L'Esprit saint à Qumrân

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E. PUECH
37:6,14, ne peut que viser l’esprit saint de Dieu, lequel est explicitement
ainsi désigné ensuite dans une construction parallèle 8 . Une même réalité se
cache dans l’expression “esprit de vérité” (rw˙ ’mt) en 1QH VIII 24 [= XVI
6], 1QS IV 21 ou encore 1QS III 6-8 qui y ajoute un esprit de droiture et
d’humilité (rw˙ ywår w‘nwh) 9 . Ces qualifications de l’esprit de Dieu rejoignent
celles du Ps 143:10 ou de Ne 9:20 à propos du “bon esprit”, expression
tout à fait parallèle à “esprit saint” de Ps 51:12-13.
Dans les textes qumraniens, “l’esprit saint” n’est jamais sujet d’un
verbe, sauf dans une citation d’Is 11:2 en 4Q287 (Berakôt b ) 10,13, ou dans
les expressions “Mon esprit” en 4Q252 (Commentaire de la Gen.) 1,2 et
“l’esprit de vérité” dans la formule “les esprits de vérité et de perversité
seront en conflit dans le cœur de l’homme” en 1QS IV 23, tout comme
l’expression “Ton bon esprit” en Ps 143:10 qui n’est jamais une hypostase.
Dans tous les cas, c’est un esprit qui vient de Dieu et qui vient en aide à
l’esprit le plus souvent perverti de l’homme (1QH IX 24 [= I 22], comparer
XII 32,37 [= IV 31,36]), car l’essénien est convaincu que Dieu seul est
parfait, juste et saint. Cette remarque nous conduit à regarder de plus près
“l’Instruction sur les deux esprits” dans la Règle de la Communauté (1QS
III 13-IV 26).
Reprenant une idée déjà présente dans les Visions de ‘Amram (4Q
Vis‘Amr b 1-2) au sujet des deux Veilleurs qui dominent sur tous les hommes
et en fonction desquels chaque homme fait à tout instant librement son
choix 10 , l’Instruction rappelle que Dieu a créé deux esprits dont dépendent
l’organisation de toute la création et, en premier, l’agir et la destinée de
8. 1QH VIII 31-32 (= XVI 11-12); XX 14-15 (= XII 11-12).
9. Voir encore rw˙ d‘h en 1QH VI 36 (= XIV 25).
10. 4QVis‘Amrb 1,1-14, 2,1-6, 3,1-2 + 4QVis‘Amra 6,1-6, sans prédétermination ou prédestination.
Voir E. Puech, La croyance ..., citat., 532-536: dualisme cosmologique sans
doute d’origine iranienne ou du moins fortement influencé par les conceptions zoroastriennes,
mais réélaboré dans la conception juive, ce qui peut expliquer le flou entre les deux
esprits et les dispositions impersonnelles du cœur de l’homme penchant vers le bien ou le
mal. Dans ce sens, Sekki, citat., spéc. pp. 193-217 à propos de 1QS III 13 - IV, distingue
les esprits/ anges au masculin (rw˙[ym]) et les dispositions de l’homme au féminin
(rw˙[wt]). Mais cette distinction n’est pas aussi rigide qu’il le prétend, voir le féminin dans
les åirôt ‘olat haååabbat, les Jubilés, 4Q511, etc., pour désigner les esprits ou les anges.
Les deux notions sont intimement liées et sous certains aspects inséparables. C’est sous l’influence
ou la domination de(s) l’esprit(s) bon(s) ou mauvais que les dispositions impersonnelles
de l’homme s’affirment au long de son cheminement terrestre. Le mélange constant
des genres masculin et féminin en III 13 - IV montre leur interaction intéressante. A ce propos,
le passage de 1QS III 13 - IV nous paraît unifié et ancien, et dater au moins vers 100
avant J.-C. si ce n’est dans la deuxième moitié du IIe siècle, du vivant du Maître de Justice,
voir La croyance ..., citat. pp. 426-42.