LE LIVRE du PROBLEME - IREM de Strasbourg
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SOMMAIRE<br />
Publication <strong>de</strong><br />
l'l. R. E. M. <strong>de</strong> <strong>Strasbourg</strong><br />
<strong>LE</strong> <strong>LIVRE</strong><br />
<strong>du</strong> PROB<strong>LE</strong>ME<br />
fascicule 1<br />
pédagogie <strong>de</strong> l'exercice<br />
et <strong>du</strong> problème<br />
CEDIC 1973<br />
LYON - PARIS<br />
12, rue <strong>du</strong> Moulin <strong>de</strong> la Pointe - 75013 Paris
SOMMAIRE<br />
© CEDIC 1972<br />
Droits <strong>de</strong> tra<strong>du</strong>ction et <strong>de</strong> repro<strong>du</strong>ction réservés pour tous pays.<br />
Toute repro<strong>du</strong>ction, wi nu• partielle, <strong>de</strong> cet ouvrage est<br />
interdite.<br />
Une copie ou repro<strong>du</strong>ction par quelque procédé que ce soit,<br />
photo<br />
graphie, microfilm, ban<strong>de</strong> magnétique, disque ou macre, constitue<br />
une contrefaçon passible <strong>de</strong>s peines prévues par la loi <strong>du</strong><br />
11 mars 1957 sur la protection <strong>de</strong>s droits d'auteur
SOMMAIRE<br />
pédagogie<br />
<strong>de</strong> l'exercice<br />
et <strong>du</strong> problème
SOMMAIRE
SOMMAIRE<br />
SOMMAIRE<br />
Intro<strong>du</strong>ction<br />
Chapitre 1 Exercices d'exposition<br />
Chapitre 2 Les problèmes<br />
Chapitre 3 Les exercices didactiques<br />
Chapitre 4 Exécution <strong>de</strong>s tâches techniques<br />
Chapitre 5 Les manipulations<br />
Chapitre 6 Applications <strong>de</strong>s mathématiques<br />
Chapitre 7 Les tests<br />
7<br />
13<br />
19<br />
29<br />
37<br />
45<br />
61<br />
81<br />
Bibliographie 97
SOMMAIRE
SOMMAIRE<br />
INTRODUCTION<br />
La réforme <strong>de</strong> l'enseignement <strong>de</strong>s mathématiques se poursuit dans le<br />
mon<strong>de</strong> entier dans <strong>de</strong>s conditions difficiles : ayant à assumer la scolarisation<br />
d'un nombre toujours croissant d'élèves, elle doit poursuivre une délicate<br />
politique <strong>de</strong> formation <strong>de</strong> maîtres qualifiés. Mais ce n'est pas son moindre<br />
avantage que d'avoir suscité, ici et là, <strong>de</strong>s réflexions sur les buts et les<br />
métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> cet enseignement. Elle a permis la découverte -on plutôt la<br />
redécouverte- <strong>de</strong> vérités tellement "évi<strong>de</strong>ntes" que nul ne songe à les mettre<br />
en doute... ni à les appliquer.<br />
Tout le mon<strong>de</strong> s'accor<strong>de</strong> pour affirmer que "faire <strong>de</strong>s mathématiques"<br />
ce n'est pas emmagasiner <strong>de</strong>s connaissances, et que l'exercice <strong>de</strong> l'intelligence,<br />
<strong>de</strong> l'imagination, <strong>de</strong> la rigueur, <strong>de</strong> la minutie, <strong>de</strong> l'honnêteté intellectuelle<br />
ne se développent pas en écoutant un cours dicté, recopié, appris,<br />
récité. Et pourtant l'essentiel <strong>de</strong> la préparation <strong>de</strong>s futurs professeurs<br />
consiste toujours à apprendre à bâtir <strong>de</strong>s exposés "magistraux" bien charpentés,<br />
ce qui est certes utile, mais ne prépare qu'à une faible partie <strong>du</strong><br />
métier d'enseignant.
SOMMAIRE 8<br />
La suite <strong>de</strong> cette intro<strong>du</strong>ction abor<strong>de</strong> précisément l'autre aspect <strong>de</strong> ce<br />
métier. Elle ébauche une réflexion sur la pédagogie <strong>de</strong> l'exercice et <strong>du</strong> problème qui<br />
étudie l'art <strong>de</strong> susciter une attitu<strong>de</strong> active et critique <strong>de</strong> l'élève.<br />
Précisons tout <strong>de</strong> suite que, les fascicules présentés ici ne veulent pas être<br />
<strong>de</strong> simples recueils d'exercices directement utilisables en classe. Pour cette<br />
raison, ils sont généralement classes par thèmes et non par niveau. La<br />
rédaction définitive <strong>de</strong>s énoncés <strong>de</strong>stinés à la classe reste à faire. Le texte<br />
proposé n'est qu'une trame que le professeur <strong>de</strong>vrait adapter à son goût<br />
personnel, à celui <strong>de</strong> ses élèves, en fonction <strong>du</strong> moment où l'exercice est<br />
proposé, à la réaction <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s thèmes analogues, et surtout à<br />
l'objectif pédagogique visé dans ce cas précis: on ne rédige pas <strong>de</strong> la même<br />
façon un travail <strong>de</strong> contrôle exigé en temps limité, sans documents, et au<br />
contraire un travail libre que l'élève effectue à loisir. Il est alors hautement<br />
souhaitable qu'il se documente lui-même sur <strong>de</strong>s notions volontairement<br />
imprécises.<br />
Le rédacteur <strong>de</strong> l'énoncé pourra choisir entre diverses formes à donner<br />
au texte. En particulier, certains problèmes pourront être présentés en<br />
plusieurs temps, espacés par <strong>de</strong>s interruptions d'une semaine. D'autres<br />
énonces se groupent en batteries d'exercices : ce sont <strong>de</strong>s séries <strong>de</strong> questions<br />
courtes dont l'intérêt pédagogique tient à leur assemblage et à leur progression.<br />
Le choix <strong>de</strong>s énonces retenus par le professeur dépend aussi, pour une<br />
large part, <strong>de</strong>s programmes actuellement en vigueur. C'est ainsi que nous ne<br />
nous dissimulons pas que certains <strong>de</strong>s chapitres <strong>de</strong> l'ouvrage présenté ici<br />
sont inexploitables dans leur totalité, avec les contraintes actuelles d'horaires<br />
et d'examens. Mais nos recherches visent plutôt à explorer <strong>de</strong> nouvelles<br />
possibilités d'enseignement. Nous rivons <strong>du</strong>ne époque où les auteurs <strong>de</strong>s<br />
programmes officiels proposeront en premier lien <strong>de</strong>s activités<br />
mathématiques formatrices et choisiront ensuite les théories enseignées en<br />
fonction <strong>de</strong>s problèmes que I'on pourra soumettre aux élèves. Alors on<br />
n'intro<strong>du</strong>ira plus gratuitement un jargon pédant et <strong>de</strong>s théories qui ne seront<br />
plus utilisées. Les mots et les définitions s'inséreront d'eux-mêmes, au fur et<br />
à mesure <strong>de</strong>s besoins réels<br />
Note texte est aussi conçu comme un instrument <strong>de</strong> formation <strong>de</strong>s<br />
maîtres : le professeur pourra proposer un petit choix d'énoncés à sa classe<br />
et en résoudre lui-même beaucoup plus. Ce sera pour- lui l'occasion <strong>de</strong><br />
motiver l'intro<strong>du</strong>ction <strong>de</strong>s théories qu il expose. Et il arrivera souvent qu'à
SOMMAIRE 9<br />
l'occasion d'une explication difficile cru d'une question imprévue d'un élève,<br />
le maître, soit amené à exploiter inopinément un énoncé qu'il ne pensait pas<br />
soumettre au départ. C'est le moment <strong>de</strong> rappeler que le professeur doit savoir<br />
beaucoup <strong>de</strong> choses pour pouvoir en enseigner très peu. Il doit se sentir<br />
complètement libéré <strong>de</strong>s difficultés mathématiques pour se consacrer<br />
entièrement aux difficultés, pédagogiques. Et en particulier la connaissance d<br />
une théorie abstraite n'est souhaitable que si l'on ait l'appliquer dans <strong>de</strong>s<br />
situations variée.<br />
En préparant ces recueils nous nous sommes constamment heurtés à<br />
<strong>de</strong>ux exigences contradictoires: d'une part, la plupart <strong>de</strong>s énonces ne<br />
prennent leur - valeur qu'à la faveur <strong>de</strong>s commentaires pédagogique, présentés<br />
en face <strong>du</strong> texte, et qui reposent souvent sur la connaissance <strong>de</strong> la<br />
solution. Mais d'antre part, nous semblons cé<strong>de</strong>r trop souvent à la tentation<br />
que nous dénonçons constamment: souffler prématurément la réponse et ne<br />
pas laisser au professeur le temps <strong>de</strong> chercher lui-même, chaque fois que cette<br />
recherche lui serait profitable. Car si l'on admet qu'un <strong>de</strong>s buts <strong>de</strong> notre<br />
enseignement est d'apprendre à nos élèves à résoudre <strong>de</strong>s problèmes, il est<br />
clair que le maître doit avoir une expérience vécue <strong>de</strong> l'aventure <strong>de</strong><br />
recherche <strong>de</strong> la solution. N'hésitons pas à affirmer que certains problèmes<br />
ne peuvent pas être présentés valablement aux élèves par un professeur qui,<br />
ne l'ayant jamais cherché, ne peut pas se rendre compte <strong>de</strong> ce qu'il faut<br />
attendre <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> celui qui cherche. Chaque fois que nous pensons que<br />
le risque <strong>de</strong> dévoiler prématurément la réponse est trop grand, nous renvoyons<br />
le commentaire en appendice, sous un numéro entre double crochet,<br />
[[ ]]. (Le simple crochet [ ] renvoie à la bibliographie). Et lorsqu'il nous a<br />
paru souhaitable que le professeur "séchât" un mois ou <strong>de</strong>ux et trouve<br />
lui-même la solution nous avons renvoyé la réponse à <strong>de</strong>s références<br />
bibliographiques volontairement difficilement accessible. De toute façon<br />
l'équilibre entre le désir d'épargner certains efforts inutiles à <strong>de</strong>s collègues<br />
surcharges <strong>de</strong> tâches et la nécessité <strong>de</strong> les inciter parfois à un effort<br />
éminemment formateur est malaisé à obtenir.<br />
Notre travail veut aussi réagir contre la routine qui s'installe si facilement<br />
dans L'enseignement. Certaines idées pédagogiques intéressantes au<br />
départ se stéréotypent rapi<strong>de</strong>ment, transmises <strong>de</strong> maîtres en maîtres, <strong>de</strong><br />
manuels en manuels et les élèves sont encouragés à apprendre par cœur la<br />
solution <strong>de</strong> certains exercices "bien connus" pour réussir à leurs examens !<br />
Nous ne sous-estimons pas le danger <strong>de</strong> voir nos propres innovations<br />
donner lien, en peu <strong>de</strong> temps, à d'autres stéréotypes.
SOMMAIRE 10<br />
Pour retar<strong>de</strong>r ce fâcheux phénomène <strong>de</strong> vieillissement wons nous proposons<br />
<strong>de</strong> rassembler délibérément, sur chaque sujet traité, une quantité <strong>de</strong><br />
documents qui dépasse <strong>de</strong> beaucoup les possibilités d'utilisation d'un maître<br />
ou d'un interrogateur. Si chacun résiste à la tentation <strong>de</strong>s reprendre tous les<br />
ans les mêmes exercices, dans le mime ordre, dans les mêmes classes ou<br />
aux mêmes examens. On évitera dans une certaine mesure la sclérose<br />
redoutée.<br />
Classification <strong>de</strong>s énoncés<br />
Aux diverses activités <strong>de</strong> I'élève et <strong>du</strong> professeur correspon<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s énoncés<br />
dont la finalité est différente. Nous en distinguerons sept catégories, sans<br />
nous dissimuler que cette classification n'est ni exhaustive, ni nondisjonctive.<br />
Cependant le tableau suivant nous semble fondamental:<br />
Sigl<br />
e<br />
Catégorie d'énoncés Comportement <strong>de</strong> l'élève Comportement <strong>du</strong> professeur<br />
EE: Exercices , d'exposition. Apprendre<br />
Exposer incomplètement<br />
Acquérir <strong>de</strong>s connaissances Transmettre <strong>de</strong>s<br />
P Problèmes. Chercher.<br />
Susciter la curiosité.<br />
"trouver."<br />
Encourager la persévérance dans la<br />
recherche<br />
ED Exercices didactiques. S'entraîner.<br />
Fixer <strong>de</strong>s connaissances, <strong>de</strong>s aptitu<strong>de</strong>s,<br />
Acquérir <strong>de</strong>s mécanismes <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s.<br />
ET Exécution <strong>de</strong> tâches techniques. Prendre ses responsabilités, Inciter a la minutie: au soin.<br />
T<br />
Mener un travail à bonne fin Exiger un "travail bien fait.<br />
en<br />
prenant l'engagement <strong>de</strong> ne<br />
pas laisser subsister<br />
d'erreurs.<br />
A Exemples d'illustration. Transférer <strong>de</strong>s<br />
Rattacher l'abstrait a d autres centre. d<br />
Exercices d'application. cconnaissances théoriques<br />
dans un contexte pratique.<br />
intérêt..<br />
M Mamipulations. Observer.<br />
Motiver Ies résultats d'une étu<strong>de</strong><br />
Expérimenter.<br />
Bricoler.<br />
abstraite ultérieure.<br />
T Tests. Sujets <strong>de</strong> compositions. Vérifier la valeur <strong>de</strong> ses Contrôler les résultats <strong>de</strong><br />
d examens, <strong>de</strong> concours.' connaissances<br />
Faire valoir ses aptitu<strong>de</strong>s.<br />
l'enseignement sur chaque élève.<br />
Chacune <strong>de</strong> ces catégories, relève d'une pédagogie différente. Les énoncés<br />
correspondants se rédigent conformément à <strong>de</strong>s principes variés, parfois<br />
opposés.
SOMMAIRE 11<br />
Un énoncé est généralement composé sur un thème. Mais <strong>de</strong> même<br />
qu'un motif musical peut se présenter, au choix, sous la forme d'une java<br />
ou d'une marche funèbre, <strong>de</strong> même mue idée mathématique peut fournir<br />
<strong>de</strong>s exercices dont la finalité est tout à fait différente. Le professeur doit<br />
être entraîné à transposer tin énoncé d'une catégorie à utile autre.<br />
Il est temps <strong>de</strong> formuler les principes généraux d'une pédagogie <strong>de</strong><br />
l'exercice et <strong>du</strong> problème. Quelques auteurs ont déjà déblayé le terrain en<br />
se cantonnant clans l'étu<strong>de</strong> d'une <strong>de</strong>s catégories précé<strong>de</strong>nte. (Par exemple,<br />
Georges Polya [1], [2]. [3], [4] s'est occupé, d'une façon magistrale, <strong>de</strong> la<br />
pédagogie <strong>de</strong> la recherche <strong>de</strong>s problèmes (P)). Mais la réflexion globale reste<br />
à faire. Le travail présenté ici est une contribution à cette importante étu<strong>de</strong><br />
[5], [5 bis].
SOMMAIRE
SOMMAIRE<br />
EXERCICES D'EXPOSITION<br />
CHAPITRE 1<br />
L'intérêt <strong>de</strong> ces énoncés se concentre sur leur contenu mathématique :<br />
ici, l'objectif mathématique est une transmission <strong>de</strong> connaissances. Le cours<br />
n'est réservé, d'ordinaire, qu'aux questions fondamentales <strong>du</strong> programme<br />
exigibles aux examens; on préfère donc "mettre en exercices" <strong>de</strong>s points<br />
plus marginaux. Il s'agit <strong>de</strong> compléter la documentation <strong>de</strong>s élèves, tout en<br />
leur laissant le soin d'achever quelques calculs ou quelques raisonnements.<br />
La difficulté <strong>de</strong> résolution <strong>de</strong> l'exercice reste donc à l'arrière-plan...<br />
Bien au contraire, elle constituerait même un facteur nuisible, dans la<br />
mesure où elle entrave la transmission rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'information. C'est pourquoi<br />
la technique la plus usitée <strong>de</strong> "mise en exercices" consiste à opérer un<br />
découpage en une succession <strong>de</strong> questions très faciles : chaque fois qu'un<br />
obstacle risque <strong>de</strong> surgir, l'énoncé révèle (et parfois "parachute') l'artifice<br />
qui permet <strong>de</strong> la surmonter. La solution se ré<strong>du</strong>it alors à une suite <strong>de</strong><br />
vérifications immédiates où ni l'imagination, ni la chance ne sont sollicitées.<br />
C'est ainsi que sont rédigés plus <strong>de</strong> la moitié <strong>de</strong>s exercices <strong>de</strong> Bourbaki;<br />
il en est <strong>de</strong> même <strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong>s énoncés (qui ne se ré<strong>du</strong>isent pas à une<br />
ligne) que l'on trouve dans les manuels scolaires.
SOMMAIRE 14<br />
Voici un exemple typique:<br />
Exercice 1 Factorisation d'un trinôme bicarré<br />
1) Factoriser les trinômes x4 + x2 + 1 et x4 + 1 en faisant apparaître <strong>de</strong>s<br />
différences <strong>de</strong> carrés.<br />
2) Pour factoriser le trinôme x4 +px² + q (où p et q sont <strong>de</strong>s nombres réels) on<br />
distinguera <strong>de</strong>ux cas:<br />
a ) Si p2 - 4q > 0, on utilisera le changement <strong>de</strong> variable X =x2 .<br />
β) Si p2 - 4q < 0 , on démontrera que l'on peut écrire le trinôme sous la<br />
forme (x2 + a) 2 - 62x2 où a et b sont <strong>de</strong>s nombres réels, à déterminer.<br />
3) Appliquer ces métho<strong>de</strong>s à la factorisation <strong>de</strong>s trinômes bicarrés suivants:<br />
x4 - 13x2 + 36 9x4 - 6x2 + 1 x4 + 2x2 - 15<br />
4x4 - 17x2 +4 3x4 + 16x2 + 5 x4 +2. 2+9<br />
On notera le caractère marginal <strong>du</strong> thème, et le "parachutage" <strong>de</strong><br />
l'écriture x 4 + px 2 + q = (x 2 + ϖq - ) 2 - (2ϖq − p)x 2 qui apparaît en ⇓).<br />
Pour <strong>de</strong>s raisons pédagogiques qui seront analysées (après l'exercice 4 bis)<br />
on redouble <strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nce dans le choix <strong>de</strong>s indications fournies aux élèves.<br />
L'objectif pédagogique, disions-nous, est d'informer les élèves sur <strong>de</strong>s<br />
points marginaux <strong>du</strong> programme. On aimerait attirer leur attention sur ces<br />
curiosités, qui sont parfois les "perles" <strong>de</strong>s mathématiques, que tout lycéen<br />
cultivé <strong>de</strong>vrait connaître. Malheureusement, il faut reconnaître que le ren<strong>de</strong>ment<br />
pédagogique est rarement à la hauteur <strong>du</strong> but poursuivi. Trop<br />
souvent, l'élève ne remarque même pas l'intérêt <strong>de</strong> ce qu'on lui présente et<br />
il l'oublie aussitôt. La transmission <strong>de</strong> connaissance a échoué. Pourquoi ?<br />
Pourquoi ? Eh bien ! , c'est parce qu'un élève n'est pas un ordinateur<br />
! Un ordinateur retient instantanément et indéfiniment tout ce qu'on<br />
enfourne dans sa mémoire. Mais le professeur doit engager un véritable<br />
combat contre toutes les possibilités <strong>de</strong> distraction <strong>de</strong> sa classe. Pour que<br />
l'élève retienne un fait, il est souvent nécessaire qu'un élément affectif<br />
vienne valoriser le renseignement: effet <strong>de</strong> surprise, <strong>de</strong> "suspense", d'admiration,<br />
joie d'avoir surmonté une difficulté, sympathie qu'inspire l'informateur,<br />
etc. etc.<br />
Or la technique usuelle <strong>de</strong> "mise en exercices" s'ingénie précisément à<br />
éliminer tout élément affectif. On s'acharne, au contraire, à adopter un ton<br />
neutre, impersonnel, terne, pour présenter les plus belles fleurs <strong>de</strong> la mathématique.
SOMMAIRE 15<br />
Exemple 2<br />
La formule <strong>de</strong> Héron S = p(p-a)(p-b)(p-c) s'établit grâce à un calcul<br />
élégant que l'on a intérêt à faire exécuter.<br />
Mais il ne faut pas rater l'occasion <strong>de</strong> signaler que ce résultat a été obtenu<br />
au premier siècle <strong>de</strong> notre ère, alors que le calcul algébrique n'était pas<br />
inventé. Il s'agit donc d'un exploit digne d'admiration, et le professeur qui<br />
suscite cette admiration ne perd pas son temps [6] , [15].<br />
Lorsqu'on déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> présenter un résultat sous forme d'exercice<br />
d'exposition, il est indispensable <strong>de</strong> faire connaître les raisons qui ont<br />
motivé ce choix. Que l'élève sache par avance quel spectacle on l'invite à<br />
admirer. Un exercice d'exposition <strong>de</strong>vrait comporter un titre.<br />
Exemple 3<br />
Le problème <strong>de</strong> mathématiques élémentaires <strong>de</strong> l'agrégation masculine<br />
(1929) était un médiocre problème <strong>de</strong> concours (considéré comme test).<br />
C'est par contre un excellent exercice d'exposition. Il présente sous une<br />
forme très économique (i.e. sans exiger beaucoup <strong>de</strong> connaissances<br />
préalables) la géométrie non-euclidienne <strong>de</strong> Lobatchewsky [7].<br />
Malheureusement, l'auteur <strong>du</strong> texte s'est gardé d'indiquer ce point capital<br />
(sous prétexte <strong>de</strong> ne pas débor<strong>de</strong>r le programme officiel <strong>du</strong> concours). Les<br />
nombreux agrégatifs qui continuent à s'exercer sur cet énoncé, tout en<br />
ignorant <strong>de</strong> quoi il s'agit, en tirent un profit pédagogique nul! Pourtant,<br />
convenablement modifié, placé dans son contexte, cet énoncé remplace<br />
avantageusement un long cours magistral sur la géométrie non-euclidienne.<br />
Exercice 4<br />
L'énoncé qui suit est tout à fait typique. Il illustre une faute pédagogique fort<br />
répan<strong>du</strong>e.<br />
Soit P(X) le polynôme X(1 + X) n où n est un entier supérieur à 1.<br />
1) Développer (1 + X) n par la formule <strong>de</strong> Newton, puis développer le<br />
pro<strong>du</strong>it X(1 + X) n. On obtient ainsi une <strong>de</strong>uxième expression <strong>de</strong> P(X).<br />
2) Calculer P'(X) en utilisant chacune <strong>de</strong> ces expressions.<br />
3) Montrer que<br />
⎛ ⎞ ⎛ ⎞ ⎛ ⎞<br />
⎜ ⎟ ⎜ ⎟ ⎜ ⎟<br />
⎝1⎠ ⎝2⎠ ⎝n⎠ n n n n-1<br />
1+2 +3 +L+ n+1 = n+2 2<br />
(A) ( ) ( )
SOMMAIRE 16<br />
Qu'est-ce qui peut bien inciter un professeur à proposer cet exercice ?<br />
Assurément, ce n'est pas le résultat final (A), trop particulier pour mériter<br />
d'être connu et retenu isolément. Non! L'objectif est <strong>de</strong> faire connaître une<br />
métho<strong>de</strong> d'usage fréquent, qui permet <strong>de</strong> calculer <strong>de</strong>s sommes analogues.<br />
Bref, il s'agit d'enseigner une métho<strong>de</strong>.<br />
Celle-ci comporte trois artifices qui se camouflent <strong>de</strong>rrière cet énoncé.<br />
a) D'abord l'idée fécon<strong>de</strong> suivante: une égalité numérique peut s'obtenir en<br />
effectuant une substitution dans une i<strong>de</strong>ntité littérale. Ici on associe au<br />
premier membre <strong>de</strong> (A) la fonction génératrice<br />
n n 2 n n<br />
(B) 1+2( ) X+3( ) X + +(n+1)<br />
( ) X<br />
1 2 n<br />
Mais comme l'énoncé place la secon<strong>de</strong> question juste avant la troisième,<br />
l'élève qui aura l'expression (B) sous le nez remplacera X par 1, sans<br />
soupçonner qu'il s'agit là d'une construction ingénieuse et qu'il aurait dît être<br />
capable d'inventer lui-même l'i<strong>de</strong>ntité (B) pour obtenir (A). La portée et la<br />
généralité <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> passent complètement inaperçues.<br />
b) la secon<strong>de</strong> idée présente une utilisation possible <strong>de</strong>s dérivées. A partir<br />
d'i<strong>de</strong>ntités connues, il est possible d'en dé<strong>du</strong>ire d'autres par dérivation ou<br />
intégration.<br />
(Ainsi, <strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntité d'Euler<br />
(x-a)(b-c) + (x-b)(c-a) + (x-c)(a-b) = 0<br />
on peut dé<strong>du</strong>ire l'i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> Stewart, par intégration).<br />
Ici l'énoncé escamote soigneusement la généralité <strong>du</strong> procédé puisqu'il<br />
fournit immédiatement le point <strong>de</strong> départ (la formule <strong>du</strong> binôme), le<br />
procédé (la dérivation) et presque le résultat (la formule (A) ).<br />
e) Si l'on tentait <strong>de</strong> dériver (1 + X) n au lieu <strong>de</strong> X (1 + X) n on n'aboutirait pas<br />
exactement au résultat <strong>de</strong>mandé. 1l serait intéressant d'inciter les élèves à<br />
faire cette tentative et à imaginer un "coup <strong>de</strong> pouce" qui rétablit la solution.<br />
Mais dans la version proposée par l'énoncé, il ne se passe décidément<br />
rien! La rédaction est parvenue à rendre insipi<strong>de</strong> une aventure qui aurait pu<br />
passionner le débutant inexpérimenté. S'il s'agit d'un élève travailleur qui<br />
connaît la formule <strong>de</strong> Newton et sait dériver un polynôme l'affaire est dans<br />
le sac en cinq minutes, et, trois minutes après tout est oublié, puisqu'il ne<br />
s'est rien passé, qu'il n'y a rien à retenir, et aucun enseignement à en tirer.<br />
S'il s'agit d'un élève plu: faible, qui oublie ses leçons, le profit <strong>de</strong><br />
l'exercice est peut-être <strong>de</strong> l'obliger à s'en souvenir. Mais on doute que ce soit<br />
là l'objectif que visait l'auteur <strong>de</strong> l'énoncé.
SOMMAIRE 17<br />
On pourrait évi<strong>de</strong>mment se borner à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r une démonstration <strong>de</strong><br />
la formule (A), sans fournir d'autres indications. Mais pour l'élève inexpérimenté<br />
ce serait un problème (Cf.. chapitre 2). N'est-il pas cependant<br />
possible <strong>de</strong> composer un exercice d'exposition qui ne gâche pas irrémédiablement<br />
le bénéfice <strong>de</strong> l'énoncé ?<br />
Par exemple, on peut proposer la rédaction suivante:<br />
Exercice 4 bis Une métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> sommation<br />
1) Démontrer la formule (A), en décrivant une i<strong>de</strong>ntité classique,<br />
convenablement modifiée.<br />
2) Calculer <strong>de</strong> la même façon<br />
n n n<br />
( ) ( ) <br />
1 2 ( n )<br />
2 2 2<br />
1+2 +3 + +(n+1)<br />
Des professeurs pessimistes rétorqueront que leur classe est faible, que la<br />
présence <strong>de</strong>s coefficients (k) ne suggère pas suffisamment la formule <strong>de</strong><br />
Newton et qu'un tel texte exigera un temps <strong>de</strong> recherche trop long.<br />
Voici donc une stratégie pédagogique qui ne prend pas plus <strong>de</strong><br />
temps que l'énoncé 4, mais qui étale l'opération sur plusieurs semaines.<br />
On insérera l'exercice 4 bis dans une batterie d'exercices:<br />
Dans un premier temps on <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra le calcul <strong>de</strong><br />
n k n k n<br />
∑( ) , ∑(-1) ( ) , et ∑ 2 ( ) pour k = n<br />
k k k<br />
laissant le soin aux élèves d'utiliser la formule <strong>du</strong> binôme, non mentionnée,<br />
comme fonction génératrice.<br />
D'autre part, on <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra le calcul<br />
pour k = n <strong>de</strong> Σ k-1<br />
k x puis <strong>de</strong> Σ k<br />
k x<br />
ce qui intro<strong>du</strong>it les <strong>de</strong>ux autres artifices mentionnés. Une semaine après<br />
cette préparation pédagogique, on soumettra la première question <strong>de</strong> l'exercice<br />
4 bis. L'effort <strong>de</strong>mandé ici se bornera à faire un rapprochement avec<br />
<strong>de</strong>s exercices antérieurs. Si ceux-ci sont oubliés, ce rappel sera hautement<br />
salutaire. Puis, un mois après, on proposera la fin <strong>de</strong> l'exercice 4 bis, pour<br />
contrôler l'assimilation <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong>.<br />
Un autre défaut <strong>du</strong> style <strong>de</strong> présentation parcellaire <strong>de</strong>s exercices<br />
d'exposition est particulièrement nocif lorsque l'énoncé est long: l'élève
SOMMAIRE 18<br />
s'embourbe dans <strong>de</strong>s vérifications successives, sans saisir le fil directeur <strong>de</strong><br />
l'énoncé. On atténuera cet effet fâcheux, en annonçant d'entrée <strong>de</strong> jeu le<br />
sujet présenté dans l'exercice et on présentera l'idée générale <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong><br />
utilisée avant <strong>de</strong> passer à l'exécution <strong>de</strong>s étapes intermédiaires. Le plan doit<br />
précé<strong>de</strong>r sa réalisation.<br />
Lorsque ce préambule n'aura pas été fourni au départ, le professeur<br />
prendra soin <strong>de</strong> faire établir le bilan <strong>de</strong>s étapes parcourues en fin d'exercice.<br />
Comprendre un raisonnement c'est l'appréhen<strong>de</strong>r globalement et non<br />
pas saisir chacun <strong>de</strong> ses syllogismes isolément.<br />
En conclusion, la rédaction d'un exercice d'exposition ne doit pas<br />
s'ingénier à épargner tous les efforts à l'élève. Elle doit au contraire<br />
chercher à les doser et à les choisir en ne laissant subsister que ceux qui<br />
concourent à l'objectif pédagogique visé : la transmission correcte <strong>de</strong><br />
connaissances.<br />
Mais inversement, certaines connaissances peuvent s'acquérir à peu <strong>de</strong><br />
frais d'une façon totalement passive. C'est ce qui se passe dans les exercices<br />
<strong>de</strong> contemplation.<br />
Exemple 5<br />
Il existe <strong>de</strong>s fonctions continues dépourvues <strong>de</strong> dérivée en un point. Si l'on réalise<br />
un <strong>de</strong>ssin, en couleurs attrayantes avec quelques détails humoristiques représentant le<br />
graphe <strong>de</strong> la fonction t—>| t | , et surtout <strong>de</strong> la fonction t—>t sin(1/t), avec sa<br />
cor<strong>de</strong> qui "frétille" au voisinage <strong>de</strong> l'origine et qu'on l'affiche dans la classe<br />
pendant un mois, le phénomène se gravera certainement dans toutes les mémoires,<br />
sans perte <strong>de</strong> temps ni effort excessif.
SOMMAIRE<br />
<strong>LE</strong>S PROB<strong>LE</strong>MES<br />
CHAPITRE 2<br />
L'é<strong>du</strong>cation mathématique développe occasionnellement la mémoire, la<br />
minutie, le sens pratique, les facultés d'abstraction, etc. Mais le plus<br />
important est <strong>de</strong> cultiver l'intelligence qui est l'aptitu<strong>de</strong> à faire face à <strong>de</strong>s<br />
situations nouvelles et à saisir <strong>de</strong>s relations. C'est la recherche <strong>de</strong> "problèmes"<br />
qui est donc l'activité mathématique la plus importante.<br />
Contrairement aux exercices d'exposition, le contenu mathématique<br />
importe peu dans un problème. L'important est <strong>de</strong> susciter un élan <strong>de</strong><br />
curiosité et <strong>de</strong> déclencher un comportement <strong>de</strong> recherche.<br />
Cependant notre système d'enseignement méconnaît gravement cet<br />
aspect. Nombreux sont les étudiants qui sortent brillamment diplômés <strong>de</strong><br />
nos universités sans avoir vraiment résolu un seul problème <strong>de</strong> leur vie : il ne<br />
leur est jamais arrivé d'être obsédé par une question pendant plusieurs<br />
semaines, d'avoir lentement pris conscience <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>s difficultés, et<br />
d'aboutir à la suite d'un long processus à une illumination qui dévoile la<br />
réponse.
SOMMAIRE 20<br />
L'initiation à la recherche <strong>de</strong>s problèmes va à l'encontre <strong>de</strong> certains<br />
préjugés "moraux". La curiosité (abusivement confon<strong>du</strong>e avec l'indiscrétion)<br />
est souvent considérée comme un "vilain petit défaut" car "il ne faut pas<br />
chercher à comprendre". Nombreux sont ceux qui se sentent coupables<br />
lorsqu'ils "sèchent" longtemps sur un problème; ils ont à tort l'impression <strong>de</strong><br />
perdre <strong>du</strong> temps, alors que l'attitu<strong>de</strong> plus efficace qui consisterait à se<br />
reporter immédiatement à une réponse toute rédigée, nous semble au<br />
contraire condamnable.<br />
Tout enseignement mathématique digne <strong>de</strong> ce nom doit initier l'élève à<br />
l'aventure <strong>du</strong> problème. Pour cela, l'é<strong>du</strong>cateur <strong>de</strong>vra briser bien <strong>de</strong>s obstacles<br />
extra-scolaires qui incitent à la passivité et au conformisme.<br />
La recherche <strong>de</strong> problèmes n'est pas une activité scolaire compatible avec<br />
<strong>de</strong>s horaires stricts, réalisée en temps limité. Il est impossible d'exiger d'un<br />
élève qu'il résolve un problème et remette la solution par écrit, à échéance<br />
fixée. Le succès ne petit donner lieu à une bonne note; puisque l'échec ne<br />
saurait être sanctionné. Il s'agit donc d'une activité libre, à laquelle on se livre<br />
par goût d'une façon désintéressée. On comparera le statut <strong>du</strong> Problème,<br />
dans l'enseignement <strong>de</strong>s mathématiques, à la lecture <strong>de</strong>s oeuvres littéraires,<br />
ne figurant pas au programme, dans l'enseignement <strong>du</strong> français.<br />
Le maître sèmera, <strong>de</strong> temps en temps, <strong>de</strong>s idées <strong>de</strong> problèmes dans<br />
l'espoir <strong>de</strong> récolter un comportement <strong>de</strong> recherche. Mais lorsque l'inspecteur<br />
viendra passer vingt minutes dans la classe, il n'apercevra pas ce qui germe<br />
dans la tête <strong>de</strong>s enfants, et il ne pourra juger si l'initiative <strong>du</strong> professeur est<br />
sur le point <strong>de</strong> porter ses fruits. Ainsi, s'agit-il aussi pour le maître d'une<br />
activité gratuite, à laquelle il n'est pas réglementairement astreint.<br />
Cependant la résolution d'un problème est une aventure d'une telle<br />
intensité qu'elle fait date dans la mémoire <strong>de</strong> tous ceux qui l'ont vécue.<br />
Heureux le professeur qui la révèle à ses élèves!<br />
On pense généralement qu'il s'agit là d'une activité réservée aux seuls<br />
génies cri herbe. Il n'en est rien'.<br />
De très jeunes enfants, <strong>de</strong>s débiles mentaux et même (les animaux<br />
parviennent à résoudre <strong>de</strong>s problèmes [8] . La seule différence est que <strong>de</strong>s<br />
indivi<strong>du</strong>s d'intelligence exceptionnelle résoudront <strong>de</strong>s problèmes très difficiles,<br />
alors que <strong>de</strong>s gens moins (loués ne viendront à bout que <strong>de</strong> questions<br />
compatibles avec leur niveau. L'histoire ou la légen<strong>de</strong> relate les Eurékas
SOMMAIRE 21<br />
mémorables d'Archimè<strong>de</strong>, Newton ou Gauss, mais on ne prend pas la<br />
peine <strong>de</strong> conter comment <strong>de</strong>s indivi<strong>du</strong>s moins doués ont découvert <strong>de</strong>s<br />
vérités <strong>de</strong> La Palice.<br />
Cependant les comportements <strong>de</strong> recherche sont analogues, bien que<br />
plus maladroits.<br />
Exemple 1<br />
Dans une classe <strong>de</strong> quatrième, réputée faible en mathématiques, les élèves<br />
n'avaient encore résolu que <strong>de</strong>s exercices d'exposition, jalonnés d'indications<br />
qui con<strong>du</strong>isaient à la solution.<br />
C'est alors que le professeur, s 'inspirant d'une idée d'André Myx,<br />
<strong>de</strong>ssina la figure suivante au tableau, où les segments fléchés sont parallèles à<br />
l'un <strong>de</strong>s côtés <strong>du</strong> triangle eu traits pleins. Il suggérait ainsi à la classe <strong>de</strong><br />
déceler une particularité <strong>de</strong> cette figure. La "question" était proclamée<br />
facultative, ne donnant lieu à aucune note: aucun délai n'était fixé.<br />
Il n'en fallu pas plus pour susciter le désir <strong>de</strong> se mettre au travail...<br />
C'est l'effort librement consenti qui est toujours le plus joyeux, donc<br />
le plus profitable.<br />
La semaine suivante, le professeur fut harcelé <strong>de</strong> questions à la fin <strong>du</strong><br />
cours, sur ce qui était vraiment <strong>de</strong>mandé. La seule indication fournie fut<br />
l'incitation à <strong>de</strong>ssiner soigneusement <strong>de</strong> nombreuses figures pour observer le<br />
phénomène. Ce ne fut que la semaine suivante que quelques groupes<br />
émirent l'opinion qu'il semblait plausible que la ligne, convenablement<br />
prolongée <strong>de</strong>vait se refermer... Le professeur résista à la tentation <strong>de</strong> souffler<br />
la réponse et <strong>de</strong> dicter un corrigé. Enfin, la semaine suivante quelques élèves<br />
parvinrent à démontrer la conjecture.
SOMMAIRE 22<br />
Certains souriront peut-être, en pensant qu'il a fallu trois semaines à<br />
ces élèves faibles pour venir à bout d'une question triviale. Mais pour les<br />
lycéens concernés, il s'agit - n'en doutons pas - d'une étape qui fera date<br />
dans leur formation mathématique. Ce sera le premier problème qu'ils<br />
auront résolu sans ai<strong>de</strong>. Quiconque a déjà résolu un problème, en<br />
résoudra ultérieurement d'autres, qui ne seront pas nécessairement aussi<br />
faciles. Un palier décisif dans l'é<strong>du</strong>cation mathématique sera ainsi franchi.<br />
Cet épiso<strong>de</strong> comporte un autre enseignement pédagogique: la recherche<br />
d'un problème peut être fort longue et le maître doit résister à la<br />
tentation <strong>de</strong> "dicter un corrigé" trop tôt. De nombreuses observations<br />
révèlent que <strong>de</strong>s professeurs, sceptiques sur l'aptitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> leurs élèves à<br />
surmonter <strong>de</strong>s difficultés, ont eu la surprise d'être démentis par les faits,<br />
mais dans <strong>de</strong>s délais beaucoup plus longs qu'ils croyaient raisonnables<br />
d'octroyer au départ.<br />
Nous sommes très mauvais juges pour estimer la difficulté d'une<br />
question pour nos élèves. Le mathématicien a<strong>du</strong>lte sous-estime certaines<br />
difficultés, même pour les débutants doués.<br />
Exemple 2<br />
A Moscou, dans une classe d'élite, un jeune vainqueur d'Olympia<strong>de</strong> mit<br />
plus <strong>de</strong> quinze jours pour réinventer la démonstration <strong>de</strong> la continuité <strong>du</strong><br />
pro<strong>du</strong>it <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux fonctions continues. Le "truc" est pourtant classique; mais<br />
a quatorze ans, le champion l'ignorait. Et, après tout, cet artifice n'est pas<br />
si facile à redécouvrir ! (f(x) g(x) − f(x) g(a) + f(x) g(a) − f(a) g(a)) .<br />
Inversement un professeur qui n'aurait jamais résolu un problème luimême<br />
sera tenté <strong>de</strong> sous-estimer la possibilité d'en résoudre. Au lieu<br />
d'encourager l'élève à la persévérance dans la recherche, il aurait plutôt<br />
tendance à freiner l'initiative. Il pensera: "Ne cherchez pas ! vous n'y<br />
arriverez jamais, c'est impossible à trouver! ".<br />
L'entraînement à la recherche <strong>de</strong> problèmes, (l'heuristique) est donc un<br />
<strong>de</strong>s éléments les plus importants dans la formation mathématique <strong>de</strong>s maîtres.<br />
Dans un problème ce n'est pas le contenu mathématique, c'est l'incitation<br />
à un comportement <strong>de</strong> recherche qui importe. Un problème perd <strong>de</strong><br />
sa valeur, dès que la réponse est connue.
SOMMAIRE 23<br />
Exemple 3<br />
L'intérêt <strong>du</strong> problème diophantien <strong>de</strong> Fermat (an + bn = cn) ne tient pas à sa<br />
réponse éventuelle: à quoi nous servirait-il <strong>de</strong> savoir qu'il existe un nombre<br />
n, qui s'écrirait avec cinquante chiffres dans le système décimal, pour lequel<br />
l'équation <strong>de</strong> Fermat admettrait une solution non triviale ?<br />
Mais l'énoncé est si court, si simple que son apparence facile a exercé une<br />
réelle fascination sur <strong>de</strong>s générations d'amateurs, qui ne soupçonnaient pas<br />
la nature <strong>de</strong> la difficulté et ignoraient les travaux <strong>de</strong> Kummer sur ce sujet.<br />
Un bon énoncé <strong>de</strong> problème doit "appâter" adroitement l'élève sous une<br />
apparence anodine. Mais dès qu'on s'y essaie, on se sent empoigné à mesure<br />
que la solution se dérobe. Le véritable connaisseur refuse alors <strong>de</strong> se laisser<br />
souffler la réponse en même temps qu'il désire ar<strong>de</strong>mment la trouver.<br />
Un énoncé <strong>de</strong> problème se rédige d'une façon radicalement différente<br />
d'un exercice d'exposition. On ne jalonnera l'énoncé d'aucune indication<br />
susceptible <strong>de</strong> dévoiler les "astuces". Au contraire il y a un art <strong>de</strong> dissimuler<br />
la difficulté, <strong>de</strong> provoquer le défi, <strong>de</strong> proposer <strong>de</strong>s enjeux (non<br />
nécessairement matériels), <strong>de</strong> stimuler le désir <strong>de</strong> vaincre. Ce camouflage <strong>de</strong><br />
la solution n'est pas motivé par le désir cruel <strong>de</strong> faire chercher inutilement,<br />
mais au contraire <strong>de</strong> provoquer l'effet <strong>de</strong> surprise lorsque la réponse se<br />
dévoilera: il s'agit <strong>de</strong> renforcer le contraste entre l'obscurité initiale et<br />
l'évi<strong>de</strong>nte simplicité <strong>de</strong> la réponse... lorsqu'on l'aura trouvée.<br />
Pendant la <strong>du</strong>rée <strong>de</strong> la recherche, il y a un art <strong>de</strong> relancer l'intérêt et<br />
d'encourager à persévérer, tout en se retenant <strong>de</strong> révéler la réponse.<br />
On trouve beaucoup d'énoncés <strong>de</strong> problèmes dans les recueils consacrés<br />
aux Olympia<strong>de</strong>s [9], [10], [11], [12], [12 bis], ainsi que dans la rubrique<br />
spéciale <strong>de</strong> l'"American Mathematical Monthly". Signalons en particulier, la<br />
compétition William Lowell Putnam, dont les résultats sont relatés dans<br />
cette revue américaine.<br />
Pour développer l'art <strong>de</strong> poser <strong>de</strong>s problèmes, le pédagogue pourra<br />
s'inspirer <strong>de</strong> l'oeuvre <strong>de</strong> Samuel Loyd (1841 - 1911) [13], [14]. Ce génial<br />
compositeur <strong>de</strong> puzzles a alimenté les magazines américains <strong>de</strong> <strong>de</strong>vinettes,<br />
chara<strong>de</strong>s, rébus, etc. d'une rare subtilité. C'est un <strong>de</strong>s maîtres <strong>de</strong> la<br />
composition <strong>du</strong> problème d'échecs; il a aussi composé, <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong><br />
bridge. Mais il est surtout inégalable dans sa façon d'envelopper sa<br />
marchandise, <strong>de</strong> présenter quelques questions mathématiques apparemment<br />
sans intérêt sous une forme provocatrice qui incite à vouloir la résoudre.<br />
Examinons d'abord, à titre d'exemple, le puzzle suivant:
SOMMAIRE 24<br />
Exemple 4<br />
Trouver l'ensemble <strong>de</strong>s points A <strong>du</strong> globe terrestre tels qu'en partant <strong>de</strong> A, en se<br />
déplaçant d'abord <strong>de</strong> mille kilomètres vers le sud, puis <strong>de</strong> mille kilomètres vers l'est<br />
et enfin <strong>de</strong> mille kilomètres vers le nord, on se retrouve au point A.<br />
Voilà bien un énoncé diabolique! N'importe qui trouvera facilement<br />
un point A répondant à la question et pensera d'abord que c'est le seul... Il<br />
trouvera la question sans intérêt. Avant ainsi per<strong>du</strong> nue première fois son<br />
pari, il finira par trouver un autre ensemble (moins évi<strong>de</strong>nt) <strong>de</strong> points A.<br />
Mais las ! il ne sera pas encore au bout <strong>de</strong> ses peines.<br />
Un premier genre <strong>de</strong> problèmes a pour prototype l'Oeuf <strong>de</strong> Christophe<br />
Colomb: la découverte <strong>de</strong> sa solution ne semble dépendre que d'un heureux<br />
hasard! Cependant, lorsqu'on se donne la peine d'analyser la démarche d'un<br />
esprit qui parvient à le résoudre, il est rare que l'on ne trouve pas une voie<br />
naturelle qui mène à la réponse.<br />
On appelle heuristique l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ces cheminements <strong>de</strong> pensée.<br />
Exemple 5<br />
Analyser les associations d'idées qui peuvent con<strong>du</strong>ire à multiplier sin x + cos x par<br />
2<br />
2<br />
pour aboutir à l'i<strong>de</strong>ntité<br />
π sin x + cos x = 2 sin (x + ) 4<br />
Si, au premier abord, la multiplication par 2<br />
2 est un " Deus ex<br />
machina" inexplicable, on conviendra qu'au terme d'une telle analyse, il est<br />
bien naturel <strong>de</strong> rapprocher sin x + cos x <strong>de</strong> l'expression<br />
cos a sin x + sin a cos x dans le cas où cos a = sin a . On y est d'ailleurs<br />
con<strong>du</strong>it plus naturellement, à la suite <strong>de</strong> l'étu<strong>de</strong> expérimentale d'un<br />
"mouvement vibratoire" a cos x + b sin x .<br />
Celui qui prend la peine d'examiner les voies qui l'ont con<strong>du</strong>it à<br />
résoudre un problème, fait <strong>de</strong>s progrès rapi<strong>de</strong>s car il est rare qu'un enseignement<br />
<strong>de</strong> portée générale ne puisse être tiré <strong>de</strong> chacune <strong>de</strong> ces aventures<br />
<strong>de</strong> recherche particulières [15] . D'autres problèmes exigent moins <strong>de</strong><br />
"génie". Leur difficulté provient d'une accumulation <strong>de</strong> petites difficultés.
SOMMAIRE 25<br />
Problème 6<br />
Pour quels entiers n>3 existe-t-il <strong>de</strong>ux nombres réels a et b (0
SOMMAIRE 26<br />
Une technique pédagogique qui con<strong>du</strong>it l'élève à planifier préalablement<br />
la recherche d'un long problème consiste à biffer systématiquement<br />
quelques questions intermédiaires dans un long énoncé<br />
d'exercice d'exposition.<br />
On peut aussi indiquer clairement, en début d'énoncé, l'objectif visé;<br />
puis énumérer en vrac une liste d'indications qui pourraient s'avérer utiles<br />
pour atteindre ce but. On <strong>de</strong>man<strong>de</strong> alors à l'élève d'organiser ces indications<br />
dans l'ordre qui mène à la solution.<br />
Exemple 7<br />
On trouve dans [16], pages 95 et 97, la marche à suivre pour démontrer les<br />
trois tautologies classiques:<br />
(1) P ou ←P (théorème <strong>du</strong> tiers exclus)<br />
(2) P ⇒ ←← P (premier théorème <strong>de</strong> la double négation)<br />
(3) ←← P ⇒ P (<strong>de</strong>uxième théorème <strong>de</strong> la double négation)<br />
en partant <strong>de</strong>s quatre axiomes <strong>de</strong> Hilbert - Ackermann et <strong>de</strong>s critères <strong>de</strong><br />
dé<strong>du</strong>ction dûment formulés.<br />
D'après [16], il faut cinq, sept et quatorze chaînons <strong>de</strong> raisonnement<br />
pour démontrer respectivement les trois tautologies.<br />
Chacun <strong>de</strong> ces chaînons est immédiat, mais la découverte <strong>de</strong> l'enchaînement<br />
qui con<strong>du</strong>it à la démonstration <strong>de</strong> (3) <strong>de</strong>vrait prendre plusieurs<br />
semaines d'effort à un chercheur ignorant la question.<br />
Ce problème pourrait inciter le professeur à une réflexion heuristique: il<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra, par exemple, <strong>de</strong> reconstituer la démonstration <strong>de</strong> (1) et il<br />
observera scrupuleusement le comportement <strong>de</strong> recherche <strong>de</strong>s élèves qui<br />
aboutissent en fin <strong>de</strong> compte à la réponse.<br />
On peut évi<strong>de</strong>mment proposer ce problème, dans le style d'un exercice<br />
d'exposition, en découpant l'énoncé en 14 intermédiaires: c'est sans intérêt.<br />
Une autre technique consistera à présenter ces 14 intermédiaires dans un<br />
ordre arbitraire, <strong>de</strong>mandant aux élèves d'organiser la démonstration en<br />
reconstituant l'enchaînement.<br />
Enfin, on peut se borner à ne fournir que 4 ou 5 <strong>de</strong>s intermédiaires. La<br />
métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> recherche consistera alors à constituer systématiquement, par<br />
analyse et synthèse, (Cf [17] p. 108) <strong>de</strong>s chaînes <strong>de</strong> dé<strong>du</strong>ctions partielles. On<br />
essaiera ensuite <strong>de</strong> les placer bout à bout. Et pour finir, lorsqu'on aura<br />
trouvé une démonstration, on tentera <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s raccourcis aux longs<br />
trajets préalablement obtenus.
SOMMAIRE 27<br />
Ce problème rentre dans la vaste catégorie <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> reconstitutions,<br />
chers aux archéologues, aux amateurs <strong>de</strong> romans policiers et aux<br />
joueurs <strong>de</strong> bridge (lorsqu'ils essaient <strong>de</strong> <strong>de</strong>viner la composition <strong>de</strong>s mains<br />
adverses). E n algèbre et en géométrie, ils interviennent constamment<br />
lorsqu'on doit opérer <strong>de</strong>s constructions, lorsque l'énoncé ne décrit qu'une<br />
portion <strong>de</strong> la figure ou <strong>de</strong> la formule. Il convient d'abord <strong>de</strong> retrouver <strong>de</strong>s<br />
éléments manquants. (Cf. exemple 2, ci-<strong>de</strong>ssus).<br />
Pour éveiller la curiosité, le professeur dispose d'un large éventail <strong>de</strong><br />
techniques pédagogiques: il pourra proposer <strong>de</strong>s problèmes ouverts, basés<br />
sur <strong>de</strong>s conjectures dont on ne sait pas à priori s'il faut les démontrer, ou<br />
les réfuter en construisant un contre-exemple; il pourra modifier un énoncé<br />
<strong>de</strong> façon à le transformer en problème ouvert [19].<br />
On présentera aussi <strong>de</strong>s énoncés non formulés, tels que l'exemple 1, ou<br />
encore l'énigmatique:<br />
Exemple 8<br />
2 4 = 4 2<br />
qui peut susciter diverses recherches selon les questions que l'on voudra<br />
bien se poser à son propos.<br />
Pour clore ce chapitre citons <strong>de</strong>ux sortes <strong>de</strong> problèmes dont il ne faut<br />
pas abuser: les casse-tête, dont la solution s'obtient après <strong>de</strong> longs tâtonnements<br />
sans qu'une métho<strong>de</strong> rationnelle ne soit susceptible d'abréger les<br />
essais, et les <strong>de</strong>vinettes où cet élément rationnel est totalement absent.
SOMMAIRE
SOMMAIRE<br />
CHAPITRE 3<br />
<strong>LE</strong>S EXERCICES DIDACTIQUES<br />
La pédagogie traditionnelle insistait surtout sur l'acquisition <strong>de</strong>s mécanismes<br />
<strong>de</strong> base. La pédagogie nouvelle s'attache d'abord à la compréhension<br />
<strong>de</strong>s notions étudiées; mais elle ne néglige pas l'apprentissage <strong>de</strong> l'automatisme<br />
dans l'emploi <strong>de</strong>s notions comprises. Les exercices didactiques<br />
doivent être spécialement composés pour s'y entraîner. En anglais une telle<br />
question se nomme drill.<br />
Les manuels contiennent, en fin <strong>de</strong> chapitre, <strong>de</strong> longues listes d'exemples<br />
numériques qui sont <strong>de</strong>s applications immédiates <strong>du</strong> cours. Leur intérêt<br />
ne tient ni au contenu scientifique, ni à la difficulté. Au contraire, ces<br />
exercices doivent être exécutés instantanément, sans tâtonnement, ni hésitations.<br />
Pour les réussir (oralement, mentalement, par écrit ou au tableau) il<br />
suffit <strong>de</strong> connaître le cours et d'être soigneux. On peut donc exiger que<br />
tout élève les réussisse avec aisance, sécurité, rapidité. Ces énoncés s'adaptent<br />
particulièrement à la vie scolaire, et aux restrictions d'horaires: leur<br />
<strong>du</strong>rée d'exécution est facilement prévisible, et ils s'accommo<strong>de</strong>nt aisément<br />
d'une différence <strong>de</strong> niveau entre les élèves d'une classe. Enfin, ils interviennent<br />
tout naturellement dans les examens: le correcteur n'a pas <strong>de</strong>
SOMMAIRE 30<br />
difficultés ni <strong>de</strong> scrupules à les noter. Il est très difficile d'apprécier si un<br />
candidat a acquis un niveau <strong>de</strong> culture compatible avec certains gra<strong>de</strong>s,<br />
mais il est aisé <strong>de</strong> vérifier objectivement qu'il sait effectuer les quatre<br />
opérations, résoudre une équation <strong>du</strong> second <strong>de</strong>gré, calculer une dérivée ou<br />
rédiger un raisonnement par récurrence. Nombreux sont les professeurs ou<br />
les manuels qui semblent ne connaître que cette catégorie d'exercices. Ils<br />
conçoivent leur enseignement comme une préparation exclusive à un<br />
examen dont le programme comporte une liste exhaustive <strong>de</strong> questionstypes<br />
auxquelles il suffirait d'entraîner les élèves. Même s'ils enseignent<br />
dans une classe où l'année scolaire n'est pas sanctionnée par <strong>de</strong>s épreuves,<br />
on entrevoit cette conception pédagogique dans leur façon d'enseigner.<br />
En réaction à cette vue étroite, d'autres pédagogues condamnent les<br />
énoncés didactiques qui se résolvent en appliquant mécaniquement une<br />
règle, en se livrant à une liste <strong>de</strong> vérifications fastidieuses, sans jamais faire<br />
appel à l'intelligence.<br />
Ces <strong>de</strong>ux points <strong>de</strong> vue sont excessifs. Le professeur dispose d'une<br />
palette éten<strong>du</strong>e <strong>de</strong> techniques pédagogiques dont il doit se servir avec<br />
éclectisme. L'enseignement doit comporter une part <strong>de</strong> "dressage", limité<br />
dans ses objectifs, mais néanmoins indispensable. Pour y parvenir il faut<br />
user d'exercices spécialement composés dans ce but; il rie faut pas en<br />
abuser. Un énoncé didactique est en général facile et -banal pour l'élève.<br />
Mais le pédagogue doit faire preuve <strong>de</strong> beaucoup d'ingéniosité pour y doser<br />
les répétitions (qui ne doivent pas être trop fastidieuses) et les progressions<br />
(ce qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> une bonne compréhension <strong>de</strong>s processus d'apprentissage<br />
<strong>de</strong>s élèves). Généralement, les exercices didactiques se présentent sous<br />
forme <strong>de</strong> batteries, où chaque question isolée n'offre guère d'intérêt, mais<br />
où l'agencement est primordial.<br />
Exemple 1<br />
Tout livre <strong>de</strong> calcul, <strong>de</strong>stiné à l'école élémentaire, contient <strong>de</strong>s listes <strong>de</strong><br />
divisions à effectuer. Il peut sembler que les auteurs y choisissent au hasard<br />
<strong>de</strong>s divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s diviseurs. Un examen approfondi <strong>de</strong>s meilleurs<br />
ouvrages révèle au contraire un choix délicat, -dont l'élève n'est pas<br />
conscient. On commence par ne faire intervenir que les tables <strong>de</strong> multiplications<br />
"faciles" (1, 2 ou 5) puis on intro<strong>du</strong>it progressivement d'autres<br />
chiffres. Ce n'est que tardivement qu'apparaissent <strong>de</strong>s zéros intercalés au<br />
quotient, puis <strong>de</strong>s divisions telles que 20 929: 299 qui cumulent <strong>de</strong> grosses<br />
difficultés (pour un écolier <strong>de</strong> dix ans! ).
SOMMAIRE 31<br />
De telles subtilités ai<strong>de</strong>nt considérablement l'enfant dans son apprentissage.<br />
De même la confection d'un abécédaire peut sembler facile à bâcler.<br />
Cependant, dans l'Antiquité, les enfants apprenaient à lire dans <strong>de</strong>s livres<br />
d'a<strong>du</strong>ltes, philosophiques et abstraits, et il leur fallait quatre ou cinq ans<br />
pour lire couramment. Aujourd'hui, grâce à un matériel scolaire adapté au<br />
langage enfantin, on parvient à un meilleur résultat en quelques mois. La<br />
pédagogie <strong>de</strong>s mathématiques semble très en retard sur d'autres disciplines,<br />
dans sa réflexion sur les exercices d'entraînement. L'enseignement public<br />
<strong>de</strong>s mathématiques ne date guère que d'un siècle et <strong>de</strong>mi, la notion<br />
d'exercice n'apparaît que vers 1820. Quel contraste avec l'é<strong>du</strong>cation<br />
musicale! Il est remarquable que les plus grands musiciens (Jean -Sébastien<br />
Bach, Chopin, Schumann) n'aient pas dédaigné <strong>de</strong> s'associer à l'effort<br />
didactique. Et <strong>de</strong>s pédagogues prestigieux ont mis au point <strong>de</strong>s "Gra<strong>du</strong>s ad<br />
Parnassum" <strong>de</strong> plus en plus efficaces dans l'enseignement <strong>de</strong>s virtuoses en<br />
herbe.<br />
Y a-t-il un grand mathématicien, dont les oeuvres complètes se rehaussent<br />
d'un "Petit livre <strong>du</strong> clavecin <strong>de</strong> Magdalena Bach", <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux recueils<br />
d'Étu<strong>de</strong>s, ou d'un "Album pour la jeunesse"? Il n'y a guère que ce vieil<br />
original <strong>de</strong> Lewis Carroll qui ait consacré <strong>de</strong>s efforts à ce travail pédagogique<br />
ingrat: sa batterie d'exercices didactiques, consacrée à l'Algèbre <strong>de</strong> la<br />
Logique est justement célèbre [19], mais elle constitue une tentative isolée.<br />
Des psychologues et <strong>de</strong>s docimologistes affirment que plusieurs années<br />
<strong>de</strong> tâtonnements leur sont nécessaires pour mettre au point une batterie <strong>de</strong><br />
tests. Cela <strong>de</strong>vrait s'appliquer également à la rédaction <strong>de</strong>s exercices didactiques.<br />
Un premier type porte sur <strong>de</strong>s exemples d'illustration, qui suivent sans<br />
délai l'énoncé d'une définition, d'un théorème ou d'une règle. Ils facilitent<br />
l'analyse <strong>de</strong>s mots et <strong>de</strong>s idées <strong>de</strong> cet énoncé. On y mêlera <strong>de</strong>s questions <strong>de</strong><br />
mise en gar<strong>de</strong> contre <strong>de</strong>s interprétations erronées.<br />
Exemple 2<br />
Dès que l'on aura défini "le <strong>de</strong>gré d'un polynôme" on <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra <strong>de</strong> trouver le <strong>de</strong>gré<br />
<strong>de</strong> :<br />
3x2 + 1 3x3−5x − x3 − 2x2 − 2x3 − 1<br />
2x3 − x + x5 − 1 ax2 + 5x + 1<br />
Ce <strong>de</strong>rnier exemple attire l'attention sur l'éventualité a = 0 . On pourra<br />
glisser x2 + 1 parmi <strong>de</strong>s exemples pour s'assurer que les élèves ont compris<br />
x
SOMMAIRE 32<br />
que la définition ne s'applique qu'à <strong>de</strong>s polynômes!<br />
Un second type est constitué par <strong>de</strong>s batteries d'exercices d'entraînement,<br />
<strong>de</strong>stinés à acquérir l'aisance, la rapidité et la sécurité dans l'exécution<br />
d'une tâche. Il s'agit <strong>de</strong> provoquer la répétition d'un comportement<br />
jusqu'à ce que l'automatisme soit atteint. Mais comme ce rabâchage risque<br />
<strong>de</strong> lasser, on prendra soin d'intro<strong>du</strong>ire à l'improviste un peu <strong>de</strong> fantaisie<br />
soit dans l'énoncé, soit dans la réponse.<br />
Exemple 3<br />
Au milieu d'un paquet d'équations <strong>du</strong> second <strong>de</strong>gré on pourra placer <strong>de</strong>s exemples<br />
tels que:<br />
1 000x 2 − 1 001 x + 1 000 = 0<br />
x 2 − 2x + 1 − a 4 = 0<br />
Parmi une liste <strong>de</strong> divisions, on proposera à l'écolier :<br />
1 699 983 : 17 (qui con<strong>du</strong>it au quotient 99 999).<br />
Pour intro<strong>du</strong>ire ainsi un élément esthétique dans les énoncés, on pourra<br />
puiser dans le florilège <strong>de</strong>s "beaux calculs" que l'on trouve dans l'oeuvre<br />
d'Euler, <strong>de</strong> Cauchy, ou d'Hermite. Cela nécessitera parfois un effort<br />
d'adaptation:<br />
Exemple 4<br />
Pour initier le débutant au maniement <strong>de</strong>s exposants, on peut utiliser les fonctions<br />
hyperboliques. Mais comme la fonction e x n'est pas assez élémentaire pour être<br />
présentée à ce sta<strong>de</strong>, on pourra songer à poser :<br />
1 1<br />
C(n)= 10 +10 S(n)= 10 -10<br />
2 2<br />
n -n n -n<br />
( ) ( )<br />
et reprendre tous les calculs <strong>de</strong> la trigonométrie hyperbolique (formule d'addition,<br />
transformation <strong>de</strong> sommes en pro<strong>du</strong>its, etc...).<br />
On pourrait objecter que les fonctions hyperboliques ne prennent<br />
toute leur signification que dans le cadre <strong>de</strong>s fonctions analytiques d'une<br />
variable complexe, et que ce n'est vraiment pas à <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> quatrième<br />
que l'on peut exposer artificiellement ces questions. Mais il ne s'agit<br />
nullement d'exposer une théorie. On se propose ici d'entraîner l'élève au<br />
calcul formel, et pour cela on désire exploiter une mine d'exemples élégants.
SOMMAIRE 33<br />
En troisième lieu, on peut faire acquérir un savoir-faire à l'ai<strong>de</strong> d'une<br />
batterie progressive d'exercices. On commence par les exemples les plus<br />
simples, et on injecte <strong>de</strong> nouvelles difficultés à dose homéopathique.<br />
Exemple 5<br />
Pour apprendre à simplifier les fractions, on pourra proposer une vingtaine<br />
d'exemples numériques commençant par<br />
4 20 300<br />
; ; ; etc.<br />
6 30 600<br />
en passant par:<br />
101 3 003 20 402<br />
; ; ; etc.<br />
201 5 005 30 603<br />
jusqu'à<br />
594 823 321<br />
416 118 303<br />
L'on notera que cette <strong>de</strong>rnière fraction poserait un véritable problème<br />
si la progression <strong>de</strong>s exemples qui la précè<strong>de</strong> n'avait constitué une préparation<br />
méthodique.<br />
Exemple 6 [20]<br />
Factoriser les sommes suivantes:<br />
35 km +9 km − 0,5km 7F + 3F − 5F<br />
5 douzaines + 3 ⋅ 12 − 48 am2 + bm2 − 2m2 a2 − ab + 2a ax − ay + a<br />
ax2 + bx − x<br />
2<br />
xy2 + x2y − x4y4 a (ζ +η ) − b (ζ +η ) 2x + 4y − 6z<br />
x (1 + x<br />
2<br />
) − (1 + x<br />
2<br />
am + n .bm + an .bm + n<br />
) y a x+1 -b x+1-(x+1)a<br />
En préparant une telle batterie on prendra <strong>de</strong>s précautions pour que<br />
l'élève qui vient <strong>de</strong> faire les premiers calculs ne renonce à continuer, en<br />
pensant que "c'est toujours la même chose". Pour mettre un peu <strong>de</strong> variété<br />
dans une suite d'exercices <strong>de</strong> routine, on pourra songer aux artifices<br />
suivants:<br />
Répétition d'un thème, plusieurs fois au cours d'un seul exercice.
SOMMAIRE 34<br />
Exemple 7 [20]<br />
Après avoir fait factoriser:<br />
(a +c) 2 - (b +c) 2 (x+ y) 2 - (x − y) 2 etc.<br />
on pourra continuer par:<br />
(13x 2 − 5y 2 ) 2 − (12x 2 + 4y 2 ) 2 (a 2 + b 2 − c 2 ) 2 − 4a 2 b 2<br />
(a 2 + b 2 − 8) 2 − (2ab − 8) 2 4(ab + cd) 2 − (a 2 + b 2 − c 2 − d 2 ) 2<br />
...etc…<br />
Transformation d'un exercice <strong>de</strong> vérification en un exercice <strong>de</strong> reconstitution<br />
Exemple 8<br />
Au lieu <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> vérifier qu'une relation définie entre <strong>de</strong>ux ensembles<br />
grâce à un schéma sagittal représente une application (respectivement<br />
injection, surjection, bijection, etc.), on peut fournir un schéma sagittal où<br />
l'on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d'ajouter ou <strong>de</strong> retrancher une ou plusieurs flèches <strong>de</strong> façon<br />
à obtenir une application (respectivement injection, etc...).<br />
Ces techniques permettent <strong>de</strong> rompre avec la routine <strong>de</strong>s longues<br />
vérifications d'axiomes, que l'on inflige si souvent <strong>de</strong> nos jours.<br />
De plus, pour maintenir un état <strong>de</strong> vigilance, il est bon <strong>de</strong> glisser <strong>de</strong><br />
temps en temps un exemple où une propriété que l'on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> vérifier<br />
n'est pas réalisée.<br />
Le champ d'utilisation <strong>de</strong>s exercices didactiques ne se ré<strong>du</strong>it pas à la<br />
fixation <strong>de</strong>s connaissances, ou à l'acquisition d'un automatisme dans le<br />
maniement d'un algorithme.<br />
Par exemple, on peut songer à développer l'aptitu<strong>de</strong> à raisonner: cela<br />
requiert <strong>de</strong>s exercices appropriés sur l'usage <strong>du</strong> langage, l'emploi <strong>de</strong>s définitions,<br />
et l'énoncé <strong>de</strong> propositions. On peut <strong>de</strong> même exercer à utiliser la<br />
logique, à enchaîner <strong>de</strong>s arguments et à arracher la conviction d'un interlocuteur.<br />
L'élève qui parvient, pour la première fois <strong>de</strong> sa vie, à échafau<strong>de</strong>r<br />
un raisonnement revit le "miracle grec", avec cinq mille ans <strong>de</strong> retard. Pour<br />
faire revivre ce miracle, le professeur doit disposer <strong>de</strong> petites questions,<br />
mettant en jeu <strong>de</strong>s structures suffisamment simples pour qu'un jeune<br />
enfant puisse les maîtriser, et assez complexes pour con<strong>du</strong>ire à <strong>de</strong>s résultats<br />
non triviaux et surprenants. Par exemple, dans ce domaine, la géométrie<br />
affine à 9 éléments qui s'obtient à partir <strong>de</strong> Z3 X Z3' (où Z3 est le corps à<br />
trois éléments) constitue un matériel <strong>de</strong> choix. Mais, par contre, la géomé-
SOMMAIRE 35<br />
trie à 4 éléments est trop simple pour frapper l'imagination et être facilement<br />
comprise. Le fait, par exemple, que toute partie à 2 éléments y est<br />
une "droite" prépare <strong>de</strong>s confusions ultérieures. Des exercices convenables<br />
doivent entraîner l'élève aux divers types <strong>de</strong> raisonnements classiques.<br />
(raisonnement par l'absur<strong>de</strong>, par récurrence, etc...). Enfin, on peut imaginer<br />
<strong>de</strong>s exercices <strong>de</strong> rédaction <strong>de</strong>stinés à former le style écrit <strong>de</strong>s élèves. On<br />
objectera que n'importe quel <strong>de</strong>voir écrit <strong>de</strong>vrait donner lieu à une<br />
rédaction soignée. Mais la mise en forme présente parfois <strong>de</strong>s difficultés<br />
spéciales auxquelles il faut s'exercer à faire face.<br />
Exemple 9<br />
Deman<strong>de</strong>z à un boy-scout habile à faire les noeuds classiques <strong>de</strong> décrire l'un d'eux<br />
dans une conversation téléphonique. Essayez donc d'expliquer ce qu'est un noeud<br />
coulant sans faire référence à un <strong>de</strong>ssin ou à une ficelle !<br />
Pour exposer un raisonnement, on dispose <strong>de</strong> divers langages : le<br />
symbolisme logique, les organigrammes [21], les figures <strong>de</strong>ssinées, et le<br />
langage mathématique ordinaire. On pourra proposer <strong>de</strong>s exercices <strong>de</strong><br />
tra<strong>du</strong>ction entraînant les élèves, par exemple, à rédiger une démonstration<br />
qui est présentée sous forme d'organigramme.<br />
La réalisation <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssins permettant <strong>de</strong> représenter <strong>de</strong>s figures<br />
géométriques doit donner lieu à diverses batteries d "exercices,<br />
particulièrement lorsque les élèves abor<strong>de</strong>nt la géométrie dans l'espace pour<br />
la première fois.<br />
L'entraînement didactique est le domaine <strong>de</strong> prédilection (et à peu prés<br />
le seul) <strong>de</strong> l'enseignement programmé. (Cf à titre d'exemple: Utilisation <strong>de</strong><br />
la Table <strong>de</strong> Trigonométrie. Édité par l'l.R.E.M. <strong>de</strong> Grenoble).<br />
Cet aperçu montre clairement que la recherche pédagogique <strong>de</strong>s divers<br />
moyens d'entraînement aux activités mathématiques, n'en est encore qu'à<br />
ses premiers balbutiements.
SOMMAIRE
SOMMAIRE<br />
CHAPITRE 4<br />
EXÉCUTION DES TACHES TECHNIQUES<br />
Le calcul <strong>de</strong> routine a mauvaise réputation! Aux démonstrations<br />
basées sur <strong>de</strong>s vérifications ennuyeuses et obscures, on préfère l'argument<br />
simple et direct qui met en lumière la structure <strong>de</strong> la situation étudiée.<br />
Conformément à la formule <strong>de</strong> Lejeune-Dirichlet, la science tend à "substituer<br />
les idées au calcul".<br />
Mais certains progrès scientifiques ne prennent leur pleine valeur que<br />
s'ils s'achèvent sur une réalisation précise, minutieuse, soignée:<br />
Ainsi, le 20 juillet 1969, l'homme prend pied sur la Lune, à trois<br />
mètres <strong>du</strong> but assigné, à quelques secon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l'instant choisi.<br />
Cette performance s'appuie certes, sur la connaissance <strong>de</strong> nombreux<br />
principes scientifiques acquis au cours <strong>de</strong>s siècles. Mais elle ne saurait se<br />
comparer aux vagues projets velléitaires qui s'expriment - faute <strong>de</strong> mieux -<br />
dans les anticipations <strong>de</strong> Jules Verne. Pour passer <strong>de</strong>s rêvasseries à la réalité,<br />
il a fallu dresser un plan minutieux, prévoir le déroulement <strong>de</strong> l'exploit et<br />
envisager les acci<strong>de</strong>nts possibles dans les moindres détails. Les réalisateurs<br />
<strong>de</strong>vaient s'imprégner d'une volonté <strong>de</strong> réussir, <strong>de</strong> ne rien négliger ... chacun<br />
à son poste.
SOMMAIRE 38<br />
De même, la pédagogie <strong>de</strong>s tâches techniques cherche à obtenir, en<br />
premier lieu, une prise <strong>de</strong> position morale : il s'agit d'adopter une attitu<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> respect et d'exigence vis-à-vis <strong>du</strong> travail bien fait. Inversement, on<br />
n'éprouvera aucune in<strong>du</strong>lgence pour le dilettantisme verbeux. Pas <strong>de</strong> faiblesses<br />
pour les "petites erreurs-pas-très-graves", les fautes d'inattention ou<br />
<strong>de</strong> transcription; aucune circonstance atténuante pour la banale faute <strong>de</strong><br />
virgule qui ne fournit qu'un résultat mille fois trop grand!<br />
Donc, à côté <strong>de</strong>s problèmes nobles dont la solution fait appel à<br />
l'intelligence, il convient d'entraîner nos élèves à exécuter <strong>de</strong>s tâches techniques<br />
avec suffisamment <strong>de</strong> soin et <strong>de</strong> minutie pour qu'ils puissent assumer<br />
la responsabilité <strong>de</strong> leur réponse.<br />
L'exécution d'un tel travail doit être précédée d'une préparation morale<br />
qui n'est pas sans rappeler la concentration <strong>de</strong> l'athlète aux Jeux Olympiques.<br />
L'élève doit prendre la résolution <strong>de</strong> trouver le résultat <strong>de</strong>mandé, et<br />
il doit craindre, s'il échouait, d'éprouver l'espèce <strong>de</strong> honte que ressentent les<br />
incapables, les bons-à-rien.<br />
Car la difficulté tient essentiellement à l'absence <strong>de</strong> difficultés: l'exercice<br />
<strong>de</strong>mandé est facile en lui-même; par conséquent on aurait tendance à<br />
se laisser aller à le bâcler. On doit s'assigner comme objectif la réalisation<br />
correcte d'un travail minutieux, qui ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que <strong>du</strong> soin et <strong>de</strong> la<br />
patience... Et on doit parvenir à le mener à bien, sans se tromper.<br />
Supposons donc, qu'à la suite <strong>de</strong> toutes les motivations souhaitables,<br />
on déci<strong>de</strong> d'entreprendre un calcul long et minutieux. Auparavant, on s'est<br />
livré à une étu<strong>de</strong> théorique suffisante, qui dispense <strong>de</strong> tout effort<br />
d'invention en cours d'exécution.<br />
Après s'être mis en condition morale pour réussir, il faut s'organiser<br />
matériellement, dans un endroit calme, à l'abri <strong>de</strong>s distractions ! On se<br />
munira d'une quantité <strong>de</strong> papier suffisante, car un tel calcul ne s'exécute<br />
pas sur un confetti. On préparera les documents numériques et les instruments<br />
<strong>de</strong> calcul sur une table préalablement rangée. Tout ce cérémonial<br />
témoigne que l'on est bien décidé à effectuer un calcul sans faute.<br />
On préparera alors un tableau <strong>de</strong> calcul, un cadre où chaque nombre<br />
sera écrit dans un emplacement prévu, à raison d'un chiffre par carreau. Les<br />
additions seront disposées en colonnes verticales et non pas en zig-zag (pour<br />
éviter une faute stupi<strong>de</strong>, mais courante).<br />
Si le travail <strong>de</strong>vait s'étendre sur plusieurs pages, on l'effectuera en<br />
quinconce pour éviter les fautes <strong>de</strong> report. Autrement dit, on utilisera les
SOMMAIRE 39<br />
pages dans l'ordre 1, 3, 2, 5, 4, 7, 6, etc... ce qui permet <strong>de</strong> recopier<br />
facilement un résultat, tout en gardant la page précé<strong>de</strong>nte sous les yeux.<br />
Tout ce calcul doit s'effectuer directement au propre. On n'inscrira un<br />
chiffre à sa place, qu'après avoir la certitu<strong>de</strong> qu'il est correct. Tout au plus,<br />
disposera-t-on d'une ardoise auxiliaire sur laquelle on répétera les opérations,<br />
plutôt que <strong>de</strong> couvrir un papier douteux <strong>de</strong> calculs en spirale !<br />
Chaque fois que ce sera possible on ménagera <strong>de</strong>s vérifications. En particulier,<br />
on effectuera auparavant une estimation <strong>de</strong> l'ordre <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong><br />
l'inconnue. Ici le nombre 7r sera remplacé par 3 et l'on arrondira systématiquement<br />
les résultats. On pourra utiliser systématiquement la règle à<br />
calcul.<br />
L'exécution <strong>du</strong> calcul proprement dit ne s'effectue pas nécessairement<br />
dans l'ordre <strong>du</strong> tableau <strong>de</strong> calcul. Par exemple, s'il est nécessaire <strong>de</strong> chercher<br />
la valeur <strong>du</strong> sinus et <strong>de</strong> la tangente d'un angle a, on n'ouvrira la table <strong>de</strong><br />
fonctions trigonométriques qu'une seule fois, même si sin α et tg α interviennent<br />
à <strong>de</strong>s étapes éloignées <strong>du</strong> calcul.<br />
Tout ce qui vient d'être dit s'applique avec <strong>de</strong>s modifications évi<strong>de</strong>ntes<br />
à l'exécution d'autres tâches techniques: le calcul algébrique, la programmation,<br />
la statistique, la cartographie, la construction <strong>de</strong> modèles, et les<br />
techniques <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssin.<br />
L'usage <strong>de</strong>s instruments <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssin les plus divers - parmi lesquels il faut<br />
ranger sans fétichisme, mais sans exclusivité, la règle et le compas - est<br />
fondamental dans la formation mathématique <strong>de</strong>s élèves.<br />
Nous partageons sans restriction les critiques qui ont été adressées à la<br />
géométrie <strong>de</strong>scriptive ([22], p. 980-981) préten<strong>du</strong>e science ne présentant<br />
que très peu d'intérêt pratique. Mais il est indispensable <strong>de</strong> remplacer cet<br />
exercice désuet par d'autres travaux qui entraînent au maniement <strong>de</strong>s<br />
instruments <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssin: la perspective, la représentation graphique <strong>de</strong>s<br />
fonctions, la construction d'abaques ou la confection d'organigrammes<br />
divers.<br />
L'exécution <strong>de</strong> tâches techniques <strong>de</strong>man<strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> temps: c'est<br />
pourquoi, il n'est pas possible d'en abuser. Cependant, on organisera dans<br />
chaque classe, au minimum une ou <strong>de</strong>ux séances sérieuses dans l'année, qui<br />
suffiront à donner <strong>de</strong> l'intérêt à l'opération sans lasser. Dans certaines classes<br />
plus spécialisées, il conviendra <strong>de</strong> réserver un temps plus long à<br />
l'entraînement: car, par exemple, ce n'est qu'au prix <strong>de</strong> certaines répétitions<br />
que l'on apprendra à programmer.
SOMMAIRE 40<br />
Quels sont les énoncés susceptibles d'exercer les élèves à cette discipline<br />
? Il est indispensable <strong>de</strong> choisir <strong>de</strong>s tâches assez longues, dont toutes<br />
les difficultés théoriques puissent être préalablement élucidées.<br />
Voici un exemple, tiré <strong>du</strong> livre <strong>de</strong> H. Steinhaus [23]<br />
Exemple 1<br />
ABCD: carré <strong>de</strong> côté<br />
unité. Il est divisé en<br />
sept rectangles <strong>de</strong> même<br />
aire.<br />
Question:<br />
Quelles sont les dimensions<br />
<strong>de</strong> chacun <strong>de</strong> ces<br />
sept rectangles !<br />
Métho<strong>de</strong>:<br />
On pose EB = x<br />
1 1 6<br />
( x . et
SOMMAIRE 41<br />
b) Les <strong>de</strong>ux expressions trouvées <strong>de</strong> KD doivent être compatibles, d'où<br />
x3 − 3<br />
2 x2 + 32<br />
x − 15 = 0<br />
49<br />
ou<br />
1 2<br />
(x - )(x - x +<br />
15<br />
) = 0<br />
2 2.49<br />
Seule racine convenable:<br />
x =<br />
1<br />
(7 + 19)<br />
14<br />
c) EB =<br />
1<br />
(7 + 19)<br />
14<br />
BF =<br />
1<br />
(7 - 19 )<br />
15<br />
FC =<br />
1<br />
(8 + 19)<br />
15<br />
FG =<br />
1<br />
(8 - 19 )<br />
21<br />
GH =<br />
5<br />
(1 + 19)<br />
42<br />
GI =<br />
1<br />
( 19 - 1)<br />
15<br />
IJ =<br />
3<br />
5<br />
JK =<br />
5<br />
21<br />
KD =<br />
1<br />
(8 + 19)<br />
21<br />
AE =<br />
1<br />
(7 - 19)<br />
14<br />
AL =<br />
1<br />
(7 + 19)<br />
15<br />
LD =<br />
1<br />
(8 - 19 )<br />
15<br />
MN =<br />
5<br />
( 19 - 1)<br />
42<br />
NO =<br />
1<br />
(1 + 19)<br />
15<br />
Exemple 2<br />
Calculer la dérivée dixième <strong>de</strong> la fonction x exp(-<br />
1<br />
).<br />
x²<br />
La dérivée n-ième <strong>de</strong> cette fonction est <strong>de</strong> la forme<br />
1<br />
P(x)<br />
1<br />
3n n . exp(- )<br />
x<br />
x²<br />
où Pn(x) est un polynôme <strong>de</strong> <strong>de</strong>gré n − 1 .<br />
On commence, évi<strong>de</strong>mment, par établir soigneusement la formule <strong>de</strong><br />
récurrence qui détermine Pn(x) et l'on trouve:<br />
P1(x) = 2<br />
P2(x) = 4 − 6 x
SOMMAIRE 42<br />
P3(x) = 8 - 36x + 24x 2<br />
P4(x) = 16 - 144x + 300x 2 - 120x 3<br />
P5(x) = 32 - 480x + 2 040x 2 - 2 640 x 3 + 720x 4<br />
P6(x) = 64 - 1 440x + 10 320x 2 - 27 720x 3 + 25 200x 4 - 5 040x 5<br />
P7(x) = 128 - 4 032x + 43 680x 2 - 199 920x 3 + 383 040x 4 - 262 080x 5<br />
+40 320x 6<br />
P8(x) = 256 - 10 752x + 163 968x 2 - 1 142 400x 3 +3 764 880x 4 - 5 503 680x 5<br />
+ 2 963 520x 6 - 362 880x 7<br />
P9(x) = 512 - 27 648x + 564 480x 2 - 5 564 160x 3 +28092960x 4<br />
− 71 245 440x 5 + 82 978 560x 6 - 36 288 000x 7 + 3 638 800x 8<br />
P10(x) = 1 024 − 69 120x + 1 820 160 x 2 − 24 111 360x 3 + 173 033 280x 4<br />
−676 257 120x 5 + 1 377 129 600x 6 − 1 317 254 400x 7 +479 001 600x 8<br />
− 39 916 800x 9<br />
L'exécution d'un tel travail se heurte à un écueil pédagogique: il est<br />
probable que <strong>de</strong>s élèves ne voudront pas se concentrer sur une tâche aussi<br />
ingrate, gratuite, inutile. Ils ne le feront certainement pas, si on commence<br />
par dire qu'il ne s'agit que d'un "petit calcul <strong>de</strong> routine, facile, sans intérêt".<br />
Voici comment un professeur <strong>de</strong> classe expérimentale surmonta<br />
récemment ce genre <strong>de</strong> difficulté:<br />
Exemple 3<br />
Il avait <strong>de</strong>mandé à ses élèves <strong>de</strong> dresser la table <strong>de</strong> Pythagore d'un groupe à<br />
20 éléments. Remplir les 400 cases <strong>de</strong> ce tableau est considéré comme une<br />
tâche fastidieuse, indigne <strong>de</strong> l'ère <strong>de</strong> la machine à laver et <strong>de</strong> l'aspirateur.<br />
Elle fut accomplie <strong>de</strong> mauvaise grâce, et par conséquent le résultat était<br />
entaché <strong>de</strong> nombreuses erreurs grossières.<br />
Au lieu d'exiger immédiatement plus <strong>de</strong> soin, le professeur entreprit <strong>de</strong><br />
faire utiliser le tableau pour résoudre une profusion <strong>de</strong> questions intéressantes<br />
: recherche <strong>de</strong> sous-groupes, résolution d'équations, etc. Et ce petit<br />
jeu continua pendant plusieurs semaines, jusqu'à ce que les élèves, excédés <strong>de</strong><br />
voir les contradictions s'accumuler, décidèrent <strong>de</strong> reprendre le premier calcul<br />
à la base.
SOMMAIRE 43<br />
Exercice 4<br />
Nous présenterons plus tard un plan <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssin graphique <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong><br />
tracer sur une même figure les soixante droites <strong>de</strong> Pascal d'un "hexagramme<br />
mystique". (Rappelons que c'est ainsi que l'illustre savant appelle<br />
un hexagone inscrit dans une conique, dans son célèbre Traité <strong>de</strong>s sections<br />
coniques. II s'agit d'une épreuve qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> environ 1h 30 pour être<br />
exécutée).<br />
Exemple 5<br />
Calculer le pro<strong>du</strong>it <strong>du</strong> nombre 1 + 2 + 3 + 5 par tous ses conjugués<br />
(c'est-à-dire par les nombres 1 ± 2 ± 3 ± 5 ).<br />
La <strong>du</strong>rée d'exécution dépend considérablement <strong>de</strong> la façon <strong>de</strong> mener<br />
les calculs. Si l'on se borne à effectuer successivement <strong>de</strong>s multiplications<br />
par les 8 facteurs il faut compter environ 2 heures. Mais si l'on utilise<br />
L'i<strong>de</strong>ntité (a + b) (a - b) = a2 - b2 , et que l'on tienne compte <strong>de</strong>s<br />
"symétries" <strong>du</strong> calcul, on obtient la réponse (qui est - 71) en 20 minutes<br />
environ.<br />
Exercice 6<br />
Après avoir tracé, en utilisant la dérivée, la représentation graphique <strong>de</strong> la<br />
fonction<br />
x sin x -<br />
sin 2x<br />
+<br />
sin 3x<br />
2 3<br />
on pourra avoir la curiosité d'examiner le graphe <strong>de</strong><br />
N<br />
n+1<br />
x (-1)<br />
sin nx<br />
∑<br />
n=1 n<br />
pour <strong>de</strong>s valeurs plus gran<strong>de</strong>s <strong>de</strong> N.<br />
Par exemple, en utilisant <strong>de</strong>s tables numériques, on pourrait faire le calcul<br />
point par point pour N = 6.<br />
Un étudiant qui aura appris à programmer pourra avoir la curiosité <strong>de</strong><br />
contempler la courbe pour <strong>de</strong>s valeurs plus gran<strong>de</strong>s <strong>de</strong> N. Signalons que<br />
c'est en traçant la courbe correspondant à N = 80, à l'ai<strong>de</strong> d'un instrument<br />
qu'ils avaient imaginé, que Michelson et Stratton découvrirent en 1898 le<br />
"phénomène <strong>de</strong> Gibbs" que révèlent ces courbes [24]. Mais il est clair que<br />
les tâches techniques les plus instructives seront celles qui surgiront spontanément<br />
<strong>de</strong> la curiosité <strong>de</strong>s élèves, au cours d'une activité <strong>de</strong> recherche.<br />
Lorsqu'une question, que l'on ne pourra éluci<strong>de</strong>r par voie dé<strong>du</strong>ctive,<br />
restera en suspens, on pourra inviter la classe à effectuer une vérification<br />
expérimentale grâce à un travail soigné.
SOMMAIRE 44<br />
Une page <strong>de</strong> brouillon d'Urbain Le verrier.<br />
C'est clair, soigneux, efficace. C'est ainsi, écrivait Arago, que l'on découvre<br />
une planète au bout <strong>de</strong> sa plume.
SOMMAIRE<br />
<strong>LE</strong>S MANIPULATIONS [25]<br />
CHAPITRE 5<br />
1. La mathématique, comme science d'observation et d'expérimentation<br />
Dans l'historique <strong>de</strong> n'importe quelle découverte mathématique la phase<br />
finale <strong>de</strong> mise en forme dé<strong>du</strong>ctive est la partie émergée <strong>de</strong> l'iceberg. On<br />
méconnaît souvent le long processus <strong>de</strong> maturation où le bricolage est<br />
l'activité essentielle. Les énoncés <strong>de</strong>s théorèmes se présentent généralement<br />
sous forme <strong>de</strong> conjectures, <strong>de</strong>vinées avant d'être démontrées, plausibles<br />
avant d'être certaines [1], [2], [3], [17].<br />
Il n'y a aucune raison <strong>de</strong> ne présenter à nos élèves qu'une <strong>de</strong>s facettes<br />
<strong>de</strong> l'activité mathématique en jetant le discrédit sur l'une <strong>de</strong>s phases les<br />
plus fécon<strong>de</strong>s.<br />
Mais la phase expérimentale est foncièrement différente <strong>de</strong> la phase <strong>de</strong><br />
mise en forme logique. L'important est <strong>de</strong> ne pas les confondre: lorsqu'on<br />
manipule, on fait <strong>de</strong> la physique expérimentale [26], [27]; lorsqu'on<br />
démontre, on pratique la mathématique dé<strong>du</strong>ctive.<br />
On rencontre, dans les manipulations mathématiques, à peu près les<br />
mêmes variantes que dans les autres sciences expérimentales, telles que
SOMMAIRE 46<br />
Clau<strong>de</strong> Bernard les décrit dans "L'intro<strong>du</strong>ction à la mé<strong>de</strong>cine expérimentale":<br />
L'observation, l'expérience "pour voir", la contre-épreuve,<br />
l'expérience cruciale, etc. Ces opérations ont pour objet <strong>de</strong> suggérer <strong>de</strong>s<br />
conjectures, ou <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> démonstration.<br />
2. Les trois niveaux <strong>de</strong> connaissances<br />
Pour mieux comprendre les objectifs pédagogiques que visent les manipulations,<br />
il convient <strong>de</strong> distinguer les diverses sources d'information qui<br />
alimentent les connaissances <strong>de</strong> nos élèves.<br />
a) Dans le schéma ci-<strong>de</strong>ssus on distingue, au centre: le noyau dé<strong>du</strong>ctif.<br />
C'est l'ensemble <strong>de</strong>s connaissances démontrées, parfois présentées sous<br />
forme axiomatique: on n'y affirme rien qui n'ait été démontré à partir <strong>de</strong>
SOMMAIRE 47<br />
quelques axiomes, explicitement admis au départ. Le recours à toute autre<br />
connaissance y est rigoureusement banni: c'est la règle <strong>du</strong> jeu. Nous<br />
affirmons souvent, le plus sérieusement <strong>du</strong> mon<strong>de</strong>, qu'à un certain sta<strong>de</strong><br />
nos élèves connaissent le théorème <strong>de</strong> Thalès mais ne savent pas encore ce<br />
que sont les droites perpendiculaires. En fait, nous exprimons ainsi que la<br />
géométrie affine est déjà intégrée dans le noyau dé<strong>du</strong>ctif, alors que<br />
l'orthogonalité n'est encore acquise qu'au sta<strong>de</strong> expérimental-dé<strong>du</strong>ctif. Il est<br />
indispensable d'expliquer cette étrange règle <strong>du</strong> jeu à nos élèves, si l'on ne<br />
veut pas risquer <strong>de</strong> nombreux malenten<strong>du</strong>s.<br />
b) A la périphérie apparaît la zone, très floue, <strong>de</strong>s connaissances informelles<br />
: elle comprend tout ce que l'élève apprend sans en <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r la<br />
permission à son professeur <strong>de</strong> mathématique! Il sait que les planètes<br />
décrivent <strong>de</strong>s ellipses, mais est encore incapable <strong>de</strong> définir les mots<br />
"planètes" et "ellipses", et bien enten<strong>du</strong> il est loin <strong>de</strong> savoir dé<strong>du</strong>ire les lois<br />
<strong>de</strong> Képler à partir <strong>du</strong> principe <strong>de</strong> l'attraction universelle. Il a appris à<br />
l'école élémentaire la formule V = 4<br />
3 π R3 fournissant le volume <strong>de</strong> la<br />
sphère, bien avant <strong>de</strong> connaître la théorie <strong>de</strong>s intégrales multiples. Son<br />
professeur <strong>de</strong> géographie lui a présenté divers systèmes <strong>de</strong> cartographie,<br />
mais il n'étudiera probablement jamais la géométrie <strong>de</strong>s variétés riemanniennes,<br />
etc.<br />
Nos élèves doivent être vivement encouragés à recueillir <strong>de</strong>s connaissances<br />
informelles. On développera ainsi une <strong>de</strong>s qualités, scientifiques<br />
primordiales: la curiosité. Par contre, il convient <strong>de</strong> mettre l'élève en gar<strong>de</strong><br />
contre l'utilisation <strong>de</strong>s informations extra-dé<strong>du</strong>ctives, au cours d'une<br />
démonstration qui relève <strong>du</strong> noyau dé<strong>du</strong>ctif. Une technique pédagogique<br />
efficace pour différencier ces <strong>de</strong>ux sources <strong>de</strong> connaissances, est d'utiliser, à<br />
côté <strong>du</strong> "cahier <strong>de</strong> mathématiques démontrées", l'album où l'on consigne<br />
les curiosités, les articles découpés dans les journaux, les photos intéressantes,<br />
les renseignements glanés à diverses sources.<br />
c) En outre, le schéma comporte une zone intermédiaire expérimentaledé<strong>du</strong>ctive,<br />
où la règle <strong>du</strong> jeu autorise l'usage <strong>de</strong> quelques démonstrations<br />
partielles, combiné à <strong>de</strong>s résultats d'observation.<br />
C'est en particulier le statut actuel <strong>de</strong> l'enseignement <strong>de</strong> la physique<br />
élémentaire. On s'y soucie fort peu <strong>de</strong> distinguer les diverses sources <strong>de</strong><br />
connaissances. Il est fort instructif d'analyser les sens très divers que revêt<br />
l'expression "On admettra que ..." dans n'importe quel manuel <strong>de</strong> physique.
SOMMAIRE 48<br />
Mais on rencontre aussi <strong>de</strong>s situations analogues au cours <strong>du</strong> préenseignement<br />
<strong>de</strong>s mathématiques (enseignement maternel et élémentaire).<br />
Exemple 1<br />
L'écolier ne sait pas ce qu'est l'aire d'un polygone conformément à la théorie<br />
<strong>de</strong> Lebesgue. Pourtant on lui apprend à justifier les formules con<strong>du</strong>isant à<br />
l'aire <strong>de</strong>s rectangles, parallélogrammes, triangles, trapèzes, etc., à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
découpages bien connus. Certes, ce n'est pas très rigoureux, puisque la<br />
notion d'aire est alors appréhendée d'une façon syncrétique, sans que les<br />
propriétés d'invariance par déplacement et d'additivité soient comprises<br />
explicitement. Pourtant, c'est ainsi que nous avons tous appris ces questions,<br />
et sur ce point on ne constate pas d'échec pédagogique patent.<br />
Voici quelques exemples <strong>de</strong> la façon <strong>de</strong> "montrer" (plutôt que <strong>de</strong><br />
"démontrer') certains théorèmes mathématiques.<br />
Exemples 2<br />
a) Le théorème <strong>de</strong> Pythagore.<br />
b) 1 + 2 + 3 + … + n =<br />
n (n + 1)<br />
2
SOMMAIRE 49<br />
1<br />
2<br />
3<br />
4<br />
5<br />
c) La somme <strong>de</strong>s n premiers nombres impairs est égale à n 2.<br />
1<br />
Ce serait d'ailleurs <strong>de</strong>s démonstrations rigoureuses, si l'on prouvait que<br />
les réarrangements <strong>de</strong> papiers découpés se font sans recouvrements partiels, et<br />
sans ménager <strong>de</strong>s interstices.<br />
Contre-exemple 3<br />
Le paradoxe classique suivant illustre les dangers d'une manipulation non<br />
confirmée par un raisonnement: [28].<br />
Les <strong>de</strong>ux figures ci-<strong>de</strong>ssous sont censées représenter <strong>de</strong>s réassemblages <strong>de</strong><br />
figures découpées: elles "démontrent" que:<br />
8 X 8= 5 X 13 (sic).<br />
En fait, le parallélogramme ABCD, dont l'aire est égale à un carreau unité,<br />
se confond à l'oeil nu, pour peu que le <strong>de</strong>ssin ne soit pas trop soigneusement<br />
réalisé, avec un parallélogramme aplati.<br />
3<br />
5<br />
5<br />
4<br />
3<br />
2<br />
1
SOMMAIRE 50<br />
A<br />
Exemple 4<br />
Supposons admise la formule S(R) = 4 π R2 qui fournit l'aire d'une sphère <strong>de</strong><br />
rayon R. Voici comment on peut en "dé<strong>du</strong>ire" l'expression <strong>du</strong> volume<br />
V(R) = 4<br />
3 π R3 D<br />
grâce à un "raisonnement <strong>de</strong> physicien".<br />
Pour calculer la dérivée <strong>de</strong> R V(R) , estimons l'accroissement <strong>de</strong><br />
volume . V , qui résulte <strong>du</strong> dépôt d'une mince pellicule <strong>de</strong> peinture,<br />
d'épaisseur . R, sur la surface d'une boule <strong>de</strong> rayon R. En "assimilant" cette<br />
pellicule à un cylindre <strong>de</strong> base 4π R 2 et d'épaisseur . R , on "admettra"<br />
que . V est "sensiblement" égal à 4 π R 2 . R . La dérivée R S(R)<br />
étant connue, on en dé<strong>du</strong>it correctement le résultat, par recherche <strong>de</strong> la<br />
primitive.<br />
Il est clair que l'assimilation d'une sphère à un plan est abusive... et<br />
que le même argument fournirait <strong>de</strong>s résultats notoirement faux dans<br />
d'autres circonstances. Une démonstration correcte <strong>de</strong>vrait mettre en<br />
évi<strong>de</strong>nce les raisons particulières qui permettent à un raisonnement<br />
incorrect <strong>de</strong> fournir néanmoins ici la bonne réponse.<br />
Cependant, les mathématiciens utilisent fréquemment <strong>de</strong> tels raisonnements<br />
pour eux-mêmes, non pas pour démontrer <strong>de</strong>s théorèmes, mais<br />
pour <strong>de</strong>viner <strong>de</strong>s conjectures plausibles.<br />
Exemple 5<br />
Voici comment Archimè<strong>de</strong> "démontre" les lois <strong>du</strong> levier.<br />
1) Il admet - (ce n'est pas tant un fait expérimental qu'une sorte d'expérience<br />
mentale) - que si l'on suspend <strong>de</strong>s poids égaux aux extrémités d'une<br />
barre rigi<strong>de</strong>, l'équilibre s'obtient en plaçant le point d'appui au milieu.<br />
B<br />
C
SOMMAIRE 51<br />
2) II admet que l'on ne trouble pas l'équilibre d'un levier, en substituant à<br />
un poids <strong>de</strong> n unités fixé en un point A, n poids d'une unité suspen<strong>du</strong>s en<br />
n points équidistants, répartis symétriquement autour <strong>de</strong> A. (Eventuellement<br />
sur le prolongement <strong>de</strong> la barre).<br />
A partir <strong>de</strong> là, il fait une démonstration que nous exposons ci-<strong>de</strong>ssous<br />
dans un cas particulier numérique:<br />
Il remplace les 5 poids (resp. 3 poids) par <strong>de</strong>s poids <strong>de</strong> 1 unité conformément<br />
à l'axiome 2, en prenant soin - Archimè<strong>de</strong> était ingénieux! -<br />
d'obtenir huit points d'accrochage équidistants.<br />
Il trouve alors, conformément à l'axiome 2 (lu à l'envers) et à l'axiome<br />
1, la position <strong>du</strong> point d'appui O. Et, par un calcul facile, il établit que<br />
5OA = 3OB.<br />
Nous prétendons que cette démonstration géniale, élaborée au troisième<br />
siècle avant notre ère, mérite d'être exposée à l'école élémentaire. Et elle<br />
ne nécessite nullement que les élèves aient maîtrisé au préalable les notions<br />
<strong>de</strong> force, <strong>de</strong> vecteurs, <strong>de</strong> plan affine, <strong>de</strong> théorie mathématique, d'implication.
SOMMAIRE 52<br />
Les connaissances informelles que chaque bambin petit acquérir sur les<br />
poids, la barre rigi<strong>de</strong> et le raisonnement logique, suffisent amplement pour<br />
apprécier la beauté <strong>du</strong> raisonnement.<br />
Remarquons qu'il n'est pas facile, si l'on ne connaît pas déjà le<br />
théorème d'Archimè<strong>de</strong>, <strong>de</strong> <strong>de</strong>viner à priori la position <strong>du</strong> point d'appui qui<br />
assure l'équilibre, dans la figure 1. Ainsi le raisonnement est ici très<br />
convaincant. Cet exemple fournit une excellente motivation à l'utilisation<br />
<strong>de</strong> démonstrations dans la Science.<br />
On appelle vulgarisation la pédagogie qui s'adresse à <strong>de</strong>s non-spécialistes<br />
désirant avoir un avant-goût <strong>de</strong> certains domaines scientifiques, en tolérant<br />
quelques arguments incorrects, mais suggestifs, ou encore quelques omissions<br />
simplificatrices. Cette insertion <strong>de</strong> connaissances expérimentalo-dé<strong>du</strong>ctives<br />
est très souhaitable, car il faut bien que chacun acquière quelques lumières,<br />
en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> ses spécialités. Par exemple, c'est essentiellement ainsi que<br />
l'on <strong>de</strong>vrait enseigner les mathématiques dans les classes littéraires sans<br />
s'astreindre à une rigueur technique qui lasse inutilement l'auditoire.<br />
Cette pédagogie est parfaitement légitime, dans la mesure où elle ne<br />
trompe pas son mon<strong>de</strong>, et ne se fait pas passer pour <strong>de</strong> la science.<br />
La vulgarisation est un art extrêmement difficile: elle suppose que<br />
l'auteur soit un spécialiste connaissant scientifiquement le sujet, au point <strong>de</strong><br />
savoir extraire les quelques informations vraiment essentielles, au prix <strong>de</strong><br />
"licences poétiques" sur <strong>de</strong>s aspects techniques marginaux. Il doit possé<strong>de</strong>r<br />
une gran<strong>de</strong> familiarité avec les connaissances <strong>de</strong> l'auditoire auquel il s'adresse.<br />
Très peu d'écrivains scientifiques parviennent vraiment à vulgariser sans<br />
trop abaisser.<br />
3. Divers objectifs pédagogiques visés par les manipulations<br />
a) Les manipulations peuvent servir à approvisionner l'élève en connaissances<br />
informelles ou expérimentalo-dé<strong>du</strong>ctives qui ne donneront pas lieu à<br />
une étu<strong>de</strong> dé<strong>du</strong>ctive ultérieure. Il est impossible <strong>de</strong> tout enseigner sous<br />
forme dé<strong>du</strong>ctive. Ne peut-on pas profiter <strong>de</strong> l'âge sensible, où les enfants<br />
aiment bricoler, manier les instruments <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssin, découper, recoller,<br />
observer, pour leur présenter quelques connaissances très utiles, mais qui ne<br />
feront pas l'objet d'exposés théoriques ?<br />
Par exemple, nous suggérons que l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s coniques soit à peu près<br />
éliminée <strong>de</strong>s programmes <strong>de</strong> terminales et ré<strong>du</strong>ite à quelques conséquences<br />
simples <strong>de</strong>s équations cartésiennes et <strong>de</strong>s représentations paramétriques.
SOMMAIRE 53<br />
Mais, à l'école élémentaire, en sixième et cinquième, il est possible <strong>de</strong> faire<br />
expérimenter sur le tracé <strong>de</strong>s ellipses et <strong>de</strong>s hyperboles obtenues par divers<br />
procédés mécaniques (métho<strong>de</strong> <strong>de</strong>s jardiniers, métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> la ban<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
papier <strong>de</strong> Philippe <strong>de</strong> La Hire; on obtiendra également <strong>de</strong>s sections planes<br />
<strong>de</strong> cônes <strong>de</strong> révolution à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> lampes électriques éclairant un mur<br />
d'une salle obscure).<br />
Tracé d'une branche d'hyperbole: les ficelles F1 MN et F2MN passent par<br />
l'anneau muni <strong>du</strong> crayon traceur M.<br />
F 2 M - F1M = (F2M + MN) - (F1M + MN)= constante<br />
N est un noeud sur la ficelle.<br />
Nous suggérons que l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s conchoï<strong>de</strong>s (en particulier les limaçons<br />
<strong>de</strong> Pascal), cissoï<strong>de</strong>s, cycloï<strong>de</strong>s, développantes <strong>de</strong> cercles, etc. ne figurent<br />
dans aucun programme, mais que les jeunes enfants les aient néanmoins<br />
tracées ou observées à l'occasion ... N'est-ce pas le rôle <strong>de</strong> la presse enfantine<br />
que <strong>de</strong> suggérer <strong>de</strong> telles activités à leurs lecteurs ?<br />
C'est à l'occasion <strong>de</strong> ces tracés mécaniques que l'écolier observera pour<br />
la première fois le surprenant phénomène <strong>de</strong>s asymptotes, sans attendre<br />
l'étu<strong>de</strong> théorique <strong>de</strong> la fonction homographique.<br />
b) Mais les manipulations constituent une préparation importante à tout<br />
exposé axiomatique. Des manipulations effectuées dans un domaine qui<br />
fera l'objet d'une étu<strong>de</strong> dé<strong>du</strong>ctive quelques années plus tard, loin <strong>de</strong><br />
"déflorer le sujet" aiguisent au contraire la curiosité et incitent à l'étu<strong>de</strong>.
SOMMAIRE 54<br />
Elles meublent l'esprit <strong>de</strong> tout un stock d'interprétations sémantiques, qui<br />
rendront moins ari<strong>de</strong> la sèche énumération d'un langage formel.<br />
Si l'on présente, par exemple, les axiomes d'inci<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> la géométrie<br />
affine à <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> quatrième, qui n'évoqueront à cette occasion que<br />
l'expérience banale <strong>du</strong> tracé <strong>de</strong>s droites à la règle, il paraîtra saugrenu <strong>de</strong><br />
leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> démontrer que le plan contient au moins quatre points.<br />
Mais si quelques années plus tôt ils se sont habitués à manipuler <strong>de</strong>s cartes<br />
géographiques ferroviaires, où par "<strong>de</strong>ux gares passe une ligne directe et<br />
une seule", ou <strong>de</strong>s schémas analogues, ils abor<strong>de</strong>ront l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la géométrie<br />
avec une sémantique polyconcrète: plusieurs réalisations simultanées <strong>du</strong><br />
système d'axiomes viendront naturellement à l'esprit et la question posée<br />
paraîtra plus naturelle. Toutes les fois que l'on aura énoncé à la classe <strong>de</strong>s<br />
axiomes ou règles <strong>du</strong> jeu nouveaux, on laissera quelque temps aux élèves<br />
pour qu'ils s'exercent à faire fonctionner manuellement les nouveaux<br />
concepts sur <strong>de</strong>s exemples simples.<br />
c) Certaines manipulations présentent <strong>de</strong>s situations qui invitent l'élève à se<br />
poser <strong>de</strong>s questions (Cf. Chapitre 2, exemple 1). Une erreur pédagogique<br />
répan<strong>du</strong>e consiste à perdre beaucoup <strong>de</strong> temps pour faire réaliser un<br />
dispositif que l'on range immédiatement après dans un placard sans en<br />
exploiter toutes les possibilités.<br />
A quoi bon faire construire laborieusement un cube en carton, si on ne<br />
l'observe pas. Rares sont ceux qui ont vraiment observé un cube, Pourtant,<br />
en le contemplant successivement <strong>du</strong> point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong>s<br />
ensembles, <strong>de</strong>s graphes, <strong>de</strong>s groupes, <strong>de</strong> la géométrie euclidienne, <strong>de</strong> la<br />
perspective, <strong>de</strong> la mesure <strong>de</strong>s volumes, <strong>de</strong> la topologie, etc. etc. on pourrait<br />
remplir <strong>de</strong>s volumes sur tout ce que suggère ce polyèdre méconnu. Et, à<br />
partir <strong>du</strong> cube, on peut obtenir par découpage maintes autres figures<br />
intéressantes.<br />
La simple observation passive ne suffit pas. Il y faut l'observation<br />
provoquée et l'expérimentation.<br />
d) Enfin, les manipulations jouent un rôle primordial dans la résolution <strong>de</strong>s<br />
problèmes. Lorsqu'un énoncé est rédigé sous la forme extrêmement concise<br />
préconisée au chapitre 2, le chercheur ne peut espérer <strong>de</strong>viner les étapes<br />
intermédiaires <strong>de</strong> la solution qu'en se familiarisant expérimentalement avec<br />
les implications <strong>de</strong> l'énoncé. L'observation <strong>de</strong> figures ou <strong>de</strong> schémas tracés<br />
soigneusement en utilisant <strong>de</strong>s instruments divers (y compris l'ordinateur),<br />
ainsi que l'exécution <strong>de</strong> quelques calculs "sauvages" sur <strong>de</strong>s cas particuliers,<br />
permettent <strong>de</strong> <strong>de</strong>viner les pièces manquantes <strong>de</strong> l'édifice.
SOMMAIRE 55<br />
C'est cette activité que les chercheurs professionnels nomment<br />
bricolage.<br />
4. Statut pédagogique <strong>du</strong> matériel <strong>de</strong> manipulation<br />
Rien n'interdit, si l'on en a les moyens, <strong>de</strong> proposer aux élèves l'emploi<br />
d'instruments complexes, tels que <strong>de</strong>s chronomètres, mini-ordinateurs,<br />
appareils photographiques ou récepteurs <strong>de</strong> télévision. On considérera un tel<br />
appareil comme une boîte noire, pour employer le langage <strong>de</strong>s physiciens.<br />
Il présente extérieurement <strong>de</strong>s boutons <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>; on ne s'oblige pas à<br />
le démonter pour analyser son fonctionnement interne. L'appareil est défini<br />
par sa fonction. Nul n'exige que l'on ait préalablement expliqué son<br />
fonctionnement et les modalités technologiques <strong>de</strong> sa fabrication, (Cependant,<br />
il sera parfois utile d'esquisser, sous forme <strong>de</strong> vulgarisation, les<br />
principes <strong>de</strong> l'instrument).<br />
Exemple 6<br />
Il existe toute une gamme <strong>de</strong> traceurs <strong>de</strong> parallèles. Le plus primitif est le<br />
gui<strong>de</strong>-âne: on décalque à travers un papier transparent <strong>de</strong>s parallèles tracées<br />
sur une feuille préalablement réglée. Dans ce cas on ne précise pas<br />
comment cette réglure a été obtenue et l'on admet qu'elle est correcte, par<br />
construction. D'autres instruments utilisent <strong>de</strong>s rouleaux cylindriques<br />
rugueux. En les faisant rouler sans déraper on peut tracer <strong>de</strong>s parallèles. Le<br />
système articulé suivant est basé sur la définition <strong>de</strong>s parallélogrammes<br />
conforme aux programmes actuels, en quatrième. Ici il est possible <strong>de</strong><br />
justifier le fonctionnement <strong>de</strong> l'appareil.
SOMMAIRE 56<br />
Mais <strong>de</strong>s dispositifs basés sur <strong>de</strong>s parallélogrammes articulés (côtés<br />
opposés isométriques) sont <strong>de</strong>s traceurs <strong>de</strong> parallèles dont le fonctionnement<br />
ne peut être justifié en quatrième, dans le cadre <strong>de</strong>s programmes<br />
actuels. On peut cependant les utiliser, en admettant qu'ils remplissent<br />
correctement leur fonction.<br />
De même divers traceurs <strong>de</strong> parallèles s'inspirent <strong>du</strong> pantographe.<br />
Enfin, on n'oubliera pas l'équerre glissant le long d'une règle, ou le té<br />
guidé par le bord <strong>de</strong> la planche à <strong>de</strong>ssin.<br />
5. Pédagogie <strong>du</strong> gadget<br />
Le marché <strong>du</strong> jouet est inondé <strong>de</strong> jouets é<strong>du</strong>catifs. L'école anglaise <strong>de</strong><br />
pédagogie <strong>de</strong>s mathématiques s'est fortement spécialisée dans l'utilisation<br />
pédagogique <strong>de</strong>s gadgets.<br />
Un dispositif est efficace, s'il incite l'élève à réfléchir, à se poser <strong>de</strong>s<br />
questions, à résoudre <strong>de</strong>s problèmes. Or, un objet mathématique ne possè<strong>de</strong><br />
pas ce pouvoir <strong>de</strong> persuasion, en lui-même. Tout le mon<strong>de</strong> a pu observer<br />
<strong>de</strong>s enfants jouant avec <strong>de</strong>s jouets coûteux et sophistiqués, sans en tirer le<br />
moindre profit intellectuel, simplement parce que l'activité n'était guidée<br />
par aucune pédagogie.
SOMMAIRE 57<br />
Ainsi le jeu d'échecs est un stimulant <strong>de</strong> choix pour l'é<strong>du</strong>cation<br />
mathématique. Il fournit une réserve inépuisable <strong>de</strong> situations ensemblistes<br />
variées; une littérature comportant <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> milliers d'ouvrages lui<br />
est consacrée. Notamment, le problème d'échecs a suscité, <strong>de</strong>puis l'apparition<br />
vers l'an 1300 <strong>du</strong> recueil intitulé Bonus Socius, une profusion<br />
d'étu<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> réflexions sur l'art <strong>de</strong> composer ou <strong>de</strong> résoudre <strong>de</strong>s problèmes.<br />
Le professeur <strong>de</strong> mathématiques peut en tirer <strong>de</strong> multiples enseignements<br />
[30], [31], [32], [33]. Mais une planche quadrillée 8 X 8, et 32 figurines<br />
d'ivoire et d'ébène ne permettront jamais - pas plus qu'une perle à un coq -<br />
<strong>de</strong> réfléchir. La caricature ci-<strong>de</strong>ssus [29] représente - c'est in<strong>du</strong>bitable - <strong>de</strong>ux<br />
gamins qui jouent avec un jeu d'échecs. Mais cette façon non orthodoxe <strong>de</strong><br />
s'initier au "jeu à l'aveugle" n'est pas très é<strong>du</strong>cative.<br />
Autrement dit, ce qui intéresse le pédagogue, ce n'est pas le gadget en<br />
lui-même ! C'est la façon <strong>de</strong> s'en servir.<br />
Exemple 7<br />
Quiconque a manipulé un compas a cri maintes occasions <strong>de</strong> tracer <strong>de</strong>s<br />
rosaces à six branches. Mais rares sont les élèves qui savent, avant <strong>de</strong><br />
l'apprendre explicitement, que le côté <strong>de</strong> l'hexagone régulier est isométrique<br />
au rayon <strong>du</strong> cercle circonscrit. Ainsi, les heures passées à jouer avec<br />
un compas se sol<strong>de</strong>nt par un échec, car l'écolier n'est pas incité à tirer une<br />
conclusion d'une expérience maintes fois répétée.<br />
Le professeur qui dirige une séance <strong>de</strong> manipulation ne se contentera<br />
pas <strong>de</strong> s'assurer que les opérations manuelles sont correctement exécutées.<br />
Il manoeuvrera en sorte que l'attention soit attirée vers tout ce qui mérite<br />
réflexion. Il est souhaitable (lue ce soit l'élève lui-même qui tire <strong>de</strong>s<br />
conclusions. Mais il ne faut pas s'exposer à ce que l'essentiel passe totalement<br />
inaperçu.<br />
Si le matériel lui-même ne crée pas la réflexion <strong>de</strong> l'élève, sa conception<br />
peut ai<strong>de</strong>r considérablement à l'orientation <strong>de</strong> la pensée.<br />
Exemple 8<br />
Lorsque Dienes entreprit <strong>de</strong> faire pénétrer les rudiments <strong>du</strong> langage<br />
ensembliste dans l'enseignement élémentaire, il imagina un matériel dont les<br />
éléments auraient peu d'attributs (en fait quatre: forme, couleur, épaisseur,<br />
gran<strong>de</strong>ur) susceptibles <strong>de</strong>. prendre <strong>de</strong>s valeurs différentes. Dans la pratique,<br />
les objets que nous manipulons tous les jours peuvent recevoir <strong>de</strong>s milliers<br />
d'attributs. Mais les blocs logiques <strong>de</strong> Dienes sont sans o<strong>de</strong>ur, sans saveur;
SOMMAIRE 58<br />
ils ne diffèrent pas par leur température ou leur composition chimique.<br />
Vraiment, tout incite l'enfant à n'apercevoir dans ces blocs logiques que les<br />
quatre attributs cités. C'est pourquoi ce matériel remplit parfaitement son<br />
rôle pédagogique. Il est spécialement apte à exercer l'enfant aux opérations<br />
booléennes.<br />
Exemple 9<br />
Un <strong>de</strong>s gadgets les plus prestigieux qui nous vient d'Outre-Atlantique est le<br />
célèbre "Think a dot" [34], [34, a], [34, b], [34, c]. Il s'agit <strong>de</strong> la "boite<br />
noire" suivante :<br />
Elle comprend trois orifices d'entrée, à gauche, au milieu, à droite que<br />
nous désignons par G, M, D, par lesquels on peut intro<strong>du</strong>ire une bille.<br />
Celle-ci traverse l'appareil, et ressort par l'un ou l'autre <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux orifices <strong>de</strong><br />
sortie (g et d). Enfin, huit voyants, qui constituent un tableau, sont<br />
susceptibles <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>ux couleurs: bleu ou jaune. Chaque fois qu'une<br />
bille traverse l'appareil, on constate <strong>de</strong>s changements dans la couleur <strong>de</strong><br />
certains voyants.<br />
Il est concevable <strong>de</strong> considérer l'appareil comme une "machine à sous"<br />
qui fonctionnerait "au' hasard". Et <strong>de</strong> fait, certains enfants peuvent jouer<br />
longtemps avec l'instrument en faisant <strong>de</strong>s paris: "Si je mets la bille dans<br />
l'orifice M, par exemple, je parie que tels voyants changeront <strong>de</strong> couleur".<br />
(Ainsi il pense à un point particulier <strong>du</strong> tableau, dont il prédit le changement<br />
<strong>de</strong> couleur: en Anglais "He thinks a dot" ce qui explique le nom<br />
<strong>du</strong> jouet).
SOMMAIRE 59<br />
Cependant, ce n'est pas un jouet aléatoire, mais au contraire un jouet<br />
déterministe. L'appareil comporte un dispositif <strong>de</strong> "remise à zéro". Si l'on<br />
recommence plusieurs fois <strong>de</strong> suite une même série <strong>de</strong> manipulations, à<br />
partir d'une même position initiale, on aboutit toujours à la même disposition<br />
finale.<br />
C'est alors que surgit le problème. Trouver la loi qui régit les changements.<br />
Il est possible à un enfant <strong>de</strong> dix ans, qui a été mis sur la piste,<br />
<strong>de</strong> déchiffrer d'une façon plus ou moins systématique le comportement <strong>de</strong><br />
l'appareil. En fait, ce décodage s'effectue progressivement et le chercheur<br />
est encouragé à persévérer, car le secret <strong>du</strong> fonctionnement <strong>de</strong> l'appareil se<br />
dévoile peu à peu. On n'a pas le sentiment pénible <strong>de</strong> piétiner sans<br />
s'approcher <strong>de</strong> la solution.<br />
A ce titre, ce jeu est un merveilleux stimulateur <strong>de</strong> recherche, pour<br />
celui qui s'est posé le problème.<br />
Mais les possibilités pédagogiques offertes par cet appareil ne sont pas<br />
encore épuisées, et d'intéressantes questions liées à son fonctionnement<br />
débouchent sur la théorie <strong>de</strong>s groupes abéliens finis [34].<br />
L'organisation <strong>de</strong> la vie scolaire <strong>de</strong>vrait être aménagée <strong>de</strong> façon à élargir<br />
l'activité <strong>de</strong> manipulation, au détriment <strong>de</strong> certains exposés théoriques.<br />
Pour que les manipulations soient vraiment fructueuses, il convient <strong>de</strong> les<br />
entreprendre, soit avec <strong>de</strong>s classes à faible effectif, soit en permettant au<br />
maître <strong>de</strong> se faire secon<strong>de</strong>r par <strong>de</strong>s moniteurs (cette <strong>de</strong>rnière disposition est<br />
couramment adoptée dans les travaux pratiques <strong>de</strong>s Sciences d'observation,<br />
dans les activités <strong>de</strong> loisirs <strong>de</strong>s mouvements <strong>de</strong> jeunes, et enfin dans<br />
l'enseignement <strong>de</strong>s mathématiques <strong>de</strong> nombreux pays).
SOMMAIRE
SOMMAIRE<br />
CHAPITRE 6<br />
APPLICATIONS DES MATHÉMATIQUES<br />
Des théories mathématiques -abstraites par définition- trouvent leur<br />
emploi dans la résolution <strong>de</strong>s difficultés pratiques. Laissant aux philosophes<br />
<strong>de</strong>s Sciences et aux métaphysiciens le soin d'analyser cet étrange paradoxe,<br />
nous nous bornons ici à tirer <strong>de</strong>s conséquences pédagogiques <strong>de</strong> ce fait<br />
d'expérience.<br />
Rappelons que l'application <strong>de</strong>s mathématiques à un phénomène pratique<br />
comporte généralement trois phases [35], [36], [17]:<br />
1) La phase <strong>de</strong> mathématisation [37]<br />
On substitue <strong>de</strong>s symboles aux choses. Autrement dit, on construit un<br />
modèle mathématique abstrait, assorti d'un dictionnaire qui permet <strong>de</strong><br />
formuler la réalité en termes mathématiques. Le modèle ne vaut que par sa<br />
structure, par les relations qui existent entre ces éléments. On fait abstraction<br />
<strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>s éléments <strong>du</strong> modèle.
SOMMAIRE 62<br />
2) On traite ensuite le problème <strong>de</strong> mathématique ainsi obtenu. Au cours<br />
<strong>de</strong> la recherche on joue sur trois possibilités heuristiques opposées. Parfois<br />
l'on s'efforce <strong>de</strong> se détacher le plus possible <strong>du</strong> contexte réel pour ne<br />
retenir que la structure sous-jacente. C'est ainsi que l'on traite un problème<br />
par l'algèbre, en évitant d'évoquer la signification <strong>de</strong> l'inconnue pour n'en<br />
retenir que les propriétés opératoires. En d'autres occasions on exploite au<br />
contraire le contexte sémantique initial, en utilisant les analogies que<br />
suggère la réalité. Plus généralement, on utilise d'autres contextes sémantiques<br />
pour y puiser <strong>de</strong>s idées: ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> pensée s'appelle transfert.<br />
3) On confronte expérimentalement les résultats théoriques obtenus, avec<br />
le point <strong>de</strong> départ pratique.<br />
1. Motivations pédagogiques <strong>de</strong>s mathématiques appliquées<br />
A - Les programmes d'enseignement, en France, n'ont souvent retenu <strong>de</strong>s<br />
mathématiques appliquées qu'une listé <strong>de</strong> résultats. La motivation implicitement<br />
invoquée est la formation professionnelle <strong>de</strong>s élèves: on enseignait<br />
ce qui pouvait servir plus tard.<br />
Certes, <strong>de</strong>s questions <strong>de</strong> cours comme la mesure <strong>de</strong> la distance <strong>de</strong> la<br />
Terre à la Lune, la pratique <strong>de</strong>s levées <strong>de</strong> terrains, les problèmes <strong>de</strong><br />
stéréotomie, le calcul <strong>de</strong>s intérêts composés et <strong>de</strong>s annuités, les problèmes<br />
élémentaires <strong>de</strong> balistique, le calcul <strong>de</strong>s alliages, la régulation <strong>du</strong> trafic<br />
ferroviaire, etc., sont <strong>de</strong>s sujets qui présentent un intérêt culturel. Mais<br />
rares sont les élèves qui auront fréquemment besoin d'utiliser ces résultats<br />
dans leur métier. Lorsqu'il en sera ainsi, il sera d'ailleurs pru<strong>de</strong>nt que la<br />
profession organise un recyclage à l'embauche pour rafraîchir la mémoire<br />
sur telle ou telle formule importante.<br />
Finalement, on ne trouve guère que le calcul <strong>de</strong>s intérêts simples et <strong>de</strong>s<br />
impôts sur le revenu qui puissent servir à une masse non négligeable<br />
d'élèves. C'est là une piètre motivation <strong>de</strong> l'enseignement <strong>de</strong>s applications.<br />
B - Par contre tout élève doit être entraîné à utiliser l'outil mathématique,<br />
face à une situation pratique inatten<strong>du</strong>e. L'enseignement doit donc porter<br />
sur le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> pensée <strong>de</strong> la mathématique appliquée, et non sur un recueil<br />
<strong>de</strong> formules.
SOMMAIRE 63<br />
Exemple 1<br />
Les jeunes écoliers <strong>de</strong> Miss Edith Biggs se passionnent pour un documentaire<br />
qu'ils ont vu à la télévision. Et ils se posent une grave question<br />
"Quelle est la pression qu'un éléphant exerce sur le sol ? ".<br />
Le directeur <strong>du</strong> Zoo auquel ils écrivent pour obtenir quelques renseignements<br />
leur fournit, par retour <strong>du</strong> courrier, le poids <strong>du</strong> pachy<strong>de</strong>rme ainsi<br />
que quatre <strong>de</strong>ssins représentant les empreintes <strong>de</strong> chacune <strong>de</strong>s pattes.<br />
Malheureusement, le livre <strong>de</strong> géométrie ne comporte pas <strong>de</strong> formules pour<br />
calculer l'aire d'une patte d'éléphant! Devant cette grave lacune, il faut<br />
inventer un procédé pour l'évaluation approchée <strong>de</strong> la surface d'un domaine<br />
limité par un contour irrégulier.<br />
C'est cette attitu<strong>de</strong> active qu'il s'agit <strong>de</strong> stimuler. On l'obtient mieux à<br />
partir <strong>de</strong> questions jaillies <strong>de</strong> la curiosité enfantine que <strong>de</strong> résultats exigés<br />
par le programme.<br />
C - La mathématique appliquée est un entraînement systématique au<br />
transfert ([38], Marcel Dumont). C'est une <strong>de</strong>s opérations mentales les plus<br />
fructueuses <strong>de</strong> la pensée mathématique. Elle revient à i<strong>de</strong>ntifier les mêmes<br />
structures dans <strong>de</strong>s contextes différents et à raisonner successivement dans<br />
ces divers champs sémantiques.<br />
Le transfert le plus banal est le passage systématique <strong>de</strong> la géométrie à<br />
l'algèbre où l'on raisonne tour à tour sur <strong>de</strong>s figures et <strong>de</strong>s équations: c'est<br />
la géométrie analytique <strong>de</strong> Descartes. Archimè<strong>de</strong> incitait déjà son ami<br />
Erathostène à tra<strong>du</strong>ire systématiquement certains problèmes géométriques<br />
dans le langage <strong>de</strong> la mécanique, et c'est ce transfert qui lui permit<br />
d'effectuer la quadrature <strong>de</strong> la parabole: il avait perçu une analogie entre le<br />
calcul <strong>de</strong> cette aire et la détermination <strong>du</strong> centre <strong>de</strong> gravité <strong>du</strong> triangle, ce<br />
qui est évi<strong>de</strong>nt aujourd'hui, avec nos notations mo<strong>de</strong>rnes, puisque<br />
2<br />
∫tdt = ∫ t × t dt<br />
La programmation linéaire s'efforce <strong>de</strong> transférer les problèmes <strong>de</strong> gestions<br />
optimales d'une entreprise en termes <strong>de</strong> géométrie <strong>de</strong>s polyèdres convexes<br />
dans un espace à n dimensions.<br />
En réinterprétant un même problème, d'un langage à un autre, il<br />
semble que l'on n'obtienne après tout qu'un problème équivalent et que la<br />
difficulté n'ait été que déplacée. Mais au point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la psychologie <strong>de</strong><br />
l'invention le gain peut être appréciable. Une analogie inapparente dans un<br />
contexte algébrique peut germer à l'esprit en présence d'une figure géométrique.
SOMMAIRE 64<br />
Exemple 2<br />
Considérons, sur un ensemble à trois éléments {a, b, c} , la relation dont le schéma<br />
sagittal est:<br />
Ce n'est pas une relation d'ordre (pourquoi ? ), mais sa restriction à chacun <strong>de</strong>s<br />
sous-ensembles à <strong>de</strong>ux éléments est une relation d'ordre.<br />
Cette remarque "abstraite" tout à fait banale se retrouve dans divers contextes<br />
pratiques.<br />
(1. a) Dans le jeu enfantin "Pierre, Ciseaux, Papier", elle s'exprime par :<br />
la pierre repasse les ciseaux;<br />
les ciseaux coupent le papier;<br />
le papier enveloppe la pierre.<br />
(1. b) Mais le défaut <strong>de</strong> transitivité se manifeste dans <strong>de</strong>s situations électorales, lors<br />
d'un suffrage à la majorité absolue où il s'agit <strong>de</strong> départager trois candidats ou<br />
trois options. Ce paradoxe <strong>de</strong> Condorcet est illustré par l'exercice suivant emprunté au<br />
"Nouvel Observateur" <strong>du</strong> 10 avril 1972 (Cf. [37], Christian Corne et Georges<br />
Glaeser).<br />
PROBLÈME DU RÉFÉRENDUM<br />
On <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aux Français par voie <strong>de</strong> celui d'assemblée.<br />
référen<strong>du</strong>m: 6 préfèrent le parlementaire, accepte-<br />
"Voulez-vous un régime prési<strong>de</strong>ntiel, un raient celui d'assemblée mais refusent<br />
régime parlementaire ou un régime le prési<strong>de</strong>ntiel.<br />
d'assemblée ? 5 préfèrent celui d'assemblée, accepte<br />
Or, parmi les 20 millions d'électeurs : raient le prési<strong>de</strong>ntiel mais refusent le<br />
9 préfèrent le prési<strong>de</strong>ntiel, accepte- parlementaire.<br />
raient le parlementaire mais refusent A. - Que va-t-il se passer ?
SOMMAIRE 65<br />
Un peu plus tard, un homme politique Plus tard encore, un autre homme poliinfluent<br />
parvient à faire poser dans un tique <strong>de</strong> poids, fait organiser un troisiè<br />
nouveau référen<strong>du</strong>m la question sui- me référen<strong>du</strong>m sur le thème:<br />
vante: "Le peuple français préfère-t-il le régi-<br />
"Le peuple français est-il d'accord pour me parlementaire au régime d'assemsubstituer<br />
le régime d'assemblée au régi- blée ? "<br />
me prési<strong>de</strong>ntiel actuellement en vi- C. - Quelle sera la réponse à cette nougueux<br />
? " velle question ?<br />
B. - Quelle sera la réponse à la ques- On suppose qu'il n'y a pas d'absten<br />
tion ? tions.<br />
(1. c) Dans un certain jeu <strong>de</strong> dés, on lance <strong>de</strong>s cubes parfaitement équilibrés dont<br />
les faces portent chacune un nombre entier: le même nombre peut figurer sur <strong>de</strong>ux<br />
faces d'un même cube, mais - pour éviter les ex-acquo - <strong>de</strong>ux dés différents ne<br />
portent pas un même nombre. Le gagnant est celui qui tire le nombre le plus élevé<br />
lors d'un seul jet.<br />
On dira que le dé A est "meilleur" que le dé B si la probabilité <strong>de</strong> gagner avec<br />
A contre B est supérieure à 1/2.<br />
On <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d'imaginer trois dés non-transitifs A, B, C, c'est-à-dire tels que A<br />
soit "meilleur" que B, B "meilleur" que C mais C "meilleur" que A.<br />
(1. d) Des situations analogues interviennent dans les tournois et dans les systèmes<br />
<strong>de</strong> notations scolaires, et seront évoquées au chapitre 7.<br />
Les applications <strong>de</strong>s mathématiques peuvent être empruntées à la vie<br />
courante, à <strong>de</strong>s techniques professionnelles, aux centres d'intérêts favoris <strong>de</strong>s<br />
élèves (par exemple <strong>de</strong>s jeux), aux autres sciences (physiques, naturelles,<br />
humaines) ou même à d'autres branches <strong>de</strong>s mathématiques.<br />
Par exemple on utilise les nombres complexes pour résoudre <strong>de</strong>s<br />
problèmes <strong>de</strong> géométrie, le calcul <strong>de</strong>s probabilités dans <strong>de</strong>s questions<br />
d'analyse, l'analyse en théorie <strong>de</strong>s nombres.<br />
Enfin, il arrive qu'un transfert dans un contexte pratique puisse permettre<br />
<strong>de</strong> résoudre un problème <strong>de</strong> mathématique pure [39].<br />
D - Les questions pratiques jouent un rôle <strong>de</strong> stimulant vis-à-vis <strong>de</strong>s élèves<br />
qui n'ont pas <strong>de</strong> goût spécial pour la mathématique en elle-même, et qui<br />
seront curieux d'apprendre comment cette science se rattache à d'autres<br />
centres d'intérêts. En d'autres termes, les applications constituent une<br />
propagan<strong>de</strong> en faveur <strong>de</strong>s mathématiques
SOMMAIRE 66<br />
Les techniciens <strong>de</strong> la publicité savent que certaines <strong>de</strong> leurs campagnes<br />
vont parfois à l'encontre <strong>de</strong>s buts visés. Il convient donc <strong>de</strong> veiller à<br />
l'efficacité publicitaire <strong>de</strong> nos exercices.<br />
Il s'agit <strong>de</strong> convaincre qu'une théorie enseignée se rattache vraiment à<br />
<strong>de</strong>s préoccupations pratiques. Bannissons donc les énoncés artificiels faussement<br />
concrets qui aggravent l'impression d'opposition irré<strong>du</strong>ctible que l'on<br />
se plaît parfois à déceler entre la Mathématique et la Vie.<br />
Exemple 3<br />
Rejetons sans rémission les problèmes <strong>de</strong> robinets présentés sous forme<br />
traditionnelle. Nul n'utilise un chronomètre lorsqu'il fait couler son<br />
bain! Les élèves le savent bien et trouvent ridicule que l'on feigne d'y<br />
croire. Il s'est développé une phobie sociale contre ce genre <strong>de</strong> problèmes<br />
et l'on se livre à une contre-publicité en persistant à proposer ces énoncés.<br />
Cependant, <strong>de</strong>s variantes <strong>de</strong> ce problème se présentent effectivement<br />
dans <strong>de</strong> nouveaux cas pratiques. La programmation <strong>de</strong>s machines à laver<br />
oblige couramment le constructeur à se poser <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> remplissage.<br />
De même, l'in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> pétrole est sensible à la moindre perte <strong>de</strong> temps<br />
<strong>de</strong>s navires qui font le plein dans un port, car le stationnement à quai est<br />
soumis à <strong>de</strong> lour<strong>de</strong>s taxes.<br />
Et une chaîne <strong>de</strong> montage est assimilable à un flot qui s'écoule entre<br />
<strong>de</strong>s ouvriers qui jouent (hélas! ) le rôle <strong>de</strong> "robinets".<br />
2. La mise en équation<br />
Examinons maintenant <strong>de</strong>s questions où il s'agit d'appliquer les mathématiques<br />
à une science préalablement mathématisée. Il s'agit <strong>de</strong> tra<strong>du</strong>ire les<br />
données dans le langage <strong>du</strong> modèle (c'est la mise en équation), puis <strong>de</strong><br />
résoudre le problème ainsi formulé.<br />
Citons, pour mémoire, la tradition <strong>de</strong>s "problèmes <strong>du</strong> second <strong>de</strong>gré", à<br />
contexte géométrique: tels ces énoncés où il s'agissait <strong>de</strong> trouver un point<br />
M sur un <strong>de</strong>mi-cercle, en sorte que le rapport <strong>de</strong>s aires <strong>de</strong> certains polygones<br />
soit égal à un nombre réel m donné.<br />
Il est clair que ces questions ne concernent pas une situation pratique<br />
digne d'intérêt. Leur unique motivation était <strong>de</strong> pro<strong>du</strong>ire un énoncé <strong>de</strong><br />
baccalauréat conforme aux programmes officiels, avec l'inévitable tableau<br />
<strong>de</strong> discussion <strong>de</strong> l'équation <strong>du</strong> second <strong>de</strong>gré. Les manuels contenaient<br />
naguère un chapitre spécial sur la liturgie à observer pour résoudre ces<br />
questions artificielles.
SOMMAIRE 67<br />
Plus intéressant, plus proche <strong>de</strong> réelles préoccupations pratiques est<br />
fourni par les exercices <strong>de</strong> physique. Mais la référence au concret y est<br />
encore trop souvent factice.<br />
En fait, l'élève est en possession d'un ai<strong>de</strong>-mémoire contenant une<br />
petite liste <strong>de</strong> formules, parmi lesquelles le choix n'est pas très difficile.<br />
Il appliquera la loi d'Ohm, en substituant à la résistance (resp. intensité)<br />
le nombre d'ohms (resp. ampères) qui figure quelque part dans<br />
l'énoncé et ne cherchera pas à comprendre davantage. On peut parfaitement<br />
résoudre un exercice <strong>de</strong> physique concernant un appareil que l'on<br />
n'a jamais vu, tout en ignorant s'il peut tenir dans une boîte d'allumettes,<br />
ou avoir la taille d'un immeuble <strong>de</strong> plusieurs étages! Il suffit d'appliquer la<br />
bonne formule. On notera le contraste avec la situation décrite dans<br />
l'exemple 1.<br />
Pour contrecarrer cette tendance à appliquer <strong>de</strong>s formules toutes faites,<br />
mal comprises, on pourra s'inspirer <strong>de</strong>s tendances suivantes:<br />
a) Ne pas s'en tenir à <strong>de</strong> simples applications numériques, mais au<br />
contraire faire étudier <strong>de</strong>s situations plus complexes, qui obligent à<br />
combiner plusieurs formules <strong>du</strong> cours.<br />
b) Mettre les dispositifs étudiés à la portée <strong>de</strong>s élèves, grâce à <strong>de</strong>s<br />
manipulations <strong>de</strong> documents <strong>de</strong>scriptifs.<br />
c) Apprendre aux élèves à collecter eux-mêmes les données.<br />
Exemple 4<br />
Tout candidat au certificat d'étu<strong>de</strong>s apprend par coeur la formule qui<br />
fournit l'aire d'un triangle. Mais sait-il ce que sont les hauteurs ? Saura-t-il,<br />
armé d'instruments convenables, mesurer la hauteur d'un champ triangulaire<br />
sur le terrain ?<br />
On peut proposer à <strong>de</strong> jeunes enfants <strong>de</strong> calculer l'aire d'une feuille<br />
carrée qui a servi à confectionner une cocotte en papier. On fournit <strong>de</strong>s<br />
instruments <strong>de</strong> mesure ou <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssin, mais on s'interdit <strong>de</strong> déplier la<br />
cocotte. Tout au plus est-il permis <strong>de</strong> fabriquer une cocotte auxiliaire, plus<br />
petite, uniquement pour se rendre compte <strong>du</strong> nombre d'épaisseurs <strong>de</strong><br />
papier qui interviennent dans chacune <strong>de</strong>s régions polygonales qu'il sera<br />
nécessaire d'envisager.<br />
On choisira les énoncés en raison <strong>de</strong> leur intérêt propre, et non à cause<br />
<strong>du</strong> programme <strong>du</strong> baccalauréat [40].<br />
En voici quelques exemples :
SOMMAIRE 68<br />
Exemple 5 Le principe <strong>de</strong> Fermat<br />
Un mobile part d'un point A pour aller en B, en mettant le moins <strong>de</strong> temps<br />
possible. Il se déplace dans <strong>de</strong>ux milieux (représentés par <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>mi-plans limités<br />
par la même droite) où la vitesse est respectivement v et V. On <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
préciser sa trajectoire.<br />
Il s'agit <strong>de</strong> minimiser la quantité<br />
a² + x² b² + (1-x)²<br />
+<br />
v V<br />
Il est élégant <strong>de</strong> renoncer à calculer le nombre x qui annule la dérivée, mais<br />
au contraire, d'interpréter l'annulation <strong>de</strong> cette dérivée pour aboutir à la loi<br />
<strong>de</strong> la réfraction <strong>de</strong> Descartes.<br />
Exemple 6<br />
a<br />
A<br />
x<br />
l<br />
Certains problèmes tirent leur intérêt <strong>de</strong> leur importance historique [6].<br />
I<br />
Au Ilème siècle avant J.C., Erathostène mesura le rayon <strong>de</strong> la Terre! Il<br />
obtint un résultat <strong>de</strong> 16 % trop grand, mais c'était une performance à<br />
l'époque où seuls quelques savants soupçonnaient la rotondité <strong>de</strong><br />
la terre! La métho<strong>de</strong> d'Erathostène n'offre aucun intérêt si elle est présentée<br />
b<br />
B
SOMMAIRE 69<br />
comme un banal problème <strong>de</strong> géométrie, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> ce contexte d'initiation<br />
historique [6]. Mais l'exploit est merveilleux, et <strong>de</strong>vrait enthousiasmer<br />
<strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong> onze ans.<br />
De même, la légen<strong>de</strong> prétend que Thalès (au Vlème siècle avant J.C.)<br />
mesura la hauteur <strong>de</strong>s Pyrami<strong>de</strong>s en comparant leurs ombres à celle d'un<br />
bâton auxiliaire vertical <strong>de</strong> longueur donnée. Ici encore, c'est la mise en<br />
place <strong>du</strong> dispositif qui est ingénieuse, et non la solution facile qui en<br />
résulte.<br />
La compilation <strong>de</strong> tels énoncés n'est pas facile, car elle exige une<br />
étroite collaboration entre les professeurs <strong>de</strong> mathématiques et <strong>de</strong> physique,<br />
dont les motivations pédagogiques sont assez différentes.<br />
Exemple 7<br />
La métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> Bessel utilisée pour mesurer la distance focale <strong>de</strong>s<br />
lentilles revient à intercaler le verre entre une source lumineuse et un écran<br />
et à chercher les <strong>de</strong>ux positions qui pro<strong>du</strong>isent une image nette. On est alors<br />
con<strong>du</strong>it à la discussion intéressante d'une équation <strong>du</strong> second <strong>de</strong>gré.<br />
Les physiciens n'apprécient guère cette métho<strong>de</strong> qui exige un matériel<br />
très encombrant, sans présenter en contrepartie <strong>de</strong> réels avantages <strong>de</strong><br />
précision sur d'autres procédés dont l'intérêt mathématique est moindre.<br />
Par exemple, l'opticien utilise <strong>de</strong>s focomètres perfectionnés qui fournissent<br />
la distance focale par simple lecture, sans astreindre l'usager à se soucier<br />
d'une équation <strong>du</strong> second <strong>de</strong>gré.<br />
Il faut donc <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r aux physiciens <strong>de</strong> nous signaler les questions<br />
qu'ils ne désirent pas enseigner, pour ne pas s'éloigner <strong>de</strong> leurs soucis<br />
expérimentaux, mais qui pourraient intéresser le professeur <strong>de</strong> mathématiques<br />
et ses élèves [40].<br />
En contrepartie, le mathématicien sensibilisera ses élèves à <strong>de</strong>s difficultés<br />
qui apparaissent dans la réalité, mais non sur le papier. Par exemple,<br />
le géomètre a vite dit: "Abaissons la perpendiculaire <strong>de</strong> la source lumineuse<br />
sur le miroir plan". Mais que fera l'expérimentateur pour abaisser cette<br />
perpendiculaire avec une approximation suffisante ?<br />
De même, la mesure <strong>de</strong> la hauteur <strong>de</strong> la Pyrami<strong>de</strong> (exemple 6) est<br />
immédiate "sur le papier". Mais on appréciera mieux son ingéniosité<br />
lorsqu'on essaiera <strong>de</strong> l'appliquer sur le terrain, sans pouvoir pénétrer à<br />
l'intérieur <strong>de</strong> la pierre pour y tirer <strong>de</strong>s traits et les mesurer.
SOMMAIRE 70<br />
3. La mathématisation<br />
L'élaboration <strong>de</strong> modèles mathématiques <strong>de</strong>stinés à rendre compte d'une<br />
situation pratique est beaucoup plus importante pour la formation intellectuelle<br />
<strong>de</strong> nos élèves.<br />
L'analyse <strong>de</strong> la réalité, le choix <strong>de</strong>s concepts importants, la construction<br />
<strong>du</strong> modèle abstrait et <strong>du</strong> dictionnaire qui permet <strong>de</strong> tra<strong>du</strong>ire ces<br />
concepts en symboles est hautement instructive.<br />
"En ré<strong>du</strong>isant un problème d'application à sa forme mathématique -<br />
écrit G. Polya - on s'expose à <strong>de</strong>ux types d'erreurs opposées: on peut pécher par<br />
transgression ou par omission. Comme la réalité est très complexe, on sera<br />
obligé <strong>de</strong> négliger l'accessoire, <strong>de</strong> simplifier, d'idéaliser. Si l'on néglige trop<br />
<strong>de</strong> facteurs, le problème <strong>de</strong>vient irréaliste, sans contact avec les faits. Si l'on<br />
tient compte <strong>de</strong> trop <strong>de</strong> détails inessentiels on aboutit à un problème<br />
impraticable dont la solution exigera <strong>de</strong> trop grands investissements en<br />
énergie humaine ou en matériel.<br />
Réussir à donner d'un problème une formulation qui n'est ni simpliste, ni<br />
inextricable peut être un exploit qui met tout en jeu: l'expérience,<br />
la science, le talent, l'art <strong>du</strong> mathématicien appliqué, et aussi <strong>de</strong> la chance"<br />
[41].<br />
Malheureusement, on constate que la mathématisation est une activité<br />
systématiquement négligée, dans les pays où l'enseignement repose entièrement<br />
sur <strong>de</strong>s programmes rigi<strong>de</strong>s.<br />
Il est, en effet, très difficile <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s situations pratiques intéressantes<br />
à mathématiser, qui con<strong>du</strong>isent à un problème mathématique<br />
ayant le même intérêt.<br />
Le programme incite à se ramener coûte que coûte à certains types <strong>de</strong><br />
problèmes répertoriés.<br />
Exemple 8<br />
La plupart <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> programmation linéaire posés par la gestion <strong>de</strong><br />
l'Économie se ramène à l'étu<strong>de</strong> d'un système <strong>de</strong> plusieurs dizaines d'inégalités<br />
linéaires, dépendant <strong>de</strong> plusieurs dizaines <strong>de</strong> paramètres. On peut<br />
aisément convaincre <strong>de</strong>s élèves que la résolution d'un tel problème est<br />
inextricable à la main, mais peut aisément se maîtriser lorsqu'on dispose<br />
d'un ordinateur.<br />
Mais il est pédagogiquement nocif <strong>de</strong> violenter les faits pour ramener un<br />
tel problème à un système <strong>de</strong> quelques inégalités linéaires à <strong>de</strong>ux
SOMMAIRE 71<br />
inconnues. Celui-ci pourra certes être étudié jusqu'au bout par les élèves;<br />
mais à force <strong>de</strong> négliger beaucoup <strong>de</strong> facteurs on aboutit à <strong>de</strong>s problèmes<br />
irréalistes dénoncés par Polya.<br />
Évitons donc <strong>de</strong> faire la théorie <strong>de</strong> l'aéroplane, en négligeant, pour<br />
simplifier (sic), la résistance <strong>de</strong> l'air!<br />
La même faute pédagogique a systématiquement faussé l'enseignement<br />
<strong>de</strong> la mécanique pendant plus d'un siècle.<br />
On sait que la plupart <strong>de</strong>s problèmes naturels <strong>de</strong> mécanique - ceux qui<br />
d'après René Thom représentent une situation générique - con<strong>du</strong>isent à<br />
un système d'équations <strong>de</strong> Lagrange qui ne possè<strong>de</strong>nt pas suffisamment<br />
d'intégrales premières. Autrement dit, si l'on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à un candidat <strong>de</strong><br />
mettre le problème en équation, il est impossible <strong>de</strong> lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r d'en faire<br />
l'étu<strong>de</strong> mathématique, en l'absence <strong>de</strong> moyens <strong>de</strong> calcul puissants.<br />
Pour "pouvoir" néanmoins fournir aux candidats aux certificats <strong>de</strong><br />
mécanique rationnelle leur ration <strong>de</strong> problèmes d'examen, on se rabat sur<br />
un cas très particulier, qui ne se rencontre presque pas dans la pratique.<br />
C'est cette famille <strong>de</strong> problèmes comportant un seul paramètre principal<br />
qui a alimenté, sous <strong>de</strong>s variantes <strong>de</strong> plus en plus saugrenues, les besoins<br />
pédagogiques <strong>de</strong> la mécanique rationnelle. C'est là l'origine <strong>de</strong> la sclérose<br />
bien connue <strong>de</strong> cet enseignement.<br />
Exemple 9<br />
Une <strong>de</strong>s rares exceptions à ce qui vient d'être dit est constituée, au niveau<br />
universitaire, par l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s cor<strong>de</strong>s vibrantes. Mais sa mise en équation, et la<br />
théorie <strong>de</strong> l'équation obtenue, sont rarement accessibles aux mêmes étudiants.<br />
Rares sont ceux qui choisissent simultanément une option "Mécanique<br />
<strong>de</strong>s milieux continus" et une option "Analyse supérieure" dans leurs<br />
étu<strong>de</strong>s.<br />
Ainsi, si l'on veut utilement initier <strong>de</strong>s élèves à la mathématisation, il<br />
faudra se résigner à dissocier cette activité <strong>du</strong> problème mathématique<br />
obtenu. Il ne faudra pas hésiter à proposer <strong>de</strong>s situations complexes qui<br />
con<strong>du</strong>isent à <strong>de</strong>s problèmes triviaux. "Il est souvent plus difficile <strong>de</strong><br />
formuler le bon problème que <strong>de</strong> le résoudre", écrit H. 0. Pollak.<br />
Exemple 10<br />
Alan Tammadge décrit une passionnante expérience pédagogique, vécue<br />
dans une classe d'enfants <strong>de</strong> 11 à 12 ans, dans son article "How math does
SOMMAIRE 72<br />
it cost to keep a dog ? " ("A combien cela revient-il d'élever un chien ? "<br />
[42]).<br />
On ne peut s'empêcher <strong>de</strong> songer que rares sont les a<strong>du</strong>ltes capables<br />
d'évaluer ce que leur coûte leur auto!<br />
Il n'a pas été facile aux écoliers <strong>de</strong> dégager les bons concepts, <strong>de</strong><br />
comprendre qu'il fallait distinguer diverses sortes <strong>de</strong> dépenses, selon qu'elles<br />
sont fixes (prix d'achat <strong>du</strong> chien), périodiques (nourriture), irrégulièrement<br />
renouvelables ou même aléatoires (frais <strong>de</strong> vétérinaire, si l'on n'est pas<br />
couvert par une assurance). Il fallait déci<strong>de</strong>r comment l'âge <strong>du</strong> chien<br />
intervenait dans le prix <strong>de</strong> la nourriture. Et le résultat a été finalement<br />
présenté sous forme d'organigramme permettant <strong>de</strong> faire le calcul pour<br />
n'importe quel chien dès que l'on aura collecté quelques données numériques.<br />
Il est possible d'utiliser cet organigramme pour inciter les écoliers à<br />
faire <strong>de</strong>s multiplications à virgule; mais l'intérêt <strong>de</strong> cet exercice <strong>de</strong> calcul est<br />
sans commune mesure avec tout ce qu'apporte la phase <strong>de</strong> mathématisation.<br />
On trouvera d'autres situations susceptibles d'exercer à la mathématisation<br />
à <strong>de</strong>s niveaux divers dans [43], [44] et [37] (,J.C. Herz,<br />
S. Turnau, G. Glaeser, M. Glaymann, etc.)<br />
La mathématisation se ramène souvent à la découverte d'un codage qui<br />
permet <strong>de</strong> décrire les divers états d'une situation pratique à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
symboles mathématiques appropriés.<br />
On en trouvera <strong>de</strong>s exemples dans [37] (Cf. les articles <strong>de</strong> P. Jullien et<br />
<strong>de</strong> J.C. Herz) et dans [46].<br />
La découverte <strong>de</strong> la structure mathématique qui rend compte d'une<br />
situation pratique pose parfois <strong>de</strong> grosses difficultés.<br />
L'histoire <strong>de</strong> la mécanique [45] nous enseigne que la notion <strong>de</strong> vecteur<br />
s'est dégagée avec beaucoup <strong>de</strong> retard sur les progrès <strong>de</strong> la statique. L'idée<br />
<strong>de</strong> représenter <strong>de</strong>s forces par <strong>de</strong>s flèches, soumises à <strong>de</strong>s opérations<br />
géométriques simples, n'était pas définitivement acquise 2000 ans après<br />
Archimè<strong>de</strong>. Le document ci-joint en porte témoignage.
SOMMAIRE 73
SOMMAIRE 74<br />
4. Pédagogie <strong>du</strong> faux-concret<br />
A côté <strong>de</strong> problèmes "sérieux" rédigés <strong>de</strong> façon à respecter l'authenticité<br />
<strong>de</strong> la situation pratique, on peut au contraire exploiter l'immense pouvoir<br />
pédagogique <strong>de</strong> l'humour. Si une situation est artificielle, il est souhaitable<br />
que l'énoncé soit nettement loufoque: les élèves ne l'oublieront pas.<br />
Exemple 11<br />
Le problème <strong>du</strong> nénuphar, <strong>de</strong> l'escargot qui monte à l'assaut d'un mât <strong>de</strong><br />
Cocagne, <strong>de</strong> la mouche qui oscille jusqu'au trépas entre <strong>de</strong>ux cyclistes, etc.,<br />
etc. sont instructifs <strong>du</strong> point <strong>de</strong> vue mathématique. Il est bon qu'ils se<br />
transmettent dans les cours <strong>de</strong> récréation et à l'occasion <strong>de</strong>s veillées <strong>de</strong>s<br />
colonies <strong>de</strong> vacances [28].<br />
De même la lecture <strong>de</strong> certains romans fictifs peut constituer, parfois,<br />
un exercice mathématique par lui-même.<br />
Combien d'entre nous ont-ils appris ce qu'étaient les fuseaux horaires<br />
dans "Le Tour <strong>du</strong> mon<strong>de</strong> en quatre-vingt jours" et se sont initiés à la<br />
métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> triangulation (bien avant <strong>de</strong> connaître les fonctions trigonométriques)<br />
dans "Les aventures <strong>de</strong> trois Russes et <strong>de</strong> trois -Anglais en<br />
Afrique australe" (Jules Verne) ?<br />
Voici encore un texte dont le commentaire a servi d'examen partiel <strong>de</strong><br />
mécanique pour <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> secon<strong>de</strong> année à l'Université. (Il n'y a pas<br />
lieu d'analyser ici pourquoi cette épreuve a été complètement ratée! ).<br />
Exemple 12<br />
Le texte suivant <strong>de</strong> Jules Verne' (extrait <strong>de</strong> "Autour <strong>de</strong> la lune")<br />
comporte une erreur évi<strong>de</strong>nte (à la lumière <strong>de</strong> l'actualité spatiale ! ).<br />
Laquelle ? Pourquoi ? (On <strong>de</strong>man<strong>de</strong> une justification mécanique, et<br />
non pas "métaphysique"; on pourra être amené à assimiler l'obus à un<br />
point).<br />
A 78114 lieues<br />
..........<br />
En effet, la trajectoire <strong>du</strong> projectile se traçait entre la Terre et la Lune. A mesure<br />
qu'il s'éloignait <strong>de</strong> la Terre, l'attraction terrestre diminuait en raison inverse <strong>du</strong> cané<br />
<strong>de</strong>s distances, mais aussi l'attraction lunaire augmentait dans la même proportion. Il<br />
<strong>de</strong>vait donc arriver un point où, ces <strong>de</strong>ux attractions se neutralisant, le boulet ne<br />
pèserait plus. Si les masses <strong>de</strong> la Lune et <strong>de</strong> la Terre eussent été égales, ce point se fût<br />
rencontré à une égale distance <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux astres. Mais en tenant compte <strong>de</strong> la différence<br />
<strong>de</strong>s masses, il était facile <strong>de</strong> calculer que ce point serait situé aux quarante-sept<br />
cinquante-<strong>de</strong>uxièmes <strong>du</strong> voyage, soit, en chiffres, à soixante-dix-huit mille cent quatorze<br />
lieues <strong>de</strong> la Terre
SOMMAIRE 75<br />
A ce point, un corps n'ayant aucun principe <strong>de</strong> vitesse ou <strong>de</strong> déplacement en lui,<br />
y <strong>de</strong>meurerait éternellement immobile, étant également attiré par les <strong>de</strong>ux astres, et<br />
rien ne le sollicitant plutôt vers l'un que vers l'autre.<br />
Or, le projectile, si la force d'impulsion avait été exactement calculée, le projectile<br />
<strong>de</strong>vait atteindre ce point avec une vitesse nulle, ayant per<strong>du</strong> tout indice <strong>de</strong> pesanteur,<br />
comme tous les objets qu'il portait en lui.<br />
Qu'arriverait-il alors ? Trois hypothèses se présentaient.<br />
Ou le projectile aurait encore conservé une certaine vitesse, et, dépassant le point<br />
d'égale attraction, il tomberait sur la Lune en vertu <strong>de</strong> l'excès <strong>de</strong> l'attraction lunaire<br />
sur l'attraction terrestre.<br />
Ou la vitesse lui manquant pour atteindre le point d'égale attraction, il retomberait<br />
sur la Terre en vertu <strong>de</strong> l'excès <strong>de</strong> l'attraction terrestre sur l'attraction lunaire.<br />
Ou enfin, animé d'une vitesse suffisante pour atteindre le point neutre, mais<br />
insuffisante pour le dépasser, il resterait éternellement suspen<strong>du</strong> à cette place, comme<br />
le préten<strong>du</strong> tombeau <strong>de</strong> Mahomet, entre le zénith et le nadir.<br />
Telle était la situation et Barbacane en expliqua clairement les conséquences à ses<br />
compagnons <strong>de</strong> voyage. Cela les intéressait au plus haut <strong>de</strong>gré. Or comment<br />
reconnaîtraient-ils que le projectile avait atteint ce point neutre situé à soixantedix-huit<br />
mille cent quatorze lieues <strong>de</strong> la Terre ?<br />
Précisément lorsque ni eux ni les objets enfermés dans le projectile ne seraient<br />
plus aucunement soumis aux lois <strong>de</strong> la pesanteur.<br />
Jusqu'ici, les voyageurs, tout en constatant que cette action diminuait <strong>de</strong> plus en<br />
plus, n'avaient pas encore reconnu son absence totale, Mais ce jour-là, vers onze heures<br />
<strong>du</strong> matin. Nicholl ayant laissé échapper un verre <strong>de</strong> sa main, le verre, au lieu <strong>de</strong><br />
tomber, resta suspen<strong>du</strong> dans l'air.<br />
"Ah! s'écria Michel Ardan, voilà donc un peu <strong>de</strong> physique amusante! ".<br />
Et aussitôt, divers objets, <strong>de</strong>s armes, <strong>de</strong>s bouteilles, abandonnés à eux-mêmes, se<br />
tinrent comme par miracle. Diane, elle aussi, placée par Michel dans l'espace, repro<strong>du</strong>isit,<br />
mais sans aucun truc, la suspension merveilleuse opérée par les Caston et les<br />
Robert-Houdin. La chienne, d'ailleurs, ne semblait pas s'apercevoir qu'elle flottait dans l'air.<br />
Eux-mêmes, surpris, stupéfaits, en dépit <strong>de</strong> leurs raisonnements scientifiques, ils<br />
sentaient, ces trois aventureux compagnons emportés dans le domaine <strong>du</strong> merveilleux,<br />
ils sentaient que la pesanteur manquait à leur corps. Leurs bras, qu'ils étendaient, ne<br />
cherchaient plus à s'abaisser. Leur tête vacillait sur leurs épaules. Leurs pieds ne<br />
tenaient plus au fond <strong>du</strong> projectile. Ils étaient comme <strong>de</strong>s gens ivres auxquels la<br />
stabilité fait défaut. Le fantastique a créé <strong>de</strong>s hommes privés <strong>de</strong> leurs reflets, d'autres<br />
privés <strong>de</strong> leur ombre! Mais ici la réalité, par la neutralité <strong>de</strong>s forces attractives.<br />
…………<br />
L'habillage est une technique pédagogique très répan<strong>du</strong>e qui utilise<br />
intentionnellement le faux-concret. Elle consiste en la présentation d'un<br />
texte mathématique dans un contexte fantaisiste.
SOMMAIRE 76<br />
Deux motifs peuvent être invoqués pour justifier cette pratique:<br />
a) Parfois l'on désire rendre attrayant un énoncé trop ari<strong>de</strong>: on trouve dans<br />
les oeuvres d'Archimè<strong>de</strong> un difficile problème d'arithmétique présenté sous<br />
forme allégorique (Le Problème <strong>de</strong>s Boeufs) et Omar Khayyam rédigeait ses<br />
énoncés en vers!<br />
Il est douteux que nos jeunes élèves soient sensibles à ces artifices.<br />
Leurs références littéraires sont différentes.<br />
Exemple 13<br />
Pour planifier la pro<strong>du</strong>ction d'une marchandise dont la fabrication exige un<br />
grand nombre d'opérations soumises à <strong>de</strong>s contraintes <strong>de</strong> <strong>du</strong>rée et <strong>de</strong><br />
priorité, on utilise la métho<strong>de</strong> PERT (Program Évaluation and Review<br />
Technic). Elle repose sur <strong>de</strong>s notions ensemblistes simples et peut être<br />
comprise par <strong>de</strong>s jeunes élèves. Mais comme elle n'est pas certaine <strong>de</strong> les<br />
passionner par le planning <strong>de</strong> la fabrication <strong>de</strong>s fers à repasser, Françoise<br />
Dubail a préféré leur soumettre l'énoncé suivant qui s'adresse aux fanatiques<br />
d'Astérix le Gaulois [37].<br />
Pour fabriquer <strong>de</strong> la potion magique, il faut:<br />
un chaudron, une serpe d'or, <strong>de</strong> l'eau <strong>de</strong> source et les ingrédients suivants:<br />
2 améthystes (a), 6 betteraves (b), 4 coeurs d'abeilles ouvrières (c), 7 dattes<br />
d'Égypte (d), 9 épines d'acacia (e), 15 fraises <strong>de</strong>s bois (f), 3 gueules <strong>de</strong> vipères (g),<br />
1 branche <strong>de</strong> houx coupée par la serpe d'or (h). Remplir le chaudron d'eau, puis<br />
faire macérer les ingrédients en respectant les règles qui suivent:<br />
1) Il faut que a ait macéré au moins trois jours avant <strong>de</strong> mettre à macérer d, f, e.<br />
2) g doit macérer au moins quatre jours;<br />
f doit macérer au moins sept jours;<br />
h doit macérer au moins trois jours.<br />
3) Avant <strong>de</strong> mettre à macérer g il faut que b ait macéré au moins six jours et que d<br />
ait macéré au moins quatre jours.<br />
4) Avant <strong>de</strong> mettre à macérer h, il faut que c et e aient macéré au moins <strong>de</strong>ux<br />
jours.<br />
Question: Quelle est la <strong>du</strong>rée <strong>de</strong> fabrication minimum <strong>de</strong> la potion<br />
magique ?<br />
b) Dans d'autres cas, l'habillage permet <strong>de</strong> poser <strong>de</strong>s problèmes intéressants<br />
dans un langage que les enfants comprennent d'emblée.
SOMMAIRE 77<br />
Exemple 14<br />
Il est possible <strong>de</strong> préparer l'initiation à la géométrie dé<strong>du</strong>ctive plusieurs<br />
années à l'avance.<br />
A <strong>de</strong> jeunes écoliers habitués à se servir <strong>de</strong> cartes <strong>de</strong> géographie. mais pas<br />
encore familiarisés avec le langage ensembliste, on peut présenter <strong>de</strong>s<br />
schémas <strong>de</strong> réseaux routiers, (dont voici un exemple):<br />
On leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra <strong>de</strong> le compléter (ou <strong>de</strong> le modifier) en sorte qu'il<br />
satisfasse à <strong>de</strong>s conditions telles que:<br />
"Par <strong>de</strong>ux villes distinctes passe une route directe et une seule"<br />
ou encore<br />
"Deux routes distinctes passent toujours par une ville commune".<br />
On peut obtenir <strong>de</strong>s modèles finis où tous les axiomes d'inci<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> la<br />
géométrie affine (resp. projective) sont satisfaits sans que les routes aient<br />
un aspect rectiligne.<br />
Ce matériel permet <strong>de</strong> proposer <strong>de</strong> très nombreux raisonnements intéressants<br />
qui préfigurent les démonstrations <strong>de</strong> la géométrie [47].
SOMMAIRE 78<br />
Il y a <strong>de</strong> grands avantages à éviter, à ce niveau, les mots "droites",<br />
"parallèles", "plan" qui sont chargés d'une 'signification profondément<br />
ancrée dans l'esprit <strong>de</strong>s élèves. On évite le conflit entre le dé<strong>du</strong>ctif et<br />
l'expérimental, qui constitue la principale difficulté à l'enseignement <strong>de</strong> la<br />
démonstration mathématique.<br />
Pourtant, l'habillage précé<strong>de</strong>nt n'est pas encore satisfaisant. Par<br />
exemple, on constate sur la figure que les "routes" qui joignent les villes<br />
{C, D, F} et {G, E, C} se croisent en <strong>de</strong>hors d'une ville. On peut remédier à<br />
cela en remplaçant partout le mot "route" par "autoroute" et en<br />
expliquant que certaines intersections qui figurent sur la carte ne sont pas<br />
<strong>de</strong>s croisements, puisqu'un pont ou un passage souterrain les évitent. Mais<br />
néanmoins le tracé <strong>de</strong>s autoroutes est trop matérialisé pour que les enfants<br />
soient capables <strong>de</strong> faire abstraction <strong>de</strong> la forme. Par exemple, sur la figure,<br />
la ville D est <strong>de</strong>ssinée "entre" C et F. C'est là une notion dont la géométrie<br />
d'inci<strong>de</strong>nce veut faire abstraction (jusqu'à ce que d'autres axiomes soient<br />
intro<strong>du</strong>its).<br />
En cherchant à imaginer une habillage qui facilite ces abstractions aux<br />
enfants on a suggéré d'évoquer un lac, comportant certains embarcadères<br />
{A, B, C, D, ..., G} sur les berges, ou dans les îles, et <strong>de</strong> considérer<br />
<strong>de</strong>s "croisières" <strong>de</strong>sservant certains embarcadères.<br />
Ici, l'itinéraire d'une croisière n'est plus matérialisé sur l'eau; et on peut<br />
expliquer que le capitaine <strong>de</strong> la ve<strong>de</strong>tte qui <strong>de</strong>ssert les embarcadères<br />
{C, D, F} se réserve le droit <strong>de</strong> modifier son chemin, suivant les<br />
conditions météorologiques. En particulier, il ne se sent pas obligé <strong>de</strong> visiter<br />
ses escales dans un ordre immuable.<br />
On peut <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r aux écoliers <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssiner un autre schéma, très<br />
différent en apparence <strong>du</strong> <strong>de</strong>ssin précé<strong>de</strong>nt, mais respectant néanmoins<br />
toutes ses relations ensemblistes. En d'autres termes, on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
manipuler sur <strong>de</strong>s isomorphismes <strong>de</strong> structures d'inci<strong>de</strong>nce. Tout cela peut<br />
être accompli, à condition <strong>de</strong> ne pas utiliser (ou abuser) <strong>du</strong> langage<br />
ensembliste. Évi<strong>de</strong>mment, il faut une expérimentation pru<strong>de</strong>nte pour<br />
adapter chaque exercice à l'âge <strong>de</strong>s élèves auxquels on s'adresse. Mais la<br />
géométrie finie peut être présentée d'une façon progressive <strong>du</strong> Cours Moyen<br />
à l'Université.<br />
Pour terminer, citons <strong>de</strong>s exemples où la mathématique sert d'habillage<br />
à <strong>de</strong>s exercices <strong>de</strong> grammaire.
SOMMAIRE 79<br />
Exemple 15<br />
Tel est le cas <strong>de</strong>s problèmes <strong>du</strong> premier <strong>de</strong>gré comportant la phrase :<br />
"J'ai trois fois l'âge que vous aviez quand j'avais l'âge que vous avez".<br />
Sam Loyd [14] formule un exercice analogue:<br />
"Mary is twice as old as Ann was when Mary was hall as old as Ann will be when<br />
Ann is three times old as Mary was when Mary was three times as old as Ann.<br />
The combined ages of Mary and Ann are forty-four years. How old is Mary ? ".<br />
Nos collègues anglicistes pourraient-ils ai<strong>de</strong>r nos élèves à décrypter cet<br />
"exercice <strong>de</strong> charabia"?
SOMMAIRE
SOMMAIRE<br />
<strong>LE</strong>S TESTS<br />
CHAPITRE 7<br />
Ce chapitre distingue <strong>de</strong>ux catégories <strong>de</strong> questions <strong>de</strong> contrôle dont les<br />
finalités sont différentes, et parfois opposées: les tests pédagogiques et les<br />
épreuves à sanctions sociales.<br />
Ces <strong>de</strong>rnières, à usage extra-scolaire, attribuent <strong>de</strong>s attestations <strong>de</strong><br />
compétence (notes, classement, diplôme, etc.) <strong>de</strong>stinées à orienter les indivi<strong>du</strong>s<br />
dans leur vie professionnelle ultérieure. Les tests pédagogiques, au<br />
contraire, sont <strong>de</strong>s instruments <strong>du</strong> processus d'enseignement. Ils organisent<br />
le feed-back <strong>du</strong> maître par les élèves et leurs résultats sont généralement<br />
sans conséquence hors <strong>de</strong>s murs <strong>de</strong> l'école. Ils fournissent constamment au<br />
professeur et à l'élève <strong>de</strong>s informations sur la façon dont l'enseignement est<br />
reçu. Sous sa forme la plus naïve, ce test se ré<strong>du</strong>it à la question: "Avezvous<br />
compris ? "<br />
Malheureusement, les interrogés sont rarement en mesure <strong>de</strong> répondre<br />
utilement à cette interpellation; car il faut avoir déjà atteint un sta<strong>de</strong><br />
avancé <strong>de</strong> l'é<strong>du</strong>cation mathématique pour prendre conscience <strong>de</strong> ce que<br />
l'on ne comprend pas, et pour savoir le formuler.
SOMMAIRE 82<br />
1. L'autocontrôle<br />
II convient donc d'exercer l'élève à contrôler lui-même ses connaissances et<br />
à prendre conscience <strong>du</strong> <strong>de</strong>gré d'assimilation. On y parvient grâce à <strong>de</strong>s<br />
exercices analogues aux suivants:<br />
a) Vérification d'un savoir faire<br />
L'élève fabrique lui-même <strong>de</strong>s exemples numériques sur lesquels il essaie la<br />
métho<strong>de</strong> étudiée. De préférence, il s'organisera <strong>de</strong> façon à pouvoir facilement<br />
vérifier lui-même la réponse. Par exemple, il composera <strong>de</strong>s équations<br />
ayant <strong>de</strong>s racines qu'il se donnera à l'avance, avant <strong>de</strong> s'exercer à les<br />
résoudre par la métho<strong>de</strong> qu'il désire tester.<br />
b) Contrôler la compréhension d'une démonstration en reprenant le raisonnement<br />
sur un cas particulier. (Par exemple, on refera sur la parabole la<br />
démonstration d'un théorème relatif aux coniques).<br />
c) Apprendre à vérifier la justesse d'un résultat<br />
Le maître évitera <strong>de</strong> répondre lorsque l'élève lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra s'il a "trouvé<br />
juste". Il l'encouragera, au contraire, à s'en convaincre lui-même, grâce à <strong>de</strong>s<br />
vérifications ou à <strong>de</strong>s recoupements divers. L'élève contrôlera spontanément<br />
si les formules qu'il obtient sont homogènes, si le résultat est en<br />
accord avec le bon sens dans <strong>de</strong>s cas particuliers, ou <strong>de</strong>s cas limites, si<br />
l'ordre <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la réponse est plausible.<br />
d) L'élève doit apprendre à se noter lui-même. Plus précisément, il doit être en<br />
mesure <strong>de</strong> porter un jugement sur l'importance <strong>de</strong>s erreurs qu'il pourrait<br />
avoir commises. Les grosses erreurs <strong>de</strong> jugement sur son propre travail<br />
révèlent généralement une incompréhension profon<strong>de</strong>.<br />
Cet exercice comporte aussi <strong>de</strong>s aspects moraux qu'il ne faut pas<br />
négliger: développement <strong>de</strong> la probité scientifique, connaissance <strong>de</strong> soi sans<br />
complaisance orgueilleuse, ni manque <strong>de</strong> confiance exagéré. Si l'élève a<br />
raté un <strong>de</strong>voir, il est con<strong>du</strong>it en se notant lui-même à ne pas rejeter la faute<br />
sur son professeur dont le rôle n'est pas <strong>de</strong> rendre <strong>de</strong>s oracles, ni <strong>de</strong><br />
distribuer blâmes ou récompenses.<br />
2. Le feed-back immédiat<br />
A la question stupi<strong>de</strong> "Avez-vous tous compris ? " le professeur doit substituer<br />
<strong>de</strong>s séries <strong>de</strong> questions susceptibles <strong>de</strong> révéler immédiatement les<br />
malenten<strong>du</strong>s et d'influer sur la poursuite <strong>de</strong> son enseignement.<br />
Mais ces questions <strong>de</strong> contrôle doivent pouvoir s'interpréter pédagogiquement<br />
sans ambiguïté:
SOMMAIRE 83<br />
Exemples 1<br />
a) Pour tester la compréhension <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> nombre premier on<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra <strong>de</strong> souligner les nombres premiers dans une courte liste. Mais il<br />
ne faut pas que la réussite ou l'échec soit dû à <strong>de</strong>s circonstances étrangères à<br />
l'essentiel. Par exemple, un élève pourra penser que 133 (qui est égal à<br />
7 ⋅ 19) est premier, soit parce qu'il n'aura pas essaye <strong>de</strong> diviser par 7, soit<br />
parce qu'il se sera trompe dans la division. Dans le second cas, c'est la<br />
faiblesse en calcul qui est en cause et non la compréhension <strong>de</strong> la notion.<br />
b) De même, si un élève parvient à calculer correctement une dérivée, on<br />
ne peut en conclure qu'il a compris ce qu'est une dérivée.<br />
c) Une batterie <strong>de</strong> tests <strong>de</strong>stines à vérifier l'acquisition <strong>du</strong> langage ensembliste<br />
proposait <strong>de</strong> rayer <strong>de</strong>s relations fausses dans une longue liste. C'est<br />
ainsi que :<br />
{ 1 ; 8} . { 1 ; 2 ; 5 } et { 1 ; 8} . { 1 ; 2 ; 5}<br />
furent barres à juste titre par presque tous les candidats.<br />
Mais une analyse fine <strong>du</strong> comportement <strong>de</strong>s élèves faibles prouva qu'ils<br />
avaient surtout été impressionnes par la présence <strong>du</strong> nombre 8 aux premiers<br />
membres; d'ailleurs ils avaient échoué à propos <strong>de</strong>:<br />
{ 1 ; 5} . { 1 ; 2 ; 5 } et { 1 ; 5} . { 1 ; 2 ; 5}<br />
où seul l'emploi correct <strong>de</strong> . et . était en cause.<br />
(Cf "Tests sur l'acquisition <strong>de</strong>s connaissances en fin <strong>de</strong> cinquième", Travaux<br />
<strong>de</strong> l'I.R.E.M. <strong>de</strong> <strong>Strasbourg</strong> (à paraître)).<br />
Ces remarques con<strong>du</strong>isent à se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r ce que l'on exprime lorsqu'on<br />
prétend qu'un élève a compris.<br />
Le professeur Bloom, <strong>de</strong> Chicago [48], et son école s'efforcent <strong>de</strong><br />
classifier <strong>de</strong>s objectifs pédagogiques, en distinguant <strong>de</strong>s niveaux <strong>de</strong> connaissance<br />
et <strong>de</strong> compréhension.<br />
Voici, à titre d'exemple, une version simplifiée <strong>de</strong> l'échelle <strong>de</strong> Bloom,<br />
utilisée par le Service <strong>de</strong>s Examens <strong>de</strong> l'Université <strong>de</strong> Princeton: (Bien<br />
enten<strong>du</strong>, les mots utilises dans la liste ci-<strong>de</strong>ssous sont expliques et illustres<br />
par <strong>de</strong> nombreux exemples comparatifs dans les publications [48], [49],<br />
[50]).<br />
0 : L'aptitu<strong>de</strong> à se rappeler la connaissance <strong>de</strong>s faits.<br />
1 : L'aptitu<strong>de</strong> à accomplir <strong>de</strong>s manipulations mathématiques.<br />
2 : L'aptitu<strong>de</strong> à résoudre <strong>de</strong>s problèmes ordinaires.<br />
3 : L'aptitu<strong>de</strong> à montrer la compréhension <strong>de</strong>s idées et <strong>de</strong>s concepts mathématiques.
SOMMAIRE 84<br />
4 : L'aptitu<strong>de</strong> a résoudre <strong>de</strong>s problèmes sortant <strong>de</strong> l'ordinaire, ce qui exige <strong>de</strong> la<br />
perspicacité ou <strong>de</strong> l'habileté.<br />
5 : L'aptitu<strong>de</strong> à appliquer aux mathématiques <strong>de</strong>s procédés mentaux supérieurs.<br />
Ces travaux méritent d'être perfectionnés notamment dans une meilleure<br />
adaptation <strong>de</strong> l'enseignement <strong>de</strong>s mathématiques.<br />
Exemple 2<br />
A propos <strong>du</strong> noyau et <strong>de</strong> l'image d'une application linéaire on peut distinguer<br />
divers niveaux d'assimilation.<br />
Connaître par coeur la définition (c'est le niveau 0 <strong>de</strong> l'échelle précé<strong>de</strong>nte).<br />
Être capable <strong>de</strong> déterminer ces sous-espaces sur <strong>de</strong>s exemples numériques (niveau<br />
<strong>de</strong> connaissance 1).<br />
Être capable <strong>de</strong> déjouer une question-piège où l'on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> chercher le noyau<br />
d'une application non-linéaire (niveau 3). Mais on n'a vraiment compris ces notions<br />
que lorsqu'on est capable <strong>de</strong> fabriquer, par exemple, un couple d'endomorphismes<br />
(A, B) tels que A ° B = 0 et B ° A * 0 en jouant sur les positions relatives <strong>de</strong>s<br />
noyaux et <strong>de</strong>s images. (C'est le niveau 5 ou 3 selon que l'élève réinvente la<br />
métho<strong>de</strong> ou applique en les adaptant <strong>de</strong>s procédés déjà rencontrés).<br />
3. Les épreuves à sanctions sociales<br />
Dans la société contemporaine - sous tous les régimes politiques - le professeur<br />
est investi d'un pouvoir social: il, est chargé <strong>de</strong> décerner <strong>de</strong>s certificats<br />
<strong>de</strong> qualification ou <strong>de</strong>s diplômes basés sur <strong>de</strong>s interrogations, compositions,<br />
examens ou concours. On notera que ce rôle se distingue <strong>de</strong> la fonction<br />
enseignante, et que dans une certaine mesure, il la contredit [51].<br />
Tout professeur doit méditer sur ce double aspect <strong>de</strong> sa profession: les<br />
conclusions qu'il <strong>de</strong>vrait en tirer, sans démagogie, mais sans aveuglement,<br />
méritent d'être nuancées.<br />
D'une part, une orientation ou sélection, opérée dans <strong>de</strong>s limites<br />
précises (à définir) est parfaitement justifiée: un diplôme <strong>de</strong> docteur en<br />
mé<strong>de</strong>cine, un brevet <strong>de</strong> pilote <strong>de</strong> ligne, un certificat d'aptitu<strong>de</strong> à l'enseignement<br />
<strong>de</strong>s mathématiques ne sauraient se trouver dans une "pochettesurprise".<br />
Ils <strong>de</strong>vraient garantir une qualification qui inspire confiance au<br />
public. Et, s'il s'agit <strong>de</strong> vérifier cette qualification, n'est-il pas préférable<br />
que le contrôle soit confié à <strong>de</strong>s interrogateurs compétents, plutôt qu'à <strong>de</strong>s<br />
gendarmes, <strong>de</strong>s inquisiteurs ou <strong>de</strong>s commissaires politiques ? Mais d'autre<br />
part, les modalités d'attribution <strong>de</strong>s diplômes revêtent parfois <strong>de</strong>s aspects<br />
répressifs discutables.
SOMMAIRE 85<br />
"Les examinateurs, écrit Henri Piéron, sont appelés à une véritable<br />
souveraineté, dont ils sont trop souvent tentés d'abuser, même s'il le font<br />
avec bonne foi".<br />
L'échec à un examen est beaucoup trop dramatisé: il est ressenti<br />
parfois comme une honte ou une injustice par le candidat malheureux.<br />
Pourtant, cet aspect traumatisant est complètement étranger à la fonction<br />
assumée par les examens. Des efforts doivent être déployés pour rendre ces<br />
formalités <strong>de</strong> contrôle plus humaines.<br />
Chaque fois qu'un interrogateur siégera dans un jury, il fera un effort<br />
<strong>de</strong> mémoire pour se reporter quelques années en arrière, au temps où il<br />
était assis en face, au banc <strong>de</strong>s interrogés. Les choses iraient mieux, si les<br />
a<strong>du</strong>ltes n'oubliaient pas si vite!<br />
Admettant, sous réserve d'inventaire, la légitimité <strong>de</strong> ce contrôle social,<br />
nous nous proposons d'examiner la rédaction <strong>de</strong>s textes d'épreuves <strong>du</strong><br />
point <strong>de</strong> vue technique et pédagogique.<br />
4. Préparation d'une épreuve: principes généraux<br />
Un énoncé <strong>de</strong> contrôle se juge en fonction <strong>de</strong> sa finalité. L'auteur doit<br />
d'abord s'interroger sur les connaissances ou aptitu<strong>de</strong>s qu'il désire détecter.<br />
La forme <strong>de</strong> l'épreuve, le choix, la formulation et l'agencement <strong>de</strong>s<br />
questions, les techniques <strong>de</strong> corrections et <strong>de</strong> jugements doivent être<br />
subordonnés à cette finalité.<br />
Au lieu <strong>de</strong> développer en termes généraux la théorie <strong>de</strong> ces différents<br />
facteurs, nous préférons les examiner sur quelques exemples.<br />
Exemple 3<br />
Voici un questionnaire, composé par N. Roby. Il l'utilisait lors <strong>de</strong>s premières<br />
séances <strong>de</strong> travaux pratiques <strong>de</strong> mathématiques générales.<br />
QUESTIONNAIRE<br />
1. Pour qu'un entier soit divisible par 6, il suffit qu'il soit<br />
divisible par 3.<br />
2. Pour qu'un entier soit divisible par 6, il faut qu'il soit divisible<br />
par 3.<br />
Vrai Faux
SOMMAIRE 86<br />
3. Pour qu'un entier soit divisible par 6; il faut qu'il soit divisible par 3<br />
et par 2.<br />
4. Pour qu'un entier soit divisible par 6, il suffit qu'il soit<br />
divisible par 9 et par 4.<br />
5. Pour qu'un entier ne soit pas divisible par 6, il faut qu'il ne<br />
soit divisible ni par 3 ni par 2.<br />
6. Pour qu'un entier ne soit pas divisible par 6, il suffit qu'il ne soit<br />
divisible ni par 3 ni par 2.<br />
7. Pour que la projection orthogonale d'un angle droit sur un<br />
plan ne soit pas un angle droit, il faut que l'un <strong>de</strong> ses côtés au<br />
moins ne soit pas parallèle au plan.<br />
8. Pour que la projection orthogonale d'un angle droit sur un<br />
plan ne soit pas un angle droit, il suffit que l'un <strong>de</strong> ses côtés au<br />
moins ne soit pas parallèle au plan.<br />
9. Pour que <strong>de</strong>ux cercles dans un même plan se dé<strong>du</strong>isent l'un <strong>de</strong><br />
l'autre par une homothétie, il suffit qu'ils aient même rayon.<br />
10. Pour que <strong>de</strong>ux droites <strong>de</strong> l'espace soient sans point commun, il<br />
faut qu'elles ne soient pas dans un même plan.<br />
11. Pour que <strong>de</strong>ux droites <strong>de</strong> l'espace soient sans point commun, 1<br />
suffit qu'elles ne soient pas dans un même plan.<br />
12. Soit dans le plan l'ellipse E <strong>de</strong> foyers F et F', <strong>de</strong> grand axe 2a.<br />
Pour qu'un point M <strong>du</strong> plan appartienne à E, il suffit que<br />
MF=<br />
2<br />
a<br />
3 et MF '=<br />
4<br />
a<br />
3<br />
13. Pour qu'un point M <strong>de</strong> l'espace appartienne à E, il suffit que<br />
MF=<br />
2<br />
a<br />
3 et MF '=<br />
4<br />
a<br />
3<br />
14. Soient dans un plan C et C' <strong>de</strong>ux cercles <strong>de</strong> rayon R, dont les<br />
centres O et O' sont à la distance 56R. Pour qu'un point M<br />
<strong>du</strong> plan appartienne à C et C', il faut et il suffit que<br />
MO =MO'=R.<br />
15. Pour qu'un entier a soit divisible par un entier b, il faut que le<br />
reste <strong>de</strong> la division <strong>de</strong> a par b soit plus petit que 3.<br />
Vrai Faux
SOMMAIRE 87<br />
Ce texte vise <strong>de</strong>s étudiants extrêmement faibles. Il sert à détecter ceux<br />
qui ne sont pas à l'abri <strong>de</strong>s cercles vicieux et qui, par conséquent, ne<br />
pourront pas poursuivre <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> mathématiques supérieures tant<br />
qu'ils n'auront pas été guéris <strong>de</strong> ce défaut rédhibitoire. L'objectif n'est pas<br />
d'exclure, <strong>de</strong> réprimer, mais <strong>de</strong> convaincre celui qui échoue qu'il n'a pas les<br />
qualités requises et qu'il se prépare un avenir tissé d'échecs s'il s'engage<br />
dans cette voie à laquelle il n'est pas préparé.<br />
Pour obtenir une conviction très nette, l'épreuve doit être au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong><br />
toute contestation. Elle doit porter sur <strong>de</strong>s points extrêmement importants,<br />
aux yeux <strong>de</strong> tous, ne comporter aucune question tant soit peu subtile ou<br />
délicate: elle doit se maintenir au niveau <strong>du</strong> "minimum vital". On pourrait<br />
donc suggérer <strong>de</strong> supprimer les questions 11, 13, 14, 15 qui appartiennent<br />
à un niveau un peu plus élevé: si l'on n'échoue qu'à celles-là, on peut<br />
parfaitement poursuivre <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s supérieures, à condition <strong>de</strong> réfléchir à<br />
quelques point délicats <strong>de</strong> logique, notamment ceux qui sont liés à l'emploi<br />
<strong>de</strong> l'ensemble vi<strong>de</strong> ¬ .<br />
Grâce à la forme <strong>du</strong> questionnaire, où la réponse s'inscrit à l'ai<strong>de</strong> d'une<br />
croix dans une case (un tel test s'appelle, en anglais, un quiz) l'échec ne<br />
peut être attribué à la partialité ou à la sévérité <strong>du</strong> correcteur, pour autant<br />
qu'aucun doute ne subsiste sur la réponse correcte atten<strong>du</strong>e.<br />
La métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> notation "évi<strong>de</strong>nte", qui consiste à attribuer un point<br />
par réponse correcte n'est pas adaptée à cette finalité: en effet, les<br />
questions 1 ; 2 ; 3 ; 4 forment un tout. Un candidat qui se trompe sur<br />
l'une d'elles n'a manifestement pas compris les trois autres. La gradation<br />
qui distinguerait ceux qui se sont trompés une ou <strong>de</strong>ux fois sur ces quatre<br />
questions intro<strong>du</strong>irait un élément <strong>de</strong> chance qui n'a aucune signification en<br />
ce qui concerne les aptitu<strong>de</strong>s.<br />
De plus, on a intérêt à ce que la liste <strong>de</strong>s notes attribuées présente une<br />
nette cassure entre les candidats moyens et les candidats très faibles. Cela<br />
rend encore plus convaincante la démonstration qui fait l'objet <strong>du</strong> test.<br />
Les questions, telles qu'elles sont présentées, ne sont évi<strong>de</strong>mment pas<br />
indépendantes: tout candidat aura tendance à fournir <strong>de</strong>s réponses opposées<br />
à 1 et 2 (ou à 7 et 8). On atténuera considérablement cette corrélation en<br />
dispersant ces questions dans le questionnaire. Ce conseil est en contraste<br />
avec ce qu'il y a lieu <strong>de</strong> faire en rédigeant une batterie d'exercices<br />
didactiques (chapitre 3), où la proximité <strong>de</strong>s questions analogues attire<br />
l'attention sur les ressemblances et lés différences.
SOMMAIRE 88<br />
On ne peut pas juger <strong>de</strong> la valeur <strong>de</strong> ce test, si l'on n'a pas précisé à<br />
l'avance la <strong>du</strong>rée offerte aux candidats pour y répondre. Cette <strong>du</strong>rée doit<br />
être en rapport avec la finalité <strong>de</strong> l'épreuve. Un candidat qui aurait besoin<br />
<strong>de</strong> plusieurs minutes pour répondre correctement aux <strong>de</strong>ux premières<br />
questions n'a manifestement pas l'agilité d'esprit nécessaire pour suivre une<br />
démonstration exposée oralement au tableau.<br />
De même, la réponse doit être écrite à l'encre, et les ratures ne seront<br />
pas admises, car il s'agit ici <strong>de</strong> questions où les hésitations ne sont pas <strong>de</strong><br />
mise.<br />
Exemple 4<br />
On pourrait imaginer, en prolongement au test précé<strong>de</strong>nt, une épreuve<br />
<strong>de</strong>stinée aux étudiants moyens, pour attirer leur attention sur quelques<br />
points délicats <strong>de</strong> logique sur lesquels ils feraient bien <strong>de</strong> réfléchir.<br />
Le questionnaire pourrait commencer par une partie <strong>du</strong> précé<strong>de</strong>nt, qui<br />
servirait d'épreuve éliminatoire: mais ces questions triviales ne <strong>de</strong>vraient pas<br />
être notées. L'énoncé proprement dit comporterait les questions 11, 13, 14,<br />
15 complétées par quelques "colles" plus subtiles, telles que:<br />
"Pour qu'un point M se trouve sur une ellipse <strong>de</strong> foyers F et F' et <strong>de</strong><br />
grand axe 4 FF', il suffit que MF = 10 FF' et MF' = 2 FF' ".<br />
ou encore quelques facéties logiques à la Lewis Carroll [18].<br />
Dans ce cas il y a lieu <strong>de</strong> donner beaucoup <strong>de</strong> temps <strong>de</strong> réflexion aux<br />
candidats: ce n'est plus ici, une épreuve <strong>de</strong> rapidité. Et il serait dommage<br />
que l'échec soit dû uniquement à l'affolement ou l'étour<strong>de</strong>rie.<br />
Exemple 5<br />
Pour mettre au point les questions <strong>du</strong> "General Certificate of E<strong>du</strong>cation"<br />
(Ordinary Level), qui joue en Gran<strong>de</strong>-Bretagne un rôle social analogue à<br />
notre baccalauréat (considéré comme diplôme <strong>de</strong> fin d'étu<strong>de</strong>s) l'Université<br />
<strong>de</strong> Londres a créé un Institut spécial [49], [38] (Penfold). L'élaboration <strong>de</strong><br />
"Quiz à choix multiples" s'y échelonne sur <strong>de</strong>s années. Des questions sont<br />
proposées par <strong>de</strong>s professeurs qui leur attribuent une place dans une<br />
classification analogue à celle <strong>de</strong> Bloom [48]. Après un tri et un échantillonnage<br />
laborieux, on teste la batterie <strong>de</strong> questions dans <strong>de</strong>s classescobayes<br />
qui ne sont pas <strong>du</strong> ressort <strong>de</strong> l'Université <strong>de</strong> Londres, perfectionnant<br />
pendant plusieurs années la mise au point.<br />
Les candidats sont confrontés à <strong>de</strong>s questions affectées chacune <strong>de</strong> cinq<br />
réponses plus ou moins plausibles. Plusieurs réponses peuvent être
SOMMAIRE 89<br />
simultanément correctes, ce qui permet à priori le choix entre 2 5 réponses.<br />
L'influence <strong>du</strong> hasard est assez faible.<br />
Mais dans la pratique, les candidats éliminent d'abord quelques<br />
réponses qu'ils jugent évi<strong>de</strong>mment fausses et prennent quelques risques sur<br />
les réponses restantes.<br />
En général, le correcteur doit savoir qu'une copie n'est pas forcément<br />
sincère. Un candidat qui n'est pas certain <strong>de</strong> répondre correctement préfèrera<br />
sans doute "faire un pari", plutôt que <strong>de</strong> remettre copie blanche. Ce<br />
phénomène dg- prise <strong>de</strong> risque, que l'on observe régulièrement au cours <strong>de</strong>s<br />
jeux radiophoniques, explique au correcteur pourquoi il trouve d'invraisemblables<br />
sottises sous la plume d'élèves qu'il croyait intelligents.<br />
Exemple 6<br />
Voici à titre d'exemple, le témoignage d'une candidate reçue brillamment au<br />
concours d'entrée à l'École Normale Supérieure <strong>de</strong> Sèvres, bien qu'elle ait complètement<br />
raté une composition écrite: "Pendant toute la <strong>du</strong>rée <strong>de</strong> l'épreuve, je savais<br />
pertinemment que mes affirmations manquaient totalement <strong>de</strong> rigueur et que je<br />
passais à côté <strong>de</strong> la question. Mais je ne savais vraiment pas ce qu'il fallait faire...<br />
et il aurait été stupi<strong>de</strong> <strong>de</strong> remettre une copie blanche".<br />
Le correcteur a dû être très étonné en apprenant que l'auteur <strong>de</strong> cette<br />
copie nulle avait fait preuve <strong>de</strong> beaucoup d'intelligence dans les autres<br />
compositions!<br />
Exemple 7<br />
Lorsqu'il s'agit <strong>de</strong> sélectionner un très petit nombre <strong>de</strong> sujets extrêmement<br />
brillants, en vue d'attribuer une bourse ou un prix, la formule <strong>de</strong>s Olympia<strong>de</strong>s<br />
[9], [10], [11], [12], nous semble préférable à celle <strong>du</strong> concours<br />
général. L'Olympia<strong>de</strong> comporte une épreuve <strong>de</strong> sélection, suivie <strong>de</strong> quarts<br />
<strong>de</strong> finale, <strong>de</strong>mi-finales et finale. A chacune <strong>de</strong> ces épreuves on confronte les<br />
candidats avec cinq problèmes (au sens <strong>du</strong> chapitre 2): celui qui réussit à<br />
en résoudre <strong>de</strong>ux (ou, pour les plus difficiles, à faire sérieusement avancer<br />
la question) est assuré <strong>de</strong> passer à l'échelon suivant. Les succès ne donnent<br />
pas directement lieu à un diplôme, niais l'accès en <strong>de</strong>mi-finale est un titre<br />
envié dont on peut efficacement faire état.<br />
La technique <strong>de</strong> correction ne tient pas compte <strong>de</strong>s copies trop faibles.<br />
Le jury est alors confronté à très peu <strong>de</strong> copies, sur les mérites <strong>de</strong>squelles<br />
il peut discuter sans avoir besoin d'attribuer <strong>de</strong>s notes.
SOMMAIRE 90<br />
Les Olympia<strong>de</strong>s soviétiques offrent l'avantage d'atténuer considérablement<br />
l'effet traumatisant <strong>de</strong> l'échec: il s'en organise plusieurs au cours<br />
<strong>de</strong> chaque année, et un candidat qui manquerait d'inspiration pour l'une<br />
d'entre elles, aura <strong>de</strong> multiples occasions <strong>de</strong> concourir à nouveau, sans<br />
interrompre ses étu<strong>de</strong>s, ni perdre une année pleine. Ainsi une bonne<br />
performance est récompensée. Un échec reste sans conséquence.<br />
Exemple 8 [52]<br />
Critiquons maintenant un concours d'entrée à l'École Polytechnique [50],<br />
où il s'agissait <strong>de</strong> sélectionner 300 candidats parmi 1600. La correction <strong>de</strong><br />
chaque épreuve écrite (par un correcteur unique) s'étendait sur plus d'un<br />
mois. Il s'agissait <strong>de</strong> juger toutes les copies avec la même sérénité, sans se<br />
laisser influencer par la lassitu<strong>de</strong>, sans désavantager une copie moyenne,<br />
corrigée après quelques copies brillantes, au profit d'une copie analogue<br />
placée dans une série <strong>de</strong> copies nulles.<br />
Pour se soustraire à <strong>de</strong> telles influences, le correcteur est obligé <strong>de</strong> se<br />
cramponner à un barème rigi<strong>de</strong>, soumis à <strong>de</strong>s contraintes précises: il<br />
commence par établir une liste <strong>de</strong> bonnes réponses dûment tarifées, et une<br />
liste d'erreurs standard dûment pénalisées.<br />
Dès que ce barème est fixé, il n'est plus possible <strong>de</strong> tenir compte d'un<br />
élément exceptionnel.<br />
Un tel concours favorise les candidats qui sont réguliers dans leur<br />
travail, assez bons dans toutes les matières (payantes), qui ne se passionnent<br />
ni pour quelque chose, ni contre quelque chose. Mais les "monstres d'intelligence"<br />
ayant <strong>de</strong>s qualités et <strong>de</strong>s défauts qui sortent <strong>de</strong> l'ordinaire sont<br />
parfois lésés. C'est ainsi qu'Évariste Galois a échoué au concours d'entrée à<br />
l'École Polytechnique.<br />
Trop nombreux sont les auteurs <strong>de</strong> sujets <strong>de</strong> concours qui n'ont pour<br />
tout souci que <strong>de</strong> composer un bel énoncé, joyau <strong>de</strong> leurs oeuvres<br />
complètes. Le clou en est constitué par la fameuse <strong>de</strong>rnière question, celle<br />
qu'aucun candidat n'aura le temps d'abor<strong>de</strong>r et qui finalement ne sera<br />
même pas notée.<br />
Faute d'avoir terminé l'épreuve, aucun candidat n'aura entrevu le<br />
thème, l'idée directrice: il se contentera d'établir <strong>de</strong>s lemmes artificiels dont<br />
il ne comprend pas la motivation: belle pédagogie, en vérité, que celle où<br />
l'on est obligé <strong>de</strong> travailler sans savoir où l'on va.
SOMMAIRE 91<br />
Le texte est très long, c'est pourquoi l'auteur "con<strong>du</strong>it charitablement<br />
les candidats par la main", leur ôtant toute occasion <strong>de</strong> faire valoir leurs<br />
qualités. On ne leur laisse que le droit d'égrener une liste <strong>de</strong> vérifications<br />
insipi<strong>de</strong>s.<br />
Énumérons, par contraste, quelques règles qu'il est bon <strong>de</strong> respecter<br />
lorsqu'on fabrique un texte <strong>de</strong> composition d'examen ou <strong>de</strong> concours.<br />
a) Il faut prévoir les difficultés qui arrêteront <strong>de</strong> nombreux candidats: il se<br />
formera <strong>de</strong>s "bouchons", <strong>de</strong>s goulots d'étranglement. On veillera à ce<br />
qu'aucun <strong>de</strong> ces bouchons ne se pro<strong>du</strong>ise à la question <strong>du</strong> début, ce qui<br />
aurait pour effet <strong>de</strong> décourager la majorité: le correcteur se retrouverait<br />
avec une masse <strong>de</strong> copies très faibles. Plus précisément, cette première<br />
question doit jouer le rôle d'une épreuve éliminatoire. Il ne doit subsister<br />
aucun doute sur l'extrême faiblesse <strong>de</strong> ceux qui ne parviennent pas à<br />
franchir cette étape.<br />
b) Il faut prévoir <strong>de</strong>s déviations pour résorber les bouchons: en d'autres<br />
termes, on ménagera explicitement beaucoup <strong>de</strong> possibilités <strong>de</strong> poursuivre<br />
la recherche sans avoir résolu certaines questions.<br />
c) On évitera les questions corrélées entre elles, en sorte que tout candidat<br />
qui réussit (resp. échoue) à la première, a <strong>de</strong> fortes chances <strong>de</strong> réussir (resp.<br />
échouer) à la secon<strong>de</strong>. La secon<strong>de</strong> question est alors inutile: elle ne fournit<br />
plus aucune information intéressante sur le candidat.<br />
d) On renoncera complètement à l'unité <strong>de</strong> l'énoncé. La cohérence est une<br />
qualité réservée aux exercices d'exposition (chapitre 1). Au contraire, pour<br />
mettre en évi<strong>de</strong>nce la diversité <strong>de</strong>s aptitu<strong>de</strong>s <strong>du</strong> candidat, on visera à<br />
l'éclectisme: on juxtaposera, par exemple, <strong>de</strong>s contrôles <strong>de</strong> connaissances,<br />
<strong>de</strong>s tests d'aptitu<strong>de</strong> au calcul ou au raisonnement logique, <strong>de</strong>s questions<br />
d'intelligence <strong>de</strong>stinées à vérifier la compréhension <strong>de</strong>s notions fondamentales,<br />
<strong>de</strong>s exercices d'imagination, etc., etc. Et tant pis si l'énoncé paraît<br />
décousu. Sa seule finalité est <strong>de</strong> contrôler les diverses qualités <strong>du</strong> candidat.<br />
e) Il n'y a aucun inconvénient à ce que <strong>de</strong>s énoncés d'examen soient trop<br />
courts. Si beaucoup <strong>de</strong> candidats trouvent le temps <strong>de</strong> terminer l'épreuve, il<br />
n'y a qu'à s'en réjouir. La détestable habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> proposer <strong>de</strong>s énoncés trop<br />
longs provient, sans doute, <strong>de</strong> la confusion entre la rédaction d'un test et<br />
celle d'un exercice d'exposition: pour ce <strong>de</strong>rnier, l'auteur est tenu d'amener<br />
l'énoncé à sa conclusion puisqu'il y a un théorème à démontrer ou une<br />
théorie à exposer. Mais, en rédigeant un sujet d'examen, on n'est pas tenu à<br />
exposer un thème jusqu'à son aboutissement. Un énoncé d'examen ne sert<br />
qu'à examiner !
SOMMAIRE 92<br />
6. Notations<br />
Lorsqu'on veut comparer la valeur <strong>de</strong> quelques indivi<strong>du</strong>s, on commence par<br />
déterminer les critères (qualités et défauts) qui serviront à porter le jugement.<br />
On cherche alors à co<strong>de</strong>r ces qualités et défauts, on attribue un<br />
symbole mathématique (appartenant au co<strong>de</strong>) à chaque concurrent. Cette<br />
mathématisation <strong>de</strong>s aptitu<strong>de</strong>s (Cf. chapitre 6) est satisfaisante si la simple<br />
lecture <strong>du</strong> symbole donne une image fidèle <strong>du</strong> candidat.<br />
De nombreux travaux ont été consacrés à la docimologie, qui est l'art<br />
d'interpréter <strong>de</strong>s tests [53], [54]. Quelques institutions spécialisées cherchent<br />
à évaluer les aptitu<strong>de</strong>s et les connaissances <strong>de</strong>s élèves selon <strong>de</strong>s<br />
critères scientifiques [49]. Mais généralement, en France, la confection <strong>de</strong>s<br />
énoncés d'épreuves est fondée naïvement sur les principes <strong>de</strong> la "pifométrie".<br />
On affecte les copies <strong>de</strong> notes, calculées au "milliquart <strong>de</strong> point<br />
près", entre 0 et 20, sans se soucier <strong>de</strong> savoir ce qu'on mesure, ni<br />
pourquoi, ni comment.<br />
Dans l'armée, le codage se fait par gra<strong>de</strong>s, et la règle est simple: c'est le<br />
plus âgé dans le gra<strong>de</strong> le plus élevé qui a toujours raison.<br />
La tradition a fait adopter un modèle mathématique presque aussi<br />
expéditif dans nos examens et concours: on attribue à chaque candidat une<br />
note chiffrée unique et le classement s'effectue par notes décroissantes,<br />
avec éventuellement <strong>de</strong>s ex-aequo.<br />
Ce modèle est en opposition flagrante avec l'expérience: il est impossible<br />
<strong>de</strong> munir les candidats d'un préordre total, compatible avec leurs<br />
qualités (un ordre total lorsqu'il n'y a pas d'ex-aequo). On sait <strong>de</strong>puis<br />
Condorcet (Cf. [37], Christian Corne; Georges Glaeser et aussi Chapitre 6,<br />
exemple 2) que la relation <strong>de</strong>s indivi<strong>du</strong>s suivant leur valeur n'est même pas<br />
transitive. Enfin <strong>de</strong>s candidats classés ex-aequo peuvent avoir <strong>de</strong>s qualités et<br />
<strong>de</strong>s défauts variés, alors que la notation les rend indiscernables.<br />
En fait, les jurys disposent au départ d'une profusion <strong>de</strong> notes, portant<br />
sur <strong>de</strong>s matières différentes. Au lieu <strong>de</strong> traiter ces données scientifiquement<br />
pour améliorer la connaissance <strong>de</strong> la personnalité <strong>de</strong> ceux qu'ils ont à juger,<br />
les jurés s'empressent <strong>de</strong> transformer ces informations en une note unique.<br />
On effectue pour cela une moyenne pondérée, à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> coefficients<br />
choisis empiriquement. Prendre la moyenne est le procédé standard pour<br />
perdre <strong>de</strong> l'information, et c'est en négligeant volontairement tout ce qui<br />
fait l'originalité <strong>de</strong> chaque cas indivi<strong>du</strong>el que le verdict est ren<strong>du</strong>. Peut-on<br />
mettre sur le même plan un élève régulier, sans originalité, et un élève
SOMMAIRE 93<br />
parfois très brillant mais sujet à <strong>de</strong>s défaillances ? En fait, ils ne sont pas<br />
comparables.<br />
Dans les examens, le modèle traditionnel attache une importance<br />
magique à la note 10/20. Pourtant cette note n'a aucune propriété <strong>de</strong>scriptive<br />
particulière; ce n'est que le pseudo-milieu d'un ensemble gra<strong>du</strong>é qui<br />
n'est muni d'aucune structure affine. (Cf. Fascicule 2, Livre <strong>du</strong> Problème).<br />
On trouverait certainement absur<strong>de</strong> et dangereux d'accor<strong>de</strong>r un diplôme d'infirmière<br />
à une stagiaire qui, ayant à effectuer 20 piqûres intraveineuses, n'en raterait<br />
que 7, ce qui lui vaudrait la note 13 largement au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la moyenne!<br />
De même, le questionnaire <strong>de</strong> l'exemple 3 ne donne pas un résultat<br />
satisfaisant si l'on fournit 8 réponses correctes sur les 15 posées.<br />
Un modèle mathématique qui décrirait plus fidèlement les mérites<br />
respectifs <strong>de</strong>s candidats à un examen pourrait se baser sur une liste d'une<br />
trentaine, au plus, <strong>de</strong> types caractérologiques décrits à l'avance. Il préciserait<br />
explicitement les niveaux <strong>de</strong> connaissances, les aptitu<strong>de</strong>s et les<br />
performances, <strong>de</strong> sorte qu'il ne soit pas trop difficile <strong>de</strong> répartir les<br />
candidats entre ces types.<br />
On ne chercherait pas à établir une relation d'ordre total entre ces<br />
types, et l'on renoncerait à la notion <strong>de</strong> succès et d'échec à l'examen.<br />
Le résultat ne serait plus un classement par valeur croissante, ni une<br />
partition brutale en <strong>de</strong>ux classes (les "reçus" et les "recalés').<br />
Ce système faciliterait la poursuite <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s et l'orientation professionnelle,<br />
alors que le baccalauréat (avec mention passable) ne fournit<br />
aucune indication qui permette <strong>de</strong> choisir entre la marine marchan<strong>de</strong>, la<br />
dactylographie ou l'école <strong>de</strong>s Arts décoratifs.<br />
Pour établir la liste <strong>de</strong>s types caractérologiques, il suffirait d'utiliser les<br />
travaux concernant l'orientation professionnelle. Chaque type caractérologique<br />
n'est pas caractérisé par une note unique mais par un assemblage <strong>de</strong><br />
notes que les psychotechniciens appellent un profil.<br />
Depuis les travaux <strong>de</strong> Spearman [55], et le développement <strong>de</strong> l'Analyse<br />
factorielle, on sait représenter ce profil par un vecteur d'un espace euclidien<br />
à n dimensions. Chacune <strong>de</strong>s coordonnées <strong>de</strong> ce vecteur représente une<br />
aptitu<strong>de</strong> et le fait que <strong>de</strong>ux vecteurs soient orthogonaux se tra<strong>du</strong>it par une<br />
corrélation nulle entre les aptitu<strong>de</strong>s considérées.
SOMMAIRE 94<br />
C'est dans la voie d'une représentation plus fidèle <strong>de</strong> la personnalité <strong>de</strong> chacun que<br />
la technique <strong>de</strong>s tests pourra prendre une résonance plus humaine, moins<br />
aliénante, moins traumatisante, moins critiquable, moins absur<strong>de</strong>!<br />
Disons pour terminer quelques mots au sujet <strong>de</strong> la sensibilité <strong>de</strong>s<br />
systèmes <strong>de</strong> notation.<br />
Les nuances que l'on espère exprimer en accordant la note 18 ou 16 à<br />
un élève brillant (resp. 0 ou 3 à un élève nul) sont tout à fait illusoires et c'est<br />
dans cette pseudo-précision que les différences <strong>de</strong> sévérité ou d'in<strong>du</strong>lgence<br />
<strong>de</strong> chaque correcteur risquent <strong>de</strong> causer le plus d'injustices.<br />
Pourtant, cette pratique arbitraire et néfaste est officiellement encouragée.<br />
Comme supplément aux oeuvres <strong>de</strong> Courteline, citons le texte d'une<br />
circulaire, datée <strong>du</strong> 9 juillet 1971, publiée par le Secrétariat d'État chargé <strong>de</strong><br />
la jeunesse, <strong>de</strong>s sports et <strong>de</strong>s loisirs, relative à la notation <strong>du</strong> personnel<br />
d'inspection.<br />
"Il est <strong>de</strong>mandé aux recteurs d'Académie <strong>de</strong> retenir le barème suivant:<br />
Exceptionnel 19; très bien: <strong>de</strong> 17 à 18 3<br />
; bien: <strong>de</strong> 14<br />
1<br />
4 4<br />
<strong>de</strong> 12 à 14; passable <strong>de</strong> 11 1<br />
à 11<br />
3<br />
à 16 3<br />
4<br />
; assez bien:<br />
; médiocre <strong>de</strong> (sic) 11 et au-<strong>de</strong>ssous"'<br />
4 4<br />
On remarquera que l'attribution <strong>de</strong> la note 20 n'est pas prévue, la perfection<br />
n'étant pas <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>. Toutefois, comme il n'est pas interdit <strong>de</strong> s'en approcher,<br />
la circulaire <strong>du</strong> Secrétariat d'État invite les recteurs, au cas où "plusieurs inspecteurs<br />
obtiendraient la note 19" à procé<strong>de</strong>r i un classement préférentiel <strong>de</strong>s intéressés,<br />
en faisant suivre la note 19 d'un numéro <strong>de</strong> préférence (19 - 1 ; 19 - 2 ;<br />
19- 3 ; etc… )".<br />
Par contre, la classification en 5 types: (nul, faible, moyen, satisfaisant<br />
et excellent) décrit plus objectivement le jugement d'un correcteur (surtout si<br />
l'on se met préalablement d'accord sur les limites que comportent ces<br />
appréciations, en décrivant , <strong>de</strong> nombreux exemples). Cependant, dans<br />
certains cas, la mention "moyen" n'est pas assez différenciée. Au cours<br />
d'un examen partiel, à l'Institut <strong>de</strong> Mathématiques <strong>de</strong> <strong>Strasbourg</strong>, les six<br />
catégories suivantes<br />
moyens irréguliers<br />
nuls faibles satisfaisants excellents<br />
moyens réguliers<br />
se sont révélés suffisamment précises, pour renseigner les étudiants sur leur
SOMMAIRE 95<br />
niveau, et cette classification était suffisamment sensible pour que le jury<br />
n'ait aucune hésitation dans le classement <strong>de</strong>s copies dans chacune <strong>de</strong>s<br />
rubriques ci-<strong>de</strong>ssus'<br />
Par contre, s'il s'agit d'un examen <strong>de</strong> recrutement <strong>de</strong> professeurs, il n'y a<br />
pas lieu <strong>de</strong> distinguer les nuls et les faibles, ni même les moyens. Mais les<br />
rubriques "satisfaisants" et "excellents" doivent se subdiviser pour rendre<br />
compte <strong>de</strong> la diversité <strong>de</strong>s types caractérologiques <strong>de</strong>s élèves-maitres.<br />
7. Thèmes <strong>de</strong> recherche<br />
Ce qui précè<strong>de</strong> montre à l'évi<strong>de</strong>nce qu'il reste beaucoup à faire pour<br />
perfectionner l'art <strong>du</strong> contrôle <strong>de</strong>s connaissances et <strong>de</strong>s aptitu<strong>de</strong>s en<br />
mathématiques'<br />
Un effort s'impose notamment dans les directions suivantes:<br />
a) Mise au point <strong>de</strong> nouvelles formes <strong>de</strong> tests, adaptés à <strong>de</strong>s finalités <strong>de</strong><br />
plus en plus diversifiées.<br />
b) .Adaptation <strong>de</strong>s textes d'examens à une correction plus souple et plus<br />
juste.<br />
Grosso modo, le correcteur se charge aujourd'hui simultanément <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />
tâches:<br />
Un dépouillement mécanique <strong>de</strong>, réponses qui pourrait être avantageusement<br />
confié à un ordinateur.<br />
Une appréciation, un jugement <strong>de</strong> valeur, où seul un pédagogue<br />
compétent peut faire oeuvre utile'<br />
Il conviendrait donc <strong>de</strong> structurer les examens en sorte que les tâches <strong>de</strong><br />
routine ne viennent pas distraire le correcteur <strong>de</strong> son rôle essentiel.<br />
Certains jurys <strong>de</strong> l'Université <strong>de</strong> Grenoble ont mis au point <strong>de</strong>s sujets<br />
d'examen, où <strong>de</strong>s feuilles <strong>de</strong> réponses spéciales séparent nettement les<br />
parties <strong>de</strong> la copie dont le correcteur doit peser chacun <strong>de</strong>s mots et les<br />
résultats qu'il suffit <strong>de</strong> vérifier'<br />
c) Étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'influence <strong>de</strong> la <strong>du</strong>rée <strong>de</strong>s épreuves sur les résultats'<br />
Sous-estimer le temps nécessaire pour résoudre un exercice est une<br />
faute pédagogique constamment dénoncée, constamment renouvelée. On<br />
aboutit à juger <strong>de</strong> l'aptitu<strong>de</strong> à ne pas écrire trop <strong>de</strong> bêtises lors d'une<br />
course <strong>de</strong> vitesse.
SOMMAIRE 96<br />
Des tentatives ont été faites pour proposer <strong>de</strong>s compositions ou <strong>de</strong>s<br />
examens sans limitation <strong>de</strong> <strong>du</strong>rée' Les résultats out été très encourageants:<br />
copies plus intelligentes, plus rince bics, sans gros lapsus'<br />
d) Réalisation <strong>de</strong> conditions d'examen où l'appréhension, l'angoisse,<br />
l'inhibition soient ré<strong>du</strong>ites [56]. l'es candidats qui per<strong>de</strong>nt leurs moyens<br />
en pério<strong>de</strong> d'examen ne sont pas nécessairement les moins intéressants.<br />
On a fait <strong>de</strong>s efforts pour atténuer le caractère ponctuel <strong>de</strong>s épreuves,<br />
qui ne doivent pas déci<strong>de</strong>r <strong>du</strong> sort d'un candidat une fois par an, sans<br />
recours, sans appel.<br />
En mathématiques, il est aisé <strong>de</strong> composer <strong>de</strong>s sujets pour lesquels<br />
l'usage <strong>de</strong> documents n'offre aucun inconvénient. Il offre I'avantage <strong>de</strong><br />
sécuriser 1e candidat coutre la terreur <strong>du</strong> fameux trou <strong>de</strong> mémoire.<br />
e) Réflexion sur la pédagogie <strong>de</strong> l'interrogation orale. Il serait intéressant<br />
<strong>de</strong> mêler systématiquement <strong>de</strong>s psychologues au public qui assiste à<br />
l'examen oral. A ce face-à-face ni le maître, ni l'élève ne sont suffisamment<br />
préparés.<br />
De toute façon <strong>de</strong>s recherches pourraient être entreprises pour dégager<br />
les qualités spécifiques que doivent comporter <strong>de</strong>s questions d"interrogation<br />
orale: il faut enseigner aux futurs maîtres l'art d'interroger, sans cruauté,<br />
sans naïveté excessive, avec <strong>de</strong>s finalité préalablement fixées.<br />
f) Élimination <strong>de</strong> la contre-pédagogie <strong>du</strong> bachotage. Pour que l'examen <strong>de</strong><br />
fin d'année ne soit pas l'épée <strong>de</strong> Damoclès qui conditionne tout<br />
l'enseignement, on pourrait envisager que <strong>de</strong>s examens <strong>de</strong> pronostics<br />
aient lieu an début <strong>de</strong> l'année. Une fraction non négligeable <strong>de</strong>s élèves<br />
serait assurée, sous réserve d'une assi<strong>du</strong>ité et d'un travail normaux, d'être<br />
dispensée d'examen <strong>de</strong> fin d'année. Celui-ci prendrait la forme d'un<br />
examen <strong>de</strong> passage réservé à ceux pour lesquels le pronostic aurait été<br />
douteux.
SOMMAIRE<br />
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25. G. GATTEGNO. L'enseignement <strong>de</strong>s mathématiques. Tome Il. Étu<strong>de</strong> <strong>du</strong><br />
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SOMMAIRE 99<br />
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27. −−−−−−−−−−−−−−−−−−−−Les transformations affines dans le premier cycle<br />
<strong>de</strong> l'école secondaire. Mo<strong>de</strong>rnisation <strong>de</strong> l'enseignement mathématique<br />
dans les pays européens. Colloque International Unesco. Bucarest 1968.<br />
28. W. ROUSE BALL. Récréations mathématiques et problèmes. Hermann,<br />
Paris {926.<br />
29. Cette caricature a paru dans la revue L'échiquier <strong>de</strong> Paris. Septembre-<br />
Octobre 1949'<br />
30. J. BERTIN. Initiation au problème d'échecs. Stock Paris 1934'<br />
31. A. CHERON. Les échecs artistiques. Pavot 1934 .<br />
(Ce lire développe une conception très unilatérale <strong>de</strong> la composition<br />
échiquéenne Mais le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l'auteur intéressera particulièrement<br />
le professeur <strong>de</strong> mathématique).<br />
32. C. MANSFIELD. Adventure in Composition , (L'Art <strong>de</strong> composer <strong>de</strong>s<br />
problèmes d'échecs en <strong>de</strong>ux coups). Édité par A. White, Liverpool 1948.<br />
33. THEMES/64. Revue trimestrielle, éditée par les Amis <strong>du</strong> Problème<br />
d'Échecs. 14, avenue Ledru-Rollin, Paris XIII.<br />
34. OWEN STORER . A think about Think-a-Dot. Mathematics teaching,<br />
num. 45, p. 50-55. 1968.<br />
34 a. B. L. SCHWARTZ. Mathematical Theory of Think-A-Dot. Mathematics<br />
Magazine, vol. 40, p. 187-193, 1967.<br />
34 b. S. KRAVITZ. Additional theory of Think-A-Dot. Journal of Recrea<br />
tional Mathematics, vol. 1, p. 247-250, 1968.<br />
34 c. Le fabricant est E.S.R., Inc., 34, Label Street, Montclair, N.J.07042,<br />
États-Unis d'Amérique <strong>du</strong> Nord.<br />
35. H. 0. POLLAK. Hx can we teach applications of Mathematics. Actes<br />
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36. −−−−−−−−−−−−−On teaching applications of mathematics. Actes <strong>du</strong><br />
Congrès International <strong>de</strong>s Mathématiciens. Volume 3. Nice. Gauthiers-<br />
Villars. Paris.<br />
37. GALION. Troisième Séminaire International. La mathématique et ses<br />
applications. Valloire 1972. Édition CEDIC. 1972.<br />
38. GALION. Deuxième Séminaire International. La concrétisation en<br />
mathématiques. Frysksâs 1971. O.C.D.I. - HATIER.
SOMMAIRE 100<br />
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numéro 281, 1972.<br />
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Un résumé en français <strong>de</strong> cet article est publié dam ARP (Activité <strong>de</strong><br />
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92 - Meudon.<br />
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Mathematics Teaching. Vol. 60. 1972.<br />
47. L'I.R.E.M.<strong>de</strong> <strong>Strasbourg</strong> projette un fascicule <strong>du</strong> présent "Livre <strong>du</strong><br />
Problème" sur ce sujet.<br />
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française <strong>de</strong> :M. Lavallée. Éditions mo<strong>de</strong>rnes Montréal 1969.<br />
49. UNIVÉRSITY OF LONDON . General Certificate of E<strong>du</strong>cation Examination<br />
Mathematics Svllabus C. Ordinary Level. a) Teachers booklet.<br />
b) Candidate's booklet.<br />
50. Y. TOUNIER . Classification <strong>de</strong>s questions d'évaluation en mathématique.<br />
Mathematica et Paedagogia, num. 56, 1972.<br />
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cremones,•, Rome 1959.<br />
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et Métiers. Paris 1936.<br />
56. P. M. DUFFIEUX . Examens sans angoisse. E<strong>du</strong>cation Nationale 1961.<br />
numéro 2;. p. 11. 12.
SOMMAIRE<br />
EDITIONS C E D I C<br />
N° d'éditeur 472.09<br />
Dépôt légal 4e Trim.<br />
1972 Imprimerie<br />
VAUDREY - LYON