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HISTOIRE FOLKLORIQUE D'UN FAIT DIVERS: source probable du ...

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ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS<br />

FACULTAS PHILOSOPHICA PHILOLOGICA 76<br />

<strong>HISTOIRE</strong> <strong>FOLKLORIQUE</strong> D’UN <strong>FAIT</strong> <strong>DIVERS</strong>:<br />

<strong>source</strong> <strong>probable</strong> <strong>du</strong> Malenten<strong>du</strong> de Camus<br />

et Niespodzianka de Rostworowski<br />

Renata Jakubczuk<br />

Quand on cherche une <strong>source</strong> ou des <strong>source</strong>s d’une oeuvre littéraire, il faut être<br />

conscient de toutes les précautions à prendre dans cette matière. La situation est particulièrement<br />

difficile à propos <strong>du</strong> Malenten<strong>du</strong> et de Niespodzianka car on est tenté de chercher<br />

les origines de ces tragédies dans plusieurs <strong>source</strong>s, chacune <strong>probable</strong>. Evidemment,<br />

Camus en parle lui-même en annonçant l’histoire <strong>du</strong> Malenten<strong>du</strong> dans L’Etranger où<br />

Meursault nous présente un fragment de fait divers tiré d’un vieux journal trouvé sous sa<br />

paillasse:<br />

«Entre ma paillasse et la planche <strong>du</strong> lit, j’avais trouvé, en effet, un vieux morceau de journal<br />

presque collé à l’étoffe, jauni et transparent. Il relatait un fait divers dont le début manquait, mais<br />

qui avait dû se passer en Tchécoslovaquie. Un homme était parti d’un village tchèque pour faire<br />

fortune. Au bout de vingt-cinq ans, riche, il était revenu avec une femme et un enfant. Sa mère<br />

tenait un hôtel avec sa soeur dans son village natal. Pour les surprendre, il avait laissé sa femme et<br />

son enfant dans un autre établissement, était allé chez sa mère qui ne l’avait pas reconnu quand il<br />

était entré. Par plaisanterie, il avait eu l’idée de prendre une chambre. Il avait montré son argent.<br />

Dans la nuit, sa mère et sa soeur l’avaient assassiné à coups de marteau pour le voler et avaient jeté<br />

son corps dans la rivière. Le matin, la femme était venue, avait révélé sans le savoir l’identité <strong>du</strong><br />

voyageur. La mère s’était pen<strong>du</strong>e. La soeur s’était jetée dans un puits. J’ai dû lire cette histoire des<br />

milliers de fois. D’un côté, elle était invraisemblable. D’un autre, elle était naturelle. De toute<br />

façon, je trouvais que le voyageur l’avait un peu mérité et qu’il ne faut jamais jouer.» 1<br />

Mais d’où vient ce fait divers, de quel journal, ou, peut-être, c’est Camus qui a tout<br />

inventé?<br />

Nous ne prétendons pas citer toutes les parentés de Niespodzianka et Le Malenten<strong>du</strong> ou<br />

démontrer un plagiat des deux écrivains comme l’avaient fait certains critiques littéraires.<br />

Nous essaierons de voir simplement depuis combien de temps et comment fonctionne ce<br />

récit dans l’histoire littéraire.<br />

Henry Amer, dans son article intitulé «Une <strong>source</strong> <strong>du</strong> Malenten<strong>du</strong>?», nous présente une<br />

nouvelle publiée dans Le Petit Journal le 5 juin 1924. Voici le conte qui portait le titre,<br />

chose surprenante, de L’Etranger!<br />

1 Albert Camus, Théâtre, récits, nouvelles, Paris 1962, NRF, Ed. Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, p. 1182.<br />

65


66<br />

«Baï, attablé, finissait de boire en face de Yanko silencieux. Dehors, le soleil disparaissait derrière<br />

les montagnes, d’où descendait un concert cristallin de clarines. Le vieux versa encore un peu de<br />

vin chaud dans le verre de son hôte.<br />

– Alors, tu nous reviens comme ça d’Amérique, avec de l’argent? Ta maison en a besoin, Baï! Ils<br />

sont pauvres. Ils n’ont plus qu’une chèvre. C’est Marfa qui va être contente, et les deux petites qui<br />

ont grandi depuis, et le vieux père Pétar!...<br />

– Oui, dit enfin Baï, je suis heureux d’être arrivé, frère! Quinze ans que j’attends cette heure-là.<br />

C’est de penser à eux qui m’a donné le courage de tout supporter. C’est maintenant seulement que<br />

je ressens ma fatigue. Enfin, je vais pouvoir me reposer!<br />

– Si tu veux arriver avant la nuit, il faut partir, petit frère! dit Yanko en se levant. Je te prête une<br />

mule. Je suis sûr qu’ils ne vont pas te reconnaître, dit-il, en riant dans sa barbe!<br />

Baï finit, d’une rasade, le vin chaud qui lui fit briller le regard. Il se donna une claque sur les<br />

cuisses et s’écria:<br />

– Une fameuse idée! Je vais leur en faire une surprise! Je frappe chez nous comme un pèlerin<br />

égaré et le lendemain, tu m’apportes mes bagages! C’est dit?<br />

– Alors, il faut que tu partes tout de suite! A demain, petit frère!<br />

Au pas de son mulet, le soir tombant, Baï reprit conscience de son esprit natal. Quinze ans de<br />

souvenirs étrangers lui échappaient si facilement, qu’il s’en étonnait. Il se retrouvait plus complètement<br />

à chaque pas, tel qu’il était jadis dans sa jeunesse, quand il revenait à la maison par un soir<br />

pareil à ce soir. Les branches des arbres encore défeuillées oscillaient dans l’ombre comme les bras<br />

des fées redoutables qui le faisaient frisonner.<br />

Oh! qu’il faisait bon de se retrouver un pays, un foyer, une famille, et d’être celui qui leur<br />

apportait la joie! Malgré que la nuit fût tombée, il reconnut sa maison à droite de la route. Un peu<br />

de fumée sortait des fentes <strong>du</strong> toit de bois. Il frappa. La lueur d’une chandelle de suif éclaira<br />

l’ouverture de la porte et une femme, misérablement vêtue, demanda d’un ton traînard:<br />

– Qu’est-ce qui est là?<br />

Le coeur de l’homme battit follement.<br />

– Petite cousine, implora-t-il, je suis un pauvre voyageur, un pèlerin égaré. Je te demande<br />

suelement l’hospitalité pour la nuit.<br />

La femme le regarda, les sourcils froncés. Mais une voix sourde chevrota dans l’ombre, derrière<br />

elle:<br />

– Qu’il entre pour l’amour de Dieu!<br />

Il pénétra dans la pièce obscure. Un feu de bois allumé à même le sol emplissait la chambre d’une<br />

fumée âcre qui le fit tousser. Le vieux père Pétar, avide de nouvelles, avait poussé devant le feu un<br />

coffre recouvert d’un morceau de tapis:<br />

– Marfa, donne-lui <strong>du</strong> café, dit-il. Et s’adressant au voyageur: «Assieds-toi, frère! Tu vas en<br />

pèlerinage?»<br />

Alors Baï parla lentement, pour se donner le temps de renaître à cette atmosphère, de retrouver les<br />

siens, de revoir sa maison, où il était tout d’un coup attristé que l’on ne le reconnût pas.<br />

– Oui, petit oncle, je vais au monastère de Cietpo.<br />

Et, pensant à ses filles:<br />

– Vous avez des enfants, dit-il à la femme?<br />

– Pava, avance donc un peu avec ta soeur! dit la mère.<br />

Deux jeunes filles aux traits réguliers, mais vêtues de haillons, s’approchèrent dans le cercle de<br />

lumière, en lançant à l’étranger des regards farouches, timides et inquisiteurs.<br />

– Mais elles sont jolies, dit-il, en leur tendant la main.<br />

Elles sourirent de plaisir mas ne bougèrent pas.<br />

– Nous ne sommes pas riches, dit Marfa. Mais nous allons te donner ce que nous avons, avant de<br />

te coucher.


Pava mit devant lui, sur la table, un grand fromage de la montagne, avec un pain de maïs qui<br />

mouillèrent ses yeux d’émotion. Le vieux alla chercher une pipe qu’il bourra lui-même avant de la<br />

tendre à l’étranger.<br />

– Dieu te le rende! articula Baï d’une voix tremblante.<br />

Bien qu’il fût prévenu, une angoisse le prit devant cette misère. Puis, pensant à la petite fortune<br />

qu’il leur apportait, il ressentit l’affectueux désir de leur montrer qu’il était riche.<br />

Mais il se réveilla de son rêve, dans la misérable cabane, en entendant le père Pétar lui dire:<br />

– Tu ne manges donc pas, petit frère?<br />

Il vit sa fille Pava, l’oeil brillant, regarder la chaîne de son gilet. Il la défit en disant:<br />

– Tiens, Pava! je te la donne!<br />

Mais comme elle ne prenait pas l’objet, il le déposa sur la table. Alors, pendant qu’il mangeait,<br />

toute l’attention de ces pauvres fut absorbée par la chose étrange qui brillait au milieu de ces quatre<br />

murs lépreux, une montre en or. Tous les yeux s’y fixèrent, la considéraient avec admiration, envie,<br />

désir, colère et désespoir.<br />

Après avoir bu, il tira de son portfeuille une liasse de billets et mit cinq dinars sur la table, en leur<br />

disant:<br />

– Voilà pour vous! Je suis mort de fatigue. Je vais me coucher.<br />

Il se leva et Pava, armée de la chandelle, le con<strong>du</strong>isit au fond, dans une alcôve. Il se jeta sur la claie<br />

recouverte de laine et, brisé de lassitude, s’endormit.<br />

*<br />

**<br />

Le lendemain, Yanko, qui avait bâté deux mulets pour transporter les bagages de son ami, suivait<br />

la route à pied en ruminant la joie de ces pauvres gens.<br />

Il arrêta ses bêtes devant la barrière de bois et aperçut Marfa qui tirait un seau d’eau <strong>du</strong> puits.<br />

– Et bien, Marfa! cria-t-il gaîment, comment va le voyageur?<br />

A ces mots, le père Pétar sortit de la maison et Marfa qui lâcha la corde qui se déroula en<br />

ferraillant.<br />

– Il dort encore, le paresseux! continua Yanko, en avançant vers le père et la fille, qui semblaient<br />

pétrifiés comme devant une apparition.<br />

– Je ne sais pas ce que tu veux dire, Yanko, prononça enfin le père Pétar. Nous n’avons pas vu de<br />

voyageur.<br />

Yanko s’arrêta en le fixant avec le pressentiment de quelque chose d’insolite.<br />

– Vous n’avez pas vu de voyageur?<br />

Puis, pensant qu’il lui était peut-être arrivé un malheur en route, redoutant qu’il se fût égaré dans<br />

un pays qu’il avait quitté depuis si longtemps, il expliqua à la femme:<br />

– Ton mari était revenu hier d’Amérique. Il avait laissé ses bagages chez moi. Il voulait vous<br />

surprendre pour voir si vous pourriez le reconnaître...<br />

Mais avant qu’il eût fini, la femme s’écria:<br />

– Seigneur, pardonnez-moi!<br />

Elle tomba sur les genoux en hurlant comme louve blessée. Puis se relevant aussitôt, elle se<br />

pencha sur la margelle et se laissa choir. On entendit l’eau clapoter contre les parois <strong>du</strong> puits.<br />

Bousculant le vieillard, Yanko entra dans la salle. Assises sur leur grabat, serrées l’une contre<br />

l’autre, les deux soeurs pleuraient et s’écrièrent à sa vue, d’une voix entrecoupée:<br />

– Ce n’est pas nous! Ce n’est pas nous!<br />

Baï, sanglant, ligoté sur son lit, avait été tué à coups de hache.<br />

Luc Joséban.» 2<br />

2<br />

Henry Amer, Une <strong>source</strong> <strong>du</strong> «Malenten<strong>du</strong>»?, [in] Revue d’histoire littéraire de la France, janvier-février 1970,<br />

70e année, nr 1.<br />

67


Bien enten<strong>du</strong>, on repère facilement les différences entre ce conte et Le Malenten<strong>du</strong>. Tout<br />

d’abord, les personnages ne sont pas les mêmes: dans le conte, le père 3 et la belle fille<br />

constituent le couple meurtier; dans Le Malenten<strong>du</strong>, ce rôle est dévolu à la mère et à la fille –<br />

le protagoniste revient avec une femme (ils n’ont pas d’enfants) après un séjour en Afrique<br />

tandis que celui <strong>du</strong> conte avait séjourné en Amérique et revient retrouver sa femme et ses<br />

enfants; Camus place son auberge en Bohême où le voyageur est empoisonné et noyé dans<br />

une rivière, l’action <strong>du</strong> conte se passe en Serbie 4 et l’hôte est tué à coups de hache.<br />

Or, les ressemblances des deux récits nous paraissent plus importantes. Toute l’intrigue<br />

est basée sur l’effet de surprise: Baï et Jan veulent rendre heureux leurs proches et pour que<br />

la joie soit complète, ils souhaitent d’abord montrer leurs richesses et, ensuite, révéler leurs<br />

identités. Ils pensent connaître, en même temps, les rêves des membres de leurs familles et<br />

mieux les réaliser dans l’avenir. Au début, les deux protagonistes sont accueillis correctement<br />

et le meurtre s’accomplit pendant leur sommeil. Les deux hommes reviennent de pays<br />

lointains après un séjour de plusieurs années – une période suffisamment longue pour que<br />

la famille la plus proche ne puisse pas les reconnaître. La similitude des prénoms – Marfa et<br />

Marta ainsi que Jan Yanek (ami de Baï) – est également à signaler.<br />

Il est peu <strong>probable</strong> que Rostworowski connaisse cette nouvelle – en tout cas, on n’en<br />

trouve aucune trace dans la critique polonaise. Néanmoins, les analogies sont nombreuses.<br />

Tout d’abord, avant d’entrer dans la maison familiale, les protagonistes rencontrent leurs<br />

proches: Baï retrouve son ami, Yanko et Antek rentre dans l’auberge <strong>du</strong> village où il<br />

rencontre de lointains cousins. Dans les deux récits, nous voyons les filles adolescentes: la<br />

petite soeur de Antek – Zos’ka et deux filles de Baï dont l’une seulement est identifiée<br />

(Pava). Les deux voyageurs reviennent de l’Amérique apres avoir fait fortune dans ce<br />

continent de rêves. On peut admettre que, dans les deux récits, ce sont les femmes qui<br />

commettent le crime avec une aide considérable des pères des protagonistes 5 . Ces derniers<br />

meurent de fatigue en rentrant dans le foyer familial ce qui les empêche de parler un peu<br />

plus avec leurs proches et, peut-être, de révéler leur identité. Dans les deux cas, c’était une<br />

montre brillante et, ensuite, un billet de banque, qui étaient la cause directe <strong>du</strong> crime.<br />

Paradoxalement, la pièce de Rostworowski est plus proche de ce conte que celle de<br />

Camus qui a pu en avoir connaissance.<br />

Nous voudrions ajouter, d’après Henry Amer, quelques remarques. Le conte, publié en<br />

1924 dans le journal, avait été amputé de tout son début. Meursault, dans L’Etranger, dit<br />

que «le début manquait» dans son fait divers. Autre analogie, il l’avait trouvé sur un vieux<br />

morceau <strong>du</strong> journal – Camus pouvait bien tomber sur un vieux numéro <strong>du</strong> Petit Journal,<br />

très populaire à l’époque...<br />

Or, Luc Benoist n’a pas inventé cette histoire, il s’était inspiré de la lecture d’un court fait<br />

divers analogue publié dans un journal quelques mois auparavant...<br />

Ainsi, nous arrivons à une autre étape de nos recherches: où, dans quels journaux, dans<br />

quels pays, sur quels continents, peut-on trouver les traces d’un même fait divers?<br />

3 Il faut noter que Camus n’a pas connu son père et de ce fait, il donne une place privilégiée à la mère.<br />

4 Henry Amer cite comme <strong>source</strong> sûre l’auteur <strong>du</strong> conte: M. Luc Benoist.<br />

5 Chez l’auteur polonais, c’est la mère qui tue le fils – le père est à l’auberge à ce moment-là; dans le conte, la<br />

femme s’écrie: «Seigneur, pardonnez-moi!», ce qui peut suggérer que c’était elle qui avait tué son mari.<br />

68


Nous devons constater qu’on les retrouve dans les légendes de nombreux pays <strong>du</strong> monde<br />

entier. Depuis le Moyen Age, l’histoire <strong>du</strong> fils tué par ses proches reparaît systématiquement<br />

dans les récits ou dans la presse.<br />

En France, les premières indications sur un même thème datent <strong>du</strong> Moyen Age. Paul<br />

Bénichou invoque une vieille chanson <strong>du</strong> Nivernais Le Soldat tué par sa mère 6 . Un fait<br />

divers, survenu à Tours en juin 1796, a servi de canevas à Louis Caude de Saint-Martin pour<br />

Mon Portrait.<br />

En Allemagne, nous pouvons trouver la pièce de Zacharias Werner intitulée Le 24 février<br />

qui porte sur la même matière que Le Malenten<strong>du</strong>. Chez l’auteur allemand, c’est le père qui<br />

tue son fils, revenu incognito pour restaurer la fortune familiale. «L’auteur y pousse<br />

à l’excès le mystérieux et la fatalité de l’enchaînement des faits.» 7<br />

En Angleterre, George Lillo écrit en 1736 The Fatal Curiosity: a True Tragedy of three<br />

acts – «Un fils prodigue, tenu pour mort, rentre couvert d’or au foyer paternel où il trouve<br />

ses parents ruinés. Ayant caché son identité et étant hébergé comme un voyageur de<br />

passage, il est assassiné pendant son sommeil par son père, qui agit sous l’instigation de la<br />

mère [...]. Les parents se suicident à la révélation de leur crime.» 8<br />

Un autre Anglais, Robert Brooke (1887-1915) reprend le même sujet dans sa pièce<br />

Lithuania mais cet auteur était peu connu à l’époque de Camus. 9<br />

L’histoire <strong>du</strong> fils prodigue tué par ses proches court à travers toute l’Europe. Maria<br />

Kosko, dans son article A propos <strong>du</strong> Malenten<strong>du</strong> 10 ajoute que cette histoire apparaît au<br />

XVIIIe siècle dans une nouvelle italienne et dans un conte anglais, au XIXe siècle dans un<br />

roman tchèque et au XXe siècle dans un roman scandinave.<br />

Enfin, hors d’Europe, l’écrivain sud-américain Domingo Sarmiento assure que la même<br />

légende est très répan<strong>du</strong>e au Chili 11 et Robert Penn Warren, en 1944, publie la Ballad of<br />

billie Potts où on retrouve le même thème dans une chanson populaire des montagnes <strong>du</strong><br />

Kentucky 12 .<br />

Et en Pologne, existe-il une même histoire d’origine folklorique?<br />

Rostworowski a intitulé sa pièce Niespodzianka. Prawdziwe zdarzenie w czterech aktach et<br />

il avoue que c’était un ami – Ksawery Pusłowski qui lui avait raconté cette histoire après l’avoir<br />

lue dans un journal: «Była to historia tak niesłychana, że mnie po prostu przeszły ciary.<br />

Zawołałem do kuzyna: «Wiesz Sawa, toż to jest gotowy dramat!» a że w takich chwilach<br />

w człowieku krew przemienia się w atrament, jak szalony zabrałem się do pisania.» 13<br />

6<br />

Littérature et traditions <strong>du</strong> Nivernais, tome I, p. 286; cité par Roger Quillot, [in] Albert Camus, Théâtre...,<br />

p.1788.<br />

7<br />

R. Gay-Crosier, Les envers d’un échec, Paris 1967, Minard, Bibliothèque des Lettres Modernes, p. 101.<br />

8<br />

I. Coombs, Camus, homme de théâtre, Paris 1968, Nizet, p. 55.<br />

9<br />

R. Gay-Crosier, Carnet critique [in] Albert Camus 6, La Revue des Lettres Modernes, 1973, pp. 183–184.<br />

L’auteur y critique la thèse de Juan Valdano selon lequel Lithuania présente, outre la proximité géographique,<br />

“trop” de coïncidences et de ressemblances pour qu’on ne soit pas amené à conclure que “Camus connaissait sans<br />

aucun doute le drame de Brooke” (p. 58).<br />

10<br />

In Comparative Literature, nr 10, 1958, pp. 376–77.<br />

11<br />

R. Quilliot [in] Albert Camus, Théâtre..., p. 1788.<br />

12<br />

I. Coombs, op. cit., p. 56.<br />

13<br />

Interwiev de l’auteur «Jak powstała Niespodzianka? Rozmowa z laureatem konkursu Teatru im. J. Słowackiego<br />

K. H. Rostworowskim» [in] Głos Naro<strong>du</strong>, 31. XII. 1928, nr 354.<br />

69


On ne précise nulle part de quel journal vient cette histoire mais il serait intéressant de<br />

citer ici un fait divers trouvé par hasard par Jacek Popiel dans Głos Naro<strong>du</strong> (1925, nr 110)<br />

intitulé Straszny dramat na Bukowinie. Nie wiedząc, zamordowali syna:<br />

„Straszny dramat rozegrał się we wsi Sława Rusa obok Czerniowiec na Bukowinie. Niedawno<br />

wrócił do tej gminy młody Gheorghe Achimof z Ameryki. Przywiózł ze sobą 30 000 dolarów. By<br />

zrobić niespodziankę swym rodzicom, żyjącym w wielkiej biedzie, udał początkowo, że jest<br />

obcym i prosił rodziców, którzy go nie poznali, o nocleg i posiłek. Że jednak rodzice nie mieli ani<br />

grosza, by coś kupić, wyciągnął chłopak banknot stulejowy z portfelu i dał go swemu ojcu, by coś<br />

przyniósł ze szynku. Rodzice przy tym zobaczyli, że ma <strong>du</strong>żo dolarów w portfelu. Po kolacji<br />

położył się Gheorghe Achimof spać. Podczas gdy stary Achimof wydali się z izby, powzięła matka<br />

chłopaka potworny plan zamordowania obcego i obrabowania go. Zadała śpiącemu siekierą kilka<br />

ciosów w głowę – śmierć nastąpiła natychmiast. W międzyczasie dowiedział się ojciec w karczmie,<br />

że obcy jest jego synem. Uradowany powrócił do domu, by uściskać syna, którego tak długo nie<br />

widział. Na progu spotkał jednak żonę, która mu wyznała swą zbrodnię. Starzec z rozpaczy dostał<br />

pomięszania zmysłów. Matka chciała popełnić samobójstwo, przeszkodzono jej jednak i oddano<br />

władzom sądowym.“ 14<br />

Il est <strong>probable</strong> que Rostworowski ait lu cette histoire, d’autant plus que dans le même<br />

numéro <strong>du</strong> journal se trouve une information concernant le séjour de Rostworowski<br />

à Monte Carlo 15 . Cette situation ressemble fort à celle de Camus qui avait la possibilité de<br />

lire le conte de M. Luc Benoist.<br />

Or, ce n’est pas la seule trace <strong>du</strong> récit sur le fils assassiné par les parents. Ses débuts<br />

polonais datent <strong>du</strong> XVIIe siècle. En 1621, un jésuite belge Antoine de Balinghem (Zoopaideia<br />

seu morum a Brutis petita institutio) décrit l’histoire d’un aubergiste de Pułtusk qui tue<br />

son fils rentré de la guerre le 14 mai 1618 16 . Cette même histoire est reprise dans la<br />

littérature allemande par un autre jésuite Georguis Stengelius (<strong>source</strong> <strong>probable</strong> pour Werner<br />

dans Le 24 février?). En 1740, Piotr Kwiatkowski, un jésuite de Kalisz, suit cet exemple<br />

dans Teatrum życia ludzkiego w historycznych ekshibicjach na widok publiczny wystawione<br />

17 . Julian Krzyżanowski évoque aussi un manuscrit de K. Stronczyński Opis zabytków<br />

starożytności w guberni płockiej w r. 1851 dans lequel se trouve l’histoire suivante:<br />

„Do osobliwości Pułtuska należy jeszcze pięć murowanych figur w różnych stronach poza<br />

miastem wzniesionych, którym miejscowe podanie przeszło sto lat trwania naznacza. Wedle tego<br />

podania mają one być zbudowane przez tutejszego mieszczanina, który dawszy jednego razu<br />

nocleg w swoim domu własnemu synowi z dalekiej wracającemu wojaczki i przez rodziców nie<br />

poznanemu, zabił swego gościa, ujęty chciwością dostrzeżonego przy nim złota, a gdy omyłkę<br />

swoją (przybyły bowiem syn siostrze odkrył się, kim jest), pokutując za zbrodnię popełnioną, sam<br />

się oddał w ręce sprawiedliwości, fun<strong>du</strong>sz na wymurowanie pięciu figur w okolicy miasta<br />

wyznaczył i pod mieczem katowskim życie zakończył.“<br />

On peut supposer alors que c’est cette histoire qui était à l’origine <strong>du</strong> conte <strong>du</strong> jésuite<br />

belge.<br />

14<br />

Karol Hubert Rostworowski, Wybór dramatów, opracowanie Jacek Popiel, Wrocław–Warszawa–Kraków 1992,<br />

Zakład Narodowy imienia Ossolińskich, p. LXXXVI.<br />

15<br />

Ibidem<br />

16<br />

Julian Krzyżanowski, „Niespodzianka“ czyli niezwykła kariera podania mazowieckiego, [in] Literatura Ludowa<br />

R. 11, 1967/68, nr 4–6, p. 194.<br />

17<br />

H.Kapełuć, Bajka ludowa w dawnej Polsce, Warszawa 1968, s. 145, nr 48; cité d’apres J. Krzyżanowski, op. cit.,<br />

p. 194.<br />

70


De nombreux chercheurs ont consacré plusieurs études à ce très intéressant sujet. Ainsi,<br />

on peut retrouver tout un groupe de chants folkloriques basés sur le même sujet. Celui qui<br />

est évoqué le plus souvent Straszna zbrodnia rodzonej matki, która zabiła swojego syna za<br />

dolary apparaît dans une dizaine de villes polonaises au début <strong>du</strong> XXe siecle. On y retrouve<br />

un jeune homme qui envoie de l’argent à sa famille mais, également, une petite soeur<br />

inconnue née après le départ de l’émigré:<br />

Ten się jeszcze nie przyznawał,<br />

Chcąc jej zrobić niespodziankę<br />

I zaczął się wypytywać,<br />

Jak żyją, co u nich słychać. 18<br />

On retrouve aussi des ressemblances fort intéressantes par rapport a Niespodzianka dans<br />

Ciemnota i pijaństwo przyczyną zbrodni. Zamordowanie księdza przez własnych rodziców<br />

19 où un jeune prêtre, élevé par des gens riches loin de ses proches, arrive dans son<br />

village natal pour célébrer sa première messe et se fait tuer par ses propres parents.<br />

Voici un petit panorama <strong>du</strong> fonctionnement littéraire <strong>du</strong> conte folklorique sur le fils<br />

assassiné par ses parents. Nous voudrions souligner encore une fois que ces surprenantes<br />

ressemblances sont <strong>du</strong>es au caractère même <strong>du</strong> fait divers même si certains critiques<br />

y voient les signes <strong>du</strong> plagiat.<br />

Par contre, à notre avis, il est inutile de chercher à savoir si c’est une histoire vraie ou<br />

inventée. Maria Kosko, dans son article déjà cité, présente la thèse que ce fait divers est une<br />

sorte de fable répétée et reprise avec succès par des journaux quand il n’y a rien d’intéressant...<br />

Julian Krzyżanowski n’est pas <strong>du</strong> tout d’accord avec cette thèse et nous présente les<br />

archives judiciaires de la milice de Varsovie qui prouvent qu’un tel meurtre a eu lieu en<br />

Pologne le 18 février 1968 à Grajewo... On ne va pas chercher la toute première trace de<br />

cette histoire.<br />

Néanmoins, il est nécessaire de mentionner une étude importante de Maria Kosko Le fils<br />

assassiné. Etude d’un thème légendaire. 20 qui traite ce sujet de façon détaillée et sous divers<br />

aspects: «légende dans les campagnes, chanson dans les foires, fait divers dans les journaux,<br />

événements historiques dans les chroniques, ‘exemple’ dans les sermons, drame au<br />

théâtre.» 21 L’auteur nous présente des versions de cette histoire provenant <strong>du</strong> monde entier<br />

en démontrant qu’il s’agit d’une légende internationale qui appartient à la culture universelle<br />

de l’humanité. C’est pourquoi nous pouvons proposer l’histoire de ce fait divers comme<br />

une <strong>source</strong> <strong>probable</strong> aussi bien pour le dramaturge polonais que pour l’auteur français.<br />

18<br />

Julian Krzyżanowski, op. cit., p. 193.<br />

19<br />

Ibidem.<br />

20<br />

FF COMMUNICATIONS, No 198–199, Helsinki 1966.<br />

21 Ibid., p. 10.<br />

71


72<br />

LIDOVÁ POVĚST V NOVINOVÝCH ZPRÁVÁCH:<br />

MOŽNÝ ZDROJ CAMUSOVA „NEDOROZUMĚNÍ“<br />

A ROSTWOROWSKÉHO „PŘEKVAPENÍ“<br />

Résumé<br />

Autorka hledá původ obou děl v lidové pověsti, která byla publikována v dobovém tisku<br />

na různých místech na světě. Spíše než dokazovat, který z obou autorů se inspiroval<br />

u druhého, snaží se autorka analyzovat literární příběh o vraždě bohatého cizince, který, jak<br />

se později ukáže, je vrahův syn, bratr nebo partner.<br />

Autorka cituje Henry Amera, zmiňuje se o povídce „Cizinec“ a zkoumá podobnosti<br />

a rozdíly mezi „Nedorozuměním“ a „Překvapením“. I když Camus mohl být s povídkou<br />

obeznámen, je málo pravděpodobné, že ji znal Rostworowski. Dále autorka ukazuje<br />

příklady obdobných příběhů, které se v literatuře na celém světě objevují od středověku až<br />

do moderní doby: např. ve Francii „Voják zavražděný vlastní matkou“, v Anglii „Osudná<br />

zvědavost: opravdová tragédie ve třech dějstvích“, v USA „Balada o Billie Pottsovi“, atd.<br />

V Polsku sahají kořeny příběhu o „marnotratném synovi“ až do 17. století. V r. 1618<br />

popsal belgický jezuita Antoine de Balinghem příběh hostinského z Pułtuska, který zabil<br />

vlastního syna. Na tomto základě pak vznikly četné další příběhy, které základní téma dále<br />

rozvíjely. Maria Kosko publikovala obšírnou studii věnovanou tomuto tématu pod titulem<br />

„Zavražděný syn. Studie o jedné pověsti“, v níž prokázala, že jde o pověst, která je součástí<br />

celosvětové kultury.<br />

THE STORY OF THE FOLK LEGEND FROM PRESS CHRONICLES:<br />

A POSSIBLE SOURCE OF “LE MALENTENDU” BY CAMUS<br />

AND “THE SURPRISE” BY ROSTWOROWSKI<br />

Summary<br />

The Author is trying to discover the origins of “The Surprise” by Karol Hubert Rostworowski,<br />

and “Le Malenten<strong>du</strong>” by Albert Camus in a popular folk legend found in press<br />

chronicles/annals of numerous countries around the world. Rather than trying to demonstrate<br />

that one of the writers plagiarized, the author briefly analyses the functioning of<br />

a literary story of a murder of a wealthy stranger, who turns out to be a son, brother or<br />

husband of the murderer.<br />

Following Henry Amer, the Author quotes a short story entitled “The Stranger”, pointing<br />

out all the similarities and differences it has with “Le Malenten<strong>du</strong>” and “The Surprise”.<br />

Though Camus may have been acquainted with that short story, it is doubtful that Rostworowski<br />

could familiarize himself with its plot. Next, the Author demonstrates examples of<br />

similar stories that could be found in literature all over the world from the Middle Ages<br />

through modern times: in France – “Le soldat tué par sa mère”, in Germany – “February<br />

24 th ”, in England – “The Fatal Curiosity: a True Tragedy of three acts”, in the United States –<br />

“Ballad of Billie Potts”, etc.


Polish origins of the story of the “prodigal son“ go back to the XVIIth century. In 1618,<br />

a Belgian Jesuit – Antoine de Balinghem – described a story of an inn-keeper from Pułtusk<br />

who murdered his own son. This gave rise to numerous short stories developing this<br />

subject. Maria Kosko delivered an extensive thesis devoted to this subject, entitled: “Le fils<br />

assassiné. Etude d’un thème légendaire” where she proved it was an international legend<br />

belonging to the universal culture of the whole human race.<br />

Renata Jakubczuk<br />

Zaklad Filologii Romańskiej<br />

Uniwersytet Marii Curie Skłodowskiej<br />

Plac Litewski 5<br />

20-080 LUBLIN<br />

Pologne<br />

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