>de</strong>s anciennes voies.<br />

Elles ne furent pas établies en saillie aussi prononcée<br />

qu'on les trouve sur les voies romaines dites solennelles,<br />

mais cependant on y trouve sur divers points la couche <strong>de</strong><br />

cailloux qui formait la partie supérieure <strong>de</strong> la chaussée.<br />

Je me suis permis, comme on le voit, <strong>de</strong> charger la<br />

science <strong>de</strong> l'archéologie du mot nouveau <strong>de</strong> Chemins<br />

gaulois romanisés. Je n'en ai pas trouvé dans le vocabulaire<br />

actuel répondant mieux au mo<strong>de</strong> d'établissement <strong>de</strong> ces<br />

routes qui, gauloises a leur origine, furent transformées<br />

ultérieurement en chaussées suivant le mo<strong>de</strong> adopté par les<br />

Romains, tout en conservant quelques caractères <strong>de</strong> leur<br />

précé<strong>de</strong>nt état.<br />

Ces modifications durent se faire aussi bien dans la<br />

Gran<strong>de</strong>-Bretagne que dans la Germanie et les États du<br />

nord <strong>de</strong> l'Europe où s'étendit l'empire <strong>de</strong>s Césars ; dèslors,<br />

les routes <strong>de</strong>vraient, dans ces pays, porter leur nom<br />

accolé à celui <strong>de</strong>s Romains qui les modifièrent pour en<br />

composer les chemins germano-romains, etc.<br />

Ces routes participent <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux systèmes, et l'on<br />

doit s'étonner qu'elles n'aient pas, vu leur importance,<br />

obtenu, dans les traités sur les Chemins <strong>de</strong>s Anciens,<br />

la <strong>de</strong>scription particulière et détaillée qu'elles méritaient,<br />

puisqu'elles forment un réseau complet qui se rattache<br />

par plusieurs points aux routes solennelles."


— 207 —<br />

Bergier (1) consacre un seul chapitre aux Vice vicinales,<br />

nom que leur donnaient les Romains. La traduction<br />

serrée du latin en français apporte une confusion avec<br />

les Chemins vicinaux actuels qui sont, par rapport au<br />

classement sur le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> l'échelle, voisins <strong>de</strong>s passages<br />

<strong>de</strong>stinés à relier entr'elles les fractions <strong>de</strong> chaque<br />

territoire, et <strong>de</strong> ceux, les plus minimes <strong>de</strong> tous, qui<br />

servent aux besoins <strong>de</strong> l'agriculture seulement.<br />

Le nom <strong>de</strong> Chemins secondaires que dom Grenier a<br />

donné aux routes gauloises romanisées explique, il est<br />

vrai, le rang qu'ils occupent immédiatement après les<br />

grands chemins <strong>de</strong> l'empire romain dans la Gaule,<br />

mais il ne donne pas la notion du mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> leur formation<br />

et <strong>de</strong> leur origine.<br />

J'espère que la distinction que j'établis portera l'attention<br />

sur leurs nombreuses ramifications, et amenera<br />

plus tard à retrouver sur leur parcours plusieurs bourga<strong>de</strong>s,<br />

aujourd'hui tout-à-fait oubliées ou perdues. La<br />

découverte <strong>de</strong> ruines ou <strong>de</strong> substructions ignorées fournira<br />

l'explication d'une foule <strong>de</strong> lieux dits d'origine inconnue<br />

dont la dénomination paraît bizarre, faute <strong>de</strong><br />

connaissances sur leur raison d'être.<br />

Dans un Mémoire précé<strong>de</strong>nt (2) j'ai signalé le Chemin<br />

<strong>de</strong> la Barbarie, gran<strong>de</strong> voie <strong>de</strong> communication entre la<br />

Germanie et la Gran<strong>de</strong>-Bretagne, préexistante à l'invasion<br />

(1) Histoire <strong>de</strong>s grands chemins <strong>de</strong> l'Empire.<br />

(2) Recherches sur la position du Noviodunum Suessionum, t. xiv<br />

<strong>de</strong>s Mémoires <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong>s Antiquaires <strong>de</strong> Picardie, et supplément,<br />

t.. xvi.


— 208 —<br />

<strong>de</strong>s Romains qui, s'en servirent immédiatement en la<br />

transformant en chaussée, et en la redressant dans les<br />

parties où les difficultés provenant <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>s terrains<br />

qu'elles traversaient et <strong>de</strong>s grands contours inutiles<br />

les portèrent à modifier le tracé ancien pour l'améliorer.<br />

J'ai dit que ce nom <strong>de</strong> chemin <strong>de</strong> la Barbarie qu'ils<br />

imposèrent à cette route gauloise, originairement <strong>de</strong> premier<br />

ordre, au point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> son importance, puisqu'elle<br />

traverse toute la Gaule du Nord, <strong>de</strong> l'est à l'ouest, prouve<br />

leur dédain pour les œuvres <strong>de</strong>s peuples qu'ils subjuguèrent.<br />

Telle fut aussi l'origine <strong>de</strong> la localité dite Barberie,<br />

près <strong>Senlis</strong>.<br />

On sait que les chaussées militaires <strong>de</strong> première classe<br />

établies par les Romains, en ligne droite, à travers le<br />

territoire <strong>de</strong> la Gaule, ont une composition différente suivant<br />

la nature <strong>de</strong>s matériaux que chaque contrée pouvait<br />

fournir.<br />

Ainsi, dans la partie méridionale <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième Belgique,<br />

où la pierre dure ne faisait pas défaut, on trouve<br />

pour base <strong>de</strong> ces grands chemins une couche <strong>de</strong> débris<br />

<strong>de</strong> grosseur variée sur lesquels, suivant les lieux et la<br />

nature <strong>de</strong>s dépôts <strong>de</strong> silex, <strong>de</strong> roches friables, <strong>de</strong> gravier<br />

et même <strong>de</strong> sable, on trouve un stratumen plus ou<br />

moins résistant.<br />

Les nummulites silicifiées qui abon<strong>de</strong>nt dans le cran<br />

du calcaire grossier dominent dans ces parages et forment<br />

exclusivement l'arête <strong>de</strong>s chemins.<br />

Dans le nord <strong>de</strong> la Gaule-Belgique, où les terrains<br />

d'alluvion sont uniquement composés <strong>de</strong> sable fin et d'argile,<br />

les Romains écartèrent soigneusement ce <strong>de</strong>rnier


— 209 —<br />

élément dont le mauvais effet leur était connu, et le<br />

sable pur ou dominant leur servit uniquement. N'étaientils<br />

pas forcés <strong>de</strong> se servir <strong>de</strong>s matériaux qu'ils avaient<br />

sous la main, même alors que leur qualité laissait beaucoup<br />

à désirer ? Mais, partout, le génie <strong>de</strong> la construction<br />

<strong>de</strong> leurs routes se distingue par <strong>de</strong>ux conditions caractéristiques,<br />

la ligne droite et la surélévation <strong>de</strong> la chaussée<br />

qui est toujours bombée par le travers. Le pavimentum,<br />

partie essentielle du chemin romain en Italie, n'apparaît<br />

dans le nord <strong>de</strong> la Gaule que sur quelques points exceptionnels,<br />

tels que les chaussées étroites traversant certains<br />

marais et parfois au voisinage d'habitations prétoriennes<br />

<strong>de</strong>s camps romains (comme, au rayon d'Arlaines, près<br />

<strong>de</strong> Soissons, à Gouvieux, etc.) On y employait suivant les<br />

facilités relatives qu'on trouvait, <strong>de</strong>s plaques <strong>de</strong> roche<br />

calcaire endurcie ou <strong>de</strong> larges grés naturellement aplatis ;<br />

le tout ajusté suivant le mo<strong>de</strong> dit cyclopéen.<br />

On sait que les Romains avaient préposé <strong>de</strong>s Curatores<br />

viarum ou Viocuri pour veiller à l'entretien <strong>de</strong>s routes<br />

<strong>de</strong> toute classe préparées en forme <strong>de</strong> chaussées, et que<br />

l'assiette et la perception du péage ou <strong>de</strong> l'impôt sur les<br />

personnes qui les fréquentaient, faisaient partie <strong>de</strong> leurs<br />

attributions (1). Qu'ils y aient interdit le passage avec<br />

<strong>de</strong>s véhicules gaulois aux courts essieux, tout porte à le<br />

croire, bien qu'il ne nous soit parvenu, que je sache,<br />

aucun monument écrit qui puisse le prouver.<br />

Mais, outre les pénalités édictées, le relief <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s<br />

chaussées romaines, qui a disparu en partie dans les<br />

(1) Siculus Flaccus — De conditione agrorum.<br />

15


— 210 —<br />

vallées et qui nous paraît exagéré au trajet <strong>de</strong>s montagnes,<br />

faute jusquès-là d'explication satisfaisante,<br />

n'était-il pas un obstacle permanent à l'envahissement<br />

par les voitures gauloises, surtout hors' <strong>de</strong>s points <strong>de</strong><br />

surveillance. La chaussée préparée pour le service militaire<br />

en raison <strong>de</strong> la proéminence et <strong>de</strong> la saillie du talus<br />

<strong>de</strong>vait être presqu'inabordable par le travers, surtout<br />

pour les voitures chargées.<br />

Autrement se présentent les chemins gaulois romanisés<br />

: la saillie <strong>de</strong> la chaussée y est presque insensible<br />

et ne dépasse pas 20 à 30 centimètres en moyenne, bien<br />

qu'il se trouve, par exception, <strong>de</strong>s lignes surélevées. On<br />

voit que l'apport <strong>de</strong>s matériaux y a converti la concavité<br />

que présentait le travers du chemin gaulois, en<br />

un plan légèrement convexe dans ce sens. Je suis<br />

convaincu qu'on trouvera sous ces couches, qui datent<br />

<strong>de</strong> l'époque romaine, les traces <strong>de</strong>s ornières <strong>de</strong> chemins<br />

gaulois enfouis à l'époque <strong>de</strong> la transformation.<br />

La pierre dure brisée en fragments, les cailloux, le<br />

sable, la terre du lieu même y forment, suivant les lieux<br />

divers, <strong>de</strong>s couches disposées à la Romaine. La pierre<br />

domine surtout aux points où le sol est disposé à s'effondrer.<br />

Le signe distinctif <strong>de</strong> l'origine gauloise, qui consiste<br />

dans l'ondulation <strong>de</strong> la voie, reste là pour type formel.<br />

Gomme la nécessité contraignit bientôt les Gaulois à<br />

élargir l'intervalle entre les roues <strong>de</strong> leurs véhicules,<br />

empêchés qu'ils eussent été <strong>de</strong> s'en servir ailleurs que<br />

dans les chemins locaux ou <strong>de</strong> culture, il y eut un abandon<br />

général <strong>de</strong>s anciens chemins.


— 211 —<br />

Une fois que le réseau <strong>de</strong>s chemins gaulois romanisés<br />

fut complété, la domination romaine <strong>de</strong>vint plus facile et<br />

plus rapi<strong>de</strong>, car ils pouvaient porter, promptement et<br />

en toute saison, secours sur les points menacés.<br />

Leur civilisation s'étendit plus rapi<strong>de</strong>ment ainsi que<br />

le commerce d'échange <strong>de</strong>s produits. Il n'est aucune barrière<br />

plus forte contre la diffusion <strong>de</strong>s lumières que le<br />

mauvais état <strong>de</strong>s routes, et l'on doit tenir compte <strong>de</strong><br />

l'ignorance <strong>de</strong> l'écriture chez un peuple dont J. César<br />

lui-même constate l'intelligence.<br />

Le druidisme ne fit pas obstacle absolu à cette diffusion<br />

<strong>de</strong>s lumières et <strong>de</strong> l'industrie ; la gran<strong>de</strong> difficulté <strong>de</strong>s relations<br />

<strong>de</strong> peuple à peuple y eut gran<strong>de</strong> part.<br />

D'après les considérations et les observations qui précè<strong>de</strong>nt,<br />

l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s chemins gaulois proprement dits et<br />

<strong>de</strong>s routes gauloises romanisées me paraît inséparable<br />

<strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s chaussées romaines.<br />

Pour répondre à l'appel fait à tous les hommes qui<br />

s'occupent d'étu<strong>de</strong>s sur la géographie et la topographie<br />

ancienne, j'apporte mon contingent, trop heureux si je<br />

puis contribuer dans une faible proportion à la publication<br />

<strong>de</strong> cette belle œuvre qui <strong>de</strong>vrait renfermer sur une<br />

seule carte, pour être complètement utile, le tableau <strong>de</strong><br />

tous les chemins anciens, et former la base <strong>de</strong> la topographie<br />

archéologique <strong>de</strong> la France.<br />

Un premier travail, auquel on ne saurait, sans injustice,<br />

refuser le mérite d'améliorations notables, en le comparant<br />

aux cartes précé<strong>de</strong>mment connues, a posé récemment<br />

quelques jalons dans ce vaste champ.<br />

Que n'a-t-on suivi, à cette occasion, l'usage adopté par


— 212 —<br />

nos célèbres imprimeurs du XVIe siècle, qui plaçaient en<br />

évi<strong>de</strong>nce les feuilles sorties <strong>de</strong> leurs presses en invitant<br />

tout passant à leur signaler les fautes échappées à ces<br />

hommes d'élite, simples protes d'alors ; race presqu'éteinte<br />

aujourd'hui, comme ne le savent que trop les personnes<br />

dont les travaux sont imprimés <strong>de</strong> nos jours. Devait-on<br />

tenir cette carte sous le boisseau <strong>de</strong>puis qu'elle est achevée<br />

et imprimée? Malgré <strong>de</strong>s imperfections inévitables,<br />

et bien que je l'eusse préférée, basée sur <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />

détail et établie sur une plus large échelle, moins belle,<br />

mais plus convenable pour les corrections reconnues<br />

justes, et les additions à y intercaler, elle aurait eu une<br />

gran<strong>de</strong> utilité, comme base d'opérations et comme point<br />

<strong>de</strong> départ.<br />

L'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ces nombreuses routes anciennes <strong>de</strong> toute<br />

classe <strong>de</strong>man<strong>de</strong> les efforts assidus et prolongés d'une foule<br />

<strong>de</strong> pionniers <strong>de</strong> la science archéologique.<br />

Réunir les monographies, les mettre d'accord et faire<br />

un choix, sans préférence <strong>de</strong> personnes et sans répulsion<br />

systématique, n'y a-t-il pas là <strong>de</strong> quoi stimuler le<br />

zèle et mettre en relief le talent et la science incontestables<br />

<strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la Commission <strong>de</strong> la Carte <strong>de</strong>s<br />

Gaules ?<br />

Puisque le travail doit être revisé, n'est-ce pas le<br />

moment opportun pour exprimer la surprise que j'ai<br />

éprouvée en lisant en tête <strong>de</strong> la carte topographique <strong>de</strong> la<br />

Gaule, qu'elle se rapportait à l'époque du proconsulat <strong>de</strong><br />

J. César, et <strong>de</strong> trouver tracées les lignes <strong>de</strong> plusieurs<br />

routes construites au plus tôt sous Auguste et par les<br />

soins d'Agrippa, et plusieurs autres chaussées qui ne


— 213 —<br />

furent établies que postérieurement et successivement.<br />

Il aurait donc fallu, il me semble, reproduire sur cette<br />

carte le réseau <strong>de</strong>s voies gauloises, les seules dont J. César<br />

ait pu se servir pour les marches <strong>de</strong> ses troupes ; car<br />

les armées ne font pas ordinairement campagne à travers<br />

champs, forêts et rivières, etc. On aurait dû, comme<br />

supplément, exécuter un travail spécial qui aurait reproduit<br />

le réseau <strong>de</strong>s chemins gaulois romanisés, comme<br />

le furent ces voies primitives à une époque postérieure,<br />

pendant la longue occupation <strong>de</strong> la Gaule sous les successeurs<br />

<strong>de</strong> J. César.<br />

On peut facilement reconnaître sur le terrain, les points<br />

où les chemins gaulois ont précédé les routes romanisées.<br />

La nomenclature <strong>de</strong>s lieux dits voisins <strong>de</strong>s vieilles<br />

routes présente <strong>de</strong> curieux enseignements. L'antiquité<br />

<strong>de</strong>s chemins est révélée par une particularité décisive :<br />

aucune pièce <strong>de</strong> terre n'est coupée pour leur tracé. En<br />

effet, la division <strong>de</strong>s champs, par suite <strong>de</strong> leur mise en<br />

culture dès les temps les plus anciens, n'eut lieu que postérieurement<br />

à l'établissement <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> communication<br />

primitives.<br />

Chemins Mérovingines.<br />

Je n'ai trouvé, jusqu'à présent du moins, qu'en un<br />

seul point, dans la contrée <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, les chemins mérovingiens<br />

ou grands chemins verts, dont la largeur dépassait<br />

souvent 25 met. et quej'ai signalés précé<strong>de</strong>mment (1),<br />

comme établissant dans le Soissonnais <strong>de</strong>s communications<br />

(1) Mémoire sur Noviodunum Suessionum.


— 214 —<br />

entre les maisons royales <strong>de</strong>s rois <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux premières races.<br />

C'est dans la plaine qui touche à l'Oise, entre Pont-<br />

Ste-Maxence et le domaine <strong>de</strong> l'Evêché, sur le bord <strong>de</strong><br />

la rivière, que se trouve ce tronçon isolé. Il dut y avoir<br />

en ce <strong>de</strong>rnier lieu un pont ou un bac pour le passage ;<br />

tout souvenir en est perdu. Il y a, pour l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cettevoie,<br />

matière à <strong>de</strong>s recherches intéressantes.<br />

Comme ces routes n'étaient ni encaissées comme les<br />

chemins gaulois, ni saillantes comme les chaussées romaines,<br />

et comme leur gran<strong>de</strong> dimension en largeur formait<br />

leur caractère spécial, on conçoit qu'elles ont dû,<br />

peu à peu, perdre leur forme spéciale, sous l'incessante<br />

usurpation <strong>de</strong>s riverains.<br />

Je ne puis que confirmer, du reste, ce que j'ai dit sur<br />

ces Chemins mérovingiens, dans mon Mémoire déjà cité<br />

sur les lieux anciens du Soissonnais (1).<br />

Chemins anciens du pays <strong>de</strong>s Silvanectes.<br />

Le livre <strong>de</strong> Bergier <strong>de</strong> Reims sur les Grands Chemins<br />

<strong>de</strong> l'Empire romain, l'ouvrage <strong>de</strong> dom Grenier sur la pro-<br />

(1) « Comme la route était simplement aplanie, l'écoulement <strong>de</strong>s<br />

» eaux était difficile; la gran<strong>de</strong> dimension <strong>de</strong> la voie faisait compen-<br />

» sation;on réparait au fur et à mesure les sillons qui s'étaient for-<br />

» mes, et le gazon couvrait <strong>de</strong> nouveau le terrain. » — Un grand chemin<br />

<strong>de</strong> cette espèce offre <strong>de</strong>s portions encore intactes, comme on peut<br />

s'en assurer en parcourant les emplacements <strong>de</strong>s palais qui étaient<br />

situés sur les bords <strong>de</strong> l'Oise. Avant peu, il aura été complètement<br />

soumis au lit <strong>de</strong> Procuste administratif, et réduit à la largeur réglementaire<br />

<strong>de</strong> 7 à 8 mètres.


— 215 —<br />

vince <strong>de</strong> Picardie, et la notice archéologique du département<br />

<strong>de</strong> l'Oise par M. Graves, contiennent <strong>de</strong>s passages<br />

ou <strong>de</strong>s chapitres qui se rapportent aux gran<strong>de</strong>s voies stratégiques,<br />

aux routes qu'ils nomment secondaires, et aux<br />

anciens chemins <strong>de</strong> traverse du pays <strong>de</strong>s Silvanectes.<br />

M. Graves, pour lequel l'ancien diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> formait<br />

une notable partie du département <strong>de</strong> l'Oise qu'il<br />

étudiait, a donné une nomenclature <strong>de</strong> ces chemins qui,<br />

<strong>de</strong>s pays circonvoisins habités par les Bellovaci, les Suessionnes,<br />

les Meldi et les Parisii, venaient, en traversant<br />

les forêts qui couvraient en partie le sol, se croiser en tous<br />

sens sur le territoire <strong>de</strong>s Silvanectes.<br />

La partie <strong>de</strong> sa notice archéologique qui traite <strong>de</strong>s voies<br />

anciennes fournit <strong>de</strong>s détails vrais et très-intéressants sur<br />

leur état actuel et sur les traces <strong>de</strong> leur parcours.<br />

Aussi ne reste-t-il pour achever son travail qu'à rechercher<br />

sur le sol <strong>de</strong> cette contrée les exemples <strong>de</strong>s chemins<br />

gaulois qui ont laissé la trace du passage <strong>de</strong> leurs<br />

véhicules étroits sur la croûte calcaire aux points où, elle<br />

se trouve à fleur <strong>de</strong> terre. J'en ai cité quelques-uns dans<br />

les pages précé<strong>de</strong>ntes. Quand se rencontreront <strong>de</strong>s lignes<br />

ou <strong>de</strong>s tronçons offrant les conditions d'étroitesse, <strong>de</strong> sinuosité<br />

et d'ondulation <strong>de</strong>s chemins gaulois, et auxquels il<br />

manquera seulement d'avoir perdu leurs ornières, le<br />

sable ou l'argile ne pouvant conserver les sillons, alors le<br />

souvenir <strong>de</strong> leur physionomie suffira pour fixer leur caractère<br />

gaulois primitif.<br />

Je n'ai point placé sur le litre <strong>de</strong> ce Mémoire le nom du<br />

diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> en regard <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong> sur les chemins<br />

gaulois et romains, parce que je <strong>de</strong>vais envisager


— 216 —<br />

cette contrée dans les limites d'une contrée qui remonte<br />

aux époques historiques antérieures à la pério<strong>de</strong><br />

romaine pendant laquelle le pays <strong>de</strong>s Silvanectes forma<br />

la circonscription qui <strong>de</strong>vait servir <strong>de</strong> base à la formation<br />

d'un diocèse lors <strong>de</strong> l'établissement du christianisme.<br />

D'un autre côté, comme l'archéologie en France a<br />

pour <strong>de</strong>rnière limite l'état social politique, administratif,<br />

militaire, religieux, judiciaire et géographique, qui a<br />

été si généralement modifié, sinon anéanti à la fin du<br />

<strong>de</strong>rnier siècle, après une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> 1800 ans <strong>de</strong> durée,<br />

on est ramené forcément dans le cercle <strong>de</strong>s anciennes<br />

attributions <strong>de</strong> ces différentes branches <strong>de</strong> l'ancienne monarchie,<br />

et <strong>de</strong> leurs privilèges, quand il s'agit <strong>de</strong> recherches<br />

sur l'antiquité. Aussi les divisions anciennes,<br />

qui ont duré jusqu'à la fin du XVIII e siècle, doivent-elles<br />

servir <strong>de</strong> base.<br />

Pour ce qui concerne la partie <strong>de</strong> la Picardie qui<br />

constituait le diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, n'éprouve-t-on pas, si<br />

l'on veut suivre le classement mo<strong>de</strong>rne par cantons et<br />

communes, et même les anciennes délimitations administratives,<br />

une difficulté réelle à retrouver dans le<br />

gouvernement <strong>de</strong> l'Ile <strong>de</strong> France une partie <strong>de</strong>s éléments<br />

<strong>de</strong> son territoire, tandis que, sous le rapport <strong>de</strong> la hiérarchie<br />

ecclésiastique, l'évêché <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> fait partie <strong>de</strong><br />

l'archevêché <strong>de</strong> Reims, conjointement avec les diocèses<br />

d'Amiens, <strong>de</strong> Boulogne, <strong>de</strong> Laon, <strong>de</strong> Noyon, <strong>de</strong> Soissons,<br />

<strong>de</strong> Châlons et <strong>de</strong> Beauvais.<br />

M. Graves a dû se trouver maintes fois fatigué, et ses<br />

lecteurs le sont aussi bien souvent, en adoptant, pour<br />

divisions <strong>de</strong> son travail, les cantons du département <strong>de</strong>


— 217 —<br />

l'Oise. Pour former les circonscriptions <strong>de</strong>s districts et<br />

même <strong>de</strong>s paroisses, on méconnut souvent les affinités<br />

naturelles, quand fut fait à la hâte le travail <strong>de</strong> l'Assemblée<br />

Constituante; aussi fut-on forcé <strong>de</strong> réparer à<br />

maintes reprises <strong>de</strong>s irrégularités évi<strong>de</strong>ntes.<br />

La liste qu'a donné M. Graves <strong>de</strong>s routes anciennes<br />

tracées dans cette partie du département <strong>de</strong> l'Oise pourra<br />

être modifiée à la suite <strong>de</strong> recherches spéciales pour lesquelles<br />

j'ai la bonne promesse du concours <strong>de</strong>s amis <strong>de</strong>s<br />

étu<strong>de</strong>s historiques qui composent le Comité archéologique<br />

<strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>.<br />

L'appréciation <strong>de</strong>s questions <strong>de</strong> chemins appartient<br />

surtout aux travailleurs <strong>de</strong>s provinces qui ont, qu'on me<br />

permette <strong>de</strong> le dire, la clé <strong>de</strong>s champs, pour bien recueillir<br />

les détails <strong>de</strong> la configuration <strong>de</strong>s terrains et l'indication<br />

<strong>de</strong>s changements qui se sont produits par le laps <strong>de</strong>s<br />

temps, et surtout à l'époque <strong>de</strong> la domination <strong>de</strong> la Gaule<br />

par les Romains.<br />

C'est surtout sur les flancs <strong>de</strong>s tronçons <strong>de</strong> routes en<br />

ligne droite exécutées more romano qu'on rencontre <strong>de</strong>s<br />

parties qui ont conservé le caractère <strong>de</strong>s chemins gaulois,<br />

soit par un heureux hasard, soit parce qu'il est<br />

resté sur l'ancienne voie quelques habitations qui remontent<br />

après une longue succession à celles qui garnissaient<br />

jadis les abords.<br />

J'espère qu'un jour on aura retrouvé <strong>de</strong> nombreux<br />

exemples <strong>de</strong> ces routes à double trajet et à double caractère<br />

(1).<br />

(1) Souvent, il arrive qu'au trajet <strong>de</strong>s parties montueuses, là où le sol


— 218 —<br />

Jusqu'au moment où ce travail sera sorti <strong>de</strong> la phase<br />

<strong>de</strong>s examens partiels, première base <strong>de</strong> l'œuvre, pour entrer<br />

dans la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong>s monographies, qui précè<strong>de</strong> ellemême<br />

l'époque où les nouveautés scientifiques, si elles<br />

sont reconnues vraies, ont le droit d'entrer dans le domaine<br />

<strong>de</strong> l'histoire, n'est-il pas désirable que chacun apporte<br />

ses observations particulières, fournisse les documents<br />

qu'il aura trouvés à sa portée et puisse approuver ou<br />

critiquer en toute liberté <strong>de</strong>s <strong>de</strong>scriptions ou <strong>de</strong>s données<br />

nésessairement incomplètes au début?<br />

Gran<strong>de</strong>s voies romaines.<br />

Je puis, dès ce jour, traiter, pour ce qui concerne les<br />

Silvanectes, la question <strong>de</strong>s relations <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> voie<br />

romaine stratégique ou militaire qui <strong>de</strong> Lyon gagnait<br />

l'Océan en face <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong>-Bretagne en passant par<br />

Autun, Auxerre, Troyes, Châlons, Reims, Soissons,<br />

<strong>Senlis</strong>, Beauvais et Amiens (1).<br />

Sur ce trajet, la partie qui intéresse la contrée <strong>de</strong>s Silvanectes<br />

a été décrite au XVIII e siècle par Dom Grenier,<br />

est facilement désagrégé, <strong>de</strong>ux ou trois sillons parallèles prouvent<br />

l'abandon successif <strong>de</strong> passages <strong>de</strong>venus impraticables. Les chemins<br />

anciens <strong>de</strong> la forêt <strong>de</strong> la Halatte en offrent plusieurs exemples.<br />

(1) Quatre gran<strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> Lyon s'étendirent alors dans la Gaule :<br />

1° A travers les montagnes <strong>de</strong> l'Auvergne;<br />

2° Dans la direction du Rhin et <strong>de</strong> la Meuse ;<br />

3° Dans la Gaule Belgique ;<br />

i" Le long du Rhône jusqu'à la Méditerranée.


— 219 —<br />

dans la majeure partie d'un chapitre qui porte le titre :<br />

Voie militaire <strong>de</strong> Rome à Boulogne-sur-Mer (1 ).<br />

« Cette première voie romaine conduite dans la se-<br />

» con<strong>de</strong> Belgique, est celle dont parle Strabon : Ad Oce-<br />

» anum et Bellovacos et Ambianos... Elle fut aussi nom-<br />

» mée Via Cœsarea et fut construite par Agrippa, gendre<br />

» d'Auguste.<br />

» Comme le géographe grec ne dit point, » ajoute<br />

Dom Grenier, « par quel endroit cette voie entrait dans la<br />

» Belgique, Bergier a cru pouvoir suppléer à son silence<br />

» par l'Itinéraire connu sous le nom d'Antonin. En<br />

» suivant ce gui<strong>de</strong>, il fait venir la chaussée <strong>de</strong> Lyon à<br />

» Rheims par la Bourgogne, par la Champagne, et la<br />

» conduit <strong>de</strong> Rheims à Soissons, à Noyon, à Amiens et<br />

» enfin à Boulogne-sur-Mer, mais nous ne voyons pas<br />

» qu'aucun <strong>de</strong> ces endroits fût du pays <strong>de</strong>s Bellovaces.<br />

» Cependant la voie d'Agrippa <strong>de</strong>vait y passer, suivant<br />

» Strabon, auteur contemporain. Il est à remarquer que<br />

» la voie que Bergier a tracée d'après l'Itinéraire, est dite :<br />

» Per compendium; c'est-à-dire pour abréger le chemin,<br />

» ce qui en suppose un autre.<br />

» Nous la trouvons, cette voie <strong>de</strong>puis Soissons jusqu'à<br />

» Amiens, ou, pour nous conformer à l'Itinéraire, <strong>de</strong>puis<br />

» Amiens jusqu'à Soissons, passant par le Beauvaisis. Elle<br />

» est beaucoup plus longue, il est vrai, mais il faut observer<br />

» que cette chausssée étant la première que les Romains<br />

» firent passer dans la Belgique, ils voulaient qu'elle<br />

» leur servît à communiquer surtout avec les cités les<br />

(1) Ghap. ccxxiv et ccxxv. — Voir aux notes finales.


— 220 —<br />

» plus remuantes,telle qu'était celle <strong>de</strong>s Bellovaces. D'ail-<br />

» leurs, qu'était Noyon au temps d'Auguste, pour être<br />

» préféré à <strong>Senlis</strong> et à Beauvais? Etait-il même un camp<br />

» romain? »<br />

Le même itinéraire d'Antonin donne également la direction<br />

d'une voie qui concor<strong>de</strong> avec le texte <strong>de</strong> Strabon :<br />

<strong>de</strong> Samarobriva — Curmiliacum — Cœsaromagus-Litanobrigum<br />

—Augustomagum — Suessones.<br />

Un autre monument <strong>de</strong> géographie ancienne, la Table<br />

Théodosienne ou <strong>de</strong> Peutinger, donne <strong>de</strong>ux tracés, l'un<br />

par la ligne déjà indiquée, qui passe par <strong>Senlis</strong> et<br />

Beauvais.<br />

Quant à l'autre chemin, Per compendium, les stations<br />

sont marquées <strong>de</strong> la manière suivante :<br />

Augusta Suessionum,<br />

Lura,<br />

Rodium (1),<br />

Setucis.<br />

Dom Grenier et après lui M. Graves n'hésitent pas à<br />

suivre pour ce <strong>de</strong>rnier tracé la leçon donnée par l'Itinéraire<br />

d'Antonin, et à le regar<strong>de</strong>r comme parfaitement<br />

connu et comme n'indiquant qu'une légère différence. Si<br />

le nom <strong>de</strong> Noviomagus, disent-ils, s'accor<strong>de</strong>-t-on à croire<br />

généralement, ne figure pas sur la carte <strong>de</strong> Peutinger, et<br />

est remplacé par celui d'Isara, il faut en attribuer la<br />

raison à l'existence d'une station romaine sur l'emplacement<br />

du village actuel <strong>de</strong> Pontoise (pris pour Isara),<br />

(1) La borne milliaire <strong>de</strong> Tongres rectifie ces <strong>de</strong>ux noms : Isara et<br />

Roudium y sont inscrits très-nettement.


— 221 —<br />

éloigné seulement <strong>de</strong> trois kilomètres environ <strong>de</strong> Noyon.<br />

On a dit, en outre, que les troupes romaines qui se rendaient<br />

<strong>de</strong> Rame vers les provinces séjournaient dans cette<br />

<strong>de</strong>rnière ville, et que celles dont la marche était en sens<br />

contraire, pour le retour vers l'Italie, étaient placées à<br />

Pons, Isara, mais il n'existe aucun document, et on<br />

ne voit pas <strong>de</strong> vestiges pour appuyer cette solution <strong>de</strong> la<br />

difficulté que présente cette variante du texte, dans les<br />

<strong>de</strong>ux itinéraires.<br />

Je n'ai pas besoin d'insister sur l'impossibilité d'admettre<br />

<strong>de</strong>s stations si voisines recevant, chacune, les<br />

troupes en l'un et l'autre lieu particulièrement, suivant<br />

la direction <strong>de</strong> leur marche.<br />

C'est dans ces conditions que m'écartant <strong>de</strong> l'opinion<br />

émise par les auteurs que j'ai cités, je viens proposer <strong>de</strong><br />

reconnaître l'existence d'une troisième voie ; celle-ci<br />

d'origine gauloise, et modifiée par les Romains auxquels<br />

elle servit, d'après son caractère, dès le début <strong>de</strong> la<br />

conquête, fut le premier chemin raccourcissant la distance<br />

(per compendium) entre Soissons et Amiens.<br />

Ce serait également le chemin qui est inscrit sur la<br />

Table <strong>de</strong> Peutinger, par Isara, et non par Noviomagus;<br />

attendu qu'en le suivant on traversait la rivière d'Oise,<br />

et non la station <strong>de</strong> Noyon.<br />

Tandis que le grand chemin gaulois ou <strong>de</strong> la Barbarie<br />

suivait sa direction par Nampcel, les Loges et Quennevière<br />

pour abor<strong>de</strong>r l'Oise et <strong>de</strong> là les contrées <strong>de</strong>s<br />

Bellovaques et <strong>de</strong>s Ambiens, une autre route prenant<br />

son point <strong>de</strong> départ à Reims fut sinon ouverte, du moins<br />

pratiquée et accommodée par les Romains suivant leur


— 222 —<br />

système, pour gagner Soissons, ville nouvelle si bien<br />

placée pour y asseoir une <strong>de</strong> leurs stations les plus importantes,<br />

et <strong>de</strong> là, les pays outre l'Oise. Elle concourait<br />

ainsi avec le chemin gaulois par la Faux et Nampcel.<br />

Dans la partie du territoire compris entre Reims et<br />

Pont-Arcy, ces <strong>de</strong>ux routes étaient communes et suivaient<br />

le parcours décrit par dom Grenier, en ces termes :<br />

« Nous pensons aussi qu'une, quatrième branche <strong>de</strong><br />

» la chaussée prenait vers Breuil, passait entre Cour-<br />

» landon et Romains, entre Maisy et Glennes, et au<br />

» milieu du village <strong>de</strong> Revillon, pour gagner le Pont-<br />

» Arcy. Après avoir passé la rivière d'Aisne à Pont-Arcy,<br />

» où il n'y a qu'un bac aujourd'hui, elle allait droit à<br />

» la ferme <strong>de</strong> Froidmont (<strong>de</strong> Fracto Monte), où elle faisait<br />

» un cou<strong>de</strong> pour aller <strong>de</strong> là vers l'Ange-Gardien, maison<br />

» sur le chemin <strong>de</strong> Soissons à Laon ; traversait le<br />

» terroir <strong>de</strong> la Faux, <strong>de</strong> Neuville-Margival et le chemin <strong>de</strong><br />

» Soissons à Coucy, dans l'endroit où l'on voit trois arbres<br />

» plantés. Jusque-là la chaussée est couverte d'une belle<br />

» verdure. Elle allait gagner ensuite l'ancienne chaussée<br />

» <strong>de</strong> Soissons à Saint-Quentin, et vraisemblablement celle<br />

» <strong>de</strong> Soissons à Noyon. »<br />

J'ai transcrit en entier ce chapitre, car dans la <strong>de</strong>rnière<br />

pério<strong>de</strong>, il fait connaître que, dès le XVIII e siècle, Dom Grenier<br />

avait porté son attention sur ce point. Le savant historiographe<br />

<strong>de</strong> la Picardie, dont la sagacité avait pressenti<br />

la continuation du chemin ancien jusqu'à la voie romaine<br />

<strong>de</strong> Vic sur Aisne à Noyon, aurait certainement poussé<br />

plus loin l'opinion qu'il a émise, s'il eût visité le chemin<br />

qui se continue vers Quennevières et plus loin vers l'Oise.


— 223 —<br />

Quant à la première partie du chapitre cité plus haut,<br />

laquelle a rapport à la partie qui s'étend <strong>de</strong> Reims à<br />

Pont-Arcy, l'on peut suivre sur les cartes le passage à<br />

Braine, où elle fut remaniée jusqu'à Soissons. ,<br />

Probablement il y eut aussi une autre branche par la<br />

ligne <strong>de</strong> Vailly et Bucy sur la rive droite <strong>de</strong> l'Aisne.<br />

c'est ce que feront connaître <strong>de</strong>s recherches ultérieures.<br />

Quant à la ligne <strong>de</strong> Soissons à Noyon, un passage a dû<br />

exister en premier lieu par Pommiers, Courtil, Osly, le<br />

lieu dit le Moulin <strong>de</strong> Châtillon. Cette route passait probablement<br />

entre Nouvron et Gonfrecourt, dont le nom,<br />

Gonfroicort, indique un cortis fretté (fortifié) <strong>de</strong> Gunfredus<br />

: elle gagnait <strong>de</strong> là le Pont-Auger (pons Augusti?)<br />

jeté sur le rû d'Hozien près <strong>de</strong> Morsain {<strong>de</strong> Muro cincto){1).<br />

Plus tard les Romains profitèrent, sans doute, <strong>de</strong> la<br />

chaussée à son point d'arrivée au pont l'Archer, pour<br />

conduire à droite une route qui traversait l'Aisne à Port,<br />

d'où elle allait rejoindre le chemin que je viens <strong>de</strong> tracer,<br />

entre Nouvron et Gonfrecourt.<br />

Aujourd'hui, à part quelques points <strong>de</strong> repère, il<br />

n'existe plus aucun indice significatif du trajet <strong>de</strong> ces<br />

chemins auxquels fut substituée, à la fin du n° siècle<br />

<strong>de</strong> l'ère chrétienne, la chaussée romaine qui forme une<br />

arête bien visible dans la prairie à la gauche <strong>de</strong> l'Aisne,<br />

jusqu'auprès <strong>de</strong> Vic-sur-Aisne. Diverses branches du<br />

chemin ancien, avant et après son passage à travers la<br />

vallée du rû d'Hozien, avaient leur direction vers<br />

(1) M. Graves penche pour le passage entre Tartiers et Nouvron.


— 224 —<br />

Vezaponin et l' Oppidum d'Epagny, et Nampcel (Nemetocenna),<br />

Vaux, Vassens, Àttichy, etc.<br />

Quant à la route directe passant à la ferme du Tillolet<br />

(Tilloloy), M. Graves (1) l'a décrite en ces termes : « Elle<br />

» quitte la chaussée Brunehaut à 2000 m environ <strong>de</strong> la<br />

» Croix-Sainte-Léoca<strong>de</strong>, précisément entre les fermes du<br />

» Puiseux et du Tillolet. Elle est la continuation d'un<br />

» chemin qui vient <strong>de</strong> Puiseux à la voie militaire. Elle<br />

» est dirigée d'abord vers l'Est, mais à la hauteur du<br />

» Tillolet elle prend vers le Sud-Est pour venir <strong>de</strong>scendre<br />

» en un seul alignement dans le vallon d'Autrèches, en<br />

» face <strong>de</strong> Morsain et un peu au-<strong>de</strong>ssus du Pont-Auger.<br />

» Dans ce trajet la chaussée sépare successivement le<br />

» territoire <strong>de</strong> la commune d'Autrèches <strong>de</strong>s territoires<br />

» d'Audignicourt, <strong>de</strong> Vassens et <strong>de</strong> Morsain, caractère qui<br />

» acquiert une gran<strong>de</strong> importance <strong>de</strong> sa continuité non<br />

» interrompue entre plusieurs circonscriptions commu-<br />

» nales.<br />

» Le chemin est relevé sur plusieurs points, et l'on<br />

» voit qu'il a dû l'être dans tout son parcours. Sa lar-<br />

» geur est <strong>de</strong> huit mètres partout où les usurpations<br />

» riveraines ne l'ont pas réduite. L'empierrement est<br />

» formé <strong>de</strong> pierres calcaires mêlées <strong>de</strong> tuiles brisées (2). »<br />

Les inscriptions <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux bornes milliaires trouvées,<br />

l'une à Vic-sur-Aisne, où M. Clouet la conserve dans son<br />

(1) Notice arch. du dép'. <strong>de</strong> l'Oise, p. 228 : Chaussée du Pont-Auger.<br />

(2) Au nord <strong>de</strong> ce chemin existe le vaste emplacement du Camp<br />

Havet, voisin <strong>de</strong> Nampcel, dont j'ai parlé dans le Mémoire que j'ai<br />

publié sur la campagne <strong>de</strong> César contre les Bellovaques.


— 225 —<br />

parc, l'autre à S'-Médard, laquelle est restée à Soissons,<br />

prouvent qu'elles furent placées originairement, l'une et<br />

l'autre, à sept lieues gauloises d''Augusta Suessionum.<br />

Il ne peut y avoir <strong>de</strong> doute sur la place qu'occupait la<br />

première près <strong>de</strong> la maison abbatiale à Vic-sur-Aisne.<br />

Quant à la secon<strong>de</strong>, comme elle servait <strong>de</strong> délimitation <strong>de</strong><br />

l'enclos <strong>de</strong> l'abbaye même <strong>de</strong> S'-Médard entre Soissons<br />

et Crouy, on peut conjecturer qu'elle fut, à une époque<br />

inconnue, transportée d'un point quelconque, qui se<br />

trouvait à distance précise <strong>de</strong> sept lieues gauloises <strong>de</strong><br />

Soissons, jusqu'au monastère, puis utilisée plus tard<br />

comme borne ordinaire, sans qu'on prît souci <strong>de</strong> sa valeur<br />

archéologique.<br />

Comme l'extrémité <strong>de</strong> la route gauloise romanisée, entre<br />

le Tillolet et Puiseux, se trouve à distance égale à partir<br />

<strong>de</strong> Soissons, l'espace qui sépare cette ville <strong>de</strong> Vic-sur-<br />

Aisne," n'est-il pas présumable qu'à l'époque où furent<br />

plantées ces indications <strong>de</strong> distance, on plaça d'abord (en<br />

l'an 204, sous le règne <strong>de</strong> Septime Sévère,) la borne milliaire<br />

conservée actuellement à Soissons sur un point quelconque<br />

du territoire <strong>de</strong> Puiseux ?<br />

La borne milliaire trouvée à Vic-sur-Aisne (1 ) porte pour<br />

date l'an 212 <strong>de</strong> l'ère chrétienne et le nom <strong>de</strong> l'Empereur<br />

Caracalla. Le chemin <strong>de</strong> Soissons à Noyon aurait<br />

donc été établi postérieurement à celui qu'il croisait à la<br />

hauteur <strong>de</strong> Puiseux. Sans doute <strong>de</strong> meilleures conditions<br />

<strong>de</strong> trajet auront déterminé les Romains à choisir le pas-<br />

(1) L'orthographe <strong>de</strong> ce lieu <strong>de</strong>vrait être Vic-sur-Aisne, comme on<br />

l'écrivait encore au <strong>de</strong>rnier siècle. Via super Axonam.<br />

16


— 226 —<br />

sage <strong>de</strong> Vic-sur-Aisne bien qu'il allongeât la distance <strong>de</strong><br />

huit kil. environ, c'est-à-dire <strong>de</strong> tout l'espace compris entre<br />

l'Aisne et le pont Gruyer, situé entre Tillolet et Puiseux.<br />

Quant à la distance d'Augusta Suessionum à Roudium,<br />

soit par Isara, soit par Noviomagus, elle est sensiblement<br />

la même ; on peut sur la carte s'en assurer avec<br />

le compas.<br />

Le chemin passant à Pont-Fare, au croisement avec la<br />

chaussée <strong>de</strong> Vic-sur-Aisne à Noyon , prend sa direction<br />

à l'Ouest vers la vallée du Martinet (1) ou <strong>de</strong>-Quenevières,<br />

dans la quelle j'ai reconnu <strong>de</strong>rnièrement les vestiges<br />

d'une ancienne bourga<strong>de</strong> maintenant inconnue sur<br />

les lieux mêmes et portant autrefois le nom <strong>de</strong>s Courts.<br />

Depuis l'époque où j'ai publié le travail sur le chemin<br />

<strong>de</strong> la Barbarie, plusieurs documents nouveaux sont venus<br />

confirmer l'existence <strong>de</strong> cette voie ancienne, dont le nom<br />

s'est perdu sur plusieurs points, mais dont l'unité est<br />

réelle.<br />

Ainsi, 1° la liaison entre le nom <strong>de</strong> la rue du Barbâtre<br />

à Reims, et sa direction vers Jonchery, lieu voisin du<br />

parcours du chemin <strong>de</strong> la Barbarie.<br />

2° Cette <strong>de</strong>rnière appellation conservée à plusieurs<br />

chemins du département <strong>de</strong> la Marne, dont les relations<br />

avec la route principale sont évi<strong>de</strong>ntes.<br />

3° La découverte <strong>de</strong> la villa Curtium.<br />

(1) Une charte du XII e siècle (Cartul. <strong>de</strong> l'abbaye d'Ourscamp) donne<br />

à l'église du village dit Curtium, le vocable <strong>de</strong> St.-Martin, d'où est<br />

venu le nom <strong>de</strong> Martinet, nom actuel <strong>de</strong> cette vallée.


— 227 —<br />

4° Celle du camp d'Ouet, Castra Augusti sur la rive<br />

gauche <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> vallée <strong>de</strong> l'Oise et du camp <strong>de</strong><br />

Bairy, Castrum Barrum sur la rive opposée, et entre ces<br />

<strong>de</strong>ux points <strong>de</strong> défense le pont romain <strong>de</strong> la Malemer.<br />

5° L'existence d'un camp romain portant le nom <strong>de</strong><br />

César à Chevincourt.<br />

6° Le tracé <strong>de</strong> la route gauloise romanisée parfaitement<br />

conservée jusqu'à ce <strong>de</strong>rnier temps au niveau <strong>de</strong><br />

l' oppidum Noviodunum (le Mont <strong>de</strong> Noyon). Ces documents<br />

ont une valeur frappante.<br />

Je me tiens donc pour autorisé, d'après les détails qui<br />

précè<strong>de</strong>nt, à ajouter au tracé <strong>de</strong> la voie gauloise à gran<strong>de</strong><br />

portée que j'ai signalée précé<strong>de</strong>mment, celte autre branche<br />

collatérale qui servit uniquement aux relations <strong>de</strong><br />

Soissons avec Amiens dans une partie <strong>de</strong> son parcours,<br />

et précéda <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux siècles l'établissement <strong>de</strong> la voie<br />

romaine passant par Noviomagus.<br />

J'appelle sur les questions, qui forment l'objet <strong>de</strong> ce<br />

Mémoire, un examen sérieux, en réclamant la bienveillance<br />

et l'indulgence pour les erreurs <strong>de</strong> détail qui sont<br />

inévitables. Quand on cherche, à travers champs, les<br />

traces <strong>de</strong> ces chemins <strong>de</strong>puis si longtemps abandonnés,<br />

l'on n'est pas, j'en ai fait l'expérience, couché sur un lit<br />

<strong>de</strong> roses. En fait d'archéologie, la paix est pour les<br />

hommes <strong>de</strong> bonne volonté qui bornent leurs travaux à<br />

mesurer les monuments avec le parapluie <strong>de</strong> l'Antiquaire<br />

du livre malicieux <strong>de</strong>s Bourgeois <strong>de</strong> Molinchart.


NOTE A.<br />

Extrait <strong>de</strong> la Topographie ecclésiastique pendant le moyen-âge.<br />

( Annuaire historique publié par la Société <strong>de</strong> l'Histoire <strong>de</strong> France.<br />

Année 1862 (1), far M. J. DESNOVERS (<strong>de</strong> l'Institut.)<br />

VIII. DIOCÈSE DE SENLIS.<br />

CIVITAS SILVANECTUM.<br />

(Fin du III e , ou commencement du IV e siècle).<br />

1 ARCHIDIACONÉ ; 2, puis 8 DOYENNÉS RURAUX.<br />

A. Ancienne division.<br />

ÀHCHIDIACONATUS SILVANECTENSIS. Archidiaconé du diocèse.<br />

Le titulaire avait à Bazoches [Basilica, Bazochiœ),<br />

près <strong>de</strong> Crépy, un siège <strong>de</strong> sa juridiction.<br />

1. DECANATUS vel ARCHIPR. SILVANECTENSIS. Doyenné rural <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>.<br />

2. — CRESPIACENSIS. Doyenné <strong>de</strong> Crépy.<br />

I. ARCHIDIACONATUS<br />

SILVANECTENSIS EC-<br />

CLESIAE.<br />

Archidiaconé du<br />

diocèse.<br />

1. — DECANATUS<br />

CHRISTIANITATIS SIL-<br />

VANECTENSIS.<br />

Doyenné <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>.<br />

B. Division postérieure au XVII e siècle.<br />

Vers<br />

Ch.-l. d'arr. du<br />

le<br />

dép. <strong>de</strong> l'Oise.<br />

N. 0.<br />

du Pays <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>,<br />

(1) M. Jules Desnoyers, mû par un noble sentiment <strong>de</strong> bienveillance<br />

et <strong>de</strong> désintéressement, a bien voulu m'autoriser à insérer ses travaux<br />

sur les diocèses <strong>de</strong> la France. Je l'en ai cordialement remercié en mon<br />

nom et pour toutes les personnes qui, grâce à ses excellents résumés,<br />

y trouveront le meilleur gui<strong>de</strong> pour leurs étu<strong>de</strong>s sur la France ecclésiastique.


— 229 —<br />

Le diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> était situé à l'extrémité méridionale <strong>de</strong> la<br />

Province ecclésiastique <strong>de</strong> Reims, sur les limites <strong>de</strong> la quatrième<br />

Lyonnaise, qui le bornait au sud. Il avait pour autres confins <strong>de</strong>ux<br />

diocèses seulement, celui <strong>de</strong> Beauvais à l'O. et au N. 0., celui <strong>de</strong><br />

Soissons dont il était séparé par le cours <strong>de</strong> l'Autonne, au N. E. et<br />

à l'E. Il était le plus petit <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> Belgique et l'un <strong>de</strong>s moins<br />

importants <strong>de</strong> toute la France, quoique <strong>de</strong>s plus anciens. Il n'avait<br />

pas plus <strong>de</strong> 7 à 8 lieues <strong>de</strong> l'E. à l'O., sur 6 <strong>de</strong> largeur, et à peine<br />

23 lieues <strong>de</strong> circuit.<br />

Il ne comptait que 77 paroisses pendant le XVII e siècle. Au com-


— 230 —<br />

mencement du siècle suivant, en 1736, il n'y en avait que 72, et<br />

même, peu d'années avant la Révolution, le nombre en était réduit à<br />

64 cures, avec 9 succursales ou 16 vicariats (1). Plusieurs <strong>de</strong>s Doyennés<br />

ruraux <strong>de</strong>s diocèses <strong>de</strong> Cambrai et <strong>de</strong> Tournai étaient plus<br />

étendus et plus peuplés que le diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> tout entier. Celui-ci<br />

ne représentait pas la dixième partie du diocèse d'Amiens ou <strong>de</strong><br />

celui <strong>de</strong> Cambrai.<br />

La Civitas Gallo-romaine, à laquelle a succédé le diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>,<br />

était celle <strong>de</strong>s Silvanectes, et sa capitale, qui <strong>de</strong>vint celle <strong>de</strong> l'évéché,<br />

était Augustomagus. Ni le peuple, ni sa ville principale ne sont nommés<br />

par César, qui fait une mention si fréquente <strong>de</strong>s peuples limi-<br />

trophes : les Bellovaci, les Ambiani, les Veromandui, les Suessiones,<br />

les Parisii. D'Anville et d'autres géographes ont tiré <strong>de</strong> cette<br />

omission la conséquence que les Silvanectes ne formaient point<br />

encore, à l'époque <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong>s Gaules, un peuple indépendant,<br />

et qu'ils faisaient partie <strong>de</strong> l'une <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s tribus voisines, plus<br />

probablement <strong>de</strong>s Bellovaci. La forme et la situation du territoire<br />

ancien <strong>de</strong> la Gaule-Belgique, représenté par le diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>,<br />

peut suggérer cette idée. En effet, il n'était point séparé du diocèse<br />

<strong>de</strong> Beauvais par le lit <strong>de</strong> l'Oise, limite à peu près générale entre les<br />

diocèses limitrophes <strong>de</strong> Beauvais et <strong>de</strong> Noyon sur la rive droite, <strong>de</strong><br />

Soissons et <strong>de</strong> Laon sur la rive gauche. Le diocèse <strong>de</strong> Beauvais<br />

s'étendait même plusieurs lieues au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> l'Oise vers le diocèse <strong>de</strong><br />

<strong>Senlis</strong> ; ce qui peut faire supposer que les Bellovaci s'étaient réservé<br />

exclusivement la navigation <strong>de</strong> cette rivière,<br />

Toutefois, cette dépendance, si elle a réellement existé, n'a pas<br />

dû être <strong>de</strong> longue durée, et elle n'est démontrée par aucun témoignage<br />

incontestable. Le nom <strong>de</strong> la capitale, Augustomagus, qui<br />

indique, par sa forme <strong>de</strong>mi-gauloise, <strong>de</strong>mi-romaine, une influence<br />

(1) Le pouilié <strong>de</strong> 1648 indique 177 paroisses, par l'effet d'une erreur,<br />

dont Alliot donne <strong>de</strong> trop fréquents exemples dans son recueil,


— 231 —<br />

romaine exercée, peu <strong>de</strong> temps après César, sur une localité gau-<br />

loise importante, et la qualification liberi, que Pline (1) donna,<br />

comme aux Nervii et aux Suessiones, aux Silvanecles, qu'il a cités,<br />

tout en altérant leur nom sous la forme d'Ulbanectes ou d'Ulmanectes,<br />

montrent qu'avant la fin du 1 er siècle au moins, un territoire parfai-<br />

tement distinct, couvert en partie <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s forets dont les vestiges<br />

sont encore considérables, a dû servir <strong>de</strong> base à la division politique<br />

consignée dans la Notitia Prov. et Civit. Gall., et à la division ecclé-<br />

siastique qui lui a succédé, sous le nom <strong>de</strong> Civitas Sihanectum ou<br />

Silvanectensium.<br />

Le rang que ce peuple tient dans les plus anciennes rédactions <strong>de</strong><br />

la Notice, où il est placé le huitième, avant les Bellovaci, les Am-<br />

biant et les Morini, est un autre témoignage <strong>de</strong> leur antiquité et <strong>de</strong><br />

leur indépendance comme peupla<strong>de</strong> gauloise. (2)<br />

Ptolémée (3) en avait fait mention plus anciennement sous le<br />

nom <strong>de</strong> Subanectes, peuple qu'il indique entre les Nervii et les<br />

Suessiones, en lui assignant pour capitale une ville qu'il nomme<br />

Rotomagus, et qu'il place à l'orient <strong>de</strong> la Seine. Cette fausse dési-<br />

gnation et cette confusion, qui proviennent sans nul doute d'une<br />

altération <strong>de</strong> copiste, ont fait supposer, à tort, selon moi l'existence<br />

d'une secon<strong>de</strong> ville importante sur le territoire <strong>de</strong>s Silvanectes. (4)<br />

(1) Hist. nat., lib. IV, c. vii.<br />

(2) Ce n'est que dans les rédactions les plus récentes <strong>de</strong> la Notitia<br />

Civit. Gall. que la Civitas Silvanectum occupe le dixième rang.<br />

(3) Géogr., 1. II, c. ix.<br />

(4) L'attribution, que M. A. Jacobs a proposée <strong>de</strong> ce Ratomagus <strong>de</strong><br />

Ptolémée au territorium Rossontense, dans sa Géographie <strong>de</strong> Grégoire<br />

<strong>de</strong> Tours (1858, p. 126), travail fort estimable dont j'aurai plus d'une<br />

autre occasion <strong>de</strong> parler avec éloges, quoique n'admettant pas plusieurs<br />

<strong>de</strong>s opinions <strong>de</strong> l'auteur, me paraît inadmissible. Ce territoire,<br />

en effet, dépendait soit du diocèse <strong>de</strong> Beauvais, soit moins probablement<br />

du diocèse <strong>de</strong> Soissons, suivant qu'on adopte l'un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux lieux


— 232 —<br />

Leur véritable capitale, Augustomagus, figure encore sous ce nom<br />

dans la Table <strong>de</strong> Peutinger et dans l'Itinéraire d'Antonin; plus tard,<br />

elle n'est plus désignée que sous le nom du peuple, comme il en<br />

arriva pour un très-grand nombre <strong>de</strong> villes gauloises, vers le IV e<br />

siècle : Silvanectum, Silvanectis, et après le XIIIe siècle, Senliciacum.<br />

La Notit. dign. Imp. indique cette ville comme l'un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux séjours,<br />

ou centres <strong>de</strong> surveillance du Prœfeclus <strong>de</strong>s Lœti Gentiles,<br />

disséminés, sous différents noms, dans la secon<strong>de</strong> Belgique.<br />

La situation <strong>de</strong> l'Oppidum, ou du Castrum, ou <strong>de</strong> la ville principale<br />

<strong>de</strong>s Silvanectes, à <strong>Senlis</strong>, qui a succédé à Augustomagus, est rendue<br />

incontestable par l'itinéraire et par la Table,, et non moins certainement<br />

encore par une enceinte <strong>de</strong> murs romains, parfaitement<br />

intacts, qui a conservé le nom <strong>de</strong> Cité, ainsi que par d'autres vestiges<br />

d'antiquités romaines. Le doute émis à cet égard par M. Walckenaer<br />

(Gèogr. anc, t. II, p. 271) ne me semble pas fondé.<br />

Le nom et les limites du territoire <strong>de</strong>s Silvanectes ne paraissent<br />

pas avoir changé pendant toute la durée du moyen âge, et nul<br />

témoignage n'indique que celte Civitas n'ait pas été constamment<br />

représentée par le diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>. On y voit le christianisme<br />

introduit, dès la fin du IIIe siècle (n. 296), par la prédication <strong>de</strong><br />

S. Rieul (Rigolus), dont le culte n'a pas cessé d'exciter la vénération<br />

<strong>de</strong>s habitants.<br />

Grégoire <strong>de</strong> Tours fait plusieurs fois mention <strong>de</strong>s Silvanectes, <strong>de</strong><br />

leur ville et <strong>de</strong> leur territoire :<br />

Territorium Silvanectense ou Silvanectum (Hist. 1. IV. c. xiv) ;<br />

Urbus Silvanectensis, et <strong>de</strong> Silvanectis (Hist. 1. IX, c. xx). Cette ville<br />

anciens indiqués sous le nom <strong>de</strong> Ressons dans chacun <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux<br />

diocèses ; mais on ne trouve dans le diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> aucune dénomination<br />

territoriale qui puisse permettre d'expliquer <strong>de</strong> cette façon le<br />

texte <strong>de</strong> Ptolémée; celui-ci désigne un peuple et sa capitale.


— 233 —<br />

et son territoire ont joué un rôle important sous les rois Mérovin-<br />

giens, qui en ont fait souvent leur <strong>de</strong>meure.<br />

Le Silvanecte figure dans le VIII e Missaticum du capitulaire <strong>de</strong><br />

l'année 823 avec lettre <strong>de</strong> Comitatus, et le pagus Silvanectensis dans<br />

le V e Missaticum du capitulaire <strong>de</strong> Charles le.Chauve en 853 (1).<br />

1l est encore désigné sous le même nom au xii e siècle : in pago<br />

Silvanectensi, in villa quœ dicitur Braio (2). Le prieuré <strong>de</strong> Bray<br />

était situé sur le bord <strong>de</strong> la chaussée Brunehaut, au N.-E. <strong>de</strong><br />

<strong>Senlis</strong>.<br />

Quelque peu étendu que fût le diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, il l'était plus<br />

encore cependant que le pagus Silvanectensis, ou <strong>Senlis</strong>sois du moyen<br />

Age; il comprenait une portion notable du pagus Va<strong>de</strong>nsis ou du<br />

Valois, qui se trouvait ainsi partagé entre les diocèses <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> et<br />

<strong>de</strong> Soissons. Ce partage est probablement aussi ancien que l'origine<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux évéchés, puisqu'il n'existe dans les textes aucune trace <strong>de</strong><br />

la division plus tardive qui aurait pu en être faite entre l'un et<br />

l'autre <strong>de</strong> ces territoires ecclésiastiques. La capitale du Valois, Crépy<br />

(Crispeium ou Crispiacum ia Va<strong>de</strong>nsi, est toujours indiquée comme<br />

faisant partie du diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, avec la portion occi<strong>de</strong>ntale <strong>de</strong> ce<br />

même pays, et comme constituant un Doyenné distinct. Les comtes<br />

<strong>de</strong> Valois ont pris souvent le titre <strong>de</strong> comtes <strong>de</strong> Crépy, dès le xi e et le<br />

xii e siècle. Raoul II, comte <strong>de</strong> Crépy, assistait au sacre <strong>de</strong> Philippe<br />

1", et Raoul, aïeul d'Adèle, comtesse <strong>de</strong> Vermandois, était<br />

qualifié : Crispeinsis sive Va<strong>de</strong>nsis Comes (3). Ils avaient, sous ce nom,<br />

une monnaie particulière.<br />

Les questions <strong>de</strong> géographie historique soulevées par l'étu<strong>de</strong> du<br />

(1) D. Bouquet, Rec. <strong>de</strong>s hist. <strong>de</strong> Fr., t. VII, p. 616. — Baluze, Capitul.<br />

reg. Fr., t. col. 641. — Guérard, Essai, p. 162 et 163.<br />

(2) N. Gall. chr., t. IX, lnstr., col. 203.<br />

(3) Voir sur le pagus Va<strong>de</strong>nsis, plus tard Comitatus Valesius, les<br />

notes du diocèse <strong>de</strong> Soissons et la Notifia d'Hadr. <strong>de</strong> Valois, p. 580.


— 234 —<br />

diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, ne sont donc pas sans intérêt et sans difficultés,<br />

malgré son peu d'étendue.<br />

On peut constater l'ancienneté <strong>de</strong> la Civitas et du diocèse, remarquables<br />

à cause <strong>de</strong> cette faible étendue, qui rappelle les nombreux<br />

diocèses d'Afrique, réduits parfois à une petite ville et à quelques<br />

bourga<strong>de</strong>s, et dont l'érection en évéchés n'eut pas le plus souvent<br />

d'autre cause que le titre <strong>de</strong> municipium, dont jouissaient primitivement<br />

ces villes sous la domination romaine.<br />

La réunion primitive, incertaine, il est vrai, du pagus <strong>de</strong>s Silvanectes<br />

au territoire plus considérable d'un peuple voisin, les Bellovaci,<br />

avant que ce pagus fût lui-même élevé au rang <strong>de</strong> Civitas.<br />

L'interprétation, plus incertaine encore, du texte altéré <strong>de</strong> Ptolémée<br />

concernant le nom du chef-lieu, Rotomagus au lieu d'Augustomagus,<br />

tandis que la situation réelle <strong>de</strong> cette capitale ne peut pas<br />

être le sujet du moindre doute.<br />

La réunion dans une seule Civitas et dans un seul diocèse ou territoire<br />

antique d'une tribu gauloise, d'une partie d'un autre territoire,<br />

le pagus Vendisis, divisé entre <strong>de</strong>ux évêchés voisins.<br />

Enfin, la réunion par le traité d'An<strong>de</strong>lot, en 557, <strong>de</strong>s trois portions<br />

du territoire <strong>de</strong>s Silvanectes, tel qu'il avait été antérieurement partagé.<br />

Quelle était la partie <strong>de</strong> ce territoire <strong>de</strong>s Silvanectes, duas portiones<br />

<strong>de</strong> Silvanectis, donnée en compensation du tiers du pagus Rossontensis<br />

et d'autres droits sur la Civitas <strong>de</strong>s Parisii dans le traité<br />

d'An<strong>de</strong>lot, entre Gontran. Chil<strong>de</strong>bert et la reine Brunehaut? Ce partage<br />

<strong>de</strong> la Civitas <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> entre les rois Francs est encore indiqué<br />

par ces termes du même chapitre <strong>de</strong> Grégoire <strong>de</strong> Tours : Ad divi-<br />

sionem Silvanectensem. — Pars mea <strong>de</strong> urbe Silvanectensi. — Ut<br />

Silvanectis dominus Chil<strong>de</strong>beri in integritate teneat, et quantnm tertia<br />

domini Guntramnis eœin<strong>de</strong> débita competit, <strong>de</strong> tertia D. Chil<strong>de</strong>berti quœ<br />

est in Rossontense, <strong>de</strong> Guntramni partibus comparetur (1).<br />

(1) Greg. Tur. Hist. Franc, 1. IX, c. XX.


— 235 —<br />

Le tiers du territoire <strong>de</strong> !a Civitas <strong>de</strong> Silvanectis ne pouvait—il pas<br />

être représenté par la portion du pagus Va<strong>de</strong>nsis comprise dans le<br />

diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> ?<br />

Archidiaconés et Doyennés ruraux du diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>.<br />

S'il fallait ajouter foi aux auteurs <strong>de</strong> la carte du diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>,<br />

publiée en 1709, et dont il a paru <strong>de</strong>ux autres éditions en 1745 et<br />

en 1761, ce diocèse n'était point divisé, comme les autres, en Archidiaconés,<br />

ni subdivisé en Doyennés. C'est la mention qu'on lit, en<br />

effet, sur cette carte, levée par un curé du diocèse, nommé Parent,<br />

et complétée par le géographe G. De l'Isle. Les auteurs ajoutent<br />

il est vrai « que l'on s'est contenté <strong>de</strong> marquer dans la carte les<br />

bornes du Valois et du territoire <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, le diocèse étant compris,<br />

partie dans le pays ou territoire <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> et partie dans le Valois. »<br />

La même assertion se retrouve dans l'Histoire du duché ie Valois,<br />

par Colliette (1), mais avec cette réserve que le diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong><br />

n'aurait été divisé en Doyennés ruraux que pendant le xviiie siècle<br />

(vers 1762). Auparavant, dit cet historien, l'Archidiacre cumulait,<br />

avec ses propres fonctions, celles <strong>de</strong> Doyen <strong>de</strong> tout le diocèse.<br />

Cette opinion, quoique publiée sous l'approbation d'un évêque<br />

(J. Fr. <strong>de</strong> Chamillart) par un <strong>de</strong>s historiens les plus compétents du<br />

Valois, ne me paraît cependant pas fondée.<br />

En effet, dès le xiii e siècle, en 1270, on voit figurer, dans une<br />

charte en faveur <strong>de</strong> la collégiale <strong>de</strong> S.-Aubin <strong>de</strong> Crépy, un Decanus<br />

Christianitatis <strong>de</strong> Crispeio (2) ; et le Decanus Silvanectensis, dont le<br />

titre désigne tantôt le Doyen capitulaire <strong>de</strong> l'église cathédrale,<br />

(1) Hist. du Valois, t. III, p. 143.<br />

(2) Histoire du Valois, t. III, pr., p. civ.


— 236—<br />

tantôt le Doyen rural du territoire, paraît plus fréquemment encore,<br />

ainsi que ï'Archidiacanus, au nombre <strong>de</strong>s signataires <strong>de</strong>s chartes<br />

ecclésiastiques. Entre autres textes on peut citer <strong>de</strong>s chartes <strong>de</strong><br />

1162 et 1184(1).<br />

Les <strong>de</strong>ux territoires politiques <strong>de</strong> ce petit diocèse, savoir : la<br />

partie du pagus Va<strong>de</strong>nsis ou Valois, dont Crépy était la ville principale<br />

et qui était unie au diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, et le pagus Silvaneclensis<br />

proprement dit, ou <strong>Senlis</strong>sien, étaient donc également distincts au<br />

double point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l'administration civile et <strong>de</strong> l'Eglise.<br />

On peut reconnaître <strong>de</strong>ux époques dans la géographie ecclésiastique<br />

du diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> : la première, antérieure à 17S0 ; la<br />

secon<strong>de</strong>, <strong>de</strong>puis le milieu du xviiie siècle, au moins, jusqu'en 1790.<br />

Dans la première pério<strong>de</strong> on voit <strong>de</strong>ux Doyennés ruraux et huit<br />

dans la secon<strong>de</strong>. Au texte positif du xiiie siècle que j'ai indiqué on en<br />

pourrait ajouter plusieurs autres du xiii e au xviii e siècle. Les statuts<br />

synodaux <strong>de</strong> l'Evêché <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, au xvi e siècle, fout mention <strong>de</strong> plusieurs<br />

Decani, tels sont, entre autres, les statuts promulgués en<br />

1322, par l'évèque Fillon. L'article IX intitulé : Injunctiones ad<br />

Decanos, leur prescrit <strong>de</strong> visiter le plus souvent possible les cures <strong>de</strong><br />

leurs territoires, <strong>de</strong> ne point faire arrêt sur les revenus <strong>de</strong>s bénéfices,<br />

<strong>de</strong> n'avoir point <strong>de</strong> mœurs irrégulières, etc. (2). Le plus ancien<br />

pouillé imprimé, celui d'Àlliot (1648), et les différentes éditions <strong>de</strong><br />

la carte du diocèse, par N. Sanson (1657 et 1741), montrent les<br />

<strong>de</strong>ux Doyennés ruraux.<br />

Doyenné <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, pour la partie occi<strong>de</strong>ntale, ou le <strong>Senlis</strong>sien.<br />

Doyenné <strong>de</strong> Crespy, pour la partie orientale, ou le Valois.<br />

(1) N. Gall. chr., t. IX, Instr., col. 314 et 481.<br />

(2) Actes <strong>de</strong> la Province ecclés. <strong>de</strong> Reims, t. III, p. 16. d'après la collec-<br />

tion <strong>de</strong>s Conciles <strong>de</strong> Rouen (Concil. Rotom. Prov.), par D. Bessin, 1771,<br />

part. II, p. 106.


— 237 —<br />

Le Doyenné <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> était <strong>de</strong>ux fois plus étendu que celui <strong>de</strong><br />

Crépy ou du Valois. Celui-ci reçut aussi le nom d'Archiprêtré.<br />

Ce n'est que dans la secon<strong>de</strong> moitié du xviii e siècle qu'on voit le<br />

nombre <strong>de</strong>s Doyennés ruraux considérablement augmenté et porté<br />

jusqu'à huit. En voici la liste d'après un document assez récent,<br />

il est vrai, mais qui n'en fournit certainement pas la plus ancienne<br />

mention (1).<br />

Doyenné <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong><br />

Doyenné <strong>de</strong> Baron<br />

Doyenné <strong>de</strong> Mortefonlaine . . . .<br />

Doyenné <strong>de</strong> Rully<br />

Doyenné <strong>de</strong> Chantilly<br />

Doyenné <strong>de</strong> Crépy<br />

Doyenné <strong>de</strong> Fresnoy-lès-Louats. .<br />

Doyenné <strong>de</strong> Séry<br />

Territoire <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, partie<br />

occi<strong>de</strong>ntale du diocèse.<br />

Territoire du Valois, partie,<br />

orientale du diocèse.<br />

( L'Annuaire contient, à la suite <strong>de</strong> cette citation, d'autres détails.)<br />

(1) Almanach historique <strong>de</strong> la ville et du diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, année 1788,<br />

p. 68. <strong>Senlis</strong>, 1 vol. in-18. C'est, ce document qui m'a servi <strong>de</strong> base<br />

pour le tableau du diocèse. J'ai restitué les noms anciens d'après les<br />

chartes.


NOTE B.<br />

Tableau <strong>de</strong>s anciens Chemins du Diocèse <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>.<br />

( Extrait <strong>de</strong> l'Introduction à l'Histoire générale <strong>de</strong> la province<br />

<strong>de</strong> Picardie, par DOM GRENIER. )<br />

( Collection <strong>de</strong>s Mémoires <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong>s Antiquaires <strong>de</strong> Picardie. 1 vol in-4°, 1856.<br />

Publication faite par MM. Ch. DOFOUR et J. GARNIER.)<br />

CHAPITRE CCXXÏV.<br />

Voie militaire <strong>de</strong> Rome à Boulogne sur Mer.<br />

Cette première voie romaine construite dans la secon<strong>de</strong> Belgique<br />

est celle dont parle Strabon (géogr., 1.4, in fine) : Ad Oceanum et<br />

Bellovacos et Ambianos.<br />

Elle était <strong>de</strong> la première classe <strong>de</strong>s chaussées, c'est-à-dire voie<br />

militaire nommée Via solemnis... Cette voie se nommait aussi Via<br />

Cœsarea...<br />

Comme le géographe Grec ne dit point par quel endroit cette<br />

voie entrait dans la Belgique, Bergier a cru pouvoir suppléer à son<br />

silence par l'Itinéraire connu sous le nom d'Antonin. En suivant ce<br />

gui<strong>de</strong>, il fait venir la chaussée <strong>de</strong> Lyon à Rheims, par la Bourgogne,<br />

par la Champagne, et la conduit <strong>de</strong> Rheims à Soissons, à<br />

Noyon, à Amiens, et enfin à Boulogne-sur-Mer; mais nous ne<br />

voyons pas qu'aucun <strong>de</strong> ces endroits fût du pays <strong>de</strong>s Bellovaces. Cependant<br />

la voie d'Agrippa <strong>de</strong>vait y passer, suivant Strabon, auteur<br />

contemporain. Il est à remarquer que la voie que Bergier a tracée,<br />

d'après l'Itinéraire, est dite Per compendium, c'est-à-dire pour abré-


— 239 —<br />

ger le chemin, ce qui en suppose une autre. Nous la trouvons, cette<br />

voie, <strong>de</strong>puis Soissons jusqu'à Amiens, ou, pour nous conformer à la<br />

ma.rche <strong>de</strong> l'Itinéraire, <strong>de</strong>puis Amiens jusqu'à Soissons, passant<br />

par le Beauvoisis. Elle est beaucoup plus longue, il est vrai, mais<br />

il faut observer que cette chaussée étant la première que les Romains<br />

firent passer dans la Belgique, ils voulaient qu'elle leur servit<br />

à communiquer surtout avec les cités les plus remuantes, telles<br />

qu'était celle <strong>de</strong>s Bellovaces. D'ailleurs qu'était Noyon au temps<br />

d'Auguste, pour être préféré à <strong>Senlis</strong> et à Beauvais. Etait-il même<br />

un camp romain?...<br />

La chaussée militaire passait dans la cité <strong>de</strong> Soissons, auprès <strong>de</strong><br />

l'église <strong>de</strong> Saint-Pierre dit à la Chaux... (<strong>de</strong> Calce pris pour Calceia).<br />

Elle sortait <strong>de</strong> la cité vers la tour nommée <strong>de</strong> l' Evangile, pour passer<br />

une petite rivière, à <strong>de</strong>ux ou trois lieues <strong>de</strong> Soissons, sur le<br />

pont Archer... Ainsi la voie militaire d'Agrippa tirait sur la gauche<br />

et non sur la droite. Nous ferons voir la <strong>de</strong>stination <strong>de</strong> celle qui<br />

allait passer à Vi-sur-Aisne...<br />

(Dom Grenier revenant à la route militaire qui passait par <strong>Senlis</strong><br />

et le Beauvoisis, continue en ces termes.) De là elle tire vers la<br />

Croix-Guerin, sur la gauche du village <strong>de</strong> Haute-Fontaine, à<br />

Chelles, vers Saint-Etienne, sous Pierrefond...<br />

A Champ-Lieu était une station ou un camp romain. De là elle<br />

va passer à Bétizy, où elle traverse la rivière d'Autonne, au pied<br />

<strong>de</strong> la montagne <strong>de</strong> Nery. (D'après <strong>de</strong>s titres du XIII e siècle, elle portait<br />

alors le nom <strong>de</strong> chaussée <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> ou <strong>de</strong> Gran<strong>de</strong>-Chaussée, et<br />

d'Etrée public, Strata publica, ou <strong>de</strong> Chaussée Brunehaut. A ce<br />

point on retrouve la limite <strong>de</strong> ce diocèse.) Elle côtoie ensuite le<br />

village d'Oignon et <strong>de</strong> Balagny, d'où elle se rend en ligne droite à<br />

<strong>Senlis</strong>, Augustomagus... Cette partie <strong>de</strong> la chaussée vient d'être ouverte<br />

pour y faire passer le nouveau chemin <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> à Crépy.<br />

Nous y avons vu qu'elle n'était remplie dans toute son épaisseur


— 240 —<br />

que <strong>de</strong> pierrailles qui forment une terrasse plus élevée en certaines<br />

parties qu'en d'autres, mais dominant partout les terres voisines.<br />

(Ici Dom Grenier relève, d'accord avec d'Anville, une erreur <strong>de</strong><br />

l'Itinéraire <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> à Soissons, où l'on trouve XXII milles ou lieues<br />

gauloises marquées comme distance entre ces <strong>de</strong>ux cités; ils<br />

adoptent la substitution proposée <strong>de</strong> XXXII milles qui est celle<br />

réelle.)<br />

De <strong>Senlis</strong> à Beauvais. Il est certain par l'Itinéraire que la voie<br />

militaire venait <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> à Litano-Briga et <strong>de</strong> là à <strong>Senlis</strong> : mais où<br />

était situé ce Litano-Briga ? La terminaison briga, qui dit la même<br />

chose que briva, indique certainement un passage sur une rivière,<br />

et cette rivière ne peut être autre que la rivière d'Oise, où était<br />

une station. Serait-ce la petite ville <strong>de</strong> Pont-Ste-Maxence ? Son<br />

pont est connu dès les premiers temps <strong>de</strong> la Monarchie. Il existait<br />

même au-<strong>de</strong>là, puisque c'était le passage d'une chaussée romaine.<br />

Mais les nombres <strong>de</strong> l'Itinéraire et <strong>de</strong> la Table, dit M. d'Anville<br />

(Notice <strong>de</strong> la Gaule, p. 418), seraient insuffisants par rapport au<br />

grand détour que la position <strong>de</strong> Pont-Ste-Maxence met entre Beauvais<br />

et <strong>Senlis</strong>. La distance à l'égard <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> est <strong>de</strong> v lieues gauloises<br />

bien complettes au lieu <strong>de</strong> IV ; et à l'égard <strong>de</strong> Beauvais, la<br />

mesure <strong>de</strong> la chaussée donne xx lieues, et ne se réduit point à XVIII.<br />

Serait-ce Creil, autre passage sur la même rivière? Quoique M.<br />

d'Anville penche pour ce sentiment, parce que Creil est plus voisin<br />

<strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, malgré que la distance passe encore les quatre lieues,<br />

d'environ une <strong>de</strong>mie, il nous permettra cependant <strong>de</strong> lui observer<br />

qu'il n'y a aucune trace <strong>de</strong> chaussée romaine entre <strong>Senlis</strong> et Creil (1)<br />

ni au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> cette petite ville. De plus la voie militaire ne pouvait<br />

aller <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> à Creil sans faire un cou<strong>de</strong> considérable, et un plus<br />

grand encore, en. passant par Pont-Ste-Maxence. Nous trouverions<br />

(1) La découverte du pont et <strong>de</strong> la chaussée romaine, près <strong>de</strong> Creil,<br />

faite par M. Houbigant, détruit l'assertion <strong>de</strong> Dom Grenier. p. D.


— 241 —<br />

cet inconvénient <strong>de</strong> moins, en suivant la portion <strong>de</strong> chaussée qui<br />

existe encore <strong>de</strong>puis <strong>Senlis</strong> jusqu'à la forêt <strong>de</strong> Chantilly. La distance,<br />

il est vrai, d'Augustomagus à Litano-Briga sera plus longue que les<br />

<strong>de</strong>ux précé<strong>de</strong>ntes, parce que l'on compte plus <strong>de</strong> trois lieues <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong><br />

aux bords <strong>de</strong> l'Oise vers Royaumont, mais aussi les dix-huit<br />

lieues gauloises <strong>de</strong> l'Itinéraire, <strong>de</strong> Litano-Briga à Cœsaromagus s'y<br />

retrouveront plus exactement. Au reste, comme il est constant qu'il<br />

y a faute dans l'Itinéraire, nous pouvons penser que l'erreur peut<br />

tomber sur le plus comme sur le. moins.<br />

Nous reprenons donc la voie militaire où nous l'avons laissée,<br />

c'est-à-dire à <strong>Senlis</strong>. Nous la suivons à travers les marais du faubourg<br />

Saint-Martin. Si elle est dirigée sur ce faubourg plutôt que<br />

sur la cité existante, que nous croyons avoir été bâtie par Posthume,<br />

c'est que probablement la cité d'Auguste avait été construite en cet<br />

endroit, qui, avec le quartier <strong>de</strong> la ville mo<strong>de</strong>rne, où est située<br />

l'abbaye <strong>de</strong> Saint-Vincent est nommé dans les anciens titres <strong>de</strong><br />

l'abbaye Alodium regium, Vic-Tellus. La rue et le carrefour <strong>de</strong> Vi-<br />

Tel sont encore connus à <strong>Senlis</strong> ; or Vic-Tellus latin, et Yi-Tel indiquent<br />

bien clairement le passage <strong>de</strong> la voie militaire ; si elle<br />

n'existe plus dans ce quartier, en voici les raisons : (Le bout <strong>de</strong> la<br />

chaussée avait été coupé le long <strong>de</strong> la contrescarpe pour la sûreté<br />

<strong>de</strong> la ville pendant les guerres civiles. Voilà, dit Dom Grenier,<br />

pourquoi on ne commence à la reconnaître que <strong>de</strong>puis la Maison<br />

<strong>de</strong>s Renfermés jusqu'à la forêt <strong>de</strong> Chantilly. Depuis Bétizy jusquelà,<br />

elle est comme tirée au cor<strong>de</strong>au.)<br />

Entrée dans le bois, la voie militaire s'y laisse apercevoir d'espace<br />

en espace, comme il appert par la carte <strong>de</strong> <strong>de</strong> l'Isle, et comme<br />

nous l'avons vérifié.<br />

Elle ne parait plus au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong>-Etoile. On croit cependant<br />

qu'elle passait à la Voie <strong>de</strong>s Tombes, pour gagner la Morlaye,<br />

ancien palais <strong>de</strong>s rois <strong>de</strong> la première race. Depuis Rheims jusqu'ici,<br />

nous regardons cette chaussée comme la Voie Solennelle dont parle<br />

17


— 242 —<br />

Ammien Marcellin (lib. 20, c. 4), et par laquelle Julien l'Apostat<br />

fit venir à Paris les légions qui étaient dans le pays Remois. La Morlaye<br />

nous rapproche d'un village nommé Lits, formé du mot Belgique<br />

Litano, sa position Briga ou Briva, c'est-à-dire un pont, ou en<br />

général un passage sur une rivière : la direction <strong>de</strong> la chaussée<br />

qui n'avait besoin <strong>de</strong> faire qu'un petit cou<strong>de</strong> à la Morlaye pour<br />

arriver en ce lieu. Peut-être même ne serait-il pas impossible <strong>de</strong><br />

retrouver entre Lits et la Morlaye les vestiges <strong>de</strong> la Voie militaire,<br />

et dans la rivière les restes du pont qui y était construit : tout cela<br />

semble bien approcher <strong>de</strong> l'évi<strong>de</strong>nce, surtout si ce lieu <strong>de</strong> Lits était<br />

le Litano-Briga, connu par <strong>de</strong>s médailles gauloises Nous ne<br />

sommes pas bien certains <strong>de</strong> l'endroit où la voie traversait la rivière<br />

d'Oise ; nous savons seulement qu'il y avait sur la rive droite<br />

un port nommé Corceloi (titre <strong>de</strong> l'abbaye <strong>de</strong> Fromint 124), et il<br />

n'était pas éloigné <strong>de</strong> Bruyères : Apud Bruierias juxta Isaram, jvxta<br />

pontem Corceloi.<br />

En supposant que le pont fût en cet endroit, le port <strong>de</strong>vait être<br />

encore plus voisin <strong>de</strong> Boren, à cause <strong>de</strong> l'église paroissiale dédiée à<br />

Saint-Vast... La voie allait droit à Bruyères... Elle portait le nom<br />

<strong>de</strong> Chemin <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> à Chambly, quoiqu'elle n'allât pas jusque-là ;<br />

car à Bruyères elle faisait un cou<strong>de</strong> pour gagner Crouy. Cela est<br />

prouvé par plusieurs manuscrits. (Dans un titre <strong>de</strong> 1257, on la<br />

nommait la vieille Chaussée qui allait à Beauvais)... Dans un titre <strong>de</strong><br />

1232 <strong>de</strong> l'abbaye <strong>de</strong> Froimont, on trouve : juxta stratam que tendit a<br />

Brueriis ad Croy... petia {terre} qui dicilur terra <strong>de</strong> Longa meta, strate<br />

memorate contigua. Or, il se trouvait sur cette portion <strong>de</strong> la chaussée<br />

une colonne milliaire conservée encore en 1750...<br />

De Crouy, la Voie militaire allait passer à Sainte-Geneviève, à<br />

côté du bois <strong>de</strong> Noailles, à cinquante pas <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières maisons <strong>de</strong><br />

Boncourt, longeant les montagnes <strong>de</strong> Vaux-Gérain, <strong>de</strong> Boncourt et<br />

<strong>de</strong> Tillart, et sur la droite d'Hodan-l'Evêque. Là, elle prenait le<br />

nom <strong>de</strong> Chaussée Brunehaut, qu'elle conservait jusqu'au bois <strong>de</strong>


— 243 -<br />

Fesc, après avoir séparé les terroirs d'A.bbecourt et <strong>de</strong> Saint-Sulpice,<br />

après avoir passé au pied du moulin à vent d'Abbecourt, cottoyé<br />

le champ Dolent, la seigneurie <strong>de</strong> Silly, et coupé la rue <strong>de</strong>s<br />

Godins au calvaire d'Abbecourt. (Elle portait là le nom <strong>de</strong> Chaussée<br />

d'Abbecourt.)... Après avoir côtoyé le lois <strong>de</strong> Fesc, la chaussée<br />

Brunehaut tirait sur la gauche <strong>de</strong> Bongenou, <strong>de</strong> là au bois <strong>de</strong> Saint-<br />

Lazare, et ensuite vers l'abbaye <strong>de</strong> Saint-Symphorien, d'où elle<br />

<strong>de</strong>scendait et entrait dans la ville <strong>de</strong> Beauvais par la porte <strong>de</strong> Saint-<br />

Jean.<br />

CHAPITRE CCXXV.<br />

La Voie Militaire raccourcie <strong>de</strong>puis Pont-1'Archer<br />

jusqu'à Amiens.<br />

Reprenons la voie militaire au Pont-1'Archer, en <strong>de</strong>çà <strong>de</strong> Soissons.<br />

Cette chaussée <strong>de</strong> Rheims à Boulogne, telle que nous venons<br />

<strong>de</strong> la décrire, était d'un trajet très-long. On a songé dans la suite à<br />

l'abréger; c'est ce que ces mots <strong>de</strong> l'Itinéraire aut per compendimn<br />

semblent indiquer clairement. Ainsi, pour la rendre plus courte,<br />

Septime Sévère (On verra bientôt pourquoi nous attribuons l'entreprise<br />

à cet Empereur,) la fit diriger sur le plan que voici :<br />

La nouvelle voie fourchait avec l'ancienne au Pont-l'Archer pour<br />

aller passer la rivière d'Aisne (Carlier, hist. <strong>de</strong> Valois, t.1, p. 15)<br />

sur la droite <strong>de</strong> Vi-sur-Aisne, Via super Axonam, sur un pont dont<br />

on apperçoit encore les vestiges lorsque les eaux sont basses, vis-àvis<br />

une croix, dite la Croix du vieux Pont; <strong>de</strong> là elle traverse la<br />

prairie <strong>de</strong> Vi-sur-Aisne, laissant Berny à droite.<br />

M. l'abbé Carlier dit qu'elle traversait la place d'armes du château<br />

<strong>de</strong> Berny. On compte <strong>de</strong> Vi-sur-Aisne à Soissons trois lieues et <strong>de</strong>mi<br />

ou huit milles toises qui reviennent presque à sept lieues gauloises,<br />

dont le calcul est <strong>de</strong> 7938 toises. M. Moreau <strong>de</strong> Mautour (p. 250,


— 244 —<br />

t. m <strong>de</strong> l'hist. <strong>de</strong> l'Académie <strong>de</strong>s Inscriptions) et Dom <strong>de</strong> Monfaucon,<br />

t. IV du suppl. <strong>de</strong> l'Antiquité expliquée) ont fait graver <strong>de</strong>ux<br />

colonnes milliaires dont les nombres <strong>de</strong>s distances marquées <strong>de</strong>ssus<br />

peuvent revenir à ces trois lieues et <strong>de</strong>mi, car elles portent l'une<br />

et l'autre sept lieues gauloises <strong>de</strong> l'endroit où elles étaient placées<br />

à Soissons, d'autant mieux encore que l'une est conservée dans la<br />

maison <strong>de</strong> campagne que l'abbé <strong>de</strong> Saint-Médard <strong>de</strong> Soissons a à<br />

Vi-sur-Aisne et l'autre dans l'abbaye même. Mais, dira-t-on, pourquoi<br />

<strong>de</strong>ux colonnes à la même distance ? Dom Monfaucon répond<br />

(p. 114) que celle qui est à Vi-sur-Aisne avait été mise apparemment<br />

à la place <strong>de</strong> l'autre aussitôt après la mort <strong>de</strong> l'Empereur,<br />

afin que son successeur se trouvât le premier et le seul. Nous ne<br />

déci<strong>de</strong>rons point cette question. Nous avons comparé les gravures<br />

<strong>de</strong> ces colonnes avec les <strong>de</strong>ssins qui avaient été envoyés à Dom<br />

Monfaucon...<br />

La première fut érigée après l'année 204 en l'honneur <strong>de</strong> l'empereur<br />

Septime Sévère et d'Antoine Caracalla son fils, qui était alors<br />

associé à l'empire, par les soins <strong>de</strong> Lucius-P. Posthumus, comme il<br />

parait par l'inscription au défaut <strong>de</strong> laquelle Dom <strong>de</strong> Monfaucon et<br />

M. <strong>de</strong> Mautour ont suppléé ainsi :<br />

IMPERATORE CAESARE LUCIO<br />

SEPTIMIO SEVERO PIO PER-<br />

TINACE AUGUSTO ARA-<br />

BICO ADIABENICO<br />

PARTHICO MAXIMO<br />

PATRE PATRIAE CONSULE TERTIUM ET<br />

IMPERATORE CAESARE<br />

MARCO AURELIO ANTONI-<br />

NO PIO FELICE<br />

( AUGUSTO PARTH1CO MAX1MO )<br />

CONSULE CURANTE LUCIO P.


— 245 —<br />

POSTUMO LEGATO AUGUSTORUM<br />

P. P. (PROPRAETORE) AB AUGUSTA SUES-<br />

SIONUM<br />

LEUGA SEPTIMA. (Leugis septem.)<br />

Cette colonne a été déterrée près <strong>de</strong> l'abbaye <strong>de</strong> Saint-Médard <strong>de</strong><br />

Soissons, sur le chemin <strong>de</strong> Crouy, non en 1709, comme le dit Monfaucon,<br />

mais en 1708. Nous avons sous les yeux la lettre <strong>de</strong> Dom<br />

Eustaches Giles, en date du premier juillet <strong>de</strong> cette armée qui lui<br />

annonce cette découverte comme toute récente. Il ajoute qu'elle<br />

avait été une <strong>de</strong>s quatre bornes qui, suivant la tradition, étaient<br />

plantées aux quatre coins <strong>de</strong> l'abbaye <strong>de</strong> Saint-Médard.<br />

La secon<strong>de</strong> colonne, d'une pierre très-dure, ainsi que la précé<strong>de</strong>nte,<br />

est dressée dans la cour du château abbatial <strong>de</strong> Vi-sur-<br />

Aisne. Elle fut découverte (Antiq. expl., p. 3) dans les <strong>de</strong>rnières<br />

années du siècle précé<strong>de</strong>nt, en travaillant à un bâtiment que M. <strong>de</strong><br />

Pomponne avait ordonné <strong>de</strong> construire. Sa hauteur est celle d'un<br />

homme ordinaire. Elle était détachée <strong>de</strong> sa base qui n'a point été<br />

retrouvée. L'inscription n'avait rien souffert alors <strong>de</strong> l'injure du<br />

temps. La voici avec l'explication qu'en a donnée Dom <strong>de</strong> Monfaucon.<br />

IMPERATORE CAESARE<br />

MARCO AERELIO AN-<br />

TONINO PIO<br />

AUGUSTO BRITANNI-<br />

CO MAXIMO TRIBUNITIA<br />

POTESTATE XIIII. IMPERATORE II<br />

CONSULE IIII. PATRE PATRIE PRO-<br />

CONSULE AB AUGUSTA<br />

SUESSIONUM LEUGA VII.<br />

Ce monument est <strong>de</strong> l'empire <strong>de</strong> Marc-Aurèle-Antonin Caracalla<br />

(Hist. <strong>de</strong> l'Acad. <strong>de</strong>s Inscrip,, t. III, p. 254). L'époque <strong>de</strong> sa puis-


— 246 —<br />

sance tribunitienne indique l'année 212 <strong>de</strong> l'ère chrétienne. Dom <strong>de</strong><br />

Monfaucon (Ant. expl., suppl.) dit cependant que toutes les notes<br />

chronologiques concourent avant l'an <strong>de</strong> J.-C. 211. Quoiqu'il en<br />

soit, ce monument et le précé<strong>de</strong>nt font preuve que la nouvelle<br />

voie militaire ayant été commencée par le père fut achevée ou du<br />

moins bien avancée par le fils.<br />

Arrivée sur la montagne <strong>de</strong> Vi-sur-Aine, elle laisse Autrèches<br />

sur la droite, Puiseux sur la gauche (1). En longeant son territoire,<br />

elle prend le nom <strong>de</strong> Via publica, dans un échange <strong>de</strong> l'année 1156,<br />

entre les abbayes <strong>de</strong> Saint-Médard, <strong>de</strong> Soissons et d'Ourscamp ; en<br />

traversant le territoire <strong>de</strong> Nancel, une charte <strong>de</strong> 1142 lui donne le<br />

nom <strong>de</strong> Chaussée tout simplement : Calceia in territorio <strong>de</strong> Nancel.<br />

En passant sur la droite <strong>de</strong>s Loges, l'abbé Le Beuf (Diss. sur le<br />

Soisson., p. 97) lui donne le titre <strong>de</strong> chemin militaire. Un peu plus<br />

loin, elle est qualifiée <strong>de</strong> Voie royale, dans un don fait en 1133 à<br />

l'abbaye d'Ourscamp, par Goislin, évêque <strong>de</strong> Soissons (Cart. Ursi-<br />

campi, folio 26 V e ) : Unum Campum... adjacentem vie regie que vulgo<br />

appellatur Kalchie <strong>de</strong> Valle Kaneuheris (la vallée Quennévière)...<br />

Cette chaussée <strong>de</strong>scendait vers Cus, là elle forme un cou<strong>de</strong> pour<br />

gagner Noyon qui est à <strong>de</strong>ux lieues <strong>de</strong> là. Arrivée à Pontoise, la<br />

chaussée passait la rivière d'Oise sur un pont qui n'existait plus dès<br />

1276. On y avait substitué un bac qui servit en 1186 à rétablir le<br />

passage public que les évéques avaient porté au passage <strong>de</strong> Pontl'Evêque.<br />

Cette chaussée passe plus loin sur un autre pont dit le Pont-Orgueil.<br />

Elle continue <strong>de</strong> là en ligne droite jusqu'à Noyon sous les<br />

noms <strong>de</strong> Calciata, Regia Strata (chartes du XIIIe siècle), <strong>de</strong> chaussée<br />

<strong>de</strong> Noyon (xv e siècle). L'Oroer, Oratorium <strong>de</strong> Saint-Eloy, c'est-àdire<br />

l'abbaye <strong>de</strong> ce nom qui a été détruite pour bâtir une cita<strong>de</strong>lle<br />

(1) C'est là où elle se croise avec le chemin gaulois-romanisé, direct<br />

<strong>de</strong> Soissons à l'Oise. — P. D.


— 247 —<br />

au xvi e siècle, était établie sur la chaussée. Elle entre dans la ville<br />

par la porte <strong>de</strong> Saint-Eloy, et suit la rue <strong>de</strong> ce nom jusqu'à celle<br />

<strong>de</strong> l'évêché où était la porte <strong>de</strong> Noyon (Noviomagus), poste du commandant<br />

<strong>de</strong>s Letes-Bataves-Condrinois, Praefectus Lœtorum Batavo-<br />

rum Contraginensium Noviomago Belgicae secundœ... Cette chaussée,<br />

<strong>de</strong>puis en <strong>de</strong>ça <strong>de</strong> Pontoise jusqu'au faubourg <strong>de</strong> Vè, avait été abandonnée<br />

avant l'an 1180, comme il est certain, par un règlement <strong>de</strong><br />

celte année <strong>de</strong> Rainold, évèqùe <strong>de</strong> Noyon. Le chemin public, laissant'<br />

Pontoise, la rue d'Oroer et Noyon sur la droite, allait traverser la<br />

rivière d'Oise à Pont-1'Evêque. Ce ne fut que cette même année<br />

1180 que les choses furent rétablies comme au temps <strong>de</strong>s Romains.<br />

De Noyon à Roieglise. A la sortie <strong>de</strong> Noyon la chaussée traverse<br />

une petite rivière au faubourg <strong>de</strong> Vé, Vadum, qui veut dire un passage<br />

public... <strong>de</strong> là passant entre le rû qui vient <strong>de</strong> la fontaine du<br />

Mesnil, et entre le rû qui vient du marais <strong>de</strong> Vauchelles... laissant<br />

Beaurain à droite, entre le bois d'Oresmaux et Béhancourt... traverse<br />

la forêt <strong>de</strong> Bouvresse, qui était autrefois d'une plus gran<strong>de</strong><br />

étendue, passe entre Avricourt et Maregny-aux-Cerises, et <strong>de</strong> là<br />

arrive à Roieglise... Là, le Nucleus était formé <strong>de</strong> fragments <strong>de</strong> poterie<br />

romaine liés dans un lit <strong>de</strong> glaise. Elle y conserve le nom <strong>de</strong><br />

Chaussée Brunehaut. Elle est enterrée vers le milieu du village <strong>de</strong><br />

Roieglise sous la chaussée récente... Cette voie militaire va <strong>de</strong><br />

Roieglise à Roie. Castrum Roiense versum viam regiam, perquam ilur..<br />

apud Novionum.


NOTE C.<br />

( Extrait <strong>de</strong> la Notice archéologique du département <strong>de</strong> l'Oise,<br />

Par M. GRAVES.)<br />

I. De Soissons à Amiens (Chaussée Brunehaut, p. 186.)<br />

Nous n'avons pu vérifier les métrés <strong>de</strong> Soissons à Noyon, <strong>de</strong><br />

Noyon à Amiens, <strong>de</strong> Soissons à Pontoise, et <strong>de</strong> Roiglise à Sétucis,<br />

la plus gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> cette ligne étant hors <strong>de</strong> nos limites.<br />

L'axe <strong>de</strong> la chaussée dans l'alignement <strong>de</strong> Cuts à Roiglise, passe<br />

précisément entre les clochers <strong>de</strong> la Cathédrale <strong>de</strong> Noyon. Cette<br />

voie est occupée en partie par la route départementale <strong>de</strong> Noyon à<br />

Villers-Côterets, <strong>de</strong>puis Vic-sur-Aisne jusqu'à la hauteur <strong>de</strong>s Loges :<br />

son remblai est très-visible par intervalles ; il y avait à l'origine du<br />

vallon <strong>de</strong> Touvent, un pont à plein cintre nommé le pont Gruyer,<br />

qui a été détruit récemment.<br />

Dom Grenier dit qu'on la trouve désignée dans les lettres <strong>de</strong><br />

Goislin, évêque <strong>de</strong> Noyon, <strong>de</strong> 1133, par les termes: Via regia que<br />

vulgo appellatur kalchie <strong>de</strong> Valle-kanuecheris,qu'il traduit par la<br />

vallée <strong>de</strong> Quennevière.<br />

Ceci doit s'entendre du hameau <strong>de</strong> Quennevières, commune <strong>de</strong><br />

Moulin-sous-Touvent, situé à l'est d'un ravin coupé par la<br />

chaussée.<br />

Elle est nommée Calceia Castellani dans une charte d'avril 1243,<br />

concernant l'abbaye <strong>de</strong> Saint-Barthélémy <strong>de</strong> Noyon. A la hauteur<br />

<strong>de</strong> Nampcel, une échancrure laisse voir que la couche supérieure<br />

est formée <strong>de</strong> cailloux mêlés <strong>de</strong> terre sur une épaisseur <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />

pieds, et au-<strong>de</strong>ssous d'une épaisseur égale <strong>de</strong> roche calcaire à


— 249 —<br />

nummulites tombée en décomposition ; la base consiste en blocs<br />

énormes <strong>de</strong> pierre et <strong>de</strong> grès. La section comprise entre les Loges et<br />

le mont <strong>de</strong> Choisy n'étant plus fréquentée <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s siècles,<br />

montre <strong>de</strong>s parties entières dont la gran<strong>de</strong>ur existe à juste titre<br />

l'étonnement. Mesurée à l'arbre <strong>de</strong> Blérancourt, on lui trouve<br />

seize mètres <strong>de</strong> largeur et cinq d'élévation à l'axe ; on y voit saillir,<br />

d'espace en espace, <strong>de</strong>s blocs énormes <strong>de</strong> grès et <strong>de</strong> calcaires à nummuliles<br />

sortant <strong>de</strong>s fondations.<br />

A l'arbre <strong>de</strong>s Loges, le profil transversal n'est pas moindre <strong>de</strong><br />

vingt mètres.<br />

Un peu plus loin, au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Bellefontaine, elle a trente mètres<br />

<strong>de</strong> largeur et vingt pieds <strong>de</strong> hauteur ; sa masse présente l'aspect<br />

d'un énorme rempart.<br />

De là au mont <strong>de</strong> Choisy, elle est couverte <strong>de</strong> nummulites provenant<br />

<strong>de</strong> la décomposition <strong>de</strong> ses matériaux.<br />

On croit que le plateau <strong>de</strong> Choisy était un carrefour d'où partaient<br />

<strong>de</strong>s embranchements, <strong>de</strong> cette route principale.<br />

Après avoir <strong>de</strong>scendu le coteau, on ne voit plus la chaussée qui<br />

est enfoncée à <strong>de</strong>ux mètres <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur, sous les sables entraînés<br />

par les eaux atmosphériques.<br />

Mais dans la vallée <strong>de</strong> l'Oise, elle forme un remblai élevé <strong>de</strong><br />

vingt pieds.<br />

Cette section <strong>de</strong> la vallée était abandonnée et comme détruite<br />

au douzième siècle, car il existe <strong>de</strong>s lettres <strong>de</strong> Renaud, évêque<br />

comte <strong>de</strong> Noyon, <strong>de</strong> l'année 1180, qui en ordonne le rétablissement<br />

et qui la qualifient <strong>de</strong> regia strata. D'autres lettres <strong>de</strong> 1276 parlent<br />

<strong>de</strong> travaux faits ad retinendum et sustinendum calceiam prœdictam<br />

propè baccum epsius episcopi <strong>de</strong> Pontisarâ.<br />

On fit alors sans doute les ponceaux qui existaient encore en<br />

1832 et qui étaient <strong>de</strong>stinés à faciliter l'écoulement <strong>de</strong>s eaux dont<br />

le cours naturel était barré par la levée ; mais ces eaux sauvages<br />

n'étant pas réglées, il arriva que leur passage par le canal étroit <strong>de</strong>


— 250 —<br />

chaque ponceau détermina en aval <strong>de</strong>s affouillements qui entraînèrent<br />

bientôt le déchaussement <strong>de</strong> la voie.<br />

Elle était en ruines <strong>de</strong>puis plusieurs siècles, lorsqu'on établit en<br />

1831, sur sa direction, la route départementale <strong>de</strong> Noyon à Soissons<br />

par Cuts ; on eut alors occasion <strong>de</strong> reconnaître que le fond du<br />

remblai était construit avec <strong>de</strong>s blocs énormes <strong>de</strong> grès brut et <strong>de</strong><br />

roche calcaire venant <strong>de</strong>s coteaux voisins, dont quelques-uns<br />

avaient plusieurs mètres <strong>de</strong> côté ; au-<strong>de</strong>ssus était un revêtement en<br />

moellons <strong>de</strong> grès ; la, route avait au plus vingt pieds <strong>de</strong> largeur ; ses<br />

débris procurèrent beaucoup <strong>de</strong> médailles impériales.<br />

Les anciens titres attestent qu'après avoir franchi le bac <strong>de</strong><br />

Pontoise, elle traversait un petit pont nommé le Pont-Orgueil ; nous<br />

croyons que ce passage dont il ne reste aucun vestige était placé<br />

sur la gran<strong>de</strong> anastomose <strong>de</strong> l'Oise supprimée en 1786, qui passait<strong>de</strong>vant<br />

Varesnes et se prolongeait jusqu'à Pont-1'Evêque.<br />

Elle traverse dans toute sa longueur le faubourg <strong>de</strong> Rudoroire<br />

pour arriver à la ville <strong>de</strong> Noyon, sous la cathédrale <strong>de</strong> laquelle son<br />

trajet direct <strong>de</strong>vait la conduire, ou du moins tout auprès, dans<br />

l'alignement <strong>de</strong> la rue Saint-Eloi. Selon d'anciens écrits elle aboutissait<br />

au milieu du rond-point <strong>de</strong> l'église Saint Eloi, qui n'existe<br />

plus.<br />

De Noyon à Roye le remblai est moins sensible, parce qu'il n'a<br />

pas cessé, <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s siècles, d'être fréquenté comme gran<strong>de</strong><br />

route. C'est au bord <strong>de</strong> cette partie qu'on a rencontré, vis-à-vis le<br />

moulin <strong>de</strong> Caumont, les antiquités dont il a été question ci-<strong>de</strong>ssus,<br />

page 158 <strong>de</strong> la Notice <strong>de</strong> M. Graves.<br />

D. Grenier rapporte que vers la forêt <strong>de</strong> Bouvresse, la chaussée<br />

était formée, « <strong>de</strong> cailloux noirs très durs reposant sur un lit très<br />

« épais d'une espèce <strong>de</strong> glaise mêlée <strong>de</strong> poteries romaines, comme<br />

« vases et tuiles. »<br />

Les titres <strong>de</strong> l'abbaye d'Ourscamp, du XII e siècle, l'appellent<br />

via publica et via regia.


— 251 —<br />

Elle est qualifiée <strong>de</strong> cauchie dans les titres du XV° siècle.<br />

Une charte <strong>de</strong> 1243 l'appelle Calceiam Roiensem.<br />

C'est en 1768 qu'elle fut mise à l'état <strong>de</strong> grand chemin, ce qui<br />

lui enleva une partie <strong>de</strong> son aspect antique.<br />

Selon Carlier (1), César conçut l'idée <strong>de</strong> cette voie militaire dès<br />

qu'il eut conquis la Gaule et en ayant laissé l'exécution à l'Empereur<br />

Auguste, celui-ci en chargea son gendre Agrippa. La section <strong>de</strong><br />

Soissons à Noyon lui parait avoir été entreprise sous l'Empereur<br />

Caracalla, et il ne la considère que comme un embranchement <strong>de</strong> la<br />

route ci-après qui allait par <strong>Senlis</strong> et Beauvais : son opinion est<br />

fondée sans doute sur le passage <strong>de</strong> Strabon, suivant lequel Agrippa<br />

conduisit sa troisième voie partant <strong>de</strong> Lyon par le Beauvaisis :<br />

tertiam ad oceanum et Bellovacos et Ambianos (Géograph., lib. IV). Ce<br />

texte ne doit pas prévaloir, selon nous, contre les indications si<br />

précises d'Antonin qui parle aussi <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième ligne, bien moins<br />

directe que celle-ci : d'ailleurs Strabon a désigné probablement<br />

par une seule phrase la route principale <strong>de</strong> ses branches.<br />

D'Anville à prouvé, dans ses éclaircissements géographiques sur<br />

l'ancienne Gaule, que la voie <strong>de</strong> Lyon à Boulogne fut achevée au<br />

plus tard, dix-sept ans avant J.-C.<br />

II. D'Amiens à Soissons par <strong>Senlis</strong>.<br />

Cette voie, confondue avec la précé<strong>de</strong>nte dans plusieurs ouvrages,<br />

et prise à tort, selon nous, pour la route militaire directe <strong>de</strong> Lyon à<br />

Boulogne, tandis qu'elle peut en être tout au plus un embranchement,<br />

est ainsi jalonnée dans l'itinéraire d'Antonin :<br />

(1) Histoire du Valois, tom. I, page 13.


— 252 —<br />

à Samarobriva Curmiliacam. . . . M. P. XII. (1)<br />

Caesaromagus XIII.<br />

Litanobrigam XVIII.<br />

Augustomagum IV.<br />

Suessones XXII.<br />

Sic . M. P. LXXXIX.<br />

Ce qui est une erreur déjà relevée par Grégoire d'Essigny (2) car<br />

le total <strong>de</strong>s distances partielles ne donne que soixante-neuf milles.<br />

Sa direction est bien connue dans la première et la <strong>de</strong>uxième<br />

parties du tracé qui peut être considéré comme divisé en quatre<br />

sections.<br />

1° D'Amiens à Beauvais, par Cormeille (chaussée Brunehaut).<br />

Elle pénètre dans le département en quittant celui <strong>de</strong> la Somme,<br />

par le territoire <strong>de</strong> Gouy-Iès-Groselier, où elle est fort endom-<br />

magée, passe à l'église <strong>de</strong> ce village après lequel elle a disparu sous<br />

les anticipations jusqu'aux bois <strong>de</strong> Bonneuil et <strong>de</strong> Blancfossé ; elle<br />

vient ensuite près <strong>de</strong> la Neuville qu'on a dit être, selon toute proba-<br />

bilité, la station Curmiliaca, puis à l'est <strong>de</strong> Cormeille, du Crocq,<br />

entre les bois <strong>de</strong> Malassise et le parc d'Ardivilliers ; <strong>de</strong> là elle<br />

tourne légèrement vers le sud-ouest, laisse Ourcel-Maison à l'ouest<br />

arrive au bout <strong>de</strong> Puits-la-Vallée parcourt la gran<strong>de</strong> rue <strong>de</strong> la<br />

Chaussée-du-bois-d'Ecu, traverse à angle droit celle <strong>de</strong> Maulers,<br />

d'où elle vient à l'est <strong>de</strong> Mindorge, et successivement à l'ouest <strong>de</strong><br />

Fontaine-Saint-Lucien et <strong>de</strong> Guignecourt où elle touche les bois <strong>de</strong><br />

Tronquoi ou Tronchois; elle coupe ensuite, en biais, le vallon <strong>de</strong><br />

Calets et remonte dans le bois du Fayel où elle est bien visible, et<br />

(1) Ces millia passum représentent, comme on sait, <strong>de</strong>s lieues gau-<br />

loises.<br />

(2) Mémoire sur les voies romaines page 28.


— 253 —<br />

au sortir duquel elle est confondue avec la route actuelle qui<br />

conduit <strong>de</strong> Breteuil à Beauvais.<br />

La distance d'A.miens ( Samarobriva ) à Curmiliaca a déjà été<br />

indiquée <strong>de</strong> 28,400 mètres, et celle <strong>de</strong> Curmiliaca à Beauvais<br />

(Cœsaromagus) 28,200 mètres.<br />

Cette voie a été construite en cailloux silex comme les routes<br />

actuelles du pays ; elle se montre partout en remblai, et parait<br />

avoir été garnie, notamment vers Cormeille, <strong>de</strong> fossés dont les talus<br />

avaient un revêtement <strong>de</strong> cailloux. Elle est large <strong>de</strong> vingt-quatre<br />

pieds aux environs du Crocq, <strong>de</strong> cinquante à peu près vers la<br />

chaussée, <strong>de</strong> vingt-quatre aussi au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Guignecourt, <strong>de</strong> vingtcinq<br />

avec <strong>de</strong>s fossés <strong>de</strong> six pieds ensemble sur les laris <strong>de</strong> Rieux.<br />

On peut voir au lieu dit Remainval que la chaussée avait cinq<br />

pieds d'épaisseur, que les cailloux étaient mêlés <strong>de</strong> quelques rares<br />

fragments <strong>de</strong> tuiles, et que le massif portait sur un remblai <strong>de</strong><br />

terre sans vestiges <strong>de</strong> maçonnerie. La surface en est encore unie<br />

sur plusieurs points, comme si elle était garnie <strong>de</strong> dalles, dans<br />

d'autres, comme à Puits la Vallée et à Hardivilliers, le remblai<br />

coupé par tranchées semble former une série <strong>de</strong> tertres.<br />

Cette ligne était toute militaire et s'appelait le chemin du Roi<br />

sous le règne <strong>de</strong> Louis XIV.<br />

On la reconnaît sous le nom <strong>de</strong> Gauchie <strong>de</strong> Maulers.<br />

Les titres <strong>de</strong> l'abbaye <strong>de</strong> Froidmont remontant à la fin du XIIIe<br />

siècle, la qualifient <strong>de</strong> magna calceia.<br />

On la trouve aussi désignée, à différentes époques, sous les noms<br />

<strong>de</strong> haute chaussée, chaussée <strong>de</strong> Tillé, chaussée d'Amiens, Calceia<br />

Hardivillaris, et surtout chaussée Brunehaut.<br />

2° De Beauvais à Litanobriga. Le tracé complet <strong>de</strong> cette section<br />

n'a pu jusqu'à ce moment être retrouvé avec certitu<strong>de</strong> sur le terrain.<br />

Nous avons exposé (page 104) les faits et les considérations qui<br />

doivent assigner l'emplacement <strong>de</strong> Litanobriga un peu au-<strong>de</strong>ssus<br />

du pont <strong>de</strong> Creil, selon les inductions <strong>de</strong> d'Anville.


— 254 —<br />

Le vieux chemin remarqué par M. Houbigant dans le marais <strong>de</strong><br />

Nogent-les-Vierges, a tous les caractères d'une voie romaine, et<br />

<strong>de</strong>vient par conséquent un point incontestable sur la ligne que nous<br />

recherchons ; il est connu dans le pays sous le nom <strong>de</strong> chaussée ; il<br />

forme un remblai à bords soutenus par <strong>de</strong> grosses pierres équarries ;<br />

il aboutit sur la berge droite <strong>de</strong> l'Oise au faubourg <strong>de</strong> Layeau (au<br />

<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l'eau), vis-à-vis le magasin aux sables <strong>de</strong> la fabrique <strong>de</strong><br />

glaces, <strong>de</strong> Saint-Gobain, précisément sur l'axe du pont dont les<br />

vestiges ont été constatés dans la rivière.<br />

Cette levée était percée <strong>de</strong> huit à dix ponceaux, et M. Houbigant,<br />

qui en a vu les restes, a reconnu que leurs arches en plein cintre<br />

étaient formées <strong>de</strong> claveaux égaux à la manière <strong>de</strong>s constructions<br />

romaines.<br />

11 y avait un encaissement considérable composé <strong>de</strong> grès retaillé<br />

mêlé aux <strong>de</strong>ux tiers avec <strong>de</strong>s matériaux calcaires.<br />

En fouillant dans son parc et sur la direction <strong>de</strong> la levée, M. Houbigant<br />

a retrouvé en 1833, à dix-huit pouces <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur, la<br />

continuation <strong>de</strong> l'empierrement soutenu par <strong>de</strong>ux murs parallèles<br />

épais chacun <strong>de</strong> quatre pieds, bâtis <strong>de</strong> grosses pierres parementées,<br />

maçonnées à chaux et à sable. Le parc dont il s'agit est à l'ouest du<br />

village <strong>de</strong> Nogent ; il en était séparé et formait un hameau distinct<br />

avant la construction <strong>de</strong> la route royale d'Amiens, qui a été tracé,<br />

dans cette localité, vers 1730 : or, nous voyons ce hameau nommé<br />

la Chaussée sur <strong>de</strong>s cartes du diocèse <strong>de</strong> Beauvais, publiées en 1700,<br />

et <strong>de</strong>s titres <strong>de</strong> l'évêché remontant au XVII e siècle, le signalent sous<br />

la même dénomination.<br />

Si l'on mesure à vol d'oiseau <strong>de</strong>puis le passage <strong>de</strong> l'Oise au point<br />

indiqué jusqu'à Beauvais, on trouve une distance <strong>de</strong> 35,000 mètres,<br />

tandis que les dix-huit lieues gauloises portées dans l'itinéraire entre<br />

Cœsaromagus et Litanobriga représentent environ 40,800 mètres.<br />

Mais on doit remarquer que le tracé rectiligne aurait placé la<br />

route dans le prolongement <strong>de</strong> la vallée tourbeuse du Thérain,


— 255 —<br />

contrairement aux règles <strong>de</strong> l'art et à l'utilité du service, tandis<br />

que rien n'a dû faire obstacle à son établissement sur le flanc gauche,<br />

et en évitant <strong>de</strong> traverser inutilement la rivière.<br />

Pour peu qu'on s'éloigne <strong>de</strong> l'alignement rectiligne, on allonge<br />

le parcours qui, <strong>de</strong> plus, se sera trouvé accru en franchissant par<br />

<strong>de</strong>s pentes et entrepentes inévitables, les acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> terrains dont<br />

le massif à l'est <strong>de</strong> la vallée est sillonné.<br />

Ces considérations peuvent expliquer, d'une manière plausible,<br />

la différence <strong>de</strong> 5,800 mètres entre le tracé directe et le mètre <strong>de</strong><br />

l'itinéraire.<br />

Maintenant, si l'on prolonge la ligne donnée par la chaussée<br />

reconnue <strong>de</strong>puis l'Oise jusqu'à Nogent, on arrive à la vallée<br />

Dar<strong>de</strong>use et au camp Janot, près <strong>de</strong> l'église <strong>de</strong> Laigueville, <strong>de</strong>ux<br />

points déjà signalés à cause <strong>de</strong>s tuiles dont ils sont jonchés, et nous<br />

ajouterons qu'on découvrit en 1800 un tombeau romain dans le camp<br />

Janot. On rencontre là une ancienne voirie, nommée le chemin <strong>de</strong><br />

Beauvais, qui passe au nord <strong>de</strong> Rousseloy, vers Brivois ou Brivoy,<br />

et <strong>de</strong> là entre Bury et Mérard, intervalle dans lequel on trouve <strong>de</strong>s<br />

restes évi<strong>de</strong>nts d'une chaussée pavée dont nous <strong>de</strong>vons l'indication<br />

à M. Martin.<br />

La voirie se dirigeait vers Hondainville sans doute ; mais comme<br />

elle semble détruite aux approches <strong>de</strong> Mérard, nous craindrions<br />

d'être trop affirmatif en indiquant sa direction sur le village même<br />

d'Hondainville.<br />

Nous avons quelques motifs <strong>de</strong> présumer qu'en venant d'Augy elle<br />

franchissait la côte Saint-Aignan près <strong>de</strong> la tuilerie et d'un lieu où<br />

l'on a trouvé <strong>de</strong>s sarcophages. Plus loin, au nord-est <strong>de</strong> Saint Félix,<br />

on rencontre un autre chemin qu'on appelle la cavée romaine ou<br />

cavée <strong>de</strong> Beauvais, et qui traverse le hameau <strong>de</strong> Merlin ; en avançant<br />

toujours vers Beauvais, on atteint le hameau <strong>de</strong> Caillouet,<br />

autrefois Cailloel, que D. Grenier (1) cite comme un lieu qui<br />

(1) Introduction déjà citée, page 424.


— 256 —<br />

fournissait au XIIIe siècle, beaucoup <strong>de</strong> matériaux ad faciendam<br />

stratam publicam.<br />

Le chemin se continue au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Hermes.<br />

De ce point, où nous n'avons pu reconnaître <strong>de</strong> vestiges jusqu'à ce<br />

moment, le tracé direct conduirait au pied du camp du mont César<br />

où l'on prend une ancienne route autrefois très fréquentée qui mène<br />

en droite ligne à Therdonne, après avoir traversé le village <strong>de</strong><br />

Condé, dont le nom est d'origine romaine, et tourné le mont Bourguillemout,<br />

théâtre présumé <strong>de</strong> la défaite <strong>de</strong> Correus par l'armée<br />

romaine.<br />

La route impériale <strong>de</strong> Therdonne à Beauvais prolonge à peu près<br />

cet ancien chemin.<br />

Telles sont, quant à présent, les indications probables d'après<br />

lesquelles on peut continuer <strong>de</strong> rechercher sur place le tracé <strong>de</strong> la<br />

voie ; nous regardons comme incontestable son existence sur le trajet<br />

signalé, <strong>de</strong>puis la vallée Dar<strong>de</strong>use jusqu'au bord <strong>de</strong> l'Oise par<br />

Nogent-les-Vierges.<br />

Le chemin <strong>de</strong> Mouy à Hermes est appelé dans plusieurs titres<br />

vieille route <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> à Beauvais, notamment entre le calvaire <strong>de</strong><br />

Hermes et le hameau <strong>de</strong> Carville, circonstance remarquable, parce<br />

que la ligne n'est pas directe, et que <strong>de</strong>puis un temps immémorial<br />

il y a <strong>de</strong>s chemins plus courts : il faut donc que celui-ci ait reçu<br />

son nom à époque bien reculée.<br />

III. De Litanobriga à <strong>Senlis</strong>.<br />

Cette section n'offre pas, jusqu'à ce moment, plus <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong><br />

que la précé<strong>de</strong>nte dans son tracé exact.<br />

On voit bien sur la rive gauche <strong>de</strong> l'Oise la chaussée se continuer<br />

en ligne droite, et s'élever par l'ancienne cavée <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, mais les


— 257 —<br />

vestiges cessent lorsqu'on est parvenu sur le plateau. Cependant, à<br />

quelque distance on retrouve le vieux chemin <strong>de</strong> Creil, qui passe<br />

près <strong>de</strong> Malassise (1) et a la butte <strong>de</strong> corps morts ; on le perd ensuite<br />

en approchant d'Aumont, où il est probablement recouvert par le<br />

sable que les eaux amènent sans cesse <strong>de</strong>s côteaux voisins. Nous<br />

croyons qu'il passait entre le village et la butte.<br />

La vieille voirie reprend après la butte d'Aumont contre le parc<br />

d'Apremont ; elle laisse la route actuelle <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> à droite, prend le<br />

nom <strong>de</strong> chemin <strong>de</strong> Tomberay faisant ici limite entre les territoires<br />

d'Aumont et <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> ; c'est ensuite l'ancien chemin <strong>de</strong> Creil entre<br />

le Val au Téru et la vallée d'Onette, qu'il franchit au gué <strong>de</strong> Creil<br />

près du moulin neuf <strong>de</strong> Villevert.<br />

Un titre <strong>de</strong> l'évêché <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, <strong>de</strong> l'année 1238, nomme Vadum<br />

Credulii, gué <strong>de</strong> Creil, le point où cette voie franchit sous <strong>Senlis</strong> la<br />

petite rivière d'Onette, appellation très-significative selon nous.<br />

D'autres litres ne laissent aucun doute sur l'existence <strong>de</strong> cette<br />

chaussée.<br />

Ainsi, une transaction du mois d'août 1234, entre la commune <strong>de</strong><br />

<strong>Senlis</strong> et le prieuré <strong>de</strong> Saint-Nicolas-d'Acy, à l'occasion d'un vivier,<br />

dit qu'il était situé inter Garaium et calceiam <strong>de</strong> Crcdulio; il y est fait<br />

mention aussi <strong>de</strong> tres arpennes prati sitos juxtà calceiam <strong>de</strong> Credulio.<br />

Une charte <strong>de</strong> Philippe-Auguste, datée <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> dans l'année<br />

1215, concernant les pâtures <strong>de</strong> Saint-Nicolas-d'Acy, est encore plus<br />

explicite ; il y est dit que les bourgeois <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> ont trois arpents <strong>de</strong><br />

prés ex transversa attingentes calceie qui dirigitur versus Credulium.<br />

Un acte <strong>de</strong> l'officialité <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, du mois <strong>de</strong> novembre 1239, est<br />

intitulé : <strong>de</strong> <strong>de</strong>cem arpentis terrœ sitis ultra vadum Credulii in fundo ecclesiœ<br />

majoris stratœ contiguo.<br />

(1) Nous croyons avoir constaté que les villages et lieuxdits appelés<br />

Malassise, assez nombreux dans ce département, sont voisins <strong>de</strong>s<br />

chaussées romaines.<br />

18


— 258 —<br />

Ce vieux chemin <strong>de</strong> Creil est indiqué comme une chaussée par la<br />

tradition locale.<br />

D. Grenier, se fondant sur la continuation <strong>de</strong> la chaussée venant<br />

<strong>de</strong> Soissons, qui se prolonge en ligne droite au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> dans la<br />

direction du sud-ouest, et croyant trouver Litanobriga au village du<br />

Lys, va chercher le passage <strong>de</strong> l'Oise à Bruyères le Châtel (département<br />

<strong>de</strong> Seine et Oise) ; puis, confondant avec la chaussé l'ancien<br />

chemin <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> à Chambly, il prend pour suite <strong>de</strong> la voie <strong>de</strong><br />

Soissons l'une <strong>de</strong>s voies romaines <strong>de</strong> Beauvais à Paris, dont il mêle<br />

en outre le tracé avec celui d'une autre chaussée allant <strong>de</strong> Boran<br />

vers Beauvais.<br />

De pareilles erreurs émanées d'un homme aussi profondément<br />

versé dans l'histoire <strong>de</strong> la Picardie, démontrent une fois <strong>de</strong> plus la<br />

nécessité d'étudier et <strong>de</strong> connaître les lieux, avant d'adopter aucune<br />

opinion concernant un point quelconque <strong>de</strong> topographie.<br />

Quant au tracé créé par M. Walkenaer par Verberie et Pont-<br />

Sainte-Maxence, M. Garnier (1) a pris la peine d'en démontrer l'absurdité,<br />

et nous n'ajouterons rien aux observations irréfutables du<br />

savant et habile secrétaire perpétuel dont la collaboration persévérante<br />

est si précieuse à la Société <strong>de</strong>s Antiquaires <strong>de</strong> Picardie.<br />

IV. De <strong>Senlis</strong> à Soissons (chaussée Brunehaut).<br />

Il n'existe aucun doute sur la direction <strong>de</strong> cette partie, signalée<br />

<strong>de</strong> tout temps par les auteurs et dont le trace est visible dans sa<br />

longueur entière.<br />

On doit remarquer cependant qu'elle n'aboutit pas à <strong>Senlis</strong> même,<br />

c'est-à-dire à l'enceinte d'Augustomagus, elle passe à trois ou quatre<br />

(1) Mémoires <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong>s Antiquaires <strong>de</strong> Picardie, xiv, p. 102.


— 259 —<br />

cents mètres au sud-est, se continuant dans l'alignement du sudouest,<br />

comme il sera expliqué plus tas.<br />

Elle décrit dans son ensemble une seule droite, au mord-est,<br />

<strong>de</strong>puis <strong>Senlis</strong> jusqu'à la vallée d'Autonne.<br />

Elle passe près <strong>de</strong> Saint-Vincent, traverse les roules <strong>de</strong> Meaux et<br />

<strong>de</strong> Crépy où son remblai a été démoli pour établir les nouvelles<br />

voies ; elle oblique un peu vers l'est pour arriver au sud-est <strong>de</strong> Chaînant,<br />

où le profil transversal est réduit à quatre mètres ; elle vient<br />

<strong>de</strong> là au bout <strong>de</strong> Balagny-sur-Onette, après avoir franchi, au moyen<br />

d'un double lacet, un ravin dont les pentes découvrent les fondations<br />

<strong>de</strong> la chaussée, composées <strong>de</strong> blocs énormes ; elle a sur ce point<br />

dix mères <strong>de</strong> largeur et <strong>de</strong>ux mètres d'élévation au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s<br />

champs voisins.<br />

De là au moulin Thierry, la voie est assise en écharpe, étant <strong>de</strong><br />

niveau avec le sol d'un côté, tandis que son talus constitue <strong>de</strong><br />

l'autre côté un escarpement rapi<strong>de</strong> ; la largeur n'est plus ici que <strong>de</strong><br />

huit mètres, talus compris et le tracé décrit un légère courbe au<strong>de</strong>ssus<br />

du moulin.<br />

Elle sépare ensuite les territoires <strong>de</strong> Rully et Brasseuse, <strong>de</strong> Rully<br />

et Raray, <strong>de</strong> Raray et Nery, vient passer au sud-est du village <strong>de</strong><br />

Raray, lieu dit la Chaussée.<br />

Elle laisse ensuite au nord le village <strong>de</strong> Nery, pour contourner la<br />

ferme du Feu, qu'elle semble circonscrire, comme un ancien rempart<br />

; <strong>de</strong> là elle évite, au moyen d'une ligne brisée, l'origine d'un<br />

ravin, montrant encore en ce lieu, qu'on appelle le haut <strong>de</strong> la<br />

chaussée, ses fondations en blocs calcaires et en moellons.<br />

Son profil est en écharpe <strong>de</strong>vant Feu ; mais après avoir dépassé<br />

un autre ravin, elle se montre en remblai complet avec un talus<br />

adouci d'un côté, abrupte <strong>de</strong> l'autre ; elle mesure ici dix mètres sur<br />

une hauteur <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mètres.<br />

Elle a été démolie au-<strong>de</strong>là, jusqu'auprès du Plessis-Chatelain, où<br />

elle tourne par un angle presque droit vers le nord, fait exception-


— 260 —<br />

nel, d'autant plus remarquable qu'il n'est pas expliqué par le relief<br />

du terrain.<br />

Elle est ensuite démolie en partie, ce qui lui donne l'aspect d'un<br />

tracé onduleux ; re<strong>de</strong>venue apparente et haute <strong>de</strong> trois mètres, la<br />

voie marche perpendiculairement à la vallée d'Autonne ; elle traverse<br />

par une double courbe l'origine du vallon <strong>de</strong> Puisières, dépression<br />

où l'on n'en voit plus <strong>de</strong> trace. Mais après avoir franchi le<br />

ravin, la chaussée se montre entière, puissante, large <strong>de</strong> douze<br />

mètres, avec une élévation <strong>de</strong> cinq mètres. .<br />

Rompue par place, sa coupe montre à la base un enrochement <strong>de</strong><br />

fragments durs, ayant d'un à <strong>de</strong>ux pieds cubes, assemblés ou entassés<br />

sans liaison, au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s moellons, et à la surface <strong>de</strong> petits<br />

fragments.<br />

La voie <strong>de</strong>scend le mont Bethizois par une écharpe un peu courbe<br />

tournée vers l'est et sous une pente tellement rapi<strong>de</strong> que la chaussée<br />

a été emportée par les eaux et que son ancienne existence est<br />

révélée seulement par quelques lambeaux épars. Selon la tradition<br />

locale, cette roule passe <strong>de</strong>vant l'église <strong>de</strong> Béthisy-Saint-Martin,<br />

pour former la gran<strong>de</strong> rue du bourg jusqu'à la.cavée <strong>de</strong> Champlieu.<br />

D. Grenier rapporte qn'il y avait sur l'Autonne un pont dont il<br />

ne reste aucun vestige.<br />

Lorsqu'on s'est élevé sur le plateau <strong>de</strong> Champlieu, la voie se<br />

montre à droite <strong>de</strong> la cavée donnant en plein sur l'escarpement à<br />

pic <strong>de</strong> la vallée ; il est évi<strong>de</strong>nt, là, que la section <strong>de</strong> la chaussée par<br />

laquelle on montait <strong>de</strong> Béthisy vers Champlieu a été emportée par<br />

l'action <strong>de</strong>s eaux atmosphériques avec le flanc du coteau.<br />

La voie s'avance vers Champlieu en remblai large <strong>de</strong> six mètres<br />

et haut <strong>de</strong> dix. Elle passe par un seul alignement au nord du<br />

village, puis dans le camp <strong>de</strong>s Tournelles, <strong>de</strong> là sur la lisière <strong>de</strong> la<br />

forêt <strong>de</strong> Compiègne, pénétrant ensuite dans le canton <strong>de</strong> la Fortelle,<br />

passant au sud <strong>de</strong>s carrefours <strong>de</strong> l'Etoile, <strong>de</strong> la Reine, <strong>de</strong> Galathée,


— 261 —<br />

<strong>de</strong> Gilocourt et au carrefour d'Angivillers, où nous lui avons trouvé<br />

un profil <strong>de</strong> dix mètres et une hauteur d'un mètre et <strong>de</strong>mi.<br />

A partir <strong>de</strong> là, la chaussée a été détruite sans qu'on sache l'époque<br />

précise <strong>de</strong> sa démolition. M. <strong>de</strong> Cayrol fait remarquer qu'elle<br />

existait encore en 1733, puisque le tracé est figuré sans interruption<br />

sur la carte publiée cette année par le géographe Matis ; mais<br />

nous ferons observer à notre tour que cette preuve n'est pas concluante.<br />

Les cartes <strong>de</strong> géographie n'étaient pas toujours à cette époque<br />

d'une exactitu<strong>de</strong> complète, et, en fait <strong>de</strong> routes, elles représentaient<br />

quelquefois <strong>de</strong>s tracés tels qu'ils <strong>de</strong>vaient être plutôt que dans leur<br />

état réel. Quoi qu'il en soit, on sait encore qu'a partir <strong>de</strong>s hauteurs<br />

<strong>de</strong> Saint-Nicolas-dc-Courson la chaussée parcourait la montagne <strong>de</strong><br />

la Héronnière, passait au carrefour du bois <strong>de</strong> Damart, où l'on en<br />

voit un reste large <strong>de</strong> neuf mètres ; <strong>de</strong> là au hameau du Parc, après<br />

lequel elle coupait la route <strong>de</strong>s Plai<strong>de</strong>urs et celle du Vivier-Payen.<br />

On la retrouve sur la colline <strong>de</strong> la Pisselotte, où elle longe l'emplacement<br />

nommé la ville <strong>de</strong>s Gaules, touche au lieudit La Fortelle au<br />

nord-est <strong>de</strong> Pierrefonds, vient passer <strong>de</strong> là <strong>de</strong>vant l'église <strong>de</strong> Saint-<br />

Etienne, d'où elle <strong>de</strong>scend par un tracé un peu sinueux jusqu'à<br />

Chelle.<br />

Elle monte ensuite ensuite le coteau la Roche-Polet, et, prenant à<br />

l'est, vient passer aux carrières <strong>de</strong> Hautefontaine, après lesquelles<br />

elle court au sud <strong>de</strong> Hautefontaine jusqu'à la limite du département<br />

<strong>de</strong> l'Aisne.<br />

Dans cette <strong>de</strong>rnière section, la voie est toujours en remblai plus<br />

ou moins effacé. Nous lui avons trouvé treize mètres <strong>de</strong> largeur au<strong>de</strong>ssus<br />

<strong>de</strong> Hautefontaine, au lieu dit la Chaussée.<br />

Nous évaluons à trente-neuf mille cinq cents mètres l'étendue <strong>de</strong><br />

la ligne dont le parcours vient d'être indiqué.<br />

On a vu que la chaussée est construite, en général, avec <strong>de</strong>s blocs<br />

ou moellons <strong>de</strong> calcaire grossier dont le volume augmente <strong>de</strong> haut


— 262 —<br />

en bas, en sorte que ceux <strong>de</strong> l'encaissement ont <strong>de</strong>s dimensions<br />

énormes et telles que les maçonneries du plus gros appareil en<br />

comportent.<br />

La largeur est variable, ainsi qu'on a pu le remarquer, mais ces<br />

variations proviennent peut-être <strong>de</strong>s envahissement <strong>de</strong>s riverains ;<br />

l'action <strong>de</strong> cette cause est même évi<strong>de</strong>nte en beaucoup <strong>de</strong> lieux.<br />

La hauteur du remblai varie aussi, sans doute par l'influence du<br />

temps ; là où il n'y a pas <strong>de</strong> remblai on peut être assuré que les<br />

matériaux ont été enlevés, soit <strong>de</strong> la main <strong>de</strong>s hommes, soit lorsque<br />

le terrain est incliné par l'action <strong>de</strong>s eaux pluviales.<br />

M. <strong>de</strong> Cayrol conjecture que le camp <strong>de</strong>s Tournelles, les lieudits<br />

la Fortelle, Four-d'en-Haut, La Folie, qui contiennent, comme on<br />

l'a vu, <strong>de</strong>s antiquités romaines en quantité, étaient <strong>de</strong>s lieux fortifiés<br />

placés sur le trajet <strong>de</strong> la voie pour en protéger le parcours.<br />

La voie <strong>de</strong> Soissons a cessé d'être fréquentée après la <strong>de</strong>struction<br />

du château <strong>de</strong> Pierrefonds, c'est-à-dire vers 1620.<br />

C'est probablement <strong>de</strong> la même époque que date la démolition<br />

partielle <strong>de</strong> la chaussée dans la forêt <strong>de</strong> Compiègne. La section voisine<br />

<strong>de</strong> Four-d'en-Haut a été coupée en 1821 ; le profil avait sur ce<br />

point onze mètres <strong>de</strong> largeur.<br />

Les titres <strong>de</strong>s xiii e et xiv siècles désignent cette antique communication<br />

sous le nom <strong>de</strong> Mézière-Brunehaut, en latin Maceria, et<br />

aussi sous ceux <strong>de</strong> Magna Calceia, Magna Via.<br />

On la nomme encore dans le Valois, chaussée <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>.<br />

XXVII. De <strong>Senlis</strong> vers Paris.<br />

Nous avions mentionné, d'après la tradition locale, une communication<br />

directe <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> vers Paris, dont le tracé n'était<br />

pas encore reconnue 1839.


— 263 — .<br />

Après <strong>de</strong> nouvelles recherches, nous croyons pouvoir lui assigner<br />

aujourd'hui avec une sorte <strong>de</strong> probabilité, l'itinéraire suivant.<br />

Elle se détachait, vis-à-vis la ferme <strong>de</strong> la Biguë, <strong>de</strong> la voie <strong>de</strong><br />

Meaux (ci-<strong>de</strong>ssus n° 4), et prenant au sud elle traversait la queue<br />

du bois Turquet, puis la forêt <strong>de</strong> Pontarmé, en passant aux carrefours<br />

du Poteau et <strong>de</strong>s Buttes.<br />

C'est aujourd'hui le chemin <strong>de</strong> la vieille Muette, qu'on trouve<br />

qualifié <strong>de</strong> chauciée <strong>de</strong> Thiers dans une charte <strong>de</strong> l'année 1343,<br />

concernant la foire Saint-Lazare <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>.<br />

Il passe la Thève à l'ouest du vieux château <strong>de</strong> Thiers, et se<br />

continue, toujours sur le même alignement, à travers le bois Bourdon,<br />

jusqu'au point où les territoires communaux <strong>de</strong> Thiers,<br />

Pontarmé, Plailly et la Chapelle en Serval se touchent; il est<br />

désigné à Pontarmé sous le nom d'ancienne chaussée.<br />

Cette voie sépare plus loin les territoires <strong>de</strong> Plailly et <strong>de</strong> la<br />

Chapelle-en-Serval, tous les noms <strong>de</strong> chaussée <strong>de</strong> Laguenaye et <strong>de</strong><br />

chaussée du marais <strong>de</strong> Plailly, elle prolonge ensuite le bois <strong>de</strong> la<br />

garenne pour atteindre la commune <strong>de</strong> Survilliers (Seine-et-Oise).<br />

Quelques plans anciens appellent la ligne dont nous venons <strong>de</strong><br />

relever les points principaux, chemin <strong>de</strong> Dammartin, dénomination<br />

qui n'est pas justifiée par la direction générale <strong>de</strong> la voie.<br />

XXVIII. De <strong>Senlis</strong> à la Morlaye. (Chaussée Brunehaut.)<br />

Cette autre ligne est le prolongement sans interruption <strong>de</strong> la voie<br />

qui venait <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> à Soissons (voyez ci-<strong>de</strong>ssus 114), et si l'itinésaire<br />

d'Antonin n'eût pas compris la section <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> à Soissons<br />

dans la voie <strong>de</strong> Samarobriva à Suessiones par Augustomagus, on<br />

aurait été conduit naturellement à considérer comme une seule et<br />

même ligne la chaussée Brunehaut <strong>de</strong>puis Soissons jusqu'à la.


— 264 —<br />

Morlaye et au-<strong>de</strong>là, avec d'autant plus <strong>de</strong> raison qu'elle ne touche<br />

pas à <strong>Senlis</strong> même, comme nous l'avons déjà remarqué.<br />

Elle traverse la route <strong>de</strong> Paris près <strong>de</strong> la poste aux chevaux, passe<br />

entre l'Hôtel-Dieu <strong>de</strong>s marais et Saint-Lazare, se continue dans les<br />

friches <strong>de</strong> Saint-Léonard sous le nom <strong>de</strong> chemin <strong>de</strong> Luzarches,<br />

pénètre dans la forêt <strong>de</strong> Chantilly où elle court parallèlement à la<br />

roule <strong>de</strong> bruyères, au nord <strong>de</strong> la Table, ensuite à la route <strong>de</strong>s<br />

Tombes, passe au carrefour Brunehaut, au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s étangs <strong>de</strong><br />

Comelle ; elle arrive au sortir <strong>de</strong> la forêt près du lieu où était<br />

l'ancienne maison royale nommée Morlacum, traverse la vallée <strong>de</strong><br />

Thève où ses traces sont apparentes, et se continuant toujours sur<br />

le même alignement, coup en biais la route impérial d'Amiens<br />

pour rentrer dans le bois <strong>de</strong> Bonnet, après lequel elle semble aller<br />

du côté <strong>de</strong> Viarmes (Seine-et-Oise).<br />

Elle rejoignait probablement la voie directe <strong>de</strong> Beauvais à Paris<br />

(ci-<strong>de</strong>ssus n° 5), aux environs <strong>de</strong> Saint-Martin du Tertre.<br />

D. Grenier qui l'a mentionnée à son chapitre 244, la regar<strong>de</strong><br />

comme voie <strong>de</strong> la Morlaye à Paris, en la considérant comme embranchement<br />

<strong>de</strong> la chaussée venant <strong>de</strong> Soissons, tandis qu'elle est la<br />

continuation directe <strong>de</strong> cette route militaire. Le même historien<br />

(chap 224, § 3), voulant chercher près du village du Lys la station<br />

Litanobriga <strong>de</strong>s Itinéraires qu'on a placée successivement à presque<br />

tous les passages <strong>de</strong> l'Oise, dit qu'à partir <strong>de</strong> la Morlaye la chaussée<br />

pouvait faire un cou<strong>de</strong> pour aller au Lys, et qu'il ne serait pas<br />

impossible <strong>de</strong> trouver entre les <strong>de</strong>ux communes <strong>de</strong>s vestiges <strong>de</strong> la<br />

voie militaire.<br />

Nous avons cherché et nous n'avons pas trouvé sur place <strong>de</strong>s<br />

preuves <strong>de</strong> cette supposition.<br />

Le chemin <strong>de</strong> Beaumont-sur-Oise, qui longe la forêt du Lys envenant<br />

<strong>de</strong> la Morlaye, a bien, par sa largeur et sa chaussée<br />

cailloutée, l'aspect d'une voie, mais il est mal aligné, et il s'arrête<br />

au Lys où l'on emprunte l'ancienne route <strong>de</strong> Royaumont et <strong>de</strong>


— 265 —<br />

Viarmes pour passer la vallée <strong>de</strong> Thève, après laquelle on prend<br />

sur la gauche <strong>de</strong> l'Oise vers Beaumont.<br />

Quant au passage <strong>de</strong> l'Oise dans ce canton, on peut voir ce que<br />

nous en avons dit ci-<strong>de</strong>ssus n° VI.<br />

XXIX. De <strong>Senlis</strong> à Gouvieux.<br />

Nous signalerons encore une autre voie établie sans doute pour<br />

communiquer à'Augustomagus au camp <strong>de</strong> Gouvieux, ou qui a dû<br />

tout au moins faciliter ces relations.<br />

Les historiens <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> l'ont mentionnée comme un embranchement<br />

<strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> voie <strong>de</strong> Soissons.<br />

On croit qu'elle traversait la ville <strong>de</strong> la porte Bellon à celle <strong>de</strong><br />

Creil, et en effet on peut voir son encaissement à la première<br />

<strong>de</strong>scente <strong>de</strong> la roule <strong>de</strong> Creil qu'elle laisse sur la droite, après le<br />

pont du Gué, pour se continuer à l'est, sous le nom <strong>de</strong> chemin vert<br />

dans les champs <strong>de</strong> Courteuil et <strong>de</strong> Saint-Firmin ; elle y est peu<br />

apparente, mais signalée cependant par une série <strong>de</strong> tombes qui<br />

semblent indiquer son tracé.<br />

Elle présente tout-à-fait, au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Courteuil, l'aspect d'une<br />

chaussée, et emprunte une partie du chemin <strong>de</strong> Saint-Leu, qui est<br />

large et rectiligne ; elle <strong>de</strong>vait passer au nord <strong>de</strong> Vineuil, traverser<br />

la route d'Amiens au-<strong>de</strong>ssus du grand canal <strong>de</strong> Chantilly, et arriver<br />

au hameau <strong>de</strong> la Chaussée près duquel on reconnaît encore ses<br />

vestiges.<br />

Un acte <strong>de</strong> donation faite à l'église <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> en 1238, par<br />

Mathil<strong>de</strong> comtesse <strong>de</strong> Boulogne, parle <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux muids <strong>de</strong> blé à<br />

prendre in molendino meo calceye <strong>de</strong> Govix. Une transaction entre le<br />

chapitre <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> et le prieuré <strong>de</strong> Saint-Leu-d'Esserant, du mois <strong>de</strong><br />

janvier 1247, concernant le droit <strong>de</strong> travers, dit aussi, à l'occasion


— 266 —<br />

du prieuré : subtus calceiam suam versus Govix. On a lieu <strong>de</strong> croire<br />

qu'elle <strong>de</strong>scendait ensuite par Chaumont à Toutvoye où, selon une<br />

version locale conservé d'âge en âge, il y avait un passage <strong>de</strong> la<br />

rivière.<br />

Aucune continuation <strong>de</strong> cette route n'a été constatée jusqu'à<br />

présent au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l'Oise.<br />

Cependant nous <strong>de</strong>vons ajouter qu'à Précy-sur-Oise, où cet<br />

ancien chemin <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> est connu ainsi que sa direction par<br />

Toutvoye, il y a dans le prolongement une vieille route nommée la<br />

voie Samin qui, à partir du lieu dit la Gloriette, marche vers l'ouest<br />

jusqu'au petit Crouy, <strong>de</strong>là vers le hameau <strong>de</strong> Bellay et au nord <strong>de</strong><br />

Fresnoy-en-Thelle ; elle est nommée voirie <strong>de</strong> Saint-Leu dans le<br />

canton <strong>de</strong> Neuilly.<br />

Son parcours manque <strong>de</strong> la rectitu<strong>de</strong> d'alignement habituelle aux<br />

chaussées romaines, sans avoir toutefois l'irrégularité <strong>de</strong>s chemins<br />

mo<strong>de</strong>rnes.<br />

Elle <strong>de</strong>scend <strong>de</strong> Fresnoy à l'église <strong>de</strong> Belléglise, pour remonter<br />

dans Sandricourt et <strong>de</strong>là dans le département <strong>de</strong> Seine-et-Oise vers<br />

la Tour-du-Lai et Hédouville.<br />

Nous arrivons maintenant aux chaussées qui ne rayonnaient pas<br />

<strong>de</strong> l'une <strong>de</strong> nos cités intérieures, mais qui, venant <strong>de</strong>s contrées<br />

voisines, traversaient le territoire départemental.<br />

Il y a eu lieu d'indiquer d'abord celles qui avaient pour point <strong>de</strong><br />

départ Samarobriva, aujourd'hui Amiens, <strong>de</strong>venue plus tard capitale<br />

<strong>de</strong> la Picardie.<br />

XXV. De <strong>Senlis</strong> à Bavay par Pont-Sainte-Maxence.<br />

Nous avons pensé pendant longtemps que la chaussée <strong>de</strong> Pontpoint,<br />

dont il sera question tout-à-l'heure, était la seule communication<br />

romaine dirigé <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong> à la rivière d'Oise.


— 367 [i.e. 267] —<br />

Nous nous étions borné à l'indication <strong>de</strong> cette chaussée dans notre<br />

premier travail, repoussant même la supposition qu'une voie quelconque<br />

arrivât à Pont-Sainte-Maxence.<br />

Nous <strong>de</strong>vons à M. le docteur Voillemier le redressement <strong>de</strong> ces<br />

erreurs.<br />

La voie reconnue sur place par M. Voillemier, mentionnée au<br />

chap. 241 <strong>de</strong> l'introduction <strong>de</strong> D. Grenier, suit jusqu'au milieu <strong>de</strong><br />

la forêt <strong>de</strong> Halatte le tracé considéré autrefois comme propre à la<br />

chaussée <strong>de</strong> Pontpoint.<br />

Mais nous ne pensons pas, avec D. Grenier, qu'elle sortit <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong><br />

par la porte Saint-Rieul, ni qu'elle arrivât sur le cours extérieur<br />

<strong>de</strong> la ville vis-à-vis la rue Saint-Sanctin, comme nous l'avons dit en<br />

1839.<br />

Il est <strong>de</strong>venu évi<strong>de</strong>nt pour nous que cette chaussée ne pénétrait<br />

point dans l'intérieur <strong>de</strong> la cité, et qu'elle s'embranchait, au su<strong>de</strong>st<br />

<strong>de</strong> la ville, sur la gran<strong>de</strong> voie venant <strong>de</strong> Soissons (décrite ci<strong>de</strong>ssus<br />

n° 2).<br />

Les premiers vestiges <strong>de</strong> la chaussée sont visibles, comme l'a dit<br />

M. le docteur Voillemier, vers le nord-est <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, sur les hauteurs<br />

<strong>de</strong> Villevert, au <strong>de</strong>ssus et un peu à gauche du moulin <strong>de</strong><br />

Saint-Rieul.<br />

Le chemin relevé qui se rend <strong>de</strong> là vers l'ancienne porte Saint-<br />

Sanctin est mo<strong>de</strong>rne comparativement à l'antiquité <strong>de</strong>s voies<br />

romaines.<br />

Il fut établi sans doute après que les travaux <strong>de</strong> défense <strong>de</strong> la ville<br />

<strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, à diverses époques et notamment du temps <strong>de</strong> la ligue,<br />

eurent obligé <strong>de</strong> rompre les chemins anciens qui existaient autour<br />

<strong>de</strong> la place.<br />

De Villevert le tracé vient se prolonger à l'ouest du parc du Plessis-Chamant,<br />

et, se continuant en ligne droite, passe au carrefour<br />

Saint-Rest à celui <strong>de</strong> Pontpoint, au poteau <strong>de</strong>s Blancs-Sablons et à<br />

la Croix Saint-Rieul.


— 268 -<br />

Entier vis-à-vis Saint-Christophe en Halatte qu'il laisse à gauche,<br />

le remblai montre une élévation <strong>de</strong> huit pieds, sur une largeur <strong>de</strong><br />

six mètres, les fossés ayant ensemble une dimension égale.<br />

A la Croix-Saint-Rieul, la voie allant vers Pont dévie au nord, se<br />

séparant là <strong>de</strong> la chaussée <strong>de</strong> Pontpoint qui se poursuit dans la<br />

direction du nord-nord-est.<br />

Nous lui avons trouvé, après la séparation, un profil transversal<br />

<strong>de</strong> quatorze mètres et une élévation <strong>de</strong> six à huit pieds sur la ligne<br />

médiane.<br />

Après avoir dépassé le carrefour <strong>de</strong> la futaie, la chaussée cesse<br />

brusquement au lieudit Retenty, ayant été démolie sur ce point vers<br />

1810 ; mais en continuant <strong>de</strong> marcher sur le môme alignement, on<br />

la retrouve bientôt avec une largeur <strong>de</strong> dix mètres, talus compris,<br />

et une élévation moyenne d'un mètre et <strong>de</strong>mi.<br />

Elle coupe les routes du Cerfouillet, <strong>de</strong> Villers-Saint-Franbourg,<br />

du Grand-Maître et <strong>de</strong> la Croix-Frapotel, étant fort bouleversée et<br />

dégradée, mais toujours reconnaissable et conservant une élévation<br />

moyenne d'un mètre et <strong>de</strong>mi.<br />

Elle arrive ainsi au sommet du ravin <strong>de</strong> la Cavée Noire, qui est<br />

bordé d'immenses carrières fournissant la pierre à bâtir dite <strong>de</strong><br />

Sainte-Maxence.<br />

Elle laisse à sa droite la butte nommé le mont Callipet. Il est<br />

hors <strong>de</strong> doute que la voie <strong>de</strong>scendait par là vers la rivière d'Oise.<br />

Bien qu'elle ait été détruite sur les pentes par l'action <strong>de</strong>s eaux pluviales,<br />

on la retrouve relevée entre <strong>de</strong>ux fossés, dans toute la longueur<br />

du vallon.<br />

Elle traversait la ville <strong>de</strong> Pont-Sainte-Maxence, en suivant la rue<br />

<strong>de</strong> la Ville, et franchissait l'Oise sans doute sur l'ancien pont démoli<br />

en 178S, ou plutôt sur le pont qui avait précédé celui-ci avant le<br />

règne <strong>de</strong> Charlemagne.<br />

On ne trouve plus après avoir franchi l'Oise, aucune trace immédiate<br />

<strong>de</strong> chaussée, soit que la main <strong>de</strong> l'homme ait détruit les che-


— 269 —<br />

mins pour garantir la sûreté <strong>de</strong> l'ancienne forteresse <strong>de</strong> Pont, soit<br />

que les voiries antiques aient été enfouies sous les alluvions <strong>de</strong> la<br />

vali<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'Oise et sous les couches fangeuses <strong>de</strong>s marais qui règnent<br />

à la droite <strong>de</strong> la rivière.<br />

Il faut aller jusqu'au village <strong>de</strong> Longueau, où commence à droite<br />

<strong>de</strong> la route <strong>de</strong> Flandre une voirie dite chemin <strong>de</strong> Pont qui laisse à<br />

l'est la commune <strong>de</strong> Bazicourt, et ensuite au petit village <strong>de</strong> Sacy-le-<br />

Petit, après lequel on peut remarquer au pied <strong>de</strong> la butte du même<br />

nom, une chaussée formant remblai, très dégradée, reconnaissante<br />

toutefois, dont le tracé sinueux est cependant rectiligne d'ensemble ;<br />

c'était autrefois la chemin d'Estrées.<br />

Il est rompu au chemin dit <strong>de</strong> Grandfresnoy au Transloy. On<br />

retrouve à la ferme du Transloy une voirie dans l'alignement <strong>de</strong> la<br />

précé<strong>de</strong>nte, venant passer à l'est <strong>de</strong> l'église d'Estrées-Saint-Denis,<br />

et que D. Grenier considère comme la voie <strong>de</strong> Bavay, car il y rapporte<br />

<strong>de</strong>ux citations <strong>de</strong> documents, dont l'une, <strong>de</strong> l'année 1164, la<br />

nomme via publica, et dont l'autre, datée <strong>de</strong> 1229, la qualifie <strong>de</strong> via<br />

ad Pontes, ce qui revient à chemin <strong>de</strong> Pont ; cette voirie est connue<br />

aujourd'hui sous le nom <strong>de</strong> Vieux chemin <strong>de</strong> Pont.<br />

Elle suit un trajet rectiligne à l'est <strong>de</strong> Fresnel, touche à Hémé-<br />

villers, <strong>de</strong> là vers Gournay-sur-Aron<strong>de</strong> où nous croyons qu'elle tra-<br />

versait la rivière du pont actuel.<br />

A partir <strong>de</strong> Gournay, la continuation <strong>de</strong> la voie <strong>de</strong>vient problématique<br />

pour nous. Les vieux et larges chemins sont nombreux au<strong>de</strong>là<br />

<strong>de</strong> la vallée d'Aron<strong>de</strong> ; mais nous n'avons trouvé sur aucune<br />

ligne, ni la rectitu<strong>de</strong> d'alignement, ni aucun indice propre à éclaircir<br />

les doutes. D. Grenier assure que la chaussée passait à droite <strong>de</strong><br />

Séchelles pour gagner Conchy-les-Pots et rejoindre à la voie <strong>de</strong><br />

Beauvais à Bavay un peu avant le village <strong>de</strong> Tilloloy (Somme),<br />

mais il ne rapporte pas les preuves <strong>de</strong> cette assertion. Nous inclinons<br />

à penser qu'après avoir passé l'Aron<strong>de</strong>, le chemin arrivait


— 270 —<br />

dans la vallée du Matz aux environs <strong>de</strong> Ressons, pour remonter<br />

vers le nord.<br />

Si cette supposition était fondée, nous trouverions la continuation<br />

<strong>de</strong> notre voie dans la chaussée bien connue <strong>de</strong> Crapaumesnil, dont<br />

une partie est occupée par la route départementale <strong>de</strong> Beauvais à<br />

Noyon, <strong>de</strong>puis Ressons jusqu'à Roye-sur-Matz.<br />

Cette ligne est qualifiée <strong>de</strong> chaussée dans tout son parcours ; ainsi<br />

elle est nommée successivement Chaussée <strong>de</strong> Riquebourg, Chaussée<br />

<strong>de</strong> Laberlière, <strong>de</strong> Canny, chaussée proprement dite sur le territoire<br />

<strong>de</strong> Canny, vieux chemin <strong>de</strong> Flandre sur le territoire <strong>de</strong> Crapaumesnil.<br />

D. Grenier cite un titre <strong>de</strong> l'année 1347 concernant les biens <strong>de</strong><br />

l'église <strong>de</strong> Soissons, entre lesquels huit journaux <strong>de</strong> terre étaient<br />

situés en le Cauchie <strong>de</strong> Crapaumesnil. De ce village, la voie allait<br />

en droite ligne vers la ville <strong>de</strong> Roye, en touchant au nord <strong>de</strong> Crapaumesnil<br />

à un lieu dit la Haute-Borne.<br />

Cette section était le grand chemin conduisant en Flandre avant<br />

qu'on eût établi, vers 1680, la route impériale n° 17, <strong>de</strong>puis Pont-<br />

Sainte-Maxence jusqu'à Roye.<br />

La Chaussée romaine a été retrouvée à un mètre <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur<br />

dans les bois <strong>de</strong> Crapaumesnil ; on rencontre souvent <strong>de</strong>s antiquités<br />

sur le trajet indiqué <strong>de</strong>puis Ressons.<br />

En résumé, le parcours <strong>de</strong> la voie est aujourd'hui certain entre<br />

<strong>Senlis</strong> et Pont-Sainte-Maxence, ainsi que <strong>de</strong> Ressons à Roye, mais<br />

il n'est pas avéré que ces <strong>de</strong>ux sections aient réellement appartenu<br />

à la même ligne.<br />

Quant à la section intermédiaire, <strong>de</strong>puis Pont jusqu'à Ressons, on<br />

ne doit considérer nos indications que comme <strong>de</strong>s jalons provisoires ;<br />

nous les avons posés avec hésitation et seulement comme point <strong>de</strong><br />

départ pour <strong>de</strong>s recherches ultérieures.


— 271 —<br />

XXVI. De <strong>Senlis</strong> à Pontpoint.<br />

Le chemin appelé <strong>de</strong>puis plusieurs siècles : la Chaussée <strong>de</strong> Pontpoint,<br />

a été considéré <strong>de</strong> tout temps comme une voie romaine. Il en<br />

est question dans tous les titres du moyen-âge relatifs à l'histoire<br />

locale et à la forêt <strong>de</strong> Halatte, tandis qu'il n'est rien dit <strong>de</strong> la voie<br />

précé<strong>de</strong>nte qui cependant <strong>de</strong>vait avoir eu une bien plus gran<strong>de</strong><br />

importance.<br />

D. Grenier dit que la branche <strong>de</strong> la voie militaire allant vers<br />

Pontpoint, côtoyait les murs <strong>de</strong> la cité <strong>de</strong> <strong>Senlis</strong>, tandis que le chemin<br />

<strong>de</strong> Pont traversait la ville.<br />

Nous ne pouvons pas admettre ces <strong>de</strong>ux tracés que l'examen <strong>de</strong>s<br />

lieux ne justifie pas.<br />

Aux Portes-<strong>de</strong>-<strong>Senlis</strong> et <strong>de</strong> là jusqu'à la Croix-Saint-Rieul dans la<br />

forêt <strong>de</strong> Halatte, il n'y a qu'une seule voie appelée sans conteste la<br />

Chaussée <strong>de</strong> Pontpoint, mais que nous avons dû rapporter, d'après<br />

les observations <strong>de</strong> M. le docteur Voillemier à la direction <strong>de</strong> Pont-<br />

Sainte-Maxence.<br />

A partir <strong>de</strong> la Croix-Saint-Rieul, la Chaussée <strong>de</strong> Pontpoint continue<br />

l'alignement suivi <strong>de</strong>puis <strong>Senlis</strong>, mais il faut avouer qu'il n'y a<br />

plus trace d'empierrement ni <strong>de</strong> remblai ; les recherches les plus<br />

minutieuses <strong>de</strong> M. Voillemier, pas plus que les nôtres, n'ont procuré<br />

aucun indice visible d'ancien chemin, et cependant il est constant,<br />

selon la tradition locale, que cette voie approchait <strong>de</strong> la Croix-<br />

Frapotel, qu'elle <strong>de</strong>scendait vers l'Oise par le vallon du fond <strong>de</strong><br />

Vaux, entre les villages <strong>de</strong> Saint-Gervais et <strong>de</strong> Saint-Paterne, suivant<br />

le chemin dit du Port <strong>de</strong> Saint-Paterne et celui dit du Frayer,<br />

qui se perd aujourd'hui dans la prairie vis-à-vis Sarron.<br />

Il est, nous le repétons, bien singulier pour les souvenirs locaux,<br />

d'accord avec les monuments écrits, signalant la chaussée <strong>de</strong><br />

Pontpoint dont on ne voit plus <strong>de</strong> trace après la séparation <strong>de</strong> la


— 272 —<br />

Voie <strong>de</strong> Pont, qu'ils ne tiennent aucun compte <strong>de</strong> celle-ci dont le<br />

remblai, élevé d'an mètre et <strong>de</strong>mi, n'a cependant pu échapper à<br />

l'observation.<br />

M. l'abbé Duprié, curé <strong>de</strong> Saint-Gervais <strong>de</strong> Pontpoint, nous a dit<br />

que, selon la tradition, il y avait un pont sur l'Oise, au lieu dit le<br />

Joncquoy, qui se trouve à peu près dans le prolongement <strong>de</strong> la<br />

chaussée.<br />

M. le vicomte Héricart <strong>de</strong> Thury qui avait étudié les lieux, nous<br />

a donné une indication presque conforme ; selon ses supputations, la<br />

chaussée <strong>de</strong> Pontpoint <strong>de</strong>vait passer l'Oise près du rû <strong>de</strong> Nancy,<br />

pour se continuer dans les marais <strong>de</strong> Chevrières, où <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ssèchement en auraient fait rencontrer <strong>de</strong>s vestiges enfouis à un<br />

mètre <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur sous la tourbe.<br />

Amiens. — Imp. LEMER aine, place Périgord, 8.

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