lettre A - Méditerranées
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L'an 1323, un jeune homme d'une beauté remarquable<br />
se présente au couvent des Dominicains de<br />
Perpignan et dépose entre les mains du frère Alenya<br />
une boîte contenant, dit-il, un objet précieux. Il se<br />
rend en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle<br />
et reprendra la boîte au retour; si Dieu dispose de<br />
lui pendant le voyage, le monastère héritera du<br />
dépôt. Cette boite ou plutôt ce loculum de bois<br />
incrusté avait la longueur d'un pan et demi (370 millimètres),)a<br />
largeur de 120 millim. ; la hauteur était<br />
celle d'un'quadrans (95 millim.), dit Marca. Sur le<br />
couvercle était peinte l'image de saint Jean le Précurseur,<br />
ayant des ailes à ses épaules, tenant.de la<br />
main gauche une tête dans un bassin et de sa main<br />
droite un livre ouvert.<br />
Le pèlerin ne revint pas. Plusieurs années après,<br />
frère Alenya, près de mourir, raconta l'aventure à la<br />
communauté et lui remit la boîte, selon la volonté<br />
de l'adolescent. Elle renfermait une main gauche,<br />
avec partie de l'avant-bras; les ongles adhéraient<br />
fort bien aux cinq doigts, et la peau, quoique<br />
rugueuse, avait cependant la couleur de chair, -un<br />
peu noirâtre, toutefois. Au poignet, on remarquait<br />
des traces de liens. La légende explicative était en<br />
grec, <strong>lettre</strong> morte pour nos bons religieux.<br />
Tout le monde s'accorda à reconnaître un ange<br />
dans la personne de l'étranger qui, pour récompenser<br />
les Perpignanais d'avoir pris, depuis environ cinquante<br />
ans, le Précurseur pour patron, leur avait<br />
porté comme gage une relique insign~ de ce saint<br />
martyr.<br />
« Pendant ce temps, raconte Marca, ainsi que<br />
nous l'apprennent les actes, plusieurs miracles furent<br />
opérés par Dieu: des personnes qui implorèrent<br />
le secours de saint Jean furent guéries de maladies<br />
diverses; certaines autres qui, au contraire, n'ajoutèrent<br />
pas foi à la vérité de ces reliques furent affectées<br />
de douleurs, soit au bras gauche, soit à la tête. ))<br />
Vers 1370 et pour s'assurer de la vérité de la relique,<br />
les religieux transcrivirent la légende sur un<br />
parchemin et le frère Guillaume Albert, un des leurs,<br />
fut chargé d'apporter cette copie à Athènes, auprès<br />
d'experts des langues grecque et latine. IlIa reporta<br />
ensuite au couvent accompagnée de <strong>lettre</strong>s attestatoires<br />
de l'évêquë de cette ville qu'on peut lire dans<br />
Marca aux pages 405 et 406 de ses Opuscules, et que<br />
le P. Llot de Ribéra, un autre dominicain, professeur<br />
à l'Université de Perpignan, publia en 1590. Nous<br />
reproduisons une traduction française de l'inscription<br />
composée en latin par l'archevêque de Thèbes,<br />
alors présent à Athènes avec le frère Albert.<br />
Au-dessus du nimbe se détachent les trois mots<br />
suivants: SAINTJEAN PRÉCURSEUR.Pendant que la<br />
main gauche soutient un disque sur lequel se trouve<br />
la tête tranchée par l'ordre d'Hérodiade, la main<br />
droite soutient un livre ouvert, à tranches rouges,<br />
sur lequel on lit:<br />
« Crie, Précurseur, ministre du V.erbe. Par ta vie<br />
pénitente, montre combien notre corps mortel est<br />
souillé par le péché. »)<br />
Et comme contraste, l'inscription continue ainsi<br />
au-dessous de l'image:<br />
« Comment donc t'appellerons-nous ~ Prophète,<br />
ange, apôtre ou martyr ~ »,<br />
Sur les parois, on trouve la réponse à ces diverses<br />
questions par le développement des glorieuses prérogatives<br />
du Saint:<br />
« Dieu est descendu pour le salut de tous. 0 toi,<br />
héraut du désert, viens donc annoncer le Verbe It<br />
Tout en toi est digne d'admiration. L'ange Gabriel a<br />
dévoilé le secret de ta naissance. Comme châtiment,<br />
pour punir le manque de foi de ton père, il l'a rendu<br />
instantanément muet. Trois fois heureux, tu nous<br />
apparais supérieur aux Anges, plus grand que les<br />
Prophètes, égal aux Apôtres, le type accompli du<br />
Martyr. Ne point toucher aux mets que nous offre<br />
la nature fut pour toi une âpre jouissance.<br />
« Prosterné devant Dieu, implore-le en notre faveur,<br />
puisque c'est ta mission; viens en aide, au<br />
milieu des déboires de la fortune et des vicissitudes<br />
de la vie, à ceux qui ont voué un culte à ta précieuse<br />
Relique renfermée dans cette thèque, leur donnant<br />
la santé du corps en même temps que la joie de<br />
l'âme.<br />
« Bénis-nous, conduis-nous, comme c'est ton droit,<br />
toi qui portes des ailes à l'égal des Anges, toi qui,<br />
dans un corps mortel, mènes une vie au-dessus de<br />
la matière, réalisant ainsi la parole du Sauveur. »)<br />
Les Dominicains de Perpignan ont conservé cette<br />
précieuse l'el ique, jusqu'à la- sécularisation de leur<br />
ordre en France, dans le Trésor de leur couvent,<br />
d'où elle est passée, au moment de la Révolution, à<br />
celui de la Cathédrale.<br />
MARCA, Opuscules, Paris, J681. - LLüT, Dels miracles que 10<br />
Senyor ha obrats per medl de la santa rellqula dei bras y ma<br />
esquerra dei glol'Ios san Joan-Batista, Perpig-nan,15lJO.<br />
ALENYA (Jean d') était lieutenant du gouverneur<br />
et juge des appellations en Roussillon.<br />
Archives des Pyr.-Or., G. 833.<br />
ALENYA (Jacques) reçut la provision de lieutenant<br />
du procureur royal le 2 février 1591.<br />
Archives des Pyr.-Or., B. 436.<br />
ALERIGUES (François), orfèvre, de Perpignan,<br />
dépose dans le procès de Jacques II, roi de Majorque,<br />
au mois de septembre 1342.<br />
LECOY DE LA MARCHE, Les relations diplomatiques du royaume<br />
de Majorque avec la France, t. 11.