La Fée amante et le Chevalier: De l'interdit premier au rite sacrificiel ...
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homme s’était épris de la statue de ia Vénus de Cnide, représentée nue; il<br />
lui faisait de riches dons, afin qu’el<strong>le</strong> l’acceptât pour époux. Apollonius de<br />
Tyane m<strong>et</strong> en garde l’imprudent contre c<strong>et</strong>te ‘ivresse’: ‘Les Dieux aiment des<br />
déesses; ies hommes, des femmes; <strong>le</strong>s anim<strong>au</strong>x, des femel<strong>le</strong>s de <strong>le</strong>ur espèce;<br />
chaque être aime son semblab<strong>le</strong>, pour enfanter des êtres semblab<strong>le</strong>s à lui.<br />
Quand il y a union entre deux êtres d’espèces différentes, c’est une<br />
monstruosité, ce n’est pas un hymen’ (Philostrate, VI, XL).<br />
On s’imagine que de tel<strong>le</strong>s unions étaient possib<strong>le</strong>s à un âge<br />
primordial, in iZZo tempore. <strong>La</strong> mythologie, <strong>le</strong>s contes de fées gardent <strong>le</strong><br />
souvenir d’un temps privilégié, où ‘rien n’était encore stabilisé, <strong>au</strong>cune règ<strong>le</strong><br />
encore édictée, <strong>au</strong>cune forme encore fixée’ (Caillois, pp. 131-32). Mais dès<br />
que <strong>le</strong>s ancêtres <strong>au</strong>raient enfermé chaque chose <strong>et</strong> chaque être dans <strong>le</strong>urs<br />
limites, ils <strong>le</strong>s <strong>au</strong>raient privés ‘de tous <strong>le</strong>s pouvoirs magiques qui <strong>le</strong>ur<br />
perm<strong>et</strong>taient de réaliser à l’instant <strong>le</strong>urs désirs, <strong>et</strong>, sans connaître <strong>au</strong>cun<br />
obstac<strong>le</strong>, de devenir sur-<strong>le</strong>-champ ce qu’il <strong>le</strong>ur plaisait d’être. L’ordre, en<br />
eff<strong>et</strong>, ne s’accommode pas de l’existence simultanée de toutes <strong>le</strong>s possibilités,<br />
de l’absence de toute règ<strong>le</strong>: <strong>le</strong> monde connut alors <strong>le</strong>s limitations<br />
infranchissab<strong>le</strong>s qui confinent chaque espèce dans son être propre <strong>et</strong> qui<br />
l’empêchent d’en sortir. Tout se trouva immobilisé <strong>et</strong> <strong>le</strong>s interdits furent<br />
établis afin que l’organisation, la légalité nouvel<strong>le</strong>s ne fussent pas troublées’<br />
(Caillois, pp. 132-33). Un enseignement qui traverse tout <strong>le</strong> Moyen Age est<br />
que Dieu a établi toutes choses ‘dans <strong>le</strong> nombre, ia mesure <strong>et</strong> <strong>le</strong> poids’. I1 y<br />
a un ordre universel qu’il convient de ne pas transgresser. A oublier c<strong>et</strong>te<br />
vérité première, nous risquons de prendre un drame aventure métaphysique<br />
pour une histoire économique ou une aventure sentimenta<strong>le</strong>: la condition<br />
posée par la fée est réduite à un simp<strong>le</strong> contrat matrimonial, quand el<strong>le</strong> est<br />
considérée comme une juste contrepartie des avantages qu’el<strong>le</strong> accorde à son<br />
amant ou à son mari; ou bien el<strong>le</strong> est vue comme une mise à l’épreuve qui<br />
perm<strong>et</strong> à la fée de savoir si son partenaire est digne de son amour.<br />
Et pourtant, l’humain <strong>et</strong> l’être féerique éprouvent chacun la nostalgie<br />
d’une tel<strong>le</strong> union sacrilège. <strong>La</strong> dame malheureuse de Caenvent, enfermée par<br />
son mari jaloux dans un donjon, se souvient d’avoir souvent entendu conter<br />
ces aventures merveil<strong>le</strong>uses où <strong>le</strong>s dames avaient des amants qu’el<strong>le</strong>s seu<strong>le</strong>s<br />
pouvaient voir (Marie de France, Yonec, vv. 95-104). <strong>De</strong> son côté, l’être<br />
sumiture! qui deviendra son ammt iû désire ûrdemment de@ !on@emps,<br />
mais il ne peut sortir de son pays avant que la dame ne l’appel<strong>le</strong>. <strong>La</strong> fée Mélior<br />
recourt à un stratagème bien compliqué pour attirer Partonopeus dans son î<strong>le</strong><br />
lointaine: el<strong>le</strong> fait organiser une chasse à laquel<strong>le</strong> participera <strong>le</strong> jeune homme;<br />
el<strong>le</strong> envoie un sanglier qui doit l’entraîner loin de ses compagnons; perdu,