Chirurgie de la maladie de Parkinson - (CHU) de Poitiers
Chirurgie de la maladie de Parkinson - (CHU) de Poitiers
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chirurgie<br />
Intervention <strong>de</strong><br />
pointe à <strong>la</strong><br />
convergence <strong>de</strong><br />
plusieurs spécialités,<br />
<strong>la</strong> chirurgie <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ma<strong>la</strong>die <strong>de</strong><br />
<strong>Parkinson</strong> par<br />
stimu<strong>la</strong>tion<br />
cérébrale profon<strong>de</strong><br />
est un exemple<br />
d’interdisciplinarité.<br />
<strong>CHU</strong> magazine - N° 48 - Juin 2004<br />
<strong>Chirurgie</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ma<strong>la</strong>die <strong>de</strong> <strong>Parkinson</strong><br />
Si « les médicaments restent centraux<br />
dans le traitement <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die <strong>de</strong> <strong>Parkinson</strong><br />
», comme le précise le professeur<br />
Roger Gil, chef du service <strong>de</strong> neurologie,<br />
<strong>la</strong> chirurgie offre une alternative efficace<br />
aux patients répondant aux critères<br />
– stricts – d’éligibilité.<br />
Quand les médicaments ne suffisent<br />
plus<br />
La ma<strong>la</strong>die <strong>de</strong> <strong>Parkinson</strong> est due à <strong>la</strong><br />
perte, d’origine inconnue, <strong>de</strong>s neurones<br />
libérant <strong>la</strong> dopamine, neurotransmetteur<br />
impliqué dans le contrôle <strong>de</strong>s mouvements.<br />
Le traitement <strong>de</strong> référence est <strong>la</strong><br />
lévodopa (L-Dopa), une molécule stimu<strong>la</strong>nt<br />
<strong>la</strong> fabrication <strong>de</strong> <strong>la</strong> dopamine dans<br />
le cerveau. « Mais ses effets s’épuisent<br />
au fur et à mesure que <strong>la</strong> dégénérescence<br />
augmente », expliquent le professeur<br />
Roger Gil et le docteur Jean-Luc Houeto,<br />
également neurologue. Autre inconvénient<br />
: quand le ma<strong>la</strong><strong>de</strong> vieillit, <strong>la</strong> L-<br />
Dopa peut provoquer <strong>de</strong>s mouvements<br />
10<br />
anormaux, appelés « dyskinésies ». Pour<br />
ces raisons, d’autres traitements sont utilisés<br />
avant <strong>la</strong> L-Dopa, conjointement ou<br />
en re<strong>la</strong>is. Les agonistes dopaminergiques<br />
miment l’action <strong>de</strong> <strong>la</strong> dopamine.<br />
D’autres médicaments en ralentissent <strong>la</strong><br />
<strong>de</strong>struction. Mais quand les traitements<br />
ne suffisent plus ou provoquent <strong>de</strong>s complications<br />
et que <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> vie est sérieusement<br />
compromise, les neurologues<br />
proposent <strong>la</strong> chirurgie. En prenant en<br />
compte d’autres critères : « Le premier<br />
étant qu’il s’agit bien d’une vraie ma<strong>la</strong>die<br />
<strong>de</strong> <strong>Parkinson</strong> et non <strong>de</strong> ses symptômes<br />
seuls », précise Jean-Luc Houeto.<br />
En outre, l’opération est très impressionnante.<br />
Elle est en effet pratiquée à crâne<br />
ouvert et le patient, en éveil pendant un<br />
moment, doit être psychiquement soli<strong>de</strong>.<br />
Pour cette raison, les patients pressentis<br />
ont le plus souvent moins <strong>de</strong> 70 ans. L’insertion<br />
sociale est également prise en<br />
compte. En effet, l’entourage ai<strong>de</strong><br />
« autant à supporter le poids <strong>de</strong> l’opé-
ation qu’à accompagner <strong>la</strong> sortie brutale<br />
<strong>de</strong> 10 ou 15 ans <strong>de</strong> handicap », souligne<br />
Jean-Luc Houeto.<br />
Une opération pluridisciplinaire<br />
Une fois le patient reconnu éligible pour<br />
l’opération, le processus est <strong>la</strong>ncé. L’intervention<br />
consiste à introduire <strong>de</strong>s électro<strong>de</strong>s<br />
dans le noyau sous-tha<strong>la</strong>mique<br />
pour le stimuler électriquement. Il s’agit<br />
ainsi d’inhiber cette région dont<br />
l’hyperactivité est étroitement impliquée<br />
dans <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s symptômes moteurs<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die <strong>de</strong> <strong>Parkinson</strong>. La première<br />
opération a eu lieu en 1993 à Grenoble.<br />
Depuis, elle a essaimé dans 16 centres<br />
en France. Au <strong>CHU</strong> <strong>de</strong> <strong>Poitiers</strong>, elle se<br />
pratique <strong>de</strong>puis trois ans au rythme<br />
moyen d’une vingtaine par an.<br />
Complexe, l’intervention mobilise plusieurs<br />
spécialités. « Cette pluridisciplinarité,<br />
tout à fait propre à <strong>la</strong> neurochirurgie<br />
fonctionnelle, est exemp<strong>la</strong>ire. C’est <strong>la</strong><br />
condition sine qua non <strong>de</strong> sa réussite »,<br />
précise le professeur Roger Gil.<br />
D’ailleurs, outre le coût 1 , <strong>la</strong> raison pour<br />
<strong>la</strong>quelle cette opération n’est pas pratiquée<br />
partout est qu’il faut rassembler toutes<br />
ces compétences. Interviennent en<br />
effet un neurologue, un neuroradiologue,<br />
un neurophysiologiste et un neurochirurgien.<br />
L’opération nécessite également un<br />
environnement anesthésique particulier.<br />
En outre, une équipe <strong>de</strong> neuropsychologie<br />
évalue très précisément les fonctions<br />
affectives et cognitives telles que <strong>la</strong> mémoire<br />
et <strong>la</strong> vie émotionnelle avant et après<br />
l’intervention.<br />
Pas à pas<br />
La veille <strong>de</strong> l’opération, le chirurgien et<br />
le radiologue réalisent une IRM<br />
stéréotaxique pour obtenir l’at<strong>la</strong>s du cerveau<br />
du patient et donc visualiser le<br />
noyau sous-tha<strong>la</strong>mique. Ils calculent<br />
ensuite ses coordonnées et les angles <strong>de</strong>s<br />
trajectoires que le chirurgien imprimera<br />
aux électro<strong>de</strong>s à partir <strong>de</strong> <strong>la</strong> région frontale<br />
antérieure. Toujours <strong>la</strong> veille <strong>de</strong><br />
l’opération, le traitement antiparkinsonien<br />
du patient est interrompu afin <strong>de</strong><br />
contrôler l’efficacité <strong>de</strong>s stimu<strong>la</strong>tions<br />
électriques pendant l’intervention.<br />
Le len<strong>de</strong>main, l’opération commence.<br />
Elle durera environ 8 heures. L’imp<strong>la</strong>ntation<br />
<strong>de</strong>s électro<strong>de</strong>s s’effectue sous<br />
anesthésie générale avec un réveil pendant<br />
l’opération. Deux trous <strong>de</strong> trépan<br />
<strong>de</strong> 15 mm sont effectués <strong>de</strong> chaque côté<br />
du crâne, sur <strong>la</strong> partie frontale antérieure.<br />
Dans le premier côté, le chirurgien met<br />
alors en p<strong>la</strong>ce cinq électro<strong>de</strong>s, d’un diamètre<br />
à <strong>la</strong> pointe <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> quelques<br />
microns et espacées <strong>de</strong> 2 mm chacune.<br />
Pendant que le chirurgien pousse les<br />
électro<strong>de</strong>s jusqu’au noyau soustha<strong>la</strong>mique,<br />
le neurophysiologiste contrôle<br />
l’enregistrement électrique <strong>de</strong> l’activité<br />
<strong>de</strong>s neurones. « Ce<strong>la</strong> nous permet<br />
<strong>de</strong> confirmer <strong>la</strong> localisation effectuée<br />
grâce à l’IRM puis <strong>de</strong> l’affiner en déterminant<br />
<strong>la</strong> région <strong>la</strong> plus active du périmètre<br />
ciblé », souligne le professeur Joël<br />
Paquereau, chef du service <strong>de</strong> neurophysiologie<br />
clinique. Une fois <strong>la</strong> cible détectée<br />
puis atteinte, <strong>de</strong>s tests électriques<br />
permettent <strong>de</strong> déterminer l’électro<strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
plus efficace.<br />
Le patient est alors réveillé pour que le<br />
neurologue effectue les tests cliniques<br />
pendant que le noyau sous-tha<strong>la</strong>mique<br />
est stimulé à <strong>de</strong>s hauteurs différentes. La<br />
souplesse du patient doit alors revenir,<br />
les tremblements et rai<strong>de</strong>urs disparaître.<br />
L’ensemble <strong>de</strong> ces tests, électriques et<br />
techniques, conduisent à l’i<strong>de</strong>ntification<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> meilleure position d’électro<strong>de</strong>. Le<br />
patient est rendormi tandis que le chirurgien<br />
dispose et tunnelise l’électro<strong>de</strong><br />
finale vers une pile stimu<strong>la</strong>nt en continu<br />
2 . L’ensemble du processus est ensuite<br />
réitéré <strong>de</strong> l’autre côté. Lors <strong>de</strong>s consultations<br />
<strong>de</strong> suivi, le neurologue pourra<br />
ensuite jouer sur les fréquences, <strong>la</strong> durée<br />
et les différents points <strong>de</strong> stimu<strong>la</strong>tion<br />
<strong>de</strong>s électro<strong>de</strong>s.<br />
Une libération pour le patient<br />
« L’opération en elle-même est un moment<br />
difficile pour le patient mais le résultat<br />
est vécu comme une libération,<br />
note Jean-Luc Houeto. D’ailleurs, pour<br />
exprimer leurs sentiments, ils emploient<br />
souvent <strong>la</strong> métaphore <strong>de</strong> <strong>la</strong> sortie <strong>de</strong><br />
prison. » En général le handicap est<br />
amélioré <strong>de</strong> 70 %, l’équivalent <strong>de</strong> ce<br />
que peuvent produire les médicaments<br />
mais sans les effets secondaires. En<br />
outre, grâce à l’efficacité <strong>de</strong> <strong>la</strong> sélection,<br />
les résultats sont toujours au ren<strong>de</strong>z-vous.<br />
« Aucun <strong>de</strong>s opérés ne regrette.<br />
» ■<br />
11<br />
chirurgie<br />
La veille <strong>de</strong> l’opération, le<br />
patient est p<strong>la</strong>cé sous un<br />
casque avant l’IRM.<br />
Intervenants au <strong>CHU</strong> <strong>de</strong><br />
<strong>Poitiers</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> chirurgie <strong>de</strong><br />
<strong>Parkinson</strong> :<br />
Neurologues<br />
P r Roger Gil,<br />
D r Jean-Luc Houeto<br />
<strong>Chirurgie</strong>ns<br />
P r Françoise Lapierre<br />
P r Benoît Bataille<br />
Radiologue<br />
P r Pierre Van<strong>de</strong>rmarcq<br />
Neurophysiologistes<br />
P r Joël Paquereau,<br />
D r Stéphane Besnard<br />
Anesthésie<br />
L’équipe du D r Bertrand<br />
Debaene<br />
Unité <strong>de</strong> neuropsychologie<br />
Infirmières spécialisées<br />
M mes Proust et Perrin.<br />
1 Le matériel seul coûte plus<br />
<strong>de</strong> 20 000 €, une somme<br />
prise en charge par le <strong>CHU</strong><br />
qui reçoit néanmoins une<br />
ai<strong>de</strong> au titre <strong>de</strong> l’innovation<br />
technologique.<br />
2 Le boîtier est imp<strong>la</strong>nté<br />
48 heures après l’opération<br />
en région sous-c<strong>la</strong>vicu<strong>la</strong>ire.<br />
Une électro<strong>de</strong>.<br />
<strong>CHU</strong> magazine - N° 48 - Juin 2004