27.06.2013 Views

Logement : osons revaloriser la location Claire Dagnogo (Le Monde ...

Logement : osons revaloriser la location Claire Dagnogo (Le Monde ...

Logement : osons revaloriser la location Claire Dagnogo (Le Monde ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

<strong>Logement</strong> : <strong>osons</strong> <strong>revaloriser</strong> <strong>la</strong> <strong>location</strong><br />

C<strong>la</strong>ire <strong>Dagnogo</strong><br />

(<strong>Le</strong> <strong>Monde</strong>, 12 décembre 2011)<br />

Avec plus de 8 millions de personnes en souffrance de logement, notre pays n'a pas à<br />

s'enorgueillir de sa politique de l'habitat. Depuis que <strong>la</strong> droite est au pouvoir, par<br />

dogmatisme, et au prétexte de favoriser <strong>la</strong> construction, l'Etat a consacré 10 fois plus à <strong>la</strong><br />

construction des logements locatifs privés qu'à <strong>la</strong> construction des logements publics sociaux.<br />

En promettant <strong>la</strong> propriété pour tous, Nico<strong>la</strong>s Sarkozy a alimenté une bulle spécu<strong>la</strong>tive : les<br />

prix ont explosé, à <strong>la</strong> vente, et par voie de conséquence, à <strong>la</strong> <strong>location</strong>. Avec les niveaux de prix<br />

atteints dans les grandes villes, l'accession à <strong>la</strong> propriété est désormais réservée à une petite<br />

élite. <strong>Le</strong>s locataires consacrent une part de plus en plus importante de leur budget à leur<br />

loyer. Pour les plus pauvres d'entre eux, c'est parfois même <strong>la</strong> moitié du revenu qui passe en<br />

loyer et charges fixes, au première rang desquelles le chauffage.<br />

Construction massive, encadrement des prix, orientation des aides en faveur des logements<br />

adaptés à <strong>la</strong> demande, responsabilisation et sécurisation des propriétaires privés et<br />

accompagnement des ménages les plus précaires, partage des risques entre le privé et le<br />

public : ces propositions mises en avant depuis 2002 par les parlementaires de gauche<br />

forment <strong>la</strong> colonne vertébrale du projet du candidat François Hol<strong>la</strong>nde à l'élection<br />

présidentielle. Ces propositions reposent sur <strong>la</strong> conviction que le logement n'est pas un bien<br />

comme les autres.<br />

C'est un bien essentiel, qui justifie, au même titre que le marché de l'eau ou de l'énergie, <strong>la</strong><br />

mise en p<strong>la</strong>ce de mécanismes de régu<strong>la</strong>tion. Pour faire de <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>tion, l'état dispose de<br />

moyens règlementaires, macro‐économiques et fiscaux. Puisqu'il y a déséquilibre, il faut en<br />

premier lieu augmenter l'offre. Tout le monde en convient : soutenir <strong>la</strong> construction, qu'elle<br />

soit sociale ou privée, dès lors qu'elle est adaptée aux besoins, est un impératif. Mais pour<br />

réussir, les invocations ne suffiront pas. Nous ne pourrons pas faire l'économie d'une réflexion<br />

approfondie sur <strong>la</strong> fiscalité du patrimoine, qu'il soit détenu et donc improductif (ISF), cédé<br />

(taxe sur les plus‐values) ou même transmis (droits de succession). La fiscalité du patrimoine<br />

favorise aujourd'hui <strong>la</strong> détention et <strong>la</strong> spécu<strong>la</strong>tion : il faudra demain qu'elle privilégie <strong>la</strong> mise<br />

en construction. Et pour éviter que les efforts publics ne conduisent à enrichir que les plus<br />

habiles des spécu<strong>la</strong>teurs, <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>tion des prix est devenue une nécessité. Il faut rendre les<br />

marchés immobiliers raisonnables. Pour ce<strong>la</strong>, réhabilitons <strong>la</strong> <strong>location</strong>. En faisant baisser <strong>la</strong><br />

demande à l'achat, peut‐on espérer limiter les comportements purement spécu<strong>la</strong>tifs dans les<br />

zones tendues ? Ce n'est certes pas simple à anticiper mais c'est économiquement logique. Et<br />

surtout, c'est un enjeu à <strong>la</strong> dimension sociale considérable.<br />

Que recherchent en effet les 80% de ménages français qui aspirent à devenir propriétaires ?<br />

Une sécurité pour l'avenir et pour leurs enfants. Comme <strong>la</strong> droite casse tous les mécanismes<br />

de solidarité nationale, <strong>la</strong> pierre est plus que jamais une valeur refuge, <strong>la</strong> seule façon de<br />

constituer un patrimoine provisionnel, pour "voir venir en cas de pépin", financer les études<br />

des enfants ou anticiper <strong>la</strong> retraite. Pas étonnant qu'à l'opposé, payer un loyer pèse comme<br />

une charge permanente, dénuée de toute finalité à long terme. Quoi de plus normal en temps<br />

de crise d'aspirer à un peu plus de prospérité ? Dans le contexte de crise actuel<br />

malheureusement les taux remontent. La f<strong>la</strong>mbée va ralentir, mais peut‐on s'en satisfaire si


c'est le résultat d'une raréfaction de l'offre de crédit ? Parmi les aspirants propriétaires,<br />

combien de ménages se verront frustrés, presque relégués socialement, par refus du prêt ?<br />

Combien de ménages, de jeunes couples ou d'étudiants seront assignés à résidence, ou<br />

contraints d'aller habiter loin, de rogner sur les m2 pour finalement acheter un bien au rabais<br />

de leurs espérances ? A tous ces ménages, <strong>la</strong> gauche peut choisir d'envoyer un message<br />

nouveau : louer son logement n'est pas une relégation, c'est même une autre forme de liberté.<br />

Puisque nous voulons une grande réforme de <strong>la</strong> fiscalité, redonnons du lustre à <strong>la</strong> <strong>location</strong> en<br />

commençant par redonner du pouvoir d'achat aux locataires. La solution est à portée de main<br />

: autorisons les à déduire de leur revenu imposable leurs frais de loyers, nets des charges et<br />

des aides au logement, et dans des conditions précises (p<strong>la</strong>fond, résidence, maitrise des prix)<br />

afin d'éviter abus et effets d'aubaine. Une telle mesure représenterait une économie de 40<br />

euros à 100 euros par mois pour les c<strong>la</strong>sses moyennes et modestes, locataires dans le parc<br />

privé libre. <strong>Le</strong>s sommes seront directement consommées ou orientées vers l'épargne<br />

règlementée (livret A, livret de développement durable, etc.).<br />

Surplus de pouvoir d'achat ou surplus d'épargne, l'argent du loyer ne serait plus vécu comme<br />

cette "perte sèche", si difficile à avaler en temps de crise. Cette mesure représenterait 6<br />

milliards d'euros de manque à gagner pour l'Etat, à mettre en regard des 14 milliards d'euros<br />

de niches fiscales immobilières qui profitent aujourd'hui essentiellement aux plus riches des<br />

propriétaires. <strong>Le</strong>s socialistes et toute <strong>la</strong> gauche veulent résoudre cette crise inique. Pour ce<strong>la</strong>,<br />

ils devront s'appuyer sur tous les acteurs, publics et privés. Portons ensemble l'ambition d'un<br />

Etat régu<strong>la</strong>teur des marchés du logement et commençons par dire aux Français que <strong>la</strong><br />

propriété ne doit pas être une finalité, ce n'est pas <strong>la</strong> seule façon d'habiter, louer son logement<br />

est aussi souvent, <strong>la</strong> garantie d'un meilleur choix et d'une plus grande mobilité<br />

professionnelle et familiale.<br />

C<strong>la</strong>ire <strong>Dagnogo</strong>, juriste en droit parlementaire de <strong>la</strong> ville

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!