Notre publication nationale (janvier 2012) - CGT-Éduc'action ...
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Dossier<br />
16<br />
PEF 116 - <strong>janvier</strong> <strong>2012</strong><br />
Prévention dans les établissements scolaires :<br />
faisons appliquer la loi !<br />
L'État, comme tout employeur, a des obligations vis-à-vis de ses personnels en termes de sécurité, de santé et de<br />
bien-être, mais il ne les respecte pas. Les droits, quand ils ne sont pas appliqués, sont à conquérir...<br />
Un ministère hors-la-loi<br />
Le ministère nous livre lui-même toute la matière nécessaire pour justifier ce<br />
constat. Tout d'abord, la législation fixe un minimum de deux réunions par an pour<br />
les Comités d'Hygiène et de Sécurité Académiques (CHSA) et Départementaux<br />
(CHSD) : ce seuil est non respecté dans 11 académies et dans 25 départements 1 !<br />
Le Document Unique d'Évaluation des Risques (DUER) ne serait rédigé que dans<br />
38 % des établissements (un chiffre de surcroît surévalué dans la mesure où beaucoup<br />
de DUER ne sont pas réactualisés), alors que c'est une obligation légale depuis<br />
plus de vingt ans !<br />
Établir une liste de risques n'est pas une fin en soi, c'est pourquoi le DUER ne devrait<br />
jamais rester sans suite. Toujours selon la loi, il doit être suivi par un plan annuel de<br />
prévention des risques, plan qui n'existe pas dans... 11 académies ! De toute façon,<br />
lorsqu'ils existent, ces plans de prévention ne peuvent pas être appliqués. Avec, en<br />
moyenne, un médecin pour plus de 10 000 agents, seuls les cas d'urgence sont traités,<br />
d'où le paradoxe d'une médecine préventive qui ne fait pas de prévention.<br />
Les personnels de l'Éducation <strong>nationale</strong><br />
sont exposés à des risques connus que le ministère<br />
ne cherche pas à éviter alors que c'est une<br />
obligation : c'est comme si un constructeur automobile<br />
vendait des modèles sans ceinture de<br />
sécurité.<br />
Nos lieux de travail sont donc des lieux de délit<br />
où la mise en danger des agents est une réalité<br />
qu'il faut combattre en brisant la loi du silence<br />
et en faisant vivre la législation.<br />
Militer pour rendre visible et faire valoir nos droits<br />
Une volonté délibérée<br />
de ne pas voir, de ne rien dire,<br />
de ne pas faire<br />
Parce que faire de la prévention a un<br />
coût financier, parce que se préoccuper<br />
de la bonne santé des personnels<br />
est totalement antinomique<br />
avec les suppressions de postes, officiellement,<br />
tout va bien, Madame la<br />
Marquise... Les rentrées seraient sans<br />
nuages, le burn out n'existerait pas 2 ,<br />
pratiquement personne ne se suiciderait<br />
(d'après le ministère, seulement<br />
une tentative et un suicide en 2010 3 !)<br />
et, quand c'est le cas, le recteur ou le<br />
ministre himself souligne une prétendue<br />
fragilité psychologique ou des<br />
problèmes personnels qui sont sensés<br />
tout justifier. Or, nous mesurons tous,<br />
sur nos lieux de travail, à quel point<br />
les conditions de travail se dégradent,<br />
à quel point les "réformes " réduisent<br />
les marges de manœuvre pour faire du<br />
bon travail et altèrent le sens de nos<br />
métiers.<br />
Renvoyer à la responsabilité individuelle<br />
est mensonger, insultant et<br />
irresponsable.<br />
Ne laissons plus nos collègues se rendre seuls dans le bureau d'un supérieur pour signaler un problème,<br />
utilisons les recours légaux qui empêcheront la hiérarchie de dire qu'elle ne savait pas :<br />
• demandons la visite à laquelle nous avons droit à la médecine de prévention, une visite au minimum<br />
tous les cinq ans, mais cela peut être une par an sur simple demande ;<br />
• consignons dans le registre santé et sécurité tout élément de nature à menacer notre santé et exigeons que ce registre soit<br />
bien à disposition de tous les personnels (il est souvent caché par la hiérarchie...) ;<br />
• faisons vivre les Commissions Hygiène et Sécurité (CHS) dans les établissements où elles sont obligatoires (LP et collèges<br />
avec SEGPA), demandons au CA la création de cette commission dans les autres établissements ;<br />
• exigeons l'affichage des élus aux CHSD et CHSA (décret 82 453, art. 42) et n'hésitons pas à les saisir en cas de mise en<br />
danger ou de risques de dégradation pour la santé. C'est un recours d'autant plus fondamental pour le premier degré comptetenu<br />
de l'absence de hiérarchie sur le lieu de travail ;<br />
• en cas d'accident, exigeons qu'une enquête soit menée. C'est la loi mais cela ne se fait jamais, parce que la hiérarchie<br />
sait pertinemment que cela conduirait, tel Œdipe, à dévoiler sa propre culpabilité, mais cela ne se fait pas aussi parce que<br />
les syndicats ne le demandent pas.<br />
Sylvain Clément<br />
1 Bilan prévention des risques pour l'année 2010 ; Synthèse des entretiens conduits par les inspections générales avec les inspecteurs hygiène et<br />
sécurité pour l'année scolaire 2009 - 2010. Les chiffres de ce paragraphe se réfèrent à ces deux documents.<br />
2 Burn out ou épuisement professionnel : ils sont en augmentation constante dans l'EN.<br />
3 Bilan des suicides 2010 établi par le ministère en mars 2011, qui a tout de même précisé que le chiffre n'était "pas stabilisé"...