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Le discours de Pierre Mauroy à l'Assemblée - Fondation Jean-Jaurès

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Discours <strong>de</strong> politique générale <strong>de</strong> <strong>Pierre</strong> <strong>Mauroy</strong><br />

à l'Assemblée nationale<br />

8 juillet 1981<br />

Monsieur le Prési<strong>de</strong>nt,<br />

Mesdames, Messieurs les députés,<br />

<strong>Le</strong> 10 mai, François Mitterrand avait ren<strong>de</strong>z-vous avec l'Histoire. La gauche avait, <strong>de</strong><br />

nouveau, ren<strong>de</strong>z-vous avec la République. La France et la gauche marchent<br />

désormais d'un même pas. L'élection du premier Prési<strong>de</strong>nt socialiste <strong>de</strong> la V e<br />

République ouvre la voie du renouveau.<br />

<strong>Le</strong>s Français ont confié l'honneur d'incarner la République à celui qui incarnait le<br />

mieux la volonté <strong>de</strong> liberté et <strong>de</strong> justice <strong>de</strong> la gauche. François Mitterrand, l'homme<br />

du rassemblement <strong>de</strong>s socialistes, l'homme <strong>de</strong> l'union <strong>de</strong> la gauche, est <strong>de</strong>venu le<br />

garant <strong>de</strong> l'unité <strong>de</strong> tous les Français, le porteur d'une espérance immense, à la<br />

mesure <strong>de</strong> l'histoire et <strong>de</strong> la vocation <strong>de</strong> notre pays. En élisant, ensuite, une large<br />

majorité parlementaire conforme à la majorité prési<strong>de</strong>ntielle, les Français ont voulu<br />

donner au changement force <strong>de</strong> loi. Cette espérance et, plus encore, cette exigence du<br />

changement qui est celle du peuple français, impliquent le strict respect <strong>de</strong>s<br />

orientations proposées par le Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République. C'est la volonté <strong>de</strong> la<br />

majorité du peuple. C'est l'engagement du Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République. C'est<br />

l'ambition <strong>de</strong> votre Assemblée et c'est la charge <strong>de</strong> mon Gouvernement.<br />

Rarement en République, une majorité aura été, dans <strong>de</strong>s temps aussi difficiles, le<br />

mandataire d'une aussi gran<strong>de</strong> espérance. Elle est, mesdames et messieurs, notre<br />

responsabilité commune. Elle est historique.<br />

<strong>Le</strong> premier geste du nouveau chef <strong>de</strong> l'État aura consisté à jalonner le chemin que<br />

nous allons suivre ensemble. Avec trois roses. Trois roses dans la pénombre du<br />

Panthéon. Trois roses sur trois tombes, rappel bouleversant <strong>de</strong> notre mémoire<br />

collective.<br />

1


Trois roses sur la Montagne Sainte-Geneviève, au milieu <strong>de</strong> la liesse du peuple <strong>de</strong><br />

Paris, au milieu <strong>de</strong> cette jeunesse inquiète <strong>de</strong> son avenir, hier révoltée <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s<br />

portes closes et soudain joyeuse <strong>de</strong>vant les portes ouvertes <strong>de</strong>s temps nouveaux.<br />

Une rose a été pour <strong>Jean</strong> Jaurès. Celui qui, en son temps déjà, sut rassembler les<br />

socialistes et mobiliser la gauche. Cette rose, c'est celle <strong>de</strong> l'héritage.<br />

Née du cri <strong>de</strong> révolte et <strong>de</strong> dignité <strong>de</strong>s premiers prolétaires face aux drames et aux<br />

échecs <strong>de</strong> la première révolution industrielle, une idée <strong>de</strong> justice et <strong>de</strong> liberté a<br />

traversé le siècle aux côtés du peuple. L'union <strong>de</strong>s exploités a permis l'émergence<br />

d'une force sociale. Sur cette force sociale s'est bâti un pouvoir politique. De cette<br />

longue marche, le moment que nous vivons aujourd'hui n'est qu'une étape.<br />

Notre pays est aujourd'hui engagé dans une nouvelle phase <strong>de</strong> mutations industrielles<br />

et technologiques. <strong>Le</strong>s dures lois <strong>de</strong> la concurrence et <strong>de</strong> la productivité s'imposent à<br />

une économie ouverte qui s'insère dans la mondialisation <strong>de</strong>s échanges. À nous <strong>de</strong><br />

dominer le progrès, <strong>de</strong> dominer la machine. À nous <strong>de</strong> les mettre enfin au service <strong>de</strong><br />

l'homme. À nous « d'aller à l'idéal et <strong>de</strong> comprendre le réel ».<br />

Tel est le message, toujours actuel, <strong>de</strong> <strong>Jean</strong> Jaurès. Là est le défi <strong>de</strong> la première rose.<br />

Une rose a été pour <strong>Jean</strong> Moulin, celui qui, en son temps, sut réunir toutes les<br />

composantes <strong>de</strong> notre peuple dans la lutte contre l'envahisseur.<br />

La France, aujourd'hui encore, est confrontée à <strong>de</strong>s enjeux trop graves pour disperser<br />

ses énergies.<br />

Mon Gouvernement rassemble toutes les composantes <strong>de</strong> la majorité. Cette majorité,<br />

ce sont les Français eux-mêmes qui, à <strong>de</strong>ux reprises, et chaque fois avec plus<br />

d'ampleur, en ont défini les équilibres et tracé les contours.<br />

Aujourd'hui, c'est autour <strong>de</strong> nous que se rassemblent le peuple <strong>de</strong> gauche, la France<br />

du travail, comme hier <strong>Jean</strong> Moulin avait su rassembler le peuple <strong>de</strong> l'ombre, la<br />

France combattante.<br />

La joie simple qui, le 10 mai <strong>de</strong>rnier, déferlait dans les rues <strong>de</strong>s villages et <strong>de</strong>s villes<br />

<strong>de</strong> France à l'annonce <strong>de</strong> l'élection <strong>de</strong> François Mitterrand ramenait spontanément à<br />

la mémoire les souvenirs <strong>de</strong> 1936 et <strong>de</strong> 1944, les souvenirs <strong>de</strong> Léon Blum et du<br />

général <strong>de</strong> Gaulle. C'était la joie d'une foule fraternelle et comme libérée.<br />

C'est tout naturellement que la mémoire collective <strong>de</strong> notre peuple associe les <strong>de</strong>ux<br />

moments où la classe ouvrière a fêté la dignité retrouvée, puis la liberté reconquise,<br />

<strong>de</strong>ux moments <strong>de</strong> réconciliation <strong>de</strong> la France avec elle-même.<br />

L'unité française retrouvée autour <strong>de</strong>s socialistes, il nous faut la préserver,<br />

l'approfondir et l'élargir encore. Nous saurons accueillir tous ceux qui souhaitent<br />

s'associer à la politique du renouveau qui est désormais celle <strong>de</strong> la France.<br />

Là est l'espérance <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième rose.<br />

2


Une rose a été pour Victor Schœlcher, celui qui, en son temps déjà, sut faire <strong>de</strong> la<br />

France l'émancipatrice <strong>de</strong>s peuples. Il a ainsi permis que, par leur libre choix, les<br />

Antillais et les peuples <strong>de</strong>s départements et territoires d'outre-mer, que je salue,<br />

<strong>de</strong>meurent dans la communauté nationale.<br />

<strong>Le</strong>s chaînes n'ont cependant pas été brisées partout: dictature, oppression restent la<br />

règle dans <strong>de</strong> vastes contrées du globe. De nouvelles chaînes ont même été forgées: la<br />

faim, la dépendance économique, le sous-développement.<br />

L'égoïsme <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s nations industrielles précipite la planète dans le chaos ; dès à<br />

présent, il maintient <strong>de</strong>s milliards d'hommes dans un nouvel esclavage.<br />

La France refuse <strong>de</strong> s'incliner <strong>de</strong>vant cet état <strong>de</strong> fait. Elle combattra pour un nouvel<br />

ordre mondial, pour que le tiers mon<strong>de</strong>, mieux compris <strong>de</strong>s Français, cesse d'être<br />

regardé comme un réservoir ou un adversaire, et <strong>de</strong>vienne peu à peu, même s'il nous<br />

en coûte <strong>de</strong> ru<strong>de</strong>s conversions industrielles ou agricoles, un partenaire.<br />

La France sera l'amie <strong>de</strong>s peuples en lutte pour leur liberté. Elle ne sera pas sour<strong>de</strong><br />

aux cris <strong>de</strong>s hommes bâillonnés. Elle sera accueillante aux exilés, fraternelle aux<br />

immigrés. Elle luttera pour que ces- sent toutes les formes d'exploitation et <strong>de</strong><br />

colonisation, pour que tombent toutes les chaînes.<br />

Tel est le message <strong>de</strong> la troisième rose.<br />

Ces trois roses, ces trois symboles expriment en fait une exigence unique : l'homme<br />

doit <strong>de</strong>venir la mesure <strong>de</strong> toutes choses, et c'est à l'échelle humaine qu'on juge une<br />

politique.<br />

Oui, la gauche est porteuse d'un projet <strong>de</strong> civilisation, car, les Françaises et les<br />

Français le savent, la victoire <strong>de</strong> la gauche vient <strong>de</strong> loin, et vous savez aussi ce que<br />

notre victoire porte d'espoir et ce qu'elle porte d'ar<strong>de</strong>ur.<br />

On a osé dire que la France, en ce printemps <strong>de</strong> 1981, avait décidé <strong>de</strong> relâcher son<br />

effort, <strong>de</strong> « faire halte à l'ombre d'un bosquet ».<br />

C'est ne rien vouloir comprendre à ce qui vient <strong>de</strong> se produire dans ce pays. La<br />

victoire <strong>de</strong> la gauche correspond à un nouvel élan et non à une démission.<br />

Ce que la France a décidé, c'est <strong>de</strong> dire non à l'injustice, <strong>de</strong> ne plus accepter<br />

l'arrogance <strong>de</strong> quelques-uns, <strong>de</strong> rejeter le libéralisme sauvage et ses effets<br />

catastrophiques.<br />

Ce faisant, les Français n'ont pas refusé l'effort. Ils veulent seulement -et ce n'est pas<br />

une mince espérance -que l'effort soit autrement distribué, qu'il ne pèse plus si lourd<br />

sur les épaules <strong>de</strong>s plus faibles. Ils veulent seulement -et nous <strong>de</strong>vons répondre à leur<br />

espoir - que l'effort, leur effort, serve le progrès pour tous et non la puissance ou le<br />

profit pour quelques-uns.<br />

Et ils ont aussi dit non à une certaine manière <strong>de</strong> gérer leur pays. Non au langage <strong>de</strong>s<br />

chiffres, qui avait balayé tout accent d'humanité. Non à la déshumanisation du travail<br />

présentée comme un mal inévitable. Non à l'invitation à gérer l'imprévisible. Non à la<br />

3


sécheresse, à cette invocation <strong>de</strong> la fatalité, à ces appels à la résignation <strong>de</strong>vant la<br />

crise, <strong>de</strong>vant le chômage qui menaçaient <strong>de</strong> briser les forces vives <strong>de</strong> notre pays, qui<br />

condamnaient la jeunesse à la désespérance et les travailleurs, tôt ou tard, à la<br />

révolte.<br />

Sans révolte, démocratiquement, tranquillement, mais avec quelle force, ils ont relevé<br />

la tête, ils ont repris leur avenir en main.<br />

<strong>Le</strong>s Français ne nient pas pour autant la crise. Ils savent bien que <strong>de</strong>main ne sera pas<br />

facile, que nous subirons encore et pour longtemps <strong>de</strong> lour<strong>de</strong>s contraintes.<br />

Mais ils ont choisi <strong>de</strong> se battre autrement, activement contre la crise, contre ce<br />

dérèglement d'un système que nous n'avons cessé <strong>de</strong> dénoncer, en s'attaquant aux<br />

causes, sans se borner à en subir les effets.<br />

J'ajouterai, en regardant cette assemblée, que la relève politique qui vient d'être<br />

opérée est aussi une relève <strong>de</strong> génération.<br />

Voilà, à coup sûr, un signe <strong>de</strong> vitalité, et non, bien entendu, un signe d'abandon.<br />

En réponse à cet élan, le programme que mon Gouvernement vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra <strong>de</strong><br />

soutenir tout au long <strong>de</strong> cette législature n'est pas celui d'une France frileuse, bardée<br />

<strong>de</strong> subventions, d'une France où le corporatisme et la bureaucratie imposeraient leur<br />

loi à l'État, d'une France qui renoncerait à ses engagements internationaux et se<br />

couperait du mon<strong>de</strong>.<br />

Non, la France dont je vous parle aujourd'hui, la France que nous voulons bâtir avec<br />

tous les Français, c'est une France forte du travail <strong>de</strong> tous les siens, c'est une France<br />

solidaire, soucieuse <strong>de</strong> créer pour tous les conditions <strong>de</strong> la justice sociale et <strong>de</strong> la<br />

dignité, c'est une France responsable, fondant à tous les niveaux <strong>de</strong> décision les bases<br />

d'une nouvelle citoyenneté, c'est une France entreprenante et volontaire, décidée à<br />

reconquérir la maîtrise <strong>de</strong> son appareil <strong>de</strong> production, c'est une France fière <strong>de</strong> son<br />

message <strong>de</strong> paix et <strong>de</strong> progrès, la France <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l'homme, championne d'un<br />

nouvel ordre international.<br />

Une France forte, c'est d'abord une France tout entière au travail.<br />

Telle est notre ambition, tel est l'objectif central <strong>de</strong> la politique économique que je<br />

vais vous proposer. Et en ce temps <strong>de</strong> chômage, oui, nous voulons remettre la France<br />

au travail.<br />

L'emploi n'a cessé <strong>de</strong> se dégra<strong>de</strong>r <strong>de</strong>puis sept ans. Notre pays compte 1 800 000<br />

chômeurs.<br />

Un jeune sur six est sans emploi. Sur cent chômeurs, soixante sont <strong>de</strong>s femmes.<br />

<strong>Le</strong>s causes du fléau sont simples. Certes, nous sommes comme d'autres dans la crise,<br />

et la récession est générale. Mais fallait-il accepter le rétrécissement <strong>de</strong> notre appareil<br />

<strong>de</strong> production, la stagnation <strong>de</strong> l'investissement, le vieillissement <strong>de</strong> nos machines, la<br />

dévitalisation <strong>de</strong> secteurs industriels entiers, la disparition <strong>de</strong> tant d'entreprises, le<br />

ravaudage coûteux et sans effet <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> branches ? À force <strong>de</strong> tailler les branches<br />

4


dites mortes <strong>de</strong> l'arbre et <strong>de</strong> ne pas renforcer le tronc, c'est-à-dire les industries<br />

compétitives, l'arbre s'est rabougri. À poursuivre ainsi, il serait mort.<br />

Et le bilan ne s'arrête pas là. Nous ne trouvons pas le pays préparé à la troisième<br />

révolution industrielle. L'inflation est <strong>de</strong>meurée <strong>de</strong>ux à trois fois plus élevée que chez<br />

certains <strong>de</strong> nos voisins. Depuis le début <strong>de</strong> 1981, on avait laissé l'économie en friche:<br />

report d'ajustements <strong>de</strong> tarifs publics, un déficit budgétaire supérieur à 50 milliards<br />

et non <strong>de</strong> 30 milliards, comme on l'avait annoncé.<br />

À ce bilan que dressera précisément la commission présidée par M. Bloch-Lainé,<br />

nous avons aussitôt tenté <strong>de</strong> remédier sur les plans économique et monétaire.<br />

<strong>Le</strong> jour même où François Mitterrand entrait à l'Elysée, j'ai pris les mesures qui<br />

s'imposaient pour défendre le franc. Elles ont été, au cours <strong>de</strong> ces sept semaines,<br />

pleinement efficaces en dépit d'un contexte extérieur détestable qui nous vient<br />

d'Amérique, d'un dollar trop cher et <strong>de</strong> taux d'intérêt intolérables.<br />

Nous avons ensuite entrepris <strong>de</strong> relancer l'économie. La relance <strong>de</strong> juin, qui <strong>de</strong>vait<br />

être pru<strong>de</strong>nte pour ne pas accentuer les déséquilibres, a été celle <strong>de</strong> la solidarité. <strong>Le</strong>s<br />

premiers à bénéficier du progrès ont été les plus démunis.<br />

Nous avons aussi axé ce premier volet sur l'emploi, par la relance elle-même qui<br />

produira progressivement ses effets, par un programme visant l'insertion et la<br />

formation <strong>de</strong>s jeunes, par l'ai<strong>de</strong> à l'investissement productif que permettent les<br />

crédits que je vous proposerai <strong>de</strong> voter dans notre collectif budgétaire.<br />

Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> ces actions immédiates, notre politique économique <strong>de</strong>meurera centrée<br />

sur l'emploi.<br />

<strong>Le</strong> redressement ne se fera pas en un jour. Nous subirons encore longtemps l'ombre<br />

portée <strong>de</strong> la gestion précé<strong>de</strong>nte.<br />

Nous ne renverserons pas avant plusieurs mois la tendance, dont nous héritons, à<br />

l'accroissement du chômage.<br />

C'est pourquoi le Gouvernement vous proposera, en décembre, d'adopter un plan <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux ans dont le ministre d'État, ministre du Plan, entreprend aujourd'hui<br />

l'élaboration. Ce plan a pour but la mise en œuvre rapi<strong>de</strong> d'une politique pour<br />

l'emploi appuyée sur un effort accru <strong>de</strong> solidarité nationale. Il comprendra les<br />

gran<strong>de</strong>s réformes <strong>de</strong> structures, l'extension du secteur public, la décentralisation et<br />

un nouveau partage du travail.<br />

Au cours du plan <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans, nous lutterons contre le chômage en relançant plus<br />

durablement l'activité, nous créerons 210 000 emplois publics ou d'initiative locale<br />

suivant le programme qui a été entamé en juin. Nous amorcerons la réduction <strong>de</strong> la<br />

durée du travail dont je parlerai dans quelques instants.<br />

Ainsi, ce plan <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans organisera une lutte sans merci contre le chômage ; il<br />

permettra d'engager en 1984 une transformation plus profon<strong>de</strong> <strong>de</strong> notre société, et<br />

un plan <strong>de</strong> cinq ans plus ambitieux vous sera alors soumis.<br />

5


<strong>Le</strong> calendrier, mesdames et messieurs les députés, est ainsi clair. Nous avons paré au<br />

plus pressé avec le double souci <strong>de</strong> la relance et <strong>de</strong> la solidarité nationale. <strong>Le</strong> plan <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux ans doit, d'ici à 1984, retourner la tendance, en particulier sur l'emploi, et il doit<br />

nous replacer sur la bonne ligne <strong>de</strong> départ. Dès lors, avec la durée, nous pourrons<br />

changer la vie et changer la France.<br />

Cette démarche, que je viens d'inscrire dans la durée, sera conduite dans la rigueur.<br />

Cela signifie la rigueur budgétaire.<br />

Cela signifie que nous défendrons le franc et le maintiendrons dans le système<br />

monétaire européen.<br />

Cela signifie une lutte déterminée contre l'inflation.<br />

Telle est notre ligne <strong>de</strong> marche. Nous lutterons contre le chômage sans cé<strong>de</strong>r à la<br />

facilité et en rétablissant les équilibres économiques.<br />

La guerre que nous menons contre le chômage, nous ne la gagnerons pas sans une<br />

forte réduction <strong>de</strong>s temps <strong>de</strong> travail.<br />

Il y a un mois, j'ai dit aux organisations professionnelles et syndicales la<br />

détermination du Gouvernement : diminuer la durée du travail. Je leur ai fixé un<br />

objectif : trente-cinq heures <strong>de</strong> travail effectif, en moyenne, par semaine en 1985. Je<br />

leur ai <strong>de</strong>mandé d'engager immédiatement <strong>de</strong>s négociations pour l'atteindre.<br />

Ces négociations sont difficiles, mais elles s'acheminent vers un accord.<br />

La réduction <strong>de</strong> la durée du travail, c'est aussi l'abaissement <strong>de</strong> l'âge <strong>de</strong> la retraite.<br />

Dans quelques semaines, le Gouvernement déposera un projet <strong>de</strong> loi-cadre <strong>de</strong>stiné à<br />

ramener à soixante ans l'âge d'ouverture <strong>de</strong>s droits à la retraite.<br />

Il s'agira, bien entendu, d'un droit et non d'une contrainte. Il sera ouvert en priorité à<br />

ceux qui ont <strong>de</strong>rrière eux une vie <strong>de</strong> travail particulièrement longue et usante.<br />

En luttant pour l'emploi, nous bâtirons une France solidaire.<br />

Une France solidaire est, en effet, une France où le droit au travail re<strong>de</strong>vient une<br />

réalité.<br />

Une France solidaire est une France qui cesse d'être parmi les gran<strong>de</strong>s nations<br />

industrielles la championne <strong>de</strong>s inégalités.<br />

Une France solidaire est aussi une France qui sait donner à chaque citoyen, à chaque<br />

habitant, à chaque travailleur sa part <strong>de</strong> responsabilités, qui respecte l'autonomie et<br />

la dignité <strong>de</strong> tous.<br />

Dès son installation, le Gouvernement a décidé d'augmenter <strong>de</strong> 10 % le salaire<br />

minimum <strong>de</strong> croissance. Ce n'est qu'une première étape. Mais si chaque relèvement<br />

<strong>de</strong>vait se répercuter tout au long <strong>de</strong> la hiérarchie, nous n'aboutirions, bien sûr, qu'à<br />

un surcroît d'inflation.<br />

6


Il faut donc reconstruire les grilles <strong>de</strong> salaires, non pas pour écraser les hiérarchies,<br />

mais pour que disparaissent les salaires les plus scandaleusement bas, pour que cesse<br />

la discrimination actuelle à l'égard <strong>de</strong>s ouvriers et surtout <strong>de</strong>s ouvrières, trop souvent<br />

à la fois mal payés et sans perspectives <strong>de</strong> carrière.<br />

C'est aux partenaires sociaux <strong>de</strong> s'entendre pour que se fassent progressivement les<br />

transformations nécessaires.<br />

Dans la fonction publique et le secteur public et nationalisé, le Gouvernement fera le<br />

nécessaire pour que s'engagent dès l'automne <strong>de</strong>s négociations sur le niveau <strong>de</strong>s<br />

salaires, sur la structure <strong>de</strong>s rémunérations et sur la durée du travail.<br />

La rigueur, bien sûr, appelle la pru<strong>de</strong>nce. Ces réformes seront lentes, mais notre<br />

détermination est gran<strong>de</strong>. <strong>Le</strong> travailleur, dans ce pays, doit retrouver sa place;<br />

l'ouvrier doit être payé pour sa peine ; le droit au travail est aussi le droit à un salaire<br />

qui permette <strong>de</strong> vivre.<br />

Solidarité, aussi, à l'égard <strong>de</strong> tous ceux que l'âge, la maladie, la malchance empêchent<br />

<strong>de</strong> travailler.<br />

La France peut s'honorer d'avoir construit <strong>de</strong>puis 1946 un système <strong>de</strong> protection<br />

sociale efficace et généreux. Mais il doit être rendu plus efficace et plus juste.<br />

Nos prédécesseurs avaient prétendu fixer <strong>de</strong> façon autoritaire une limite à l'extension<br />

<strong>de</strong>s dépenses sociales, sans souci <strong>de</strong>s conséquences <strong>de</strong> leur action.<br />

Nous voulons raisonner autrement. Il n'y a <strong>de</strong> limite au financement <strong>de</strong> la protection<br />

sociale que celle que la collectivité nationale se donne.<br />

Que veulent les Français ?<br />

Veulent-ils améliorer la situation faite aux personnes âgées ? Ils doivent accepter un<br />

prélèvement plus important sur leur revenu.<br />

Souhaitent-ils le maintien d'une couverture générale <strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong> santé ? <strong>Le</strong>s<br />

cotisations sociales s'en ressentiront bien entendu.<br />

Chaque année, le Parlement débattra <strong>de</strong> la progression <strong>de</strong>s recettes et <strong>de</strong>s dépenses<br />

<strong>de</strong> la protection sociale. <strong>Le</strong> brouillard dans lequel ont été maintenus jusqu'ici les<br />

comptes <strong>de</strong> la Sécurité sociale sera dissipé. <strong>Le</strong>s choix ne seront pas toujours faciles,<br />

mais ils seront faits au grand jour et, dès l'automne, nous engagerons le débat sur<br />

l'avenir <strong>de</strong> la sécurité sociale, notamment sur son financement, car les prélèvements<br />

qu'elle opère doivent être plus équitablement répartis et ne pas nuire à la politique <strong>de</strong><br />

l'emploi.<br />

<strong>Le</strong> débat portera aussi sur les principes <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s caisses <strong>de</strong> sécurité sociale, où<br />

les assurés doivent retrouver un rôle prédominant.<br />

<strong>Le</strong>s personnes âgées et les handicapés <strong>de</strong>vront bénéficier d'un effort croissant <strong>de</strong><br />

solidarité - le minimum vieillesse continuera donc à progresser rapi<strong>de</strong>ment -mais ils<br />

7


<strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt qu'on leur accor<strong>de</strong> autre chose que <strong>de</strong> l'assistance, ils ne veulent pas être<br />

tenus en marge.<br />

Notre politique tendra donc au développement <strong>de</strong>s services à domicile, à une<br />

transformation réelle <strong>de</strong>s établissements qui les accueillent, mais aussi à<br />

l'encouragement <strong>de</strong> toutes les initiatives qui visent à redonner aux personnes âgées et<br />

aux handicapés un rôle actif dans notre société.<br />

Enfin, il ne faut plus qu'il y ait dans ce pays <strong>de</strong>s hommes et <strong>de</strong>s femmes abandonnés à<br />

leur sort lorsque celui-ci s'acharne. Il ne s'agit certes pas <strong>de</strong> construire une société<br />

d'assistés. Bien au contraire, il s'agit <strong>de</strong> donner à tous et à tout moment les moyens <strong>de</strong><br />

participer à la vie active et d'y exercer <strong>de</strong>s responsabilités.<br />

Nous avons par ailleurs la chance <strong>de</strong> disposer d'un système <strong>de</strong> santé très complet qui<br />

assure une gran<strong>de</strong> liberté aux professionnels <strong>de</strong> la santé et aux mala<strong>de</strong>s, avec une<br />

prise en charge collective <strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong> santé. Ces principes seront maintenus. <strong>Le</strong>s<br />

mala<strong>de</strong>s conservent, bien entendu, la liberté <strong>de</strong> choix <strong>de</strong> leur mé<strong>de</strong>cin, et les<br />

mé<strong>de</strong>cins pourront choisir leur mo<strong>de</strong> d'exercice.<br />

Une véritable politique <strong>de</strong> la santé publique est finalement porteuse d'économies.<br />

Nous favoriserons les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> soins les moins coûteux, les mieux adaptés à chaque<br />

cas.<br />

<strong>Le</strong> mé<strong>de</strong>cin généraliste contribuera en tout premier lieu à cette mé<strong>de</strong>cine humaine.<br />

Nous encouragerons les initiatives, notamment la mise en place <strong>de</strong> centres <strong>de</strong> santé.<br />

Nous discuterons <strong>de</strong> façon approfondie avec les mé<strong>de</strong>cins et les autres professions <strong>de</strong><br />

santé pour définir les nouvelles règles du jeu et pour mettre au point une véritable<br />

charte <strong>de</strong> santé.<br />

Quant aux prestations familiales, l'une <strong>de</strong> nos premières mesures a été un relèvement<br />

<strong>de</strong> 25 % <strong>de</strong> ces allocations. Cet effort sera poursuivi.<br />

<strong>Le</strong> système <strong>de</strong> compensation <strong>de</strong>s charges familiales doit être simplifié. Il existe<br />

aujourd'hui vingt-trois prestations différentes. <strong>Le</strong> Gouvernement engagera <strong>de</strong>s<br />

discussions afin <strong>de</strong> définir <strong>de</strong>s règles plus justes et plus efficaces <strong>de</strong> détermination <strong>de</strong>s<br />

prestations et <strong>de</strong>s déductions fiscales pour charges <strong>de</strong> famille.<br />

<strong>Le</strong>s parents rencontrent souvent aujourd'hui d'insurmontables difficultés pour<br />

l'accueil et la gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> leurs jeunes enfants. Un programme ambitieux sera mis en<br />

œuvre, qui préservera la liberté <strong>de</strong> choix <strong>de</strong>s parents entre toutes les solutions<br />

possibles.<br />

Solidarité, dignité, tels sont aussi les principes <strong>de</strong> la politique du Gouvernement à<br />

l'égard <strong>de</strong>s travailleurs étrangers et <strong>de</strong> leurs familles. Dès sa formation, le<br />

Gouvernement a suspendu les expulsions. Il s'assurera que tous les travailleurs<br />

étrangers résidant en France voient leur place et leurs droits pleinement reconnus.<br />

Toutefois, compte tenu <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong> l'emploi, la France n'est pas en état<br />

d'accueillir un nombre croissant <strong>de</strong> travailleurs étrangers. Elle entend donc limiter les<br />

entrées et proposer aux pays d'origine <strong>de</strong>s accords bilatéraux définissant les<br />

8


conditions <strong>de</strong> travail, <strong>de</strong> séjour et <strong>de</strong> retour <strong>de</strong>s travailleurs étrangers en France et <strong>de</strong>s<br />

Français à l'étranger.<br />

Permettez-moi, avant <strong>de</strong> conclure ce chapitre consacré à la solidarité, <strong>de</strong> dire un mot<br />

<strong>de</strong> nos compatriotes rapatriés. <strong>Le</strong> Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République a rappelé que la<br />

collectivité nationale avait <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ttes à leur égard. Elles ne seront pas oubliées.<br />

Mesdames et messieurs, en élisant François Mitterrand les Françaises et les Français<br />

ont choisi <strong>de</strong> substituer à une société dure aux plus démunis une société juste et<br />

équitable. Mais pour donner plus aux uns, il faut donner moins aux autres.<br />

Il n'y aura pas <strong>de</strong> miracle. Il n'existe pas <strong>de</strong> cagnotte où prélever les revenus versés<br />

aux uns sans toucher à ceux <strong>de</strong>s autres.<br />

À un édifice fiscal vermoulu et injuste, il va nous falloir substituer un système dans<br />

lequel, comme le prévoit la Déclaration <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l'homme en son article 13, la<br />

charge soit « également répartie entre les citoyens à raison <strong>de</strong> leurs facultés<br />

contributives ».<br />

Mais l'improvisation et la précipitation sont dangereuses et le Gouvernement prendra<br />

tout le temps nécessaire à l'étu<strong>de</strong> et à la consultation.<br />

Quatre orientations vous seront proposées dès la loi <strong>de</strong> finances pour 1982 : la<br />

création d'un impôt sur les gran<strong>de</strong>s fortunes qui, je le précise, ne portera pas sur<br />

l'outil <strong>de</strong> travail, la remise en cause <strong>de</strong> certaines anomalies en matière d'impôt sur le<br />

revenu; la lutte contre la frau<strong>de</strong> fiscale qui est un véritable scandale; le plafonnement<br />

<strong>de</strong>s effets du quotient familial.<br />

Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> 1982, par aménagements successifs et progressifs, la recherche d'une plus<br />

gran<strong>de</strong> justice conduira, par exemple, à insti- tuer un impôt foncier, à aménager les<br />

incitations à l'épargne et les droits <strong>de</strong> succession, à harmoniser les régimes<br />

d'imposition et <strong>de</strong> protection sociale <strong>de</strong>s salariés et <strong>de</strong>s travailleurs indépendants, à<br />

répartir différemment les ressources entre l'État et les collectivités locales.<br />

Mais, mesdames, messieurs les députés, la solidarité n'est pas seulement affaire<br />

d'argent. L'inégalité en France n'existe pas seule- ment entre ceux qui ont tout, et<br />

parfois plus encore, et ceux qui n'ont rien. Elle est flagrante entre ceux qui savent et<br />

ceux qui ne savent pas, entre ceux qui peuvent conduire le cours <strong>de</strong> leur vie et ceux à<br />

qui on ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong> jamais ce qu'ils veulent ni même ce qu'ils pensent, entre ceux qui<br />

élisent domicile et ceux qui sont assignés à rési<strong>de</strong>nce, entre ceux qui comman<strong>de</strong>nt<br />

sans expliquer et ceux à qui l'on comman<strong>de</strong> sans les écouter.<br />

Il faut instaurer - et ce sera le troisième point <strong>de</strong> mon propos -une France<br />

responsable.<br />

En réponse à ces inégalités, nous allons jeter les bases d'une nouvelle citoyenneté. <strong>Le</strong>s<br />

votes récents <strong>de</strong>s Français signifient qu'ils atten<strong>de</strong>nt un pouvoir qui ne soit pas<br />

seulement exercé par d'autres, mais exercé autrement.<br />

<strong>Le</strong>s structures sociales et administratives qui n'ont, en fait, cessé <strong>de</strong> se durcir <strong>de</strong>puis<br />

l'Empire, ne permettent pas l'initiative nécessaire pour affronter les nouveaux défis.<br />

9


Nous allons rendre, dans les jours qui viennent, aux 500 000 élus les moyens <strong>de</strong> la<br />

responsabilité et <strong>de</strong> l'initiative.<br />

Nous donnerons aux citoyens, aux usagers, aux consommateurs, les moyens <strong>de</strong><br />

participer vraiment à l'organisation <strong>de</strong> leur vie quotidienne.<br />

Nous sommes résolus à promouvoir un progrès décisif <strong>de</strong> la démocratie économique<br />

et sociale. Citoyens dans leurs communes. <strong>Le</strong>s Français doivent l'être aussi sur leur<br />

lieu <strong>de</strong> travail. <strong>Le</strong>s employeurs ne doivent ni redouter ni contrecarrer cette évolution<br />

souhaitable et nécessaire. <strong>Le</strong> sens <strong>de</strong>s responsabilités dont font preuve les<br />

organisations syndicales n'est pas nouveau, mais il prend toute sa signification au<br />

moment où elles sont appelées, par un gouvernement qui partage leurs espoirs. à<br />

<strong>de</strong>venir à part entière les partenaires et les acteurs du changement.<br />

Bâtir une nouvelle citoyenneté, c'est d'abord rendre l'État aux citoyens. Cette<br />

« nouvelle donne » <strong>de</strong> la démocratie quotidienne, il me semble que c'est d'abord ici<br />

même qu'il conviendrait d'en donner l'exemple.<br />

Je ne vous cacherai pas que les premiers échanges entre la majorité et l'opposition, au<br />

sein <strong>de</strong> la nouvelle Assemblée, ne nous ont guère satisfaits.<br />

<strong>Le</strong> Gouvernement a voulu jouer le jeu <strong>de</strong> la démocratie loyalement et rompre avec<br />

une pratique parlementaire qui excluait l'opposition <strong>de</strong> toute responsabilité. Je<br />

regrette que la nouvelle opposition s'y soit refusée.<br />

La notion <strong>de</strong> statut <strong>de</strong> l'opposition est une survivance du précé<strong>de</strong>nt septennat.<br />

<strong>Le</strong> problème ne se pose pas ainsi. Pour rendre son rôle au Parlement, pour<br />

rééquilibrer le pouvoir législatif par rapport à l'exécutif, pour respecter l’opposition, il<br />

suffit <strong>de</strong> laisser jouer pleinement les règles démocratiques. Je confirme que nous y<br />

sommes décidés.<br />

Cela signifie, par exemple, que vous pourrez, lors <strong>de</strong>s questions d'actualité, vous<br />

exprimer totalement et répliquer aux membres du Gouvernement.<br />

Cela signifie également que <strong>de</strong>s propositions <strong>de</strong> loi pourront venir en discussion, que<br />

le recours systématique au vote bloqué est abandonné et que le Gouvernement<br />

respectera le pouvoir d'amen<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> tous les élus, qu'ils siègent sur les bancs <strong>de</strong> la<br />

majorité ou sur ceux <strong>de</strong> l'opposition.<br />

Mais la nouvelle citoyenneté correspond à un projet bien plus vaste que les seules<br />

procédures parlementaires.<br />

C'est vrai <strong>de</strong> la justice qu'il faut à la fois libérer <strong>de</strong> l'État et rapprocher <strong>de</strong>s justiciables.<br />

C'est une priorité. Ici encore, l'héritage est lourd. On a assisté ces <strong>de</strong>rnières années à<br />

un déclin <strong>de</strong>s libertés et, dès lors, à celui <strong>de</strong> la confiance que les Français accor<strong>de</strong>nt à<br />

leur justice. Pour restaurer cette confiance, le Gouvernement va engager une série<br />

d'actions.<br />

10


<strong>Le</strong> 3 juin, il s'est prononcé en faveur <strong>de</strong> l'ouverture aux Français du recours individuel<br />

prévu par l'article 25 <strong>de</strong> la Convention européenne <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l'homme.<br />

Il vous proposera, au cours <strong>de</strong> la présente session, un projet <strong>de</strong> loi tendant à la<br />

suppression <strong>de</strong> la Cour <strong>de</strong> sûreté <strong>de</strong> l'État.<br />

Par la suite, il vous soumettra la suppression <strong>de</strong>s tribunaux permanents <strong>de</strong>s forces<br />

armées, l'abrogation <strong>de</strong> la loi du 2 février 1981, dite « sécurité et liberté » et l'abolition<br />

<strong>de</strong> la peine <strong>de</strong> mort. Il présentera à votre vote la réforme tant attendue du Conseil<br />

supérieur <strong>de</strong> la magistrature.<br />

De plus en plus la justice se trouve directement confrontée à <strong>de</strong>s problèmes<br />

économiques, financiers et industriels. En ces temps difficiles pour l'emploi, rien ne<br />

peut être négligé pour lui donner les moyens <strong>de</strong> l'efficacité. C'est pourquoi nous<br />

abor<strong>de</strong>rons avec une ferme détermination la mise à jour <strong>de</strong> l'arsenal juridique qui<br />

étouffe plus qu'il ne sauve les entreprises en difficulté. Ces entreprises appellent<br />

évi<strong>de</strong>mment d'abord <strong>de</strong>s solutions d'ordre économique, mais la part du droit ne<br />

saurait être négligée, ainsi que nous avons dû le constater récemment.<br />

La réaffirmation <strong>de</strong> la primauté du droit est également indispensable en matière<br />

d'écoutes téléphoniques. J'ai décidé d'installer auprès <strong>de</strong> moi une commission qui<br />

m'adressera, avant le 31 octobre, <strong>de</strong>s propositions afin que les écoutes téléphoniques<br />

intervenant en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s informations judiciaires soient très strictement <strong>de</strong>stinées à<br />

prévenir ou à neutraliser les actes <strong>de</strong> grand banditisme, à ai<strong>de</strong>r à la sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />

sécurité extérieure <strong>de</strong> l'État, point final.<br />

Des élus <strong>de</strong> l'opposition comme <strong>de</strong> la majorité, appartenant aux <strong>de</strong>ux assemblées, <strong>de</strong>s<br />

juristes, <strong>de</strong>s magistrats et <strong>de</strong>s fonctionnaires seront sollicités pour remplir cette<br />

mission.<br />

Un mot enfin du rôle <strong>de</strong> la police. Il faut que le policier retrouve la fonction <strong>de</strong><br />

prévention qui est la sienne. <strong>Le</strong>s policiers en sont conscients et ils se sont d'ores et<br />

déjà associés à cet effort. La police judiciaire, quant à elle, doit agir patiemment, sans<br />

recherche du spectaculaire et dans le respect du droit et <strong>de</strong> la dignité <strong>de</strong>s personnes.<br />

Mesdames et messieurs, rendre l'État aux citoyens, leur assurer l'exercice <strong>de</strong> la liberté<br />

et <strong>de</strong> la responsabilité, c'est au premier chef leur garantir le droit à une information<br />

complète et pluraliste.<br />

La culture, l'information, les loisirs <strong>de</strong>s Français dépen<strong>de</strong>nt désormais <strong>de</strong> façon<br />

croissante <strong>de</strong>s moyens mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> communication.<br />

<strong>Le</strong> dossier <strong>de</strong> l'audiovisuel, et plus particulièrement <strong>de</strong> l'information sur les chaînes<br />

<strong>de</strong> radio et <strong>de</strong> télévision, resurgit régulièrement à l'ouverture <strong>de</strong> chaque septennat.<br />

C'est la preuve que la radio et la télévision ne sont pas dotées du statut qui garantirait<br />

leur indépendance. Voilà l'essentiel !<br />

Dans ce domaine également, nous héritons d'une situation viciée <strong>de</strong>puis <strong>de</strong> longues<br />

années. De très mauvaises habitu<strong>de</strong>s ont été prises.<br />

Des structures sont à réformer.<br />

11


Vous aurez à discuter dans les prochains mois d'un projet <strong>de</strong> loi.<br />

Tous les problèmes <strong>de</strong>vront être traités dans le souci constant d'une gran<strong>de</strong> liberté<br />

mais aussi dans un cadre juridique évitant un développement anarchique qui<br />

profiterait, en fin <strong>de</strong> compte, à ceux qui détiennent le pouvoir <strong>de</strong> l'argent. La liberté,<br />

oui, dans un souci <strong>de</strong> pluralisme, d'équilibre et d'équité.<br />

Ce texte <strong>de</strong> loi doit en outre permettre <strong>de</strong> jeter les bases d'un droit susceptible <strong>de</strong><br />

s'adapter rapi<strong>de</strong>ment aux évolutions fulgurantes <strong>de</strong>s techniques.<br />

<strong>Le</strong> Gouvernement souhaite que la loi atteigne trois objectifs : assurer pleinement une<br />

autonomie par rapport au pouvoir politique, qu'il soit national, régional ou local,<br />

mais aussi par rapport aux puissances financières; organiser la décentralisation et<br />

favoriser la pluralité <strong>de</strong>s formes d'expression ; enfin, développer les missions <strong>de</strong><br />

culture, d'éducation, <strong>de</strong> divertissement et d'information <strong>de</strong>s citoyens dans un souci <strong>de</strong><br />

qualité <strong>de</strong>s programmes et d'encouragement à la création.<br />

Une France responsable, c'est aussi un pays qui doit, désormais, enraciner l'unité <strong>de</strong><br />

la République dans la diversité et la responsabilité <strong>de</strong> ses collectivités locales.<br />

Tel est l'objet du premier projet <strong>de</strong> loi touchant aux structures <strong>de</strong> notre vie collective<br />

qui sera déposé dès la présente session sur le bureau <strong>de</strong> votre Assemblée.<br />

Dans l'attente du vote <strong>de</strong> ces textes, les institutions régionales continueront donc à<br />

fonctionner dans le cadre <strong>de</strong> la loi <strong>de</strong> 1972 mais avec <strong>de</strong>s dispositions assouplies<br />

tendant à rapprocher leur fonctionnement <strong>de</strong> celui <strong>de</strong>s autres collectivités<br />

territoriales et à préparer la mise en place <strong>de</strong>s institutions régionales futures. D'ores<br />

et déjà, le Gouvernement a rapporté les décrets et circulaires qui, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la loi,<br />

contraignaient les actions décidées par les conseils régionaux. Dès l'adoption du<br />

projet <strong>de</strong> loi qui va vous être soumis, le prési<strong>de</strong>nt du conseil régional <strong>de</strong>viendra<br />

l'exécutif <strong>de</strong> la région et, comme pour les autres collectivités, la tutelle sera remplacée<br />

par un contrôle juridictionnel a posteriori.<br />

La suppression <strong>de</strong>s préfets vous sera proposée, non par hostilité à un corps qui a<br />

constamment témoigné <strong>de</strong> son sens <strong>de</strong> l'État, mais par volonté <strong>de</strong> voir disparaître<br />

l'image d'une France centralisée à l'extrême, enfermée dans la rigidité <strong>de</strong> ses textes,<br />

<strong>de</strong> ses règlements et <strong>de</strong> ses circulaires.<br />

La décentralisation ne se limite pas à la réforme <strong>de</strong>s collectivités locales. C'est une<br />

logique directrice qui sera à l'œuvre dans toutes les mesures que nous proposons.<br />

Ainsi la nouvelle citoyenneté permettra-t-elle d'offrir à la démocratie quotidienne,<br />

partout où ce sera possible, <strong>de</strong> nouveaux espaces <strong>de</strong> liberté et <strong>de</strong> responsabilité.<br />

Et d'abord au bénéfice <strong>de</strong> la majorité <strong>de</strong> nos compatriotes, je veux dire <strong>de</strong>s citoyennes<br />

car il reste beaucoup à faire si nous voulons que les Françaises aient tous leurs droits<br />

- droits à un emploi, à un salaire, à une carrière comparables à ceux <strong>de</strong>s hommes,<br />

droit aux responsabilités.<br />

12


<strong>Le</strong> Gouvernement est également décidé à encourager cette force neuve qui affirme sa<br />

capacité <strong>de</strong> dialogue, <strong>de</strong> proposition, <strong>de</strong> négociation et <strong>de</strong> gestion, je veux parler du<br />

mouvement <strong>de</strong>s consommateurs et <strong>de</strong>s usagers.<br />

Sous l'impulsion du ministre <strong>de</strong> la consommation, la politique du Gouvernement<br />

favorisera le développement d'un véritable pouvoir <strong>de</strong>s consommateurs, grâce à la<br />

mise à la disposition <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong> moyens juridiques, techniques, financiers et<br />

d'expression.<br />

Dans le régime <strong>de</strong> liberté <strong>de</strong>s prix et <strong>de</strong> concurrence, l'existence d'associations <strong>de</strong><br />

consommateurs dynamiques est un élément fondamental <strong>de</strong> la lutte contre l'inflation.<br />

Rendre les Français maîtres à nouveau <strong>de</strong> leur vie quotidienne, c'est aussi les associer<br />

à l'édification et à la gestion du cadre <strong>de</strong> vie. « Domaine bâti, domaine subi », a-t-on<br />

dit. <strong>Le</strong> plus grand nombre n'a toujours pas acquis le droit à un habitat <strong>de</strong> qualité, le<br />

droit à la ville.<br />

<strong>Le</strong>s collectivités locales maîtriseront les marchés fonciers, ce qui signifie la fin <strong>de</strong> la<br />

spéculation, et elles pourront conduire un urbanisme volontaire. À cette fin, le<br />

Gouvernement vous proposera une politique appuyée sur un impôt foncier déclaratif.<br />

La distribution <strong>de</strong>s ai<strong>de</strong>s au logement sera refondue. Dès aujourd'hui, le logement<br />

social re<strong>de</strong>vient une priorité.<br />

Nous soutiendrons les économies d'énergie dans l'habitat, la sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s quartiers<br />

anciens, la promotion d'une architecture humaine et audacieuse. Nous accepterons<br />

l'initiative privée sans restreindre son action, pour autant qu'elle ne contrarie ni la<br />

justice aujourd'hui, ni la qualité <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong>main.<br />

Nous rendrons aux habitants les pleins pouvoirs sur leur cadre <strong>de</strong> vie. En ce sens, le<br />

Gouvernement vous présentera un projet <strong>de</strong> réforme du statut <strong>de</strong>s locataires.<br />

L'habitat et le cadre <strong>de</strong> vie seront terres d'élection <strong>de</strong> la nouvelle citoyenneté, comme<br />

ils seront terre d'élection <strong>de</strong> la décentralisation.<br />

Dans bien <strong>de</strong>s domaines, le mouvement associatif sera le support privilégié <strong>de</strong> la<br />

nouvelle citoyenneté, en particulier pour la mise en valeur du temps libre. Dans cette<br />

perspective, le Gouvernement l'invite à définir avec lui une nouvelle règle du jeu.<br />

Il nous appartiendra en particulier <strong>de</strong> gommer les ségrégations sociales dans le<br />

domaine du temps libre. Nous nous y emploierons, grâce au « chèque vacances » et<br />

au développement <strong>de</strong>s formes sociales du loisir et du tourisme.<br />

<strong>Le</strong> temps libre, c'est aussi l'éducation permanente, le moyen pour chacun <strong>de</strong><br />

progresser dans sa vie personnelle et socioprofessionnelle.<br />

La formation permanente a été négligée <strong>de</strong>puis plusieurs années. Il faut la relancer,<br />

en revoir le financement, lui ouvrir les écoles et les universités. <strong>Le</strong> niveau d'éducation<br />

et <strong>de</strong> formation <strong>de</strong>s travailleurs est une <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s chances <strong>de</strong> l'économie française.<br />

Nous entreprendrons une transformation profon<strong>de</strong> <strong>de</strong> notre système éducatif. Tous<br />

doivent y participer: parents, élus, associations, représentants <strong>de</strong>s salariés et <strong>de</strong>s<br />

13


employeurs et, au premier chef, les enseignants qui ont été trop souvent dans le passé<br />

injustement critiqués et maltraités.<br />

L'unification du service public d'éducation sera le résultat d'une concertation et d'une<br />

négociation.<br />

Ce service public aura vocation d'accueillir dans le pluralisme, par le biais d'une<br />

politique contractuelle, tous les établissements et tous les personnels. Il nous faut<br />

également envisager l'avenir <strong>de</strong>s universités et <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s écoles.<br />

Avant toute chose, il est indispensable <strong>de</strong> renouveler les conseils d'université. Dans ce<br />

but, le Gouvernement déposera prochainement un projet <strong>de</strong> loi abrogeant la loi<br />

Sauvage et instituant <strong>de</strong> nouvelles règles pour leur composition.<br />

De nouveaux conseils seront élus et réunis avant la fin <strong>de</strong> l'année. À l'issue <strong>de</strong> cette<br />

concertation, la carte universitaire sera établie contractuellement.<br />

Mesdames, messieurs, notre volonté <strong>de</strong> promouvoir la démocratie quotidienne<br />

n'aurait aucun sens si elle ne s'appliquait pas en priorité à la condition <strong>de</strong>s<br />

travailleurs dans les entreprises.<br />

La France attend <strong>de</strong> ses entreprises tant <strong>de</strong> performances, <strong>de</strong> dynamisme, <strong>de</strong><br />

productivité, d'innovation, qu'elle se doit, par morale et par efficacité, <strong>de</strong> garantir et<br />

<strong>de</strong> renforcer les droits <strong>de</strong> ceux dont l'effort, aujourd'hui plus que jamais, conditionne<br />

l'avenir même <strong>de</strong> la nation. Citoyens dans la cité, les travailleurs doivent l'être aussi<br />

sur leur lieu <strong>de</strong> travail.<br />

<strong>Le</strong>s comités d'entreprise disposent, <strong>de</strong> par le Co<strong>de</strong> du travail, <strong>de</strong> pouvoirs importants.<br />

Ces droits ne font pas obstacle à la nécessaire unité <strong>de</strong> direction, mais ils permettent<br />

aux travailleurs d'être informés et d'influer sur la marche <strong>de</strong> l'entreprise. Nous<br />

veillerons à ce qu'ils soient respectés. Certes, le chef d'entreprise doit pouvoir<br />

investir, embaucher, mais le comité d'entreprise doit être aujourd'hui, mieux qu'hier,<br />

associé aux décisions.<br />

Il nous faut sortir d'une situation dans laquelle la négociation est encore l'exception.<br />

<strong>Le</strong>s salaires, la politique <strong>de</strong> l'emploi, la formation, la durée du travail ou son<br />

organisation doivent faire l'objet <strong>de</strong> négociations entre les dirigeants et les sections<br />

syndicales <strong>de</strong> l'entreprise.<br />

<strong>Le</strong>s liens contractuels renforcent le progrès économique et social. <strong>Le</strong> recours<br />

systématique à la loi, au règlement, à l'intervention <strong>de</strong>s pouvoirs publics entraîne<br />

irresponsabilité et rigidités.<br />

<strong>Le</strong> Gouvernement proposera au Parlement les mesures législatives <strong>de</strong>stinées à éviter<br />

le recours abusif au travail temporaire et aux contrats à durée déterminée, et à<br />

renforcer les droits <strong>de</strong>s travailleurs temporaires.<br />

<strong>Le</strong> ministre du Travail a, d'autre part, engagé à ma <strong>de</strong>man<strong>de</strong> une étu<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s<br />

consultations approfondies sur les droits syndicaux. <strong>Le</strong> Gouvernement a déjà montré,<br />

et montrera encore sa volonté <strong>de</strong> faire participer les organisations syndicales à la<br />

recherche <strong>de</strong> solutions aux difficultés <strong>de</strong>s entreprises mala<strong>de</strong>s.<br />

14


Remettre la France au travail, pratiquer la justice sociale, renforcer les droits <strong>de</strong>s<br />

travailleurs et <strong>de</strong>s citoyens: tous ces objectifs ne pourront être atteints sans une<br />

France entreprenante, imaginative, décidée à reconquérir la maîtrise <strong>de</strong> son appareil<br />

<strong>de</strong> production.<br />

La nouvelle politique économique que nous vous proposons repose largement sur la<br />

volonté d'entreprendre, d'innover, d'investir, d'exporter et <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s emplois du<br />

secteur privé. Cette volonté, nous aurons le souci constant <strong>de</strong> la stimuler.<br />

Pour soutenir les entreprises moyennes ou petites, nous vous proposerons <strong>de</strong> revoir<br />

les mécanismes fiscaux ou réglementaires qui découragent la création d'entreprises et<br />

l'innovation; nous faciliterons leur accès aux marchés publics; nous favoriserons leur<br />

alimentation en fonds propres; nous élaborerons une charte <strong>de</strong> la sous-traitance.<br />

Nous entendons rénover notre politique du crédit et développer l'épargne productive.<br />

Pour financer le grand programme d'investissements publics et privés qu'il se<br />

propose <strong>de</strong> susciter, le Gouvernement écarte le recours à la facilité monétaire. La<br />

croissance <strong>de</strong> la masse monétaire <strong>de</strong>meurera strictement contrôlée.<br />

Mais les entreprises atten<strong>de</strong>nt que le crédit <strong>de</strong>stiné au financement <strong>de</strong>s<br />

investissements et <strong>de</strong> la trésorerie soit plus aisément accessible et moins cher.<br />

Nous avons engagé, en liaison avec nos partenaires européens, une action concertée<br />

en vue <strong>de</strong> convaincre les dirigeants <strong>de</strong>s États-Unis du caractère dangereux, pour les<br />

économies européennes, <strong>de</strong> leur politique actuelle <strong>de</strong> taux d'intérêt élevés. Nous<br />

espérons que ces efforts déboucheront sur <strong>de</strong>s résultats concrets à Ottawa.<br />

Mais c'est surtout à la mobilisation <strong>de</strong> l'épargne et à la participation active <strong>de</strong>s<br />

épargnants que nous en appelons pour assurer une assise financière soli<strong>de</strong> à notre<br />

programme <strong>de</strong> redressement économique et social.<br />

Je confirme notre intention d'encourager l'épargne stable, affectée au financement<br />

d'investissements productifs, et particulièrement l'épargne qui s'investit en<br />

obligations. Par ailleurs, seront étudiées sans attendre les mesures permettant<br />

d'assurer la protection <strong>de</strong> l'épargne populaire contre les effets <strong>de</strong> l'inflation.<br />

Toujours avec le souci <strong>de</strong> favoriser la volonté d'entreprendre, le Gouvernement<br />

s'attachera à alléger certaines charges sociales qui pèsent sur les entreprises et<br />

freinent l'embauche.<br />

<strong>Le</strong> Gouvernement, qui entend poursuivre et amplifier la lutte contre l'inflation, ne<br />

souhaite pas, en conséquence, remettre en cause la liberté <strong>de</strong>s prix industriels. Il<br />

s'attachera à obtenir une décélération <strong>de</strong> la hausse <strong>de</strong>s prix dans une économie <strong>de</strong><br />

liberté et <strong>de</strong> concertation. Cela signifie que la concurrence sera stimulée, mais aussi<br />

que les abus seront sanctionnés.<br />

L'objectif central <strong>de</strong> notre politique industrielle est simple. Il vise à créer les<br />

conditions d'une relance <strong>de</strong> l'investissement productif.<br />

15


En 1980, mesdames, messieurs, l'investissement <strong>de</strong>s entreprises privées a été<br />

inférieur <strong>de</strong> 5 % à son niveau <strong>de</strong> 1974. Cette évolution est préoccupante, car il n'y a<br />

pas d'économie prospère sans industrie puissante et pas d'industrie puissante sans<br />

effort d'investissement et <strong>de</strong> recherche. Or, l'écart avec nos principaux partenaires ne<br />

cesse <strong>de</strong> se creuser d'année en année. Cette tendance doit être rapi<strong>de</strong>ment inversée.<br />

À cet effet, les incitations à l'investissement et à l'innovation seront renforcées et une<br />

loi <strong>de</strong> programme sur la recherche et l'innovation technologique sera déposée au<br />

printemps <strong>de</strong> 1982.<br />

La volonté du Gouvernement est <strong>de</strong> réconcilier les Français avec leur industrie. Je<br />

n'oublie pas qu'une très large partie <strong>de</strong> l'industrie française restera du domaine <strong>de</strong>s<br />

entreprises privées. À elles revient, pour l'essentiel, la gran<strong>de</strong> responsabilité <strong>de</strong> créer<br />

<strong>de</strong>s richesses, d'exporter.<br />

<strong>Le</strong>s entreprises, toutes les entreprises <strong>de</strong> ce pays doivent se sentir encouragées à<br />

l'effort et à la réussite. Je les invite à se comporter à l'égard <strong>de</strong>s pouvoirs publics en<br />

partenaires attelés à une même tâche.<br />

Dans cet esprit, sera créé un conseil permanent du développement industriel animé<br />

par le ministre <strong>de</strong> l'Industrie et composé <strong>de</strong> chefs d'entreprises privées et publiques.<br />

Ce conseil donnera au Gouvernement son avis sur l'expansion <strong>de</strong> notre industrie et<br />

formulera toute recommandation qu'il jugera utile.<br />

Par ailleurs, le Gouvernement veillera à ce qu'un rôle moteur en matière<br />

d'investissement continue d'être tenu par le secteur public.<br />

Cela nous conduit à parler d'une gran<strong>de</strong> question, d'une réforme essentielle <strong>de</strong>s<br />

structures <strong>de</strong> notre économie: le renforcement et l'extension du secteur public.<br />

<strong>Le</strong>s nationalisations donneront au Gouvernement <strong>de</strong>s moyens déterminants pour<br />

conduire sa politique économique. Cela est d'abord vrai dans le domaine du crédit.<br />

Il n'est pas <strong>de</strong> politique nouvelle possible sans un contrôle effectif du crédit. C'est<br />

pourquoi le Gouvernement déposera en priorité dès l'automne un projet <strong>de</strong> loi relatif<br />

à la nationalisation du crédit.<br />

La nécessité <strong>de</strong> la nationalisation du crédit est apparue très tôt dans la vie politique<br />

française. Elle a reçu une concrétisation partielle avec la démocratisation <strong>de</strong> la<br />

Banque <strong>de</strong> France sous le gouvernement du Front populaire en 1936, puis en 1945<br />

avec la nationalisation <strong>de</strong> l'institut d'émission et <strong>de</strong> quatre gran<strong>de</strong>s banques <strong>de</strong> dépôt<br />

opérée par le gouvernement d'union nationale dirigé par le général <strong>de</strong> Gaulle. La<br />

nationalisation, longtemps envisagée, <strong>de</strong>s banques d'affaires fut alors contrariée par<br />

la pression <strong>de</strong>s forces conservatrices.<br />

Eh bien ! Cette gran<strong>de</strong> réforme, nous entendons aujourd'hui la parachever. Il<br />

convient donc, dans le prolongement <strong>de</strong>s lois <strong>de</strong> 1936 et <strong>de</strong> 1945, <strong>de</strong> nationaliser le<br />

secteur bancaire.<br />

16


Ainsi, le Gouvernement se dotera <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> mettre en œuvre une politique du<br />

crédit rénovée et orientée vers l'amélioration du service rendu aux utilisateurs et à<br />

l'économie.<br />

L'égalité d'accès <strong>de</strong> tous, notamment <strong>de</strong>s petites et moyennes entreprises, aux<br />

financements à court terme et à long terme sera recherchée. <strong>Le</strong>s établissements<br />

bancaires <strong>de</strong>viendront plus soucieux <strong>de</strong> l'intérêt général dans la distribution du crédit<br />

et ajouteront ce critère trop longtemps négligé à ceux qu'ils utilisent déjà pour<br />

déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> l'octroi <strong>de</strong>s concours.<br />

En outre, <strong>de</strong>s dispositions seront prises pour que l'application <strong>de</strong>s textes <strong>de</strong> 1945 sur<br />

la nationalisation <strong>de</strong>s banques soit rendue effective dans les trois gran<strong>de</strong>s banques<br />

nationales.<br />

Cette nationalisation respectera les principes suivants :<br />

Il n'y aura pas <strong>de</strong> nationalisation indue <strong>de</strong> l'économie. <strong>Le</strong>s participations détenues<br />

par les groupes bancaires ainsi nationalisés, dans <strong>de</strong>s entreprises situées hors du<br />

champ du secteur public élargi tel que l'a défini le Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République, seront<br />

rendues au secteur privé. Cela s'applique notamment aux participations industrielles<br />

multiples détenues en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s onze groupes industriels nationalisables par la<br />

Compagnie financière <strong>de</strong> Paris et <strong>de</strong>s Pays-Bas et la Compagnie financière <strong>de</strong> Suez. Ici<br />

encore, nous ferons pendant la législature ce que nous avons annoncé; rien <strong>de</strong> plus,<br />

rien <strong>de</strong> moins, c'est notre engagement.<br />

<strong>Le</strong> Gouvernement réaffirme qu'il souhaite que l'activité internationale <strong>de</strong>s entreprises<br />

nationales puisse s'exercer sans entraves et que ces entreprises s'insèrent au mieux <strong>de</strong><br />

leurs stratégies dans la compétition mondiale. <strong>Le</strong>s récentes initiatives prises, avec<br />

l'accord <strong>de</strong>s pouvoirs publics, par Elf-Aquitaine et par Rhône-Poulenc montrent que<br />

cette orientation s'applique effectivement aussi bien aux groupes publics qu'au<br />

secteur privé. Rien ne sera fait à cet égard qui puisse perturber l'action internationale<br />

<strong>de</strong>s groupes bancaires nationalisables, action qui, dans la mesure où elle est utile à<br />

nos exportateurs et à nos investisseurs, doit être préservée.<br />

La nationalisation, bien entendu, ne concerne pas les banques étrangères, ni les<br />

banques françaises sous contrôle étranger. Elle ne porte pas non plus sur les<br />

établissements à statut légal spécial, ni sur les réseaux coopératifs et mutualistes et<br />

pas davantage sur les sociétés telles que les Sicomi ou maisons <strong>de</strong> titres.<br />

La nationalisation n'a pas pour objet <strong>de</strong> bouleverser <strong>de</strong>s structures, ni <strong>de</strong> porter<br />

atteinte à la personnalité <strong>de</strong>s réseaux existants. Elle vise, en s'appuyant sur <strong>de</strong>s cadres<br />

et <strong>de</strong>s employés qui ont fait la preuve <strong>de</strong> leur efficacité, à donner une nouvelle<br />

impulsion à l'activité <strong>de</strong>s groupes concernés. Elle a surtout pour but le retour à la<br />

collectivité nationale du privilège d'émission <strong>de</strong> la monnaie, partiellement concédé<br />

jusqu'ici.<br />

Il s'agit <strong>de</strong> revenir, dans les faits, à l'esprit et à la lettre <strong>de</strong> la loi du 2 décembre 1945.<br />

<strong>Le</strong>s petites banques indépendantes, souvent très utiles à la vie économique locale ou<br />

régionale, seront, selon <strong>de</strong>s modalités que nous définirons, rapi<strong>de</strong>ment laissées hors<br />

du champ <strong>de</strong> la nationalisation. Des discussions seront engagées avec leurs dirigeants<br />

17


<strong>de</strong> façon à les associer aux nouvelles orientations <strong>de</strong> la politique <strong>de</strong> crédit que je viens<br />

<strong>de</strong> définir.<br />

<strong>Le</strong> secteur bancaire restera donc pluraliste. Il n'est pas question d'établir un<br />

monopole du crédit. Chaque entrepreneur gar<strong>de</strong>ra le libre choix <strong>de</strong> son banquier, en<br />

changera s'il n'est pas satisfait, et en mettra, s'il le souhaite, plusieurs en concurrence<br />

afin d'obtenir le meilleur service.<br />

Ce pluralisme sera développé par le maintien et la création <strong>de</strong> réseaux régionaux<br />

décentralisés.<br />

Enfin, les missions du Conseil national du crédit et <strong>de</strong> la Commission <strong>de</strong> contrôle <strong>de</strong>s<br />

banques seront renforcées et étendues à toute la distribution du crédit.<br />

Ainsi, la France sera dotée d'instruments nouveaux permettant à toutes les<br />

entreprises, comme aux particuliers, <strong>de</strong> bénéficier d'une politique <strong>de</strong> crédit et <strong>de</strong><br />

financement plus efficace et mieux orientée vers le développement <strong>de</strong> l'activité<br />

économique.<br />

Lors <strong>de</strong> la session d'automne, un second projet <strong>de</strong> loi concernant les groupes<br />

industriels vous sera présenté.<br />

Une économie industrielle mo<strong>de</strong>rne tire sa force à la fois d'un tissu <strong>de</strong> moyennes et <strong>de</strong><br />

petites entreprises très diversifiées et d'un noyau <strong>de</strong> grands groupes industriels, seuls<br />

en mesure d'effectuer les très grands investissements qu'appellent aussi bien les<br />

productions <strong>de</strong> base, fortement consommatrices <strong>de</strong> capital, que les secteurs <strong>de</strong> pointe<br />

aux recherches très coûteuses.<br />

Ces grands groupes doivent être compétitifs et préserver, par leurs efforts conjoints,<br />

la place <strong>de</strong> la France dans <strong>de</strong>s secteurs où la concurrence mondiale est intense.<br />

Il revient aux hommes qui les dirigent, groupe par groupe, d'établir une stratégie<br />

industrielle et <strong>de</strong> la mettre en œuvre. C'est leur <strong>de</strong>voir, en même temps que leur<br />

responsabilité, qui <strong>de</strong>meurera entière. <strong>Le</strong> Plan, instrument essentiel <strong>de</strong> notre<br />

croissance, assurera la compatibilité <strong>de</strong> ces choix, souvent décisifs pour l'intérêt<br />

national, avec les gran<strong>de</strong>s options <strong>de</strong> développement retenues par le Gouvernement.<br />

Cette cohérence vérifiée, nous avons la ferme volonté d'ai<strong>de</strong>r les entreprises à réaliser<br />

leurs objectifs. En particulier, nous savons bien qu'elles sont aujourd'hui plongées<br />

dans un environnement international : elles doivent pouvoir investir au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s<br />

frontières ou signer <strong>de</strong>s accords <strong>de</strong> coopération avec <strong>de</strong>s partenaires étrangers, dès<br />

lors qu'il s'agit en fait d'obtenir un accroissement direct ou indirect <strong>de</strong> la richesse<br />

nationale.<br />

C'est dans cet esprit que nous procé<strong>de</strong>rons à certaines nationalisations industrielles<br />

indispensables au développement que nous entendons promouvoir.<br />

Conformément aux engagements du Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République, onze groupes<br />

industriels viendront, pendant la législature, s'insérer au sein du secteur public. Onze<br />

groupes, pas un <strong>de</strong> plus, pas un <strong>de</strong> moins : c'est notre engagement.<br />

18


La situation diversifiée <strong>de</strong> ces groupes impose cependant que notre démarche gar<strong>de</strong><br />

une certaine souplesse dans le temps et dans la forme.<br />

La nationalisation sera immédiate pour :<br />

<strong>Le</strong> groupe Dassault, et il en ira <strong>de</strong> même pour la société Matra, qui vit pour l'essentiel<br />

<strong>de</strong> comman<strong>de</strong>s militaires. Des étu<strong>de</strong>s seront engagées sans délai pour tenir compte <strong>de</strong><br />

la situation spécifique <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux groupes.<br />

Deuxièmement, l'ensemble sidérurgique constitué par Usinor et Sacilor qui traverse<br />

une crise longue et douloureuse. L'État a le <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> prendre immédiatement, en<br />

tant qu'actionnaire, la responsabilité totale d'une action <strong>de</strong> restructuration dont les<br />

inci<strong>de</strong>nces auront une importance nationale.<br />

Troisièmement, cinq groupes industriels : la Compagnie générale d'électricité,<br />

Pechiney-Ugine-Kuhlmann, Rhône-Poulenc, Saint-Gobain-Pont-à-Mousson,<br />

Thomson-Brandt, seront immédiatement nationalisés au niveau <strong>de</strong>s sociétés mères.<br />

L'appropriation publique du capital <strong>de</strong> ces cinq groupes ne portera pas sur la fraction<br />

du capital, d'ailleurs très minoritaire, détenue par <strong>de</strong>s étrangers. Ces <strong>de</strong>rniers seront<br />

libres <strong>de</strong> rester ou <strong>de</strong> vendre à l'État leur participation.<br />

Nous vivons en économie ouverte. <strong>Le</strong>s accords industriels ou technologiques avec <strong>de</strong>s<br />

partenaires étrangers, l'investissement réciproque <strong>de</strong> capitaux créent <strong>de</strong>s liens entre<br />

l'économie française et son environnement international.<br />

De tels échanges sont souvent créateurs d'emplois et <strong>de</strong> richesses. Chaque fois qu'ils<br />

répondront effectivement à ce critère, sans nous mettre en état <strong>de</strong> dépendance, nous<br />

chercherons à les maintenir sinon à les renforcer.<br />

Nous voulons que l'État, par la nationalisation, s'assure la maîtrise <strong>de</strong>s pôles<br />

industriels qui nous paraissent comman<strong>de</strong>r une politique dynamique <strong>de</strong><br />

l'investissement et <strong>de</strong> l'emploi. Mais nous souhaitons en même temps que les<br />

partenaires et les actionnaires étrangers, qui ont jusqu'ici participé à l'expansion <strong>de</strong><br />

ces sociétés, puissent, s'ils le désirent, continuer à le faire.<br />

Des négociations seront immédiatement ouvertes avec les dirigeants <strong>de</strong> trois groupes<br />

- CII-Honeywell Bull, ITT-France, Roussel-Uclaf - qui, pour <strong>de</strong>s raisons spécifiques,<br />

ne pourront pas relever <strong>de</strong> la prochaine loi <strong>de</strong> nationalisation. Ils comportent en effet<br />

une importante participation étrangère qui, dans les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers cas, est même<br />

majoritaire, et dont l'une représente 99 % du capital. Ces négociations auront pour<br />

but <strong>de</strong> dégager les voies et moyens <strong>de</strong> la nécessaire restructuration du capital, en<br />

accord avec les partenaires étrangers, avec le souci <strong>de</strong> maintenir les liens<br />

technologiques, industriels et commerciaux qui existent, mais aussi, bien entendu, la<br />

volonté <strong>de</strong> poursuivre le mouvement <strong>de</strong> nationalisation, comme je l'ai indiqué.<br />

La nationalisation, j'en suis convaincu, se traduira par un renforcement <strong>de</strong>s groupes<br />

industriels concernés. Cet objectif revêt, à mes yeux, un caractère prioritaire.<br />

La nationalisation ne sera pas l'étatisation. Nous préserverons l'i<strong>de</strong>ntité et<br />

l'autonomie <strong>de</strong>s sociétés nationales ainsi créées. Elles bénéficieront <strong>de</strong> leur pleine<br />

19


esponsabilité d'entreprises, appelées à intervenir <strong>de</strong> leur propre initiative sur le plan<br />

national comme sur le plan international. Des exemples antérieurs sont là pour<br />

montrer que nos entreprises publiques peuvent emporter <strong>de</strong>s succès remarquables<br />

dès lors qu'est garantie leur autonomie <strong>de</strong> gestion. Nous la garantirons dans le cadre<br />

<strong>de</strong> contrats d'entreprises qu'elles signeront avec l'État.<br />

<strong>Le</strong> Gouvernement est conscient du caractère complexe et vivant <strong>de</strong> ces groupes. Son<br />

souci n'est pas <strong>de</strong> les démanteler, mais <strong>de</strong> les appeler à entreprendre et à prospérer.<br />

J'appelle donc les équipes qui les animent et qui ont fait la preuve <strong>de</strong> leur capacité, les<br />

cadres, le personnel, à se mobiliser au service d'un effort d'investissement et <strong>de</strong><br />

développement.<br />

Enfin, le secteur public ainsi étendu sera bien entendu directement intéressé par les<br />

dispositions législatives que le Gouvernement, comme je l'ai déjà dit, proposera en<br />

vue d'améliorer, <strong>de</strong> manière générale, les droits <strong>de</strong>s travailleurs dans l'entreprise. <strong>Le</strong><br />

Gouvernement déposera ultérieurement <strong>de</strong>vant le Parlement un projet <strong>de</strong> loi qui<br />

visera à faire du secteur public le lieu privilégié <strong>de</strong> l'innovation sociale.<br />

Il va <strong>de</strong> soi que, dans le domaine bancaire comme dans le domaine industriel,<br />

l'in<strong>de</strong>mnisation <strong>de</strong>s actionnaires, dont les modalités seront précisées dans les <strong>de</strong>ux<br />

projets <strong>de</strong> loi dont je viens <strong>de</strong> parler, sera juridiquement incontestable et<br />

financièrement équitable.<br />

Nous allons immédiatement préparer la mise en place <strong>de</strong> l'en- semble <strong>de</strong> ce dispositif.<br />

À cet effet, le Gouvernement va désigner <strong>de</strong>s délégués, chargés <strong>de</strong> prendre contact<br />

avec les groupes bancaires et industriels concernés et d'étudier avec eux les<br />

dispositions à prendre pendant la pério<strong>de</strong> transitoire qui nous sépare du vote <strong>de</strong>s lois<br />

<strong>de</strong> nationalisation. Ces délégués rendront compte <strong>de</strong> leurs démarches à un comité<br />

interministériel permanent, dont ils recevront les instructions nécessaires.<br />

L'extension du secteur public n'est pas la seule réforme <strong>de</strong> structure que le<br />

Gouvernement entend mener à bien pour modifier en profon<strong>de</strong>ur notre vie<br />

économique.<br />

La forme coopérative nous semble, par exemple, bien adaptée pour favoriser les<br />

efforts <strong>de</strong>s créateurs d'entreprises. <strong>Le</strong>s collectivités locales, <strong>de</strong> leur côté, souhaitent<br />

pouvoir favoriser <strong>de</strong> telles initiatives. Enfin, la mutualité a fait la démonstration <strong>de</strong><br />

son efficacité économique et sociale. Or, <strong>de</strong> nombreux obstacles juridiques et<br />

réglementaires subsistent qui ont empêché une mobilisation <strong>de</strong> l'épargne en faveur<br />

<strong>de</strong>s entreprises coopératives. Ces obstacles doivent être levés, un nouveau cadre<br />

juridique doit être instauré afin que puisse se développer une véritable économie<br />

sociale.<br />

Je ne voudrais pas terminer cette partie <strong>de</strong> mon exposé sans traiter <strong>de</strong> cette autre<br />

source <strong>de</strong> richesse nationale qu'est l'agriculture.<br />

L'agriculture française ne peut être qu'une agriculture en expansion.<br />

Il y a, pour cela, plusieurs raisons. La première est la richesse <strong>de</strong> notre pays, dont<br />

vous connaissez la diversité mais qui, représentant 33 % <strong>de</strong> la surface cultivable<br />

communautaire, ne produit qu'un peu plus du quart <strong>de</strong> l'ensemble <strong>de</strong>s productions<br />

20


agricoles <strong>de</strong>s dix pays membres. D'importantes marges <strong>de</strong> progression subsistent<br />

donc. Nous pouvons et <strong>de</strong>vons encore accroître le sol<strong>de</strong> positif <strong>de</strong> nos échanges<br />

agroalimentaires, qui dépassera 20 milliards <strong>de</strong> francs en 1981. Il n'y a qu'une seule<br />

voie pour cela: le développement <strong>de</strong> notre agriculture et <strong>de</strong> nos industries agricoles et<br />

alimentaires.<br />

La secon<strong>de</strong> est que le déficit alimentaire croissant <strong>de</strong>s pays du tiers mon<strong>de</strong> et, en<br />

particulier, <strong>de</strong> nos voisins <strong>de</strong> la Méditerranée et <strong>de</strong> l'Afrique est alarmant sur le plan<br />

humanitaire comme sur le plan politique.<br />

Peut-on raisonnablement envisager <strong>de</strong> limiter le développement d'une richesse aussi<br />

vitale pour <strong>de</strong>s millions d'hommes ?<br />

Peut-on laisser à la seule Amérique du Nord la possibilité <strong>de</strong> répondre à cette<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> qui ne fera que croître, et capter le marché mondial à son profit ?<br />

Cette expansion ne peut se faire que dans le cadre communautaire. Toutefois, il n'est<br />

plus possible <strong>de</strong> croire à la seule vertu <strong>de</strong>s compromis, laborieusement négociés, pour<br />

sauver la politique agricole commune et éviter le blocage progressif <strong>de</strong> toutes ses<br />

instances <strong>de</strong> décision sous le choc <strong>de</strong>s égoïsmes nationaux.<br />

Un mot enfin <strong>de</strong> l'ouverture économique <strong>de</strong> la France au mon<strong>de</strong>.<br />

La pénétration <strong>de</strong> notre marché intérieur par les produits étrangers prend <strong>de</strong>s<br />

proportions inquiétantes. Elle a progressé <strong>de</strong> près <strong>de</strong> quatre points pour les produits<br />

industriels <strong>de</strong>puis 1978.<br />

Face à la compétition internationale, il est du <strong>de</strong>voir du Gouvernement, en<br />

concertation avec nos partenaires, <strong>de</strong> restaurer rapi<strong>de</strong>- ment les marges d'action et la<br />

compétitivité <strong>de</strong> notre économie.<br />

Cet effort sera conduit dans le respect <strong>de</strong> nos engagements internationaux. Toute<br />

protection abusive aux frontières serait plus nocive pour l'industrie qu'efficace. Mais<br />

le Gouvernement sera vigilant à l'égard <strong>de</strong> la concurrence déloyale. Il utilisera les<br />

procédures <strong>de</strong> concertation existantes avec nos partenaires commerciaux. Notre<br />

attitu<strong>de</strong> sera fondée sur le respect d'une stricte réciprocité dans les pratiques<br />

commerciales et tarifaires. L'attention <strong>de</strong>s États-Unis et du Japon a déjà été<br />

clairement appelée sur ce point.<br />

Deux axes prioritaires seront affirmés dans le cadre du Plan <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans: la réduction<br />

<strong>de</strong> la dépendance énergétique ; le renforcement <strong>de</strong> nos points forts à l'exportation et<br />

la reconquête du marché intérieur.<br />

<strong>Le</strong> Gouvernement proposera un programme énergétique d'ensemble qui fera l'objet<br />

d'un débat au Parlement, puis dans les instances régionales.<br />

Nous ne négligerons aucune <strong>de</strong>s ressources énergétiques fossiles extraites <strong>de</strong> notre<br />

propre sous-sol, sous réserve que leur coût d'exploitation <strong>de</strong>meure acceptable par<br />

rapport aux prix du marché mondial.<br />

21


Une politique active <strong>de</strong> recherche et <strong>de</strong> développement pour l'utilisation <strong>de</strong>s énergies<br />

renouvelables sera appliquée.<br />

Il s'agit enfin <strong>de</strong> poursuivre un programme électronucléaire important mais<br />

raisonnable, qui tienne compte du moindre coût <strong>de</strong> cette source d'énergie mais qui<br />

évite le vertige du tout nucléaire qui nous était promis.<br />

C'est, je le répète, par le dynamisme <strong>de</strong> l'industrie, la cohérence <strong>de</strong> la politique<br />

industrielle, une concertation accrue entre producteurs nationaux et réseaux <strong>de</strong><br />

distribution que passent une reconquête effective du marché intérieur et<br />

l'amélioration <strong>de</strong> notre compétitivité sur les marchés <strong>de</strong>s pays industrialisés.<br />

<strong>Le</strong>s mutations économiques et sociales que nous engageons seront conduites sans<br />

que la France cherche à s'isoler. Non seulement elle restera ouverte au mon<strong>de</strong>, mais<br />

encore elle entend tenir pleinement son rôle sur la scène diplomatique.<br />

Notre objectif - et ce sera mon <strong>de</strong>rnier point - est <strong>de</strong> bâtir une France fière.<br />

La France <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l'homme. Une France décidée à promouvoir un nouvel ordre<br />

international. Vous savez l'espoir qu'a fait naître l'élection <strong>de</strong> François Mitterrand<br />

dans nombre <strong>de</strong> pays étrangers.<br />

Forte <strong>de</strong> ce courant <strong>de</strong> sympathie, la diplomatie que nous allons développer<br />

s'engagera résolument dans la recherche <strong>de</strong> vraies solutions à la crise économique<br />

internationale et aux conflits douloureux qui créent, pour <strong>de</strong> nombreux peuples, <strong>de</strong>s<br />

situations intolérables.<br />

Seul un effort planétaire <strong>de</strong> réorganisation et <strong>de</strong> solidarité peut réduire les zones <strong>de</strong><br />

tension, contribuer à la prospérité et à la paix.<br />

Pour la France, le moyen <strong>de</strong> plus sûr <strong>de</strong> façonner un environnement conforme aux<br />

vœux que je viens d'exprimer, c'est d'abord la construction européenne.<br />

<strong>Le</strong>s mécanismes <strong>de</strong> coopération dont s'est dotée la Communauté doivent déjà<br />

beaucoup à l'action <strong>de</strong> notre pays. <strong>Le</strong> Gouvernement s'efforcera d'aller plus loin, et<br />

surtout <strong>de</strong> faire en sorte que la capacité d'organisation considérable que ces<br />

mécanismes offrent aux États membres soit pleinement utilisée au service du<br />

redressement économique, <strong>de</strong> l'emploi, <strong>de</strong> la correction <strong>de</strong>s inégalités et <strong>de</strong> la<br />

coopération avec les pays en voie <strong>de</strong> développement.<br />

Nous avons la ferme intention <strong>de</strong> retrouver l'esprit <strong>de</strong>s institutions communautaires<br />

et <strong>de</strong> régler, avec loyauté et pragmatisme, les contentieux actuels. Nous ne sommes ni<br />

<strong>de</strong>s idéologues <strong>de</strong> la supranationalité ni <strong>de</strong>s théologiens <strong>de</strong> l'anti-supranationalité. La<br />

restructuration du budget <strong>de</strong> la Communauté, la réforme <strong>de</strong> la politique agricole<br />

commune, la renégociation d'arrangements internationaux comme l'accord<br />

multifibres, l'élargissement <strong>de</strong> la Communauté seront abordés dans un esprit<br />

constructif dans le souci <strong>de</strong> concilier à la fois la définition <strong>de</strong> positions communes et<br />

la sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s intérêts <strong>de</strong> la France.<br />

22


Mais la vraie tâche qui attend les Européens est d'une tout autre ampleur. Il s'agit <strong>de</strong><br />

faire face à la crise, c'est-à-dire au chômage, à la restructuration industrielle, au<br />

problème <strong>de</strong> l'approvisionnement en énergie.<br />

Or, dans ce nouvel environnement économique, l'Europe du libre-échange semble<br />

paralysée. La nouvelle division du travail, au bénéfice <strong>de</strong>s sociétés multinationales, se<br />

fait sans l'Europe, et même contre elle. Si l'Europe ne secoue pas sa torpeur, il est à<br />

craindre que les Etats membres ne soient contraints <strong>de</strong> faire appel à <strong>de</strong>s mesures<br />

protectionnistes importantes. La construction européenne serait alors menacée.<br />

Pour relever les défis, l'Europe doit se montrer active, volontariste, assurer le<br />

développement <strong>de</strong>s industries qui présentent un intérêt stratégique dans la<br />

compétition internationale et renforcer les liens <strong>de</strong> coopération avec les pays en<br />

développement.<br />

Pour relever les défis, l'Europe doit encore étendre l'espace européen au domaine<br />

social, comme le Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République l'a indiqué à ses collègues au <strong>de</strong>rnier<br />

Conseil européen <strong>de</strong> Luxembourg. <strong>Le</strong> Gouvernement cherchera à donner rapi<strong>de</strong>ment<br />

corps à l'espace social européen grâce à la recherche d'une harmonisation progressive<br />

<strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> travail et <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong>s travailleurs dans la Communauté.<br />

Mais l'importance que le Gouvernement attache aux affaires communautaires ne<br />

signifie pas pour autant que la France ne tiendra pas le rôle qui lui revient dans les<br />

relations internationales.<br />

Notre action diplomatique s'inspirera d'un certain nombre d'impératifs. Je voudrais<br />

insister sur trois d'entre eux : tenir notre place dans le mon<strong>de</strong> ; lutter pour le respect<br />

du droit ; promouvoir la solidarité internationale.<br />

Oui, nous sommes comptables d'un héritage dont nous <strong>de</strong>vons maintenir et amplifier<br />

les meilleurs éléments. Respectueuse d'elle-même, la France honorera tous les<br />

engagements qu'elle a pris et ne décevra pas l'attente <strong>de</strong> ceux qui ont trouvé en elle un<br />

partenaire loyal. Je pense en particulier à tous ces pays d'Afrique avec lesquels les<br />

acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> l'Histoire, mais aussi ses élans généreux, ont tissé <strong>de</strong>s liens particuliers.<br />

La même fidélité nous amène à réaffirmer l'importance que nous attachons aux<br />

réseaux d'amitiés ou d'alliances qui nous lient à d'autres nations <strong>de</strong> par le mon<strong>de</strong>.<br />

Aux premiers rangs <strong>de</strong> nos alliés figurent, naturellement, les États-Unis d'Amérique<br />

et nos autres partenaires <strong>de</strong> l'Alliance atlantique. Cette alliance ne représente pas<br />

seulement, pour nous, un moyen <strong>de</strong> la sécurité collective. Elle est aussi une<br />

communauté humaine à l'intérieur <strong>de</strong> laquelle nous nous inscrivons, par un acte<br />

libre, et dans laquelle nous entendons assumer, en toute indépendance, notre<br />

politique intérieure.<br />

Dans le même temps, la France ne peut tenir sa place dans le mon<strong>de</strong> que si son<br />

indépendance, sa sécurité, sa prospérité économique sont garanties par ses propres<br />

efforts. C'est pourquoi je tiens à rappeler solennellement notre attachement à tous les<br />

efforts que notre pays a accomplis pour se doter <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> son indépendance, et<br />

en particulier, <strong>de</strong>s moyens militaires. Cet effort sera poursuivi afin que notre<br />

politique <strong>de</strong> défense, qui est fondée sur une capacité nationale <strong>de</strong> dissuasion,<br />

<strong>de</strong>meure la garantie ultime <strong>de</strong> notre souveraineté.<br />

23


En particulier, la France ne prendra aucun retard dans la course technologique<br />

permanente qui est engagée à ce niveau.<br />

Tous les motifs d'inquiétu<strong>de</strong> ne sont malheureusement pas écartés. Ils tiennent<br />

notamment à l'accroissement ininterrompu du potentiel militaire <strong>de</strong> l'Union<br />

soviétique, qui se manifeste aujourd'hui dans le domaine <strong>de</strong>s armes à moyenne<br />

portée menaçant directement l'Europe occi<strong>de</strong>ntale.<br />

Nous avons dit que nos alliés européens ne sauraient cé<strong>de</strong>r à l'intimidation, et que les<br />

équilibres stratégiques globaux doivent être sauvegardés.<br />

La défense <strong>de</strong> la paix ne passe pas par le neutralisme mais par l'équilibre <strong>de</strong>s forces.<br />

Si cet équilibre est rompu, un effort supplémentaire doit être engagé pour le rétablir.<br />

Ce n'est, en effet, qu'en situation d'équilibre <strong>de</strong>s forces que les négociations pourront<br />

aboutir.<br />

Ces négociations, bien sûr, doivent tendre à une diminution du niveau <strong>de</strong>s<br />

armements.<br />

Nous <strong>de</strong>vons aussi lutter pour le respect du droit. Cela signifie que la France<br />

cherchera à avoir une attitu<strong>de</strong> exemplaire et écartera délibérément les<br />

compromissions, la tyrannie <strong>de</strong>s intérêts immédiats, pour montrer la voie qui conduit<br />

au respect <strong>de</strong>s principes fonda- mentaux <strong>de</strong> la vie internationale. Elle affirmera avec<br />

fermeté le droit <strong>de</strong>s peuples à disposer d'eux-mêmes, l'indépendance, la souveraineté<br />

et la sécurité pour les Etats, le droit au développement.<br />

C'est ainsi que nous nous prononçons, avec nos partenaires européens, pour le retrait<br />

<strong>de</strong>s troupes soviétiques d'Afghanistan, pour l'exercice <strong>de</strong> l'autodétermination par le<br />

peuple afghan et contre toute ingérence dans les affaires <strong>de</strong> ce pays.<br />

Nous espérons que le dialogue entre la France et l'Union soviétique pourra bientôt<br />

retrouver un élan nouveau conforme aux relations traditionnelles d'amitié entre nos<br />

<strong>de</strong>ux pays, qui ont l'un comme l'autre payé un lourd tribut lors du <strong>de</strong>rnier conflit<br />

mondial.<br />

En Pologne, où s'accomplit <strong>de</strong> manière pacifique un effort <strong>de</strong> redressement et <strong>de</strong><br />

renouveau porteur d'un immense espoir, nous sommes prêts, en liaison avec nos<br />

partenaires, à apporter notre concours. Nous affirmons notre refus <strong>de</strong> toute<br />

intervention ou ingérence étrangère quelles qu'en soient les motivations. <strong>Le</strong>s<br />

problèmes <strong>de</strong> la Pologne doivent être résolus par les Polonais eux-mêmes.<br />

Nous nous prononçons pour qu'au Proche-Orient une solution négociée prenne<br />

effectivement en compte les intérêts légitimes <strong>de</strong> tous les Etats <strong>de</strong> la région, et parmi<br />

eux Israël, en reconnaissant leur droit <strong>de</strong> vivre dans <strong>de</strong>s frontières sûres et reconnues,<br />

et assurant aux Palestiniens le droit effectif à avoir une patrie.<br />

Nous nous prononçons pour qu'un Cambodge indépendant, débarrassé <strong>de</strong> la<br />

présence militaire étrangère, libre <strong>de</strong> choisir son propre gouvernement, retrouve la<br />

dignité à laquelle il adroit.<br />

24


Nous nous prononçons pour qu'en Amérique latine le progrès social puisse<br />

triompher, dans le cadre d'institutions démocratiques et sans que ces changements<br />

soient mis à profit <strong>de</strong> l'extérieur pour servir <strong>de</strong>s affrontements aveugles, étrangers<br />

aux aspirations <strong>de</strong>s peuples <strong>de</strong> la zone.<br />

Nous nous prononçons aussi pour que tous les pays africains, conformément aux<br />

principes affirmés par l'Organisation <strong>de</strong> l'unité africaine, puissent vivre en paix, à<br />

l'abri <strong>de</strong> l'agression et <strong>de</strong> l'ingérence étrangère. Dans ce domaine, la France assumera<br />

mieux qu'auparavant ses responsabilités, dans le respect <strong>de</strong> la volonté et <strong>de</strong>s intérêts<br />

<strong>de</strong> ses partenaires et <strong>de</strong>s principes universels dont je viens <strong>de</strong> parler.<br />

Ceci me conduit à vous dire enfin quelques mots sur notre troisième impératif:<br />

promouvoir la solidarité internationale.<br />

<strong>Le</strong> renchérissement <strong>de</strong>s prix du pétrole, l'instabilité <strong>de</strong>s cours <strong>de</strong>s matières premières,<br />

la désorganisation du système monétaire international ont le plus souvent aggravé la<br />

situation économique et sociale <strong>de</strong>s pays en développement, sans que la politique<br />

d'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s pays industrialisés ait connu une quelconque inflexion.<br />

<strong>Le</strong> Gouvernement <strong>de</strong> la France, pour sa part, est déterminé à renforcer l'ai<strong>de</strong> publique<br />

bilatérale et multilatérale au développement et à atteindre dans son intégralité<br />

l'objectif <strong>de</strong> 0,7 % du PNB.<br />

<strong>Le</strong> Gouvernement cherchera, dans les discussions avec ses partenaires <strong>de</strong>s pays<br />

industrialisés et <strong>de</strong>s pays en développement, à pro- mouvoir <strong>de</strong> nouveaux types <strong>de</strong><br />

coopération internationale tels que les accords <strong>de</strong> produits et le fonds commun <strong>de</strong>s<br />

matières premières.<br />

Il est temps que les pays industrialisés manifestent concrètement leur volonté <strong>de</strong><br />

renforcer leurs relations commerciales avec les pays en développement. <strong>Le</strong><br />

Gouvernement souscrit pleinement à la déclaration publiée à l'issue <strong>de</strong> la réunion<br />

ministérielle du conseil <strong>de</strong> l'OCDE <strong>de</strong>s 16 et 17 juin. Il voit dans la multiplication <strong>de</strong>s<br />

échanges avec les pays en développement, stimulée par une politique volontariste<br />

d'ai<strong>de</strong> et <strong>de</strong> coopération, l'un <strong>de</strong>s instruments majeurs du retour <strong>de</strong> l'économie<br />

mondiale à la croissance. Lors <strong>de</strong>s prochaines réunions internationales, la France<br />

cherchera à faire prévaloir ses idées.<br />

Par toutes ses actions, la France renouera avec une histoire qui explique, pour une<br />

large part, son audience dans le mon<strong>de</strong>. Il n'y a pas, mesdames, messieurs les<br />

députés, <strong>de</strong> rayonnement <strong>de</strong> la France qui soit séparable <strong>de</strong> sa culture et <strong>de</strong> son passé.<br />

La France à l'étranger, c'est d'abord celle <strong>de</strong> la révolution <strong>de</strong> 1789, celle <strong>de</strong> l'audace.<br />

Aujourd'hui encore, la France peut proposer un modèle original <strong>de</strong> société et faire<br />

œuvre créatrice. Nous voulons que notre pays, en renouant avec sa tradition, porte<br />

haut et loin les valeurs <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l'homme, <strong>de</strong> la fraternité et <strong>de</strong> la compréhension<br />

<strong>de</strong>s cultures <strong>de</strong>s autres peuples.<br />

Nous serons donc très attentifs au développement <strong>de</strong>s échanges culturels, dans le<br />

cadre <strong>de</strong> la francophonie en particulier.<br />

Nous développerons, partout où cela est possible, les liens <strong>de</strong> la langue et <strong>de</strong> la<br />

culture porteurs <strong>de</strong> cette forme <strong>de</strong> civilisation à. i laquelle nous sommes attachés.<br />

25


Voilà, mesdames, messieurs, les objectifs, les moyens et le calendrier <strong>de</strong> l'action<br />

gouvernementale. Comme vous pouvez le constater, ce n'est pas le travail qui<br />

manque. Ni pour vous, ni pour nous. Je vous remercie d'ailleurs <strong>de</strong> votre patience.<br />

Pour mener à bien ce programme, il faut que l'exécutif et le législatif œuvrent <strong>de</strong><br />

concert, dans un climat <strong>de</strong> loyauté et <strong>de</strong> confiance. Pour sceller notre volonté<br />

commune, un vote est indispensable.<br />

C'est pourquoi j'ai obtenu, ce matin, du Conseil <strong>de</strong>s ministres, l'autorisation<br />

d'engager, sur cette déclaration <strong>de</strong> politique générale, la responsabilité du<br />

Gouvernement conformément à l'article 49 <strong>de</strong> la Constitution.<br />

Mesdames, messieurs, je vous remercie.<br />

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