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Digitized by the Internet Archive<br />

in 2011 with funding from<br />

University of Toronto<br />

iittpV/www.archive.org/detaiis/traitdeiafoiiOOmarc


TRAITE DE LA FOLIE<br />

DES<br />

FEMMES ENCEINTES<br />

NOUVELLES ACCOUCHÉES ET DES NOURRICES<br />

iNSIDERATIONS BÉDICO-LÉGAIES QUI SE RATTACHENT A CE SUJET,<br />

LF: D' L. V. MARۃ<br />

Anci<strong>en</strong> interne , lauréat des hôpitaux et de la Faculté de médecine ;<br />

membre titulaire de la Société anatomique.<br />

PARIS<br />

J. B. BAILLIÉRE et FILS,<br />

IBRAIRES DE l'aCADÉMIE IMPÉRIALE DE MÉDECINE,<br />

Rue Hautefeuille ,<br />

LONDRES I<br />

10.<br />

NE\V>YORK<br />

. liAlLLlÈRE, 219, REGENT-STREET. 1 II. BAlLLlÈRE, 290, BROADWAY.<br />

MADRID, C. BAILLY - BAILLIÉRE , CALLE DEL PRINCIPE, 11.<br />

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TRAITE<br />

DE LA<br />

FOLIE DES FEMMES ENCEINTES<br />

DES<br />

NOUVELLES ACCOUCHÉES ET DES NOURRICES.


.oRBEiL. typogra)ihie ci stéréotypie de CnÉTÉ.


TRAITE DE LA FOLIE<br />

DES<br />

M/L ' -je /^ / -> ^<br />

FEMMES ENCEINTES<br />

DES<br />

NOUVELLES ACCOUCHÉES ET DES NOURRICES<br />

CONSIDÉRATIONS UÉDICO-LÉGALES QUI SE RATTACHENT A CE SUJET,<br />

LE D' L. V. MARCÉ<br />

Anci<strong>en</strong> interne , lauréat des hôpitaux et de la Faculté de médecine;<br />

membre titulaire de la Société anatomique.<br />

PARIS<br />

J. B. BAILLIÉRE et FILS,<br />

LIBRAIRES DE l'aCADÉMIE IMPÉRIALE DE MÉDECINE,<br />

I^ONDHES<br />

Rue Hautefeuiile, 19.<br />

NEW.YORK<br />

H. DAILLIÈRE,219, REGENT-STRKET.<br />

I<br />

| H. BAILMÈRK, 290, BROADWAY.<br />

MADRID, C. BAILLY- BAILLIÉRE , CALLE DEL PRINCIPE, 11.<br />

L'auteur et les éditeurs se réserv<strong>en</strong>t le droit de traduction.


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AVANT-PROPOS<br />

Beaucoup de faits isolés ont été publiés tant <strong>en</strong> France<br />

qu'à l'étranger sur l'aliénation m<strong>en</strong>tale des femmes <strong>en</strong><br />

couches, depuis qu'Esquirol a attiré l'att<strong>en</strong>tion sur cette<br />

variété de folie dans l'excell<strong>en</strong>t mémoire que l'on retrouve<br />

dans le tome premier de ses œuvres, mémoire qui est<br />

dev<strong>en</strong>u classique, comme fout ce qui est sorti de la plume<br />

de ce maître émin<strong>en</strong>t.<br />

J'ai essayé dans ce travail de réunir et de coordonner<br />

tous ces docum<strong>en</strong>ts épars; je les ai contrôlés et complétés<br />

autant qu'il a été <strong>en</strong> mon pouvoir, soit à l'aide des faits<br />

que j'ai recueillis par moi-même soit parmi les malades<br />

auxquelles j'ai donné des soins, ou au milieu de la<br />

nombreuse population des asiles que j'ai pu suivre et<br />

interroger; soit <strong>en</strong>fin à l'aide d'observations inédites qui<br />

m'ont été confiées par plusieurs médecins auxquels j'ex-<br />

prime ici toute ma gratitude : M. Baillarger, à qui je dois<br />

l'idée première de ce travail, m'a communiqué plusieurs


VI<br />

AVANT-PROPOS.<br />

observations recueillies par lui dans son service de la<br />

Salpêtrière; M. Calmeil a mis à ma disposition les régis-<br />

tresse Char<strong>en</strong>ton et m'a donné sur plus d'un point les<br />

meilleurs conseils; <strong>en</strong>fin M. Mitivié, <strong>en</strong> m'ouvrant avec<br />

bonté son service de la Salpêtrière, m'a permis d'exa-<br />

miner plusieurs malades dont on retrouvera l'histoire<br />

consignée <strong>en</strong> détail ou d'une manière abrégée dans<br />

le cours de cet ouvnige. C'est ainsi que j'ai rassemblé<br />

un nombre d'observations assez considérable pour me<br />

permettre de formuler sur certains points une opinion<br />

bi<strong>en</strong> nett<strong>en</strong>i<strong>en</strong>t arrêtée; trop heureux s'il peut rester<br />

de ces recherches quelques conséqu<strong>en</strong>ces pratiques,<br />

utiles au point de vue de la thérapeutique et surtout de la<br />

médecine prév<strong>en</strong>tive.


TRAITE<br />

FOLIE DES FEMMES ENCEINTES<br />

DES NOUVELLES ACCOUCHEES ET DES NOURRICES<br />

INTRODUCTION.<br />

Les femmes <strong>en</strong>ceintes, les nouvelles accouchées<br />

et les nourrices sont exposées à des troubles intel-<br />

lectuels qui, tout <strong>en</strong> se confondant intimem<strong>en</strong>t avec<br />

les formes ordinaires de folie, n'<strong>en</strong> diffèr<strong>en</strong>t pas<br />

moins d'une manière notable par les conditions<br />

organiques au milieu desquelles ils se développ<strong>en</strong>t.<br />

La désignation collective de folie puerpérale, attri-<br />

buée par quelques médecins aux cas de cette nature,<br />

indique très-bi<strong>en</strong> que Vétat puerpéral concomitant<br />

forme le point saillant et le caractère spécial de la ma-<br />

ladie; mais celte dénomination, si elle était employée<br />

sans explication préalable, participerait nécessaire-<br />

m<strong>en</strong>t du vague et de l'incertitude qui régn<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core<br />

parmi les auteurs sur les limites de l'état puerpéral.<br />

1


2 TRAITÉ DE LA FOLIE DES FEMMES ENCEINTES.<br />

Et, <strong>en</strong> effet, quelques-uns lui assign<strong>en</strong>t une durée<br />

fort courte et le regard<strong>en</strong>t comme borné aux tr<strong>en</strong>te<br />

premiers jours qui suiv<strong>en</strong>t l'accouchem<strong>en</strong>t; bi<strong>en</strong><br />

plus, dans ce court espace de temps ils distingu<strong>en</strong>t<br />

deux périodes ; une première (état puerpéral pro-<br />

prem<strong>en</strong>t dit), constituée par les quinze premiers<br />

jours qui suiv<strong>en</strong>t l'accouchem<strong>en</strong>t; une deuxième<br />

(état postpuerpéral de M. Chomel), compr<strong>en</strong>ant les<br />

vingt-cinq jours qui suiv<strong>en</strong>t la première quinzaine et<br />

limitée par la fin de l'écoulem<strong>en</strong>t lochial ou l'appa-<br />

rition du retour de couches (1).<br />

D'autres médecins, attribuant à ce nom une ac-<br />

ception plus ét<strong>en</strong>due, désign<strong>en</strong>t ainsi l'<strong>en</strong>semble des<br />

fonctions qui se rapport<strong>en</strong>t à la conception ; pour<br />

eux l'état puerpéral, signalé principalem<strong>en</strong>t par une<br />

modification profonde du sang, comm<strong>en</strong>ce presque<br />

au mom<strong>en</strong>t de la conception, et se termine tr<strong>en</strong>te<br />

ou quarante jours après l'accouchem<strong>en</strong>t.<br />

Enfin, certains auteurs, et récemm<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core<br />

M. Tarnier dans sa monographie (2), n'hésit<strong>en</strong>t pas<br />

à donner à l'état puerpéral une ext<strong>en</strong>sion plus<br />

grande <strong>en</strong>core. Tous les faits qui t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t à la repro-<br />

duction de l'espèce, m<strong>en</strong>struation, grossesse, partu-<br />

rition, doiv<strong>en</strong>t être rangés, dis<strong>en</strong>t-ils, sous cette<br />

commune dénomination.<br />

Toutes ces opinions, bi<strong>en</strong> que fort différ<strong>en</strong>tes les<br />

(1) Becquerel, Gazette des hôpitaux, septembre 1857.<br />

(2) Tarnier, Delà fièvre puerpérale, Paris^ 1858.


INTRODUCTION. 3<br />

unes des autres, peuv<strong>en</strong>t néanmoins être regardées<br />

comme très-rationnelles, selon le point de vue spé-<br />

cial auquel on se place. Pour celui qui met <strong>en</strong> pre-<br />

mière <strong>ligne</strong> les modifications que le sang éprouve<br />

dans sa composition, l'état puerpéral doit nécessai-<br />

rem<strong>en</strong>t compr<strong>en</strong>dre la grossesse; mais pour l'auteur<br />

qui porte toute son att<strong>en</strong>tion sur ces affections à<br />

cachet spécial qui atteign<strong>en</strong>t les femmes récemm<strong>en</strong>t<br />

accouchées, et que l'on essaie d'expliquer, soit par<br />

un état diathésique, soit par une phlébite qui devi<strong>en</strong>t<br />

le point de départ d'une intoxication purul<strong>en</strong>te,<br />

pour celui-là, dis-je, la période importante est limi-<br />

tée aux tr<strong>en</strong>te ou quarante jours p<strong>en</strong>dant lesquels<br />

l'utérus se trouve dans les conditions d'un organe<br />

qui suppure. Enfin, si l'on <strong>en</strong>visage seulem<strong>en</strong>t le<br />

côté physiologique de la question, pourquoi ne pas<br />

joindre à la grossesse et à l'accouchem<strong>en</strong>t la m<strong>en</strong>s-<br />

truation qui est, sans contredit, une des plus impor-<br />

tantes fonctions reproductrices, qui s'accompagne<br />

elle aussi de douleurs utérines, d'écoulem<strong>en</strong>t sanguin,<br />

de gonflem<strong>en</strong>t des mamelles, parfois même<br />

de sécrétion de lait?<br />

En prés<strong>en</strong>ce de tant de diverg<strong>en</strong>ces, on nous<br />

pardonnera plus volontiers peut-être si, repr<strong>en</strong>ant<br />

la question au point de vue tout spécial qui nous<br />

occupe, nous nous permettons à notre tour d'assi-<br />

gner à l'état puerpéral et, par conséqu<strong>en</strong>t, à la folie<br />

puerpérale, certaines limites que l'observation cli-


i TRAITÉ DE LA FOLIE DES FEMMES ENCEINTES.<br />

nique des maladies m<strong>en</strong>tales nous paraît suffisam-<br />

m<strong>en</strong>t justifier.<br />

Et d'abord, séparant complètem<strong>en</strong>t la m<strong>en</strong>strua-<br />

tion de l'état puerpéral, nous laisserons ici de côté<br />

les cas de folie qui se développ<strong>en</strong>t sous l'influ<strong>en</strong>ce<br />

des troubles de cette fonction. En effet, la marche<br />

intermitt<strong>en</strong>te ou le plus souv<strong>en</strong>t rémitt<strong>en</strong>te de la<br />

plupart de ces cas, leur mode de développem<strong>en</strong>t,<br />

leur pronostic, leur terminaison, <strong>en</strong> font une classe<br />

à part qui ne saurait, sans analogie forcée, être<br />

confondue avec les troubles intellectuels liés à la<br />

parturition.<br />

Mais la folie qui survi<strong>en</strong>t chez les femmes <strong>en</strong>-<br />

ceintes, celle qui se développe chez les nouvelles<br />

accouchées, ou au mom<strong>en</strong>t de l'accouchem<strong>en</strong>t,<br />

voilà des faits de la même famille que nous croyons<br />

devoir compr<strong>en</strong>dre sous le nom de folie puerpérale.<br />

Nous y joindrons l'histoire de la folie des nourrices.<br />

Ainsi que nous le verrons plus tard, la femme qui<br />

allaite, plusnerveuse, plus accessible aux impressions<br />

morbides, se mainti<strong>en</strong>t par le fait même de l'allai-<br />

tem<strong>en</strong>t dans un état spécial qui s'éloigne s<strong>en</strong>sible-<br />

m<strong>en</strong>t des conditions normales de la santé, et qui,<br />

par ses connexions intimes avec les autres fondions<br />

génératrices, constitue un véritable état puerpéral<br />

prolongé.<br />

Ces trois variétés, folio des femmes <strong>en</strong>ceintes,<br />

folie des nouvelles accouchées, folie des nourrices,


INTRODUCTION'. 5<br />

offr<strong>en</strong>t de nombreux points de contact. Toutes ont<br />

cela de commun qu'elles se développ<strong>en</strong>t sympathi-<br />

quem<strong>en</strong>t sous l'influ<strong>en</strong>ce d'un état particulier des<br />

fonctions génitales; toutes ont à peu près les mêmes<br />

causes, soit prédisposantes, soit occasionnelles, à tel<br />

point que, pour éviter de fastidieuses et inutiles répé-<br />

titions, nous serons obligé de réunir dans un commun<br />

chapitre tout ce qui a trait à l'étiologie des<br />

nouvelles accouchées et des nourrices. Une dernière<br />

preuve <strong>en</strong> faveur de l'id<strong>en</strong>tité de leur nature, c'est<br />

que les mêmes femmes peuv<strong>en</strong>t à des grossesses<br />

différ<strong>en</strong>tes dev<strong>en</strong>ir aliénées, soit p<strong>en</strong>dant la grossesse,<br />

soit après l'accouchem<strong>en</strong>t, soit p<strong>en</strong>dant la lacta-<br />

tion (1). Cep<strong>en</strong>dant, pour plus de clarté, nous les<br />

étudierons autant que possible isolém<strong>en</strong>t, car elles<br />

offr<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre elles, sous le rapport du pronostic, du<br />

mode de développem<strong>en</strong>t, de la prédominance de<br />

telle ou telle forme, certaines différ<strong>en</strong>ces qu'il est<br />

bon de faire ressortir.<br />

Dans le cours de ce travail nous avons dû laisser<br />

de côté, faute de docum<strong>en</strong>ts suffisants, tout ce qui<br />

se rapporte à la paralysie générale. Cette maladie<br />

diffère tellem<strong>en</strong>t des autres formes d'aliénation<br />

m<strong>en</strong>tale par sa marche, sa terminaison fatale, ses<br />

lésions anatomiques constantes, que, même <strong>en</strong> négli-<br />

geant son étude, nous avons cru conserver au sujet<br />

(1) Voy. obs. ib, 23;, Gl.—Annales médico-psych., avril 18o7.<br />

Obs. de M. Legrand du SauUe.


6 TRAITE DE LA FOLIE DES FEMMES ENCEINTES.<br />

que nous traitons toute son intégrité. Quant à la<br />

manie, à la mélancolie, aux diverses variétés de<br />

délire partiel que l'on r<strong>en</strong>contre chez les femmes<br />

<strong>en</strong> couche , nous les passerons soigneusem<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

revue, mais <strong>en</strong> nous gardant bi<strong>en</strong> de traiter les<br />

questions qui se rattach<strong>en</strong>t uniquem<strong>en</strong>t à la psycho-<br />

logie pathologique. Notre but, <strong>en</strong> effet, n'est pas<br />

d'étudier <strong>en</strong> elles-mêmes les diverses maladies m<strong>en</strong>-<br />

tales, mais bi<strong>en</strong> de rechercher à l'aide de docum<strong>en</strong>ts<br />

cliniques les modifications spéciales que ces affec-<br />

tions éprouv<strong>en</strong>t par suite de leur association à l'état<br />

puerpéral, ainsi que l'influ<strong>en</strong>ce qu'elles exerc<strong>en</strong>t à<br />

leur tour sur les fonctions génératrices. Notre att<strong>en</strong>-<br />

tion se portera principalem<strong>en</strong>t sur les conséqu<strong>en</strong>ces<br />

pratiques qu'il est possible d'<strong>en</strong> déduire. Enfin<br />

nous traiterons, chemin faisant, des questions de<br />

médecine légale qui r<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t directem<strong>en</strong>t dans notre<br />

sujet.<br />

,


PREMIERE SECTION.<br />

CHAPITRE PREMER.<br />

DE l'influ<strong>en</strong>ce SYMPATHIQUE DE l' UTÉRUS SUR LE<br />

DÉVELOPPEMENT DE LA FOLIE PUERPÉRALE.<br />

Ce qui donne à la folie puerpérale son caractère<br />

spécial, c'est la coexist<strong>en</strong>ce d'une modification orga-<br />

nique et fonctionnelle de l'utérus et de ses annexes.<br />

Qu'on examine la majorité des cas d'aliénation m<strong>en</strong>-<br />

tale, qui se développ<strong>en</strong>t hors l'état puerpéral : ils<br />

survi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à la suite de causes inconnues, insaisis-<br />

sables, ou à la suite de causes purem<strong>en</strong>t tirées de<br />

l'ordre moral qui agiss<strong>en</strong>t directem<strong>en</strong>t sur le sys-<br />

tème nerveux sans l'exist<strong>en</strong>ce d'une lésion organique<br />

intermédiaire. Presque toutes les fonctions s'exécu-<br />

t<strong>en</strong>talors normalem<strong>en</strong>t, ou s'il existe quelque trouble<br />

appréciable, il est secondaire et n'a influé <strong>en</strong> aucune<br />

façon sur le développem<strong>en</strong>t de la maladie m<strong>en</strong>tale.<br />

La coexist<strong>en</strong>ce de cet état organique soulève tout<br />

d'abord une intéressante question de physiologie pa-<br />

thologique ; on se demande involontairem<strong>en</strong>t s'il<br />

existe des connexions <strong>en</strong>tre l'état utérin et les dé-


8 DE LA FOLIE PUERPÉRALE.<br />

sordres de l'intellig<strong>en</strong>ce, si ces derniers ne se sont<br />

développés que consécutivem<strong>en</strong>t aux modifications<br />

subies par l'appareil génital; <strong>en</strong> un mot, si la folie<br />

est sympathique.<br />

C'est là une opinion que nous sommes loin d'ad-<br />

mettre : reconnaître que la grossesse , l'accouche-<br />

m<strong>en</strong>t, l'allaitem<strong>en</strong>t ont une grande influ<strong>en</strong>ce sur la<br />

production des troubles intellectuels, ce n'est pas<br />

admettre, comme on l'a fait tant de fois et d'une ma-<br />

nière si banale, que la folie s'est développée unique-<br />

m<strong>en</strong>t par sympathie. Ce mot a été pris dans des ac-<br />

ceptions si diverses, et il existe sur la délimitation<br />

des maladies sympathiques de telles diverg<strong>en</strong>ces,<br />

qu'on nous permettra quelques développem<strong>en</strong>ts des-<br />

tinés à faire compr<strong>en</strong>dre notre p<strong>en</strong>sée sur ce sujet si<br />

controversé.<br />

Il n'est pas dans l'économie une seule fonction<br />

qui s'exerce isolém<strong>en</strong>t; toutes réagiss<strong>en</strong>t les unes sur<br />

les autres avec plus ou moins d'énergie, et ce sont<br />

ces réactions, quelles que soi<strong>en</strong>t d'ailleurs leur in-<br />

t<strong>en</strong>sité et leur ét<strong>en</strong>due, qui ont été confondues par<br />

beaucoup d'auteurs sous le nom de sympathies. Il<br />

suffit de jeter un coup d'œil sur les ouvrages qui<br />

trait<strong>en</strong>t de ce sujet pour voir quelle diversité de faits<br />

a élé/éunie sous cette même dénomination.<br />

Ainsi J. Hunter divise les sympathies <strong>en</strong> générales<br />

et <strong>en</strong> locales; sous le nom de sympathies générales<br />

il désigne ces réactions qui survi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t dans toute


INFLUENCE SYMPATHIQUE DE l'uTÉRUS. 9<br />

l'économie à la suite d'une lésion locale ; la fièvre<br />

est pour lui une sympathie générale : la sympathie<br />

locale se compose des phénomènes qui se produi-<br />

s<strong>en</strong>t sans impression immédiate et consécutivem<strong>en</strong>t<br />

à un autre élat morbide : ainsi la propagation d'une<br />

maladie par continuité ou par contiguïté, les métas-<br />

tases, les révulsions, ou même de simples compli-<br />

cations, tous phénomènes distincts par leur nature<br />

qui ne peuv<strong>en</strong>t être rapprochés sans forcer l'analogie<br />

(1). Barlhez allait jusqu'à désigner sous le nom<br />

de sympathie de simples rapports fonctionnels : ainsi<br />

la gangrène qui survi<strong>en</strong>t dans la ligature des mem-<br />

bres.<br />

Nous rejetons sans discussion les faits qui précè-<br />

d<strong>en</strong>t : ce sont des phénomènes de contact, de voisi-<br />

nage, unis <strong>en</strong>tre eux par un li<strong>en</strong> matériel ou fonc-<br />

tionnel facilem<strong>en</strong>t appréciable, et qui ne répond<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> aucune façon à l'idée qu'on doit se faire d'un phé-<br />

nomène sympathique.<br />

Mais que doit-on p<strong>en</strong>ser des faits que la physiolo-<br />

gie pure désigne à son tour comme sympathiques :<br />

faut-il les rapprocher de la sympathie morbide et les<br />

confondre dans une analogie complète? Ici<strong>en</strong>core<br />

nous croyons devoir faire une distinction. Tous les<br />

phénomènes de sympathie physiologique ont ceci<br />

de remarquable qu'ils sont reliés <strong>en</strong>tre eux par un<br />

(1) Hunier, Œuvres complètes, traduction Richelot, Paris, 1843,<br />

1. 1", p. 369.


10 DE LA FOLIE PUERPÉRALE.<br />

but final bi<strong>en</strong> défini : voyez quelle synergie cons-<br />

tante, quel concours d'actions simultanées et suc-<br />

cessives pour l'accomplissem<strong>en</strong>t d'une même fonc-<br />

tion : une lumière vive frappe la rétine, l'iris se<br />

contracte pour diminuer l'ampleur du faisceau lumi-<br />

neux; un corps étranger titille la muqueuse des<br />

voies aéri<strong>en</strong>nes, survi<strong>en</strong>t une contraction convulsive<br />

et saccadée des muscles expirateurs qui doit am<strong>en</strong>er<br />

son expulsion ; les muscles qui t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t la membrane<br />

du tympan se contract<strong>en</strong>t ou se relâch<strong>en</strong>t selon<br />

qu'un bruit trop faible ou trop fort vi<strong>en</strong>t frapper<br />

l'oreille ; la contraction des fibres de la vessie ou du<br />

rectum s'associe sympathiquem<strong>en</strong>t pour la déféca-<br />

tion et l'excrétion urinaire à la contraction des<br />

muscles abdominaux. Dans certains cas c'est de l'<strong>en</strong>-<br />

céphale que part<strong>en</strong>t les irradiations sympathiques :<br />

ainsi les désirs vénéri<strong>en</strong>s amèn<strong>en</strong>t l'érection, la vue<br />

d'un bon repas détermine la sécrétion salivaire, mais<br />

alors il y a toujours accord parfait <strong>en</strong>tre l'état céré-<br />

bral et le phénomène sympathique secondaire. Aussi<br />

peut-on dire qu'à l'état physiologique, il y a plutôt<br />

synergie que sympathie.<br />

Les phénomènes de sympathie morbide offr<strong>en</strong>t<br />

au contraire <strong>en</strong>tre eux, quant à leur but final, une<br />

diverg<strong>en</strong>ce qui tranche vivem<strong>en</strong>t sur la concordance<br />

parfaite des faits qui précèd<strong>en</strong>t : un individu portait<br />

à la partie interne de la cuisse un ulcère avec prurit<br />

si insupportable qu'il ne pouvait éviter de se gratter;


INFLUENCE SYMPATHIQUE DE l' UTÉRUS. 11<br />

toutes les fois qu'il cédait à ce besoin, il éprouvait<br />

un serrem<strong>en</strong>t de poitrine et une dyspnée qu'il n'a-<br />

vait jamais éprouvés que dans cette circonstance (1).<br />

La douleur de l'épaule est sympathique d'une in-<br />

flammation du foie ; le prurit du bout de la verge<br />

indique une irritation de la muqueuse vésicale; à<br />

la suite du gonflem<strong>en</strong>t du tissu cellulaire qui avoi-<br />

sine la parotide, le testicule s'<strong>en</strong>flamme sympathi-<br />

quem<strong>en</strong>t ; voilà des phénomènes qui ne sont reliés<br />

<strong>en</strong>tre eux, ni par un but final commun , ni par des<br />

connexions organiques, ni par des connexions fonc-<br />

tionnelles bi<strong>en</strong> évid<strong>en</strong>tes; ce sont pour nous des<br />

phénomènes sympathiques. En un mot, si la sym-<br />

pathie physiologique est le plus souv<strong>en</strong>t une syner-<br />

gie, la sympathie morbide est un rapport de souf-<br />

france existant <strong>en</strong>tre des organes éloignés et sans<br />

relations fonctionnelles immédiates.<br />

Il existe, <strong>en</strong> outre, dans l'étude de la sympathie<br />

morbide un point important : c'est que, loin d'être<br />

constante et uniforme dans ses effets, comme la<br />

sympathie physiologique , elle varie dans chaque<br />

cas de mode et d'énergie, selon l'idiosyncrasie du<br />

sujet et l'état des organes qui sympathis<strong>en</strong>t. Il n'est<br />

donc jamais permis d'affirmer d'avance dans quel<br />

s<strong>en</strong>s elle s'exercera. On sait qu'il y a action d'un<br />

organe sur un autre, mais cette action sera-t-elle<br />

favorable ou défavorable? se traduira-t-elle par une<br />

(1) Hunter, loc. cit.


12 DE LA FOLIE PUERPÉRALE.<br />

exaspération de la maladie première ou par un re-<br />

tour à la santé? tout ceci dép<strong>en</strong>d des conditions<br />

dans lesquelles le sujet se trouve placé. Une femme<br />

aliénée devi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>ceinte : il n'est pas impossible,<br />

ainsi que nous le verrons plus tard, que la grossesse<br />

exerce sur l'état m<strong>en</strong>tal une heureuse influ<strong>en</strong>ce.<br />

Qu'une femme saine d'esprit vi<strong>en</strong>ne à concevoir, la<br />

grossesse pourra développer chez elle l'aliénation<br />

m<strong>en</strong>tale : dans les deux cas, l'action de l'étal puer-<br />

péral est inverse, mais bi<strong>en</strong> réelle; considération im-<br />

portante au point de vue pratique, car elle fait voir<br />

qu'il est rarem<strong>en</strong>t permis de compter sur la vertu<br />

curative de l'action sympathique, les conditions qui<br />

la dirig<strong>en</strong>t étant trop complexes pour pouvoir être<br />

toujours facilem<strong>en</strong>t appréciées.<br />

Ces principes étant posés , quels sont les signes<br />

cliniques qui nous permettront d'affirmer qu'un<br />

phénomène est sympathique ; comm<strong>en</strong>t distinguer<br />

la sympathie de la simple coïncid<strong>en</strong>ce? Nous résu-<br />

merons ces conditions sous les trois chefs suivants<br />

qui, à nos yeux, constitu<strong>en</strong>t le point pratique et<br />

capital de cette discussion :<br />

r 11 faut que le fait que l'on soupçonne d'être<br />

sympathique n'ait avec le fait primordial aucune<br />

relation de continuité ou de contiguïté, aucune re-<br />

lation fonctionnelle immédiate. rî<br />

2° Il faut que les deux faits naiss<strong>en</strong>t simultané-<br />

m<strong>en</strong>t, augm<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t et disparaiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong>semble, <strong>en</strong> un


INFLUENCE SYMPATHIQUE DE l'uTÉRUS. 13<br />

mot, que le phénomène sympathique suive les oscil-<br />

lations du fait primordial. «Nous ne pouvons don-<br />

« ner le nom de folie sympathique qu'à une alié-<br />

« nation m<strong>en</strong>tale qui se produit directem<strong>en</strong>t par<br />

« l'action d'un organe de la vie physique, qui grandi-<br />

« rait par elle-même et diminuerait avec elle (1). »<br />

3" Enfin lorsque cette liaison des phénomènes<br />

morbides, même imparfaite à certains égards, se<br />

sera reproduite plusieurs fois et à peu près avec les<br />

mêmes circonstances, on ne devra pas conserver le<br />

moindre doute et rejeter bi<strong>en</strong> loin l'idée d'une sim-<br />

ple coïncid<strong>en</strong>ce.<br />

Citons quelques exemples :<br />

Durant une première grossesse, une dame est<br />

atteinte d'aliénation m<strong>en</strong>tale ; dix ans après, les acci-<br />

d<strong>en</strong>ts s'élant r<strong>en</strong>ouvelés, on crut qu'elle était <strong>en</strong>-<br />

ceinte. Boyer reconnut un polype utérin dont l'<strong>en</strong>lèvem<strong>en</strong>t<br />

mit un terme au dérangem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>tal. —<br />

Depuis deux ans une dame éprouve, huit jours<br />

avant chaque époque m<strong>en</strong>struelle, de viol<strong>en</strong>tes dou-<br />

leurs névralgiques occupant la face et la région du<br />

cou; on reconnaît une tumeur fibreuse de l'utérus,<br />

dont l'extirpation fut faite par Lisfranc ;<br />

la névralgie<br />

disparut (Cerise). — Esquirol a vu une jeune fille<br />

dont la folie coïncida avec la suppression des m<strong>en</strong>-<br />

strues, et qui guérit subitem<strong>en</strong>t au mom<strong>en</strong>t où les<br />

(1) Bûchez, Société méd. psychologique, séance du 10 novembre<br />

1854.


H DE LA FOLIE PUERPÉRALE.<br />

règles reparur<strong>en</strong>t. — Guislain a donné des soins à<br />

une jeune fille atteinte d'une desc<strong>en</strong>te de la matrice,<br />

qui se trouvait prised'une profonde tristesse avec pro-<br />

p<strong>en</strong>sion au suicide, chaque fois que le col de l'utérus<br />

v<strong>en</strong>ait se prés<strong>en</strong>ter à l'<strong>en</strong>trée du vagin; l'usage d'un<br />

pessaire a fait disparaître tous ces accid<strong>en</strong>ts (1).<br />

De leur côté, MM. Loiseau (2) et Azam (3) ont<br />

relaté plusieurs faits du plus grand intérêt qui prou-<br />

v<strong>en</strong>t sans réplique la sympathie qui existe <strong>en</strong>tre<br />

certaines lésions de l'appareil utérin et le dévelop-<br />

pem<strong>en</strong>t de la folie.<br />

On trouve <strong>en</strong>core, dans Guislain, l'histoire d'une<br />

personne qui , chaque fois qu'elle était constipée,<br />

avait des hallucinations auditives et visuelles, ces-<br />

sant avec la constipation. — Esquirol, Prost, Da-<br />

quin et bi<strong>en</strong> d'autres, ont rapporté des cas de folie<br />

guérie par l'expulsion des lombrics. — Sauvages et<br />

quelques auteurs rapport<strong>en</strong>t des faits d'aliénation<br />

m<strong>en</strong>tale causés par la prés<strong>en</strong>ce de larves dans les<br />

cavités nasales, et guéris par leur expulsion. —<br />

Chez un jeune homme, la folie se développe consé-<br />

cutivem<strong>en</strong>t à une tumeur carcinomateuse du doigt<br />

annulaire; l'amputation guérit les symptômes céré-<br />

braux, etc., etc.<br />

Telles sont, pour nous, dans toute leur rigueur,<br />

(4) Guislain, Traité des phrénopathies, p. 305.<br />

(2) Loisedin, Mémoire sur la folie sympathique^ Paris, 1857.<br />

(3) Azam, De la folie sympathique, Bovàea.\\x, 1838.


INFLUENCE SYMPATHIQUE DE l'uTÉRUS. 15<br />

les conditions requises pour qu'un phénomène<br />

puisse être légitimem<strong>en</strong>t considéré comme sympa-<br />

thique; si le diagnostic, à priori, était toujours pos-<br />

sible, on compr<strong>en</strong>d de quelle importance il devi<strong>en</strong>-<br />

drait, et pour le pronostic, et pour le traitem<strong>en</strong>t,<br />

le pronostic n'étant pas autre que celui de la mala-<br />

die primordiale, et le traitem<strong>en</strong>t devant s'adresser<br />

beaucoup plus à celte dernière qu'à la maladie<br />

m<strong>en</strong>tale. Malheureusem<strong>en</strong>t il n'<strong>en</strong> est pas ainsi, et<br />

d'après les principes mêmes que nous avons posés,<br />

il faut souv<strong>en</strong>t que la folie ait suivi son évolution<br />

complète pour qu'on puisse déterminer sa nature.<br />

Cep<strong>en</strong>dant, lorsqu'on verra le trouble m<strong>en</strong>tal dé-<br />

buter <strong>en</strong> même temps qu'une lésion organique ou<br />

peu après elle; lorsque dans les antécéd<strong>en</strong>ts du ma-<br />

lade on retrouvera des accid<strong>en</strong>ts nerveux ayant<br />

déjà coïncidé avec la même lésion, ces circonstances<br />

devront éveiller l'att<strong>en</strong>tion; dans les cas douteux,<br />

la prud<strong>en</strong>ce ordonne de s'adresser principalem<strong>en</strong>t<br />

et tout d'abord à la lésion organique, les résultats<br />

du traitem<strong>en</strong>t indiqueront la nature de la maladie.<br />

A côté des fails que nous avons cités plus haut,<br />

il <strong>en</strong> est d'autres qui, bi<strong>en</strong> différ<strong>en</strong>ts des premiers<br />

par leur pronostic et leur terminaison, s'<strong>en</strong> rap-<br />

proch<strong>en</strong>t néanmoins par certains points importants :<br />

je veux parler des cas où la maladie, développée<br />

par sympathie pure, se sépare <strong>en</strong>suite de la maladie<br />

primitive, suit son évolution naturelle, malgré la


^6 DE LA FOLIE PUERPERALE.<br />

disparition de la cause qui lui a donné naissance,<br />

et finit <strong>en</strong>fin par dev<strong>en</strong>ir incurable. Unies à leur<br />

origine, les maladies se sont <strong>en</strong>suite dissociées pour<br />

suivre chacune une marche indép<strong>en</strong>dante; tant il<br />

est vrai que l'axiome si souv<strong>en</strong>t répété : Sublata<br />

causa, tollilur effectus, est soumis à d'incessantes<br />

exceptions.<br />

Les cas de cette nature, assez nombreux dans la<br />

pratique, form<strong>en</strong>t deux classes distinctes. Dans les<br />

uns, l'affection m<strong>en</strong>tale, développée consécutivem<strong>en</strong>t<br />

à une maladie organique, persiste alors même<br />

que la cause première a disparu; c'est, par exemple,<br />

ce qu'on observe chez les femniQs qui, ayant eu à<br />

chaque accouchem<strong>en</strong>t un accès passager d'aliéna-<br />

tion m<strong>en</strong>tale ram<strong>en</strong>é par les modifications que les<br />

organes génitaux éprouv<strong>en</strong>t dans leurs conditions<br />

anatomiques et physiologiques et disparaissant avec<br />

ces modifications, finiss<strong>en</strong>t par dev<strong>en</strong>ir incurables à<br />

un dernier accès provoqué par la même cause , alors<br />

même que l'utérus est r<strong>en</strong>tré dans ses conditions<br />

normales.<br />

Un phénomène inverse se produit chez d'autres<br />

malades; le délire se développe sympathiquem<strong>en</strong>t à<br />

la suite de la production d'une lésion organique ; au<br />

bout d'un certain temps la folie guérit, bi<strong>en</strong> que la<br />

lésion organique persiste. J'ai donné des soins à une<br />

dame chez laquelle un accès de mélancolie débuta<br />

<strong>en</strong> même temps que les premiers symptômes d'une


INFLUENCE SYMPATHIQUE DE l'utÉRUS. il<br />

lïiétrite avec ulcération granuleuse et hypertrophie<br />

considérable du col ; la mélancolie traitée par l'iso-<br />

lem<strong>en</strong>t et les moy<strong>en</strong>s habituels disparut au bout de<br />

quatre mois, tandis que, trois mois après laguérison<br />

de la maladie m<strong>en</strong>tale, l'affection utérine n'avait<br />

éprouvé qu'une amélioration insignifiante.<br />

Pour les cas de cette espèce je proposerai le nom<br />

de sympathie imparfaite , qui me paraît répondre<br />

suffisamm<strong>en</strong>t à l'idée que je veux exprimer.<br />

Disons-le <strong>en</strong> passant, tous ces phénomènes de<br />

sympathie imparfaite démontr<strong>en</strong>t jusqu'à l'évid<strong>en</strong>ce<br />

quelle erreur de langage commett<strong>en</strong>t les médecins<br />

qui affirm<strong>en</strong>t que le siège des folies sympathiques<br />

est extra-cérébral. Que le point de départ de la ma-<br />

ladie, son siège primordial, soit dans quelque viscère<br />

éloigné, cela est possible, et même pour nous in-<br />

contestable ; mais au symptôme folie correspondra<br />

toujours une lésion fonctionnelle ou matérielle de<br />

l'<strong>en</strong>céphale, lésion secondaire, il est vrai, mais dont<br />

l'exist<strong>en</strong>ce est surabondamm<strong>en</strong>t prouvée par la per-<br />

sistance des troubles intellectuels, alors que la<br />

maladie première a totalem<strong>en</strong>t disparu.<br />

11 est d'ailleurs une théorie physiologique qui peut<br />

expliquer l'exist<strong>en</strong>ce de cette lésion cérébrale, dans<br />

la folie sympathique. Les synergies et les sympathies,<br />

comme chacun sait, ne se produis<strong>en</strong>t pas direc-<br />

tem<strong>en</strong>t d'un organe à l'autre, mais bi<strong>en</strong> par action<br />

réflexe; l'impression transmise jusqu'aux c<strong>en</strong>tres


18 DE LA FOLIE PUERPÉRALE.<br />

nerveux est réfléchie <strong>en</strong>suite par eux sur les diffé-<br />

r<strong>en</strong>ts organes ; or, le système nerveux c<strong>en</strong>tral, point<br />

de départ et point d'arrivée de toutes ces impressions<br />

nerveuses, n'est-il pas, au milieu de cette action<br />

incessante, plus disposé que tout autre à s'exciter au<br />

delà des limites normales?<br />

Tels sont les principes généraux qui nous parais-<br />

s<strong>en</strong>t dominer l'étude des sympathies, soit morbides,<br />

soit physiologiques. Voyons maint<strong>en</strong>ant , <strong>en</strong> des-<br />

c<strong>en</strong>dant dans une étude plus spéciale, quelles sont<br />

les applications qui peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> être faites aux con-<br />

nexions nerveuses qui exist<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre l'utérus et<br />

le cerveau.<br />

Au mom<strong>en</strong>t de la puberté il existe <strong>en</strong>tre le déve-<br />

loppem<strong>en</strong>tde tout l'organisme, surtout de quelques<br />

appareils, comme les organes génitaux et le larynx,<br />

et l'apparition de certains phénomènes de l'ordre<br />

moral, un cons<strong>en</strong>sus physiologique vraim<strong>en</strong>t remar-<br />

quable, qui a pour but de r<strong>en</strong>dre l'individu apte à<br />

remplir les fonctions complexes de la reproduction;<br />

à part ce fait, les irradiations nerveuses qui part<strong>en</strong>t<br />

de l'utérus sont à l'état physiologique très-peu nom-<br />

breuses, quoi qu'on <strong>en</strong> dise: quand l'état de santé<br />

est irréprochable, la m<strong>en</strong>struation se fait sans trou-<br />

ble et sans douleurs, sans am<strong>en</strong>er dans l'économie<br />

de réaction s<strong>en</strong>sible ; la grossesse ne se révèle que<br />

par des signes physiques et rationnels parfaitem<strong>en</strong>t<br />

déterminés; l'accouchem<strong>en</strong>t lui-même, lorsqu'il est


INFLUENCE SYMPATHIQUE DE l'uTÉRUS. 19<br />

naturel , ne cause dans l'économie qu'un ébran-<br />

lem<strong>en</strong>t passager et sans suites fâcheuses. Mais ces<br />

irradiations nerveuses acquièr<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> vite une<br />

importance de premier ordre dans certains états qui,<br />

sans être précisém<strong>en</strong>t maladifs, ne constitu<strong>en</strong>t pas<br />

une santé parfaite : ainsi, l'époque de la première<br />

m<strong>en</strong>struation, l'âge critique, la dysménorrhée, l'amé-<br />

norrhée. Quelle n'est pas dans ces états divers la va-<br />

riété des symptômes nerveux, que chaque jour on<br />

peut observer ! Des douleurs lombaires, des névral-<br />

gies, delà céphalalgie, puis un état moral bizarre ;<br />

le caractère s'altère et devi<strong>en</strong>t irascible ; elles ont<br />

cette mobilité nerveuse qui ne leur permet pas de<br />

rester un instant <strong>en</strong> place, et qui leur fait éprouver<br />

les émotions les plus vives à la suite des causes les<br />

plus insignifiantes :<br />

« Voilà pourquoi, dit Tissot, l'on<br />

« <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d dire à plusieurs femmes que tout ce qui<br />

« peut leur faire du mal leur arrive à cette époque.<br />

« C'est qu'un événem<strong>en</strong>t qu'elles aurai<strong>en</strong>t à peine<br />

« aperçu dans un autre mom<strong>en</strong>t, les tourm<strong>en</strong>te alors<br />

u elles bouleverse (1). «D'autres, tout <strong>en</strong> conservant<br />

la même émotivité, rest<strong>en</strong>t sil<strong>en</strong>cieuses, affaissées,<br />

sans pouvoir réagir, sans pouvoir se livrer à aucune<br />

de leurs occupations ordinaires. Il <strong>en</strong> est <strong>en</strong>fin quel-<br />

ques-unes chez lesquelles cet état nerveux , plus<br />

caractérisé <strong>en</strong>core, ressemble à un accès passager<br />

(1) Tissot, Traité des nerfs et de leurs maladies, édit. Halle<br />

{Encyclopédie des sci<strong>en</strong>ces médicales), 1855, p. 187.


20 DE LA FOLIE PUERPÉRALE.<br />

d'aliénation m<strong>en</strong>tale. D'un autre côté, personne<br />

n'ignore que chez les aliénées les fonctions utérines<br />

jou<strong>en</strong>t un rôle tellem<strong>en</strong>t important, que le médecin<br />

doit toujours avoir son att<strong>en</strong>tion fixée sur elles, afin<br />

de chercher là quelque indication thérapeutique<br />

sérieuse : on a vu le rétablissem<strong>en</strong>t des règles servir<br />

de crise à une maladie m<strong>en</strong>tale, et c'est un fait d'ob-<br />

servation journalière, que dans le cours de la folie,<br />

quand la maladie n'est pas <strong>en</strong>core à son déclin<br />

l'époque m<strong>en</strong>struelle est presque constamm<strong>en</strong>t si-<br />

gnalée, soit par une rémission, soit plutôt par une<br />

exacerbation de tous les symptômes.<br />

Que d'ailleurs l'on parcoure les auteurs qui trait<strong>en</strong>t<br />

des maladies nerveuses et l'on sera frappé du nombre<br />

et de la variété des faits prouvant la connexion intime<br />

qui, au point de vue de la sympathie morbide, unit<br />

l'utérus au cerveau et à la plupart des autres viscères:<br />

c'est dans l'utérus que les anci<strong>en</strong>s avai<strong>en</strong>t placé le<br />

siège de Thyslérie et de toutes les vapeurs: « Là, dit<br />

Hippocrate, se trouve le point de départ de mille<br />

maux. » Platon et Arétée <strong>en</strong>. avai<strong>en</strong>t fait un animal<br />

capable de mouvem<strong>en</strong>t et de s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t, s'élançant<br />

du bassin à la gorge, au milieu des attaques convul-<br />

sives de l'hystérie ; et Van Helmont, avec sa physiolo-<br />

gie plus avancée, le regardait comme un c<strong>en</strong>tre vital<br />

presque aussi énergique que le c<strong>en</strong>tre épigastrique.<br />

La grossesse est avec la nj<strong>en</strong>struation un de ces<br />

états physiologiques qui, tout <strong>en</strong> r<strong>en</strong>trant dans le but<br />

,<br />

à


INFLUENCE SYMPATHIQUE DE l' UTÉRUS. 21<br />

de la nature, avoisin<strong>en</strong>t l'état morbide ou du moins<br />

y<br />

prédispos<strong>en</strong>t <strong>en</strong> raison des conditions spéciales<br />

dans lesquelles se trouv<strong>en</strong>t certains sujets : chez<br />

les femmes robustes , habituées aux travaux de la<br />

campagne et à une vie uniforme, les réactions<br />

qu'elle détermine sont à peine appréciables ; mais<br />

pour les femmes des grandes villes, affaiblies par<br />

une vie molle et oisive, par des veilles, par des<br />

émotions incessantes, la gestation devi<strong>en</strong>t une<br />

fonction dangereuse qui imprime à tout l'orga-<br />

nisme des modifications profondes, et réveille des<br />

dispositions qui peut-être serai<strong>en</strong>t restées lat<strong>en</strong>tes<br />

sans son interv<strong>en</strong>tion ;<br />

dès que survi<strong>en</strong>t la concep-<br />

tion, certaines femmes éprouv<strong>en</strong>t du malaise, de<br />

l'insomnie et des troubles sympathiques du côté de<br />

l'estomac et du cerveau ; l'accouchem<strong>en</strong>t, l'allaite-<br />

m<strong>en</strong>t ont des conséqu<strong>en</strong>ces analogues, et toute<br />

femme, nourrice ou récemm<strong>en</strong>t accouchée, pour<br />

peu qu'elle ait une prédisposition nerveuse, est ex-<br />

posée à une série d'accid<strong>en</strong>ts qui ne font que tra-<br />

duire <strong>en</strong> l'acc<strong>en</strong>tuant davantage la manière d'être<br />

habituelle du sujet. Aussi cette susceptibilité toute<br />

spéciale de la femme p<strong>en</strong>dant l'état puerpéral l'a<br />

fait <strong>en</strong>tourer de tout temps d'une protection<br />

particulière , destinée à la prémunir , elle et<br />

son <strong>en</strong>fant, contre des émotions dont les consé-<br />

qu<strong>en</strong>ces pourrai<strong>en</strong>t être fâcheuses; à Harlem, ainsi<br />

que le rapporte Van Swiet<strong>en</strong>, une marque particu-^


22 DE LA FOLIE PUERPÉRALE.<br />

lière était placée à la porte de la maison des femmes<br />

<strong>en</strong>ceintes; devant ce signe devai<strong>en</strong>t s'arrêter les huis-<br />

siers et tous les g<strong>en</strong>s de justice (1).<br />

Toutes ces considérations nous autoris<strong>en</strong>t à faire<br />

interv<strong>en</strong>ir, parmi les causes de la folie puerpérale,<br />

une action sympathique de l'utérus sur le cerveau;<br />

mais cette action sympathique est trop incomplète<br />

pour donner au trouble intellectuel les caractères<br />

d'une maladie sympathique telle que nous l'avons<br />

définie. Ainsi que l'a d'ailleurs sout<strong>en</strong>u le docteur<br />

Schwegel (2), l'état utérin n'est pas à lui seul la cause<br />

de la maladie m<strong>en</strong>tale, il agit comme prédisposition,<br />

il vi<strong>en</strong>t s'ajouter aux causes nombreuses que nous<br />

aurons occasion d'étudier; mais l'influ<strong>en</strong>ce déjà res-<br />

treinte qu'il possède, il ne la conserve pas longtemps,<br />

car le délire une fois produit suit sa marche, quel que<br />

soit l'état de l'appareil génital; l'accouchem<strong>en</strong>t<br />

vi<strong>en</strong>t de se terminer : sous l'influ<strong>en</strong>ce de la parturi-<br />

tion la folie éclate, mais bi<strong>en</strong>tôt l'utérus revi<strong>en</strong>t sur<br />

lui-même, les lochies cess<strong>en</strong>t de couler, la sécrétion<br />

laiteuse se tarit, sans que cep<strong>en</strong>dant la maladie<br />

m<strong>en</strong>tale ait pour cela une prompte et heureuse ter-<br />

minaison. Aussi la plupartdes folies puerpérales sont<br />

des exemples de ce que nous avons appelé sympa-<br />

thie imparfaite; car il n'y a sympathie de l'utérus<br />

qu'avec la période initiale de la folie. Dans tous ces<br />

(1) VanSwiet<strong>en</strong>, § 1327, Morbi puerperii.<br />

(2) V. Schraidt's Jahrbïicher der gesammt<strong>en</strong> Medicin, i8b6^<br />

vol. XCI, p. 232.


INFLUENCE SYMPATHIQUE DE l'uTÉRUS. 23<br />

cas, la connaissance de l'élém<strong>en</strong>t sympathique n'a de<br />

valeur qu'au point de vue de la médecine prév<strong>en</strong>tive,<br />

car il est quelquefois possible d'éviter certains trou-<br />

bles fonctionnels qui réveill<strong>en</strong>t un état cérébral par-<br />

ticulier; mais quand la maladie est confirmée, c'est<br />

à un autre ordre d'idées qu'il faut recourir, c'est<br />

dans l'étude de causes plus positives qu'il faut cher-<br />

cher ses indications thérapeutiques.<br />

Si nous croyons devoir exclure du cadre des folies<br />

sympathiques (<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ant cette désignation dans son<br />

acception la plus rigoureuse) celles qui se dévelop-<br />

p<strong>en</strong>t à la suite de l'accouchem<strong>en</strong>t, p<strong>en</strong>dant l'allaitem<strong>en</strong>t<br />

ou après le sevrage, nous réserverons ce nom<br />

pour les cas de folies passagères liées à l'acte de<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t et disparaissant dès que le travail est<br />

terminé; pour ces affections m<strong>en</strong>tales qui, surv<strong>en</strong>ant<br />

au mom<strong>en</strong>t de la conception ou p<strong>en</strong>dant les premiers<br />

jours de la grossesse, guériss<strong>en</strong>t avec la cessation de<br />

l'état puerpéral, ou <strong>en</strong>fin pour les cas <strong>en</strong>core rares<br />

où un délire de quelques heures accompagne la fièvre<br />

de lait, et disparaît avec elle.<br />

Parmi les folies puerpérales , celles qui sont<br />

tout à fait sympathiques sont donc incomparable-<br />

m<strong>en</strong>t moins nombreuses que les autres, et cette<br />

opinion si différ<strong>en</strong>te de celle qui est généralem<strong>en</strong>t<br />

professée, avait besoin d'une justification.<br />

Entrons maint<strong>en</strong>ant plus directem<strong>en</strong>t dans notre<br />

sujet.


CHAPITRE II.<br />

FRÉQUENCE DE LA FOLIE PLTIRPÉRALE.<br />

La fréqu<strong>en</strong>ce de la folie puerpérale doit être étu-<br />

diée sous trois points de vue distincts. Il faut<br />

rechercher quelle est la proportion des femmes<br />

qui <strong>en</strong> sont atteintes relativem<strong>en</strong>t au nombre total<br />

des nouvelles accouchées et relativem<strong>en</strong>t au nom-<br />

bre total des femmes aliénées , puis examiner<br />

quelle est la fréqu<strong>en</strong>ce relative des cas de folie, selon<br />

qu'ils se développ<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant la grossesse, après<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t ou p<strong>en</strong>dant la lactation.<br />

1° Il est fort difficile d'étudier avec quelque pré-<br />

cision la proportion des femmes atteintes de manie<br />

puerpérale relativem<strong>en</strong>t au nombre des nouvelles<br />

accouchées; des statistiques de ce g<strong>en</strong>re ne peuv<strong>en</strong>t<br />

être faites que dans les maisons d'accouchem<strong>en</strong>ts, où<br />

les femmes rest<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t moins de quinze jours et<br />

rarem<strong>en</strong>t au delà ; or la folie pouvant éclater un<br />

mois, six semaines après la délivrance, cette circon-<br />

stance est une incessante cause d'erreur.<br />

Le docteur Reid (1) a réuni sur ce point quelques<br />

docum<strong>en</strong>ts que nous citerons malgré leur insuffisance<br />

et leur imperfection. Sur 3300 femmes accouchées<br />

(1) The Journal 0/ Psj/e/zoZogacai J/ed/cme, janvier 1848, doc-<br />

teur Reid, on Puerpéral Insanittj, p. 128.


FRÉQUENCE DE LA FOLIE PUERPÉR.\LE. 25<br />

à G<strong>en</strong>eral Lying-in Hospilal, Westminster, où les ma-<br />

lades rest<strong>en</strong>t trois semaines après l'accouchem<strong>en</strong>t,<br />

9 seulem<strong>en</strong>t ont été atteintes de folie. M. Gream<br />

a donné une statistique de 2000 cas observés à<br />

Que<strong>en</strong>-Charlotte's Lying-in Ilospilal; sur ce nom-<br />

bre, il y a eu 11 faits d'aliénation m<strong>en</strong>tale, pro-<br />

portion un peu plus considérable et qui s'explique,<br />

d'après M. Gream, par le grand nombre de filles-<br />

mères admises dans cet hôpital, la plupart dans<br />

les dispositions morales les plus fâcheuses et aban-<br />

données de leur séducteur.<br />

Dans Lying-in Wards of Saint- Giles's Infirmary<br />

sur 950 femmes, on n'a pas observé un seul cas de<br />

folie puerpérale, et sur une autre série de 1888 ma-<br />

lades, un seul a été r<strong>en</strong>contré, et il a été promp-<br />

tem<strong>en</strong>t guéri.<br />

Enfin je li<strong>en</strong>s de M. Béhier, que sur près de 1000<br />

accouchem<strong>en</strong>ts qui se sont faits dans son service à<br />

l'hôpital Beaujon, c'est à peine s'il a observé un seul<br />

cas très-peu grave d'aliénation m<strong>en</strong>tale.<br />

Ces statistiques, je le répète, ne saurai<strong>en</strong>t être<br />

d'une exactitude rigoureuse, mais elles suffis<strong>en</strong>t<br />

pour donner une idée de la proportion relativem<strong>en</strong>t<br />

très-faible des cas de folie chez les nouvelles accou-<br />

chées, et pour établir un fait capable d'étonner un<br />

instant, lorsque l'on songe au nombre important de<br />

folies puerpérales qui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t chaque année dans<br />

les asiles spéciaux.<br />

,


26 DE LA FOLIE PUERPÉRALE.<br />

2° Les docum<strong>en</strong>ts se retrouv<strong>en</strong>t plus nombreux et<br />

plus positifs lorsqu'il s'agit de déterminer le nombre<br />

des cas de folie puerpérale proportionnellem<strong>en</strong>t au<br />

nombre total des aliénées ; nous n'avons pour cela<br />

qu'à choisir parmi les statistiques éparses dans les<br />

divers recueils français et étrangers.<br />

Esquirol, sur 1119 femmes admises à la Salpê-<br />

trière p<strong>en</strong>dant quatre années , <strong>en</strong> a trouvé 92 tom-<br />

bées malades à la suite de couches, et dans sa pra-<br />

tique privée, 21 sur 144. Sur 899 femmes aliénées<br />

admises à Bethléem, dans une période de cinq<br />

années, le docteur Reid <strong>en</strong> a trouvé 1 11 atteintes de<br />

folie puerpérale.<br />

Le docteur Haslam a r<strong>en</strong>contré au même hôpi-<br />

tal 84 cas de folie puerpérale sur 1644.<br />

A Hanwell, sur 703 femmes, il y <strong>en</strong> avait 79<br />

atteintes de folie puerpérale.<br />

Le docteur Macdonald donne le chiffre de 49 sur<br />

691 (1);<br />

M. Parchappe, de 33 sur 596 (2).<br />

Leller, dans un rapport sur l'asile de Wim<strong>en</strong>thal,<br />

a trouvé que la grossesse et les suites de couches<br />

avai<strong>en</strong>t am<strong>en</strong>é la folie chez 1 1 femmes, sur un total<br />

de 97 (3).<br />

Le docteur John Webster indique 17 cas de folie<br />

(1) Journal of Psychological Medicine, docteur Macdonald, on<br />

Puerpéral Insanity, octobre 1848, p. 531.<br />

(2) Ann. méd.-pstjchoL, 1843, p. 359.<br />

(3) W., 1845, et Journal psychiatrique de Damerow, 1844.


FRÉQUENCE DE LA FOLIE PUERPÉRALE. 27<br />

puerpérale sur 282 malades (1); le docteur Thomas<br />

Kirkbride , 116 cas de même nature sur un total de<br />

2752 malades (2).<br />

Les docteurs Conolly, Palmer, Rusch, ont publié<br />

des statistiques dont les résultats sont analogues.<br />

Nous-même <strong>en</strong>fin, sur 242 malades <strong>en</strong>trées dans<br />

le service de M. Milivié, p<strong>en</strong>dant le cours de l'année<br />

1856, nous avons vu notés 9 cas seulem<strong>en</strong>t de folie<br />

puerpérale.<br />

En comparant <strong>en</strong>tre eux tous ces résultais, et<br />

malgré les grandes différ<strong>en</strong>ces qui sépar<strong>en</strong>t les points<br />

extrêmes, nous sommes arrivé à cette conviction<br />

qu'<strong>en</strong> moy<strong>en</strong>ne on r<strong>en</strong>contre une malade atteinte<br />

de folie puerpérale sur 12 ou 13 aliénées.<br />

3° Ceci étant établi, quelle est la fréqu<strong>en</strong>ce rela-<br />

tive de la folie puerpérale, selon qu'elle se développe<br />

p<strong>en</strong>dant la grossesse, après l'accouchem<strong>en</strong>t, ou p<strong>en</strong>-<br />

dant la lactation?<br />

Sur 92 malades, Esquirol a vu 54 cas de folie<br />

surv<strong>en</strong>us à la suite de l'accouchem<strong>en</strong>t, et 38 p<strong>en</strong>-<br />

dant la période de lactation.<br />

Le docteur Palmer a indiqué à James Reid les<br />

chiffres suivants: sur 19 cas de folie puerpérale, il<br />

s'<strong>en</strong> est développé 1 p<strong>en</strong>dant la grossesse, 6 après<br />

la délivrance, 12 durant la période de lactation.<br />

(1) Archiv. méd., iS^O, et Med. chirurg. Transactions^ 1849.<br />

(2) Thomas Kirkbride, Rapport sur Vhôpital de P<strong>en</strong>sylvaniCy<br />

48S6.


28 DE LA FOLIE PUERPÉRALE.<br />

Un rapport de Hanwell donne les résultats sui-<br />

vants: sur 43 cas de folie puerpérale, 4 ont apparu<br />

p<strong>en</strong>dant la grossesse, 26 à la suite de couches, 13<br />

chez les nourrices (1).<br />

Dans une statistique de York-Retreat, on voit que<br />

sur H cas 2 se sont développés p<strong>en</strong>dant la lactation,<br />

9 à la suite de couches.<br />

Le docteur Macdonald, dans un résumé compre-<br />

nant 66 cas, a trouvé les proportions suivantes:<br />

4 cas p<strong>en</strong>dant la grossesse, 44 à la suite de couches,<br />

18 p<strong>en</strong>dant la lactation.<br />

Enfin, nous-même, sur un total de 79 malades,<br />

nous avons trouvé 18 cas de folie développée p<strong>en</strong>-<br />

dant la grossesse, 41 cas surv<strong>en</strong>us à la suite de l'ac-<br />

couchem<strong>en</strong>t, 20 cas développés chez des nourrices.<br />

La plupart des résultats fournis par ces diverses<br />

statistiques concord<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> général, d'une manière<br />

satisfaisante; cep<strong>en</strong>dant nous ne pouvons nous em-<br />

pêcher d'être frappé du nombre considérable des<br />

cas de folie développée p<strong>en</strong>dant la grossesse dont<br />

nous avons pu recueillir l'observation, et nous se-<br />

rions volontiers disposé à l'attribuer, soit à une série<br />

exceptionnelle, soit peut-être au soin tout parti-<br />

culier avec lequel nous avons réuni les faits de cette<br />

nature.<br />

En résumant toutes les statistiques qui pré-<br />

(1) Journal of Psychological Medicine, janv. 1848, loc. cit.


FRÉQUENCE DE LA FOLIE PUERPÉRALE. 29<br />

cèd<strong>en</strong>t, nous trouvons que, sur 310 cas de folie<br />

puerpérale, il <strong>en</strong> est 27 qui se sont développés p<strong>en</strong>-<br />

dant la grossesse, 180 à la suite de raccouchera<strong>en</strong>t,<br />

103 p<strong>en</strong>dant la lactation. Loin de nous la p<strong>en</strong>sée<br />

devouloir attribuer à tous ces chiffres une valeur ri-<br />

goureuse, nous croyons que dans les questions de ce<br />

g<strong>en</strong>re où, malgré tous les etîorts faits pour arriver à<br />

la vérilé, il se glisse toujours quelques données in-<br />

connues, une précision mathématique estimpossible<br />

à obt<strong>en</strong>ir ; néanmoins les données de la statistique<br />

sont ici assez nettes et assez tranchées, elles port<strong>en</strong>t<br />

sur un assez grand nombre de faits pour que nous<br />

puissions <strong>en</strong> tirer les conclusions suivantes :<br />

Parmi les cas de folie puerpérale, ceux qui se<br />

développ<strong>en</strong>t après l'accouchem<strong>en</strong>t sont de beau-<br />

coup les plus considérables.<br />

Les cas de folie chez les nourrices sont moitié<br />

moins nombreux que ceux qui survi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t après la<br />

délivrance ; mais ici qu'on nous permette une re-<br />

marque : le nombre des nourrices étant moins consi-<br />

dérable que celui de nouvelles accouchées, la pro-<br />

portion que nous v<strong>en</strong>ons d'indiquer ne saurait être<br />

prise dans un s<strong>en</strong>s absolu.<br />

Enfin, la folie p<strong>en</strong>dant la grossesse, que nous étu-<br />

dierons tout d'abord, est de toutes ces variétés la plus<br />

rare ; le nombre des cas qu'elle prés<strong>en</strong>te est tout au<br />

plus égal au tiers de ceux qui se développ<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>-<br />

dant la lactation.


30 DE LA FOLIE PUERPÉRALE.<br />

Plus tard, <strong>en</strong> passant <strong>en</strong> revue d'une manière spé-<br />

ciale chacune des variétés de folie puerpérale, nous<br />

aurons occasion d'étudier quelles sont les formes<br />

d'aliénation m<strong>en</strong>tale qui sont prédominantes dans<br />

chacune de ces variétés.<br />

à


DEUXIEME SECTION.<br />

CHAPITRE PREMIER.<br />

DES TROUBLES INTELLECTUELS QUI SURVIENNENT PENDANT<br />

LA GROSSESSE.<br />

Art. l". Des dispositions morales des femmes <strong>en</strong>ceintes.<br />

La grossesse détermine du côlé du système nerveux<br />

chez les sujets prédisposés de nombreux phénomènes<br />

qui ont attiré de tout temps l'att<strong>en</strong>tion des médecins.<br />

Qu'on les explique par une irradiation sympathique<br />

partant de l'utérus , ou par les modifications que le<br />

sang éprouve dans sa composition , il n'<strong>en</strong> est pas<br />

moins vrai que cet état a, par lui-même, quelque<br />

chose de spécial impossible à méconnaître. La gros-<br />

sesse forme avec la m<strong>en</strong>struation, avec la première<br />

et la seconde d<strong>en</strong>tition, la lactation, le trauma-<br />

tisme, la convalesc<strong>en</strong>ce des maladies graves , un<br />

de ces états physiologiques dans lesquels le système<br />

nerveux peut acquérir une mobilité et une impres-<br />

sionnabilité excessives ; mille symptômes divers vi<strong>en</strong>-<br />

n<strong>en</strong>t le révéler, et l'on voit se manifester chez les<br />

femmes <strong>en</strong>ceintes toute une série d'accid<strong>en</strong>ts qu'el-


32 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

les n'avai<strong>en</strong>t jamais prés<strong>en</strong>tés dans l'état ordinaire<br />

de santé: les vomissem<strong>en</strong>ts, les syncopes, les cram-<br />

pes, les vertiges se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t d'une manière ba-<br />

nale pour ainsi dire; les paralysies partiel les, soit per-<br />

man<strong>en</strong>tes, soit mobilesdans leur siège, ont été notées<br />

par beaucoup d'auteurs, et M. Cazeaux a même si-<br />

gnalé la surdité ellamaurose (1). M. Andral a vu la<br />

chorée surv<strong>en</strong>ir p<strong>en</strong>dant la grossesse chez une femme<br />

qui avait eu déjà la même maladie dans sa jeunesse;<br />

au sixième mois, il y eut avortem<strong>en</strong>t et la chorée<br />

guérit immédiatem<strong>en</strong>t (2). Un fait analogue se trouve<br />

rapporté dans la Gazette hebdomadaire (3). Des fem-<br />

mes sont dev<strong>en</strong>ues épileptiques p<strong>en</strong>dant leur gros-<br />

sesse qui jamais, <strong>en</strong> d'autres temps, n'avai<strong>en</strong>t offert<br />

de symptômes de cette maladie (4). Tissota vu deux<br />

fois des accid<strong>en</strong>ts hystériques surv<strong>en</strong>ir chez des<br />

femmes <strong>en</strong>ceintes et disparaître après l'accouche-<br />

m<strong>en</strong>t, et il cite plusieurs cas d'affections convul-<br />

sives ainsi limitées au terme de la grossesse (5).<br />

Les désordres du côté de rintellig<strong>en</strong>co, signa-<br />

lés par tous les auteurs, mais décrits très-briève-<br />

m<strong>en</strong>t, ne jou<strong>en</strong>t pas un rôle moins important dans<br />

l'histoire des maladies de la grossesse. Ces troubles<br />

sont de deux ordres : les uns constitu<strong>en</strong>t de simples<br />

(1) Cfizeatix, Traité des accouchem<strong>en</strong>ts, p. 33o.<br />

(2) Andral, Cours de pathologie interne, 1836, t. IH, p. 303.<br />

(3) Gazette hebdomadaire, 10 mars 18o4.<br />

[^) Mémoires des curieux de la nature, dëc. ii, année 8, p. 229.<br />

(5) Tissot, Traité des nerfs et de leurs maladies^ loc. cit., p. 93.


DISPOSITIONS MORALES DES FEMMES ENCEINTES. 33<br />

dispositions morales qui n'arriv<strong>en</strong>t pas à priver la<br />

malade de son libre arbitre, mais imprim<strong>en</strong>t à ses<br />

allures et à sa physionomie un caractère tout parti-<br />

, culier; les autres constitu<strong>en</strong>t un état d'aliénation<br />

m<strong>en</strong>tale à forme variable, mais bi<strong>en</strong> caractérisée.<br />

Au point de vue de la pathologie et de la médecine<br />

légale, ces deux états offr<strong>en</strong>t de grandes différ<strong>en</strong>ces;<br />

mais comme <strong>en</strong> réalité ils ne sont que des degrés<br />

d'une seule et même affection, on trouve dans la<br />

pratique des faits intermédiaires qu'il est difficile de<br />

classer dans l'une ou l'autre de ces deux catégories.<br />

Les dispositions morales que détermine la gros-<br />

sesse consist<strong>en</strong>t parfois dans une notable excitation<br />

des facultés intellectuelles, mais bi<strong>en</strong> plus souv<strong>en</strong>t<br />

dans une t<strong>en</strong>dance inaccoutumée au découragem<strong>en</strong>t<br />

et à la mélancolie.<br />

Parmi les causes de cet état m<strong>en</strong>tal, il faut no-<br />

ter, surtout chez les primipares, les modifications<br />

si profondes que le mariage amène au physique et<br />

au moral dans la vie d'une jeune fille: l'<strong>en</strong>tourage,<br />

la résid<strong>en</strong>ce, les occupations, tout est changé ; des<br />

préoccupations nouvelles et inconnues vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t l'as-<br />

saillir. Survi<strong>en</strong>ne la grossesse avec les malaises qui<br />

accompagn<strong>en</strong>t ses débuts, et l'on verra bi<strong>en</strong>tôt sur-<br />

gir des inquiétudes maladives, de vagues préoc-<br />

cupations. La grossesse n'est pas un heureux événe-<br />

m<strong>en</strong>t pour toutes les femmes. Il <strong>en</strong> est pour lesquelles<br />

elle révèle aux yeux de tous une faute qu'elles au-


34 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

rai<strong>en</strong>t à tout prix voulu cacher; pour d'autres, une<br />

augm<strong>en</strong>tation de famille devi<strong>en</strong>t une cause d'inquié-<br />

tude et d'anxiété <strong>en</strong> raison des modiques ressources<br />

dont elles peuv<strong>en</strong>t disposer. Chez celles qui, ayant<br />

dépassé Tâge moy<strong>en</strong> de la vie, sont déjà mères d'<strong>en</strong>-<br />

fants adultes, une grossesse imprévue amène parfois<br />

un tel s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de honte qu'elles ne la déclar<strong>en</strong>t<br />

qu'à la dernière extrémité et après avoir fait des<br />

efforts inouïs pour la cacher; j'ai donné des soins à<br />

une dame atteinte de folie puerpérale après une<br />

grossesse surv<strong>en</strong>ue dans des conditions de ce g<strong>en</strong>re :<br />

elle redoutait tellem<strong>en</strong>t d'avouer son état, qu'elle<br />

passa les derniers mois au milieu de préoccupations<br />

continuelles, et que, malgré tous les efforts de son<br />

mari, elle travaillait la nuit pour confectionner ellemême<br />

et dans le plus grand secret la layette de son<br />

<strong>en</strong>fant (25' obs.). Telles sont les conditions les plus dé-<br />

favorables; mais il est aussi des femmes, heureuses<br />

à tous égards, dont la grossesse est un nouveau gage<br />

de félicité pour l'av<strong>en</strong>ir, qui éprouv<strong>en</strong>t les mêmes<br />

accid<strong>en</strong>ts sans même qu'une prédisposition héré-<br />

ditaire ou une constitution éminemm<strong>en</strong>t nerveuse<br />

puiss<strong>en</strong>t toujours <strong>en</strong> r<strong>en</strong>dre compte.<br />

La plupart sont abattues, sans courage, sans<br />

initiative, elles ne goût<strong>en</strong>t aucun des plaisirs qui les<br />

charmai<strong>en</strong>t autrefois, elles aim<strong>en</strong>t l'immobilité et<br />

l'inoccupation, elles répèt<strong>en</strong>t sans cesse qu'elles sont<br />

incapables de se livrer à aucun travail. Si elles sont


DISPOSITIONS MORALES DES FEMMES ENCEINTES. 35<br />

primipares, l'att<strong>en</strong>te d'une douleur inconnue les pré-<br />

occupe au-delà de toute mesure, et les jette dans une<br />

angoisse inexprimable; si déjà elles ont été mères,<br />

elles sont effrayées par le souv<strong>en</strong>ir du passé et la per-<br />

spective de l'av<strong>en</strong>ir; elles ont linlime conviction<br />

qu'elles devrontsuccomber à l'épreuve qui les att<strong>en</strong>d:<br />

cette idée acquiert la proportion de l'idée fixe et de-<br />

vi<strong>en</strong>t le point de départ d'une disposition mélancoli-<br />

que qui s'ét<strong>en</strong>d à toutes leurs p<strong>en</strong>sées ;<br />

elles se regar-<br />

d<strong>en</strong>t comme vouées à la mort et ne s'occup<strong>en</strong>t que de<br />

préparatifs lugubres ;<br />

<strong>en</strong> même temps elles song<strong>en</strong>t<br />

sans cesse à cet <strong>en</strong>fant qu'elles ne connaiss<strong>en</strong>t pas,<br />

et qui se trouve vis-à-vis d'elles dans un état tout<br />

exceptionnel dont l'histoire des s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts humains<br />

n'offre pas d'autres exemples (Morel); elles craign<strong>en</strong>t<br />

qu'il ne soit hideux et difforme, elles <strong>en</strong> parl<strong>en</strong>t à<br />

toute heure : de la crainte à la conviction la tran-<br />

sition est bi<strong>en</strong> facile, et bi<strong>en</strong> que les malades ai<strong>en</strong>t<br />

consci<strong>en</strong>ce de leur état et puiss<strong>en</strong>t faire quelques<br />

efforts pour le surmonter, de là à la lypémanie com-<br />

plète il n'y a qu'un degré. A ce trouble moral il vi<strong>en</strong>t<br />

se joindre quelques symptômes somatiques assez<br />

constants : les digestions sont l<strong>en</strong>tes et difficiles, la<br />

moindre émotion amène des palpitations et de<br />

l'anxiété respiratoire, le sommeil est pénible et agité<br />

par des rêves, il y a p<strong>en</strong>dant le jour une t<strong>en</strong>dance<br />

insurmontable à l'assoupissem<strong>en</strong>t. D'autres fem-<br />

mes, au contraire, sont <strong>en</strong> proie à une excitation


36 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

physique el inlellecluelle qui transforme leurs allu-<br />

res : elles rest<strong>en</strong>t infatigables au nailieu d'une acti-<br />

vité incessante , elles conserv<strong>en</strong>t une inaltérable<br />

gaieté, alors même qu'elles sont d'habitude tristes<br />

et mélancoliques, on les voit même dev<strong>en</strong>ir brus-<br />

ques et irascibles, et toutes leurs fonctions redou-<br />

bl<strong>en</strong>t d'activité.<br />

A chaque grossesse les mêmes troubles moraux<br />

se reproduis<strong>en</strong>t et avec des caractères id<strong>en</strong>tiques;<br />

j'ai vu une dame espagnole qui , au début de<br />

sept grossesses successives, éprouva la même dis-<br />

position mélancolique. — Une autre dame, mère<br />

de dix <strong>en</strong>fants, fut assaillie, p<strong>en</strong>dant les premiers<br />

mois de ses dix grossesses, par des craintes, des<br />

préoccupations qui se prés<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t exactem<strong>en</strong>t avec<br />

les mômes caractères, elqui disparaissai<strong>en</strong>t habituel-<br />

lem<strong>en</strong>t avec la délivrance ; deux ans après son dernier<br />

accouchem<strong>en</strong>t, elle est dev<strong>en</strong>ue tout à fait aliénée.<br />

Quelle est la nature intime de ces divers phé-<br />

nomènes? faut-il les regarder comme des acci-<br />

d<strong>en</strong>ts purem<strong>en</strong>t nerveux, ou bi<strong>en</strong> faut-il réserver<br />

une part dans leur production aux transformations<br />

physiques que la grossesse <strong>en</strong>traîne avec elle? Au<br />

début, quand le volume de l'utérus est à peine aug-<br />

m<strong>en</strong>té, on ne peut guère croire qu'à une irradiation<br />

sympathique vers les c<strong>en</strong>tres nerveux, mais, plus<br />

tard, les conditions chang<strong>en</strong>t d'une manière no-<br />

table : le globe utérin agit par son poids et son vo-<br />

I


DISPOSITIONS MORALES DES FEM.>IES ENCEINTES. 37<br />

lume et détermine un état perman<strong>en</strong>t de malaise<br />

et de fatigue; il comprime les vaisseaux iliaques,<br />

gêne le retour du sang veineux vers le cœur et <strong>en</strong>-<br />

treti<strong>en</strong>t vers la périphérie un état congestif qui se<br />

traduit par la teinte bleuâtre de la peau des extré-<br />

mités supérieures et inférieures, et par les varices<br />

qui sillonn<strong>en</strong>t ces parties; la circulation cérébrale<br />

se fait elle-même plus péniblem<strong>en</strong>t; il y a de la<br />

céphalalgie, de la pesanteur de tête, de la t<strong>en</strong>dance<br />

à l'assoupissem<strong>en</strong>t. Enfin l'utérus dépasse bi<strong>en</strong>tôt<br />

l'ombilic, il repousse le diaphragme, gène l'amplia-<br />

tion du thorax et l'oxygénation du sang, et déter-<br />

mine un état d'anxiété respiratoire qui réagit sur le<br />

moral et amène bi<strong>en</strong> vite l'inquiétude et la crainte.<br />

Ainsi, des causes physiques vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t s'ajoutera une<br />

disposition maladive qui est d'abord purem<strong>en</strong>t in-<br />

tellectuelle, et sans vouloir exagérer leur impor-<br />

tance, car souv<strong>en</strong>t la fin de la grossesse est signalée<br />

au contraire par une s<strong>en</strong>sible amélioration de l'état<br />

moral , je p<strong>en</strong>se que c'est là un élém<strong>en</strong>t important<br />

qu'on ne saurait passer sous sil<strong>en</strong>ce.<br />

Au lieu de porter sur l'<strong>en</strong>semble des facultés<br />

intellectuelles qui se trouv<strong>en</strong>t déprimées ou exci-<br />

tées d'une manière aussi s<strong>en</strong>sible, le trouble est<br />

parfois plus limité et n'atteint que les points isolés<br />

de l'intellig<strong>en</strong>ce et de la s<strong>en</strong>sibilité. Tel est le cas de<br />

cette femme dont l'histoire se retrouve dans le<br />

tome XV du Journal de médecine de Vandermonde.


38 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

Elle dev<strong>en</strong>ait hyclrophobe p<strong>en</strong>dant les quatre pre-<br />

miers mois de chacune de ses grossesses, dont le<br />

nombre fut de onze; aussitôt après la conception,<br />

elle ne buvait que très-peu : petit à petit l'horreur<br />

des liquides augm<strong>en</strong>tait, au point que non-seule-<br />

m<strong>en</strong>t l'infortunée s'abst<strong>en</strong>ait de boisson ou de tout<br />

autre alim<strong>en</strong>t liquide, mais qu'elle ne pouvait même<br />

supporter que d'autres buss<strong>en</strong>t <strong>en</strong> sa prés<strong>en</strong>ce<br />

Lorsque des motifs impérieux l'obligeai<strong>en</strong>t à tra-<br />

verser une rivière, elle se bouchait les oreilles, cou-<br />

vrait ses yeux d'un bandeau et chargeait deux<br />

hommes de la conduire de force. — M. Cazeaux (1)<br />

cite aussi deux cas de lésions isolées des s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts<br />

affectifs : « J'ai vu, dit-il, une jeune dame primi-<br />

« pare, chez laquelle l'amour qu'elle avait aupara-<br />

« vaut pour son mari avait fait place à une antipathie<br />

« qu'elle avait beaucoup de peine à surmonter.—Une<br />

« autre jeune femme, arrivée au cinquième mois, prit<br />

« tout à coup une telle aversion pour son apparte-<br />

« m<strong>en</strong>t, qu'après avoir fait bi<strong>en</strong> des t<strong>en</strong>tatives infruc-<br />

« tueuses, et malgré tous les efforts de sa raison, on<br />

« fut obligé de la laisser à la campagne p<strong>en</strong>dant le<br />

« cours de sa grossesse. »<br />

Nous nous abst<strong>en</strong>ons à dessein de parler ici des<br />

<strong>en</strong>vies et des p<strong>en</strong>chants irrésistibles des femmes<br />

<strong>en</strong>ceintes, ainsi que de la responsabilité morale qui<br />

leur incombe dans les cas où un délit ou un crime<br />

(1) Cazeaux, Traité des accouchem<strong>en</strong>ts, loc. cil.


DISPOSITIONS MORALES DES FEMMES ENCEIMES. 39<br />

aurai<strong>en</strong>t été commis sous l'influ<strong>en</strong>ce de ces p<strong>en</strong>-<br />

chants; nous traiterons plus tard ce sujet.<br />

Tous les troubles que nous v<strong>en</strong>ons de décrire,<br />

lorsqu'ils se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t chez des femmes qui n'ont<br />

aucun antécéd<strong>en</strong>t héréditaire fâcheux ou n'of-<br />

fr<strong>en</strong>t par elles-mêmes aucune disposition à la fo-<br />

lie, disparaiss<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> général, à mesure que la gros-<br />

sesse avance. Van Swiet<strong>en</strong> <strong>en</strong> a cité un exemple<br />

remarquable (1), et d'ailleurs c'est un point sur le-<br />

quel Montgomery et Burns ont insisté et qui est vé-<br />

rifié par l'expéri<strong>en</strong>ce de chaque jour. Je ti<strong>en</strong>s de<br />

M. Danyau, qui a pu observer tant de fails de cette<br />

nature, que jamais il n'avait vu ces fâcheuses dis-<br />

positions morales persister après l'accouchem<strong>en</strong>t;<br />

et nous-même, sur 79 malades atteintes de folie<br />

après l'accouchem<strong>en</strong>t ou p<strong>en</strong>dant la lactation, nous<br />

n'<strong>en</strong> avons trouvé que 6 dont la grossesse ait été<br />

signalée par des troubles intellectuels nettem<strong>en</strong>t<br />

accusés. Deux d'<strong>en</strong>tre elles prés<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t une notable<br />

(1) In alla muliere, salis rol)usla, mox a conceptu dolebat<br />

v<strong>en</strong>lriculus et dorsum immaniter; fiebat rneticulosissinia, et<br />

cogebatur perpetuo decumbere; ructus et flatus fere perpetui;<br />

lassitude corporis summa; s<strong>en</strong>sus omnes erant torpidi, faciès<br />

paliida, mortuae feie similis. In miserrimo hoc statu manebat<br />

iisqueinquintum gravidatis m<strong>en</strong>sem; tune incepilvomere, vires<br />

redieruntj siirgebat de lecto et relicjuum gravidatis tempus satis<br />

commode absolvebatuv. Sœpius peperit misera haec mulier, sed<br />

semper easdem molestias ferre debuit, licet plures et periti me-<br />

dici omnem adhiber<strong>en</strong>t operam, ut illi succurrer<strong>en</strong>f. T<strong>en</strong>tata<br />

fuit v<strong>en</strong>ae sectio, et alia plurima, sed incassum. (Van Swiel<strong>en</strong>,<br />

Morbi gravidarum, § 1296.)


40 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

excitation : après l'accouchem<strong>en</strong>t elles devinr<strong>en</strong>t<br />

tout à fait maniaques; quatre autres, faibles, abat-<br />

tues et déprimées p<strong>en</strong>dant toute la durée de la gros-<br />

sesse, fur<strong>en</strong>t atteintes de mélancolie peu après la<br />

délivrance.<br />

Ces faits malheureux sont peu nombreux sans<br />

doute, et cep<strong>en</strong>dant il y aurait imprud<strong>en</strong>ce à traiter<br />

tout ceci avec trop de légèreté; chez les femmes<br />

prédisposées, celte période peut n'être que le pré-<br />

lude d'un accès de folie plus caractérisé, et <strong>en</strong> tout<br />

cas le médecin qui connaît la nature et la cause de<br />

cette perturbation morale, devra souv<strong>en</strong>t interv<strong>en</strong>ir<br />

pour rassurer une famille sur des s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts inex-<br />

plicables dont la cause pourrait être cherchée là où<br />

elle n'est pas; il évitera ainsi des inquiétudes, des<br />

tourm<strong>en</strong>ts d'autant plus à craindre pour les malades<br />

que les vives émotions morales peuv<strong>en</strong>t agir d'une<br />

manière fâcheuse sur un organisme dev<strong>en</strong>u plus<br />

impressionnable, et <strong>en</strong>traîner avec elles des acci-<br />

d<strong>en</strong>ts bi<strong>en</strong> plus sérieux.<br />

Quelques troubles fonctionnels concomitants du<br />

côté du système circulatoire ou du tube diges-<br />

tif pourront fournir des indications au traitem<strong>en</strong>t<br />

médical. Burns n'hésite pas à conseiller la sai-<br />

gnée contre ce malaise moral qu'il attribue à une<br />

congestion de la base du cerveau ; on ne devra y<br />

recourir que si d'autres symptômes indiqu<strong>en</strong>t l'exis-<br />

t<strong>en</strong>ce de cette pléthore séreuse qui se r<strong>en</strong>contre


FOLIE DES FEMMES ENCEINTES. Ai<br />

chez les femmes <strong>en</strong>ceintes, <strong>en</strong> tout cas on n'<strong>en</strong> usera<br />

qu'avec une grande réserve; plus souv<strong>en</strong>t, d'après<br />

Montgomery, l'état nerveux est lié à des symptômes<br />

d'embarras gastrique et un purgatif fait justice de<br />

tous les accid<strong>en</strong>ts. Si ces moy<strong>en</strong>s échouai<strong>en</strong>t, il fau-<br />

drait s'<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir à quelques bains lièdes, à l'exercice,<br />

à une hygiène morale bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due, à l'expecta-<br />

tion, <strong>en</strong> n'oubliant pas qu'il s'agit ici bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t<br />

d'un état purem<strong>en</strong>t sympathique, qui disparaît de<br />

lui-même au mom<strong>en</strong>t de l'accouchem<strong>en</strong>t, et ne<br />

comporte pas par lui-même l'emploi de remèdes<br />

énergiques.<br />

Art. 11. ft)e la folie des feiumus eticciiites.<br />

§ 1". Les troubles inlelleclucls peuv<strong>en</strong>t s'élever<br />

chez la femme <strong>en</strong>ceinte jusqu'à Taliénalion m<strong>en</strong>tale<br />

confirmée ; il n'est pas toujours facile de fixer les<br />

limites qui sépar<strong>en</strong>t de la folie les dispositions mo-<br />

rales que nous v<strong>en</strong>ons d'étudier et qui toutes influ<strong>en</strong>t<br />

assez sur les déterminations des malades pour leur<br />

<strong>en</strong>lever une partie de leur liberté morale. Entre<br />

cette excitation involontaire qui donne aux facultés<br />

intellectuelles une activité anormale sans altérer <strong>en</strong><br />

ri<strong>en</strong> le raisonnem<strong>en</strong>t ; <strong>en</strong>tre celte t<strong>en</strong>dance aux<br />

idées tristes, cette dépression qui porte autant sur<br />

l'intellig<strong>en</strong>ce et la s<strong>en</strong>sibilité que sur la molilité, et<br />

la manie et la mélancolie dans leur expression la


42 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

plus complète et la plus élevée, il existe une foule<br />

de nuances intermédiaires, et c'est à la sagacité du<br />

médecin de distinguer les cas qui r<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t plus vo-<br />

lontiers dans l'une ou l'autre catégorie ;<br />

seulem<strong>en</strong>t<br />

il est un point qui nous a frappé et qui peut, nous<br />

le croyons, guider le pratici<strong>en</strong> dans son diagnostic :<br />

c'est que la t<strong>en</strong>dance à la tristesse, et toutes les mo-<br />

difications du caractère et de l'intellig<strong>en</strong>ce qui se<br />

r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t au début de la grossesse, devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

général de moins <strong>en</strong> moins prononcées à mesure<br />

que le terme approche et surtout que l'on s'éloigne<br />

du troisième mois; or on observe exactem<strong>en</strong>t le<br />

contraire pour les faits d'aliénation m<strong>en</strong>tale ; à part<br />

les cas où la conception donne immédiatem<strong>en</strong>t le<br />

signal des troubles intellectuels, la folie ne débute<br />

guère qu'à partir du troisième mois, mais surtout<br />

vers le sixième ou le septième, et <strong>en</strong> général elle ne<br />

disparaît <strong>en</strong> aucune façon p<strong>en</strong>dant la durée de la<br />

gestation.<br />

§ 2. Parmi les causes de la folie des femmes <strong>en</strong>cein-<br />

tes nous devons noter l'hérédité, les accès antérieurs<br />

de folie, l'anémie, les émotions morales pénibles et<br />

prolongées, influ<strong>en</strong>ces que nous étudierons plus loin<br />

et avec grand détail, et que nous ne faisons qu'in-<br />

diquer ici <strong>en</strong> passant.<br />

Dans tous les cas que j'ai observés par moi-même,<br />

le mode de développem<strong>en</strong>t offrait de grandes ana-<br />

logies : la plupart des malades se trouvai<strong>en</strong>t déjà,


FOLIE DES FEMMES ENCEINTES. 43<br />

par le fait juême de leur grossesse, dans les disposi-<br />

tions morales les plus fâcheuses : trois d'<strong>en</strong>tre elles<br />

étai<strong>en</strong>t des jeunes filles séduites qui, ne pouvant<br />

songer désormais à cacher leur faute, vivai<strong>en</strong>t au<br />

milieu de la honte et de l'inquiétude, et éprouvai<strong>en</strong>t<br />

pour leur av<strong>en</strong>ir des craintes incessantes; une qua-<br />

trième était une femme mariée qui avait manqué à<br />

ses devoirs. Toutes se trouvai<strong>en</strong>t dans cet état de dé-<br />

pression que nous avons précédemm<strong>en</strong>t décrit, lors-<br />

qu'une vive émotion morale est v<strong>en</strong>ue déterminer<br />

l'explosion de tous les symptômes; dans une des<br />

observations que nous rapportons, la malade fut<br />

effrayée par son séducteur qui, appr<strong>en</strong>ant qu'elle<br />

était <strong>en</strong>ceinte, m<strong>en</strong>aça de jeter l'<strong>en</strong>fant par la f<strong>en</strong>être<br />

si jamais il lui était apporté (2* observ.). J'ai<br />

trouvé moins de primipares que de femmes ayant eu<br />

déjà un ou plusieurs <strong>en</strong>fants parmi les femmes de-<br />

v<strong>en</strong>ues folles p<strong>en</strong>dant leur grossesse; sur dix-neuf ma-<br />

lades, neuf avai<strong>en</strong>t passé tr<strong>en</strong>te ans; mais le nombre<br />

des faits observés est ici trop peu considérable pour<br />

qu'il soit possible d'affirmer et de démontrf r, ainsi<br />

que nous le ferons pour les nouvelles accouchées et<br />

les nourrices, que la multiparité et l'âge avancé des<br />

femmes <strong>en</strong> couche sont une cause prédisposante de<br />

folie : c'est là un point que des recherches ulté-<br />

rieures pourront seules ici décider, mais que nous<br />

serions volontiers disposé a priori à résoudre par<br />

l'affirmation.


44 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

Lorsqu'une femme est dev<strong>en</strong>ue folle p<strong>en</strong>dant<br />

qu'elle est <strong>en</strong>ceinte, on est <strong>en</strong> droit de craindre une<br />

rechute à la grossesse suivante; mais par une bizarre<br />

anomalie, il arrive que des femmes ne devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

folles qu'à l'une de deux grossesses; d'autres ne<br />

tomb<strong>en</strong>t malades que lorsqu'elles sont <strong>en</strong>ceintes<br />

d'un garçon, et rest<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> portantes si c'est une<br />

fille qu'elles port<strong>en</strong>t dans leur sein ; des faits sem-<br />

blables ont été observés dans Tépilepsie. Lamotte<br />

parle d'une femme qui éprouvait des accès convul-<br />

sifs lorsqu'elle était grosse d'une fille; Yan Swiet<strong>en</strong><br />

avait déjà fait la même remarque (1). Ce fait singu-<br />

lier, qui se retrouve dans l'histoire de la folie des<br />

nouvelles accouchées et des nourrices, s'explique<br />

moins facilem<strong>en</strong>t chez une femme <strong>en</strong>ceinte que chez<br />

une nourrice dont la constitution peut s'affaiblir<br />

très-inégalem<strong>en</strong>t selon les forces, l'âge et le sexe de<br />

son nourrisson ; il ne faut pas oublier cep<strong>en</strong>dant<br />

qu'<strong>en</strong>tre les fœtus à terme il existe des différ<strong>en</strong>ces<br />

très-s<strong>en</strong>sibles sous le rapport du poids et de la force,<br />

ce qui implique des différ<strong>en</strong>ces non moins tranchées<br />

dans leur puissance d'assimilation et dans les dé-<br />

p<strong>en</strong>ses que l'organisme de la mère a dû faire pour<br />

y subv<strong>en</strong>ir.<br />

§ 3. Début. — La folie peut débuter soit au mom<strong>en</strong>t<br />

de la conception, soit p<strong>en</strong>dant le cours de la gros-<br />

(1) Portai, Traité de l'épilepsie, p. 323.


FOLIE DES FEMMES ENCEINTES. 45<br />

sesse;Esquirol et d'autres au leurs cit<strong>en</strong>t des exemples<br />

très-frappants de ces aliénations m<strong>en</strong>tales, qui se dé-<br />

velopp<strong>en</strong>t au mom<strong>en</strong>t où la femme devi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>ceinte<br />

et ne disparaiss<strong>en</strong>t qu'après l'accouchem<strong>en</strong>t. Mont-<br />

gomery(l)a vudans un cas une femme dev<strong>en</strong>ir alié-<br />

née dès le début de trois grossesses successives; dans<br />

un autre cas, la manie se reproduisit p<strong>en</strong>dant huit<br />

grossesses et ne disparut qu'après la délivrance ;<br />

lorsqu'une femme a prés<strong>en</strong>té plusieurs accès de folie<br />

sympathique, dans l'acception rigoureuse de ce mot,<br />

le retour de l'accès peut, jusqu'à un certain point,<br />

faire soupçonner une grossesse, alors même que les<br />

signes physiques ne serai<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong>core suffisamm<strong>en</strong>t<br />

prononcés.<br />

Sur 19 malades, huit fois la maladie a ainsi<br />

débuté au mom<strong>en</strong>t de la conception. Dans les onze<br />

autres cas, la folie s'est développée dans le cours<br />

même de la grossesse , trois fois au troisième mois,<br />

une fois au quatrième mois, trois fois au sixième<br />

mois, deux fois au septième, deux fois à une époque<br />

qui n'a pu être précisée.<br />

§ 4. De toutes les formes de folie observées chez<br />

la femme <strong>en</strong>ceinte, la mélancolie semble la plus fré-<br />

qu<strong>en</strong>te. Sur 16 cas dans lesquels la forme de l'alié-<br />

nation m<strong>en</strong>tale a été très-exactem<strong>en</strong>t notée, nous<br />

<strong>en</strong> avons r<strong>en</strong>contré 10 qui offrai<strong>en</strong>t la dépression,<br />

(1) Monfgomerij, on Preguancy, p. 23.<br />

-<br />

/


46 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

l'inertie ,<br />

le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de faiblesse et d'impuissance<br />

et les conceptions délirantes tristes qui caractéris<strong>en</strong>t<br />

la mélancolie ; quatre fois elle s'accompagnait de<br />

stupeur, une fois d'une assez vive excitation ; chez<br />

trois malades, les idées de suicide étai<strong>en</strong>t prédomi-<br />

nantes, une d'<strong>en</strong>tre elles, sous l'influ<strong>en</strong>ce de ses<br />

idées délirantes, formait même des projets de meur-<br />

tre contre son <strong>en</strong>fant; deux autres cas étai<strong>en</strong>t sur-<br />

tout remarquables par des hallucinations ;<br />

une des<br />

malades voyait des hommes armés <strong>en</strong>voyés par son<br />

amant pour l'assassiner : tant que durait l'hallucina-<br />

tion, elle restait terrifiée dans un véritable délire<br />

extatique (observ. 2)<br />

. L'autre <strong>en</strong>t<strong>en</strong>daitle matin àson<br />

réveil des voix qui lui reprochai<strong>en</strong>t sa faute et lui<br />

disai<strong>en</strong>t des injures (observ. 1)-; l'attitude dépri-<br />

mée de ces deux malades était celle des mélan-<br />

coliques.<br />

§ 5. Les cinq autres étai<strong>en</strong>t maniaques à divers<br />

degrés; une d'<strong>en</strong>tre elles n'offrait que de l'excitation,<br />

de Tinsomnie, de l'irascibilité, sans hallucinations<br />

et sans conceptions délirantes proprem<strong>en</strong>t dites, et<br />

elle finit par guérir (observ. 12); chez les autres il<br />

est digne d'intérêt que l'agitation, quelque vive<br />

qu'elle ait été, n'a jamais influé d'une manière fâ-<br />

cheuse sur la marche delà grossesse; mais nous au-<br />

rons à insister plus tard sur quelques particularités<br />

que prés<strong>en</strong>te alors l'accouchem<strong>en</strong>t.<br />

Sans faire ici une description banale et inutile de


FOLIE 'DES FEMMES ENCEINTES, Il<br />

la manie et de la mélancolie qu'il nous faudrait ré-<br />

péter dans chacun de nos chapitres, disons seule-<br />

m<strong>en</strong>t que ri<strong>en</strong>, dans les symptômes, la marche et la<br />

physionomie de ces deux maladies chez la femme<br />

<strong>en</strong>ceinte, ne permet de la distinguer des maladies de<br />

même nature observées dans des conditions ordi-<br />

naires de santé; notre att<strong>en</strong>tion a été portée spécia-<br />

lem<strong>en</strong>t sur l'état des urines, <strong>en</strong> raison des con-<br />

nexions intimes qui exist<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant l'état puerpéral<br />

<strong>en</strong>tre certains phénomènes nerveux et cette modi-<br />

fication spéciale de la sécrétion urinaire qui conti<strong>en</strong>t<br />

de l'albumine <strong>en</strong> quantité notable, <strong>en</strong> même<br />

temps que ce principe diminue dans le sang; chez<br />

deux malades dont l'observation est relatée plus<br />

bas (observ. 1 et 2), les urines ont été analysées<br />

avec le plus grand soin et à diverses reprises; j'y ai<br />

r<strong>en</strong>contré des phosphates <strong>en</strong> grande abondance,<br />

mais jamais de sucre ni d'albumine ;<br />

une autre ma-<br />

lade dont l'okservalion m'a été communiquée offrait<br />

de l'œdème des jambes, mais son urine ne fut pas<br />

examinée (observ. 1). Je ne sais si des observations<br />

ultérieures vi<strong>en</strong>dront ajouter quelque chose à ce<br />

point de pathologie dont il est impossible de se dis-<br />

simuler l'importance, autant dans la folie des femmes<br />

<strong>en</strong>ceintes que dans la folie des nouvelles accou-<br />

chées; mais les recherches <strong>en</strong>treprises dans ce s<strong>en</strong>s,<br />

surtout <strong>en</strong> Angleterre, n'ont, à vrai dire, donné lieu<br />

jusqu'ici à aucun résultat sérieux.


i8 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

8 6. Pronostic. — Lorsque la folie survi<strong>en</strong>t ainsi<br />

dans le cours même de la grossesse, il semble que<br />

raccouchem<strong>en</strong>t doive mettre (in aux troubles intel-<br />

lectuels, de même qu'on voit disparaître avec ladéli-<br />

vranceles accid<strong>en</strong>ts nerveux, les bizarreries du goût,<br />

qui se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t si fréquemm<strong>en</strong>t chez les femmes<br />

<strong>en</strong>ceintes. L'opinion d'EUis sur ce sujet est des plus<br />

explicites « Dans les cas de folie surv<strong>en</strong>ant p<strong>en</strong>-<br />

ce dant la grossesse que j'ai pu observer, l'amôliora-<br />

« tion avait eu lieu d'ordinaire à l'approche du<br />

« terme de la grossesse, et la guérison a presque<br />

« toujours été complète quelques semaines après la<br />

« délivrance (1). »<br />

Il est incontestable que, dans les cas de ce g<strong>en</strong>re,<br />

le pronostic est moins grave; toutefois l'opinion<br />

d'Ellis, déjà combattue par James Reid, est em-<br />

preinte d'une notable exagération. L'histoire ne rap-<br />

porte- t-elle pas la vie de Jeanne la Folle (2), qui,<br />

dev<strong>en</strong>ue mélancolique au mom<strong>en</strong>t de la mort de<br />

son mari, alors qu'elle était au début d'une grossesse,<br />

accoucha heureusem<strong>en</strong>t d'une fille et n'<strong>en</strong> resta pas<br />

moins incurable? Et ne trouve-t-on pas dansla pra-<br />

tique beaucoup de faits analogues?<br />

Il résulte des observations que nous avons recueil-<br />

(1)<br />

Ellis, Traité de l'aliénation m<strong>en</strong>tale, traduction Archam-<br />

bault, p. 33o.<br />

(2) Journal de psychiatrie de Dameroiv, 1848, et Annales méd.<br />

psijcholog., série 2% t. II, p. 481, par le docteur FrederichBiro.


FOLIE DES FEMMES ENCEINTES. 49<br />

lies et analysées que la terminaison de la folie qui<br />

survi<strong>en</strong>t dans de semblables conditions est ess<strong>en</strong>tiel-<br />

lem<strong>en</strong>t variable; sur 19 cas nous avons vu sept fois<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t dev<strong>en</strong>ir le point de départ delagué-<br />

rison. Plus rarem<strong>en</strong>t la guérison a eu lieu p<strong>en</strong>dant<br />

la grossesse même (deux fois). Neuf fois la maladie<br />

est restée incurable ou n'a disparu que longtemps<br />

après la délivrance. Enfin dans certains cas plus<br />

rares (1 fois sur 19), l'accouchem<strong>en</strong>t exaspère le<br />

délire et la mort peut rapidem<strong>en</strong>t s'<strong>en</strong>suivre.<br />

Passons successivem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> revue ces diverses<br />

terminaisons.<br />

r J'ai r<strong>en</strong>contré sept malades chez lesquelles<br />

la guérison a suivi de très-près l'accouchem<strong>en</strong>t, et<br />

peut incontestablem<strong>en</strong>t lui être attribuée. Trois fois<br />

l'amélioration s'est manifestée fort peu de jours après<br />

la délivrance (observ. 1, 2, 6); dans les deux cas<br />

rapportés par Monlgomery, la guérison a été pres-<br />

que immédiate; et dans les observations 7 et 8, bi<strong>en</strong><br />

que la cure n'ait été complète qu'au bout de trois<br />

mois, on ne peut s'empêcher de reconnaître qu'une<br />

heureuse modification s'est opérée dans l'état intel-<br />

lectuel à partir des premières semaines qui ont suivi<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t.<br />

Il est assez remarquable que, sur sept femmes dont<br />

la maladie s'est terminée par la guérison, il <strong>en</strong> est<br />

quatre dont la folie avait comm<strong>en</strong>cé avec la gros-<br />

sesse, et méritait ainsi le nom de sympathique dans


50 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

la rigoureuse acception du mot, aussi le pronostic<br />

des faits de cette nature me paraît-il, <strong>en</strong> général,<br />

plus favorable, tandis que les cas qui naiss<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>-<br />

dant la grossesse ressembl<strong>en</strong>t davantage à une<br />

maladie développée accid<strong>en</strong>lellem<strong>en</strong>t, et ont une<br />

terminaison plus souv<strong>en</strong>t fâcheuse.<br />

2° Il est rare de voir un accès de folie naître et<br />

guérir p<strong>en</strong>dant une grossesse. Quelquefois la mala-<br />

die s'améliore considérablem<strong>en</strong>t et l'on croit à une<br />

terminaison heureuse, lorsqu'une rechute prompte<br />

vi<strong>en</strong>t détruire les espérances que l'on avait conçues,<br />

et l'accouchem<strong>en</strong>t seul peut changer l'aspect de<br />

la maladie. Cep<strong>en</strong>dant, bi<strong>en</strong> que le médecin doive<br />

toujours se t<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> garde contre un pronostic trop<br />

avantageux, il ne faut pas oublier que des accès très-<br />

courts se sont développés et ont guéri chez des fem-<br />

mes <strong>en</strong>ceintes. Esquirol a vu un accès de manie<br />

débuter le premier jour de la conception et durer<br />

quinze jours, et cela p<strong>en</strong>dant deux grossesses succes-<br />

sives. Boivin relate le cas d'une jeune femme qui,<br />

au sixième mois de sa grossesse, devint comme idiote,<br />

perdit la voix et prit un aspect si hideux, que les au-<br />

tres malades l'appelai<strong>en</strong>t le Vampire. Malgré cet état<br />

si grave, la grossesse marcha favorablem<strong>en</strong>t, et elle<br />

guérit <strong>en</strong> trois semaines par un traitem<strong>en</strong>t judicieux.<br />

Tels sont les deux seuls faits de ce g<strong>en</strong>re que j'ai<br />

r<strong>en</strong>contrés dans les auteurs, je n'ai pu par moi-même<br />

<strong>en</strong> observer aucun autre.


FOLIE DES FEMMES ENCEINTES. 51<br />

3" Dans la majorité des cas, l'accouchem<strong>en</strong>l n'a<br />

qu'une influ<strong>en</strong>ce nulle ou très- contestable sur la<br />

marche de la folie. Il est facile de s'<strong>en</strong> convaincre<br />

<strong>en</strong> jetant les yeux sur les neuf observations qui se<br />

trouv<strong>en</strong>t relatées plus loin. Dans les observations 3<br />

et 13, la malade est restée incurable, sans que l'ac-<br />

couchem<strong>en</strong>t ait produit la moindre modification sur<br />

la marche de la maladie m<strong>en</strong>tale.<br />

Dans trois autres cas, incomplets il est vrai, l'ac-<br />

couchem<strong>en</strong>t est loin d'avoir guéri la folie, car dans<br />

l'observation 4, il est dit que les symptômes s'aggra-<br />

vèr<strong>en</strong>t après les couches, et dans les observations 9<br />

et 10, bi<strong>en</strong> que les malades ai<strong>en</strong>t été perdues de<br />

vue. au bout de quatre mois il ne s'était manifesté<br />

aucune t<strong>en</strong>dance à l'amélioration.<br />

Dans l'observation 5, la guérison eut lieu plus<br />

d'un an après l'accouchem<strong>en</strong>t; dans l'observation<br />

11, six mois après, et dans l'observation 14, au<br />

bout de quelques années. Or, qu'une maladie ayant<br />

déjà six ou sept mois de durée vi<strong>en</strong>ne à être tra-<br />

versée par un incid<strong>en</strong>t quelconque, et se termine<br />

heureusem<strong>en</strong>t sept mois, un an ,<br />

plusieurs années<br />

après cet incid<strong>en</strong>t, on ne saurait <strong>en</strong> saine logique<br />

trouver là la cause première de la guérison.<br />

L'observation 12 établit-elle d'une manière plus<br />

nette l'influ<strong>en</strong>ce de l'accouchem<strong>en</strong>t? Cela est plus<br />

que douteux, car dans les derniers mois de la gros-<br />

sesse l'amélioration était telle, que toutes les idées


52 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

délirantes avai<strong>en</strong>t disparu; il restait à peine un peu<br />

d'insomnie que l'accouchem<strong>en</strong>t a fait disparaître.<br />

4° J'ai vu à la Salpêtrière, dans le service de<br />

M. Baillarger, un cas de mélancolie développée au<br />

sixième mois de la grossesse, se terminer par la mort<br />

cinq semaines après l'accouchem<strong>en</strong>t. Un mois avant<br />

la délivrance, la mélancolie avait fait place à un état<br />

maniaque qui augm<strong>en</strong>ta après l'accouchem<strong>en</strong>t et<br />

finit par revêtir tous les symptômes que l'on assigne<br />

au délire aigu. L'auptopsie n'indiqua ri<strong>en</strong> de saillant,<br />

ni dans les organes du petit bassin, ni même<br />

dans le cerveau. Sans vouloir généraliser d'une ma-<br />

nière exagérée les résultats de cette observation, je<br />

p<strong>en</strong>se que l'état maniaque et l'état puerpéral, lors-<br />

qu'ils vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à se combiner et à s'associer, doiv<strong>en</strong>t<br />

emprunter l'un à l'autre une gravité nouvelle. Le<br />

système nerveux, ce grand régulateur, v<strong>en</strong>ant à faire<br />

défaut au milieu des fonctions si importantes qui<br />

s'établiss<strong>en</strong>t après l'accouchem<strong>en</strong>t, on compr<strong>en</strong>d<br />

sans peine le trouble qui peut <strong>en</strong> résulter, et ces<br />

accid<strong>en</strong>ts mortels qu'aucune lésion organique ne<br />

vi<strong>en</strong>t jusqu'ici suffisamm<strong>en</strong>t expliquer.<br />

En résumé, puisqu'une maladie m<strong>en</strong>tale peut<br />

naître et guérir p<strong>en</strong>dant une grossesse, puisque, sur<br />

i9 cas de manie ou de mélancolie surv<strong>en</strong>us p<strong>en</strong>-<br />

dant la grossesse, il <strong>en</strong> est 7 seulem<strong>en</strong>t qui ont été<br />

guéris par l'accouchem<strong>en</strong>t, nous sommes obligé de<br />

reléguer ce dernier sur un plan secondaire, au point


FOLIE DES FEMMES ENCEINTES. 53<br />

de vue de l'importance curalive; et lorsque dans un<br />

cas donné on voudra rechercher les élém<strong>en</strong>ts d'un<br />

pronostic, il faudra s'adresser plutôt aux considé-<br />

rations tirées des antécéd<strong>en</strong>ts de la malade, de son<br />

âge, de sa constitution, qu'aux modifications incon-<br />

nues et souv<strong>en</strong>t douteuses que l'accouchem<strong>en</strong>t peut<br />

effectuer; à ce dernier il faudra faire une part mo-<br />

dérée, <strong>en</strong>le considérant plutôt comme un moy<strong>en</strong><br />

perturbateur, que comme un de ces remèdes ration-<br />

nels dont on prévoit sûrem<strong>en</strong>t l'action et la portée.<br />

Si la clinique nous indiquait un moy<strong>en</strong> assuré de<br />

reconnaître les folies sympathiques, alors il serait<br />

facile de porter son pronostic avec certitude, mais il<br />

n'<strong>en</strong> est ri<strong>en</strong>. Toutes les données du diagnostic sont<br />

insuffisantes pour résoudre celte question, et l'évé-<br />

nem<strong>en</strong>t seul peut donner la solution qu'il impor-<br />

terait tant de connaître.<br />

§ 7. Aussi doit-on se t<strong>en</strong>ir sur une extrême réserve,<br />

lorsqu'on sera interrogé sur les moy<strong>en</strong>s actifs à employer<br />

dans les cas de folie surv<strong>en</strong>ant chez une femme<br />

<strong>en</strong>peinte. Les faits qui précèd<strong>en</strong>t condamn<strong>en</strong>t hau-<br />

tem<strong>en</strong>t tout moy<strong>en</strong> qui t<strong>en</strong>drait à abréger le terme<br />

de la grossesse, et ce n'est pas sans étonnem<strong>en</strong>t que<br />

nous avons appris, par un fait rapporté par M. Cerise<br />

à la Société médico-psychologique, quelle est à cet<br />

égard la pratique de quelques médecins anglais.<br />

Une jeune dame était dev<strong>en</strong>ue folle p<strong>en</strong>dant sa gros-<br />

sesse, la folie fut regardée comme sympathique; mal-


M TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

gré l'avis de M. Cerise, on provoqua l'avortem<strong>en</strong>t<br />

pour guérir la folie, et la malade succomba malheu-<br />

reusem<strong>en</strong>t aux suites de celte opération, sans que<br />

l'état m<strong>en</strong>tal se fût un instant modifié. Sacrifier l'<strong>en</strong>-<br />

fant, exposer la mère aux dangers d'une opération<br />

toujours sérieuse, c'est là une pratique qui ne sau-<br />

rait être tolérée lorsqu'il s'auit d'une affection qu'on<br />

n'a pas la certitude de guérir et dans laquelle d'ail-<br />

leurs !e terme naturel de la grossesse peut toujours<br />

être att<strong>en</strong>du.<br />

La pratique la plus sage consiste à placer la malade<br />

dans des conditions hygiéniques conv<strong>en</strong>ables, à<br />

l'isoler, à la surveiller de près pour arrêter les t<strong>en</strong>-<br />

tatives de suicide ou prév<strong>en</strong>ir les effets d'une exxîi-<br />

tation trop vive. On devra maint<strong>en</strong>ir la liberté du<br />

v<strong>en</strong>tre, examiner chaque jour chaque fonction,<br />

pour chercher à remplir findication du mom<strong>en</strong>t;<br />

suivre, <strong>en</strong> unmot, les règles générales du traitem<strong>en</strong>t<br />

de la mélancolie ou de la manie, <strong>en</strong> s'abst<strong>en</strong>antdes;<br />

moy<strong>en</strong>s trop énergiques. La saignée, conseillée d'une<br />

manière générale par ceux qui attribu<strong>en</strong>t ces divers<br />

troubles intellectuels à un état de congestion céré-.<br />

brale déterminée par la gêne que la pression de<br />

l'utérus exerce sur la circulation des membres infér<br />

rieurs, ne pourra être employée que dans les cas où<br />

l'on retrouve cette pléthore séreuse qui n'est pia^<br />

rare chez les femmes grosses ; employée intempesti-*<br />

vem<strong>en</strong>t, elle produit de très-mauvais résultats (ob-


FOLIE DES FEMMES ENCEINTES. 55<br />

serv. 7); aussi nous croyons qu'il ne faut jamais <strong>en</strong><br />

user largem<strong>en</strong>t, même dans les conditions qui parais-<br />

s<strong>en</strong>t les plus favorables. Le plus souv<strong>en</strong>t il faudra se<br />

borner à une méthode purem<strong>en</strong>t expectante, de<br />

manière à sauvegarder la vie de la mère et celle de<br />

l'<strong>en</strong>fant et à atteindre sans accid<strong>en</strong>ts l'époque de<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t qui peut dev<strong>en</strong>ir le point de départ<br />

d'une guérison spontanée, ou du moins d'un traite-<br />

m<strong>en</strong>t plus sérieux et plus complet.<br />

1« Observation. — Mélancolie avec hallucinations surv<strong>en</strong>ue au<br />

troisième mois de la grossesse. Guérison peu après l'accouche-<br />

m<strong>en</strong>t.<br />

Maugin, brodeuse, âgée de 23 ans, <strong>en</strong>tre le 8 juin<br />

1857 à la Salpêtrière, dans le service de M. Bail-<br />

larger.<br />

Cette jeune fille n'habite Paris que depuis dix-<br />

huit mois. Elle a toujours été bi<strong>en</strong> portante et n'a<br />

jamais eu d'affection nerveuse; son père est mort<br />

depuis longtemps déjà ; sa mère, <strong>en</strong>core vivante, a<br />

eu quatorze <strong>en</strong>fants dont quatre ont succombé.<br />

Il y a près de cinq mois, elle a été séduite par un<br />

jeune homme habitant l'hôtel où elle servait comme<br />

domestique; elle devint <strong>en</strong>ceinte, et dès lors elle<br />

comm<strong>en</strong>ça à dev<strong>en</strong>ir triste et inquiète, dormant<br />

mal, restant inerte sur sa chaise, sans pouvoir tra-<br />

vailler.


86 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

II y a trois semaines, passant sur le pont des Arts,<br />

elle éprouve une vive frayeur, et c'est depuis ce<br />

mom<strong>en</strong>t qu'elle comm<strong>en</strong>ce à déraisonner; l'in-<br />

somnie est dev<strong>en</strong>ue plus complète, elle reste immo-<br />

bile sur sa chaise, elle craint que les g<strong>en</strong>darmes ne<br />

vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t l'arrêter, elle refuse de manger, et est<br />

restée cinq jours sans ri<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>dre.<br />

10 juin. — M... est toujours déprimée, abattue,<br />

elle pleure incessamm<strong>en</strong>t; elle répète que tout est<br />

fini pour elle; elle refuse tout alim<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> disant<br />

que le chagrin l'empêche de manger, et on est<br />

obligé de lui mettre la camisole pour la nourrir.<br />

18 juin. — La malade mange toujours avec beau-<br />

coup de peine; elle parle de mourir sur l'échafaud,<br />

elle <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d des voix qui lui parl<strong>en</strong>t tout bas et lui<br />

reproch<strong>en</strong>t ses fautes.<br />

25 juin. — Le refus de manger est plus opiniâtre<br />

et on est obligé, p<strong>en</strong>dant trois ou quatre jours, d'in-<br />

jecter des bouillons à l'aide de la sonde œsopha-<br />

gi<strong>en</strong>ne, opération qui se fait sans difficulté. La<br />

malade répète toujours qu'on veut la faire mourir,<br />

qu'on lui coupe les cheveux pour la m<strong>en</strong>er à l'écha-<br />

faud; et cep<strong>en</strong>dant, lorsqu'on l'interroge, elle ré-<br />

pond raisonnablem<strong>en</strong>t à certaines questions.<br />

30 juillet. — P<strong>en</strong>dant tout le mois de juillet son<br />

état reste le même; elle pleure, se désespère, et <strong>en</strong>-<br />

t<strong>en</strong>d toujours des voix qui lui parl<strong>en</strong>t aux oreilles<br />

ont bas, et lui font des reproches. Ces voix ne se


FOLIE DES FEMMES ENCEINTES. 57<br />

font <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre que p<strong>en</strong>dant le jour, la nuit elle dort<br />

bi<strong>en</strong>. Elle travaille peu, mange maint<strong>en</strong>ant d'une<br />

manière régulière , mais elle conserve toujours l'at-<br />

titude mélancolique et offre beaucoup d'abattem<strong>en</strong>t.<br />

L'utérus se développe de jour <strong>en</strong> jour; il fait main-<br />

t<strong>en</strong>ant hors de la cavité du bassin une saillie consi-<br />

dérable, et l'on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d très-nettem<strong>en</strong>t les bruits du<br />

cœur du fœtus.<br />

La santé physique est bonne; l'urine, examinée<br />

chimiquem<strong>en</strong>t à diverses reprises, n'offre ni sucre<br />

ni albumine.<br />

Je ne revois la malade que le 11 septembre; elle<br />

est douce, tranquille, travaille toute la journée et<br />

témoigne un vif désir de r<strong>en</strong>trer chez elle, elle sem-<br />

ble ne plus avoir d'hallucinations de l'ouïe. En l'in-<br />

terrogeant à diverses reprises, on finit par lui faire<br />

avouer que, le matin et tous les jours, ses voix lui<br />

dis<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core des injures; elles l'accus<strong>en</strong>t de sortir<br />

d'une maison publique, lui dis<strong>en</strong>t qu'elle ne pourra<br />

pas sortir de l'hôpital, etc., etc. Néanmoins, le som-<br />

meil et l'appétit sont excell<strong>en</strong>ts, et comme la malade<br />

est instamm<strong>en</strong>t redemandée par ses sœurs qui pro-<br />

mett<strong>en</strong>t de la surveiller, M. Baillarger se décide à<br />

lui accorder sa sortie.<br />

Depuis que la malade a quitté l'hôpital, j'ai pu me<br />

procurer sur elle quelques r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts, grâce à<br />

l'obligeance de mon excell<strong>en</strong>t ami, le docteur Au-<br />

dain. Le 25 octobre, elle est accouchée, à la Pitié,


88 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

d'un <strong>en</strong>fant bi<strong>en</strong> constitué et bi<strong>en</strong> vivant, le travail<br />

n'a ri<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>té d'anormal. Dès le l<strong>en</strong>demain, sa<br />

sœur qui fut lavoir à l'hôpital, trouva que l'état<br />

m<strong>en</strong>tal s'était considérablem<strong>en</strong>t modifié et que les<br />

hallucinations avai<strong>en</strong>t disparu . A partir de ce mom<strong>en</strong>t<br />

la guérison s'est parfaitem<strong>en</strong>t sout<strong>en</strong>ue. Aujourd'hui<br />

(26 fév. 1838) l'intellig<strong>en</strong>ce est aussi lucide que pos-<br />

sible , Maugin a repris de l'activité et de l'énergie ;<br />

depuis dix jours elle est placée comme domestique<br />

et s'acquitte très-bi<strong>en</strong> de son travail. Son <strong>en</strong>fant<br />

est toujours bi<strong>en</strong> portant.<br />

2? Observation. — Délire extatique éclatant tout à coup dans le<br />

. cours de la grossesse à la suite d'une émotion morale. Guérison<br />

après l'accouchem<strong>en</strong>t,<br />

<strong>en</strong><br />

iiiiCh..., passem<strong>en</strong>tière, âgée de 22 ans, est <strong>en</strong>trée<br />

ila Salpêtrière, le 31 mai 1837, dans le service de<br />

M. Baillarger.<br />

., D'après les r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts qui nous ont été don-<br />

nés;, cetle jeune fille n'avait jamais prés<strong>en</strong>té aucun<br />

signe d'aliénation m<strong>en</strong>tale. Elle était laborieuse j<br />

intellig<strong>en</strong>te, et, jusqu'à il y a trois mois, avait tou-<br />

jours m<strong>en</strong>é une conduite régulière.<br />

, A celte époque, Ch... se laissa séduire par un<br />

jeune homme qui depuis longtemps lui faisait la<br />

cour. Bi<strong>en</strong>tôt elle s'aperçut qu'elle était <strong>en</strong>ceinte;<br />

elle <strong>en</strong> fit part à son amant, mais celui-ci la reçut


FOLIE DES FEMMES ENCEINTES. 59<br />

très-brutalem<strong>en</strong>t, s'emporta contre elle, la frappa et<br />

finit par la mettre à la porte, <strong>en</strong> la prév<strong>en</strong>ant que si<br />

jamais elle lui apportait l'<strong>en</strong>fant, il le jetterait par<br />

la f<strong>en</strong>être.<br />

Ch..., qui depuis longtemps était sujette à des<br />

attaques de nerfs, et que son état de grossesse r<strong>en</strong>-<br />

dait <strong>en</strong>core plus impressionnable, eut aussitôt une<br />

crise nerveuse très-viol<strong>en</strong>te, et immédiatem<strong>en</strong>t après<br />

on vit éclater le délire.<br />

P<strong>en</strong>dant huit jours <strong>en</strong>core elle resta chez une<br />

amie; mais elle refusait toute espèce d'alim<strong>en</strong>ts, ne<br />

dormait plus, s'<strong>en</strong>fuyait sans cesse de la maison. On<br />

fut donc forcé de la conduire à l'hospice. Le l<strong>en</strong>-<br />

demain de son <strong>en</strong>trée, cette jeune fille se prés<strong>en</strong>te à<br />

nous dans l'état suivant :<br />

La figure est altérée, le regard inquiet, tous les<br />

membres agités par un tremblem<strong>en</strong>t convulsif; la<br />

malade, complètem<strong>en</strong>t étrangère à ce qui se passe<br />

autour d'elle, est plongée dans une sorte d'extase.<br />

- Par<br />

mom<strong>en</strong>ts elle prononce quelques mois <strong>en</strong>tre-<br />

coupés : « Adolphe, Adolphe..., il a dit qu'il vi<strong>en</strong>-<br />

t( drait... Ne jette pas l'<strong>en</strong>fant par la f<strong>en</strong>être...; il<br />

« va v<strong>en</strong>ir tantôt... Adolphe..., ne le jette pas. »<br />

Elle se lève, s'approche de la f<strong>en</strong>être, regarde au<br />

dehors, et à voir la terreur qui se peint sur ses traits,<br />

son attitude épouvantée, ses gestes suppliants, on ne<br />

peut douter qu'elle n'assiste réellem<strong>en</strong>t à la scène<br />

de meurtre dont la seule p<strong>en</strong>sée lui a fait perdre la<br />

>?


60 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

raison. Elle semble même <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre la voix de la<br />

personne qu'elle att<strong>en</strong>d, fait quelques pas pour aller<br />

à sa r<strong>en</strong>contre ; mais tout à coup elle retombe sur<br />

elle-même, se met à fondre <strong>en</strong> larmes et redit <strong>en</strong>-<br />

core <strong>en</strong> sanglotant: « Ne jette pas l'<strong>en</strong>fant par la<br />

« f<strong>en</strong>être, Adolphe... Il m'a fait bi<strong>en</strong> du mal... » et<br />

de sa main elle montre le creux de l'estomac.<br />

En vain cherche-t-on à la rappeler à elle-même<br />

par les questions les plus pressantes, par des impres-<br />

sions externes même douloureuses ; elle est sourde,<br />

ins<strong>en</strong>sible, aveugle; elle est tout <strong>en</strong>tière absorbée<br />

par les souv<strong>en</strong>irs qui l'obsèd<strong>en</strong>t , par le spectacle<br />

affreux que son imagination lui représ<strong>en</strong>te.<br />

P<strong>en</strong>dant deux jours, cet état d'agitation extatique<br />

se reproduit d'une manière presque continue; mais<br />

dès le troisième jour un changem<strong>en</strong>t notable se<br />

manifesta.<br />

Le visage est dev<strong>en</strong>u plus calme, le tremblem<strong>en</strong>t<br />

convulsif des membres avait diminué, les concep-<br />

tions délirantes s'étai<strong>en</strong>t affaiblies; la malade reve-<br />

nait peu à peu au s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de la vie réelle ; on<br />

pouvait mom<strong>en</strong>taném<strong>en</strong>t fixer son att<strong>en</strong>tion et obte-<br />

nir quelques réponses.<br />

Les jours suivants, l'amélioration continua. Ch...<br />

se mit d'elle-même à travailler. Elle répondit rai-<br />

sonnablem<strong>en</strong>t aux questions qui lui fur<strong>en</strong>t adressées,<br />

parla de sa grossesse et put préciser la date exacte<br />

de sa dernière époque m<strong>en</strong>struelle. Par instants


FOLIE DES FEMMES ENCEINTES. 61<br />

<strong>en</strong>core elle divaguait, et au mouvem<strong>en</strong>t de ses lèvres<br />

on pouvait reconnaître qu'elle parlait seule; mais<br />

son délire, dev<strong>en</strong>u intermitt<strong>en</strong>t, n'était plus que<br />

passager. Enfin, toutes les conceptions délirantes se<br />

sont dissipées, et, le 16 juin 1857, Ch... paraît<br />

complètem<strong>en</strong>t guérie; elle est redev<strong>en</strong>ue calme, labo-<br />

rieuse, parfaitem<strong>en</strong>t raisonnable; il ne lui reste plus<br />

qu'un peu de tristesse.<br />

On continue <strong>en</strong>core pour quelques jours le traite-<br />

m<strong>en</strong>t qui a été prescrit dès le début : du fer réduit,<br />

du vin de quinquina et des affusions froides. (Obser-<br />

vation publiée par M. Dubrisay, dans la Gazette des<br />

hôpitaux, 1857, p. 305.)<br />

30 juillet. — La malade allait quitter l'hôpital<br />

et déjà son certificat de sortie était préparé, lorsqu'à<br />

la suite d'une procession faite dans l'intérieur de la<br />

Salpêtrière, elle eut une émotion très-vive et éprouva<br />

une rechute; de temps à autre <strong>en</strong>core elle se lève<br />

étonnée, comme dans un accès d'extase, mais sans<br />

pleurer, sans pousser de cris ; elle rit <strong>en</strong>suite seule<br />

et sans aucun motif. Dans l'intervalle de ces accès,<br />

qui se r<strong>en</strong>ouvell<strong>en</strong>t plusieurs fois par jour, la malade<br />

travaille et cause raisonnablem<strong>en</strong>t-<br />

La santé physique est assez bonne; l'urine exa-<br />

minée chimiquem<strong>en</strong>t n'a offert ni sucre ni albu-<br />

mine.<br />

12 septembre. — La malade de temps à autre<br />

est tourm<strong>en</strong>tée par des hallucinations; il y a douze


62 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

jours elle a vu trois hommes <strong>en</strong>voyés par Adolphe<br />

pour la tuer, l'un était armé d'un couteau-poignard.<br />

La nuit elle dort mal, le jour elle ne peut travailler<br />

d'une manière régulière, ni rester <strong>en</strong> place ; sa figure<br />

est inquiète et préoccupée; la nuit elle fait des rêves<br />

effrayants.<br />

Jusqu'à la fin de sa grossesse la malade est restée<br />

sujette aux mêmes accid<strong>en</strong>ts. J'ai su qu'elle était<br />

accouchée à la Salpêtrière d'un <strong>en</strong>fant qui n'a vécu<br />

que peu de temps. Depuis la déhvrance l'état m<strong>en</strong>tal<br />

s'est considérablem<strong>en</strong>t amélioré, et <strong>en</strong> février la<br />

guérison était regardée comme complète, foiîf^/<br />

3* Observation. — Aliénation m<strong>en</strong>tale surv<strong>en</strong>ue p<strong>en</strong>dant la gros-<br />

sesse. Accouchem<strong>en</strong>t. Incurabilité de l'état m<strong>en</strong>tal.<br />

Madame C... <strong>en</strong>tre le 24 février 1824 à la maison<br />

de Char<strong>en</strong>ton; elle avait alors 39 ans, et était grosse<br />

de sept mois. Depuis qu'elle était <strong>en</strong>ceinte, elle of-<br />

frait des signes notables d'exaltation maniaque, avec<br />

quelques traits mélancoliques ; ainsi, elle se croit<br />

perdue, damnée, etc., etc.<br />

5 avril. — La grossesse marche régulièrem<strong>en</strong>t,<br />

mais la malade est toujours délirante et fort agitée.<br />

5 mai. — L'accouchem<strong>en</strong>t a lieu après un travail<br />

de trois heures et sans accid<strong>en</strong>t fâcheux; l'<strong>en</strong>fant est<br />

bi<strong>en</strong> portant: la mère, après la délivrance, est un<br />

peu moins agitée.


FOLIE DES FEMMES ENCEINTES. 63<br />

13 mai. — La malade est toujours emportée, déli-<br />

rante, acariâtre, et oîTre de temps à autre quelques<br />

mom<strong>en</strong>ts de calme très-courts.<br />

Elle quitte la maison le 24 mai, malgré l'avis du<br />

médecin , mais au dehors son agitation est telle<br />

qu'on est obligé de la ram<strong>en</strong>er. Elle sort de nouveau<br />

le 21 juillet 1824, pour r<strong>en</strong>trer d'une manière défi-<br />

nitive le 6 août.<br />

La malade est restée depuis lors dans la maison<br />

sans que son état ait éprouvé la moindre amélio-<br />

ration. En janvier 1830, elle eut une perle utérine<br />

qui mit ses jours <strong>en</strong> danger; <strong>en</strong> 1832, elle succomba<br />

aux suites d'une <strong>en</strong>térite chronique.<br />

L'<strong>en</strong>fant dont elle était accouchée fut une fille<br />

qui ne vécut que peu de temps.<br />

4« Observation (1). — Mélancolie datant du début de la grossesse.<br />

' Aggravation<br />

après l'accouchem<strong>en</strong>t.<br />

On reçut dans l'asile de Bethnal - Gre<strong>en</strong> une<br />

femme qui avait été prise de mélancolie immédiate-<br />

m<strong>en</strong>t après avoir conçu.<br />

Elle avait <strong>en</strong> même temps un vif désir de se dé-<br />

truire elle et son <strong>en</strong>fant; cela continua p<strong>en</strong>dant toute<br />

la grossesse, et devint pire après la délivrance.<br />

(1) James Reid, on Puerpéral Insanity, Psychological Journal<br />

de ForbesWinslow, janvier 1848.


64 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

5* Observation (1 ). — Mélancolie surv<strong>en</strong>ue au quatrième mois de la<br />

grossesse. Accouchem<strong>en</strong>t. Aggravation de l'état m<strong>en</strong>tal. Guérison<br />

plus d'un an après.<br />

On me demanda, dans le mois de septembre 1838,<br />

pour visiter une dame <strong>en</strong> qualité de médecin. Elle<br />

avait <strong>en</strong>viron 32 ans et était mère de plusieurs<br />

<strong>en</strong>fants. Elle était <strong>en</strong>ceinte de trois mois, lorsque,<br />

faisant visite dans la maison d'une proche par<strong>en</strong>te<br />

qui vint à mourir après une courte maladie, elle <strong>en</strong><br />

éprouva une très- vive émotion. Ce ne fut cep<strong>en</strong>dant<br />

qu'au bout d'un mois que des signes de trouble<br />

m<strong>en</strong>tal comm<strong>en</strong>cèr<strong>en</strong>t à se faire s<strong>en</strong>tir. Les soins de<br />

ses amis lui fir<strong>en</strong>t passer le temps aussi bi<strong>en</strong> que<br />

possible, dans l'espoir que l'accouchem<strong>en</strong>t amène-<br />

rait la guérison de la maladie. Le travail fut court<br />

et ne fit qu'une faible impression sur la malade;<br />

mais au lieu de s'améliorer, l'état m<strong>en</strong>tal s'aggrava.<br />

Survinr<strong>en</strong>t des alarmes sur sa vie et sur la vie de<br />

son <strong>en</strong>fant, et à mesure que l'état du corps s'amé-<br />

liorait après l'accouchem<strong>en</strong>t, l'état intellectuel sem-<br />

blait empirer.<br />

On l'<strong>en</strong>voya à sa maison de campagne, où elle<br />

était depuis sept mois, quand je fus demandé pour<br />

la voir; je l'aurais à peine reconnue, tant ses traits<br />

(1) Extraite du livre du docteur Seymour on M<strong>en</strong>tal Dérange-<br />

m<strong>en</strong>t. — Analysé dans le Journal of Psychological Medicine de<br />

Forbes Winslow, janvier 1848.


FOLIE DES FEMMES ENCEINTES. 6S<br />

étai<strong>en</strong>t changés. Désespérée de ses fautes, elle se<br />

considérait comme une créature indigne et cor-<br />

rompue, et avait fait déjà plusieurs t<strong>en</strong>tatives de<br />

suicide ; de temps à autre l'agitation et la viol<strong>en</strong>ce<br />

se mêlai<strong>en</strong>t à une mélancolie sombre et profonde...<br />

Traitem<strong>en</strong>t par l'opium bi<strong>en</strong>tôt interrompu, puis<br />

repris au bout de cinq mois, à la dose de deux tiers<br />

de grain chaque soir.—Au bout d'un mois la malade<br />

était assez bi<strong>en</strong> pour que ses <strong>en</strong>fants lui fuss<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>-<br />

dus; quelques prom<strong>en</strong>ades achevèr<strong>en</strong>t de la r<strong>en</strong>dre<br />

à lasanté et deux mois après, c'est-à-dire plus d'un<br />

an après l'accouchem<strong>en</strong>t, elle put r<strong>en</strong>trer dans la so-<br />

ciété... Elle conserva seulem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant quelque<br />

temps un peu de t<strong>en</strong>dance à la tristesse ; lors-<br />

qu'elle mourut <strong>en</strong> couches, c'était sa troisième gros-<br />

sesse depuis sa maladie, et elle avait conservé sans<br />

interruption, p<strong>en</strong>dant six années, une raison excel-<br />

l<strong>en</strong>te.<br />

6« Observation. — Mélancolie au troisième mois de la grossesse.<br />

Accouchem<strong>en</strong>t. Guérison prompte {{).<br />

La malade était dev<strong>en</strong>ue folle le troisième mois<br />

de la grossesse, mais elle ne fut <strong>en</strong>voyée à l'asile que<br />

trois mois après. Elle était alors très-mélancolique;<br />

elle ne faisait aucune att<strong>en</strong>tion à ce qui se passait<br />

autour d'elle, le mutisme était complet. Elle ac-<br />

[{) EUis, Aliénation m<strong>en</strong>tale, p. 124, obs. 43.


66 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

coucha <strong>en</strong>viron deux mois après son admission. Les<br />

douleurs de l'<strong>en</strong>fantem<strong>en</strong>t réveillèr<strong>en</strong>t tout à coup<br />

les instincts naturels; l'<strong>en</strong>fant était mort-né; cep<strong>en</strong>-<br />

dant les sécrétions repr<strong>en</strong>ant leur cours naturel, la<br />

malade fut promptem<strong>en</strong>t rétablie.<br />

7' Observation. — Mélancolie avec stupeur datant du début de<br />

la grossesse. Accouchem<strong>en</strong>t. Guérison trois mois après.<br />

G..., âgée de 37 ans, <strong>en</strong>tre le H janvier t854, à<br />

la Salpêtrière, dans le service de M. Baillarger.<br />

On trouve dans ses antécéd<strong>en</strong>ts qu'un frère et une<br />

tante se sont suicidés, et qu'un de ses oncles a été<br />

aliéné.<br />

Cette femme a eu quatre <strong>en</strong>fants; il y a sept mois<br />

et demi elle a sevré son dernier, puis est redev<strong>en</strong>ue<br />

<strong>en</strong>ceinte presque immédiatem<strong>en</strong>t après; toutefois elle<br />

a été réglée une fois <strong>en</strong>tre le sevrage et la grossesse.<br />

Au mom<strong>en</strong>t de son <strong>en</strong>trée à l'hôpital, elle est <strong>en</strong>-<br />

ceinte de sept mois, et offre une lypémanie très-<br />

caractérisée qui pouvait remonter au début de la<br />

grossesse, et s'est aggravée surtout depuis cinq se-<br />

maines.<br />

Jadis active et soigneuse, elle néglige tout chez<br />

elle, refuse de travailler, de sortir, répétant qu'elle<br />

devi<strong>en</strong>drait comme sa mère et son frère.<br />

Une saignée, pratiquée il y a quinze jours, a nota-<br />

blem<strong>en</strong>t aggravé son état; elle reste immobile, sans


FOLIE DES FEMMES ENCEINTES. 67<br />

parler, sans agir, répond tout au plus par monosyl-<br />

labes; <strong>en</strong> un mot, est dans une stupeur profonde.<br />

Les extrémités sont froides, il y a de la constipation,<br />

un purgatif est administré.<br />

25 janvier. — La malade fait une t<strong>en</strong>tative de<br />

suicide par étranglem<strong>en</strong>t; elle répond, lorsqu'on<br />

l'interroge, qu'elle n'a aucune cause de chagrin.<br />

Les jours suivants la malade reste dans le même<br />

état de stupeur et de dépression , avec quelques<br />

alternatives de bi<strong>en</strong> et de mal; œdème des jambes.<br />

(L'urine n'a pas été examinée chimiquem<strong>en</strong>t.)<br />

Le 18 février, elle accouche d'une fille à cinq<br />

heures et demie du soir; les couches se sont bi<strong>en</strong><br />

passées ; elle a éprouvé peu de douleurs et a à peine<br />

crié; l'abattem<strong>en</strong>t, la tristesse, persist<strong>en</strong>t après l'ac-<br />

couchcm<strong>en</strong>l; elle ne s'occupe <strong>en</strong> aucune façon de<br />

son <strong>en</strong>fant.<br />

20 février. — La malade est sans fièvre, le v<strong>en</strong>tre<br />

est souple et indol<strong>en</strong>t, elle répond à voix basse aux<br />

questions qu'on lui adresse, elle reste indiffér<strong>en</strong>te à<br />

tout ce qui l'<strong>en</strong>toure.<br />

Les suites de couches cess<strong>en</strong>t le 12 mars; les seins<br />

qui s'étai<strong>en</strong>t fortem<strong>en</strong>t tuméfiés repr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t peu à<br />

peu leur volume normal, mais l'état m<strong>en</strong>tal ne se<br />

modifie pas; elle reste impassible, indiffér<strong>en</strong>te, ne<br />

sait ni le jour, ni le mois, ni l'année où elle se<br />

trouve et parle d'une manière inintelligible.<br />

Vers la fin de mars, il y a une légère amélioration,


68 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

la voix reste faible, le pouls très-petit, mais la ma-<br />

lade comm<strong>en</strong>ce à s'occuper.<br />

Au 20 avril, l'amélioration devi<strong>en</strong>t plus s<strong>en</strong>sible;<br />

elle se ti<strong>en</strong>t beaucoup mieux, travaille assidûm<strong>en</strong>t<br />

et cause raisonnablem<strong>en</strong>t.<br />

Au 29 avril, la stupeur a presque <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t<br />

disparu, et la malade répond parfaitem<strong>en</strong>t à toutes<br />

les questions qu'on lui adresse.<br />

Elle sort le 20 mai, bi<strong>en</strong> portante, quoique ses<br />

règles n'ai<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong>core reparu; elle a oublié sa<br />

t<strong>en</strong>tative de suicide, se souvi<strong>en</strong>t à peine de son ac-<br />

couchem<strong>en</strong>t et affirme que, p<strong>en</strong>dant le temps qui<br />

vi<strong>en</strong>t de s'écouler, elle ne savait où elle était, et ne<br />

pouvait se r<strong>en</strong>dre compte de ce qui se passait autour<br />

d'elle. (Communiquée par M. Baillarger.)<br />

8* Observation. — Manie survemie p<strong>en</strong>dard la grossesse. Accou-<br />

chem<strong>en</strong>t. Guérison trois mois après (1).<br />

M. N..., âgée de 34 ans, devi<strong>en</strong>t aliénée p<strong>en</strong>dant<br />

sa grossesse, et on ne pouvait assigner aucune autre<br />

cause à l'explosion de la maladie.<br />

Elle était très-agitée lorsqu'elle <strong>en</strong>tra à l'asile;<br />

l'agitation continua p<strong>en</strong>dant deux mois, terme après<br />

lequel l'accouchem<strong>en</strong>t eut lieu. Très-peu de temps<br />

après il survint de l'amélioration, et l'irritation céré-<br />

(1) EUis, Aliénation m<strong>en</strong>tale, trad. d'Archambault, p. 113,<br />

obs. 42.


FOLIE DES FEMMES ENCEINTES. 69<br />

brale disparut graduellem<strong>en</strong>t. Aucun incid<strong>en</strong>t fâ-<br />

cheux ne survint, la malade témoigna bi<strong>en</strong>tôt<br />

beaucoup d'intérêt à son <strong>en</strong>fant, et les s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts<br />

maternels dominèr<strong>en</strong>t tous les autres. Elle fut r<strong>en</strong>-<br />

voyée guérie au bout de trois mois.<br />

9* Observation. — Manie vers le sixième mois de la grossesse<br />

Accouchem<strong>en</strong>t. Pas d'amélioration trois mois après.<br />

V..., âgée de 38 ans, <strong>en</strong>tre à la Salpêtrière, le<br />

26 octobre 1853, dans le service de M. Baillarger.<br />

La malade a eu neuf <strong>en</strong>fants, et ses couches ont<br />

toujours été heureuses ; jamais ses règles n'ont subi<br />

de perturbation. Une de ses cousines est aliénée;<br />

pas d'autre antécéd<strong>en</strong>t héréditaire.<br />

Au mom<strong>en</strong>t de son <strong>en</strong>trée, elle est <strong>en</strong>ceinte de<br />

sept mois et demi, et le délire remonte déjà à six<br />

semaines; insomnie, agitation incessante; elle né-<br />

ghge ses <strong>en</strong>fants, répète qu'elle est décorée, qu'on<br />

va la guillotiner, etc.<br />

10 novembre. — Depuis son <strong>en</strong>trée, la malade<br />

porte la camisole et est attachée au fauteuil; hallu-<br />

cinations p<strong>en</strong>dant la nuit, elle parle et s'agite inces-<br />

samm<strong>en</strong>t; son état ne change pas p<strong>en</strong>dant le mois<br />

suivant.<br />

Le 10 décembre au soir, la malade accouche d'un<br />

garçon, sans que le travail ait prés<strong>en</strong>té de particu-<br />

larité notable; le l<strong>en</strong>demain, à la visite , on la trouve


70 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

très-agitée, criant et gesticulant: « On me dit que<br />

je suis accouchée d'un cochon , etc. »<br />

13 décembre. — L'agitation continue, la malade<br />

est maint<strong>en</strong>ue dans son lit, et ne veut pr<strong>en</strong>dre pour<br />

nourriture que du pain et de l'eau. Les seins sont<br />

normalem<strong>en</strong>t gonflés.<br />

26 décembre. — L'état physique est bon, les seins<br />

ont pris un moindre volume, mais la malade, tou-<br />

jours un peu agitée, marmotte des phrases inintel-<br />

ligibles.<br />

21 janvier. — Son état ne se modifie pas^ elle<br />

court de tous côtés, frappe les malades, et les accuse<br />

d'avoir mangé son <strong>en</strong>fant.<br />

13 février. — La malade a vu son mari, mais elle<br />

lui a tourné le dos sans vouloir lui répondre ; elle<br />

demande souv<strong>en</strong>t :Qu'avez-vousfait de mon <strong>en</strong>fant?<br />

Les règles apparaiss<strong>en</strong>t, le 22 février, sans que<br />

son état se modifie.<br />

La malade quitte la Salpêtrière, le 13 mars, pour<br />

être transférée dans un asile départem<strong>en</strong>tal. Aucune<br />

amélioration ne s'est produite dans son état. Elle<br />

est toujours agitée et camisoléè. (Communiquée par<br />

M. Baillarger.)<br />

10* Observation.— Excitation maniaque datant du début de la gros-<br />

sesse. Accouchem<strong>en</strong>t sans douleur. État m<strong>en</strong>tal stationnaire.<br />

Montraisin, femme Clouet, âgée de 28 ans, <strong>en</strong>tre<br />

I


FOLIE DES FEMMES ENCEINTES. 71<br />

à la Salpêtrière, le 3 avril 1853, dans le service de<br />

M. Mitivié.<br />

Celte femme, d'une conduite assez irrégulière,<br />

offrait, depuis trois mois déjà, une exaltation voisine<br />

de l'état maniaque lorsqu'elle <strong>en</strong>tra à l'hôpital. Au<br />

mom<strong>en</strong>t de son admission, le délire était dev<strong>en</strong>u<br />

assez int<strong>en</strong>se pour nécessiter l'emploi de la cami-<br />

sole; on constata quelques manifestations erotiques<br />

et une suppression des règles datant déjà de trois<br />

mois.<br />

L'agitation ne se calma que fort peu p<strong>en</strong>dant l'été.<br />

En août seulem<strong>en</strong>ton reconnut que la malade était<br />

<strong>en</strong>ceinte; comme elle était d'assez grande taille, le<br />

développem<strong>en</strong>t du v<strong>en</strong>tre était resté longtemps ina-<br />

perçu. Aucun incid<strong>en</strong>t ne signala les derniers mois<br />

de grossesse.<br />

Le 30 septembre, au soir, la malade, se trou-<br />

vant un peu fatiguée, demanda à se mettre au lit,<br />

mais sans accuser aucun malaise, aucune douleur.<br />

Une heure après, on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dit tout à coup des<br />

vagissem<strong>en</strong>ts s'élever de son lit; les filles de service<br />

s'att<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t si peu à un. accouchem<strong>en</strong>t, qu'elles<br />

crur<strong>en</strong>t qu'on avait apporté un chat dans la salle.<br />

Aucune plainte, aucune douleur, aucun mouvem<strong>en</strong>t<br />

n'avai<strong>en</strong>t attiré l'att<strong>en</strong>tion des malades les plus voi-<br />

sines; et cep<strong>en</strong>dant l'accouchem<strong>en</strong>t s'était opéré<br />

heureusem<strong>en</strong>t.<br />

L'<strong>en</strong>fant ne vécut que trois ou quatre jours. Les


72 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

suites de couches fur<strong>en</strong>t normales, mais l'état m<strong>en</strong>-<br />

tal n'éprouva aucune amélioration et la malade<br />

quitta l'hôpital, le 24 décembre, aussi agitée qu'au-<br />

paravant.<br />

11" Observation (1).<br />

Dans le rapport d'Hanwell, pour 1S41 , on raconte<br />

l'histoire d'une aliénation m<strong>en</strong>tale surv<strong>en</strong>ue p<strong>en</strong>-<br />

dant la grossesse, chez une jeune fille de 18 ans,<br />

qui ne put guérir que quinze mois après l'attaque.<br />

12' Observation. — Accès de manie au début d'une grossesse [ré-<br />

cidive). Amélioration p<strong>en</strong>dant la grossesse. Guérison après<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t.<br />

Devosse, charbonnière, âgée de 48 ans, <strong>en</strong>tre à la<br />

Salpètrière, le 25 septembre 1856, dans le service<br />

de M. Mitivié.<br />

Il y a quinze ans, cette femme, qui ne compte<br />

dans sa famille aucun antécéd<strong>en</strong>t héréditaire fâ-<br />

cheux, éprouva, à la suite d'un sevrage (elle avait<br />

allaité p<strong>en</strong>dant un an), une émotion morale très-<br />

vive; peu de jours apiès, explosion d'un accès de<br />

manie qui dura sept mois et fut soigné à la Salpè-<br />

trière. La malade quitta l'hôpital parfaitem<strong>en</strong>t<br />

guérie, et depuis ce temps elle a eu sept couches<br />

parfaitem<strong>en</strong>t heureuses.<br />

(i) James Reid, lac. cit., p. i47.


FOLIE DES FEMMES ENCEINTES. 73<br />

D était <strong>en</strong>ceinte de trois mois au mo-<br />

m<strong>en</strong>t de son <strong>en</strong>trée; depuis le comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t de sa<br />

grossesse, elle offrait des signes notables d'exal-<br />

tation maniaque, sans hallucinations. Au bout d'un<br />

mois de séjour à l'hôpital, il y<br />

avait déjà dans son<br />

état une notable amélioration ; quand la malade fut<br />

<strong>en</strong>ceinte de six mois, l'amélioration était assez consi-<br />

dérable pour qu'elle pût travailler régulièrem<strong>en</strong>t; il<br />

restait seulem<strong>en</strong>t une grande irascibilité de carac-<br />

tère, de l'insomnie, et des lam<strong>en</strong>tations incessantes<br />

sur son désir de quitter l'hôpital et de r<strong>en</strong>trer près<br />

de son mari.<br />

P<strong>en</strong>dant le dernier mois, ces symptômes dispa-<br />

rur<strong>en</strong>t d'une manière graduelle; la malade semblait<br />

rev<strong>en</strong>ue à la santé, à part l'insomnie qui persista.<br />

L'accouchem<strong>en</strong>t eut lieu le 18 mars; les douleurs<br />

durèr<strong>en</strong>t une heure au plus, l'<strong>en</strong>fant, du sexe mas-<br />

culin, vint au monde bi<strong>en</strong> vivant, sa mère l'allaite<br />

et il se développe parfaitem<strong>en</strong>t.<br />

Dix jours après, la malade quitte l'hôpital, elle a<br />

recouvré le sommeil et l'appétit, et ne prés<strong>en</strong>te<br />

aucun signe de trouble m<strong>en</strong>tal; on lui recommande<br />

les plus grandes précautions au mom<strong>en</strong>t du sevrage.<br />

13^ Observation.<br />

Jeune fille hystérique, mariée ; grossesses succes-<br />

sives qui augm<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t l'état nerveux. Manie aiguë


74 TROUBLES INTELLECTUELS PENDANT LA GROSSESSE.<br />

développée au septième mois de la troisième gros-<br />

sesse; avortem<strong>en</strong>t; la manie persiste. Dém<strong>en</strong>ce et<br />

paralysie générale (1).<br />

14^ Observation.<br />

Jeanne X..., âgée de 32 ans, forte, pléthorique,<br />

<strong>en</strong>ceinte de sept mois, est atteinte de manie avec<br />

délire et prop<strong>en</strong>sion au suicide (1826). Elle met au<br />

monde un <strong>en</strong>fant vivant ; le délire persiste après la<br />

délivrance p<strong>en</strong>dant plusieurs années; <strong>en</strong>fin , elle<br />

quille l'élablissem<strong>en</strong>t (mars 1830), et guérit quinze<br />

jours après (2).<br />

(1) Morel, Bulletin de la Société de médecine pratique, avril<br />

1842, p. 7.<br />

(2) Guislain, Traité sur les phrénopathies, Bruxelles, 1835,<br />

p. 392.


CHAPITRE II.<br />

influ<strong>en</strong>ce de la grossesse slr la marche de<br />

l'aliénation m<strong>en</strong>tale.<br />

Jusqu'ici nous avons étudié l'influ<strong>en</strong>ce de la<br />

grossesse comme cause productrice de l'aliénation<br />

m<strong>en</strong>tale, mais il est une proposition inverse qu'il<br />

n'est pas sans intérêt de discuter. Quelles sont les<br />

conséqu<strong>en</strong>ces de la grossesse, lorsqu'elle survi<strong>en</strong>t<br />

chez une femme aliénée? amène-t-elle la guérison<br />

ou l'aggravation de la folie? C'est une opinion de-<br />

v<strong>en</strong>ue jusqu'à un certain point populaire, que la<br />

grossesse guérit les aliénées, et il importe de savoir<br />

si c'est là un préjugé comme il <strong>en</strong> existe tant au<br />

sujet des questions médicales, ou bi<strong>en</strong> une vérité<br />

fondée sur des faits réels qui n'ont besoin que d'être<br />

coordonnés et mis <strong>en</strong> lumière.<br />

Parmi les principaux auteurs qui ont écrit sur<br />

les accouchem<strong>en</strong>ts ou sur l'aliénation m<strong>en</strong>tale, au-<br />

cun, si l'on <strong>en</strong> excepte Esquitol, ne donne sur ce<br />

point d'opinion bi<strong>en</strong> nettem<strong>en</strong>t exprimée. La plu-<br />

part se born<strong>en</strong>t à citer quelques faits, trop peu<br />

nombreux pour avoir une grande valeur, tandis<br />

que d'autres mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> avant de simples assertions


76 INFLUENCE DE La GROSSESSE<br />

souv<strong>en</strong>t contradictoires, qui laiss<strong>en</strong>t dans l'esprit la<br />

plus grande indécision.<br />

Ainsi, Mauriceau (i) rapporte, sans aucun com-<br />

m<strong>en</strong>taire, le cas d'une femme qui , étant dev<strong>en</strong>ue<br />

grosse, malgré son aliénation, accoucha heureuse-<br />

m<strong>en</strong>t et revint aussitôt <strong>en</strong> son bon s<strong>en</strong>s.<br />

Justus de Berger (2), dans une thèse sout<strong>en</strong>ue à<br />

Gœttingue, et dédiée à Hailer, attribue à l'avorte-<br />

m<strong>en</strong>tdes vertus curatives dans l'aliénation m<strong>en</strong>tale,<br />

bi<strong>en</strong> que le même accid<strong>en</strong>t puisse déterminer par-<br />

fois l'explosion de la folie : « Sed abortus quoque<br />

« vim curationis habuisse visus est , quem vicissim<br />

« sanam m<strong>en</strong>tem vitiasse supra memoratum est.»<br />

Darwin (3) conseille sinon la grossesse, du moins<br />

l'allaitem<strong>en</strong>t, chez les femmes aliénées lorsqu'elles<br />

sont dans des conditions favorables, et il dit <strong>en</strong> avoir<br />

retiré d'excell<strong>en</strong>ts effets. A l'appui de son opinion<br />

nous ne pouvons nous empêcher de rappeler deux<br />

faits très-curieux tirés de la clinique de Rech, et<br />

dont nous parlerons à propos de la folie des nour-<br />

rices. Dans un premier cas, le rétablissem<strong>en</strong>t de<br />

la lactation a am<strong>en</strong>é une guérison complète, et<br />

dans l'autre, a puissamm<strong>en</strong>t contribué à l'amélio-<br />

ration.<br />

(1) Observations sur la grossesse et l'accouchem<strong>en</strong>t des femmes,<br />

obs. 342.<br />

(2) Dissertatio de puerperarum mania et melancholia, 1745, § 8.<br />

(3) Zuonomie, t. 1\', p. 70.


SUR LA MARCHE DE L ALIENATION MENTALE. 77<br />

Guislain (1) énonce un précepte analogue, mais<br />

avec moins de confiance :<br />

« Quant à l'utilité de la conception et de la ges-<br />

« tation dans le désordre de- l'intellect, les opinions<br />

« sont fortem<strong>en</strong>t partagées. Je sais fort bi<strong>en</strong> que ces<br />

« actes ne produis<strong>en</strong>t pas toujours le résultat heu-<br />

« reux qu'on serait <strong>en</strong> droit d'<strong>en</strong> att<strong>en</strong>dre, et que<br />

« la délivrance même a souv<strong>en</strong>t été cause détermi-<br />

« nante de la folie ; une vérité qu'on ne saurait<br />

« cep<strong>en</strong>dant révoquer <strong>en</strong> doute, c'est que l'allaite-<br />

« m<strong>en</strong>t opère presque toujours sur le moral de l'a-<br />

« liénée des changem<strong>en</strong>ts heureux. »<br />

Dans leur article Grossesse, du Dictionnaire de<br />

médecine <strong>en</strong> 30 volumes, iMM. Dubois et Désormeaux<br />

se montr<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core plus réservés. « La manie et<br />

« surtout la dém<strong>en</strong>ce éprouv<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t une in»<br />

« flu<strong>en</strong>ce favorable de la grossesse, mais on ne peut<br />

« guère espérer une amélioration durable ou une<br />

« guérison complète, dans ces cas et dans les autres<br />

« maladies chroniques, que lorsqu'elles ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à<br />

« une lésion de la m<strong>en</strong>struation ou à certaines mala-<br />

« dies de l'utérus. Hors cette circonstance, je p<strong>en</strong>se<br />

« que la grossesse est plutôt nuisible qu'utile, non<br />

« par elle-même, mais par l'affaiblissem<strong>en</strong>t qui suit<br />

« l'accouchem<strong>en</strong>t. » Puis, à propos des naissances<br />

tardives, les mêmes auteurs rapport<strong>en</strong>t l'histoire<br />

(1) Traité de l'aliénation m<strong>en</strong>tale, t. l,.p. 323.


78 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

d'une malade <strong>en</strong> dém<strong>en</strong>ce , chez laquelle on con-<br />

seilla une grossesse : l'accouchem<strong>en</strong>t eut lieu à dix<br />

mois sans qu'on ait noté ce que devint l'état m<strong>en</strong>tal.<br />

Esquirol, qui a touché à presque tous les points<br />

de la pathologie m<strong>en</strong>tale, <strong>en</strong> résumant ce que lui<br />

avait appris sa longue expéri<strong>en</strong>ce, a écrit, à propos<br />

des crises de la folie, quelques <strong>ligne</strong>s très-nettem<strong>en</strong>t<br />

formulées et qui doiv<strong>en</strong>t trouver ici leur place.<br />

«La grossesse, l'accouchem<strong>en</strong>t, l'allaitem<strong>en</strong>t,<br />

« sont des moy<strong>en</strong>s dont la nature s'est servie^ quel-<br />

ce quefois pour terminer la folie; je crois ces termi-<br />

« naisons rares. J'ai vu souv<strong>en</strong>t la grossesse et les<br />

M couches ne ri<strong>en</strong> changer au délire, mais r<strong>en</strong>dre<br />

« les maniaques plus calmes. J'ai connu aussi une<br />

« dame qui, p<strong>en</strong>dant cinq grossesses consécutives,<br />

« était dev<strong>en</strong>ue aliénée et qui guérissait chaque<br />

« fois par l'accouchem<strong>en</strong>t. Malgré ces exemples et<br />

« bi<strong>en</strong> d'autres cités partout , malgré l'opinion de<br />

« beaucoup de médecins, je regarde comme des<br />

« exceptions les guérisons de la folie par le mariage, ^<br />

« par la grossesse et par l'accouchem<strong>en</strong>t, tant j'ai<br />

« vu de folies persister et même s'aggraver malgré<br />

« ces moy<strong>en</strong>s. Que l'on visite la Salpêlrière, on<br />

« y trouvera plus de c<strong>en</strong>t femmes aliénées, quoi-<br />

« qu'elles ai<strong>en</strong>t été mariées, qu'elles ai<strong>en</strong>t été <strong>en</strong>-<br />

« ceintes et qu'elles ai<strong>en</strong>t accouché (1). »<br />

(1) Esquirol, Des maladies m<strong>en</strong>tales, Paris, 1838, t. I, p, 392.<br />

i


SUR LA MARCHE DE l' ALIÉNATION MENTALE. 79<br />

Enfin, je trouve dans la thèse d'un de mes pre-<br />

miers maîtres M. Bouchet (de Nantes), l'un des plus<br />

émin<strong>en</strong>ts élèves d'Esquirol, une proposition bi<strong>en</strong><br />

plus explicite <strong>en</strong>core, et qui ne fait que confirmer<br />

sous une autre forme la doctrine du maître :<br />

« Sur 22 observations d'influ<strong>en</strong>ce de l'utérus ou<br />

« de la mamelle sur le cerveau atteint d'aliénation<br />

« m<strong>en</strong>tale, dans la grossesse, les suites de couches,<br />

« la lactation, le sevrage, aucune n'a offert une di-<br />

« minution dans le délire, toutes l'ont provoqué ou<br />

« augm<strong>en</strong>té (1). »<br />

L'impression générale qui résulte de ces cita-<br />

tions est que la grossesse et l'accouchem<strong>en</strong>t modi-<br />

fi<strong>en</strong>t d'une manière heureuse certains cas excep-<br />

tionnels, tandis qu'il <strong>en</strong> est d'autres infinim<strong>en</strong>t plus<br />

nombreux qui résist<strong>en</strong>t à ce moy<strong>en</strong>. Mais quelles<br />

sont les circonstances qui chang<strong>en</strong>t ainsi la gravité<br />

du pronostic? on ne l'a pas indiqué; et dans l'état<br />

actuel de la sci<strong>en</strong>ce, plus d'un médecin, à moins<br />

d'avoir à cet égard une expéri<strong>en</strong>ce personnelle con-<br />

sidérable, éprouverait un embarras réel s'il était<br />

appelé à décider de l'opportunité de la grossesse<br />

dans un cas donné d'aliénation m<strong>en</strong>tale.<br />

Il est d'ailleurs incontestable que le raisonne-<br />

m<strong>en</strong>t et l'analogie ne peuv<strong>en</strong>t offrir sur ce sujet que<br />

les résultats les plus contradictoires. Sans doute la<br />

(1) Bouchet, Thèse, 1826, p. 26, 16* proposition *


80 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

grossesse, par la perturbation qu'elle jette dans<br />

toute l'économie, et l'accouchem<strong>en</strong>t, par les vio-<br />

l<strong>en</strong>tes douleurs qui l'accompagn<strong>en</strong>t, peuv<strong>en</strong>t im-<br />

primer à une affection nerveuse, dont la marche est<br />

chronique, une secousse des plus salutaires; sans<br />

doute aussi la lactation est une fonction importante<br />

qui peut agir comme puissant révulsif, <strong>en</strong> dirigeant<br />

vers un autre but l'énergie des fonctions organiques;<br />

dans l'ordre moral, on ne peut nier non plus qu'<strong>en</strong><br />

développant un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t aussi puissant que le<br />

s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t maternel, il ne soit possible d'exercer<br />

une heureuse influ<strong>en</strong>ce sur les passions affectives.<br />

C'est à ces divers points de vue que la question a<br />

été <strong>en</strong>visagée par Darwin, par Ellis, par James Reid,<br />

lorsqu'ils ont porté un pronostic si favorable sur<br />

les aliénations m<strong>en</strong>tales traversées par une gros-<br />

sesse.<br />

Mais à côté de ces considérations d'une impor-<br />

tance réelle, il <strong>en</strong> est d'autres bi<strong>en</strong> capables d'é-<br />

veiller quelques doutes dans l'esprit. Nous avons<br />

vu que la grossesse développe chez la femme un<br />

état nerveux qui se révèle par raille symptômes di-<br />

vers; bi<strong>en</strong>tôt nous verrons que les douleurs vives,<br />

les hémorragies plus ou moins abondantes, liées<br />

d'une manière inévitable à l'acte de l'accouchem<strong>en</strong>t,<br />

sont des causes puissamm<strong>en</strong>t débilitantes qui, chez<br />

tous les sujets, prédispos<strong>en</strong>t aux accid<strong>en</strong>ts nerveux<br />

les plus divers, même alors qu'ils sem.blai<strong>en</strong>t dans


SUR LA MARCHE DE l' ALIÉNATION MENTALE. 81<br />

de bonnes conditions. Que devra-t-il <strong>en</strong> résulter<br />

chez des malades dont l'innervation est déjà pro-<br />

fondém<strong>en</strong>t lésée?<br />

Les faits seuls, plus que les argum<strong>en</strong>ts les mieux<br />

développés, devai<strong>en</strong>t aider à trancher cette ques-<br />

tion, et c'est à eux qu'il a fallu s'adresser. J'ai pu<br />

recueillir, soit dans les hôpitaux, soit dans divers<br />

auteurs, dix-neuf cas de grossesses surv<strong>en</strong>ues chez<br />

des aliénées; plusieursde ces observations se trouv<strong>en</strong>t<br />

plus loin consignées <strong>en</strong> détail, voyons seulem<strong>en</strong>t<br />

ici, par une rapide analyse, quels sont leurs points<br />

les plus saillants.<br />

Dans l'observation n°lo, il s'agit d'une femme de<br />

tr<strong>en</strong>te-deux ans, accouchée heureusem<strong>en</strong>t une pre-<br />

mière fois, atteinte d'aliénation m<strong>en</strong>tale à la suite<br />

d'un second accouchem<strong>en</strong>t, reprise de délire quel-<br />

ques semaines avant les troisièmes couches et restée<br />

folle depuis cette époque. Elle devint <strong>en</strong>ceinte pour<br />

la quatrième fois; ni la grossesse ni l'accouchem<strong>en</strong>t<br />

ne modifièr<strong>en</strong>t son état de manie chronique.<br />

Chez la seconde malade (obs. 16), il y avait eu<br />

deux accès de délire <strong>en</strong> deux années : l'un sans<br />

cause appréciable, l'autre à la suite d'accouchem<strong>en</strong>t,<br />

lorsque survint un troisième accès à forme mélan-<br />

colique occasionné par la peur du choléra ; la ma-<br />

lade devint <strong>en</strong>ceinte dans cet état. La grossesse,<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t, l'allaitem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant deux mois,<br />

ne fir<strong>en</strong>t qu'aggraver sa maladie. Au bout de deux


82 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

ans, quelques symptômes de dém<strong>en</strong>ce s'étai<strong>en</strong>t ma-<br />

nifestés lorsque survint une nouvelle grossesse sui-<br />

vie d'un accouchem<strong>en</strong>t à terme; la dém<strong>en</strong>ce ne fit<br />

que se caractériser davantage, et la malade est res-<br />

tée incurable à Char<strong>en</strong>ton, où j'ai pu l'examiner.<br />

La 17' observation est un troisième accès de manie<br />

traversé par une grossesse et un accouchem<strong>en</strong>t qui<br />

n'ont pas empêché la malade de tomber <strong>en</strong> dém<strong>en</strong>ce,<br />

sans qu'il y<br />

maladie.<br />

ait eu rémission dans la marche de la<br />

L'observation 18 a trait à une jeune malade<br />

atteinte de folie à double forme, c'est-à-dire d'une<br />

des formes les plus graves de l'aliénation m<strong>en</strong>tale ;<br />

aucune modification ne suivit la grossesse ou l'ac-<br />

couchem<strong>en</strong>t.<br />

L'observation 19 est assez curieuse, <strong>en</strong> ce<br />

s<strong>en</strong>s qu'elle concerne une malade aliénée depuis<br />

deux ans, mariée malgré son état d'aliénation, et<br />

ayant eu trois <strong>en</strong>fants sans que son état se soit mo-<br />

difié; elle est maint<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> dém<strong>en</strong>ce à la Salpê-<br />

trière.<br />

Dans l'observation 20, il s'agit d'une malade<br />

atteinte de délire partiel avec hallucinations; la gros-<br />

sesse et l'accouchem<strong>en</strong>t n'ont <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> modifié son<br />

état.<br />

Enfin dans la 2V observation, qui offre avec la<br />

précéd<strong>en</strong>te quelque analogie sous le rapport des<br />

idées délirantes, le résultat a été le môme : mais ces


SUR LA MARCHE DE l'ALIÉNATION MENTALE. 83<br />

deux malades étai<strong>en</strong>t aliénées depuis plusieurs an-<br />

nées déjà , et la dernière surtout offrait un peu<br />

d'affaiblissem<strong>en</strong>t de la mémoire.<br />

A côté de ces observations, il est cinq autres faits<br />

que je me cont<strong>en</strong>te d'indiquer faute de détails suf-<br />

fisants; le fait d'une malade <strong>en</strong> dém<strong>en</strong>ce que j'ai<br />

observée p<strong>en</strong>dant que j'étais interne à l'asile Saint-<br />

Jacques de Nantes, et qui était accouchée dans l'a-<br />

sile sans que son état m<strong>en</strong>tal ait éprouvé la moindre<br />

modification; deux cas d'incurabilité que je vois<br />

chaque jour dans le service de M. Mitivié; l'une des<br />

malades est âgée de 28 ans, l'autre de 35 ans, toutes<br />

deux sont accouchées dans l'hospice, il y a quelques<br />

années déjà, et sont maint<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> dém<strong>en</strong>ce; un<br />

autre cas d'incurabilité chez une dame hallucinée<br />

depuis huit ans, à laquelle je donne maint<strong>en</strong>ant des<br />

soins : elle était malade depuis deux ans, lors-<br />

qu'elle est dev<strong>en</strong>ue <strong>en</strong>ceinte, et est accouchée d'un<br />

garçon bi<strong>en</strong> portant ; l'état m<strong>en</strong>tal n'a pas changé.<br />

Enfin un dernier fait a été indiqué par M. Morel ; il<br />

s'agit d'une malade chez laquelle l'affection m<strong>en</strong>tale<br />

a poursuivi son cours et n'a subi aucune modifica-<br />

tion, ni par la grossesse, ni par l'accouchem<strong>en</strong>t (i).<br />

Il suffit d'un coup d'œil jeté sur ces observations<br />

pour s'assurer que chez toutes ces malades, au mo-<br />

m<strong>en</strong>t de la grossesse, l'affection m<strong>en</strong>tale avait revêtu<br />

(I) Morel, Sur la manie des femmes <strong>en</strong> couches, Bulletin de la<br />

Société médico-pratique, avril 1842, p. 14.


84 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

une gravité extrême, soit par sa forme, soit par sa<br />

durée ; et déjà Ton pouvait éprouver, sinon la cer-<br />

titude, du moins des soupçons sérieux d'incurabilité.<br />

Si la grossesse et l'accouchem<strong>en</strong>t avai<strong>en</strong>t été suivis<br />

d'une notable amélioration, incontestablem<strong>en</strong>t on<br />

aurait pu leur attribuer cet heureux résultat ; mais<br />

il n'<strong>en</strong> a pas été ainsi : la grossesse n'a pas plus sus-<br />

p<strong>en</strong>du la marche de la maladie m<strong>en</strong>tale qu'elle<br />

n'arrête chez les phthisiques l'évolution des tuber-<br />

cules pulmonaires, et même <strong>en</strong> voyant avec quelle<br />

rapidité les facultés intellectuelles se sont affaiblies<br />

chez la plupart des malades dont nous avons relaté<br />

l'histoire, nous serions porté à croire que, dans les<br />

cas déjà graves, la grossesse, par l'épuisem<strong>en</strong>t qu'elle<br />

détermine, ne fait que hâter l'arrivée de la dé-<br />

m<strong>en</strong>ce.<br />

Aussi ne saurait-on trop s'élever contre la pra-<br />

tique des médecins qui conseill<strong>en</strong>t une grossesse<br />

aux femmes aliénées, toutes les fois que la maladie<br />

m<strong>en</strong>tale a résisté aux moy<strong>en</strong>s thérapeutiques ordi-<br />

naires. C'est là un point sur lequel il est d'autant<br />

plus nécessaire d'insister, qu'un préjugé populaire<br />

répète volontiers que la grossesse est utile non-seule-<br />

m<strong>en</strong>t dans la folie, mais <strong>en</strong>core dans la plupart des<br />

maladies nerveuses à forme chronique , et, sans<br />

pr<strong>en</strong>dre l'initiative, le médecin pourrait, ri<strong>en</strong> que<br />

par son sil<strong>en</strong>ce, autoriser celte déplorable pratique.<br />

Au point de vue de la morale, c'est d'ailleurs une


SUR LA MARCHE DE l' ALIÉNATION MENTALE. 85<br />

opinion qu'on ne peut s'empêcher de flétrir, car elle<br />

est insout<strong>en</strong>able dans ses moy<strong>en</strong>s d'exécution. Marier<br />

une aliénée dans l'int<strong>en</strong>tion de la guérir est un<br />

projet qui ne peut être m<strong>en</strong>é à bonne fin sans frois-<br />

ser plus d'un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de délicatesse ; conseiller<br />

brutalem<strong>en</strong>t une grossesse à une jeune fille, ainsi<br />

qu'on l'a fait plus d'une fois, c'est pr<strong>en</strong>dre la res-<br />

ponsabilité d'un acte immoral devant lequel les<br />

familles, <strong>en</strong>traînées par l'espoirde la guérison, n'ont<br />

pas toujours su reculer. C'est avec un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t pé-<br />

nible que l'on retrouve dans la pratique civile ou<br />

dans la population hospitalière, des malades incu-<br />

rables dont la triste histoire est signalée par des<br />

incid<strong>en</strong>ts de ce g<strong>en</strong>re. Puisse l'opinion médi-<br />

cale, mieux éclairée à ce sujet, se dessiner avec<br />

fermeté et ne plus tolérer une aussi déplorable<br />

erreur !<br />

La règle générale que nous v<strong>en</strong>ons d'établir est<br />

appuyée sur des faits trop nombreux et trop posi-<br />

tifs pour pouvoir être contestée. Il existe cep<strong>en</strong>dant<br />

dans la sci<strong>en</strong>ce certains faits qui mérit<strong>en</strong>t d'être<br />

examinés à part à cause de l'influ<strong>en</strong>ce toute spéciale<br />

exercée par la grossesse sur la marche de la folie. Et<br />

<strong>en</strong> effet, dans quelques cas assez rares, la grossesse a<br />

eu le singulier privilège de susp<strong>en</strong>dre la marche de<br />

l'aliénation m<strong>en</strong>tale ; mais, une fois l'accouchem<strong>en</strong>t<br />

terminé, une fois la malade r<strong>en</strong>due à ses condi-<br />

tions de santé habituelles, les accid<strong>en</strong>ts nerveux


86 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

reparaiss<strong>en</strong>t avec la même int<strong>en</strong>sité. M. Weill (1) a<br />

vu à l'asile de Stéphausfeld une malade dont la<br />

folie disparut p<strong>en</strong>dant deux grossesses successives,<br />

et qui finit par dev<strong>en</strong>ir incurable. Une autre femme<br />

depuis longtemps épileptique n'eut pas d'accès tant<br />

qu'elle fut <strong>en</strong>ceinte ; deux jours après ses couches,<br />

elle fut atteinte d'une attaque convulsive suivie<br />

d'aliénation m<strong>en</strong>tale : chez celte malade les accès<br />

coïncidai<strong>en</strong>t d'ordinaire avec l'époque m<strong>en</strong>struelle.<br />

M. Guislain (2) a connu une femme qui était alié-<br />

née presque tous les mois, mais qui recouvrait la<br />

raison p<strong>en</strong>dant tout le temps de la gestation.<br />

11 est singulier de voir la grossesse, qui tant de fois a<br />

prédisposé aux accid<strong>en</strong>ts nerveux, v<strong>en</strong>ir ici, par une<br />

exception rare, faire cesser de graves désordres fonc-<br />

lionnelsdu côté de l'intellig<strong>en</strong>ce. Comm<strong>en</strong>t expliquer<br />

son action? Est-ce par une véritable révulsion due à<br />

cet afflux sanguin dont l'utérus devi<strong>en</strong>t alors le siège?<br />

Est-ce par la suppression de l'écoulem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>struel,<br />

qui, dans les deux derniers cas, était le point de dé-<br />

part des accid<strong>en</strong>ts nerveux? C'est à cette dernière<br />

explication que je crois devoir m'arrêter; les né-<br />

vroses, comme chacun sait, ont une marche ess<strong>en</strong>-<br />

tiellem<strong>en</strong>t périodique ; souv<strong>en</strong>t elles apparaiss<strong>en</strong>t<br />

isolém<strong>en</strong>t, suivant un type qui leur est propre; mais,<br />

(1) Thèse sur la folie puerpérale, Strasbourg, 18ol.<br />

(2) Guislain, Leçons sur les phrénopathies, t. II, p. 275, Paris,<br />

1852.


SUR LA MARCHE DE L ALIÉNATION MENTALE. 87<br />

lorsqu'elles r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t dans l'économie une fonc-<br />

tion régulièrem<strong>en</strong>t intermitt<strong>en</strong>te, comme la fonction<br />

m<strong>en</strong>struelle, elles s'associ<strong>en</strong>t volontiers à elle; leur<br />

sort devi<strong>en</strong>t alors commun, toutes deux paraiss<strong>en</strong>t<br />

et disparaiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong>semble, tant leur connexion est<br />

intime et profonde. C'est ainsi que plusieurs fois,<br />

p<strong>en</strong>dant la grossesse, j'ai vu se guérir des migraines,<br />

des douleurs névralgiques à marche périodique, qui<br />

avai<strong>en</strong>t résisté à tous les moy<strong>en</strong>sde traitem<strong>en</strong>t, et qui<br />

après la délivrance, repr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t, avec l'hémorragie<br />

m<strong>en</strong>struelle, leur marche un instant susp<strong>en</strong>due.<br />

Quoi qu'il <strong>en</strong> soit, ri<strong>en</strong> dans les faits qui pré-<br />

cèd<strong>en</strong>t ne vi<strong>en</strong>t infirmer le précepte que nous<br />

avons établi plus haut : toute grossesse qui ne fait<br />

que susp<strong>en</strong>dre la marche d'une maladie m<strong>en</strong>tale,<br />

doit être regardée comme fâcheuse, car l'améliora-<br />

tion passagère qu'elle amène ne saurait être com-<br />

p<strong>en</strong>sée par les inconvéni<strong>en</strong>ts de toute nature qui <strong>en</strong><br />

résult<strong>en</strong>t, et pour la mère et pour l'<strong>en</strong>fant.<br />

Il n'<strong>en</strong> est pas de même de certains cas dans les-<br />

quels la parturition a eu bi<strong>en</strong> décidém<strong>en</strong>t une heu-<br />

reuse influ<strong>en</strong>ce sur la guérison d'un accès de folie.<br />

Ces cas sont rares, ils sont exceptionnels ; nous n'<strong>en</strong><br />

avons r<strong>en</strong>contré que cinq, mais ils mérit<strong>en</strong>t d'être<br />

étudiés avec soin, car peut-être n'est-il pas impos-<br />

sible de trouver dans certains caractères, dans cer-<br />

taines particularités de la maladie, la raison de cette<br />

guérison inespérée.<br />

,


88 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

Si, <strong>en</strong> effet, nous cherchons à analyser les condi-<br />

tions principales dans lesquelles se trouvai<strong>en</strong>t ces<br />

diverses malades au point de vue de la curabilité,<br />

nous voyons que. madame R... (obs. 22) était lypé-<br />

maniaque depuis quelques mois seulem<strong>en</strong>t, lors-<br />

qu'elle devint <strong>en</strong>ceinte, et que chez elle l'idée déli-<br />

rante, qui avait fini par absorber toutes les autres,<br />

avait des connexions intimes avec la grossesse, et<br />

avait probablem<strong>en</strong>t été déterminée par la perception<br />

des mouvem<strong>en</strong>ts du fœtus. En faisant cesser la cause<br />

physique de cette illusion, l'accouchem<strong>en</strong>t a pu<br />

dev<strong>en</strong>ir le point de départ de la guérison, mais <strong>en</strong><br />

raison seulem<strong>en</strong>t des transformations particulières<br />

subies par le délire.<br />

Dans l'observation de Mauriceau (obs. 23), qui<br />

manque de plus d'un détail, la mélancolie ne da-<br />

tait que d'un an; elle disparut presque immédiate-<br />

m<strong>en</strong>t après l'accouchem<strong>en</strong>t, et cette circonstance<br />

nous force à attribuer à celui-ci une heureuse in-<br />

flu<strong>en</strong>ce.<br />

Madame A... et madame X... (obs. 24 et 25) se<br />

trouvai<strong>en</strong>t dans des conditions beaucoup plus dé-<br />

favorables : toutes deux elles avai<strong>en</strong>t eu déjà plu-<br />

sieurs accès de délire, et les premiers accid<strong>en</strong>ts<br />

éprouvés par elles remontai<strong>en</strong>t à plusieurs années<br />

déjà, de manière à r<strong>en</strong>dre la guérison au moins<br />

douteuse. Malgré cela, la grossesse a am<strong>en</strong>é dans un<br />

des cas une telle amélioration, que la malade a dû


SUR LA MARCHE DE l' ALIÉNATION MENTALE. 89<br />

quitter l'hôpital, et dans l'autre, la guérison est de-<br />

v<strong>en</strong>ue définitive, raême après l'accouchem<strong>en</strong>t, sans<br />

qu'aucun incid<strong>en</strong>t, pas même le retour de la m<strong>en</strong>-<br />

struation, ait pu troubler la guérison.<br />

Si nous rapprochons de ces observations les deux<br />

faits publiés parle docteur Ménard (obs. 26 et 27),<br />

dans lesquels l'influ<strong>en</strong>ce de la grossesse est aussi<br />

trop immédiate pour être contestée, nous ne pou-<br />

vons nous empêcher d'être frappé d'un caractère<br />

commun que prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t ces malades; je veux par-<br />

ler des désirs erotiques qui ont joué un si grand<br />

rôle dans la production des actes délirants, et même<br />

ont été le point de départ des accid<strong>en</strong>ts morbides.<br />

Ce n'est point ici le lieu de discuter l'influ<strong>en</strong>ce<br />

plus ou moins directe des fonctions utérines sur lapro-<br />

duclion des affections nerveuses, influ<strong>en</strong>ce qui a été<br />

appréciée récemm<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core à des points de vue si<br />

contradictoires; cep<strong>en</strong>dant nous serions très-disposé<br />

à voir dans ces quatre fai ts au tre chose qu'une simple<br />

coïncid<strong>en</strong>ce, et à accorder une grande valeur à la<br />

grossesse dans l'heureuse terminaison de la mala-<br />

die; il est positif que dans plusieurs espèces ani-<br />

males la grossesse susp<strong>en</strong>d complètem<strong>en</strong>t les désirs<br />

vénéri<strong>en</strong>s, et inspire même de l'aversion pour le<br />

coït; d'un autre côté, Esquirol cite le fait d'une<br />

idiote de la Salpêtrière qui se livrait aux travaux<br />

grossiers de la maison : il lui arriva plusieurs fois<br />

qu'après avoir gagné quelques sous, elle allait les


90 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

porter à un ouvrier, s'abandonnait à sa brutalité, et,<br />

dès qu'elle était <strong>en</strong>ceinte, ne retournait plus vers<br />

lui. Panarolli, cité par J. Frank (1), parle d'une<br />

femme qui, hors le temps de sa grossesse, était<br />

très- voluptueuse , et qui cherchait sans honte les<br />

moy<strong>en</strong>s de provoquer au plaisir ; dès qu'elle avait<br />

conçu, elle dev<strong>en</strong>ait un exemple de pudeur et de<br />

sagesse.<br />

N'est-il pas possible, <strong>en</strong> effet, que les fonctions<br />

nouvelles dévolues à l'utérus p<strong>en</strong>dant la grossesse,<br />

modifi<strong>en</strong>t puissamm<strong>en</strong>t l'innervation qui part de<br />

l'appareil génital? Puis, tout étant r<strong>en</strong>tré dans<br />

l'ordre p<strong>en</strong>dant un temps plus ou moins long, l'ha-<br />

bitude morbide se trouve rompue, et la guérison<br />

définitive peut s'<strong>en</strong>suivre.<br />

Mais il y a loin <strong>en</strong>core de la simple constatation<br />

des faits qui précèd<strong>en</strong>t , aux conséqu<strong>en</strong>ces qu'on<br />

serait disposé à <strong>en</strong> tirer par une généralisation trop<br />

rapide : aussi c'est principalem<strong>en</strong>t à titre de docu-<br />

m<strong>en</strong>ts pour l'av<strong>en</strong>ir qu'ils doiv<strong>en</strong>t être <strong>en</strong>visagés.<br />

Observe-t-on chez les aliénées, soit dans la mar-<br />

che de la grossesse, soit dans les phénomènes<br />

de l'accouchem<strong>en</strong>t , quelque particularité insolite<br />

digne de fixer l'att<strong>en</strong>tion? Chez elles, le développe-<br />

m<strong>en</strong>t du fœtus se fait-il avec sa régularité nor-<br />

male?<br />

(1) Frank, Patholog. intei-ne, t. 111, p. 197.


SUR LA MARCHE DE l' ALIÉNATION MENTATE, 91<br />

En général, la grossesse se passe sans incid<strong>en</strong>ts<br />

fâcheux ; deux fois seulem<strong>en</strong>t nous avons noté de<br />

l'odontalgie, comme on <strong>en</strong> r<strong>en</strong>contre chez tant de<br />

femmes <strong>en</strong>ceintes; deux fois aussi, vers le cin-<br />

quième ou le sixième mois de la grossesse, les mou-<br />

vem<strong>en</strong>ts actifs du fœtus sont dev<strong>en</strong>us le point de<br />

départ d'illusions assez curieuses : dans un pre-<br />

mier cas, la malade affirmait avoir dans le v<strong>en</strong>tre<br />

un ver solitaire dont elle s<strong>en</strong>tait les mouvem<strong>en</strong>ts<br />

(obs. 17); dans l'autre, elle croyait receler un ser-<br />

p<strong>en</strong>t qui , au mom<strong>en</strong>t de l'accouchem<strong>en</strong>t, devait<br />

s'élancer sur les personnes voisines et les dévorer<br />

(obs. 22). A part ces deux faits, l'état m<strong>en</strong>tal s'est<br />

rarem<strong>en</strong>t modifié p<strong>en</strong>dant lagrossesse, mêrne dans les<br />

cas où les malades ont fini parguérir. Une fois, nous<br />

avons vu la folie s'améliorer notablem<strong>en</strong>t vers le<br />

huitième mois, de manière à faire porter un heu-<br />

reux pronostic qui s'est vérifié; et une autre fois,<br />

dans un cas incurable, le septième mois a été si-<br />

gnalé par une grande diminution dans l'int<strong>en</strong>sité<br />

des hallucinations et du délire (obs. 21).<br />

Quelle que soit d'ailleurs l'agitation intellectuelle<br />

et musculaire des malades, il est rare que le cours<br />

de lagrossesse <strong>en</strong> soit troublé. MM. Dubois et Desor-<br />

meaux (1) ont cité le fait d'une dame aliénée qui<br />

accoucha neuf mois et demi après la conception ;<br />

(1) Dictionn. de méd. <strong>en</strong> 30 vol., t. XIV, art. Grossesse.


92 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

j'ai VU une jeune femme atteinte d'une chorée chro-<br />

nique des plus int<strong>en</strong>ses, qui n'<strong>en</strong> est pas moins arri-<br />

vée à son tcTQie sans le moindre accid<strong>en</strong>t, et a<br />

donné naissance à un <strong>en</strong>fant vivant et parfaitem<strong>en</strong>t<br />

conformé ; parmi loutes les observations de folie<br />

coïncidant avec la grossesse, je n'ai noté qu'un seul<br />

cas d'accouchem<strong>en</strong>t prématuré, et même il est assez<br />

remarquable qu'une de nos malades soit accouchée<br />

à terme, alors que, p<strong>en</strong>dant l'intégrité de son état<br />

m<strong>en</strong>tal, elle n'avait eu que de fausses couches ou<br />

des accouchem<strong>en</strong>ts à sept mois. La s<strong>en</strong>sibilité de<br />

l'utérus semble alors s'émousser, ainsi que nous au-<br />

rons lieu de le développer, et les causes d'avortem<strong>en</strong>t<br />

perd<strong>en</strong>t de leur puissance.<br />

L'écoulem<strong>en</strong>t des lochies, la fièvre de lait, la<br />

sécrétion lactée n'ont ri<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>té d'anormal.<br />

ôlais nous devons nous arrêter un instant sur<br />

l'acte de l'accouchem<strong>en</strong>t; car il offre une particula-<br />

rité curieuse, qui frappe tout d'abord lorsqu'on par-<br />

court les observations que nous avons recueillies. Je<br />

veux parler du peu d'int<strong>en</strong>sité et même de l'abs<strong>en</strong>ce<br />

totale des douleurs p<strong>en</strong>dant le travail de l'<strong>en</strong>fante-<br />

m<strong>en</strong>t.<br />

Dans une observation du docteurLannuri<strong>en</strong>(n° 15),<br />

la malade n'eut pas même consci<strong>en</strong>ce de son accou-<br />

chem<strong>en</strong>t, et la chute de l'<strong>en</strong>fant fut le seul incid<strong>en</strong>t<br />

qui éveillal'att<strong>en</strong>tion des personnes qui la gardai<strong>en</strong>t.<br />

La même chose s'est prés<strong>en</strong>tée dans l'observation


SUR LA MARCHE DE L ALIÉNATION MENTALE. 93<br />

tirée du service de M. Mitivié (observ. 10) ; pas une<br />

plainte, pas un mouvem<strong>en</strong>t n'éveilla l'att<strong>en</strong>tion des<br />

personnes voisines, et les cris de l'<strong>en</strong>fant fur<strong>en</strong>t pris<br />

pour les cris d'un chat apporté dans la salle. Esquirol<br />

raconte qu'une idiote accoucha sans éprouver la<br />

moindre douleur. Une jeune dame aliénée^ soignée<br />

par cet illustre pratici<strong>en</strong>, accoucha sans le savoir et<br />

même 'sans qu'on s'<strong>en</strong> aperçût; lorsqu'on lui pré-<br />

s<strong>en</strong>ta l'<strong>en</strong>fant qu'elle v<strong>en</strong>ait de mettre au monde,<br />

elle ne manifesta à son aspect aucune s<strong>en</strong>sation ;<br />

elle ne recouvra la raison qu'après un long trai-<br />

tem<strong>en</strong>t, et il se passa <strong>en</strong>core un espace de temps<br />

considérable avant qu'elle voulût le reconnaître ;<br />

elle disait qu'elle ne se souv<strong>en</strong>ait pas d'avoir été<br />

grosse et qu'elle était bi<strong>en</strong> sûre de n'être jamais<br />

accouchée (1). Je vois dans la thèse de M. Délaye (2)<br />

qu'une aliénée au milieu d'un accès de folie accou-<br />

cha sans s'<strong>en</strong> apercevoir. Chez madame X..., à<br />

laquelle nous avons donné des soins (observ. 21),<br />

les douleurs durèr<strong>en</strong>t cinq minutes à peine, bi<strong>en</strong><br />

que l'<strong>en</strong>fant fût bi<strong>en</strong> développé. Il est dit dans l'ob-<br />

servation de madame A... (observ. 24), qu'elle<br />

accoucha assez vite pour n'avoir pas besoin du se-<br />

cours du médecin. Chez G... (observ. 7), les dou-<br />

leurs fur<strong>en</strong>t peu vives et la malade cria à peine; dans<br />

le cas du docteur Seymour, le travail fut court et ne<br />

(1) Courot, Thèse, Paris, 1824.<br />

(2) Délaye, Thèse, Paris, 1824, p. 9.


94 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

fit que peu d'impression sur la malade (observ. 5).<br />

Burns (1) a bi<strong>en</strong> r<strong>en</strong>contré quelques femmes qui<br />

ont accouché sans douleur, ou du moins n'ont<br />

éprouvé que le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d'une forte pression vers<br />

la fin du travail ; mais il considère ces faits comme<br />

tout à fait exceptionnels. Chez les aliénées, au<br />

contraire, l'abs<strong>en</strong>ce de douleur s'est prés<strong>en</strong>tée à<br />

nous d'une manière assez constante pour que nous<br />

ne craignions pas d'<strong>en</strong> faire une loi à peu près gé-<br />

nérale. Et ce fait ne manque pas d'intérêt, car, <strong>en</strong><br />

médecine légale, il trouvera son importance prati-<br />

que ; il peut se prés<strong>en</strong>ter telle circonstance où il im-<br />

porte de savoir si une femme aliénée a pu accoucher<br />

sans pousser un cri, sans avoir consci<strong>en</strong>ce de ce qui<br />

se passait <strong>en</strong> elle, et les observations qui précèd<strong>en</strong>t<br />

aideront à résoudre cette question.<br />

L'analgésie que prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t si souv<strong>en</strong>t les aliénées,<br />

surtout les mélancoliques, peut donc se manifester<br />

non-seulem<strong>en</strong>t dans l'<strong>en</strong>veloppe cutanée, mais <strong>en</strong>core<br />

dans un organe piofondém<strong>en</strong>t placé, comme<br />

l'utérus, organe musculaire dont la contraction qui<br />

s'accompagne, à l'état physiologique, de douleurs<br />

très-vives et d'un grand ret<strong>en</strong>tissem<strong>en</strong>t dans tout<br />

l'organisme, devi<strong>en</strong>t tout à coup indol<strong>en</strong>te et ina-<br />

perçue. Cette diminution de la s<strong>en</strong>sibilité orga-<br />

nique n'est pas un fait isolé, elle se retrouve dans<br />

(1) Burns, Accouchem<strong>en</strong>ts, traduct. Galliot, p. 244.


SUR LA MARCHE DE l'ALIÉNATION MENTALE. 95<br />

toutes les maladies incid<strong>en</strong>tes des aliénés; chez eux<br />

chaque organe \it isolém<strong>en</strong>t, les réactions morbides<br />

sont à peine s<strong>en</strong>sibles, et une lésion organique<br />

même très-grave peut suivre sa marche, sans que<br />

les organes voisins <strong>en</strong> souffr<strong>en</strong>t d'une manière no-<br />

table. Voyez la plithisie pulmonaire, la pneumonie,<br />

la pleurésie; la douleur de côté manque souv<strong>en</strong>t,<br />

l'expectoration est nulle, la fièvre est irrégulière ou<br />

à peine s<strong>en</strong>sible, la dyspnée vi<strong>en</strong>t très-tard, et pres-<br />

que jusqu'au dernier mom<strong>en</strong>t les malades conser-<br />

v<strong>en</strong>t ou à peu près leurs allures ordinaires.<br />

Il résulte de tout ceci que les femmes aliénées,<br />

aux approches du terme de leur grossesse, devront<br />

être surveillées avec un soin particulier, puisqu'elles<br />

n'éprouv<strong>en</strong>t pas ces douleurs qui serv<strong>en</strong>t d'avertis-<br />

sem<strong>en</strong>t pour l'accoucheur; ce dernier devra se t<strong>en</strong>ir<br />

sur ses gardes, et se fier uniquem<strong>en</strong>t à l'exploration<br />

du col, de peur de se laisser surpr<strong>en</strong>dre, et d'am<strong>en</strong>er<br />

ainsi par son inadvertance des incid<strong>en</strong>ts préjudicia-<br />

bles à la mère ou à l'<strong>en</strong>fant.<br />

Enfin il nous reste à rechercher quel est le sort<br />

des <strong>en</strong>fants qui naiss<strong>en</strong>t dans de semblables condi-<br />

tions, quel est ultérieurem<strong>en</strong>t leur développem<strong>en</strong>t<br />

physique et intellectuel.<br />

Beaucoup d'<strong>en</strong>tre eux vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t au monde mort-<br />

nés, ou du moins ne viv<strong>en</strong>t qu'un petit nombre de<br />

jours; il faut toutefois, à ce point de vue, établir une


96 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

distinction <strong>en</strong>tre ceux dont les mères étai<strong>en</strong>t alié-<br />

nées quand elles sont dev<strong>en</strong>ues <strong>en</strong>ceintes, et ceux<br />

dont les mères sont dev<strong>en</strong>ues folles p<strong>en</strong>dant leur<br />

grossesse; les premiers sembl<strong>en</strong>t avoir moins souffert,<br />

puisque sur huit cas dans lesquels l'état de l'<strong>en</strong>fant<br />

a été exactem<strong>en</strong>t noté, je n'ai r<strong>en</strong>contré qu'un seul<br />

mort-né. Bi<strong>en</strong> au contraire, sur onze faits d'accou-<br />

chem<strong>en</strong>t chez des femmes dev<strong>en</strong>ues folles p<strong>en</strong>dant<br />

leur grossesse, j'ai trouvé cinq <strong>en</strong>fants mort-nés ou<br />

n'ayant vécu que peu d'heures, ce qui est une pro-<br />

portion vraim<strong>en</strong>t considérable. Ce résultat n'a pour<br />

nous ri<strong>en</strong> d'inexplicable : on compr<strong>en</strong>d sans peine<br />

quelle perturbation fonctionnelle doit jeter dans<br />

l'économie un accès de manie ou de mélancolie<br />

surv<strong>en</strong>ant subitem<strong>en</strong>t chez une femme <strong>en</strong>ceinte et<br />

jusque-là bi<strong>en</strong> portante, tandis que, chez une femme<br />

aliénée depuis longtemps, la conception peut avoir<br />

lieu et la gestation suivre son cours sans subir au-<br />

cune fâcheuse influ<strong>en</strong>ce de ce désordre intellectuel<br />

qui est dev<strong>en</strong>u pour l'économie une habitude et<br />

comme une seconde nature.<br />

Les <strong>en</strong>fants qui surviv<strong>en</strong>t se développ<strong>en</strong>t-ils d'une<br />

manière normale? J'ai souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du répéter à un<br />

de mes premiers maîtres, M. Bouchet (de Nantes),<br />

que ces <strong>en</strong>fants restai<strong>en</strong>t imbéciles ou au moins<br />

doués d'une intellig<strong>en</strong>ce très-incomplète ; il s'élevait<br />

avec énergie contre les médecins qui conseill<strong>en</strong>t une<br />

grossesse aux femmes aliénées, car, disait-il, le


SUR LA MARCHE DE l' ALIÉNATION MENTALE. 97<br />

moy<strong>en</strong> thérapeutique est inutile et les <strong>en</strong>fants sont<br />

frappés de décrépitude. Esquirol n'insiste pas sur ce<br />

point, et cep<strong>en</strong>dant, <strong>en</strong> faisant l'histoire d'une idiote,<br />

il rapporte que, p<strong>en</strong>dant toute sa grossesse, la mère<br />

était restée dans un état de stupeur; j'ai observé un<br />

cas analogue : une dame offrait à chaque grossesse<br />

une disposition mélancolique très-caractérisée ; son<br />

mari ayant été obhgé de faire un long voyage p<strong>en</strong>-<br />

dant qu'elle était <strong>en</strong>ceinte, elle <strong>en</strong> éprouva de vives<br />

inquiétudes, et fut plus agitée et tourm<strong>en</strong>tée que<br />

jamais; or l'<strong>en</strong>fant qui naquit de cette grossesse et<br />

pour lequel j'ai été consulté offrait, à quatre ans et<br />

demi, un degré prononcé d'imbécillité.<br />

Sans doute les <strong>en</strong>fants qui naiss<strong>en</strong>t dans de sem-<br />

blables conditions sont soumis à cette influ<strong>en</strong>ce<br />

héréditaire qui joue un rôle si important dans l'étio-<br />

logie des affections m<strong>en</strong>tales, mais on a été au delà<br />

de la vérité <strong>en</strong> disant que leur état intellectuel devait<br />

nécessairem<strong>en</strong>t se ress<strong>en</strong>tir de leur origine. Cathe-<br />

rine, fille de Jeanne la Folle, dont nous avons déjà<br />

rappelé l'histoire, née p<strong>en</strong>dant le délire de sa mère<br />

dev<strong>en</strong>ue folle au début de sa grossesse, devint reine<br />

de Portugal, et n'offrit p<strong>en</strong>dant sa vie aucune trace<br />

de folie. Nous avons connaissance d'un jouiie homme<br />

de 29 ans, né dans des circonstances de ce g<strong>en</strong>re,<br />

qui est parfaitem<strong>en</strong>t doté sous le rapport intellectuel,<br />

a été un des élèves de l'École polytechnique, et rem-<br />

plit maint<strong>en</strong>ant des fonctions qui ne manqu<strong>en</strong>t pas


98 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

d'importance; on m'a parlé d'un jeune homme de<br />

15 ans, v<strong>en</strong>u au monde dans les mêmes conditions,<br />

et qui, jusqu'à prés<strong>en</strong>t, ne prés<strong>en</strong>te ri<strong>en</strong> d'anor-<br />

mal. Les deux filles de madame C... (obs. 19)<br />

ont maint<strong>en</strong>ant, l'une 22 ans, l'autre 18. Toutes<br />

deux sont connues de M. CalraeiletdeM. Baillarger,<br />

et moi-même j'ai eu occasion de les voir : sans doute<br />

leur carrière est peu avancée <strong>en</strong>core, mais pour le<br />

mom<strong>en</strong>t, elles sont douées d'une intellig<strong>en</strong>ce très-<br />

complète et n'offr<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> de saillant dans leurs<br />

allures, tandis que, par un jeu bizarre de la loi d'hé-<br />

rédité, une sœur de madame C..., qui jamais n'a<br />

offert le moindre trouble m<strong>en</strong>tal, a un fils âgé de<br />

19 ans, qui est déjà aliéné.<br />

Répétons, <strong>en</strong> terminant, que cette question des<br />

plus curieuses, ne peut être résolue qu'à l'aide d'un<br />

grand nombre d'observations bi<strong>en</strong> prises; cont<strong>en</strong>-<br />

tons-nous ici de l'indiquer et de la réserver pour<br />

l'av<strong>en</strong>ir.<br />


SUR LA MARCHE DE l' ALIÉNATION MENTALE. 99<br />

de nature maniaque. Celte femme est grande, forte,<br />

bi<strong>en</strong> constituée, d'un tempéram<strong>en</strong>t sanguin ; elle<br />

jouissait habituellem<strong>en</strong>t d'une bonne santé, son ca-<br />

ractère a toujours été inégal et irritable. Elle n'a<br />

aucun par<strong>en</strong>t aliéné, elle est mère de quatre <strong>en</strong>-<br />

fants. Ses couches, pour le premier, ne fur<strong>en</strong>t sui-<br />

vies d'aucun accid<strong>en</strong>t. Pour le second , qui naquit<br />

<strong>en</strong> 1840, elle parut, cinq à six jours après son ac-<br />

couchem<strong>en</strong>t, bizarre et extraordinaire; elle avait<br />

le visage animé, les yeux brillants, paraissait éga-<br />

rée et déraisonnait complètem<strong>en</strong>t. Cet élat n'eut<br />

qu'un mois de durée. Pour son troisième <strong>en</strong>fant,<br />

qui naquit au mois de mai 1842, elle comm<strong>en</strong>ça à<br />

paraître aliénée trois semaines avant son accouche-<br />

m<strong>en</strong>t, et elle n'a pas cessé de l'être depuis.<br />

Au mom<strong>en</strong>t de son <strong>en</strong>trée, son mari déclara<br />

qu'elle était <strong>en</strong>ceinte de trois mois; on la fit sur-<br />

veiller avec plus de soin pour éviter les coups et les<br />

blessures, qui euss<strong>en</strong>t pu être plus graves dans son<br />

état. Lorsqu'on approcha du terme de sa grossesse,<br />

on am<strong>en</strong>a près d'elle une femme ayant de l'expé-<br />

ri<strong>en</strong>ce, pour me prév<strong>en</strong>ir dès que le travail com-<br />

m<strong>en</strong>cerait ; ce soin fut inutile, car un malin (le<br />

27 janvier 1 844), à l'heure du lever, lorsqu'elle s'ha-<br />

billait, on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dit quelque chose tomber sur le<br />

plancher, puis un <strong>en</strong>fant crier, et elle se mit à dire<br />

<strong>en</strong> riant d'un air niais : « Ti<strong>en</strong>s! ti<strong>en</strong>s! un petit <strong>en</strong>-<br />

fant! » Des secours conv<strong>en</strong>ables lui fur<strong>en</strong>t imnié-


100 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

diat<strong>en</strong>i<strong>en</strong>t donnés; les suites de couches fur<strong>en</strong>t na-<br />

turelles, et elle était complètem<strong>en</strong>t rétablie au bout<br />

de quelques jours. Elle avait bi<strong>en</strong> dormi et n'avait<br />

pas paru souffrir p<strong>en</strong>dant la nuit qui précéda l'ac-<br />

couchem<strong>en</strong>t; elle paraît aussi n'avoir nullem<strong>en</strong>t<br />

ress<strong>en</strong>ti les douleurs qui, p<strong>en</strong>dant quelques jours,<br />

suiv<strong>en</strong>t habituellem<strong>en</strong>t la délivrance. Son mari nous<br />

a assuré que ses précéd<strong>en</strong>tes couches n'avai<strong>en</strong>t pas<br />

offert la même abs<strong>en</strong>ce de douleurs. On croit, sans<br />

<strong>en</strong> être parfaitem<strong>en</strong>t sûr, qu'elle connaissait son état<br />

de grossesse et qu'elle a s<strong>en</strong>ti les mouvem<strong>en</strong>ts de<br />

son <strong>en</strong>fant. La peau et les autres organes des s<strong>en</strong>s<br />

ont conservé toute leur s<strong>en</strong>sibilité. — Dans le pre-<br />

mier mom<strong>en</strong>t elle a embrassé son <strong>en</strong>fant et parais-<br />

sait s'<strong>en</strong> inquiéter, mais depuis elle ne s'<strong>en</strong> est pas<br />

occupée. — La nature de son aliénation n'a pas<br />

changé depuis cet événem<strong>en</strong>t; elle est fort gaie, rit,<br />

saute, danse comme un <strong>en</strong>fant, dit des niaiseries<br />

et ne peut se fixer à aucun travail.<br />

16« Observation. — Deux accouchem<strong>en</strong>ts à deux ans et demi de<br />

distance chez une aliénée. Aucune amélioration. Terminaison<br />

par la dém<strong>en</strong>ce.<br />

Madame P..., âgée de 35 ans, <strong>en</strong>tre le 14 jan-<br />

vier 1834 à la maison de Char<strong>en</strong>ton.<br />

On raconte qu'à l'âge de cinq ans, elle a été<br />

prise de convulsions épileptiformos, qui n'ont dis-


SUR LA MARCHE DE l'ALIÉNATION MENTALE. i 01<br />

paru totalem<strong>en</strong>t qu'à l'époque de la m<strong>en</strong>struation.<br />

Mariée à l'âge de 22 ans, elle a eu trois <strong>en</strong>fants<br />

qu'elle a perdus successivem<strong>en</strong>t , à un âge peu<br />

avancé.<br />

Il y a quatre ans, voyageant <strong>en</strong> Dauphiné, elle<br />

fut prise subitem<strong>en</strong>t d'une terreur inexpliquée,<br />

croyant que les voyageurs qui se trouvai<strong>en</strong>t avec<br />

elle étai<strong>en</strong>t armés de poignards et voulai<strong>en</strong>t att<strong>en</strong>ter<br />

à sa vie; elle était alors <strong>en</strong>ceinte. Peu de temps<br />

après (juillet 1830), étant accouchée, elle fut prise<br />

d'un délire peu int<strong>en</strong>se et passager; ce délire re-<br />

parut <strong>en</strong> 1832, et fut occasionné par la terreur que<br />

lui inspira le choléra : il se prés<strong>en</strong>tait avec tous les<br />

caractères d'une mélancolie avec stupeur; p<strong>en</strong>dant<br />

quelque temps, la malade resta dans une maison<br />

de santé et <strong>en</strong> sortit sans être guérie.<br />

Ce fut alors qu'elle devint <strong>en</strong>ceinte : la grossesse<br />

fut très-agitée; au mom<strong>en</strong>t de l'accouchem<strong>en</strong>t, l'a-<br />

gitation et le délire augm<strong>en</strong>tèr<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core d'int<strong>en</strong>-<br />

sité; néanmoins, p<strong>en</strong>dant deux mois, elle essaya<br />

d'allaiter son <strong>en</strong>fant, sans <strong>en</strong> retirer d'autre béné-<br />

fice que la persistance de l'exaltation maniaque ;<br />

ce fut alors qu'elle <strong>en</strong>tra à Char<strong>en</strong>ton : les seins<br />

étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core tuméfiés, et l'on fut obligé de don-<br />

ner quelques purgatifs.<br />

Peu après il survint un peu de calme, mais les<br />

idées de méfiance et de jalousie, les illusions s<strong>en</strong>so-<br />

riales persistèr<strong>en</strong>t avec ténacité et se révélèr<strong>en</strong>t fré-


102 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

quemm<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core, malgré les efforts que faisait la<br />

malade pour dissimuler. Peu de mois après, quel-<br />

ques symptômes de dém<strong>en</strong>ce étai<strong>en</strong>t déjà notés.<br />

Sortie de la maison de Ctiar<strong>en</strong>ton <strong>en</strong> août 1835,<br />

madame P.. . resta quelque temps avec son mari,<br />

devint <strong>en</strong>ceinte, et r<strong>en</strong>tra bi<strong>en</strong>tôt aussi malade que<br />

jamais.<br />

Je n'ai pu retrouver aucun détail sur son accou-<br />

chem<strong>en</strong>t qui eut lieu le 18 août 1836, mais il est<br />

certain qu'elle n'<strong>en</strong> éprouva aucune amélioration,<br />

car, depuis cette époque, elle n'a pas quitléChar<strong>en</strong>-<br />

ton et a offert des signes de dém<strong>en</strong>ce progressive-<br />

m<strong>en</strong>t croissante. J'ai pu observer la malade vers la<br />

fin de 1856 : son état physique est excell<strong>en</strong>t; elle<br />

offre dans les idées une incoliér<strong>en</strong>ce complète<br />

parle à peine, et s'agite <strong>en</strong>core de temps à autre.<br />

i7e Observation. — Troisième accès de manie. Grossesse. Accou-<br />

chem<strong>en</strong>t. Incurabililé de l'état m<strong>en</strong>tal.<br />

S..., âgée de 25 ans, <strong>en</strong>trée le 15 juillet 1851 à<br />

la maison de Char<strong>en</strong>ton, était une artiste de grand<br />

tal<strong>en</strong>t, douée d'une vive imagination et d'une ar-<br />

deur extrême pour le travail.<br />

Ses antécéd<strong>en</strong>ts n'offr<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> qui soit digne<br />

d'être noté.<br />

En 1848, elle éprouva des pertes de fortune con-<br />

sidérables qui am<strong>en</strong>èr<strong>en</strong>t un premier accès d'alié-<br />

,


SUR LA MARCHE DE l' ALIÉNATION MENTALE. 103<br />

nation m<strong>en</strong>tale; au bout de peu de jours, elle re-<br />

vint à elle ; six mois après, elle fit une fausse couche<br />

à la suite d'une chute : il n'<strong>en</strong> résulta ri<strong>en</strong> de fâ-<br />

cheux. — En mai 1850, nouvel accès qui dura cinq<br />

mois, et pour lequel elle <strong>en</strong>tra dans une maison de<br />

santé. — Le troisième accès a débuté <strong>en</strong> avril 1851.<br />

Elle passa le premier mois dans une maison de<br />

santé, le second mois chez son mari; là elle devint<br />

<strong>en</strong>ceinte, puis <strong>en</strong>fin elle fut conduite à la maison de<br />

Char<strong>en</strong>ton.<br />

Lorsqu'elle arriva, elle rêvait bâtisses, construc-<br />

tions magnifiques; parlait de la lune, du soleil, et<br />

offrait dans les idées une grande incohér<strong>en</strong>ce; il y<br />

avait <strong>en</strong> môme temps des hallucinations de l'ouïe.<br />

En septembre, son état n'est pas changé : les hal-<br />

lucinations persist<strong>en</strong>t, le délire est complet et per-<br />

man<strong>en</strong>t.<br />

En décembre, même état, seulem<strong>en</strong>t elle dit s<strong>en</strong>-<br />

tir un ver solitaire qui s'agite dans son corps; elle<br />

l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d pousser un cri qui dure à peine une se-<br />

conde...<br />

En mars 1852, elle accoucha d'une fille, sans<br />

que le travail ait apporté le moindre changem<strong>en</strong>t<br />

dans l'état m<strong>en</strong>tal; je n'ai pu me procurer aucun<br />

détail sur l'accouchem<strong>en</strong>t.<br />

La malade est <strong>en</strong>core à Char<strong>en</strong>ton, où j'ai pu<br />

l'observer ; elle offre tous les symptômes d'une ma-<br />

nie chronique avec comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t de dém<strong>en</strong>ce.


104 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

Elle a <strong>en</strong>core quelques hallucinations : par instants<br />

elle s'agite, déchire ses habits et a besoin d'être at-<br />

tachée sur un fauteuil; ses règles vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t toujours<br />

avec régularité, et la santé physique reste assez<br />

bonne.<br />

18e Observation.<br />

J'ai vu à la Salpêtrière , dans le service de<br />

M. Baillarger, une jeune fille atteinte de folie à<br />

double forme qui , p<strong>en</strong>dant la période d'excitation ,<br />

s'<strong>en</strong> allait provoquant les ouvriers qui v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t tra-<br />

vailler dans la maison ; elle devint <strong>en</strong>ceinte, la gros-<br />

sesse se passa sans incid<strong>en</strong>t notable, et sans empê-<br />

cher le retour alternatif des périodes de stupeur et<br />

d'excitation. Elle accoucha dans la période de stu-<br />

peur ; le travail dura six heures à peu près, mais<br />

s'accompagna de douleurs très-peu vives, c'est à<br />

peine si elle poussa quelques cris p<strong>en</strong>dant le dernier<br />

quart d'heure.<br />

L'<strong>en</strong>fant vint au monde bi<strong>en</strong> vivant, les suites de<br />

couches fur<strong>en</strong>t naturelles, la malade n'allaita pas.<br />

Depuis deux ans, malgré la grossesse et l'accouche-<br />

m<strong>en</strong>t, l'état m<strong>en</strong>tal ne s'est pas modifié, et les pé-<br />

riodes de stupeuret d'excitation revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t toujours<br />

alternativem<strong>en</strong>t.


SUR LA MARCHE DE l' ALIÉNATION MENTALE. 105<br />

19e Observation. — Manie chronique. Trois grossesses sxiccessives.<br />

Dém<strong>en</strong>ce. Incurabilité.<br />

Née d'une mère d'un caractère bizarre el original,<br />

mademoiselle M... tombe malade à 19 ans et demi.<br />

Son état s'aggrave les années suivantes : malgré cela<br />

on la marie, dans l'espoir qu'une grossesse amènera<br />

la guérison; elle avait alors 21 ans. Elle a successi-<br />

vem<strong>en</strong>t trois accouchem<strong>en</strong>ts heureux sans que son<br />

état m<strong>en</strong>tal ait été <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> modifié ; lorsqu'à l'âge<br />

de 25 ans, elle <strong>en</strong>tra à Char<strong>en</strong>ton, le 28 avril 1833,<br />

quatre mois après son accouchem<strong>en</strong>t, elle offrait<br />

déjà des signes de dém<strong>en</strong>ce : malpropre, crachant<br />

continuellem<strong>en</strong>t, frappant les filles de service, bou-<br />

leversant tout autour d'elle, tantôt plus calme, tantôt<br />

plus agitée.<br />

Depuis, cette malade est restée incurable, et main-<br />

t<strong>en</strong>ant elle est à la Salpêtrière dans le service de<br />

M. Mitivié, où j'ai pu l'observer. Elle est gâteuse et<br />

réduite au dernier degré de la dém<strong>en</strong>ce: elle passe sa<br />

vie sur un fauteuil, roulant machinalem<strong>en</strong>tun cordon<br />

dans sa main, sans jamais proférer une seule parole.<br />

Les deux filles qui sont nées p<strong>en</strong>dant son état d'alié-<br />

nation m<strong>en</strong>tale vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t la voir de temps à autre à<br />

la Salpêtrière. Elles ont maint<strong>en</strong>ant plus de 20 ans,<br />

leur développem<strong>en</strong>t physique et intellectuel a été<br />

parfaitem<strong>en</strong>t régulier, et elles se trouv<strong>en</strong>t dans des<br />

conditions tout à fait normales.


106 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

Une des sœurs de la malade se marie et n'offre<br />

jamais le moindre signe de trouble m<strong>en</strong>tal ; elle a<br />

deux <strong>en</strong>fcinls; déjà l'un de ces <strong>en</strong>fants est dev<strong>en</strong>u<br />

aliéné et regardé comme incurable.<br />

20e Observation. — Délire partiel; hallucination. Grossesse.<br />

Accouchem<strong>en</strong>t. État m<strong>en</strong>tal stationnaire.<br />

Madame R..., âgée de 39 ans, <strong>en</strong>tre à la maison<br />

de Char<strong>en</strong>ton le 10 septembre 1856.<br />

Éducation ordinaire, intellig<strong>en</strong>ce assez commune,<br />

caractère peu expansif et peu affectueux ; dans sa<br />

famille, il n'existe aucune personne atteinte d'af-<br />

fection nerveuse.<br />

On fait remonter à quatre ans le début des idées<br />

délirantes: la malade est dev<strong>en</strong>ue sans motif d'une<br />

jalousie excessive, poursuivant avec acharnem<strong>en</strong>t<br />

son mari dont elle interprétait tous les actes dans le<br />

s<strong>en</strong>s de son délire: survinr<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>tôt des halluci-<br />

nations : elle <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d des voix qui accus<strong>en</strong>t son<br />

mari, elle voit des hommes de police qui me-<br />

nac<strong>en</strong>t sa maison, ou croit apercevoir près d'elle<br />

ses deux <strong>en</strong>fants morts depuis une quinzaine d'an-<br />

nées.<br />

Sous l'influ<strong>en</strong>ce des hallucinations et des idées<br />

délirantes, depuis quatre ans, elle a de temps à<br />

autre de véritables accès maniaques; insomnie habi-<br />

tuelle, manque d'appétit; elle négligée! sa personne


SUR LA MARCHE DE L'ALIÉNATION MEiyTALE. 107<br />

et sa maison. Plusieurs séjours qu'elle a faits déjà<br />

dans divers asiles n'ont amélioré son état que d'une<br />

manière passagère ; l'excitation atteint de nouveau<br />

son paroxysme, toutes les fois que la malade est<br />

r<strong>en</strong>due à la liberté.<br />

11 septembre. — Au mom<strong>en</strong>t de son <strong>en</strong>trée, la<br />

malade réclame avec véhém<strong>en</strong>ce contre sa séques-<br />

tration, <strong>en</strong> affirmant qu'elle n'est pas malade; lors-<br />

qu'on lui parle de son mari, elle ne tarde pas à<br />

laisser percer des idées de jalousie; l'exam<strong>en</strong> de<br />

l'abdom<strong>en</strong> fait constater l'exist<strong>en</strong>ce d'une grossesse<br />

de six mois et demi à sept mois.<br />

15 septembre. — La malade estacariâtre, difficile<br />

à gouverner, impolie avec les personnes qui l'<strong>en</strong>tou-<br />

r<strong>en</strong>t; elle ne paraît pas avoir d'hallucinations; elle<br />

refuse de travailler.<br />

3 octobre. — L'excitation s'est beaucoup calmée,<br />

la malade travaille j<br />

pr<strong>en</strong>d ses repas avec régularité,<br />

mais elle ne repond que par monosyllabes lorsqu'on<br />

l'interroge, ne communique avec personne et néglige<br />

s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t les soins de sa personne; la grossesse<br />

suit son cours sans incid<strong>en</strong>t fâcheux.<br />

8 décembre.—Le matin madame R... a une hal-<br />

lucination : elle voit subitem<strong>en</strong>t des êtres imaginaires<br />

qui lui font des m<strong>en</strong>aces, et cette vue l'émeut beau-<br />

coup; quelque temps après, elle comm<strong>en</strong>ce à res-<br />

s<strong>en</strong>tir les premières douleurs de l'<strong>en</strong>fantem<strong>en</strong>t : à<br />

deux heures de l'après-midi, elle accouche sans vives


108 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

douleurs d'un <strong>en</strong>fant mâle à lerme, mort-né, et que<br />

l'on ne put rappeler à la vie.<br />

Les suites de couches ont été parfaitem<strong>en</strong>t natu-<br />

relles, mais l'état m<strong>en</strong>tal ne s'est nullem<strong>en</strong>t modifié.<br />

Les hallucinations ont disparu, il est vrai, mais elle<br />

conserve un caractère difficile , parle toujours de<br />

ses soupçons et de ses inquiétudes, reste peu com-<br />

municative, et c'est à peine si elle demande une fois<br />

ce qu'est dev<strong>en</strong>u son <strong>en</strong>fant.<br />

21e Observation. — Délire partiel; hallucination. Grossesse.<br />

Accouchem<strong>en</strong>t. État m<strong>en</strong>tal stationnaire.<br />

Madame X... a une mère d'un caractère bizarre<br />

et exc<strong>en</strong>trique, et sa grand'mère est aliénée; son<br />

éducation est très-complète, et toujours elle a été<br />

une femme d'ordre et d'intellig<strong>en</strong>ce.<br />

Mariée de bonne heure à un cousin germain,<br />

madame X... a été heureuse <strong>en</strong> ménage; au bout<br />

de deux ans de mariage , elle fit une fausse couche ;<br />

à une seconde grossesse, elle accoucha, à sept mois,<br />

d'un <strong>en</strong>fant qui mourut au bout de cinq semaines,<br />

ce qui causa à la mère un chagrin viol<strong>en</strong>t.<br />

Plusieurs fausses couches survinr<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core vers<br />

le troisième ou le quatrième mois; à une dernière<br />

grossesse, elle garda constamm<strong>en</strong>t le lit et, malgré<br />

cette précaution, accoucha <strong>en</strong>core à sept mois d'un<br />

<strong>en</strong>fant vivant qui n'a été élevé qu'à force de soins,


SUR LA MARCHE DE l' ALIÉNATION MENTALE. .109<br />

et après avoir donné à sa mère les plus vives inquié-<br />

tudes.<br />

Deux ans après cet accouchem<strong>en</strong>t, la malade<br />

eut une otorrhée avec <strong>en</strong>gorgem<strong>en</strong>t des ganglions<br />

cervicaux : cet état dura plusieurs mois, et ne cessa<br />

qu'après l'application d'un vésicatoire à la nuque;<br />

alors, pour la première fois, comm<strong>en</strong>cèr<strong>en</strong>t à se ma-<br />

nifester les troubles intellectuels : elle avait des<br />

hallucinations de l'ouïe, se croyait poursuivie par<br />

des ag<strong>en</strong>ts de police (mars 1854). En août, elle re-<br />

fusa de dîner chez des amis, dans la crainte d'être<br />

empoisonnée. En septembre, son petit garçon ayant<br />

été dangereusem<strong>en</strong>t malade , elle <strong>en</strong> éprouva une<br />

agitation très-vive, s'accusant de maux imaginaires<br />

et essayant à plusieurs reprises de se suicider, pour<br />

arrêter par sa mort les malheurs dont elle se croyait<br />

la cause. Celte agitation cessa au bout de quinze<br />

jours, et alors la lucidité devint presque complète;<br />

mais, <strong>en</strong> novembre 1854, il y eut une rechute, et<br />

depuis celte époque la malade est toujours restée<br />

dans le même état, avec des alternatives irrégulières<br />

de calme et d'agitation.<br />

Lorsque j'ai comm<strong>en</strong>cé à donner des soins à la<br />

malade (juillet 1856), elle était tourm<strong>en</strong>tée par des<br />

hallucinations incessantes, croyant <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre, dans<br />

la chambre voisine de la si<strong>en</strong>ne, son raaii, sa mère,<br />

ses <strong>en</strong>fants; les nuits étai<strong>en</strong>t parfois sans sommeil ;<br />

p<strong>en</strong>dant le jour, lorsqu'elle était calme, elle Ira-


no INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

vaillait d'une manière assez régulière ; elle est du<br />

reste d'un caractère viol<strong>en</strong>t, emporté et très-diffi-<br />

cile à gouverner, se refusant à toute médication<br />

active.<br />

P<strong>en</strong>dant les mois d'août et de septembre, son état<br />

ne se modifia pas s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t, seulem<strong>en</strong>t on re-<br />

marqua que les règles manquai<strong>en</strong>t complètem<strong>en</strong>t;<br />

il y avait eu quelques journées d'une agitation très-<br />

viol<strong>en</strong>te, combattue à grand'peine par des bains et<br />

des purgatifs.<br />

En octobre, les règles faisant toujours défaut, on<br />

comm<strong>en</strong>ce à soupçonner une grossesse, mais il est<br />

impossible d'explorer l'état de l'utérus à cause de la<br />

résistance de madame X... En novembre, le v<strong>en</strong>tre<br />

pr<strong>en</strong>d un développem<strong>en</strong>t qui devi<strong>en</strong>t appar<strong>en</strong>t mal-<br />

gré la haute taille de la malade , et l'on constate<br />

d'une manière positive une grossesse arrivée au<br />

sixième mois; p<strong>en</strong>dant toute cette période, la santé<br />

physique de la malade avait été excell<strong>en</strong>te , à part<br />

un peu d'odontaigie, mais les hallucinations avai<strong>en</strong>t<br />

persisté avec la même int<strong>en</strong>sité.<br />

En décembre, l'état m<strong>en</strong>tal s'améliore d'une ma-<br />

nière notable, les hallucinations devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t moins<br />

actives, le sommeil plus tranquille; la malade est<br />

toujours poursuivie par l'idée de son départ, par le<br />

désir de r<strong>en</strong>trer dans sa famille, mais ce désir se<br />

traduit par une conversation plus calme et plus sui-<br />

vie. Elle travaille avec beaucoup de régularité, fa-


SUR LA MARCHE DE l' ALIÉNATION MENTALE. 1 1 i<br />

brique elle-même ses robes , range ses effets avec<br />

beaucoup d'ordre ; elle s<strong>en</strong>t son <strong>en</strong>fant remuer et se<br />

préoccupe de son accouchem<strong>en</strong>t.<br />

En janvier, les hallucinations reparaiss<strong>en</strong>t, et<br />

avec elles l'agitation et les inquiétudes de la malade ;<br />

elle <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d son mari dans la chambre voisine, elle<br />

s'exaspère de ne pouvoir le trouver malgré toutes<br />

ses recherches ; la santé physique est bonne, et la<br />

grossesse fait son cours sans aucun accid<strong>en</strong>t fâcheux.<br />

En février et <strong>en</strong> mars, l'état reste slationnaire<br />

avec des alternatives de calme et d'excitation.<br />

Le 26 mars au malin, la malade se lève comme<br />

d'habitude, vers onze heures, elle accuse un peu de<br />

malaise : on accourt nous piév<strong>en</strong>ir; au bout de cinq<br />

minutes, au plus, de douleurs, madame X... ac-<br />

coucha, dans un fauteuil, d'une petite fille à terme,<br />

vivante, forte et bi<strong>en</strong> constituée. A ses couches pré-<br />

céd<strong>en</strong>tes, madame X... avait souffert p<strong>en</strong>dant une<br />

heure au moins, et cep<strong>en</strong>dant elle était toujours<br />

accouchée à sept mois. La quantité de sang perdue<br />

p<strong>en</strong>dant le travail a été assez considérable, la déli-<br />

vrance s'est faite sans peine.<br />

Les suites de couches n'ont ri<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>té d'anor-<br />

mal : l'écoulem<strong>en</strong>t lochial , la sécrétion lactée se<br />

sont faits avec une parfaite régularité, mais on n'a<br />

pas osé confier l'<strong>en</strong>fant à sa mère pour qu'elle pût<br />

l'allaiter, car elle avait proféré contre lui des me-<br />

naces inquiétantes.


U2 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

Madame X... est maint<strong>en</strong>ant tout à fait rétablie<br />

de ses couches ; mais les hallucinations persist<strong>en</strong>t<br />

avec la même int<strong>en</strong>sité, les idées délirantes rest<strong>en</strong>t<br />

les mêmes, et, <strong>en</strong> raison de la gravité et de l'an-<br />

ci<strong>en</strong>neté des symptômes observés, il est certain<br />

qu'ils ne se modifieront pas.<br />

L'<strong>en</strong>fant a succombé <strong>en</strong> mai 1858, à une pneu-<br />

monie.<br />

22e Observation.—Lypémanie. Grossesse. Accouchem<strong>en</strong>t. Guérison.<br />

Madame R... a été réglée à 16 ans, mais à celte<br />

époque elle offrit quelques symptômes de chlorose;<br />

plus tard elle eut une excell<strong>en</strong>te santé.<br />

Mariée à 22 ans, elle fit successivem<strong>en</strong>t huit fausses<br />

couches; dans une neuvième grossesse, l'<strong>en</strong>fant vint<br />

à ternie, mais au bout de peu de mois il succomba<br />

à des convulsions; la mère <strong>en</strong> éprouva un vif cha-<br />

grin, et depuis, des pertes d'aig<strong>en</strong>t et des chagrins<br />

domestiques aggravèr<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core son état m<strong>en</strong>tal.<br />

Au printemps de 1834, on essaya de la faire<br />

voyager, mais les idées mélancoliques se caracté-<br />

risèr<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core davantage, et il y eut plusieurs t<strong>en</strong>-<br />

tatives de suicide. Sur ces <strong>en</strong>trefaites elle devint <strong>en</strong>-<br />

ceinte (septembre 1834), et elle l'était de trois<br />

mois déjà, quand, au milieu de ses idées délirantes,<br />

survint la p<strong>en</strong>sée qu'elle avait un serp<strong>en</strong>t dans le<br />

corps, p<strong>en</strong>sée qui finit bi<strong>en</strong>tôt par absorber toutes les<br />

autres et par former le point culminant de son délire.


SUR LA MARCHE DE l'ALIÉNATION MENTALE. H3<br />

Lorsqu'elle <strong>en</strong>tre à la maison de Char<strong>en</strong>ton, le<br />

3 avril 1835, elle est <strong>en</strong>ceinte de sept mois ; inces-<br />

samm<strong>en</strong>t elle répète ; qu'elle veut mourir , que<br />

tout est perdu, qu'elle a un serp<strong>en</strong>t dans le v<strong>en</strong>tre;<br />

du reste elle mange bi<strong>en</strong> , elle dort bi<strong>en</strong> et refuse<br />

de croire qu'elle est <strong>en</strong>ceinte.<br />

P<strong>en</strong>dant son séjour à Char<strong>en</strong>ton, aucun change-<br />

m<strong>en</strong>t ne se produisit dans son état m<strong>en</strong>tal.<br />

Elle accoucha le 28 mai ; le travail fut l<strong>en</strong>t et<br />

s'accompagna de souffrances morales très-vives ;<br />

persuadée qu'elle recelait dans son v<strong>en</strong>tre un ser-<br />

p<strong>en</strong>t qui, une fois sorti, aurait dévoré ceux qui<br />

l'<strong>en</strong>tourai<strong>en</strong>t , elle se ret<strong>en</strong>ait autant qu'il était <strong>en</strong><br />

son pouvoir, à tel point qu'on se demandait s'il ne<br />

devi<strong>en</strong>drait pas nécessaire de recourir au forceps :<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t se fît cep<strong>en</strong>dant; quand on lui<br />

prés<strong>en</strong>ta son <strong>en</strong>fant, elle témoigna un grand étonne-<br />

m<strong>en</strong>t.<br />

Les jours suivants les suites de couches fur<strong>en</strong>t<br />

très-naturelles ; peu à peu les idées délirantes dis-<br />

parur<strong>en</strong>t, une amélioration notable se produisit dans<br />

son état, et lorsqu'elle quitta Char<strong>en</strong>ton, un mois<br />

après (28 juin 1835), elle était assez bi<strong>en</strong> pour pou-<br />

voir reparaître à son comptoir.<br />

P<strong>en</strong>dant plus d'un an, M. Calmeil a eu de ses<br />

nouvelles, et l'état m<strong>en</strong>tal s'est toujours maint<strong>en</strong>u<br />

très-satisfaisant.


114 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

23« Observation. — D'une femme qui, ayant perdu <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t<br />

l'esprit par une grande affliction, six jours après être accou-<br />

chée, et étant redev<strong>en</strong>ue grosse <strong>en</strong>suite, nonobstant son aliénation<br />

d'esprit, accoucha heureusein<strong>en</strong>t et revint aussitôt <strong>en</strong> son bon<br />

s<strong>en</strong>s (1).<br />

Le 1" septembre 1683, je vis une femme qui<br />

avait <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t perdu l'esprit depuis plus d'un an,<br />

pour la grande affliction qu'elle eut de la mort d'un<br />

<strong>en</strong>fant de quatre ans, qu'elle aimait uniquem<strong>en</strong>t ;<br />

lequel accid<strong>en</strong>t lui était arrivé cinq ou six jours<br />

après être accouchée d'un autre <strong>en</strong>fant; nonobstant<br />

son aliénation d'esprit, élant redev<strong>en</strong>ue grosse,<br />

comme elle était lorsque je la vis, elle accoucha très-<br />

heureusem<strong>en</strong>t vers le mois d'avril de l'année sui-<br />

vante, auquel temps elle revint dans son bon s<strong>en</strong>s,<br />

et s'est toujours très-bi<strong>en</strong> portée dans la suite, la<br />

bonne évacuation des vidanges de cette dernière<br />

couche y ayant beaucoup contribué, comme je l'avais<br />

fait espérer à son mari.<br />

24e Observation. — Manie intermilt<strong>en</strong>ie avec p<strong>en</strong>chants eroti-<br />

ques à l'âge de 13 ans. Onze ans après, délire maniaque avec p<strong>en</strong>-<br />

chants immoraux. Grossesse, accouchem<strong>en</strong>t, guérison.<br />

M^^' A... a sa mère aliénée, un de ses frères a<br />

prés<strong>en</strong>té égalem<strong>en</strong>t des signes de trouble m<strong>en</strong>tal.<br />

(!) Mauriceau, Maladies des femmes grosses, obs. CCCXLII,<br />

p. 284.<br />

1<br />

I


SUR LA MARCHE DE l'ALIÉNATION MENTALE. 115<br />

A l'âge de quinze ans, elle éprouvait lous les mois,<br />

vers l'époque des règles, des accid<strong>en</strong>ts nerveux très<br />

caractérisés; défiante, soupçonneuse, se croyant<br />

<strong>en</strong>tourée d'<strong>en</strong>n<strong>en</strong>ais, elle se sauvait dans la campa-<br />

gne, vêtue au hasard, dérobant ce qui lui tombait<br />

sous la main, parlant d'empoisonner et de mettre le<br />

feu. Au bout de douze à quinze jours, elle reve-<br />

nait à elle, racontait que dans ce mom<strong>en</strong>t-là elle<br />

n'était plus maîtresse d'elle-même et cédait à une<br />

impulsion irrésistible.<br />

Cet état durait depuis un an et n'avait été inter-<br />

rompu que trois mois par un gonflem<strong>en</strong>t des paro-<br />

tides, lorsque la malade <strong>en</strong>tra à la maison de Cha-<br />

r<strong>en</strong>ton, le 3 1 octobre 1 843. Elle y resta treize mois<br />

puis r<strong>en</strong>tra au 1" janvier 1845, pour faire un nou-<br />

veau séjour de quinze mois; p<strong>en</strong>dant tout ce temps<br />

elle offrit des accès bi<strong>en</strong> caractérisés de manie in-<br />

termiltcnle surv<strong>en</strong>ant chaque mois; il y avait <strong>en</strong><br />

même temps des t<strong>en</strong>dances erotiques manifestes, et<br />

elle poursuivait les hommes qui se prés<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t à<br />

elle.<br />

P<strong>en</strong>dant huit ans, mademoiselle A... resta chez<br />

elle, un peu bizarre, un peu singulière, mais bi<strong>en</strong><br />

réglée, et n'offrant pas d'accès de manie; elle se<br />

maria sur ces <strong>en</strong>trefaites et eut une première gros-<br />

sesse qui fut très-heureuse.<br />

Peu de temps après cep<strong>en</strong>dant, les s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts<br />

moraux et affectifs comm<strong>en</strong>cèr<strong>en</strong>t à s'altérer chez<br />

,


116 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

elle, et voici ce qu'elle offrait peu de mois avant son<br />

<strong>en</strong>trée :<br />

P<strong>en</strong>chants erotiques très-prononcés, onanisme<br />

porté au plus haut degré : provocation <strong>en</strong>vers les<br />

g<strong>en</strong>s qui l'<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t, parfois même véritable pros-<br />

titution, t<strong>en</strong>dance au vol ; elle craint d'être empoi-<br />

sonnée, croit qu'on la surveille et qu'on dit du mal<br />

d'elle ; par instants accès de fureur avec mots gros-<br />

siers.<br />

Lorsqu'elle <strong>en</strong>tra à Char<strong>en</strong>ton pour la troisième<br />

fois (31 mai 1854), ses règles manquai<strong>en</strong>t depuis trois<br />

ou quatre mois, et on supposait qu'elle était <strong>en</strong>ceinte.<br />

Assez agitée p<strong>en</strong>dant les premiers jours de son<br />

<strong>en</strong>trée, elle ne tarda pas à se contraindre et à dissi-<br />

muler : on la surprit cep<strong>en</strong>dant volant dans la mai-<br />

son, et écrivant une lettre remplie d'injures grossières<br />

adressées aux personnes qui l'<strong>en</strong>tourai<strong>en</strong>t.<br />

Les semaines suivantes, ses habitudes comm<strong>en</strong>-<br />

cèr<strong>en</strong>t à se régulariser, et un grand changem<strong>en</strong>t se<br />

produisit dans ses allures. Une fois elle arrêta une<br />

femme qui allait se précipiter par la f<strong>en</strong>être : <strong>en</strong><br />

même temps sa grossesse se confirmait et se révélait<br />

par les signes les plus positifs.<br />

En septembre et <strong>en</strong> octobre, elle reste parfaite-<br />

m<strong>en</strong>t calme, s'observant avec le plus grand soin, et<br />

ne délirant ni <strong>en</strong> action, ni <strong>en</strong> paroles ; le 16 novem-<br />

bre, elle accouche d'une petite fille; l'accouchem<strong>en</strong>t<br />

se fait sans le secours même d'un médecin, et avec


SUR LA MARCHE DE L ALIÉNATION MENTALE. H 7<br />

une grande rapidité ; elle n'allaite pas son <strong>en</strong>fant,<br />

les suites de couches sont parfaitem<strong>en</strong>t naturelles.<br />

En décembre, la santé physique est excell<strong>en</strong>te, et<br />

l'état moral se mainti<strong>en</strong>t plus parfait <strong>en</strong>core que<br />

p<strong>en</strong>dant les derniers mois de la grossesse.<br />

En janvier, les règles apparaiss<strong>en</strong>t pour la pre-<br />

mière fois depuis l'accouchem<strong>en</strong>t ; <strong>en</strong> février, mars<br />

et avril, l'amélioration reste parfaite, et cinq mois<br />

après l'accouchem<strong>en</strong>t, le temps d'épreuve paraissant<br />

suffisant, on la jugea tout à fait <strong>en</strong> possession de son<br />

libre arbitre, et on dut insister près de son mari<br />

pour qu'il la reprît chez elle.<br />

25« Observation. — Manie suite de couches. Grossesse nouvelle.<br />

Guérison de l'accès.<br />

Madame X..., âgée de 35 ans, <strong>en</strong>tre le 18 juin<br />

1856, à la maison de Char<strong>en</strong>ton.<br />

Il y a cinq ans, M""^ X..., à la suite d'une fièvre<br />

typhoïde très-grave, eut un accès d'aliénation m<strong>en</strong>-<br />

tale, qui dura six mois, et dont elle ne guérit<br />

qu'après avoir conservé , p<strong>en</strong>dant quelques mois<br />

<strong>en</strong>core, un peu d'affaiblissem<strong>en</strong>t de mémoire.<br />

Depuis cet accès, la malade, qui déjà était mère de<br />

cinq <strong>en</strong>fants, a eu trois nouvelles grossesses ; le pre-<br />

mier accouchem<strong>en</strong>t a été suivi d'un viol<strong>en</strong>t accès de<br />

délire maniaque ; le second s'est passé sans incid<strong>en</strong>t<br />

fâcheux, mais la malade voulut nourrir, et au bout


Ii8 INFLUENCE DE LA GROSSESSE<br />

de dix mois d'allaitem<strong>en</strong>t, lorsqu'elle sevra son <strong>en</strong>-<br />

fant le délire éclata <strong>en</strong>core; <strong>en</strong>fin le troisième ac-<br />

couchem<strong>en</strong>t, comme le premier, fut suivi immédia-<br />

tem<strong>en</strong>t d'un accès maniaque pour lequel la malade<br />

fut mise dans une maison d'aliénés. Vers le 3 juin,<br />

son mari la reprit chez elle, bi<strong>en</strong> qu'elle ne fût pas<br />

<strong>en</strong>core guérie ; le 18, il fut forcé de la remettre à<br />

Char<strong>en</strong>ton ; c'est dans ce court intervalle de temps<br />

qu'elle devint <strong>en</strong>ceinte. Au mom<strong>en</strong>t de son <strong>en</strong>trée,<br />

on raconte que ses accès débutai<strong>en</strong>t par de l'in-<br />

somnie, de la loquacité, des p<strong>en</strong>chants erotiques très-<br />

prononcés ; <strong>en</strong> même temps elle bouleversait son<br />

ménage, rudoyait son <strong>en</strong>fant et discutait sans cesse<br />

avec son mari.<br />

Peu après son <strong>en</strong>trée dans la maison, la malade<br />

redevint plus calme, plus régulière dans ses habi-<br />

tudes ; vers la fin du troisième mois de la grossesse,<br />

l'amélioration était tellem<strong>en</strong>t considérable qu'on dut<br />

lui accorder sa sortie; l'accès avait duré quatre mois.<br />

Je n'ai pu me procurer sur la malade de r<strong>en</strong>sei-<br />

gnem<strong>en</strong>ts ultérieurs.<br />

26« Observation. — Manie avec p<strong>en</strong>chants erotiques. Grossesse;<br />

guérison (l).<br />

Une jeune personne fut saisie aussitôt après ses<br />

(1) Obsorv. du doct. Ménard de Lunel, Journal de méd. et de<br />

chirurgie pratiques, 183i, § 362.


SUR LA MARCHE DE l'ALIÉNATION MENTALE. il9<br />

noces, d'une vraie manie erotique qui lui fil com-<br />

meltre les actions les plus indéc<strong>en</strong>tes. Elle ress<strong>en</strong>tait<br />

vers les parties génitales un prurit continuel et plein<br />

de volupté. Les caresses de son mari ne pouvant la<br />

satisfaire , elle éprouvait les plus vifs désirs de<br />

se livrer à la prostitution. Cet état dura deux ou<br />

trois mois, au bout desquels elle devint grosse et<br />

recouvra sa tranquillité pour toujours.<br />

27e Observation. — Épilepsie avec accid<strong>en</strong>ts nerveux. Grossesse<br />

et accouchem<strong>en</strong>t; guérison (1).<br />

Une dame d'un tempéram<strong>en</strong>t nerveux, et su-<br />

jette à des accès d'épilepsie, perdit son mari à l'âge<br />

de 25 ans.<br />

Bi<strong>en</strong>tôt ses accès se rapprochèr<strong>en</strong>t et il se joignit<br />

dans les intervalles des accid<strong>en</strong>ts nerveux, des trem-<br />

blem<strong>en</strong>ts convulsifs, accompagnés d'une grande<br />

ardeur pour les plaisirs vénéri<strong>en</strong>s.<br />

Cette femme devint grosse furtivem<strong>en</strong>t et fut aus-<br />

sitôt débarrassée de ses accid<strong>en</strong>ts nerveux. Depuis ses<br />

couches, elle est grasse et bi<strong>en</strong> portante.<br />

(i) Doct. Mcnard de Lunel^ Journal de médec. et de chirurgie<br />

pratiques, loc. cit.


CHAPITRE III.<br />

DE LA RESPONSABILITÉ LÉGALE DES FEMMES ENCEINTES.<br />

De tout temps on a été porté à regarder la femme<br />

<strong>en</strong>ceinte comme sujette à des <strong>en</strong>vies, à des désirs<br />

irrésistibles qui lui <strong>en</strong>lèv<strong>en</strong>t sa liberté morale et la<br />

r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t irresponsable de certains actes. Ce n'était<br />

d'ailleurs là qu'une conséqu<strong>en</strong>ce naturelle de la<br />

théorie physiologique qui établissait sur des preuves<br />

qu'on regardait comme certaines, la réciproque in-<br />

flu<strong>en</strong>ce que la mère et l'<strong>en</strong>fant exerçai<strong>en</strong>t l'un sur<br />

l'autre; si l'<strong>en</strong>fant déterminait chez sa mère des<br />

désirs insolites, des impulsions irrésistibles, de son<br />

côté la mère transmettait à l'<strong>en</strong>fant l'image des<br />

personnes qui avai<strong>en</strong>t attiré son att<strong>en</strong>tion p<strong>en</strong>dant<br />

qu'elle était <strong>en</strong>ceinte, ou des objets qu'elle avait<br />

convoités sans pouvoir les obt<strong>en</strong>ir; d'où certaines<br />

ressemblances, certaines difformités, dont on re-<br />

trouvait toujours la cause dans un exam<strong>en</strong> scru-<br />

puleux et rétrospectif des divers incid<strong>en</strong>ts de la<br />

grossesse.<br />

On sait que chez les Grecs, quelques femmes<br />

\


DE LA RESPONSABILITÉ LÉGALE, ETC. 121<br />

grosses aimai<strong>en</strong>t à s'<strong>en</strong>tourer de statues et de ta-<br />

bleaux représ<strong>en</strong>tant quelque type de beauté, afin<br />

de pouvoir transmettre à leur <strong>en</strong>fant quelque chose<br />

des traits qu'elles avai<strong>en</strong>t sous les yeux. On sait<br />

aussi quelle influ<strong>en</strong>ce certaines personnes, par un<br />

reste de préjugé populaire, attach<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core à la<br />

vue des objets capables de frapper l'imagination des<br />

femmes <strong>en</strong>ceintes, et les faits ne leur manqu<strong>en</strong>t pas<br />

pour appuyer leur opinion. Toutes les monstruosités<br />

dans lesquelles, soit par arrêt de développem<strong>en</strong>t,<br />

soit par vice de conformation de certains os, la tête<br />

du fœtus acquiert une ressemblance grossière avec<br />

une tête de poisson, de chi<strong>en</strong> ou d'oiseau, ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

uniquem<strong>en</strong>t, d'après elles, à ce que la mère a éprouvé<br />

p<strong>en</strong>dant sa grossesse quelque vive émotion morale à<br />

propos d'un de ces animaux : lorsque le nouveau-né<br />

a un bec de lièvre, on retrouve toujours que, p<strong>en</strong>-<br />

dant sa grossesse, la mère a vivem<strong>en</strong>t désiré de man-<br />

ger du lièvre sans pouvoir satisfaire son <strong>en</strong>vie; et si<br />

l'<strong>en</strong>fant porte un de ces naevus vasculaires dont la<br />

surface est parfois mamelonnée, qui pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t au<br />

printemps une teinte plus vive, et offr<strong>en</strong>t avec une<br />

cerise, une fraise, une framboise, quelque analogie<br />

grossière, incontestablem<strong>en</strong>t il faut l'attribuer à<br />

ce que la mère a eu quelque <strong>en</strong>vie démesurée de<br />

l'un de ces fruits. On voit d'ailleurs, dans cer-<br />

tains livres spéciaux, combi<strong>en</strong> d'histoires non moins<br />

grotesques qu'étranges, éparses dans Gali<strong>en</strong>, Bar-


4 22 DE LA RESPONSABILITÉ LÉGALE<br />

tliolin, Kerkringius, Van Swiel<strong>en</strong>, ont été réunies<br />

et discutées à plaisir par les compilateurs (1).<br />

Avec cette opinion bi<strong>en</strong> arrêtée, émise gravem<strong>en</strong>t<br />

par quelques médecins et acceptée par le vulgaire,<br />

qu'on ne pouvait, sans causer de préjudice à l'<strong>en</strong>fant,<br />

s'opposer aux <strong>en</strong>vies de la mère, on compr<strong>en</strong>d avec<br />

quelle facilité certaines femmes extravagantes et<br />

rusées pouvai<strong>en</strong>t abuser de leur position, et l'on<br />

s'explique jusqu'à un certain point les récits étranges<br />

que l'on trouve dans Osiander et dans Roderic a<br />

Castro. Ce dernier raconte l'histoire d'une femme<br />

<strong>en</strong>ceinte qui voulait absolum<strong>en</strong>t manger l'épaule<br />

d'un boulanger; le mari fut obligé de conv<strong>en</strong>ir avec<br />

cet homme d'une certaine somme pour chaque<br />

morsure qu'elle lui ferait; il souffrit les deux pre-<br />

mières, mais ne put cons<strong>en</strong>tir à s'<strong>en</strong> laisser faire une<br />

troisième : aussi cette femme accoucha peu de temps<br />

après de trois <strong>en</strong>fants, dont deux étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> vie et<br />

le troisième mort. Dans son Comm<strong>en</strong>taire sur<br />

la Cilé de Dieu de saint Augustin, Vives parle<br />

d'une femme <strong>en</strong>ceinte qui mordit au cou un<br />

jeune homme qui eut la complaisance de s'y prê-<br />

ter, mais <strong>en</strong> souffrit horriblem<strong>en</strong>t.<br />

(1) Jacques Blondcl, Dissertation sur la force de Vimagination<br />

des femmes <strong>en</strong>ceintes sur le fœtus, traduit de l'anglais par Albert<br />

Biun. I.eyde, 1739. Supplém<strong>en</strong>t^ p. lOo et suiv.<br />

B<strong>en</strong>jamin Bablot, conseiller médecin ordinaire du roi, à Châ-<br />

lons sur-Marne, Dissertation sur le pouvoir de l imagination des<br />

femmes <strong>en</strong>ceintes. Paris, 1788.


DES FEMMES ENCEINTES. 123<br />

Cette croyance à la diminution de la liberté mo-<br />

rale chez la femme <strong>en</strong>ceinle n'était pas d'ailleurs un<br />

simple préjugé populaire, elle était passée jusque<br />

dans la législation. La loi du 28 germinal an III,<br />

abrogée lors de la rédaction du Code civil, voulait<br />

qu'une femme prév<strong>en</strong>ue d'un crime emportant la<br />

peine de mort, ne pût être mise <strong>en</strong> jugem<strong>en</strong>t avant<br />

qu'il eût été vérifié qu'elle n'était pas <strong>en</strong>ceinte.<br />

L'oubli de la visite propre à constater une grossesse<br />

fit casser un jugem<strong>en</strong>t de la cour criminelle du dé-<br />

partem<strong>en</strong>t de la Dyle, non-seulem<strong>en</strong>t à cause des<br />

émotions qui pourrai<strong>en</strong>t compromettre la vie de<br />

l'<strong>en</strong>fant, mais <strong>en</strong>core parce que, dans cette situation,<br />

une femme pourrait ne pas avoir toute la prés<strong>en</strong>ce<br />

d'esprit nécessaire à la déf<strong>en</strong>se (1).<br />

Au milieu de cet <strong>en</strong>semble de faits, quels sont<br />

ceux qui, au point de vue de la médecine légale<br />

et de la pathologie m<strong>en</strong>tale doiv<strong>en</strong>t être rejetés?<br />

Quels sont ceux qu'il faut admettre?<br />

L'influ<strong>en</strong>ce de l'imagination de la mère sur la<br />

production des <strong>en</strong>vies et des difformités, combattue<br />

gravem<strong>en</strong>t au nom de la logique et de l'expéri<strong>en</strong>ce<br />

par plus d'un auteur (2), n'est même plus main-<br />

t<strong>en</strong>ant discutée ; elle est rangée avec raison au nom-<br />

(1) Eusèbe de Salies, Traité de médecine légale, p. 171 (Ency-<br />

clop. méd.).<br />

(2) Demangeon, De l'imagination considérée dans ses effets di-<br />

rects sur l'homme et sur les animaux. Paris, 1829.


124 DE LA RESPONSABILITÉ LÉGALE<br />

bre des fables et dos préjugés; mais faut-il admettre<br />

que l'état de grossesse puisse déterminer cbez cer-<br />

taines femmes, d'ailleurs saines d'esprit, des impul-<br />

sions irrésistibles qui pourrai<strong>en</strong>t altérer dans cer-<br />

taines limites leur liberté morale, et pr<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t<br />

alors le rang et l'importance d'une véritable mono-<br />

manie ?<br />

Ainsi que l'a fait remarquer le docteur Jôrg, dans<br />

son ouvrage sur la responsabilité morale des femmes<br />

grosses et des nouvelles accouchées (1), une dis-<br />

tinction doit être établie <strong>en</strong>tre ces désirs irrésistibles<br />

dont on a rapporté tant d'exemples. Il <strong>en</strong> est qui<br />

port<strong>en</strong>t uniquem<strong>en</strong>t sur certains alim<strong>en</strong>ts remar-<br />

quables par leur acidité ou leur forte saveur; il <strong>en</strong><br />

est d'autres qui port<strong>en</strong>t sur de l'arg<strong>en</strong>t, sur des<br />

objets de toilette que les femmes convoit<strong>en</strong>t au point<br />

de chercher à les dérober. Les premiers se con-<br />

çoiv<strong>en</strong>t et s'expliqu<strong>en</strong>t sans peine ; l'utérus fécondé<br />

détermine une suractivité organique qui influe sur<br />

tout le système digestif et détermine parfois des<br />

vomissem<strong>en</strong>ts et de la dyspepsie, mais parfois aussi<br />

une augm<strong>en</strong>tation de l'appétit et des fonctions assi-<br />

milatrices; or, on conçoit qu'un estomac ainsi excité<br />

puisse convoiter avec ardeur tel ou tel alim<strong>en</strong>t. Mais,<br />

ajoute le même auteui', le cours de la grossesse et<br />

les modifications qu'elle apporte dans l'<strong>en</strong>semble de<br />

(1) Doct. Jôrg, Die Zurechnungsfahigkeit der Schwangern und<br />

Gebàr<strong>en</strong>d<strong>en</strong>, 3^ chap. Leipzig, 1837.


DES FEMMES ENCEINTES. 125<br />

l'organisme ne justifi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> aucune façon l'opinion<br />

d'après laquelle les femmes <strong>en</strong>ceintes serai<strong>en</strong>t do-<br />

minées par un besoin irrésistible de voler ou de se<br />

livrer à des voies de fait <strong>en</strong>vers les personnes. Lors-<br />

que des femmes <strong>en</strong>ceintes se sont r<strong>en</strong>dues coupa-<br />

bles de ces fautes ou d'autres semblables, elles y ont<br />

été conduites, non par leur état de grossesse, mais<br />

par un mauvais p<strong>en</strong>chant ou une grossière erreur.<br />

Et ce qui prouve, suivant le docteur Jôrg, toute<br />

la liberté morale dont les femmes jouiss<strong>en</strong>t alors,<br />

c'est que les personnes de la basse classe qui se lais-<br />

s<strong>en</strong>t aller volontiers aux <strong>en</strong>vies qu'elles éprouv<strong>en</strong>t<br />

relativem<strong>en</strong>t aux alim<strong>en</strong>ts, sav<strong>en</strong>t très-bi<strong>en</strong> s'abs-<br />

t<strong>en</strong>ir de voler ou de commettre d'autres faits illi-<br />

cites, de peur de faire naître dans leurs <strong>en</strong>fants<br />

une prédisposition à commettre des faits sem-<br />

blables.<br />

Nous partageons complètem<strong>en</strong>t l'opinion du doc-<br />

teur Jôrg, nous admettons que l'état de grossesse<br />

peut déterminer à lui seul des troubles dyspeptiques<br />

variés, mais non des impulsions irrésistibles qui<br />

anéantiss<strong>en</strong>t le libre arbitre. Aussi le médecin légiste<br />

appelé à décider de l'état m<strong>en</strong>tal d'une femme <strong>en</strong>-<br />

ceinte qui invoquera son élat pour excuser un délit<br />

ou un cri me, devra faire abstraction de ce fait pour<br />

se borner à un exam<strong>en</strong> approfondi de l'état m<strong>en</strong>tal,<br />

<strong>en</strong> se rappelant que la vérité ressortira bi<strong>en</strong> plus<br />

des circonstances qui ont précédé ou accompagné


126 DE LA RESPONSABILITÉ LÉGALE<br />

le délit, que de la considération de l'état de gros-<br />

sesse, qui jamais ne servira de preuve directe; c'est<br />

ce qu'avait déjà établi la Faculté de Halle qui, con-<br />

sultée sur la possibilité d'une impulsion irrésistible<br />

chez une femme <strong>en</strong>ceinte, répondit que le fait était<br />

possible abstractivem<strong>en</strong>t, mais qu'une opinion posi-<br />

tive ne pouvait être donnée dans un cas particulier,<br />

sans connaître les circonstances qui l'avai<strong>en</strong>t accom-<br />

pagné. Citons quelques exemples :<br />

Une femme <strong>en</strong>ceinte accusée d'avoir voulu ouvrir<br />

la porte d'une chambre où étai<strong>en</strong>t certains objets<br />

de prix, prétexta pour sa déf<strong>en</strong>se un motif viol<strong>en</strong>t<br />

de jalousie contre son mari, qu'elle croyait <strong>en</strong>fermé<br />

dans cette chambre avec une de ses maîtresses.<br />

Une couturière emporte un couvert d'arg<strong>en</strong>t<br />

qu'elle aperçoit dans un saladier sur un buffet ;<br />

accusée de vol, elle répond que ce couvert s'était<br />

malheureusem<strong>en</strong>t trouvé dans une poignée de laitue<br />

qu'elle avait prise <strong>en</strong> passant pour satisfaire une<br />

<strong>en</strong>vie de grossesse (1)<br />

.<br />

La Gazette des Tribunaux (nov. 1857) a donné<br />

l'histoire d'une voleuse très-adroite surnommée la<br />

femme <strong>en</strong>ceinte : toutes les fois qu'elle était prise<br />

<strong>en</strong> flagrant délit, elle prétextait un état de grossesse<br />

qui la poussait au vol d'une manière insurmontable;<br />

mais ri<strong>en</strong> dans ses antécéd<strong>en</strong>ts, ri<strong>en</strong> dans son état<br />

'i<br />

(1) Capuron, Traité d'accouchem<strong>en</strong>ts^ 4e partie, p.


DES FEM3IES ENCEINTES. 427<br />

m<strong>en</strong>tal ne justifiait celte allégation, que jamais les<br />

tribunaux ne prir<strong>en</strong>t au sérieux.<br />

Voilà des cas où le prétexte est si grossier qu'il<br />

ne souti<strong>en</strong>t même pas la discussion.<br />

Mais à côté de ces faits, on <strong>en</strong> r<strong>en</strong>contre d'autres<br />

dans lesquels l'exam<strong>en</strong> médical de l'inculpée ne<br />

peut laisser aucun doute sur l'exist<strong>en</strong>ce d'une véri-<br />

table monomanie. Parmi toutes les monomanies,<br />

celles qu'on r<strong>en</strong>contre le plus souv<strong>en</strong>t alors sont<br />

caractérisées par une impulsion irrésistible, et dites<br />

impulsives ou instinctives. Sans exclure l'idée d'une<br />

autre lésion intellectuelle concomitante, elles n'<strong>en</strong><br />

offr<strong>en</strong>t pas moins un cachet tout spécial.<br />

Marc raconte le fait d'une dame riche, et appar-<br />

t<strong>en</strong>ant à une classe élevée de la société, qui; étant<br />

<strong>en</strong>ceinte, déroba une volaille exposée chez un rôtis-<br />

seur, dans le but d'apaiser le vif appétit que l'odeur<br />

et la vue de ce plat avai<strong>en</strong>t développé <strong>en</strong> elle (1).<br />

M.Girard d'Âuxerre a fait acquitter une damequi,<br />

au milieu de symptômes nombreux d'aliénation<br />

m<strong>en</strong>tale, offrait une kleptomanie, qui se traduisait<br />

p<strong>en</strong>dant les grossesses et même dans leur intervalle<br />

par des vols répétés (2).<br />

Une fille Choleau, traduite comme inc<strong>en</strong>diaire<br />

devant le cour de Maine-et-Loire, était <strong>en</strong>ceinte de<br />

(1) Marc, De la folie dai^s ses rapports avec les questions médico-<br />

judiciaires. Paris^ 1840, t. H, p. 262.<br />

(2) Annales méd.psychoL, t. VI,


128 DE LA RESPONSABILITÉ LÉGALE<br />

sept mois; elle protesta qu'elle avait mis le feu par<br />

instinct, par irrésistible besoin. Peut-être serait-on<br />

arrivé à démontrer l'exist<strong>en</strong>ce d'une pyromanie, si<br />

l'exam<strong>en</strong> médico-légal avait été fait avec soin et par<br />

des hommes compét<strong>en</strong>ts (1 )<br />

Langius cite une paysanne des <strong>en</strong>virons de Cologne,<br />

qui p<strong>en</strong>dant sa grossesse, désirant manger la chair<br />

de son mari, l'assassina pour satisfaire son féroce<br />

appétit, et <strong>en</strong> sala une grande partie pour <strong>en</strong> jouir<br />

plus longtemps. Si le fait est vrai, bi<strong>en</strong> évidemm<strong>en</strong>t<br />

cette femme était aliénée.<br />

Georget parle d'une femme de Mons, mère de<br />

cinq <strong>en</strong>fants, et <strong>en</strong>ceinte de cinq mois, qui a pré-<br />

cipité dans un puits trois de ses <strong>en</strong>fants, et s'y est<br />

<strong>en</strong>suite jetée elle-même; elle avait fait demander<br />

celui de ses <strong>en</strong>fants qui était <strong>en</strong>core <strong>en</strong> nourrice,<br />

et avait <strong>en</strong>voyé au cinquième, qui était <strong>en</strong> p<strong>en</strong>sion,<br />

un gâteau empoisonné (2).<br />

Dans ces cas et dans les cas analogues, il faut<br />

procéder à l'exam<strong>en</strong> médico-légal selon les règles<br />

suivies d'ordinaire dans l'étude des monomanies;<br />

il faut pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> considération les motifs du délit<br />

ou du crime , et les circonstances qui l'ont accom-<br />

pagné ; il faut s'assurer des antécéd<strong>en</strong>ts héréditaires,<br />

de l'état m<strong>en</strong>tal antérieur, rechercher quelles ont<br />

(1) Marc, loc. cit., t. Il, p. 228.<br />

(2) Georget, Considérât, médico-légales sur la liberté morale,<br />

p. 132.<br />

.


DES FEMMES ENCEINTES. 129<br />

été p<strong>en</strong>dant la grossesse, les dispositions morales :<br />

il est bi<strong>en</strong> rare, <strong>en</strong> effet, qu'une lésion intellectuelle<br />

soit tout à fait isolée ; le plus souv<strong>en</strong>t on trouvera,<br />

soit dans les actes des malades, soit dans l'exam<strong>en</strong><br />

des fonctions intellectuelles et des s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts affec-<br />

tifs, des circonstances qui pourront corroborer ou<br />

éloigner les soupçons d'aliénation m<strong>en</strong>tale.<br />

Je citerai pour exemple la relation très-abrégée<br />

d'un procès qui fut porté, <strong>en</strong> 1854, devant la cour<br />

d'assises de l'Aube, et dans lequel une femme <strong>en</strong>-<br />

ceinte fut accusée d'avoir t<strong>en</strong>té d'empoisonner son<br />

mari. On y voit que l'inculpée avait des antécéd<strong>en</strong>ts<br />

héréditaires fâcheux, elle offrait de la t<strong>en</strong>dance à la<br />

tristesse ; dans certains mom<strong>en</strong>ts, elle était comme<br />

idiote ; aucun motif ne l'avait portée à commettre ce<br />

crime, elle-même <strong>en</strong> avouait tous les détails, disant<br />

qu'elle avait formé son projet sous l'influ<strong>en</strong>ce d'une<br />

impulsion irrésistible ; le jury admit l'exist<strong>en</strong>ce d'une<br />

monomanie et r<strong>en</strong>dit un verdict d'acquittem<strong>en</strong>t.<br />

28e Observation.<br />

Un ouvrier nommé Baudry, récemm<strong>en</strong>t libéré du<br />

service mihtaire, avait épousé une jeune femme de<br />

18 ans, et vivait avec elle dans la meilleure intelli-<br />

g<strong>en</strong>ce : il lui arriva cep<strong>en</strong>dant d'être étonné, età<br />

plusieurs reprises, des mots étranges qu'il lui <strong>en</strong>-<br />

9


13^) DE LA RESPONSABILITÉ LÉGALE<br />

t<strong>en</strong>dait prononcer. Ainsi, un jour, p<strong>en</strong>dant que tous<br />

deux étai<strong>en</strong>t à leur travail, elle dit à son mari, sans<br />

que ri<strong>en</strong> ait pu justifier cette remarque : Vous mour-<br />

rez celte année, et moi aussi.<br />

Le 3 janvier 1835, Baudry après avoir fini son<br />

travail, vint souper vers six heures du soir : après<br />

son re[)as, il alla au buffet pour y pr<strong>en</strong>dre un reste<br />

de prunes cuites, dont il avait mangé le matin ; il<br />

leur trouva un goût amer et s'écria qu'elles étai<strong>en</strong>t<br />

gâtées ou empoisonnées. Mais sa femme, alors <strong>en</strong>-<br />

ceinte de qucl(jues mois, ne lui fit qu'une réponse<br />

évasive et s'empressa de tout jeter hors de la maison.<br />

Une heure après ce repas, Baudry éprouva tous les<br />

svmplùmes d'un empoisonnem<strong>en</strong>t : le l<strong>en</strong>demain<br />

matin, on découvre dans les poches d'une robe des<br />

morceaux de vitriol bleu : pressée de questions, la<br />

femme Baudry avoue qu'elle a eu l'idée d'empoi-<br />

sonner son mari : Tuez-moi , dit-elle, je suis coupa-<br />

ble. En prés<strong>en</strong>ce du commissaire de police et des<br />

voisins, elle r<strong>en</strong>ouvelle ses aveux. Questionnée sur<br />

les motifs qui l'avai<strong>en</strong>t poussée à commettre le crime,<br />

elle répondit qu'elle ne pouvait expliquer comm<strong>en</strong>t<br />

cette idée lui était v<strong>en</strong>ue à l'esprit, qu'elle avait<br />

formé so résolution sans pouvoir résister; puis elle<br />

raconta d'elle-même comm<strong>en</strong>t elle avait mélangé le<br />

vitriol au tabac de son mari ainsi qu'au plat de<br />

prunes qui devait faire partie de son repas L'<strong>en</strong>-<br />

quête apprit que l'inculpée avait un caractère diffi-


DES FEMMES ENCEINTES. !3Î<br />

cile et une grande t<strong>en</strong>dance à la tristesse, qu'elle<br />

était peu intellig<strong>en</strong>te, et que par instants elle sem-<br />

blait idiote au point que les <strong>en</strong>fants courai<strong>en</strong>t dans<br />

les rues après elle : aussi son mari lui-même, attri-<br />

buant à l'état de grossesse cette t<strong>en</strong>tative criminelle,<br />

demanda qu'elle lui fût r<strong>en</strong>due. Le ministère public<br />

soutint l'accusation <strong>en</strong> demandant jusqu'à quel point<br />

la grossesse avait altéré la liberté morale ; mais le<br />

jury, après quelques instants de délibération , r<strong>en</strong>dit<br />

un verdict d'acquittem<strong>en</strong>t.<br />

Si, après un exam<strong>en</strong> att<strong>en</strong>tif, le médecin arrive à<br />

cette conclusion que la femme n'est pas aliénée et<br />

n'a pas agi sous l'influ<strong>en</strong>ce d'une lésion intellec-<br />

tuelle, est-il du moins permis d'invoquer la gros-<br />

sesse comme circonstance atténuante? Nous avons<br />

décrit chez la femme <strong>en</strong>ceinte un état moral inter-<br />

médiaire, bi<strong>en</strong> distinct de la folie, mais fort éloigné<br />

d'un équilibre intellectuel parfait. Nous avons dit<br />

que l'état de malaise physique et moral qui accom-<br />

pagne la plupart des grossesses pouvait <strong>en</strong>voler à<br />

l'esprit une partie de sa netteté et de sa vigueur, et<br />

exercer sur l'état moral une influ<strong>en</strong>ce d'autant plus<br />

grande que les circonstances concomitantes sont par<br />

elles-mêmes plus fâcheuses. C'est ce qu'on observe<br />

tous les jours chez des filles séduites, abandonnées<br />

dans la misère la plus profonde, et réduites à un tel<br />

désespoir que leurs déterminations ne sont plus mo-


132 DE LA RESPONSABILITÉ LÉGALE<br />

tivées ni par la raison, ni par le sang-froid. N'ou-<br />

blions pas d'ailleurs que, dans tous ces cas, la res-<br />

ponsabilité morale peut être amoindrie, mais jamais<br />

anéantie complètem<strong>en</strong>t. C'est au médecin à appré-<br />

cier minutieusem<strong>en</strong>t toutes les circonstances du<br />

crime, à discuter leur nature et leur valeur, et <strong>en</strong> cas<br />

d'incertitude, à se rattacher à l'opinion qui semble<br />

réunir le plus de probabilités.<br />

C'est ce qu'a fait Leuret, dans un cas de cette<br />

nature où il fut appelé à donner son avis : une<br />

femme R... avait, p<strong>en</strong>dant sa grossesse, fait des<br />

blessures mortelles à deux de ses <strong>en</strong>fants :<br />

l'instruc-<br />

tion et un rapport d'Ollivier d'Angers, démon-<br />

trèr<strong>en</strong>t le fait d'une manière irrécusable; mais on<br />

allégua qu'il avait pu exister chez l'inculpée une<br />

affection ayant troublé mom<strong>en</strong>taném<strong>en</strong>t l'exercice<br />

habituel de ses facultés m<strong>en</strong>tales. Leuret constata<br />

que la mère de la femme R... et plusieurs de ses<br />

par<strong>en</strong>ts avai<strong>en</strong>t été aliénés, que la femme R... ne<br />

délirait sur aucun point, qu'elle n'avait ni halluci-<br />

nations, ni impulsions homicides, qu'elle ne pré-<br />

s<strong>en</strong>tait <strong>en</strong> un mot aucun signe évid<strong>en</strong>t d'aliénation<br />

m<strong>en</strong>tale ; néanmoins, pr<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> considération les<br />

antécéd<strong>en</strong>ts héréditaires de cette femme, son tem-<br />

péram<strong>en</strong>t nerveux , son caractère viol<strong>en</strong>t et em-<br />

porté, r<strong>en</strong>du plus irritable <strong>en</strong>core par l'état de gros-<br />

sesse, Leuret déclara qu'il n'était pas impossible que<br />

la femme R... eût agi par suite de quelque affection


DES FEMMES ENCEINTES. 133<br />

ayant troublé mom<strong>en</strong>taném<strong>en</strong>t l'exercice de ses<br />

facultés m<strong>en</strong>tales. La cour, t<strong>en</strong>ant compte de cette<br />

opinion, reconnut l'inculpée coupable de coups et<br />

blessures, mais sans int<strong>en</strong>tion de donner la mort (1).<br />

(1) Annal, d'hygiène et de médecine légale, l^e série, 1837,<br />

t. XVII, p. 400.


TROISIEME SECTION.<br />

DE LA FOLIE TRANSITOIRE AU MOMENT DE L ACCOUCHEMENT.<br />

§ 1". — Le travail de l'accouchem<strong>en</strong>t, surtout à sa<br />

d<strong>en</strong>rière période, alors que les douleurs devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

déchirantes et que les efforts d'expulsion ont une<br />

énergie désespérée, peut à lui seul troubler pro-<br />

fondém<strong>en</strong>t l'intellig<strong>en</strong>ce. Tous les accoucheurs ont<br />

décrit l'agitation et l'anxiété qui survi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t dans<br />

les mom<strong>en</strong>ts ultimes de l'<strong>en</strong>fantem<strong>en</strong>t : chaque<br />

douleur débute par un tremblem<strong>en</strong>t presque con-<br />

vulsif des membres; bi<strong>en</strong>tôt les yeux devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

hagards, les traits se crisp<strong>en</strong>t, le corps se couvre de<br />

sueur ;i"humeur s'altère et devi<strong>en</strong>t irritable, la ma-<br />

lade n'a plus consci<strong>en</strong>ce de son état et de ri<strong>en</strong> de<br />

ce qui l'<strong>en</strong>toure; exaspérée par la douleur, elle<br />

s'emporte contre le médecin qui l'assiste, le presse<br />

de terminer l'accouchem<strong>en</strong>t , l'accuse de cruauté,<br />

demande qu'on <strong>en</strong> finisse à tout prix, s'efforce elle-<br />

même, au mom<strong>en</strong>t où la tête va franchir l'orifice,<br />

de porter les mains sur le fœtus pour exercer des<br />

tractions sur lui, <strong>en</strong>fin elle se laisse aller <strong>en</strong> impré-


DE LA FOLIE TRANSITOIRE, ETC. 135<br />

cations contre Je mari, contre l'<strong>en</strong>fant qui est la<br />

cause de toutes ses souffrances, et pour lequel les<br />

s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts maternels s'éveilleront seulem<strong>en</strong>t plus<br />

tard. Il suffît d'avoir pratiqué dans les hôpitaux qui<br />

reçoiv<strong>en</strong>t des femmes <strong>en</strong> couches, pour voir avec<br />

quelle uniformité d'expressions certaines malades,<br />

lorsqu'on les interroge p<strong>en</strong>dant un travail très-dou-<br />

loureux, manifest<strong>en</strong>t leurs s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts d'aversion<br />

pour l'<strong>en</strong>fant qui va naître et pour le père quel<br />

qu'il soit : «J'ai vu, dit Wigand, plusieurs femmes<br />

«honnêtes, instruites, pieuses, qui, dans le cha-<br />

« grin et la fureur que leur faisai<strong>en</strong>t éprouver les<br />

« dernières et viol<strong>en</strong>tes douleurs de l'<strong>en</strong>fantem<strong>en</strong>t,<br />

« ne pouvai<strong>en</strong>t, même après plusieurs heures, souf-<br />

« frir la prés<strong>en</strong>ce ni de leur mari, malgré toute l'af-<br />

« fection qu'elles avai<strong>en</strong>t autrefois pour lui, ni de<br />

« l'<strong>en</strong>fant, même lorsqu'elles l'avai<strong>en</strong>t ardemm<strong>en</strong>t<br />

« désiré (1). »<br />

Dans quelques cas, le travail de l'accouchem<strong>en</strong>t<br />

détermine une telle secousse que l'intellig<strong>en</strong>ce <strong>en</strong><br />

est <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> plus vivem<strong>en</strong>t ébranlée, et qu'un<br />

véritable délire maniaque peut éclater; les faits de<br />

ce g<strong>en</strong>re ne sont pas très- communs, et quelques<br />

médecins ont pu parcourir une longue carrière sans<br />

avoir eu l'occasion d'<strong>en</strong> observer; néanmoins le<br />

pratici<strong>en</strong> a besoin d'être édifié sur la valeur d'un<br />

(1) Doct. Jôrg, loc. cit., p. 326.


136 DE LA FOLIE TRANSITOIRE<br />

symptôme, assez effrayant au premier abord, et qui<br />

ne manque pas d'importance sous le rapport des<br />

considérations médico-légales qui s'y rattach<strong>en</strong>t.<br />

Au point de vue de la forme du délire, ces faits<br />

se rang<strong>en</strong>t <strong>en</strong> deux catégories : dans les uns, les ac-<br />

tions et les paroles sont d'une égale incohér<strong>en</strong>ce;<br />

dans les autres, les actes délirants, motivés par les<br />

vives douleurs de l'<strong>en</strong>fantem<strong>en</strong>t, se rattach<strong>en</strong>t lo-<br />

giquem<strong>en</strong>t à leur point de départ; ainsi, certaines<br />

femmes, au milieu d'un véritable accès de fureur,<br />

cherch<strong>en</strong>t à exercer, sur elles-mêmes ou sur l'<strong>en</strong>-<br />

fant, des actes de viol<strong>en</strong>ce pour abréger leurs souf-<br />

frances. Osiander a délivré de deux jumeaux une<br />

femme que deux hommes vigoureux pouvai<strong>en</strong>t à<br />

peine écarter de la f<strong>en</strong>être par laquelle elle voulait<br />

se précipiter. Le même médecin a observé, à Stras-<br />

bourg, une femme pléthorique qui, au milieu des<br />

douleurs de l'accouchem<strong>en</strong>t, demandait à grands<br />

cris qu'on lui ouvrit le v<strong>en</strong>tre, et qui même s'était<br />

procuré un couteau pour exécuter ce projet. — Une<br />

négresse, citée par le même auteur, saisie de dé-<br />

lire au milieu d'un travail long et douloureux, s'ou-<br />

vrit le v<strong>en</strong>tre, fit l'extraction de l'<strong>en</strong>fant et finit par<br />

guérir (1).<br />

Mais dans un grand nombre de cas, le trouble<br />

intellectuel est plus général et revêt tous les carac-<br />

(1) Doct. Jôrg, loc. cit., p. 327.


AU MOMEM DE l'aCCOLCHEMEM. 137<br />

tères de la manie suraiguë : Tincohér<strong>en</strong>ce est com-<br />

plète, les malades n'ont nullem<strong>en</strong>t consci<strong>en</strong>ce de<br />

leur éfat, et ri<strong>en</strong> dans les manifestations morbides<br />

ne trahit les causes physiques et morales qui ont<br />

donné naissance au délire. Nous n'avons par nousmême<br />

r<strong>en</strong>contré aucun fait de cette nature, mais<br />

on <strong>en</strong> trouve <strong>en</strong>core un assez grand nombre épars<br />

çà et là dans les auteurs.<br />

Prost, dès 1807 (1), avait raconté le fait suivant,<br />

que nous acceptons, mais sans lui donner l'inter-<br />

prétation que lui assigne son auteur :<br />

Il y a vingt-cinq ans <strong>en</strong>viron que la femme La-<br />

luise, de Bourbon-l'Archambault, dans les douleurs<br />

de l'<strong>en</strong>fantem<strong>en</strong>t, fut subitem<strong>en</strong>t affectée de dé-<br />

lire; la dém<strong>en</strong>ce devint telle qu'on ne put ri<strong>en</strong> exé-<br />

cuter pour term.iner l'accouchem<strong>en</strong>t qui ne pou-<br />

vait s'opérer sans le secours de l'art, vu la position<br />

où était <strong>en</strong>gagé l'<strong>en</strong>fant. P<strong>en</strong>dant deux jours la dé-<br />

m<strong>en</strong>ce fut continuelle; à cette époque survint un<br />

vomissem<strong>en</strong>t dans lequel trois vers lombricaux<br />

fur<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>dus vivants; dès lors cette malade fut<br />

5<br />

calmée, la raison se rétablit, l'accouchem<strong>en</strong>t fut<br />

terminé, et elle n'a donné aucun signe de folie de-<br />

puis cette époque.<br />

Sans vouloir nier l'exist<strong>en</strong>ce des maladies sympa-<br />

thiques d'une diathèse vermineuse, nous p<strong>en</strong>sons<br />

(1) Prost, 2e Discours sur la folie, p. 25.


138 DE LA FOLIE TRANSITOIRE<br />

que, dans le cas prés<strong>en</strong>t, cette étiologie est inadmis-<br />

sible ; ce n'est pas à la prés<strong>en</strong>ce de trois verslombri-<br />

caux, mais bi<strong>en</strong> à la prolongation du travail de<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t que doit être attribué le délire, et<br />

si ce délire a cédé aussi promptem<strong>en</strong>t, ce n'est pas<br />

à cause du vomissem<strong>en</strong>t qui a expulsé les trois<br />

lombrics, mais bi<strong>en</strong> grâce aux modifications heu-<br />

reuses du travail de l'accouchem<strong>en</strong>t qui ont am<strong>en</strong>é<br />

une prompte délivrance.<br />

Montgomery (1) a rapporté quelques faits de<br />

trouble intellectuel surv<strong>en</strong>ant au milieu d'un tra-<br />

vail régulier, au mom<strong>en</strong>t où la tète de l'<strong>en</strong>fant fran-<br />

chit le col utérin ; d'après lui, cet accid<strong>en</strong>t est peu<br />

grave et guérit <strong>en</strong> peu de temps.<br />

M. Weill a pu observer une dame d'un tempéra-<br />

m<strong>en</strong>t nerveux très-marqué, atteinte, p<strong>en</strong>dant deux<br />

accouchem<strong>en</strong>ts consécutifs, d'un délire qui dispa-<br />

raissait quelques heures après la délivrance. Il a<br />

trouvé dans le Journal de médecine légale ào. H<strong>en</strong>ke,<br />

une observation de manie développée au mom<strong>en</strong>t<br />

de l'expulsion de l' arrière-faix : Une<br />

primipare,<br />

après un accouchem<strong>en</strong>t heureux, fut prise tout à<br />

coup de douleurs dues à l'expulsion du plac<strong>en</strong>ta;<br />

<strong>en</strong> même temps éclata un accès de manie aiguë qui<br />

cep<strong>en</strong>dant cessa bi<strong>en</strong>tôt après l'administration de<br />

l'opium uni à la teinture de casloréum.<br />

(1) Dublin journal of médical sci<strong>en</strong>ce, mars et mai 1834.


AU MOMENT DE L ACC0UCHE5IENT. 139<br />

Klug rapporte qu'une paysanne de forte constitu-<br />

tion, âgée de 24 ans, fut admise à l'hôpital de Ber-<br />

lin peu avant son accouchem<strong>en</strong>t. Elle s'y montrait<br />

affectueuse et modeste : dès que les premiers signes<br />

du travail se manifestèr<strong>en</strong>t, elle devint acariâtre,<br />

emportée , et accabla d'injures les personnes qui<br />

l'<strong>en</strong>tourai<strong>en</strong>t. On fut obligé d'avoir recours au for-<br />

ceps pour terminer l'accouchem<strong>en</strong>t; dès lors elle<br />

fut prise d'une agitation extrêmem<strong>en</strong>t viol<strong>en</strong>te, au<br />

point qu'elle cherchait, aussitôt après avoir accou-<br />

ché, à saisir son <strong>en</strong>fant pour l'étrangler. Cet état<br />

d'agitation dura <strong>en</strong>viron quatre heures, puis elle se<br />

remit tout à coup comme si elle sortait d'un rêve,<br />

demandant à la gardi<strong>en</strong>ne des explications sur ce<br />

qui s'était passé.<br />

En janvier 1840, M. Helme a lu à l'Académie de<br />

médecine l'observation d'une femme qui fut prise<br />

tout à coup, p<strong>en</strong>dant le travail de l'accouchem<strong>en</strong>t,<br />

d'un accès de manie; les eaux de l'amnios étai<strong>en</strong>t<br />

d'une quantité double de la quantité ordinaire.<br />

Aussitôt que la poche amniotique eut été crevée,<br />

l'accès de maladie se dissipa, et l'accouchem<strong>en</strong>t se<br />

termina heureusem<strong>en</strong>t.<br />

Enfin, dans le Traité d' accouchem<strong>en</strong>ts de M. Ca-<br />

zeaux tout le monde a pu lire le fait suivant :<br />

« Après un travail assez prolongé et après les<br />

plus horribles souffrances, j'ai vu une jeune dame<br />

cesser tout à coup de se plaindre, pr<strong>en</strong>dre un visage


140 DE LA FOLIE TRANSITOIRE<br />

riant, et , après quelques phrases incohér<strong>en</strong>tes<br />

chanter à pleine voix le grand air de Lucie. Une<br />

saignée suivie de l'application immédiate du forceps<br />

rétablit le calme, et le délire ne s'est pas reproduit.»<br />

Il résulte des faits qui précèd<strong>en</strong>t que le délire<br />

surv<strong>en</strong>ant p<strong>en</strong>dant le travail de l'<strong>en</strong>fantem<strong>en</strong>t, est<br />

un phénomène sympathique lié uniquem<strong>en</strong>t à l'a-<br />

cuité et à la prolongation des douleurs; on le r<strong>en</strong>-<br />

contre le plus souv<strong>en</strong>t dans les cas où le travail est<br />

difficile, mais quelquefois aussi dans les accouche-<br />

m<strong>en</strong>ts tout à fait naturels, et il coïncide alors soit<br />

avec l'expulsion du fœtus, soit avec l'expulsion du<br />

plac<strong>en</strong>ta. C'est d'ailleurs un phénomène qui n'a<br />

ri<strong>en</strong> par lui-même d'étrange et d'inatt<strong>en</strong>du, car ce<br />

n'est pas le seul et le moins grave des accid<strong>en</strong>ts<br />

nerveux déterminés par le travail de l'<strong>en</strong>fantem<strong>en</strong>t.<br />

Chez une femme qui, p<strong>en</strong>dant sa grossesse, avait<br />

été atteinte d'une chorée passagère, on a vu les<br />

mouvem<strong>en</strong>ts convulsifs se reproduire au mom<strong>en</strong>t<br />

des premières douleurs, pour disparaître après l'ac-<br />

couchem<strong>en</strong>t (1 ) ; et n'est-ce pas d'ailleurs <strong>en</strong> ce mo-<br />

m<strong>en</strong>t qu'éclate léclampsie avec ses convulsions à<br />

formes variables, cloniques dans la grande majorité<br />

des cas, tétaniques dans certains faits exceptionnels,<br />

et qui, bi<strong>en</strong> que liées d'une manière constante à<br />

l'exist<strong>en</strong>ce dune albuminurie, n'<strong>en</strong> reconnaiss<strong>en</strong>t<br />

(1) Gazette hebdomadaire, 10 mars 1834.<br />

,


AU MOMENT DE L ACCOUCHEMENT. ii\<br />

pas moins pour cause déterminante les contractions<br />

utérines destinées à l'expulsion du fœtus.<br />

Malgré sa gravité appar<strong>en</strong>te, le délire qui survi<strong>en</strong>t<br />

p<strong>en</strong>dant le travail de l'accouchem<strong>en</strong>t n'aura pas de<br />

conséqu<strong>en</strong>ces sérieuses, si Ton a soin de prév<strong>en</strong>ir<br />

les actes fâcheux auxquels les malades peuv<strong>en</strong>t être<br />

<strong>en</strong>traînées : il cède spontaném<strong>en</strong>t lorsque l'accou-<br />

chem<strong>en</strong>t se termine; dans le cas où il se prolonge<br />

au delà de la délivrance , sa durée ne dépasse<br />

presque jamais un petit nombre de jours, et bi<strong>en</strong><br />

rarem<strong>en</strong>t il se transforme <strong>en</strong> manie.<br />

Le rôle du médecin est facile à tracer. Si le tra-<br />

vail se prolonge, il devra l'accélérer à l'aide du<br />

forceps, de la version ou de la rupture des mem-<br />

branes, selon l'indication du mom<strong>en</strong>t. Si l'accou-<br />

chem<strong>en</strong>t est naturel, il laissera faire la nature; plus<br />

tard une émission sanguine, s'il existe des signes de<br />

pléthore ;<br />

les antispasmodiques et une sage expecta-<br />

tion vi<strong>en</strong>dront toujours à bout d'un accid<strong>en</strong>t qui<br />

par lui-même n'offre ri<strong>en</strong> de grave.<br />

§ — 2. Pour le médecin légiste, l'éfude du délire<br />

quisurvi<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant le travaildel'accouchem<strong>en</strong>tpeut<br />

avoir des conséqu<strong>en</strong>ces importantes. Dans quelques<br />

cas d'infanticide où l'<strong>en</strong>fant avait succombé faute de<br />

soins, on a invoqué et avec raison, pour déf<strong>en</strong>dre la<br />

mère, l'état de trouble inexprimable dans lequel<br />

la femme est jetée par les douleurs de l'accouche-<br />

m<strong>en</strong>t, trouble qui ne lui permet pas d'<strong>en</strong>tourer son


142 DE LA FOLIE TRANSITOIRE<br />

<strong>en</strong>fant des précautions les plus indisp<strong>en</strong>sables (1).<br />

L'<strong>en</strong>fant peut être mort, dit Eusèbe de Salles, avant<br />

que la voix de la nature ait vibré dans les <strong>en</strong>-<br />

trailles maternelles brisées par la douleur; la raison<br />

troublée n'a compris le devoir, que lorsqu'il était<br />

trop lard pour lui obéir (2).<br />

Dans le cas où des traces non douteuses de vio-<br />

l<strong>en</strong>ce existerai<strong>en</strong>t sur le corps de l'<strong>en</strong>fant, si une<br />

femme v<strong>en</strong>ait <strong>en</strong>core alléguer un trouble m<strong>en</strong>tal<br />

passager, celle excuse serait-elle admissible, ou au<br />

moins discutable ? La sci<strong>en</strong>ce peut-elle affirmer que<br />

dans les derniers mom<strong>en</strong>ts du travail une femme<br />

soit exposée à des accès de fureur p<strong>en</strong>dant lesquels<br />

elle exerce sur son <strong>en</strong>fant des viol<strong>en</strong>ces dont elle<br />

n'est pas responsable ; semblable <strong>en</strong> cela aux femelles<br />

de certains animaux qui sont quelquefois prises<br />

p<strong>en</strong>dant la parturition d'une fureur durant laquelle<br />

elles se jett<strong>en</strong>t sur leurs petits et les mord<strong>en</strong>t au<br />

point de les tuer (3) ?<br />

Les faits qui précèd<strong>en</strong>t nous permett<strong>en</strong>t de soute-<br />

nir l'opinion de Gall (4) et de résoudre cette question<br />

par raffinnative. En démontrant la possibilité d'un<br />

accès instantané de délire, ils éveill<strong>en</strong>t l'att<strong>en</strong>tion<br />

de l'expert qui pourra diriger de ce côté son inter-<br />

(1) W. Hunter, Médical Observations and Inquiries, t. VI.<br />

(2) Eusèlje do Salks;, loc. cit., p. 160.<br />

(3) Riudai. h, Traité de physiologie, trad. Jourdan, t. IV, p. 323.<br />

(4} Gall, Sur les fonctions du cerveau, i. 1*', Infanticide, p. 372<br />

et suiv.


AU MOMENT DE l'ACCOUCHEMENT. 143<br />

rogatoire; dans la pratique, il faudra sans doute une<br />

réunion de circonstances bi<strong>en</strong> probantes, et un exa-<br />

m<strong>en</strong> bi<strong>en</strong> att<strong>en</strong>tif, pour arriver à démontrer qu'il a<br />

existé au mom<strong>en</strong>t de l'accouchem<strong>en</strong>t un accès pas-<br />

sager d'aliénation m<strong>en</strong>tale. Mais ces faits peuv<strong>en</strong>t<br />

se r<strong>en</strong>contrer, et nous pouvons sans peine <strong>en</strong> citer<br />

quelques exemples. Qui ne connaît le cas de cette<br />

fille dont parle Esquirol ? Elle n'avait point caché<br />

sa grossesse , elle fit faire une layette. La veille de<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t elle' se montra à tout le monde.<br />

Elle accoucha p<strong>en</strong>dant la nuit, et le l<strong>en</strong>demain le<br />

corps de l'<strong>en</strong>fant fut trouvé dans les latrines, mutilé<br />

de coups de ciseaux. Cette fille avoua son crime<br />

et n'<strong>en</strong> témoigna aucun regret: Je n'ai pas fait<br />

de mal , répétait-elle ; ils ne peuv<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> me<br />

faire, n'est-ce pas? Quelques jours après on l'inter-<br />

roge, elle avoue son crime, ne s'<strong>en</strong> déf<strong>en</strong>d point, ne<br />

témoigne pas le moindre regret, mais elle refuse<br />

de manger. Cette fille n'avait-elle pas eu un accès<br />

de délire (1)?<br />

Un cas analogue se retrouve dans les Annales<br />

judiciaires. En 1847, la cour d'assises de la Marne<br />

jugeait la nommée Rosalie Prunot, accusée d'infan-<br />

ticide. Depuis quelque temps on soupçonnait chez<br />

elle une grossesse ; un jour, elle se leva comme à<br />

l'ordinaire et se mit à l'ouvrage, mais elle dut y re-<br />

(1) Esquirol, Maladies m<strong>en</strong>tales. Paris, 1838, 1. 1, p. 321.


444 DE LA FOLIE TRANSITOIRE<br />

noncer : un médecin appelé examina la malade et<br />

finit par lui faire avouer qu'elle était accouchée p<strong>en</strong>-<br />

dant la nuit. Elle déclara <strong>en</strong> même temps que l'<strong>en</strong>-<br />

fant n'avait pas vécu et qu'elle l'avait caché sous la<br />

paille au gr<strong>en</strong>ier. Ce fut là qu'on le trouva <strong>en</strong> efîet ;<br />

il avait autour du cou un cordon fortem<strong>en</strong>t serré et<br />

noué par un nœud, dit rosette; à l'audi<strong>en</strong>ce elle<br />

finit par avouer qu'elle avait <strong>en</strong> effet serré un cor-<br />

don autour du cou du nouveau-né, mais elle assura<br />

qu'<strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t elle avait la tête complètem<strong>en</strong>t<br />

perdue. Elle ne connaissait pas sa grossesse, dit-elle:<br />

effrayée par la v<strong>en</strong>ue des premières douleurs, atter-<br />

rée par la vue d'un <strong>en</strong>fant, elle a eu l'esprit égaré et<br />

sa main a fait ce que désavouait son cœur: « Si<br />

j'avais pu réfléchir, je n'aurais pas agi ainsi: je suis<br />

jeune, j'aurais gagné assez pour me nourrir, moi et<br />

mon <strong>en</strong>fant.» Le déf<strong>en</strong>seur établit que l'accusée était<br />

réellem<strong>en</strong>t folle au mom<strong>en</strong>t de l'accouchem<strong>en</strong>t :<br />

Cette folie était si réelle, ajouta-t-il, que la malheu-<br />

reuse laissa au cou de la victime le cordon qui avait<br />

servi à donner la mort. Le jury prononça un verdict<br />

d'acquittem<strong>en</strong>t (1).<br />

Enfin, M.BoileaudeCastelnau (2), dans un travail<br />

sur la folie instantanée, considérée au point de vue<br />

médico-judiciaire, a discuté avec tal<strong>en</strong>t et sagacité<br />

(1) Journal de Beims, 1847.<br />

(2) Annales d'hygiène publique et de médecine légale^ t. XLV,<br />

p. 437, 1851.


AU MOMENT DE l' ACCOUCHEMENT. i45<br />

robservation d'une fille J..., qui, dev<strong>en</strong>ue <strong>en</strong>ceinte,<br />

mais ayant caché avec soin sa grossesse, accoucha<br />

seule et <strong>en</strong> secret. S'armant d'un petit couteau de<br />

poche, elle frappa son <strong>en</strong>fant à la tête, au dos, au<br />

v<strong>en</strong>tre, aux jambes, lui trancha la tête et cacha sous<br />

la paillasse de son lit les débris <strong>en</strong>sanglantés. Son<br />

père et une voisine pénétrèr<strong>en</strong>t dans la chambre. A<br />

la vue du sang répandu et qu'elle n'avait point cher-<br />

ché à effacer, l'un et l'autre l'accusèr<strong>en</strong>t. J... nia<br />

d'abord. En découvrant le cadavre de l'<strong>en</strong>fant, la<br />

voisine lui dit :<br />

« Tu as commis un crime, la justice<br />

se v<strong>en</strong>gera sur toi. — Je le mérite !... répondit J... »<br />

J... remit elle-même le couteau au maire; elle ne<br />

chercha ni à se cacher, ni à s'évader; elle avoua son<br />

crime au procureur de la république, <strong>en</strong> l'attribuant<br />

au désespoir causé par le délaissem<strong>en</strong>t du père de<br />

son <strong>en</strong>fant, et elle dit à ce magistrat : « Faites de<br />

moi ce que vous voudrez, je le mérite. » M. Boileau<br />

de Castelnau, pr<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> considération les anté-<br />

céd<strong>en</strong>ts héréditaires de J..., dont le grand-père<br />

était mort aliéné, dont la mère avait éprouvé des<br />

accid<strong>en</strong>ts nerveux très-graves; s'appuyant, <strong>en</strong> outre,<br />

sur la multiplicité des blessures, sur l'arrachem<strong>en</strong>t<br />

complet du cordon ombilical, indice d'une viol<strong>en</strong>ce<br />

inutile et désordonnée ; <strong>en</strong>fin, sur ce fait que l'in-<br />

culpée n'avait nullem<strong>en</strong>t cherché à cacher son<br />

crime, et <strong>en</strong> avait avoué toutes les circonstances,<br />

arriva à cette conclusion, que J..., au mom<strong>en</strong>t où<br />

10


146 DE LA FOLIE TRANSITOIRE AU MOMENT DE L ACCOUCHEMENT.<br />

elle avait commis son crime, était <strong>en</strong> proie à un<br />

égarem<strong>en</strong>t mom<strong>en</strong>tané qui lui <strong>en</strong>levait le libre exer-<br />

cice de ses facultés affectives et intellectuelles. Le<br />

jury admit seulem<strong>en</strong>t des circonstances atténuantes.<br />

Les faits de ce g<strong>en</strong>re, trop négligés par les au-<br />

teurs spéciaux, mérit<strong>en</strong>t une <strong>en</strong>quête sérieuse et ne<br />

saurai<strong>en</strong>t trop attirer l'att<strong>en</strong>tion des médecins lé-<br />

gistes.


QUATRIÈME SECTION.<br />

CHAPITRE PREMIER.<br />

DES CAUSES.DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHEES<br />

§ 1". — Si la folie des femmes <strong>en</strong>ceintes constitue<br />

ET DE LA FOLIE DES NOURRICES.<br />

une espèce pathologique bi<strong>en</strong> caractérisée qui méri-<br />

tait d'être étudiée tout à fait à part, il n'<strong>en</strong> est pas de<br />

même de la folie des nouvelles accouchées et de la<br />

folie des nourrices. Ces deux maladies ont été con-<br />

fondues par tant d'auteurs sous la commune dési-<br />

gnation de folie puerpérale, elles offr<strong>en</strong>t dans leur<br />

point de départ et leur mode de développem<strong>en</strong>t<br />

tant de points de contact, que tout <strong>en</strong> les isolant<br />

plus tard, lorsqu'il s'agira d'étudier leur fréqu<strong>en</strong>ce,<br />

leur marche et leur pronostic, nous croyons utile de<br />

réunir dans un commun chapitre tout ce qui a rap-<br />

port à leur étiologie. En groupant ainsi tous les do-<br />

cum<strong>en</strong>ts que nous possédons sur ce point, nous<br />

espérons faire ressortir avec plus d'autorité les points<br />

les plus saillants de cette question, curieuse au point


148 CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

de vue historique, et d'une importance capitale<br />

pour le pratici<strong>en</strong>.<br />

Nous retrouvons dansHippocrate, qui semble avoir<br />

confondu dans une seule et même description toutes<br />

les affections délirantes des femmes <strong>en</strong> couches,<br />

deux passages relatifs à l'étiologie de la folie puer-<br />

pérale. Interprétés et comm<strong>en</strong>tés par plus d'une<br />

génération, grâce à leur brièveté et à leur obscurité,<br />

ils sont dev<strong>en</strong>us le point de départ de bi<strong>en</strong> des tra-<br />

vaux contradictoires.<br />

En premier lieu, se trouve le 40' aphorisme delà<br />

5* section (1) :<br />

« Une congestion de sang dans les mamelles<br />

annonce la folie. »<br />

Faut-il pr<strong>en</strong>dre à la lettre cette citation et ad-<br />

mettre que la prés<strong>en</strong>ce du sang dans les mamelles et<br />

son écoulem<strong>en</strong>t par le mamelon doiv<strong>en</strong>t faire pro-<br />

nostiquer la folie?<br />

Quelques auteurs l'ont cru, et ils se sont évertués<br />

à déf<strong>en</strong>dre cette opinion et à l'appuyer par des ob-<br />

servations. Van Rossum professeur à Louvain, ra-<br />

conte que M. Picters a vu une nouvelle accouchée,<br />

donnant du sang par les seins au lieu de lait ; le<br />

quatrième jour, elle devint maniaque , elle périt le<br />

septième. Planchon, médecin à Tournai, a rapporté<br />

une observation dans laquelle, à la suite d'un accou-<br />

(l) Œuvres complètes, traduction Liltré, t. IV, p, 545.


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. Ii9<br />

chem<strong>en</strong>t laborieux, les seins volumineux donnèr<strong>en</strong>t<br />

du sang le huitième jour après l'accouchem<strong>en</strong>t; le<br />

quatrième de l'écoulem<strong>en</strong>t sanguin, il survint de la<br />

loquacité, puis un délire maîiiaque qui dura un<br />

mois ; la malade succomba à cette époque à une<br />

tumeur gangr<strong>en</strong>euse de la cuisse sans que la manie<br />

diminuât (1).<br />

A côté de ces autorités, trop peu nombreuses pour<br />

avoir une grande valeur, nous devons <strong>en</strong> indiquer<br />

d'autres tout à fait contraires et confirmées d'ail-<br />

leurs par l'expéri<strong>en</strong>ce moderne. De Gorter avoue<br />

n'avoir jamais vu dans sa pratique de fait de ce g<strong>en</strong>re.<br />

Doublet, cité par Esquirol, a r<strong>en</strong>contré à l'hospice<br />

de Yaugirard, des nourrices dont les seins <strong>en</strong>gorgés<br />

r<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t du sang, sans qu'il <strong>en</strong> résultât ri<strong>en</strong> de<br />

fâcheux, et d'ailleurs la sci<strong>en</strong>ce ne r<strong>en</strong>ferme-t-elle<br />

pas un grand nombre de cas dans lesquels les règles<br />

déviées se sont écoulées par le mamelon sans que<br />

jamais il soit surv<strong>en</strong>u de trouble m<strong>en</strong>tal. Aussi reje-<br />

tons-nous complètem<strong>en</strong>t toute relation pathologique<br />

<strong>en</strong>tre l'écoulem<strong>en</strong>t sanguin par les mamelles et la<br />

production du délire; car c'est là une opinion qui<br />

repose sur des faits mal interprétés, auxquels une<br />

observation plus att<strong>en</strong>tive <strong>en</strong>lève toute leur valeur.<br />

Depuis longtemps d'ailleurs, des doutes s'étai<strong>en</strong>t<br />

élevés dans l'esprit des anci<strong>en</strong>s médecins sur la réa-<br />

(1) Journal de méd. de Roux, mars 1768


150 CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

lité de cette doctrine, et je n'<strong>en</strong> donne pour preuve<br />

que la subtilité déployée par d'autres comm<strong>en</strong>ta-<br />

teurs qui ont interprété à leur guise l'aphorisme du<br />

maître, désespérant*^ de pouvoir apporter aucune<br />

preuve directe à son appui.<br />

D'aprèsjGali<strong>en</strong> : «le sang plus brûlant s'accumule<br />

« dans les mamelles et ne peut se convertir .<strong>en</strong> lait ;<br />

« <strong>en</strong> raison des connexions qui exist<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre les<br />

« mamelles et le cerveau , les vapeurs brûlantes<br />

« mont<strong>en</strong>t vers ce dernier et la manie peut surve-<br />

nir ;» mais, ajoute Mercurialis, cette opinion ne peut<br />

être sout<strong>en</strong>ue qu'<strong>en</strong> admettant que la faculté des<br />

mamelles est affaiblie ; ne pouvant transformer <strong>en</strong><br />

lait ce sang vicieux, ce dernier <strong>en</strong>voie vers la tête<br />

des vapeurs mélancoliques et bilieuses qui peuv<strong>en</strong>t<br />

am<strong>en</strong>er la manie (1).<br />

Laissons de côté cet aphorisme obscur auquel<br />

nous ne devons attacher aucune importance, quelle<br />

que soit d'ailleurs l'imagination développée parles<br />

comm<strong>en</strong>tateurs trop respectueux pour la tradition.<br />

11 n'<strong>en</strong> est pas de même d'une autre indication<br />

plus positive que l'on trouve dans le Traité des ma-<br />

ladies des femmes (2).<br />

« Lorsque les lochies se por-<br />

« t<strong>en</strong>t vers la tête, il peut surv<strong>en</strong>ir de l'excitation,<br />

(1) Hieronymi Meicuiialis, Prœlectiones patavinœ, 1631^<br />

p. 491.<br />

(2) Hippocrate, Œuvres complètes, édit. Littié, liv. 1er, t. VIII,<br />

page 101.


* ET DE LA FOLIE DES NOITIRICES. 151<br />

« du délire et des transports maniaques. » Ici, à côté<br />

du fait, se trouve déjà une théorie étiologique, théorie<br />

purem<strong>en</strong>t humorale, et qui, depuis Hippocrate jus-<br />

qu'à Chaussier et Bichat, a été interprétée et déve-<br />

loppée de tant de manières par Puzos, Levret (1),<br />

Berger, Daquin, Lazare Rivière (2), Yan Swiet<strong>en</strong> et<br />

Syd<strong>en</strong>ham.<br />

D'après tous ces auteurs , après la parturition , le<br />

lait chez les femmes bi<strong>en</strong> portantes s'échappe de<br />

l'économie à la fois par la sécrétion mammaire et<br />

par l'écoulem<strong>en</strong>t lochial ; si ces deux flux vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à<br />

s'arrêter brusquem<strong>en</strong>t , le lait <strong>en</strong> nature est résorbé<br />

par les vaisseaux, se répand dans toute l'économie et<br />

occasionne des accid<strong>en</strong>ts qui vari<strong>en</strong>t suivant le lieu<br />

où le dépôt s'effectue; si le cerveau est atteint, la<br />

manie peut s'<strong>en</strong>suivre.<br />

Nul n'a développé ce point plus complètem<strong>en</strong>t<br />

que Puzos : « Quand le lait, dans une femme nou-<br />

« vellem<strong>en</strong>t accouchée, ne suit point les routes na-<br />

« turelles qu'il a coutume de pr<strong>en</strong>dre pour sortir du<br />

« corps, il peut être déterminé à se porter sur le<br />

« cerveau, si, trouvant de la résistance partout ail-<br />

« leurs, il n'y a que cet organe qui cède aux efforts<br />

« que le lait fait pour se fixer quelque part. L'effet le<br />

(1) Levvei , Traité des accouchem<strong>en</strong>ts, 3^ édit., 1776, p. 167,<br />

aphorisme 884.<br />

(2) Lazare Rivière, Praxeos medicœ, lib. XV«, caput 22, De sup-<br />

pressione lochiorum.


1 52 CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

« plus ordinaire du dépôt de lait sur le cerveau est<br />

« de produire la dém<strong>en</strong>ce ou la folie. Malgré le voile<br />

« obscur qui dérobe à nos yeux le jeu mécanique du<br />

« cerveau pour exciter les divers mouvem<strong>en</strong>ts de<br />

« l'âme, on conçoit que le lait v<strong>en</strong>ant à se déposer<br />

« sur cet organe, il peut, par les <strong>en</strong>gorgem<strong>en</strong>ts qu'il<br />

« cause, comprimer fortem<strong>en</strong>t quelques-unes de ces<br />

« parties ou mettre les fibres dans une ext<strong>en</strong>sion<br />

« excessive. La compression qui fait obstacle à l'ac-<br />

« tion mécanique du cerveau produira la dém<strong>en</strong>ce,<br />

« et la t<strong>en</strong>sion excessive des fibres, r<strong>en</strong>dant cette<br />

« même action trop vive, causera la folie. Les dépôts<br />

« de lait sur le cerveau arriv<strong>en</strong>t, comme les autres,<br />

« vers le 10* ou le 12* jour de la couche. Malheu-<br />

« reusem<strong>en</strong>t on est peu frappé des accid<strong>en</strong>ts qu'ils<br />

« produis<strong>en</strong>t alors : on s'aperçoit bi<strong>en</strong> qu'une femme<br />

« a l'air hébété, et qu'elle déraisonne ; mais, quand<br />

« la fièvre n'est pas forte, que les lochies continu<strong>en</strong>t<br />

« de couler et que le v<strong>en</strong>tre n'est ni t<strong>en</strong>du ni dou-<br />

« loureux, on se flatte que les lochies et quelques<br />

« purgations légères feront disparaître ces accid<strong>en</strong>ts,<br />

« mais la suite fait voir combi<strong>en</strong> on s'est trompé (1). »<br />

Justus de Berger admet un mécanisme analogue :<br />

« Le sang, ne pouvant sortir par les lochies, remonte<br />

« par les artères spermatiques, iliaque, crurale, épi-<br />

« gastrique, mammaire, excite le cœur, traverse le<br />

(1) Piizos^ 3e Mémoire sur les dépôts laiteux.


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. 1S3<br />

« poumon, augm<strong>en</strong>te la plénitude des artères et peut<br />

« charger la tête selon les idiosyncrasies (1). »<br />

Daquin s'est préoccupé surtout de la viciation que<br />

doit éprouver le sang lorsque le lait vi<strong>en</strong>t à s'y mé-<br />

langer : « De toutes les causes propres à donner<br />

naissance à la folie, la rétrocession du lait dans la<br />

masse des humeurs est, dit-il, celle qui a le plus<br />

d'énergie, et qui est <strong>en</strong> même temps la plus com-<br />

mune ; le lait dont le sang est surchargé est de tous<br />

les liquides celui qui s'assimile le plus difficilem<strong>en</strong>t<br />

aux humeurs naturelles, et qui résiste le plus à l'ac-<br />

tion des remèdes (2). »<br />

Syd<strong>en</strong>ham, Levret,Van Swiet<strong>en</strong>,ont insisté moins<br />

sur le mécanisme des accid<strong>en</strong>ts cérébraux que sur la<br />

suppression de l'écoulem<strong>en</strong>t lochial ou de la sécré-<br />

tion lactée, suppression qui, pour eux, est toujours<br />

le point de départ du délire.<br />

Toutes ces théories, fondées sur des notions in-<br />

complètes de physiologie et sur des faits d'analomie<br />

pathologique mal vus et mal interprétés, ont dii<br />

nécessairem<strong>en</strong>t disparaître lorsqu'il a été bi<strong>en</strong> dé-<br />

montré que le lait <strong>en</strong> nature ne passait jamais<br />

dans le sang, n'allait jamais former de dépôt<br />

dans les différ<strong>en</strong>tes parties du corps, et qu'on<br />

s'était laissé tromper par une analogie grossière<br />

<strong>en</strong> regardant comme du lait, un liquide qui offrait<br />

(i) Juslusde Berger, Thèse, Gœttingue, 1745.<br />

(2) Daquin, Essai philosophique sur le traitem<strong>en</strong>tde la folie, 1 792.


154 CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

tous les caractères physiques et chimiques du pus.<br />

Cep<strong>en</strong>dant deux faits ont survécu à la ruine des<br />

théories humorales, je veux parler de la suppression<br />

du lait et de la suppression des lochies, auxquelles<br />

on a continué à attribuer une grande importance <strong>en</strong><br />

les regardant comme une cause puissante de folie.<br />

Broussais lui même, tout <strong>en</strong> faisant jouer à la<br />

congestion le premier rôle, a conservé cette opinion<br />

qui lui avait été transmise par la tradition : « Les<br />

« folies si communes à la suite des couches ne nais-<br />

« s<strong>en</strong>t pas sous l'influ<strong>en</strong>ce d'un seul organe, tous<br />

« sont dans un état de surexcitation; à cette époque<br />

« si remarquable la congestion est immin<strong>en</strong>te pour<br />

« tous, et si les évacuations nécessaires sont inter-<br />

« rompues, une cause légère peut se fixer sur le<br />

« cerveau, comme sur tout autre appareil viscéral, et<br />

« cette cause déterminante est souv<strong>en</strong>t de l'ordre<br />

« moral (1). »<br />

Le moy<strong>en</strong> le plus élém<strong>en</strong>taire et le plus sûr à la<br />

fois de juger ces théories si diverses, est de recher-<br />

cher si elles concord<strong>en</strong>t avec les données de l'ob-<br />

servation, si les deux points mis <strong>en</strong> ayant par tous<br />

les auteurs, c'est-à-dire la suppression du lait et des<br />

lochies, sont vérifiés par l'observation de chaque<br />

jour; ou si, <strong>en</strong> les admettant comme démontrés, on<br />

n'a pas commis une de ces erreurs qui ont servi de<br />

(1) Broussais,, De l'irritation et de la folie, t. II. p. 342, Pa-<br />

ris, 1839.


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. 155<br />

point de départ à toutes les théories inadmissibles<br />

qui <strong>en</strong>combr<strong>en</strong>t la sci<strong>en</strong>ce.<br />

Or, voici quelques faits qu'il ne faut pas perdre<br />

de vue dans l'étude de cette question.<br />

Parmi les cas d'aliénation m<strong>en</strong>tale développés<br />

p<strong>en</strong>dant les six premières semaines qui suiv<strong>en</strong>t l'ac-<br />

couchem<strong>en</strong>t chez les femmes qui n'ont pas allaité,<br />

beaucoup, ainsi que nous le verrons plus tard, ne se<br />

manifest<strong>en</strong>t qu'après le premier mois, c'est-à-dire à<br />

une époque où l'écoulem<strong>en</strong>t des lochies est à l'état<br />

normal presque <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t supprimé. L'influ<strong>en</strong>ce<br />

de cet écoulem<strong>en</strong>t ne saurait donc ici être incri-<br />

minée d'une manière sérieuse, comme on l'a fait si<br />

souv<strong>en</strong>t jadis dans des cas analogues.<br />

D'un autre côté, voici ce qui résulte de l'analyse<br />

de onze faits de folie pris au hasard parmi ceux qui<br />

se développ<strong>en</strong>t dans les premiers jours qui suiv<strong>en</strong>t<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t.<br />

Une fois la suppression des lochies a coïncidé<br />

avec l'invasion du délire.<br />

Deux fois elles ont été supprimées après le début<br />

des accid<strong>en</strong>ts cérébraux.<br />

Sept fois, malgré l'exist<strong>en</strong>ce d'un état d'aliénation<br />

m<strong>en</strong>tale très-caractérisée, les lochies ont coulé p<strong>en</strong>-<br />

dant trois semaines ou un mois, après avoir éprouvé<br />

tout au plus une légère diminution au mom<strong>en</strong>t du<br />

début des accid<strong>en</strong>ts nerveux.<br />

Enfin, daus une dernière observation, la malade


1 56 CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

ayant éprouvé plusieurs accès de folie à la suite de<br />

couches, tantôt les lochies étai<strong>en</strong>t supprimées, tan-<br />

tôt elles étai<strong>en</strong>t conservées.<br />

Ainsi, pour la fohe de même que pour la fièvre<br />

puerpérale, il est impossible d'admettre, avec les<br />

auteurs que nous avons cités, cette opinion surannée<br />

que la suppression des lochies est le point de départ<br />

de tous les accid<strong>en</strong>ts.<br />

Loin de là, si nous considérons l'influ<strong>en</strong>ce que le<br />

système nerveux exerce sur toutes les sécrétions,<br />

nous nous rattacherons à l'opinion de Georget, que<br />

l'on retrouve à l'état rudim<strong>en</strong>taire dans le passage<br />

de Puzos cité plus haut, et, r<strong>en</strong>versant la propo-<br />

sition émise jusqu'ici, nous dirons : La folie puer-<br />

pérale susp<strong>en</strong>d dans quelques cas l'écoulem<strong>en</strong>t des<br />

lochies par suite de la perturbation générale qu'elle<br />

jette dans les fonctions sécrétoires, mais le plus sou-<br />

v<strong>en</strong>t elle n'exerce aucune influ<strong>en</strong>ce sur cet écoule-<br />

m<strong>en</strong>t.<br />

La même proposition peut-elle être établie pour<br />

la sécrétion lactée ? Entre ces deux ordres de phé-<br />

nomènes il serait irrationnel d'établir une analogie<br />

complète. Les lochies sont sécrétées par une surface<br />

traumatique; leur durée est due uniquem<strong>en</strong>t à l'é-<br />

t<strong>en</strong>due de celle surface, c'est-à-dire au retrait plus<br />

ou moins rapide de l'utérus après l'accouchem<strong>en</strong>t;<br />

la sécrétion lactée, au contraire, est une sécrétion<br />

glandulaire plus complexe, avec des variétés infinies


ET DE LÀ FOLIE DES NOURRICES. 157<br />

de nature, d'abondance et de durée, et elle est pla-<br />

cée bi<strong>en</strong> plus immédiatem<strong>en</strong>t sous l'influ<strong>en</strong>ce de<br />

letat général de l'individu et de ses fonctions ner-<br />

veuses.<br />

Cherchons cep<strong>en</strong>dant d'une manière générale<br />

quelles sont ici les données de l'observation clinique.<br />

Sans vouloir traiter <strong>en</strong> détail la question si impor-<br />

tante des rapports de la sécrétion du lait avec le<br />

développem<strong>en</strong>t de la folie, cont<strong>en</strong>tons-nous de rap-<br />

peler que, parmi les folies consécutives aux couches,<br />

il <strong>en</strong> est qui se développ<strong>en</strong>t au mom<strong>en</strong>t oii la sécré-<br />

tion lactée comm<strong>en</strong>ce à s'établir; d'autres, après le<br />

sevrage, et que, par conséqu<strong>en</strong>t, le mode d'action doit<br />

nécessairem<strong>en</strong>t être différ<strong>en</strong>t dans des conditions<br />

organiques si diverses; que, d'ailleurs, même chez<br />

des femmes dev<strong>en</strong>ues aliénées, la sécrétion du lait<br />

continue à se faire avec abondance, ainsi que nous<br />

<strong>en</strong> avons observé plusieurs exemples (observ. 64, 68<br />

et 77), qu'on peut rapprocher de deux cas, qui se<br />

trouv<strong>en</strong>t plus loin relatés <strong>en</strong> détail et dans lesquels<br />

la lactation développée chez deux aliénées, a semblé<br />

améliorer la maladie m<strong>en</strong>tale. (Observ. 78 et 79.)<br />

Il résulte de tout ceci que, ces théories édifiées à<br />

grands frais et maint<strong>en</strong>ues p<strong>en</strong>dant tant de siècles,<br />

ont perdu toute leur valeur pathologique et n'ont<br />

plus d'importance qu'au point de vue de l'histoire;<br />

cep<strong>en</strong>dant la fréqu<strong>en</strong>ce de la folie à la suite des cou-<br />

ches est telle, qu'on se résigne difficilem<strong>en</strong>t à ne pas


1 58 CAUSES DE LATOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

rechercher dans les conditions physiologiques que<br />

prés<strong>en</strong>te la femme récemm<strong>en</strong>t accouchée les causes<br />

réelles de cette fréqu<strong>en</strong>ce vraim<strong>en</strong>t digne d'intérêt.<br />

Faut-il admettre simplem<strong>en</strong>t l'influ<strong>en</strong>ce de ce<br />

qu'on désigne sous le nom d'état puerpéral, état mal<br />

défini, moitié physiologique, moitié pathologique,<br />

qui prédisposerait par lui-même et <strong>en</strong> vertu d'une<br />

influ<strong>en</strong>ce spéciale, aux accid<strong>en</strong>ts nerveux; qui joue-<br />

rait, <strong>en</strong> un mot, le rôle de la cause prochaine?<br />

Mais l'état puerpéral n'est ni une diathèse ni une<br />

affection locale ; c'est une désignation collective qui<br />

compr<strong>en</strong>d toute une série d'actes physiologiques<br />

fort dissemblables, bi<strong>en</strong> que réunis par un but final<br />

commun; aussi l'esprit est -il loin d'être satisfait<br />

quand ce mot a été mis <strong>en</strong> avant, et involontaire-<br />

m<strong>en</strong>t l'on est porté vers un exam<strong>en</strong> plus détaillé et<br />

plus approfondi de la question. Lorsque d'une ma-<br />

nière générale on avance que les nouvelles accou-<br />

chées sont prédisposées à la pyoémie, à l'infection<br />

putride, on songe de suite aux matières septiques<br />

qui baign<strong>en</strong>t la surface interne de l'utérus après<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t, aux veines béantes au milieu de<br />

ces tissus <strong>en</strong> suppuration; et de même, si l'on vi<strong>en</strong>t<br />

dire que des accid<strong>en</strong>ts nerveux de toute sorte se<br />

développ<strong>en</strong>t sous l'influ<strong>en</strong>ce de l'état puerpéral, on<br />

est porté à <strong>en</strong> chercher la cause dans cet appau-<br />

vrissem<strong>en</strong>t du sang qui facilite la mobilité nerveuse,<br />

dans ces hémorrhagies, ces douleurs si vives liées


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. '<br />

1 S9<br />

d'une manière inévitable à l'acte de l'accouche-<br />

m<strong>en</strong>t ; on laisse bi<strong>en</strong> vite de côté une dénomination<br />

trop générale pour être précise, pour s'attacher à<br />

l'étude plus positive des états pathologiques secon-<br />

daires qui constitu<strong>en</strong>t l'état puerpéral et qui trou-<br />

v<strong>en</strong>t facilem<strong>en</strong>t leurs analogues dans les diverses<br />

variétés morbides que nous prés<strong>en</strong>te la pathologie.<br />

Ainsi le travail de l'accouchem<strong>en</strong>t, avec les dou-<br />

leurs vives et les émotions viol<strong>en</strong>tes qui l'accom-<br />

pagn<strong>en</strong>t parfois, est comparable à une de ces graves<br />

opérations qui ne peuv<strong>en</strong>t être m<strong>en</strong>ées à bonne fin<br />

sans un profond ébranlem<strong>en</strong>t du système, nerveux.<br />

Après l'expulsion du fœtus, il reste une large sur-<br />

face suppurante qui expose la malade à tous les accid<strong>en</strong>ts<br />

si connus de l'infection purul<strong>en</strong>te; de même<br />

qu'à ces accid<strong>en</strong>ts nerveux que le moindre trauma-<br />

tisme amène parfois chez des sujets prédisposés,<br />

trismus, tétanos, délire nerveux. Plus tard des sé-<br />

crétions s'établiss<strong>en</strong>t, sécrétions temporaires qui,<br />

au bout d'un certain temps, doiv<strong>en</strong>t finir, <strong>en</strong> ame-<br />

nant, dans la répartitiondes matériaux réparateurs,<br />

la même perturbation qu'elles avai<strong>en</strong>t mise pour<br />

s'établir. Or, des émotions morales très-vives, des<br />

douleurs viol<strong>en</strong>tes suivies d'un grand ret<strong>en</strong>tissem<strong>en</strong>t<br />

dans l'organisme, l'établissem<strong>en</strong>t d'une sécrétion<br />

qui, par son abondance et sa durée, affaiblit bi<strong>en</strong><br />

vite l'organisme, la suppression de cette sécrétion :<br />

\oilà des causes énergiques dont une seule se r<strong>en</strong>-


160 CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

contrant chez un sujet prédisposé, suftit souv<strong>en</strong>t<br />

pour am<strong>en</strong>er l'explosion de la folie.<br />

Faut-il donc s'étonner de h voir se développer si<br />

fréquemm<strong>en</strong>t à la suite de couches, lorsque dans ce<br />

court espace de temps s'accumul<strong>en</strong>t sur le même<br />

sujet des conditions morbides qui, prises isolém<strong>en</strong>t,<br />

ont déjà une grande puissance?<br />

Ainsi, pour nous l'état puerpér< 1 n'offre ri<strong>en</strong> par<br />

lui-même de spécial, pas plus pour la production<br />

de la folie, que pour la production de ces accid<strong>en</strong>ts<br />

si divers que l'on cherche avec tant de raison à rat-<br />

tacher à la phlébite, à l'infection purul<strong>en</strong>te, à l'in-<br />

fection putride. Nous ne ferons donc pas <strong>en</strong>trer<br />

directem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> <strong>ligne</strong> de compte cette <strong>en</strong>tité patho-<br />

logique douteuse, et, après avoir étudié certaines<br />

causes constitutionnelles, comme l'hérédité, les ma-<br />

ladies antérieures du sujet, et quelques autres, nous<br />

arriverons à d'autres faits d'un ordre moins général,<br />

mais d'une réelle importance. Dans cette étude,<br />

laissant de côté toute préoccupation théorique, nous<br />

nous laisserons uniquem<strong>en</strong>t guider par l'analyse<br />

des observations que nous avons pu recueillir.<br />

§ 2, — Nous diviserons les causes de la folie puer-<br />

pérale <strong>en</strong> prédisposantes et occasionnelles, etnousies<br />

passerons successivem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> revue, <strong>en</strong> cherchant à<br />

apprécier leur fréqu<strong>en</strong>ce et leur valeur. Nous ne<br />

donnons pas cette distinction comme irréprochable<br />

à tous égards, car il est certaines influ<strong>en</strong>ces étiolo-


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. 161<br />

giques qui pourrai<strong>en</strong>t être rapportées indifférem-<br />

m<strong>en</strong>t à l'une ou à l'autre de ces deux classes; mais<br />

nous croyons, néanmoins, devoir l'adopter à défaut<br />

d'une autre plus satisfaisante.<br />

r A la tête des causes prédisposantes se place ici,<br />

comme pour toutes les affections m<strong>en</strong>tales, l'héré-<br />

dité.<br />

l/ouvrage de MM. Thore et Aubanel résume les<br />

diverg<strong>en</strong>ces sérieuses qui exist<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre diverses<br />

statistiques relativem<strong>en</strong>t à son degré de fréqu<strong>en</strong>ce;<br />

mais nous sommes convaincu, avec, la plupart des<br />

auteurs qui ont écrit sur ce sujet, que plus les r<strong>en</strong>-<br />

seignem<strong>en</strong>ts sont pris avec exactitude , plus on ar-<br />

rive à lui attribuer une influ<strong>en</strong>ce vraim<strong>en</strong>t ef-<br />

frayante.<br />

Esquirol, dans sa cli<strong>en</strong>tèle privée ,<br />

chiffre de 1 sur 2,8.<br />

était arrivé au<br />

Le docteur Helftt de Berlin, sur 131 femmes alié-<br />

nées à la suite de couches, <strong>en</strong> a trouvé 51 ayant une<br />

prédisposition héréditaire. Sur 30 malades atteintes<br />

de folie puerpérale, observées à Stéphansfeld, par<br />

M.Weill, 14 avai<strong>en</strong>t des par<strong>en</strong>ts aliénés. Nous-<br />

même, sur 56 malades, dont les antécéd<strong>en</strong>ts ont été<br />

notés avec soin, nous <strong>en</strong> avons r<strong>en</strong>contré 24 offrant,<br />

soit chez leurs asc<strong>en</strong>dants directs, soit chez leurs<br />

collatéraux, des cas d'aliénation m<strong>en</strong>tale confirmée.<br />

Et <strong>en</strong>core, dans cette statistique, qui ne ti<strong>en</strong>t pas<br />

compte de la prédisposition héréditaire résultant de<br />

li


i 62 CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

névroses autres que la folie, quelques r<strong>en</strong>seigne-<br />

m<strong>en</strong>ts ont dû nous faire défaut, malgré les re-<br />

cherches les plus att<strong>en</strong>tives. Comm<strong>en</strong>t retrouver,<br />

par exemple, ces cas <strong>en</strong>core nombreux d'hérédité<br />

rétrograde, si l'on peut ainsi parler, dans lesquels<br />

une mère on un père sont frappés de folie, bi<strong>en</strong><br />

longtemps après que leurs <strong>en</strong>fants <strong>en</strong> ont prés<strong>en</strong>té<br />

les premières atteintes?<br />

Cette prédominance de l'hérédité dans l'étiologie<br />

de la folie puerpérale, est un fait important qui fait<br />

voir par quels li<strong>en</strong>s intimes l'histoire de cette mala-<br />

die se lie à celle de la folie <strong>en</strong> général; bi<strong>en</strong> qu'in-<br />

diqué ici d'une manière sommaire, il domine toute<br />

l'étiologie, il montre quelle large part on doit faire<br />

à la prédisposition, <strong>en</strong> rejetant sur un plan secon-<br />

daire toutes les autres causes qui, plus tard, attire-<br />

ront notre att<strong>en</strong>tion.<br />

Mais la prédisposition ne résulte pas seulem<strong>en</strong>t<br />

de l'hérédité : si la plupart des aliénés ont des alié-<br />

nés parmi leurs par<strong>en</strong>ts , combi<strong>en</strong> d'individus<br />

qui compt<strong>en</strong>t des fous dans leurs familles , rest<strong>en</strong>t<br />

toute leur vie dans un état de santé parfaite. C'est<br />

qu'<strong>en</strong> effet l'hérédité, pour être sérieusem<strong>en</strong>t redou-<br />

table, doit être alliée à certaines variétés intellec-<br />

tuelles qui , parfois spontanées , sont plus souv<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong>core la manifestation incomplète d'un vice ori-<br />

ginel. Il est des esprits qui sont frappés d'un cachet<br />

spécial: bizarres, exc<strong>en</strong>triques dans leurs allures,<br />

,<br />

à


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. 163<br />

défiants, soupçonneux, ils raisonn<strong>en</strong>t toujours à<br />

faux, manqu<strong>en</strong>t de sang-froid et de rectitude dans<br />

le jugem<strong>en</strong>t, ont une mobilité d'idées qui les em-<br />

pêche de ri<strong>en</strong> m<strong>en</strong>er à bi<strong>en</strong>; ceux-là, lorsqu'ils ont<br />

des aliénés parmi leurs asc<strong>en</strong>dants, offr<strong>en</strong>t au plus<br />

haut point la prédisposition; ils sont, pour ainsi<br />

dire, désignés à l'avance, et échapp<strong>en</strong>t rarem<strong>en</strong>t<br />

à des lésions intellectuelles plus graves, que la<br />

moindre cause occasionnelle peut faire éclater.<br />

2° L'anémie est une cause prédisposante éner-<br />

gique de la folie puerpérale; elle peut être primitive,<br />

mais plus souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core elle est consécutive à des<br />

grossesses répétées, à des hémorragies, à une lac-<br />

tation trop prolongée. C'est qu'<strong>en</strong> effet, les fonc-<br />

tions de la maternité exig<strong>en</strong>t une constitution<br />

robuste et une énergie vitale considérable, et elles<br />

épuis<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> vite l'organisme , lorsqu'il ne peut<br />

opposer une résistance assez vigoureuse. Aussi, loin<br />

de compter sur elles, ainsi que le font certains mé-<br />

decins, pour régénérer une constitution appauvrie<br />

et lui donner une vigueur qu'elle n'a jamais eue, il<br />

faut, au contraire, se rappeler que des forces déjà<br />

éprouvées sont seules capables de supporter une<br />

semblable épreuve. J'ai vu cep<strong>en</strong>dant, comme bi<strong>en</strong><br />

d'autres, des jeunes filles d'une constitution primi-<br />

tivem<strong>en</strong>t robuste, sans vice organique ou hérédi-<br />

taire, mais languissantes et étiolées par un célibat<br />

prolongé et ur.e vie solitaire et <strong>en</strong>nuyeuse, dénuée


i 6i CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

d'expansion et de liberté, qui, jugées tout d'abord<br />

incapables de résister aux fatigues de la maternité,<br />

ont cep<strong>en</strong>dant parfaitem<strong>en</strong>t supporté la grossesse,<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t, et même une lactation prolongée.<br />

Chez elles la force d'assimilation semble croître <strong>en</strong><br />

même temps que les dép<strong>en</strong>ses de l'organisme, et<br />

bi<strong>en</strong>tôt même, loin de s'affaiblir, elles pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t de la<br />

force, de la fraîcheur et de l'embonpoint à mesure<br />

que se prolonge l'état puerpéral. Mais ces faits ne<br />

sont pas communs : pour les pronostiquer, il faut que<br />

le médecin sache reconnaître avec un tact extrême<br />

les conditions morales et hygiéniques de la femme<br />

pour laquelle on le consulte, ses habitudes de santé,<br />

ses antécéd<strong>en</strong>ts héréditaires, et ce n'est qu'après un<br />

exam<strong>en</strong> approfondi et une <strong>en</strong>quête sérieuse qu'il<br />

pourra formuler une opinion sur le degré de résis-<br />

tance que l'organisme lui paraît offrir.<br />

L'anémie se traduit d'ailleurs ici par ses symp-<br />

tômes habituels : pâleurde la peau et des muqueuses,<br />

petitesse du pouls, anhélation, langueur des fonc-<br />

tions digestives, amaigrissem<strong>en</strong>t, faiblesse du sys-<br />

tème musculaire; les bruits de souffle peuv<strong>en</strong>t man-<br />

quer, car ils ne se produis<strong>en</strong>t que lorsque le chiffre<br />

des globules est desc<strong>en</strong>du au-dessous d'une certaine<br />

limite; mais il faut, même <strong>en</strong> leur abs<strong>en</strong>ce, savoir<br />

reconnaître un état général qui fournit à la théra-<br />

peutique les indications les plus précieuses.<br />

3° Contrairem<strong>en</strong>t à l'opinion émise par les doc-<br />

I


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. 165<br />

leurs James Reid et Macdonald, *il est pour nous<br />

incontestable que la prédisposition à la folie puer-<br />

pérale augm<strong>en</strong>te avec le nombre des grossesses.il est<br />

un grand nombre de femmes qui, après avoir par-<br />

faitem<strong>en</strong>t supporté une première couche, tomb<strong>en</strong>t<br />

malades à la seconde, à la troisième, ou même plus<br />

tard, et le devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong>suite, après chacun de leurs<br />

accouchem<strong>en</strong>ts. Sur un chiffre de 57 malades, je<br />

n'ai trouvé que 14 primipares, et parmi les 43 autres,<br />

j'<strong>en</strong> ai vu 13 ayant eu, cinq, six et jusqu'à neuf<br />

accouchem<strong>en</strong>ts ou fausses couches.<br />

Cette immunité relative des primipares est une<br />

circonstance dont on ne peut s'empêcher d'être<br />

frappé : voyez la grande majorité des accid<strong>en</strong>ts aux-<br />

quels les femmes <strong>en</strong> couches sont exposées, depuis<br />

la résistance des parties molles qui r<strong>en</strong>d l'accou-<br />

chem<strong>en</strong>t plus l<strong>en</strong>t et plus pénible, jusqu'à l'éclamp-<br />

sie qui constitue une complication si dangereuse,<br />

et vous verrez que la primiparité est notée par la<br />

plupart des auteurs comme une cause prédisposante<br />

d'une incontestable importance.<br />

Ici, c'est le contraire qui est observé, et on peut<br />

déjà <strong>en</strong> conclure que ce n'est pas dans l'acte même<br />

de l'accouchem<strong>en</strong>t, mais bi<strong>en</strong> dans un ordre de<br />

causes plus général qu'il faut rechercher la prédis-<br />

position. Qui ne sait, <strong>en</strong> effet, que des grossesses<br />

nombreuses et très-rapprochées débilit<strong>en</strong>t profon-<br />

dém<strong>en</strong>t l'organisme; à moins que les femmes ne


i 66 CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

soi<strong>en</strong>t vigoureuses et douées d'une grande force<br />

d'assimilation , circonstance qui se prés<strong>en</strong>te rare-<br />

m<strong>en</strong>t chez les femmes des grandes villes que nous<br />

observons d'une manière à peu près exclusive, il ne<br />

tarde pas à surv<strong>en</strong>ir chez elles un état profond d'é-<br />

puisem<strong>en</strong>t et d'anémie qui explique suffisamm<strong>en</strong>t<br />

pourquoi la folie se développe préférablem<strong>en</strong>t chez<br />

elles.<br />

4° L'âge exerce une certaine influ<strong>en</strong>ce sur le<br />

développem<strong>en</strong>t de la folie puerpérale. Il est prouvé<br />

pour nous que plus les femmes s'éloign<strong>en</strong>t de cette<br />

période dans laquelle les fonctions génératrices<br />

jouiss<strong>en</strong>t de toute leur énergie, ainsi que le prouve<br />

le nombre infinim<strong>en</strong>t plus considérable de nais-<br />

sances qui ont lieu à cette époque, plus elles se trou-<br />

v<strong>en</strong>t exposées à la folie lorsqu'elles devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong>-<br />

ceintes. Il suffit, pour r<strong>en</strong>dre cette vérité évid<strong>en</strong>te,<br />

de comparer les statistiques de la folie puerpérale<br />

aux statistiques d'accouchem<strong>en</strong>ts dressées d'après<br />

l'âge des mères.<br />

Sur 55 malades atteintes d'ahéiution m<strong>en</strong>tale<br />

après l'accouchem<strong>en</strong>t ou p<strong>en</strong>dant la lactation, j'ai<br />

trouvé les résultats suivants :<br />

1 cas de folie s'est développé à 18 ans.<br />

13 — — de 20 à 25 ans<br />

17 — — de 25 à 30 —<br />

13 — — de 30 à 35 —<br />

5 — — de 35 à 40 —<br />

6 à 40 ans et au-dessus.


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. 167<br />

A ce tableau, j'opposerai deux statistiques d'ac-<br />

couchem<strong>en</strong>ts dans lesquelles l'âge des mères a été<br />

exactem<strong>en</strong>t noté; j'ai r<strong>en</strong>contré l'une, dans le<br />

bulletin de la Société de médecine de Poitiers<br />

(1857), elle est due à M. le docteur Bonnet; je dois<br />

l'autre à l'obligeance de M. Wieland, interne à la<br />

Maternité.<br />

Sur 782 accouchem<strong>en</strong>ts, M. Bonnet a trouvé:<br />

De 15 à 20 ans 76 accouchem<strong>en</strong>ts.<br />

De 20 à 2S ans 306 —<br />

De 25 à 30 ans 243 —<br />

De 30 à 35 ans 84 —<br />

De 35 à 40 ans 59 —<br />

De 40 à 45 ans 10 —<br />

De 45 à 50 ans 4 —<br />

Sur 328 femmes <strong>en</strong>trées à la Maternité p<strong>en</strong>dant<br />

les deux premiers mois de l'année 1858, M. Wie-<br />

land a constaté que les accouchem<strong>en</strong>ts se répar-<br />

tissai<strong>en</strong>t de la manière suivante :<br />

Au-dessous de 20 ans.<br />

.<br />

25 accouchem<strong>en</strong>ts.<br />

De 20 à 25 ans 127 —<br />

De 25 à 30 ans 94 —<br />

De 30 à 35 ans 57 —<br />

De 35 à 40 ans 20 —<br />

A 40 ans et au-dessus.. 5 —<br />

Il suffit de comparer ces deux derniers tableaux<br />

au premier pour être frappé des différ<strong>en</strong>ces qui les<br />

sépar<strong>en</strong>t.<br />

Dans le premier, nous trouvons au-dessous de<br />

25 ans, 14 cas de folie sur 65, c'est-à-dire près


I 68 CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

d'un quart des cas observés. Dans les deux au-<br />

tres nous avons, p<strong>en</strong>dant 'la même période de vie,<br />

382 accouchem<strong>en</strong>ts sur 782; 152 sur 328, c est-à-<br />

dire près de la moitié du nombre total.<br />

Entre 30 et 35 ans, nous voyons 13 cas de folie<br />

sur 55, c'est-à-dire près du quart; et d'un autre côté<br />

84 accouchem<strong>en</strong>ts sur 782: un peu plus du sixième.<br />

Ainsi, à mesure que les accouchem<strong>en</strong>ts devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

plus rares, le nombre relatif des cas de folie puer-<br />

pérale augm<strong>en</strong>te.<br />

La différ<strong>en</strong>ce est bi<strong>en</strong> plus s<strong>en</strong>sible <strong>en</strong>core^ si<br />

nous comparons <strong>en</strong>tre elles la période inférieure à<br />

25 ans et la période supérieure à 35ans. La pre-<br />

mière nous offre, comme nous le disions tout<br />

à l'heure, la moitié du nombre total des accou-<br />

chem<strong>en</strong>ts et le quart seulem<strong>en</strong>t des cas de folie<br />

puerpérale. La période supérieure à 35 ans, nous<br />

prés<strong>en</strong>te, au conlraire, 73 accouchem<strong>en</strong>ts sur 782<br />

(un dixième), ou 35 sur 328 (un treizième), et<br />

II cas de folie sur 55, ce qui fait un cinquième,<br />

c'est-à-dire une proportion double; <strong>en</strong> un mol, p<strong>en</strong>-<br />

dant ces deux périodes, les rapports <strong>en</strong>tre le nom-<br />

bre des accouchem<strong>en</strong>ts et le nombre des cas de<br />

folie devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à peu près exactem<strong>en</strong>t inverses.<br />

Si nous avons été frappé de la concordance très-<br />

manifeste qui existe <strong>en</strong>tre la statistique du docteur<br />

Bonnet el celle qui a été dressée à la Maternité, nous<br />

ne Tavons pas moins été <strong>en</strong> voyant que les chiffres


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. 169<br />

donnés par Esquirol, par James Reid et le docteur<br />

Macdonald, sont tout à fait analogues aux nôtres.<br />

Sur les 92 malades d'Esquirol, il y <strong>en</strong> avait 13 au-<br />

dessus de 35, c'est-à-dire un septième; tandis que<br />

dans la même période on ne r<strong>en</strong>contre guère qu'un<br />

dixième ou un treizième d'un nombre donné d'ac-<br />

couchem<strong>en</strong>ts.<br />

Sur 66 malades, le docteur Macdonald a trouvé<br />

7 femmes âgées de plus de 40 ans , ce qui égale le<br />

dixième du nombre total, tandis que les femmes<br />

ayant dépassé 40 ans figur<strong>en</strong>t tout au plus pour<br />

1/60 ou 1/70, dans les statistiques d'accouche-<br />

m<strong>en</strong>ts.<br />

Le docteur James Reid a donné une statistique<br />

bi<strong>en</strong> plus considérable, puisqu'elle porte sur 1771<br />

femmes. Il a trouvé les proportions suivantes :<br />

Au-dessous de 20 ans 69<br />

De 20 à 30 ans 1,100<br />

De 30 à 40 ans<br />

542<br />

De 40 à 45 ans 54<br />

De 45 à 50 ans 6<br />

Total 1,771<br />

Or nous voyons ici 69 malades âgées de moins de<br />

20 ans, c'est-à-dire 1/25, tandis que les femmes<br />

de cet âge constitu<strong>en</strong>t 1/10 ou 1/13 d'un nombre<br />

donné de nouvelles accouchées. Au-dessus de 40 ans,<br />

nous avons 60 malades sur 1771 (1/29%<br />

et déjà<br />

nous savons que la même période ne donne guère


170 CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

que 1/50 d'un nombre total d'accouchem<strong>en</strong>ts.<br />

En résumé, plus les nouvelles accouchées sont<br />

avancées <strong>en</strong> âge, plus les chances de folie devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

considérables. Il semble alors que la parturilion<br />

s'éloigne des conditions physiologiques habituelles, et<br />

jette dans l'organismeune plus grande perturbation.<br />

N'est-ce pas d'ailleurs un fait confirmé par l'expé-<br />

ri<strong>en</strong>ce de chaque jour, que chez les femmes âgées,<br />

la grossesse offre sous plusieurs rapports une gravité<br />

plus grande?<br />

Faisons <strong>en</strong>fin observer que la prédisposition qui<br />

résulte de l'âge avancé des nouvelles accouchées,<br />

et celle qui résulte du grand nombre d'accouche-<br />

m<strong>en</strong>ts antérieurs, sont deux causes dont l'associa-<br />

tion est des plus naturelles; l'une semble annon-<br />

cer l'autre, et l'on devait s'att<strong>en</strong>dre à les voir ici<br />

juxtaposées.<br />

5" Un accès antérieur de folie prédispose à la<br />

folie puerpérale; parmi les malades que nous avons<br />

observées, plusieurs avai<strong>en</strong>t été aliénées avant d'être<br />

dev<strong>en</strong>ues mères, et chez elles l'état puerpéral n'a-<br />

vait fait que réveiller une prédisposition, qui déjà<br />

s'était manifestée une ou plusieurs fois. Si l'on<br />

suit, p<strong>en</strong>dant toute la durée de leur carrière, ces<br />

femmes dont l'intellig<strong>en</strong>ce souv<strong>en</strong>t brillante et<br />

distinguée est troublée par des accès incessants de<br />

manie ou de mélancolie qui revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t sous l'in-<br />

flu<strong>en</strong>ce d'émotions morales pénibles, de fatigues


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. 171<br />

prolongées, ou d'une maladie physique, qui suffît<br />

pour détruire l'équilibre si peu stable de leurs<br />

fonctions nerveuses, si l'on examine le point de<br />

départ de chacun de leurs accès, l'on verra pres-<br />

que constamm<strong>en</strong>t l'accouchem<strong>en</strong>t, l'allaitem<strong>en</strong>t<br />

ou le sevrage v<strong>en</strong>ir se ranger à côté de ces causes<br />

puissantes, qui détermin<strong>en</strong>t si fréquemm<strong>en</strong>t l'ex-<br />

plosion de la folie.<br />

Contrairem<strong>en</strong>t à ce qu'on observe pour les accès<br />

multiples qui survi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t dans les conditions or-<br />

dinaires de santé , les derniers accès guériss<strong>en</strong>t<br />

souv<strong>en</strong>t aussi bi<strong>en</strong> et aussi vite que les autres;<br />

Esquirol donne même l'histoire d'une malade qui,<br />

atteinte ainsi pour la dixième fois, revint à elle<br />

<strong>en</strong> peu de semaines ; mais plus tard, quand l'époque<br />

delà fécondité est passée, ces mêmes sujets, épuisés<br />

par des atteintes si nombreuses, éprouv<strong>en</strong>t parfois<br />

des rechutes, et dans ces conditions nouvelles l'accès<br />

se prolonge plus longtemps ou devi<strong>en</strong>t incurable,<br />

ainsi que j'<strong>en</strong> ai constaté plus d'un exemple. (15%<br />

48" observât.)<br />

Il y a bi<strong>en</strong> certainem<strong>en</strong>t action sympathique de<br />

l'utérus sur le cerveau dans tous ces cas où le même<br />

état utérin ramène les mêmes troubles nerveux ;<br />

cette action est imparfaite, car il peut arriver que<br />

l'utérus soit r<strong>en</strong>du à des conditions anatomiques et<br />

physiologiques tout à fait normales, tandis que le<br />

trouble m<strong>en</strong>tal persiste; mais elle n'<strong>en</strong> joue pas


1 72 CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

moins un rôle important dans la production delà<br />

folie. Il peut certes arriver qu'une femme se mette<br />

à délirer après une couche, sans que pour cela elle<br />

retombe malade aux couches suivantes; mais, d'une<br />

manière générale, le médecin doit t<strong>en</strong>ir le plus<br />

grand compte de cet. antécéd<strong>en</strong>t lorsqu'un nouvel<br />

accouchem<strong>en</strong>t se prés<strong>en</strong>te, et surtout il ne devra pas<br />

oublier que des précautions hygiéniques nombreuses<br />

et prises à propos pourront, ainsi que Gooch l'af-<br />

firme, prév<strong>en</strong>ir le retour de la maladie, même dans<br />

des conditions aussi défavorables.<br />

6° L'état moral de la femme p<strong>en</strong>dant la grossesse<br />

est une cause prédisposante dont nous avons déjà<br />

discuté la valeur. Nous avons vu que, sans attacher<br />

une importance capitale à la dépression ou à l'exci-<br />

tation intellectuelle que beaucoup de femmes éprou-<br />

v<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant qu'elles sont <strong>en</strong>ceintes, il faut néan-<br />

moins t<strong>en</strong>ir compte d'un pareil antécéd<strong>en</strong>t chez des<br />

sujets qui sont d'ailleurs prédisposés à la folie. Six<br />

fois nous avons vu un pareil état m<strong>en</strong>tal être suivi<br />

après l'accouchem<strong>en</strong>t ou la lactation d'un accès de<br />

folie, et il n'est pas sans intérêt de remarquer que<br />

la mélancolie se développe dans ces conditions beau-<br />

coup plus facilem<strong>en</strong>t que la manie ou la mono-<br />

manie.<br />

7° Toutes les influ<strong>en</strong>ces que nous avons étudiées<br />

jusqu'ici procèd<strong>en</strong>t delà mère; dans certains cas<br />

plus rares, le sexe de l'<strong>en</strong>fant que la femme a porté


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. 4 73<br />

OU allaité devi<strong>en</strong>t une cause prédisposante de folie;<br />

Esquirol parle de malades qui devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t aliénées,<br />

après avoir mis au monde un <strong>en</strong>fant mâle, et rest<strong>en</strong>t<br />

exemptes d'accid<strong>en</strong>t après l'accouchem<strong>en</strong>t d'une<br />

fille. MM. Andral,Baillarger etRaciborski ont donné<br />

des soins à une dame qui, ayant eu un premier accès<br />

passager d'aliénation m<strong>en</strong>tale, après avoir allaité un<br />

premier <strong>en</strong>fant, un garçon, a pu nourrir <strong>en</strong>suitedeux<br />

filles, sans éprouver le moindre accid<strong>en</strong>t. Après une<br />

quatrième grossesse, elle t<strong>en</strong>ta de nouveau d'allaiter<br />

son <strong>en</strong>fant, qui était <strong>en</strong>core un garçon, mais les<br />

accid<strong>en</strong>ts de la première couche se reproduisir<strong>en</strong>t,<br />

et elle tomba atteinte de mélancolie avec stupeur.<br />

Cette influ<strong>en</strong>ce du sexe de l'<strong>en</strong>fant que nous avons<br />

déjà signalée à propos des troubles intellectuels qui<br />

survi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t chez les femmes <strong>en</strong>ceintes, se retrouve<br />

non-seulem<strong>en</strong>t dans la folie, mais <strong>en</strong>core dans la<br />

production d'accid<strong>en</strong>ts spéciaux à la grossesse. Ainsi<br />

Vigarous dit avoir connu une femme qui avortait<br />

lorsqu'elle était grosse d'un garçon, et qui ne por-<br />

tait à terme que les filles (1).<br />

Ces faits bizarres frapp<strong>en</strong>t vivem<strong>en</strong>t l'att<strong>en</strong>tion et<br />

sembl<strong>en</strong>t inexplicables au premier abord. On com-<br />

pr<strong>en</strong>d cep<strong>en</strong>dant qu'un <strong>en</strong>fant mâle, fort, développé,<br />

et plus tard, lorsqu'on l'allaite, exerçant des efforts<br />

de succion énergiques, arrive à épuiser plus promp-<br />

(I) Vigarous., Maladies des femmes, t. II, p. 141. Paris,<br />

1801.


i 74 CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

tem<strong>en</strong>t sa mère et à déterminer des accid<strong>en</strong>ts que la<br />

geslationetl'allaitem<strong>en</strong>td'unefilleaurai<strong>en</strong>t pu éviter.<br />

Je connais une dame qui a offert des troubles intel-<br />

lectuels très-manifestes , après avoir allaité deux<br />

garçons, tandis qu'elle a pu nourrir deux filles sans<br />

accid<strong>en</strong>t ; or il est remarquable que les filles sont<br />

v<strong>en</strong>ues au monde par un accouchem<strong>en</strong>t naturel,<br />

tandis que les deux garçons ont dû être extraits par<br />

le forceps, <strong>en</strong> raison de leur volume plus considé-<br />

rable : il est difficile de ne pas voir ici une relation<br />

intime <strong>en</strong>tre le développem<strong>en</strong>t plus considérable de<br />

l'<strong>en</strong>fant, et les troubles cérébraux prés<strong>en</strong>tés par la<br />

mère.<br />

L'hérédité, les grossesses nombreuses, l'âge avancé<br />

des femmes <strong>en</strong> couches, les accès antérieurs de folie,<br />

l'état d'épuisem<strong>en</strong>t dans lequel elles se trouv<strong>en</strong>t,<br />

leur situation morale p<strong>en</strong>dant la grossesse, le sexe<br />

de l'<strong>en</strong>fant qu'elles port<strong>en</strong>t dans leur sein, telles<br />

sont les principales causes prédisposantes de la folie<br />

puerpérale. Arrivon'=; maint<strong>en</strong>ant aux causes dites<br />

occasionnelles dont l'étude n'est pas moins impor-<br />

tante.<br />

§ 3.— Ces causes occasionnelles sont de deux sor-<br />

tes : les unes agiss<strong>en</strong>t surtout au mom<strong>en</strong>t même de<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t : ainsi les obstacles à la parturilion,<br />

l'hémorragie puerpérale, les convulsions éclamp-<br />

tiques, les inspirations de chloroforme, les émotions<br />

morales; les autres ne se font s<strong>en</strong>tir qu'à une époque


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. 175<br />

un peu plus éloignée: telles sont l'influ<strong>en</strong>ce de la<br />

première m<strong>en</strong>struation et quelques autres que nous<br />

passerons <strong>en</strong> revue :<br />

1° Parmi les causes occasionnelles, il <strong>en</strong> est une<br />

à laquelle on est disposé tout d'abord à accorder<br />

une grande influ<strong>en</strong>ce, je veux parler des obstacles<br />

qui r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t l'accouchem<strong>en</strong>t long et douloureux, ou<br />

nécessit<strong>en</strong>t des opérations obstétricales plus ou<br />

moins pénibles; on suppose volontiers que dans les<br />

cas de ce g<strong>en</strong>re le système nerveux doit subir les<br />

graves conséqu<strong>en</strong>ces de l'ébranlem<strong>en</strong>t douloureux<br />

qu'il a souffert. L'expéri<strong>en</strong>ce n'a pas confirmé les<br />

craintes que l'analogie pouvait faire naître; parmi<br />

les malades que j'ai observées, je n'<strong>en</strong> ai vu que<br />

quatre dont l'accouchem<strong>en</strong>t ait prés<strong>en</strong>té de notables<br />

difficultés; dans l'imm<strong>en</strong>se majorité des cas, l'ex-<br />

pulsion du fœtus avait été prompte, facile, et n'a-<br />

vait déterminé dans l'économie qu'une réaction<br />

tout à fait physiologique.<br />

2° L'hémorragie, p<strong>en</strong>dant ou après l'accouche-<br />

m<strong>en</strong>t, est une circonstance bi<strong>en</strong> capable de hâter le<br />

développem<strong>en</strong>t des accid<strong>en</strong>ts nerveux : nous l'a-<br />

vons notée chez quatre malades et surtout chez<br />

une : elle conserva après la délivrance un écoule-<br />

m<strong>en</strong>t sanguin qui dura six semaines et ne s'arrêta<br />

qu'au mom<strong>en</strong>t de l'invasion du délire (obs. 55).<br />

3° Il existe une cause de folie puerpérale qui a<br />

été notée comme assez fréqu<strong>en</strong>te par la plupart des


4 76 CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

accoucheurs, mais que je n'ai pas eu roccasion<br />

d'observer par moi-même, je veux parler des con-<br />

vulsions éclampliques qui accompagn<strong>en</strong>t l'accou-<br />

chem<strong>en</strong>t et paraiss<strong>en</strong>t liées d'une manière à peu<br />

près constante à l'exist<strong>en</strong>ce d'une albuminurie.<br />

Merriman (1) raconte l'histoire d'une première<br />

malade chez laquelle l'intellig<strong>en</strong>ce resta <strong>en</strong>gourdie<br />

après des convulsions puerpérales; et d'une seconde<br />

qui devint complètem<strong>en</strong>t folle après les mêmes acci-<br />

d<strong>en</strong>ts.<br />

Gooch parle d'une dame qui, après avoir été<br />

prise, à son premier accouchem<strong>en</strong>t, de convulsions<br />

que Ton traita par des saignées et par l'extraction<br />

du fœtus, devint maniaque au bout de peu de jours<br />

et mourut le huitième jour.<br />

Esquirol (2) donne le récit d'un fait de ce<br />

g<strong>en</strong>re.<br />

MM. Sanchez Frias (3), Selade (4), Billod (5),<br />

James Reid [loco citato) ont rapporté chacun une<br />

observation d'aliénation m<strong>en</strong>tale surv<strong>en</strong>ue à la<br />

suite d'éclampsie. Dans les cas de cette nature, tantôt<br />

l'état maniaque succède immédiatem<strong>en</strong>t au coma<br />

qui accompagne les convulsions (obs. d'Esquirol,<br />

Frias, James Reid); tantôt le délire n'éclate que<br />

f 1 ) Synopsis on the varions Kinds of difficult Parturition,^. 1 47<br />

(2) Des maladies m<strong>en</strong>tales, t. IT, p. 239.<br />

(3) Anales de cirugia, 1847, 3« trimestre.<br />

(4) Archives de médecine belge, avril 1847-48.<br />

(5) Annales médico-psychologiques, t. Il, p. 310.<br />

.


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. 177<br />

24 OU 36 heures après la fin complèle des convul-<br />

sions, alors que l'on semblait pouvoir compter sur<br />

la cessation de tous les accid<strong>en</strong>ts cérébraux (obs. de<br />

MM. Selade, Billod et Gooch). — Sur 8 malades,<br />

l'une, celle de M. Sanchez Frias, est restée incu-<br />

rable; l'autre, celle de Gooch, a succombé au troi-<br />

sième jour sans que l'autopsie ait fait découvrir<br />

aucune lésion appréciable. Les autres ont fini par<br />

guérir.<br />

A quelle cause faut-il attribuer, dans les cas de ce<br />

g<strong>en</strong>re, le développem<strong>en</strong>t de l'aliénation m<strong>en</strong>tale?<br />

M. Selade, à la suite de son observation, émet la<br />

p<strong>en</strong>sée que la manie puerpérale doit être attribuée<br />

à de fortes déplétions sanguines pratiquées chez des<br />

femmes dont le système nerveux se trouve déjà<br />

dans un état d'éréthisme et d'exaltation. Nous<br />

sommes tout disposé à attribuer aux émissions san-<br />

guines une influ<strong>en</strong>ce de cette nature; mais l'analogie<br />

nous porte à croire qu'il y a de plus ici une véri-<br />

table perversion de l'action nerveuse qui, après<br />

avoir am<strong>en</strong>é des désordres du côté des mouvem<strong>en</strong>ts,<br />

finit par provoquer l'explosion de troubles intellec-<br />

tuels , ainsi qu'on l'observe dans l'hystérie, dans<br />

l'épilepsie, alors que le délire succède souv<strong>en</strong>t aux<br />

mouvem<strong>en</strong>ts convulsifs.<br />

4° Le docteur Webster (1) a publié cinq observa-<br />

(1) Journal of psychology, 1850. — Archives de médecine, oc-<br />

tobre 1850.<br />

IS


178 CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

ti<strong>en</strong>s t<strong>en</strong>dant à attribuera l'emploi du cliloroforme,<br />

p<strong>en</strong>dant l'accouchem<strong>en</strong>t, une influ<strong>en</strong>ce réelle sur<br />

la production de l'aliénation m<strong>en</strong>tale.<br />

Dans le premier cas, la femme qui avait accouché<br />

p<strong>en</strong>dant l'anesthésie, passa les trois premiers jours<br />

qui suivir<strong>en</strong>t la délivrance, dans une agitation déli-<br />

rante; bi<strong>en</strong>tôt elle fut prise de manie, et dut être<br />

transportée dans un asile spécial, d'où elle sortit<br />

guérie, après un an de traitem<strong>en</strong>t.<br />

Le second a trait à une femme chez laquelle on<br />

avait eu recours au chloroforme; elle ne put se re-<br />

mettre complètem<strong>en</strong>t de la stupeur où elle avait été<br />

plongée; avant qu'une semaine se fût écoulée, une<br />

manie assez viol<strong>en</strong>te se déclarait et durait dix-huit<br />

mois.<br />

Dans le troisième fait, l'inhalation du chloro-<br />

forme laissa après elle de l'inquiétude, de l'insom-<br />

nie, des rêves agités; trois semaines plus tard la<br />

malade était maniaque, hallucinée, avec perte de<br />

mémoire et viol<strong>en</strong>te agitation. Cet état dura <strong>en</strong>vi-<br />

ron cinq mois et se termina par la guérison.<br />

Dans la quatrième observation, une faible quan-<br />

tité de chloroforme versé sur un linge fut inspirée;<br />

l'effet fut si rapide, si int<strong>en</strong>se, que la malade, pâle<br />

et les traits décomposés, tomba aussitôt privée de<br />

connaissance et de s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t. Elle ne tarda pas à<br />

rev<strong>en</strong>ir à elle, mais la couche fut longue et doulou-<br />

reuse. P<strong>en</strong>dant les jours qui suivir<strong>en</strong>t, on remarqua


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. i 79<br />

une excitation singulière, à laquelle succéda un<br />

accès de manie très-caractérisé qui r<strong>en</strong>dit néces-<br />

saire l'emploi de la camisole, et ne guérit qu'au<br />

bout de plusieurs mois.—Enfin, une femme qui avait<br />

égalem<strong>en</strong>t fait usage de chloroforme p<strong>en</strong>dant son<br />

accouchem<strong>en</strong>t, resta près de six mois sans pouvoir<br />

dormir, presque totalem<strong>en</strong>t dépourvue de mé-<br />

moire, et sous le coup d'une irritabilité et d'une<br />

excitation nerveuses qui touchai<strong>en</strong>t de près à la<br />

folie.<br />

Quelques-uns de ces faits nous paraiss<strong>en</strong>t contes-<br />

tables : ainsi le second et le troi*=ième, dans lesquels<br />

les troubles cérébraux ne se sont développés que huit<br />

jours et trois semaines après les inhalations de chlo-<br />

roforme; les autres sont de nature à être pris <strong>en</strong><br />

considération, mais on éprouve un embarras réel<br />

pour se prononcer à cet égard d'une manière défi-<br />

nitive, si Ton songe aux trois faits opposés relatés<br />

par M. Simpson (1).<br />

Il s'agit de trois femmes qui , après avoir été<br />

délivrées sous l'influ<strong>en</strong>ce des inhalations de chloro-<br />

forme, eur<strong>en</strong>t les suites de couches les plus heu-<br />

reuses, tandis que, à la suite de leur dernier accou-<br />

chem<strong>en</strong>t, où l'ag<strong>en</strong>t anesthésique n'avait pas été<br />

employé, elles avai<strong>en</strong>t donné des signes non équi-<br />

voques de manie puerpérale. L'une de ces femmes,<br />

(1) Revue médicale, 1853, t. I, p. 569.


180 CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

mère de plusieurs <strong>en</strong>fants, n'avait jusque-là, dans<br />

ses couches antérieures, jamais échappé à celle sin-<br />

gulière maladie.<br />

En France, où le chloroforme n'est employé dans<br />

la pratique des accouchem<strong>en</strong>ts que d'une manière<br />

exceptionnelle, il est difficile qu'on arrive sur ce<br />

point à une solution définitive ; mais, bi<strong>en</strong> que le<br />

chloroforme soit loin d'être par lui-même un médi-<br />

cam<strong>en</strong>t inofî<strong>en</strong>sif, je serais porté à croire qu'<strong>en</strong> <strong>en</strong>-<br />

levant les douleurs si vives du travail de l'accou-<br />

chem<strong>en</strong>t, il doit faire disparaître une des causes qui<br />

amèn<strong>en</strong>t l'explosion de la manie, et être plutôt<br />

utile que nuisible, à moins de prédispositions excep-<br />

tionnelles ; je range donc cette cause parmi celles<br />

dont l'influ<strong>en</strong>ce est au moins contestable.<br />

5° Les émotions morales après l'accouchem<strong>en</strong>t,<br />

sont assez souv<strong>en</strong>t cause occasionnelle du délire. Sur<br />

60 malades, nous avons constaté neuf fois l'influ<strong>en</strong>ce<br />

delà peur, de viol<strong>en</strong>ts chagrins, de simples contrarié-<br />

tés. Cette proportion est peu considérable; elle met<br />

pour nous dans toute son évid<strong>en</strong>ce la prédominance<br />

des causes organiques dans le développem<strong>en</strong>t de la<br />

folie puerpérale, prédominance contestée par Es-<br />

quirol et admise par le docteur Burrow qui es-<br />

time que les causes physiques sont dix fois plus<br />

nombreuses que les autres (1);<br />

elle relègue, sur un<br />

plan tout à fait secondaire les causes tirées de l'or-<br />

(l) Doct. Copland, Dictionary of medicine, t. II, art. Insanity.


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. 181<br />

drB moral qui jou<strong>en</strong>t réellem<strong>en</strong>t un rôle beaucoup<br />

plus considérable dans le développem<strong>en</strong>t de la folie<br />

chez les sujets qui se trouv<strong>en</strong>t dans des conditions<br />

ordinaires de santé.<br />

Bi<strong>en</strong> plus, <strong>en</strong> examinant scrupuleusem<strong>en</strong>t quel-<br />

ques-unes des observations que nous avons recueil-<br />

lies et dans lesquelles une cause purem<strong>en</strong>t morale<br />

semblait avoir été le point de départ du délire,<br />

nous avons souv<strong>en</strong>t constaté que déjà des signes<br />

notables d'exaltation s'étai<strong>en</strong>t manifestés avant l'im-<br />

pression vive à laquelle on faisait remonter le dé-<br />

but des accid<strong>en</strong>ts; dans plus d'un cas d'ailleurs le<br />

sujet de la contrariété était par lui-même si futile,<br />

qu'il a fallu un cerveau déjà bi<strong>en</strong> malade pour que<br />

l'impression ress<strong>en</strong>tie fût aussi vive. Cette circon-<br />

stance se prés<strong>en</strong>te souv<strong>en</strong>t lorsqu'on cherche à re-<br />

monter au point de départ de la folie : chaque in-<br />

dividu, dans le cours de sa vie, est soumis à tant<br />

d'émotions si vives et si variées, et, comparative-<br />

m<strong>en</strong>t, il se développe un si petit nombre de cas<br />

d'aliénation m<strong>en</strong>tale, que sans doute il faut un<br />

terrain bi<strong>en</strong> préparé et des prédispositions bi<strong>en</strong> con-<br />

sidérables pour qu'une impression morale mène à<br />

l'explosion de la maladie. Et <strong>en</strong> regard de ceux<br />

que le motif le plus léger trouble si profondém<strong>en</strong>t,<br />

ne voit-on pas chaque jour des sujets dont l'intel-<br />

lig<strong>en</strong>ce résiste à des catastrophes sans nombre ?<br />

C'est qu'<strong>en</strong> effet, il <strong>en</strong> est des émotions morales


182 CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

comme de toutes les influ<strong>en</strong>ces extérieures aux-<br />

quelles l'homme se trouve soumis; celui-ci sup-<br />

porte sans accid<strong>en</strong>t un abaissem<strong>en</strong>t considérable de<br />

température, tandis que celui-là, placé dans les<br />

mêmes condilions, contractera une pneumonie ou<br />

quelque grave phlegmasie ; tel individu s'habituera<br />

à un g<strong>en</strong>re de vie, à des alim<strong>en</strong>ts, à des travaux<br />

qui altéreront rapidem<strong>en</strong>t la santé d'un autre. En<br />

réalité, les causes morbides n'ont, par elles-mêmes,<br />

aucune valeur intrinsèque déterminée ; tout dé-<br />

p<strong>en</strong>d de l'impressionnabilité, de l'idiosyncrasie du<br />

sujet.<br />

6" La première m<strong>en</strong>struation qui suit l'accou-<br />

chem<strong>en</strong>t exerce sur le développem<strong>en</strong>t de la folie<br />

puerpérale une influ<strong>en</strong>ce que M. Baillarger a signa-<br />

lée depuis quelque temps déjà (1), et que nos pro-<br />

pres observations confirm<strong>en</strong>t d'une manière non<br />

douteuse ; de toutes les causes occasionnelles, c'est<br />

peut-être la plus fréqu<strong>en</strong>te, et c'est <strong>en</strong> même temps<br />

l'une des plus naturelles : une fonction périodique<br />

qui s'accompagne souv<strong>en</strong>t de nombreux phéno-<br />

mènes sympathiques du côté de l'innervation a été<br />

supprimée p<strong>en</strong>dant dix mois, ou même plus, si la<br />

mère a allaité; cette fonction se rétablit <strong>en</strong>fin après<br />

ce long intervalle; mais l'état nerveux qui précède,<br />

accompagne ou suit son apparition, suffit pour don-<br />

(1) Gazette des hôpitaux, 8 nov. 18o6.


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. J83<br />

ner prise à toutes les prédispositions morbides, et<br />

dev<strong>en</strong>ir le point de départ du délire.<br />

Une dame de grande intellig<strong>en</strong>ce, alliée à un<br />

médecin de Paris, était accouchée depuis six se-<br />

maines et <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t rétablie, lorsqu'un jour, p<strong>en</strong>-<br />

dant qu'elle travaillait dans sa chambre, elle s<strong>en</strong>t<br />

tout à coup un trouble inexprimable; sa tète s'é-<br />

gare, ses idées s'obscurciss<strong>en</strong>t, elle cherche à se<br />

r<strong>en</strong>dre compte de ce qui l'<strong>en</strong>toure sans pouvoir y<br />

arriver. Ce trouble m<strong>en</strong>tal passager ne dure que<br />

quelques instants; quand elle revi<strong>en</strong>t à elle, elle<br />

s'aperçoit que ses règles ont coulé pour la première<br />

fois depuis son accouchem<strong>en</strong>t.<br />

Voilà dans son plus faible degré ce trouble m<strong>en</strong>-<br />

tal qui peut accompagner l'apparition de la première<br />

époque m<strong>en</strong>struelle; mais il ne se borne pas toujours<br />

à des symptômes aussi légers et aussi fugitifs, et<br />

bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t il s'élève jusqu'au délire le plus carac-<br />

térisé.<br />

Sur 44 femmes atteintes de folie après l'accou-<br />

chem<strong>en</strong>t, et qui n'avai<strong>en</strong>t pas allaité, j'<strong>en</strong> ai trouvé<br />

H qui sont tombées malades vers la sixième se-<br />

maine, c'est-à-dire précisém<strong>en</strong>t au mom<strong>en</strong>t du<br />

retour de couches. Cep<strong>en</strong>dant on commettrait une<br />

erreur, <strong>en</strong> p<strong>en</strong>sant qu'il y a toujours simultanéité<br />

parfaite <strong>en</strong>tre l'apparition du délire et l'éruption m<strong>en</strong>-<br />

struelle ; il existe, au contraire de grandes variétés<br />

dans l'ordre d'apparition de ces deux faits et dans


iSA CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUqpÉES<br />

l'influ<strong>en</strong>ce réciproquequ'ilsexerc<strong>en</strong>tl'un sur l'autre.<br />

Quelquefois, <strong>en</strong> effet, comme dans les obser-<br />

vations 61, 65, le délire précède de cinq ou six<br />

jours l'apparition des règles, et parait lié plutôt au<br />

raolira<strong>en</strong> m<strong>en</strong>struel qu'à l'hémorragie elle-même,<br />

ainsi qu'on l'observe bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t dans les cas de<br />

folie interniill<strong>en</strong>le liée à la m<strong>en</strong>struation. Cette<br />

circonstance explique pourquoi beaucoup de fem-<br />

mes atteintes de folie puerpérale ont leurs règles au ••<br />

mom<strong>en</strong>t de leur <strong>en</strong>trée à Tiiôpital ou très-peu de<br />

jours après; alors, <strong>en</strong> général la lîn de l'écoulem<strong>en</strong>t<br />

sanguin s'accoaipagne d'une rémission très-s<strong>en</strong>sible<br />

dans le délire et l'agitation.<br />

D'autres malades offrai<strong>en</strong>t depuis leur accouche-<br />

m<strong>en</strong>t un peu de bizarrerie dans leurs idées et dans<br />

leurs allures, ou même du délire tranquille, lorsque<br />

l'arrivée des règles a donné une nouvelle impulsion<br />

à la maladie et nécessité leur <strong>en</strong>trée à Fhôpital.<br />

(Observation 46.)<br />

Dans un plus grand nombre de cas, la folie a dé-<br />

buté avec l'écoulem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>struel ou p<strong>en</strong>dant sa du-<br />

rée. (Observations 52, 67 et 48).<br />

Enfin, nous avons vu la m<strong>en</strong>struation faire com-<br />

plètem<strong>en</strong>t défaut et le délire éclater précisém<strong>en</strong>t à<br />

l'époque où les règles devai<strong>en</strong>t apparaitre. Un mois<br />

après, l'hémorragie repr<strong>en</strong>ait toute sa régularité.<br />

(Observation 43.)<br />

Chez les nourrices, il est aussi digne de remarque


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. 185<br />

que l'invasion du délire a lieu fréquemm<strong>en</strong>t de la qua-<br />

trième à la sixième semaine, alors même que la sé-<br />

crétion lactée très-abondante semble constituer une<br />

dérivation suffisante et qu'il n'existe ni malaise, ni<br />

pesanteur, ni douleurs lombaires indiquant du côté<br />

de l'utérus un raoiim<strong>en</strong> hémorragique bi<strong>en</strong> carac-<br />

térisé. Sur 22 malades qui sont dev<strong>en</strong>ues aliénées<br />

p<strong>en</strong>dant qu'elles allaitai<strong>en</strong>t, il <strong>en</strong> est 16 qui sont<br />

tombées malades à la suite d'une lactation prolongée<br />

qui les avait épuisées, tandis que chez les autres, les<br />

premiers troubles intellectuels se sont manifestés<br />

vers la sixième semaine qui a suivi le début de l'al-<br />

laitem<strong>en</strong>t. 11 est difficile de ne pas voir <strong>en</strong>core dans<br />

cette dernière coïncid<strong>en</strong>ce un des résultats de l'ac-<br />

tion toute spéciale, que l'époque du retour de cou-<br />

ches semble exercer.<br />

Enfin, nous retrouvons cette influ<strong>en</strong>ce chez des<br />

femmes qui, ayant allaité p<strong>en</strong>dant un certain nom-<br />

bre de mois, tomb<strong>en</strong>t malades après le sevrage.<br />

Chez trois d'<strong>en</strong>tre elles , nous avons vu le délire<br />

apparaître dix jours, trois semaines, un mois après<br />

la cessation de l'allaitem<strong>en</strong>t, précisém<strong>en</strong>t au mo-<br />

m<strong>en</strong>t où les règles reparaissai<strong>en</strong>t après une inter-<br />

ruption de dix-huit mois, ou même de deux années.<br />

(Observations 64, 65 et 61.)<br />

En résumé, chez les nouvelles accouchées, chez les<br />

nourrices p<strong>en</strong>dant la lactation ou après le sevrage,<br />

lorsqu'il y a prédisposition à la folie, la première


186 CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES<br />

m<strong>en</strong>struation est un mom<strong>en</strong>t qui exige de grandes<br />

précautions pour être traversé impuném<strong>en</strong>t; une<br />

fois que cette époque est passée, les chances d'acci-<br />

d<strong>en</strong>ts diminu<strong>en</strong>t beaucoup ; j'ai r<strong>en</strong>contré quelques<br />

cas dans lesquels on disait et on répétait, que l'alié-<br />

nation m<strong>en</strong>tale s'était développée trois mois, quatre<br />

mois après l'accouchem<strong>en</strong>t ; mais <strong>en</strong> faisant une<br />

<strong>en</strong>quête att<strong>en</strong>tive sur les antécéd<strong>en</strong>ts des malades, <strong>en</strong><br />

recherchant avec soin les premières manifestations<br />

morbides, j'ai toujours trouvé qu'elles remontai<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> réalité à la quatrième, à la cinquième ou à la<br />

sixième semaine, et que le début assigné à la ma-<br />

ladie n'était pas autre chose que le mom<strong>en</strong>t où les<br />

symptômes avai<strong>en</strong>t acquis une telle int<strong>en</strong>sité, qu'il<br />

n'était plus permis de les méconnaître. Tel est le cas<br />

de cette mélancolique dont on retrouvera plus loin<br />

l'observation détaillée. (Observ. 45.) Ses par<strong>en</strong>ts affir-<br />

mai<strong>en</strong>t que les troubles intellectuels avai<strong>en</strong>t débuté<br />

quelques jours seulem<strong>en</strong>t avant l'<strong>en</strong>trée à l'hôpital,<br />

c'est-à-dire cinq mois après l'accouchem<strong>en</strong>t; mais<br />

<strong>en</strong> les interrogeant avec soin, je parvins à appr<strong>en</strong>dre<br />

que, depuis trois ou quatre mois, la malade était<br />

constamm<strong>en</strong>t triste et abattue ; elle disait que les<br />

personnes qui causai<strong>en</strong>t autour d'elle faisai<strong>en</strong>t sans<br />

cesse allusion à la faute qu'elle avait commise, que<br />

sur la figure de toutes se peignait de la haine et du<br />

mépris pour elle; <strong>en</strong> un mot, elle se comportait déjà<br />

comme une mélancolique et une hallucinée. El ce


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. 187<br />

qui est remarquable, c'est que des accid<strong>en</strong>ts dus<br />

probablem<strong>en</strong>t à une métrite chronique ayant re-<br />

tardé jusqu'à cinq mois l'époque du retour des cou-<br />

ches, c'est précisém<strong>en</strong>t quelques jours après l'hé-<br />

morragie m<strong>en</strong>struelle que la folie éclata dans toute<br />

son int<strong>en</strong>sité.<br />

7° Nous avons vu quelques cas dans lesquels le<br />

délire s'est bi<strong>en</strong> évidemm<strong>en</strong>t manifesté sous l'in-<br />

flu<strong>en</strong>ce d'une adénite mammaire passée à suppu-<br />

ration. (Observ. 62.) Chez des femmes un peu ner-<br />

veuses et impressionnables, déjà affaiblies par le<br />

travail de l'<strong>en</strong>fantem<strong>en</strong>t, l'anxiété qui détermine<br />

l'inflammation du sein, la terreur d'une opération,<br />

la nécessité de multiplier les incisions lorsque les<br />

abcès se sont formés, les pansem<strong>en</strong>ts pénibles qu'il<br />

est nécessaire de réitérer, amèn<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t un état<br />

d'exaltation qui conduit bi<strong>en</strong> vite les sujets prédis-<br />

posés à des désordres nerveux Irès-caractérisés.<br />

Je dois dire, toutefois, que, dans certains faits qui<br />

me sembl<strong>en</strong>t exceptionnels, l'inflammation du sein<br />

a produit une révulsion heureuse chez des femmes<br />

déjà délirantes. Dans la thèse de J. de Berger, j'ai<br />

trouvé l'histoire d'une malade qui, prise de délire à<br />

la suite d'une vive frayeur, quatre jours après l'ac-<br />

couchem<strong>en</strong>t, vers le déclin de la fièvre de lait, revint<br />

à elle sous l'influ<strong>en</strong>ce du mouvem<strong>en</strong>t fébrile qui<br />

accompagna un phlegmon du sein.<br />

6° Nous ne citons que pour mémoire deux cas


188 CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCBEES<br />

dans lesquels le début de la maladie a été rapporté<br />

à un refroidissem<strong>en</strong>t, et deux autres cas dans les-<br />

quels on a noté l'action d'odeurs pénétrantes que<br />

les malades avai<strong>en</strong>t respirées.<br />

L'hérédité, les grossesses nombreuses et l'épui-<br />

sem<strong>en</strong>t qui les accompagne, l'âge avancé des fem-<br />

mes <strong>en</strong> couches, les accès antérieurs de folie, et<br />

surtout de folie puerpérale, l'état moral de la femme<br />

p<strong>en</strong>dant la grossesse, l'anémie à la suite d'un allai-<br />

tem<strong>en</strong>t prolongé, le sexe de l'<strong>en</strong>fant, telles sont les<br />

principales causes prédisposantes qui nous paraiss<strong>en</strong>t<br />

devoir être admises. Parmi les causes occasionnelles,<br />

les difficultés de la parturition, l'hémorragie puer-<br />

pérale, l'éclampsie, l'époque du retour de couches,<br />

les douleurs qui accompagn<strong>en</strong>t l'adénite mammaire<br />

nous paraiss<strong>en</strong>t avoir une influ<strong>en</strong>ce certaine, mais<br />

d'int<strong>en</strong>sité variable.<br />

Dans la grande majorité des cas, plusieurs de ces<br />

causes se trouv<strong>en</strong>t réunies chez le même sujet, et de<br />

leur action combinée résulte alors un état morbide<br />

qui peut-être n'aurait pas été produit, si elles avai<strong>en</strong>t<br />

été isolées. Sans doute, on r<strong>en</strong>contre, ici comme<br />

partout, des cas qui se développ<strong>en</strong>t au moindre inci-<br />

d<strong>en</strong>t, sans prédisposition bi<strong>en</strong> manifeste , mais ces<br />

faits sont très-rares. Il n'<strong>en</strong> est pas des névroses, et<br />

surtout des vésanies, comme de beaucoup d'affec-<br />

tions aiguës; celles-ci survi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t sous l'influ<strong>en</strong>ce


ET DE LA FOLIE DES NOURRICES. 189<br />

de modifications rapides et à peine saisissables, qui<br />

se produis<strong>en</strong>t dans toute l'économie, tandis que les<br />

autres dép<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t surtout des causes constitution-<br />

nelles, causes qui agiss<strong>en</strong>t l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t, altèr<strong>en</strong>t peu à<br />

peu l'organisme et le prépar<strong>en</strong>t de longue main à<br />

subir toute espèce d'action morbide.<br />

Si, au point de Yue éliologique, il existe une iné-<br />

galité manifeste <strong>en</strong>tre la puissance des causes prédis-<br />

posantes, et celle des causes occasionnelles, au<br />

point de vue pratique, les unes et les autres ont une<br />

égale importance, et leur étude att<strong>en</strong>tive doit dans<br />

plus d'un cas justifier et autoriser l'interv<strong>en</strong>tion du<br />

médecin :<br />

lorsque par ses antécéd<strong>en</strong>ts morbides une<br />

femme semble prédisposée à la folie, chacune des<br />

causes que nous avons énumérées peut dev<strong>en</strong>ir l'ob-<br />

jet d'une indication bi<strong>en</strong> positive. S'élever contre les<br />

grossesses trop nombreuses et trop rapprochées, ar-<br />

rêter promplem<strong>en</strong>t les hémorragies p<strong>en</strong>dant l'accou-<br />

chem<strong>en</strong>t, combattre toutes les causes d'épuisem<strong>en</strong>t,<br />

s'opposera la lactation dans certaines circonstances<br />

données, surveiller l'apparition du retour de couches;<br />

<strong>en</strong>fin, éviter les émotions morales et toutes les causes<br />

occasionnelles que nous avons signalées : tels sont,<br />

<strong>en</strong> deux mots, les moy<strong>en</strong>s d'atténuer les prédisposi-<br />

tions et d'arrêter leurs fâcheuses conséqu<strong>en</strong>ces ; mais<br />

c'est là une question sur laquelle nous devrons re-<br />

v<strong>en</strong>ir à propos de chacune des variétés de folie puer-<br />

pérale que nous allons maint<strong>en</strong>ant étudier.


CHAPITRE II.<br />

DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

La folie des nouvelles accouchées est la plus fré-<br />

qu<strong>en</strong>te de toutes les variétés de folie puerpérale ;<br />

déjà nous avons eu occasion de le prouver par des<br />

chiffres ; qu'il nous suffise de répéter ici que sur un<br />

total de 79 faits, nous <strong>en</strong> avons trouvé 44, c'est-à-<br />

dire un peu plus de la moitié, qui apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à<br />

cette catégorie.<br />

Les formes de folie que nous avons observées,<br />

sont la manie; la mélancolie; les lésions partielles de<br />

l'intellig<strong>en</strong>ce, hallucinations, monomanies intellec-<br />

tuelles ou instinctives ; <strong>en</strong>fin une variété toute spé-<br />

ciale d'affaiblissem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>tal, qui semble causé par<br />

d'abondantes pertes de sang, et peut facilem<strong>en</strong>t<br />

guérir par un traitem<strong>en</strong>t approprié.<br />

En traçant une démarcation aussi nette <strong>en</strong>tre les<br />

diverses formes d'aliénation m<strong>en</strong>tale qui se prés<strong>en</strong>-<br />

t<strong>en</strong>t après l'accouchem<strong>en</strong>t, je dois faire quelques<br />

réserves peu importantes. Peut-être observe -t-on<br />

dans l'état puerpéral un moins grand nombre de ces<br />

formes mixtes, impossibles à classer età définir nettem<strong>en</strong>t<br />

dans lapratique; mais on r<strong>en</strong>contre, ici comme<br />

\<br />

I


DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 191<br />

partout, ces transformations morbides qui ne sont<br />

pas un des phénomènes les moins curieux de la pa-<br />

thologie m<strong>en</strong>tale : nous avons vu la manie avoir<br />

pour prodromes plusieurs journées de langueur, de<br />

faiblesse et d'abattem<strong>en</strong>t. Chez une de nos malades<br />

(observ. 55), il y eut, six semaines après l'accouche-<br />

m<strong>en</strong>t, un accès de délire maniaque qui disparut au<br />

bout de peu de jours laissant après lui des halluci-<br />

nations, des conceptions délirantes isolées qui, deux<br />

années après , persistai<strong>en</strong>t avec la même int<strong>en</strong>sité.<br />

Dans un autre cas (observ. 44), la folie avait débuté<br />

par des conceptions délirantes partielles qui, au bout<br />

de deux mois seulem<strong>en</strong>t, se compliquèr<strong>en</strong>t de la<br />

dépression mélancolique la plus complète. Ainsi,<br />

manie, mélancolie et monomanie ont des connexions<br />

intimes et n'exist<strong>en</strong>t pas d'emblée avec tout leur ap-<br />

pareil symptomatique.<br />

Ces formes diverses d'aliénation m<strong>en</strong>tale sont loin<br />

d'être égalem<strong>en</strong>t fréqu<strong>en</strong>tes. Sur 44 malades, j'ai<br />

trouvé 29 cas de manie, 10 cas de mélancolie, 5 cas<br />

de folie partielle, et deux cas seulem<strong>en</strong>t d'affaiblis-<br />

sem<strong>en</strong>t intellectuel passager. La prédominance de la<br />

manie chez les nouvelles accouchées est un fait qu'il<br />

n'est pas sans intérêt de noter, car chez lés nour-<br />

rices là forme mélancolique est au moins aussi com-<br />

mune que la manie ; le nombre des monomanies est<br />

à peine égal au cinquième des cas de manie.<br />

Chacune de ces variétés a sa marche et son pro-


192 DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

nostic spécial, et doit être examinée à part : mais<br />

il est une remarque générale qu'il est bon de faire<br />

ici. C'est que tous les cas de folie consécutive<br />

à raccouchem<strong>en</strong>t se rang<strong>en</strong>t, sous le rapport de<br />

l'époque de leur développem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> deux catégories<br />

distinctes : d'un côlc ceux qui apparaiss<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant<br />

les huit ou dix premiers jours qui suiv<strong>en</strong>t la déli-<br />

vrance et dont l'origine peut être légitimem<strong>en</strong>t rap-<br />

portée à la fièvre de lait ou à l'ébranlem<strong>en</strong>t ner-<br />

veux qui accompagne l'accouchem<strong>en</strong>t : d'un autre,<br />

ceux qui ne se développp<strong>en</strong>t que vers la cinquième ou<br />

la sixième semaine. En parcourant nos observations<br />

nous avons été frappé de la netteté avec laquelle ces<br />

deux groupes se sépar<strong>en</strong>t et de la rareté des cas<br />

dans lesquels la maladie se développe dans la période<br />

intermédiaire, c'est-à-dire <strong>en</strong>tre le dixième ou le<br />

quarantième jour.<br />

Ainsi sur 44 malades, 33 fois le début de la folie<br />

a eu lieu dans les dix premiers jours, quelquefois<br />

même le délire a paru dès le premier ou le dixième<br />

jour qui a suivi la délivrance ; mais le plus souv<strong>en</strong>t,<br />

il n'a éclaté ou atteint son paroxysme que vers le<br />

quatrième ou le cinquième jour ; le début au dixième<br />

jour est déjà assez rare.<br />

Onze femmes sont tombées malades vers la sixième<br />

semaine, c'est-à-dire au mom<strong>en</strong>t du retour de cou-<br />

ches. Ce n'est pas ici le lieu d'insister de nouveau<br />

sur l'importance de la première époque m<strong>en</strong>struelle


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 193<br />

qui devi<strong>en</strong>t si fréquemm<strong>en</strong>t le point de départ du<br />

délire, aussi bi<strong>en</strong> chez les nouvelles accouchées que<br />

chez les nourrices, et qui constitue pour nous la<br />

limite extrême de la folie puerpérale; cont<strong>en</strong>tons-<br />

nous de rappeler ce fait, et passons à l'étude spé-<br />

ciale de chacune des formes d'aliénation m<strong>en</strong>tale<br />

qui se développ<strong>en</strong>t chez les nouvelles accouchées.<br />

Art. I«'. De la mauie des uoavelles accouchées.<br />

§ 1". Parmi les formes d'aliénation m<strong>en</strong>tale qui se<br />

développ<strong>en</strong>t immédiatem<strong>en</strong>t après l'accouchem<strong>en</strong>t,<br />

la manie est une des plus importantes ; surv<strong>en</strong>ant chez<br />

des sujets qui, après une opération souv<strong>en</strong>t longue et<br />

douloureuse, conserv<strong>en</strong>t au moins p<strong>en</strong>dant quelques<br />

jours unelarge surface <strong>en</strong> suppuration, elle offrequel-<br />

ques connexionspathologiques avec ce délire nerveux<br />

qui éclate parfois à la suite d'une lésion traumatique<br />

ou p<strong>en</strong>dant le cours d'une maladie organique à forme<br />

aiguë. Et c'est ici surtout qu'on peut reconnaître avec<br />

M. Moreau, qui a développé avec tal<strong>en</strong>t ce point de<br />

pathologie m<strong>en</strong>tale (1), combi<strong>en</strong> sont illusoires les<br />

distinctions que l'on s'efforce d'établir <strong>en</strong>tre le déhre<br />

et la folie, et combi<strong>en</strong> il est difficile de tracer une<br />

hgne de démarcation bi<strong>en</strong> tranchée <strong>en</strong>tre l'accès de<br />

(1) Delà folie au point de vue pathologique et anatomo-patholo-<br />

fjique^ I800.<br />

13


194 DE LA 3IANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

manie et ce délire sympathique ou symptomatique<br />

qu'on retrouve comme complication dans diverses<br />

affections organiques. Invoquerons-nous l'abs<strong>en</strong>ce de<br />

fièvre? Mais au début de la manie puerpérale, il y a<br />

très-souv<strong>en</strong>t accélération du pouls, chaleur fébrile de<br />

la peau, sécheresse de la langue, soif vive et tout<br />

l'appareil symptomatique des pyrexies. Fera-t-on<br />

appel à la chronicité du délire ? Mais on voit des accès<br />

de manie puerpérale qui dur<strong>en</strong>t à peine 24 ou<br />

48 heures, ainsi que nous <strong>en</strong> citerons des exemples<br />

(observ. 32,33, 34), tandis que dans certaines fièvres<br />

continues le délire se prolonge p<strong>en</strong>dant une semaine<br />

et plus. Entre le délire systématique et organisé de<br />

certains monomanes et le délire général et incohé-<br />

r<strong>en</strong>t, qu'il soit sympathique ou symptomatique, il<br />

existe sans doute de profondes différ<strong>en</strong>ces; mais <strong>en</strong>tré<br />

ce dernier et la manie, la séparation est impossible,<br />

et la nature se joue ici de toutes nos classifications.<br />

Aussi pour distinguer la manie des autres affections<br />

délirantes des femmes <strong>en</strong> couches, il ne faut pas re-<br />

courir à l'analyse du délire, mais passer <strong>en</strong> revue les<br />

divers appareils organiques, dont l'exam<strong>en</strong> peut seul<br />

indiquer quelle est la nature des troubles cérébraux.<br />

§ 2. La manie puerpérale se r<strong>en</strong>contre non-seulem<strong>en</strong>tdans<br />

l'espècehumaine, mais <strong>en</strong>core chezlesani-<br />

maux. Le Journal de Hufelandraip^orie le cas suivant<br />

qui m'aparudigned'être noté. Une vache de trois ans,<br />

vêla pour la première fois le 12 janvier, à huit heures


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 195<br />

du soir. Jusqu'alors cet animal ne s'était nullem<strong>en</strong>t<br />

montré sauvage ;<br />

le travail du part et l'expulsion du<br />

plac<strong>en</strong>ta avai<strong>en</strong>t été supportés tranquillem<strong>en</strong>t. Envi-<br />

ron une heure et demie après avoir mis bas, la vache<br />

<strong>en</strong> regardant son veau devint tout à coup furieuse,<br />

chercha à le frapper de ses cornes, poussa des beu-<br />

glem<strong>en</strong>ts effrayants; son muffle était couvert de bave,<br />

son poil se hérissait, et les yeux dev<strong>en</strong>us rouges rou-<br />

lai<strong>en</strong>t dans la tête. Elle brisa les cordes avec les-<br />

quelles elle était attachée, de sorte qu'il fallut em-<br />

ployer des chaînes pour la ret<strong>en</strong>ir. Cet accès de fu-<br />

reur dura <strong>en</strong>viron six heures, après quoi il cessa peu<br />

à peu, et le l<strong>en</strong>demain il n'y <strong>en</strong> avait plus de ves-<br />

tige (1).<br />

Ces faits paraiss<strong>en</strong>t d'ailleurs très-rares, car j'ai<br />

interrogé à ce sujet plusieurs vétérinaires émin<strong>en</strong>ts,<br />

surtout M. le docteur Richard (du Cantal), qui a<br />

dirigé p<strong>en</strong>dant longtemps un des plus grands haras<br />

de France : aucun d'eux n'avait observé de cas ana-<br />

logue.<br />

§ 3. La manie se développe, soit dans les premiers<br />

jours qui suiv<strong>en</strong>t l'accouchem<strong>en</strong>t, surtout au mom<strong>en</strong>t<br />

de la fièvre de lait, soit à l'époque du retour de cou-<br />

ches; son début est quelquefois subit: une femme<br />

citée par le docteur James Reid, s'était <strong>en</strong>dormie <strong>en</strong><br />

bonne santé, elle se réveilla tout à coup, <strong>en</strong> criant<br />

(l) Gazette médicale de Paris, 1831, p. 28.


196 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

que son <strong>en</strong>fant était mort, et à partir de cet instant,<br />

elle fut maniaque. Mais dans la grande majorité des<br />

cas, les accid<strong>en</strong>ts vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t progressivem<strong>en</strong>t, et après<br />

une période prodromique que tous les auteurs ont<br />

notée, et qui varie de quelques heures à cinq ou six<br />

jours , les femmes sont tristes, moroses, mais plus<br />

souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core excitées : leurs manières et leurs<br />

allures se modifi<strong>en</strong>t; elles se montr<strong>en</strong>t affectueuses<br />

à l'excès pour leur <strong>en</strong>fant, pour leur famille ou<br />

pleines d'une aversion déraisonnable pour ceux<br />

qu'elles aimai<strong>en</strong>t le plus jadis ;<br />

leur loquacité est in-<br />

tarissable, elles pleur<strong>en</strong>t ou elles ri<strong>en</strong>t sans motif.<br />

Les s<strong>en</strong>s devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t plus actifs et plus subtils, le<br />

moindre bruit affecte l'ouïe d'une manière pénible,<br />

une lumière trop vive fait souffrir. Cet état d'excita-<br />

tion qu'il n'est pas rare d'observer, mais à un faible<br />

degré, chez les femmes impressionnables, au mo-<br />

m<strong>en</strong>t de la fièvre de lait, peut se calmer de luimême<br />

ou par des soins bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dus, dès que la<br />

sécrétion laiteuse est établie. Il disparait alors sans]<br />

laisser de traces; mais si les sujets sont prédisposés<br />

à la folie, si les conditions hygiéniques sont mauvai-<br />

ses, si les femmes ont affaire à des gardes-malades<br />

qui, obéissant à l'antique tradition, ne craign<strong>en</strong>t<br />

pas d'administrer des boissons alcooliques danslebut<br />

de sout<strong>en</strong>ir les forces, ainsi que cela se pratique <strong>en</strong>-<br />

core trop souv<strong>en</strong>t, alors l'agitation augm<strong>en</strong>te de jour<br />

<strong>en</strong> jour, et la manie éclate dans toute sa viol<strong>en</strong>ce.


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 197<br />

§ 4. L'insomnie devi<strong>en</strong>t complète, la langue est<br />

chargée, la bouche fuligineuse; la céphalalgie est<br />

plus vive que jamais, le pouls, accéléré p<strong>en</strong>dant les<br />

mom<strong>en</strong>ts d'agitation, repr<strong>en</strong>d un peu de calme dès<br />

que la femme est tranquille; les hallucinations de<br />

l'ouïe et de la vue ne tard<strong>en</strong>t pas à surv<strong>en</strong>ir et à<br />

jeter les malades dans une agitation viol<strong>en</strong>te, p<strong>en</strong>-<br />

dant laquelle elles devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t dangereuses pour elles-<br />

mêmes, pour ceux qui les <strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t , et surtout<br />

pour l'<strong>en</strong>fant confié à leurs soins. Schlesinger rap-<br />

porte des exemples d'infanticides commis dans un<br />

semblable accès (1) . — Le docteur Lafont a vu une<br />

maniaque qui, dans un délire furieux, voulait jeter<br />

son <strong>en</strong>fant dans un four. (Observ. 34.)<br />

Je crois inutile d'insister ici sur les conceptions<br />

délirantes et les hallucinations, sur l'exaltation de<br />

toutes les fonctions intellectuelles et nerveuses, sur<br />

le désordre et l'incohér<strong>en</strong>ce des actes qui caracté-<br />

ris<strong>en</strong>t la manie; je passerai égalem<strong>en</strong>t sous sil<strong>en</strong>ce<br />

les diverses variétés que nous avons observées dans<br />

la manie puerpérale sous le rapport de la prédo-<br />

minance de tel ou tel symptôme ; ce que je pourrais<br />

dire à ce sujet ne différerait <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> des descriptions<br />

et des classifications que conti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t tous les livres.<br />

Mais il me paraît utile d'examiner et de discuter la<br />

valeur de certains symptômes qui ont été regardés<br />

(1) Weili, loc. cit.


198 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

comme spéciaux à la manie des nouvelles accou-<br />

chées, et à l'aide desquels, selon quelques auteurs,<br />

on pourrait la distinguer sans peine de la manie qui<br />

survi<strong>en</strong>t hors l'état puerpéral :<br />

Le faciès des malades, l'odeur qu'elles exhal<strong>en</strong>t,<br />

la prés<strong>en</strong>ce de l'albumine dans leurs urines sont,<br />

parmi les symptômes physiques, les plus importants<br />

qui ai<strong>en</strong>t été notés. Parmi les idées délirantes, celles<br />

qui sont de nature erotique ont attiré égalem<strong>en</strong>t<br />

l'att<strong>en</strong>tion des observateurs qui leur ont accordé<br />

une importance toute spéciale.<br />

1° Esquirol a dit que, chez les femmes atteintes<br />

de manie puerpérale, le faciès avait quelque chose<br />

de particuher qui permettait de les reconnaître<br />

lorsqu'on avait quelque habitude de soigner les alié-<br />

nés (1). Cette physionomie particulière, qu'Esquirol<br />

n'a pas décrite, n'est pas autre chose que le faciès<br />

du maniaque associé à cet aspect particulier de<br />

la figure qui dislingue les nouvelles accouchées :<br />

chez elles les traits sont un peu œdémateux, pâlis<br />

ei tirés, la peau a une blancheur comme laiteuse,<br />

les joues et le front sont recouverts d'éphélides;<br />

ces caractères se retrouv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core dans la figure<br />

égarée et bouleversée des maniaques : ils peuv<strong>en</strong>t<br />

sans doute, au début de la maladie, frapper le mé-<br />

decin, mais peu à peu ils s'effac<strong>en</strong>t, et, au bout de<br />

(i) Esquirol, Des maladies m<strong>en</strong>tales^ t. li, p. 236, Paris, 1838.<br />

1


DE LA :,IA?;iE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 199<br />

quelque temps, il devi<strong>en</strong>t impossible à l'œil le plus<br />

exercé de reconnaître le point de départ de la folie.<br />

Aussi n'ont-ils qu'une valeur passagère dont l'im-<br />

portance ne doit pas être exagérée.<br />

2° Il <strong>en</strong> est de même de l'odeur spéciale attribuée<br />

aux femmes dev<strong>en</strong>ues maniaques à la suite de l'accou-<br />

chem<strong>en</strong>t; cette odeur existe <strong>en</strong> effet, mais au début<br />

seulem<strong>en</strong>t, elle ti<strong>en</strong>t uniquem<strong>en</strong>t aux diverses sécré-<br />

tions des nouvelles accouchées, sueur, colostrum,<br />

écoulem<strong>en</strong>t lochial, sans qu'on puisse être <strong>en</strong> droit<br />

de l'attribuer spécialem<strong>en</strong>t à l'état maniaque; c'est<br />

un point sur lequel il me paraît inutile d'insister.<br />

3*> Bi<strong>en</strong> des fois, <strong>en</strong> songeant à la fréqu<strong>en</strong>ce de<br />

l'albuminurie chez les feaimes <strong>en</strong>ceintes et aux<br />

complications si nombreuses et si variées que l'on<br />

observe du côté du système nerveux chez les sujets<br />

dont l'urine précipite par l'acide nitrique, je me suis<br />

demandé si la manie suit« de couches, ne s'accom-<br />

pagnait pas aussi parfois de la prés<strong>en</strong>ce dans l'urine<br />

d'une quantité plus ou moins grande d'albumine.<br />

Je dois dire tout d'abord que les recherches cli-<br />

niques <strong>en</strong>treprises sur ce sujet ne m'ont donné au-<br />

cun résultat, bi<strong>en</strong> que j'aie examiné à ce point de<br />

vue un assez grand nombre de malades; aussi, tout<br />

<strong>en</strong> faisant mes réserves pour l'av<strong>en</strong>ir, je me trouve<br />

obligé de m'<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir ici aux observations rapportées<br />

par quelques auteurs anglais, observations qu'il est<br />

bon de rapporter et de discuter.


200 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

Le docteur Burnett (1) a raconté le fait suivant :<br />

Une femme mariée, âgée de 23 ans, chez la-<br />

quelle une forme légère de manie apparut p<strong>en</strong>dant<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t et persista p<strong>en</strong>dant dix-huit mois,<br />

avait de l'allDumine dans les urines : quand l'al-<br />

bumine disparaissait, il se précipitait du phos-<br />

phate de chaux et de l'urate d'ammoniaque ; tant<br />

que les urines étai<strong>en</strong>t alburaineuses, la malade<br />

restait muette; quand elles cessai<strong>en</strong>t de l'être, la<br />

malade dev<strong>en</strong>ait plus bavarde et plus bruyante. Les<br />

facultés intellectuelles guérir<strong>en</strong>t à la fin, mais les<br />

poumons étant pleins de tubercules, les forces phy-<br />

siques finir<strong>en</strong>t par succomber. — Il serait sans doute<br />

curieux, dans un cas de folie à double forme comme<br />

le précéd<strong>en</strong>t, de voir l'albuminurie coexister avec la<br />

période de stupeur et l'albuminurie disparaître au<br />

mom<strong>en</strong>t où survi<strong>en</strong>t la période d'excitation, mais<br />

l'observation qui précède perd malheureusem<strong>en</strong>t<br />

toute son importance par le fait même de la prés<strong>en</strong>ce<br />

de tubercules dans les poumons ; l'auteur n'indique<br />

<strong>en</strong> aucune façon à quelk époque remontai<strong>en</strong>t les dé-<br />

buts de la tuberculisalion. Or, on sait que dans le<br />

cours de cette maladie, on r<strong>en</strong>contre parfois dans les<br />

urines, à une période plus ou moins avancée, une<br />

quantité variable d'albumine.<br />

Le docteur Simpson^ à la seizième séance de la<br />

(1) The Asylum, journal of M<strong>en</strong>tal Sci<strong>en</strong>ce, Pathology of the<br />

Urine in Insanity, octobre 1855, by doct. Burnelt.


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 201<br />

Société obstétricale d'Edimbourg (1), a rapporté<br />

trois exemples de manie puerpérale coexistant avec<br />

de l'albuminurie ; dans un de ces cas, des convulsions<br />

éclamptiques avai<strong>en</strong>t précédé la délivrance chez une<br />

femme albuminurique : les convulsions cessèr<strong>en</strong>t,<br />

et avec elles l'albumine disparut; mais, quand la<br />

manie éclata, les urines précipilèr<strong>en</strong>t de nouveau<br />

par l'acide nitrique. Les attaques d'éclampsie <strong>en</strong>-<br />

lèv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core à ce fait une partie de sa valeur. Nous<br />

savons, d'un côté, que l'albuminurie et l'éclampsie<br />

sont deux phénomènes qui ont <strong>en</strong>tre eux des<br />

connexions intimes; d'un autre côté, personne<br />

n'ignore que les affections convulsives, éclamp-<br />

sie, hystérie, épilepsie, se termin<strong>en</strong>t quelquefois<br />

par des troubles intellectuels, sans qu'on ait besoin<br />

d'invoquer un état pathologique intermédiaire.<br />

Deux autres cas, relatés par le même auteur,<br />

doiv<strong>en</strong>t être pris <strong>en</strong> plus sérieuse considération. Dans<br />

l'un il y eut, à une semaine d'intervalle, deux ac-<br />

cès soudains de manie puerpérale, sans aucune<br />

complication; à chaque accès l'urine cont<strong>en</strong>ait de<br />

l'albumine, tandis qu'elle n'<strong>en</strong> offrait pas p<strong>en</strong>dant<br />

leur intervalle. Dans l'autre cas, la manie dura deux<br />

ou trois semaines; l'albuminurie, qui d'abord était<br />

très-marquée, disparut avant le retour complet à la<br />

raison.<br />

(i) Edinburgh médical journal, février 1857.


202 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

Ces faits mérit<strong>en</strong>t d'être notés; s'ils v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t<br />

à être confirmés par des observations ultérieures, ce<br />

serait une forme curieuse à ajouter à tous les dés-<br />

ordres nerveux qui peuv<strong>en</strong>t accompagner l'albu-<br />

minurie, et dont l'étude est loin d'être <strong>en</strong>core<br />

achevée.<br />

4° L'excitation génitale a été signalée par beau-<br />

coup d'auteurs comme formant un des caractères<br />

spéciaux de la manie des nouvelles accouchées. On<br />

a dit que les manifestations erotiques se montrai<strong>en</strong>t<br />

alors avec une fréqu<strong>en</strong>ce extrême, et on a insisté<br />

sur ce fait, comme si une manie, développée sym-<br />

pathiquem<strong>en</strong>t sous l'influ<strong>en</strong>ce d'un étal particulier<br />

des organes génitaux, devait nécessairem<strong>en</strong>t em-<br />

prunter, dans ses symptômes, quelque chose des<br />

fonctions de ces organes; on a été plus loin, <strong>en</strong> pro-<br />

posant, comme on l'a fait depuis Paracelse et<br />

Av<strong>en</strong>brugger jusqu'à nos jours, le camphre comme<br />

un spécifique infaillible dans les cas de ce g<strong>en</strong>re.<br />

Mais la prédominance des symptômes erotiques dans<br />

la manie puerpérale nous semble un fait purem<strong>en</strong>t<br />

théorique : je n'ai pu le constater sur aucune des<br />

malades que j'ai observées, et je dois dire que la<br />

lecture des observations qui me sont étrangères n'a<br />

nullem<strong>en</strong>t changé mes convictions à cet égard. Je<br />

vois dans un premier cas que la malade, au milieu<br />

de son agitation, t<strong>en</strong>tait de se déchirer les parties<br />

sexuelles. (M. Weill.) — Une autre parlait de son


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES, 203<br />

amant au milieu de son délire, et se décou\rait les<br />

parties génitales (observ. 32): on dit seulem<strong>en</strong>t<br />

d'une troisième que ses discours étai<strong>en</strong>t erotiques et<br />

obscènes. (Observ. 33.)<br />

Dans tout ceci ri<strong>en</strong> ne me parait caractéris-<br />

tique : les malades erotiques se distingu<strong>en</strong>t par leur<br />

regard humide et noyé , par leur attitude provo-<br />

cante auprès des hommes qu'elles suiv<strong>en</strong>t avec obsti-<br />

nation, qu'elles abord<strong>en</strong>t sans honte, et d'une façon<br />

caressante, se t<strong>en</strong>ant près d'eux, leur pressant la<br />

main avec douceur et d'une façon toute particulière ;<br />

mais les gestes inconv<strong>en</strong>ants, les discours obscènes<br />

se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t presque constamm<strong>en</strong>t dans l'exalta-<br />

tion maniaque, quelle que soit sa cause, et c'est un<br />

fait bi<strong>en</strong> fréqu<strong>en</strong>t, sinon constant, que cette trans-<br />

formation d'une jeune fille timide et réservée <strong>en</strong><br />

une maniaque dont les expressions et les discours<br />

ne connaiss<strong>en</strong>t plus ni bornes ni ret<strong>en</strong>ue.<br />

Enfin si, chez les nouvelles accouchées, on r<strong>en</strong>-<br />

contrait souv<strong>en</strong>t cette forme de manie désignée sous<br />

le nom de manie hystérique, forme dans laquelle le<br />

délire, souv<strong>en</strong>t de nature erotique, s'accompagne<br />

de convulsions avec s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de constriction à la<br />

gorge, d'anesthésie, d'une mobilité nerveuse exces-<br />

sive, et de tout l'appareil symptomatique de cette<br />

névrose protéiforme désignée sous le nom d'hysté-<br />

rie, peut-être serait-on autorisé à admettre une in-<br />

flu<strong>en</strong>ce réelle de l'utérus sur la nature desmanifes-


204 DE LA MAME DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

tations syraptomatiques, mais il n'<strong>en</strong> est ri<strong>en</strong>. Sur<br />

79 cas de folie puerpérale, je n'ai r<strong>en</strong>contré qu'un<br />

seul cas de manie hystérique : il s'était développé<br />

non pas après l'accouchem<strong>en</strong>t, mais à la suite<br />

d'un allaitem<strong>en</strong>t prolongé, et c'est tout au plus<br />

si, dans deux cas de mélancolie, j'ai trouvé quel-<br />

ques symptômes hystéri formes insuffisants pour<br />

imprimer à la maladie un cachet particulier.<br />

En résumé, la manie puerpérale n'a, ni dans son<br />

délire ni dans ses symptômes physiques, ri<strong>en</strong> qui<br />

lui soit spécial : aussi verrons-nous dans un instant<br />

que, pour la distinguer des cas de manie surv<strong>en</strong>ant<br />

dans des conditions ordinaires de santé, il n'est<br />

qu'un seul moy<strong>en</strong>, c'est de rechercher chez la ma-<br />

lade les signes bi<strong>en</strong> connus d'un accouchem<strong>en</strong>t ré-<br />

c<strong>en</strong>t, signes assez incontestables pour qu'ils puiss<strong>en</strong>t<br />

toujours t<strong>en</strong>ir lieu des antécéd<strong>en</strong>ts, si par hasard<br />

ces derniers v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t à manquer.<br />

§ 5. La manie puerpérale offre des analogies<br />

avec certaines affections délirantes qui affect<strong>en</strong>t les<br />

femmes <strong>en</strong> couches, et il n'est pas sans utilité d'in-<br />

diquer les points principaux qui peuv<strong>en</strong>t aider à un<br />

diagnostic différ<strong>en</strong>tiel.<br />

Le delinum trem<strong>en</strong>s a pu dans quelques cas être<br />

confondu avec l'excitation maniaque des nouvelles<br />

accouchées. Les docteurs James Reid et Copland (1)<br />

(i) Copland, Dictionary of medicine, loc. cit.


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 205<br />

ont surtout insisté sur cette forme de délire que le tra-<br />

vail de la parturilion peut provoquer chez des femmes<br />

adonnées aux boissons alcooliques, épuisées par des<br />

excès de toute sorte, et qui se trouv<strong>en</strong>t au mom<strong>en</strong>t<br />

de leurs couches subitem<strong>en</strong>t privées de leur stimu-<br />

lant habituel. Si j'<strong>en</strong> crois les auteurs que je vi<strong>en</strong>s<br />

de citer, les cas de cette nature paraiss<strong>en</strong>t plus nom-<br />

breux <strong>en</strong> Angleterre qu'<strong>en</strong> France; on les re-<br />

connaît aux antécéd<strong>en</strong>ts des malades, au tremble-<br />

m<strong>en</strong>t particulier des mains, à la prédominance des<br />

hallucinations de la vue. Ils exig<strong>en</strong>t d'ailleurs plus<br />

particulièrem<strong>en</strong>t l'emploi de l'opium, des toniques,<br />

et même du vin à dose modérée.<br />

Devons-nous chercher à établir les différ<strong>en</strong>ces qui<br />

sépar<strong>en</strong>t la manie puerpérale de ce que certains au-<br />

teurs anglais désign<strong>en</strong>t sous le nom de phr<strong>en</strong>kis, de<br />

fièvrel<strong>en</strong>te Jiervei/^e? J'avoue que la lecture att<strong>en</strong>tive<br />

deGooch, et surtout de Copland, ne m'a nullem<strong>en</strong>t<br />

convaincu: il m'est tout d'abord impossible de dis-<br />

tinguer bi<strong>en</strong> nettem<strong>en</strong>t la fièvre l<strong>en</strong>te nerveuse du<br />

phr<strong>en</strong>itis, et j'ai été frappé de voir Copland insister<br />

bi<strong>en</strong> moins sur les caractères distinctifs de ces états<br />

divers que sur les connexions intimes qui les unis-<br />

s<strong>en</strong>t. Bi<strong>en</strong> plus, <strong>en</strong> examinant avec soin les symp-<br />

tômes assignés à l'une et l'autre de ces maladies, je<br />

n'y ai vu autre chose que des cas de méningite<br />

foudroyante ou des cas de délire aigu, tel que nous<br />

le décrirons bi<strong>en</strong>tôt. Ainsi phr<strong>en</strong>itis et fièvre l<strong>en</strong>te


206 DE LA 3IANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

nerveuse sont deux mauvaises dénominations qu'il<br />

est bon d'abandonner, car elles ne correspond<strong>en</strong>t à<br />

aucun état pathologique bi<strong>en</strong> délimité.<br />

La fièvre puerpérale à forme ataxique et la ménin-<br />

gite sont deux maladies qui offr<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core quelque<br />

analogie avec la manie puerpérale à son début; mais<br />

les difficultés que le diagnostic différ<strong>en</strong>tiel peut offrir<br />

au premier abord seront bi<strong>en</strong>tôt levées par un exam<strong>en</strong><br />

un peu att<strong>en</strong>tif.<br />

Dans la fièvre puerpérale ataxique, forme rare,<br />

décrite par M. ïonnelé, les accid<strong>en</strong>ts cérébraux ne<br />

se manifest<strong>en</strong>t pas dès le début de la maladie, ils<br />

survi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t le deuxième ou le troisième jour après<br />

des frissons int<strong>en</strong>ses et irréguliers, ils s'accompagn<strong>en</strong>t<br />

d'un mouvem<strong>en</strong>t fébrile très-prononcé, et au lieu<br />

de l'agitation bruyante et désordonnée de la manie,<br />

on a un délire le plus souv<strong>en</strong>t de nature tranquille<br />

qui alterne avecdesmom<strong>en</strong>tsde prostration profonde,<br />

des accès de suffocation, de la t<strong>en</strong>dance aux syn-<br />

copes. En même temps l'abdom<strong>en</strong> est douloureux à<br />

la pression et fortem<strong>en</strong>t météorisé, le faciès s'altère<br />

et il existe un <strong>en</strong>semble de symptômes physiques<br />

très-graves, qui ne ressembl<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> à l'aspect des<br />

maniaques. Si, par hasard, une erreur avait lieu, la<br />

marche si prompte et si souv<strong>en</strong>t funeste de la fièvre<br />

puerpérale ne saurait la faire longtemps durer.<br />

La méningile aiguë, très-rare chez les nouvelles<br />

accouchées, s'accompagne, à sa première.période,


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 207<br />

d'un viol<strong>en</strong>t délire et d'hallucinations. Mais le mou-<br />

vem<strong>en</strong>t fébrile est alors infinim<strong>en</strong>t plus caractérisé,<br />

et bi<strong>en</strong>tôt les soubresauts t<strong>en</strong>dineux, la carphologie,<br />

le strabisme, les convulsions du globe de l'œil, le<br />

r<strong>en</strong>versem<strong>en</strong>t de la tète <strong>en</strong> arrière, et <strong>en</strong>fin le coma,<br />

constitu<strong>en</strong>t des signes assez caractéristiques pour<br />

ne pas permettre une longue hésitation. C'est, d'ail-<br />

leurs, un point sur lequel nous insisterons à propos<br />

du délire aigu.<br />

Dès qu'un accès de manie a été diagnostiqué<br />

d'une manière non douteuse, certains signes acces-<br />

soires permettront de reconnaître qu'il est de nature<br />

puerpérale; l'inspection des seins dist<strong>en</strong>dus parle<br />

lait, et de la peau de l'abdom<strong>en</strong> <strong>en</strong>core couverte de<br />

vergetures, ne sera jamais inutile chez une maniaque<br />

am<strong>en</strong>ée sans antécéd<strong>en</strong>ts dans un hôpital. Si l'accès<br />

de manie ne s'est déclaré que six semaines après<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t, le diagnostic sera sans doute plus<br />

difficile; mais pour peu qu'on ait de doute, il ne<br />

faudra pas hésiter à recourir à l'exam<strong>en</strong> direct de<br />

Tutérus; car, <strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ant connaissance du point de<br />

départ de la maladie, le médecin pourra asseoir<br />

plus facilem<strong>en</strong>t son pronostic et trouver quelques<br />

indications thérapeutiques spéciales.<br />

§ 6. La manie des nouvelles accouchées peut<br />

se terminer par la guérison , l'incurabilité ou la<br />

mort.<br />

La guérison est de toutes les terminaisons la plus


208 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

fréqu<strong>en</strong>te; mais D<strong>en</strong>raan est allé trop loin, <strong>en</strong> disant<br />

que la maladie ne se prolongeait jamais au delà du<br />

sixième mois. Sur 24 malades dont j'ai réuni les<br />

observations, j'ai trouvé lôguérisons, 2 cas d'incu-<br />

rabilité, 2 cas dans lesquels, au bout d'une année, la<br />

maladie ne s'était pas am<strong>en</strong>dée ; <strong>en</strong>fin, 4 cas de<br />

mort.<br />

Sur les 19 cas de guérison, il <strong>en</strong> est 3 dans<br />

lesquels la terminaison heureuse s'est opérée <strong>en</strong><br />

moins de trois jours. Ces faits, dans lesquels la durée<br />

du délire a été aussi courte que possible, donn<strong>en</strong>t à<br />

peine l'idée d'un accès maniaque; les symptômes<br />

arriv<strong>en</strong>t alors d'emblée ou par une progression rapide<br />

à une int<strong>en</strong>sité excessive; ils disparaiss<strong>en</strong>t aussi brus-<br />

quem<strong>en</strong>t ; quelquefois même la maladie se juge par<br />

quelques heures de sommeil, et au réveil les femmes<br />

ne conserv<strong>en</strong>t plus qu'un peu de faiblesse et quel-<br />

ques étourdissem<strong>en</strong>ts. Par leur nature, leur point<br />

de départ, leurs symptômes ess<strong>en</strong>tiels, ces accès de<br />

délire se confond<strong>en</strong>t intimem<strong>en</strong>t avec les accès de<br />

manie; par leur brièveté et l'acuité de leur marche,<br />

ils se rapproch<strong>en</strong>t de ces délires sympathiques qui<br />

vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t compliquer parfois les affections aiguës;<br />

<strong>en</strong> un mot, ils serv<strong>en</strong>t de transition <strong>en</strong>tre deux va-<br />

riétés de névroses, distinctes à beaucoup d'égards,<br />

mais offrant plus d'un élém<strong>en</strong>t morbide id<strong>en</strong>tique.<br />

Dans 8 cas, la terminaison heureuse s'est opé-<br />

rée dans le premier mois qui a suivi le début de la<br />

I


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 209<br />

maladie : une malade a guéri au bout de deux mois ;<br />

une au bout de trois mois; trois au bout de quatre<br />

mois ; une au boutde cinq mois ; une au bout de six<br />

mois; deux après un an et plus; <strong>en</strong>fin, une dernière<br />

au bout d'un espace de temps qui n'a pas été déter-<br />

miné.<br />

Le chiffre des guérisons représ<strong>en</strong>te donc les deux<br />

tiers du nombre total des malades, et il est bon de<br />

remarquer qu'elles ont, <strong>en</strong> général, été obt<strong>en</strong>ues<br />

dans un espace de temps assez court, puisque dans<br />

plus de la moitié des cas la durée de la maladie a été<br />

tout au plus de quatre ou cinq semaines. Les symp-<br />

tômes ont d'ailleurs suivi une marche régulièrem<strong>en</strong>t<br />

décroissante ; l'agitation se calmait peu a peu, les<br />

hallucinations cessai<strong>en</strong>t, les idées repr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t de l'or-<br />

dre et de la cohér<strong>en</strong>ce; <strong>en</strong>fin, la santé dev<strong>en</strong>ait par-<br />

faite sans qu'on ait pu noter aucun phénomène cri-<br />

tique p<strong>en</strong>dant l'heureuse terminaison de la maladie.<br />

Dans cinq cas, la manie s'est terminée par la<br />

mort, proportion assez considérable et qui équivaut<br />

à peu près au cinquième du nombre total des faits<br />

observés. Une des malades a succombé au bout de<br />

26 jours; une autre au bout de 19 jours; la troi-<br />

sième, 16 jours; la quatrième, 7 jours après le début<br />

des accid<strong>en</strong>ts; chez une cinquième, la mort n'est<br />

surv<strong>en</strong>ue qu'au bout de quatre mois.<br />

Je n'ai pu malheureusem<strong>en</strong>t contrôler cette sta-<br />

tistique par aucune autre; Esquirol, il est vrai,<br />

14


. variables<br />

210 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

sur 92 malades atteintes de folie puerpérale, n'a<br />

r<strong>en</strong>contré que six cas de mort; le docteur Webster,<br />

sur 111 cas, <strong>en</strong> a vu cinq mortels qui tous avai<strong>en</strong>t<br />

débuté p<strong>en</strong>dant les premiers jours qui suivir<strong>en</strong>t la<br />

délivrance ; on voit dans les tableaux du docteur<br />

Burrow, que sur 57 malades il <strong>en</strong> mourut 10 ; mais<br />

tous ces auteurs n'ayant pas distingué dans ces sta-<br />

tistiques la manie de la mélancolie, ces docum<strong>en</strong>ts<br />

ont pour nous fort peu de valeur.<br />

Parmi les femmes qui périss<strong>en</strong>t, il <strong>en</strong> est qui<br />

sont emportées par des maladies intercurr<strong>en</strong>tes,<br />

dans leur forme et dans leur nature, et<br />

surv<strong>en</strong>ant au bout de plusieurs mois ou de plu-<br />

sieurs années, surtout par des diarrhées chroniques<br />

ou des affections pulmonaires; je ne parle pas de la<br />

paralysie générale que je vois notée chez une de<br />

mes malades ; comme il s'agit d'une observation<br />

que je n'ai pas recueillie moi-même, je n'ose déci-<br />

der s'il s'agit d'une paralysie surv<strong>en</strong>ue chez une<br />

malade aliénée depuis longtemps (ces cas sont fort<br />

rares) , ou d'une paralysie générale qui a débuté<br />

immédiatem<strong>en</strong>t après l'accouchem<strong>en</strong>t.<br />

Mais parmi les complications qui peuv<strong>en</strong>t deve-<br />

nir mortelles, il <strong>en</strong> est une qui, par son impor-<br />

tance et son aspect spécial, mérite d'être mise <strong>en</strong><br />

prcinière <strong>ligne</strong> et qui, d'ailleurs, a causé la mort de<br />

presque toutes les malades que j'ai vues succomber.<br />

Je veux parler du délire aigu.


§ 7. On voit, <strong>en</strong> effet, certains sujets qui, soit au<br />

DE LA MAME DES NOUVELLES ACCOUCHEES. 211<br />

début de la folie puerpérale, soit p<strong>en</strong>dant son cours,<br />

périss<strong>en</strong>t par la viol<strong>en</strong>ce même de l'agitation et du<br />

délire. Il est singulier que des faits de ce g<strong>en</strong>re<br />

n'ai<strong>en</strong>t pas été notés par Esquirol, dont toutes les<br />

malades ont succombé à une époque très-éloignée<br />

du début de la maladie, alors que le délire aigu est<br />

moins à craindre; mais, sans doute, l'att<strong>en</strong>tion n'é-<br />

tait pas éveillée sur ce point, comme elle l'est main-<br />

t<strong>en</strong>ant depuis les publications de M. Brière de Bois-<br />

mont et d'autres auteurs; pour nous, cette étude<br />

est d'autant plus importante que la manie, par suite<br />

de son association à l'état puerpéral, offre une cer-<br />

taine t<strong>en</strong>dance à passer au délire aigu, car la pré-<br />

s<strong>en</strong>ce d'une large surface qui suppure imprime à<br />

toutes les affections concomitantes un caractère<br />

inaccoutumé de gravité, <strong>en</strong> favorisant le dévelop-<br />

pem<strong>en</strong>t des accid<strong>en</strong>ts ataxo-adynamiques.<br />

Lorsque la manie s'est développée dans les quinze<br />

premiers jours qui suiv<strong>en</strong>t l'accouchem<strong>en</strong>t, elle<br />

peut, dès son début, se compliquer de délire aigu ;<br />

mais ce dernier apparaît souv<strong>en</strong>t aussi dans le cours<br />

d'une manie ou d'une mélancolie ayant déjà plu-<br />

sieurs semaines de durée, ou même après un accès<br />

de folie à double forme.<br />

On voit alors l'agitation augm<strong>en</strong>ter de jour <strong>en</strong><br />

jour, la langue dev<strong>en</strong>ir sèche, les fonctions diges-<br />

tives s'altérer ; le pouls s'accélère et dépasse bi<strong>en</strong>tôt


212 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

120 pulsations, la face est colorée, la tête chaude,<br />

l'œil hagard, la peau se couvre d'une sueur vis-<br />

queuse, les malades <strong>en</strong> proie à d'incessantes hallu-<br />

cinations se consum<strong>en</strong>t <strong>en</strong> une agitation viol<strong>en</strong>te<br />

et une loquacité intarissable, elles n'ont plus con-<br />

sci<strong>en</strong>ce de ri<strong>en</strong> de ce qui les <strong>en</strong>toure ; sous l'in-<br />

flu<strong>en</strong>ce de leurs idées délirantes ou d'une véritable<br />

hydrophobie, elles rejett<strong>en</strong>t tous les alim<strong>en</strong>ts, surtout<br />

les boissons, et se livr<strong>en</strong>t à un cracbot<strong>en</strong>j<strong>en</strong>t per-<br />

pétuel. M. Baillarger a même noté l'expectoration<br />

de larges crachats jaunâtres qui ne s'accompagn<strong>en</strong>t<br />

ni de toux, ni d'aucun autre symptôme appréciable<br />

du côté des voies respiratoires.<br />

Si, au bout de peu de jours, il ne survi<strong>en</strong>t au-<br />

cune décroissance dans les symptômes de cette pé-<br />

riode initiale, la malade <strong>en</strong>tre dans une voie nou-<br />

velle qui ne laisse que bi<strong>en</strong> peu d'espoir de guérison :<br />

le pouls s'accélère <strong>en</strong>core et perd de sa force, la lan-<br />

gue et les lèvres devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong>croûtées et fuligineu-<br />

ses, l'haleine est fétide, la respiration haletante, le<br />

crachem<strong>en</strong>t incessant, l'excrétion de l'urine et des<br />

matières fécales se fait involontairem<strong>en</strong>t, l'insomnie<br />

est continue et ne contribue pas médiocrem<strong>en</strong>t, avec<br />

l'agitation et le manque de nourriture, à épuiser<br />

promptem<strong>en</strong>t les malades. Au milieu de ces symp-<br />

tômes, quelques sujets succomb<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> quatre ou cinq<br />

jours, à une adynamie aussi rapide que profonde ;<br />

tel est le cas dont je rapporte plus loin l'observa-


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. :213<br />

tioii, tel est aussi le fait qui m'a été communiqué<br />

par mon excell<strong>en</strong>t collègue le docteur Charrier, et<br />

dans lequel, malgré quelques anomalies, je ne puis<br />

ra'empécher de voir un cas de délire aigu à marche<br />

foudroyante, ayant débuté dès les premières dou-<br />

leurs de l'accouchem<strong>en</strong>t. (Obs. 31.) Ce sont ces cas<br />

à niarche suraiguë que les médecins anglais dési-<br />

gn<strong>en</strong>t sous le nom de phr<strong>en</strong>iûs, et qu'ils persist<strong>en</strong>t à<br />

regarder, malgré l'abs<strong>en</strong>ce de lésions anatomiques<br />

suffisantes, comme des méningites suraiguës terminées<br />

fatalem<strong>en</strong>t dès leur première période. Qu'il me<br />

suffise ici de r<strong>en</strong>voyer à la description que le doc-<br />

teur Copland donne du phr<strong>en</strong>ilis, car elle démontre<br />

jusqu'à l'évid<strong>en</strong>ce qu'il s'agit de la même maladie,<br />

décrite sous des noms différ<strong>en</strong>ts.<br />

Au lieu de se terminer <strong>en</strong> quelques jours, le dé-<br />

liie aigu peut se prolonger plus longtemps et <strong>en</strong>trer<br />

alors dans une période nouvelle. Des symptômes<br />

typhoïdes vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t se surajouter aux accid<strong>en</strong>ts céré-<br />

braux, et l'aspect de la maladie se confond intime-<br />

m<strong>en</strong>t avec celui de la fièvre l<strong>en</strong>te nerveuse des nou-<br />

velles accouchées; l'agitation continue, mais elle<br />

alterne avec des mom<strong>en</strong>ts d'abattem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dantles-<br />

quels les malades, profondém<strong>en</strong>t prostrées, con-<br />

serv<strong>en</strong>t le décubitus dorsal, immobiles et presque<br />

sans connaissance. La langue est sèche et trem-<br />

blante, les pupilles ins<strong>en</strong>sibles à la lumière, la fi-<br />

gure altérée et amaigrie. L'excrétion de l'urine et


214 DE LA MAME DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

des matières fécales reste involontaire, et, de plus,<br />

la diarrhée finit par surv<strong>en</strong>ir; le pouls devi<strong>en</strong>t im-<br />

perceptible ; les syncopes, d'abord courtes et éloi-<br />

gnées, se rapproch<strong>en</strong>t et devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t plus prolongées;<br />

la malade succombe ou subitem<strong>en</strong>t au milieu d'une<br />

de ces syncopes, ou l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t avec tous les symp-<br />

tômes d'un profond épuisem<strong>en</strong>t nerveux; alors,<br />

ainsi que nous le verrons, les résultats trouvés à<br />

l'autopsie sont insignifiants, et tout à fait insuffi-<br />

sants pour expliquer la mort.<br />

Quand, au contraire, la terminaison doit être fa-<br />

vorable, les symptômes persist<strong>en</strong>t plus longtemps,<br />

mais avec moins d'int<strong>en</strong>sité, le poulsse ral<strong>en</strong>tit et re-<br />

pr<strong>en</strong>d de la force et de la souplesse, la langue s'hu-<br />

mecte, l'agitation se calme, la malade revi<strong>en</strong>t gra-<br />

duellem<strong>en</strong>t à la raison, ou bi<strong>en</strong> elle r<strong>en</strong>tre dans les<br />

conditions ordinaires de la folie.<br />

Le pronostic du délire aigu est très-grave : sur<br />

cinq cas nous n'<strong>en</strong> avons vu guérir qu'un seul dont<br />

la convalesc<strong>en</strong>ce fut retardée par l'élimination de<br />

larges escharres au sacrum (obs. 29), et <strong>en</strong>core c'é-<br />

tait un de ces faits intermédiaires à la manie et au<br />

délire aigu. Sans avoir de chiffres exacts, je suis<br />

porté à croire que, dans les manies qui survi<strong>en</strong>-<br />

n<strong>en</strong>t dans les conditions ordinaires de santé, le<br />

nombre des guérisons est plus considérable, et je ne<br />

suis pas éloigné d'attribuer à l'état puerpéral conco-<br />

mitant une bonne part de cette gravité. Le pronos-


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 215<br />

tic se règle d'ailleurs sur raccélération du pouls, la<br />

viol<strong>en</strong>ce de l'agitation et l'apparition des symptômes<br />

typhoïdes. «Lorsqu'on r<strong>en</strong>contre une malade, dit<br />

Macdonald, dont le pouls est à 120 et au delà, avec<br />

beaucoup de chaleur à la peau, qui est dans une<br />

agitation perpétuelle, un délire complet et une<br />

grande incohér<strong>en</strong>ce de langage sans un seul inter-<br />

valle de raison ou de sommeil, on peut prédire un<br />

résultat fatal. Si des symptômes typhoïdes se sura-<br />

jout<strong>en</strong>t, on peut regarder la mort comme à peu<br />

près certaine. »<br />

Le délire aigu ne constitue pas une maladie à<br />

part: pour nous, ce n'est pas autre chose que la surex-<br />

citation maniaque portée jusqu'à ses dernières li-<br />

mites, de manière à influer sur toutes les fonctions<br />

de l'économie et à compromettre l'exist<strong>en</strong>ce par la<br />

profonde perturbation que subit l'action nerveuse.<br />

C'est une complication qui peut surv<strong>en</strong>ir soit au<br />

début, soit p<strong>en</strong>dant le cours d'une manie, quelle<br />

que soit sa nature, que la manie soit simple ou<br />

qu'elle soit <strong>en</strong>tée sur une monomanie, une mé-<br />

lancolie ou une paralysie générale, et, <strong>en</strong> réalité,<br />

on observe chaque jour toutes les nuances, depuis<br />

l'excitation la plus légère jusqu'au délire le plus<br />

aigu; si, <strong>en</strong>tre les deux extrêmes, la ditîér<strong>en</strong>ce est<br />

énorme, on ne peut nier que parfois il soit difficile<br />

de tracer les limites de degrés intermédiaires.<br />

Il importe cep<strong>en</strong>dant de savoir où le danger com-


216 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

m<strong>en</strong>ce: où finit la manie, où comm<strong>en</strong>ce le dé-<br />

lire aigu ; or, c'est dans l'état du pouls que le mé-<br />

decin doit principaleui<strong>en</strong>t chercher les élém<strong>en</strong>ts de<br />

son diagnostic. Au début de la manie, quand l'a-<br />

gitation est vive et a débuté brusquem<strong>en</strong>t, il y a<br />

souv<strong>en</strong>t un peu de fièvre, mais cette fièvre est peu<br />

int<strong>en</strong>se et surtout elle est passagère, la langue n'est<br />

ni sèche ni fuligineuse, les malades boiv<strong>en</strong>t et con-<br />

serv<strong>en</strong>t de l'appétit; plus tard, si l'agitation est vive,<br />

le pouls conserve un calme relatif qui étonne, ou<br />

s'il s'accélère <strong>en</strong>core, c'est une accélération pure-<br />

m<strong>en</strong>t mécanique due uniquem<strong>en</strong>t à la viol<strong>en</strong>ce des<br />

mouvem<strong>en</strong>ts, et qui cesse dès que la malade pr<strong>en</strong>d<br />

quelques-instants de repos. En un mot, c'est la fièvre<br />

qui trace pour nous les limites de ces deux états<br />

morbides; autour de ce symptôme capital vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

se grouper tous les autres, qui n'<strong>en</strong> sont qu'une con-<br />

séqu<strong>en</strong>ce.<br />

La méningite, qui est si distincte de la manie<br />

puerpérale, offre avec le délire aigu des analogies<br />

frappantes par ses deux symptômes principaux, la<br />

fièvre et le délire. Mais la marche de la maladie ne<br />

tarde pas à éclairer le diagnostic. E(, <strong>en</strong> effet, dans<br />

la méningite, on voit surv<strong>en</strong>ir, de bonne heure et<br />

dès la première période, des paralysies, des contrac-<br />

tures, du strabisme : la tête se r<strong>en</strong>verse <strong>en</strong> arrière,<br />

il y a des soubresauts t<strong>en</strong>dineux, plus tard du coma<br />

et de la résolution des membres. Le délire aigu suit.


DE LA MAME DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 217<br />

au contraire, jusqu'au bout sa marche sans qu'on<br />

observe de trouble notable du côté des mouvem<strong>en</strong>ts,<br />

à part quelques soubresauts t<strong>en</strong>dineux. Si, par hasard,<br />

une malade, atteinte de délire aigu, succombait<br />

dans les quatre ou cinq premiers jours de la maladie,<br />

laissant soupçonner l'exist<strong>en</strong>ce d'une méningite <strong>en</strong>-<br />

core à sa première période, l'autopsie lèverait tous<br />

les doutes, car les lésions du délire aigu, nous le<br />

verrons, sont insignifiantes : il n'y a ni épaississe-<br />

m<strong>en</strong>t des méninges, ni altération de la couche cor-<br />

ticale, ni sécrétion de nature plastique, ni aucune<br />

des altérations ordinaires qui caractéris<strong>en</strong>t l'inflam-<br />

mation; <strong>en</strong> un mot, le délire aigu r<strong>en</strong>tre dans la<br />

classe des délires nerveux dont nous ignorons <strong>en</strong>-<br />

core la cause organique. Sans doute on trouve quel-<br />

quefois des traces d'un état congestif ; mais la surex-<br />

citation fonctionnelle qui constitue le délire, néces-<br />

sitant un afflux sanguin plus considérable, la conges-<br />

tion est un effet et non une cause. Que plus tard elle<br />

puisse dev<strong>en</strong>ir, dans certains cas, le premier degré et<br />

le point de départ d'une méningite, c'est là une<br />

simple vue de l'esprit que l'analogie ne repousse pas,<br />

mais qui n'a pas été jusqu'ici démontrée.<br />

§ 8. Analomie pathologique. — Il règne une<br />

grande confusion parmi les auteurs qui ont rapporté<br />

des autopsies de manie puerpérale. Pour plus de<br />

clarté nous distinguerons trois séries distinctes dans<br />

tous les faits qui ont été publiés.


218 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

Dans la première, se trouv<strong>en</strong>t les cas où des ma-<br />

lades ont succombé à des maladies incid<strong>en</strong>tes,<br />

étrangères au système nerveux. A côté de l'exam<strong>en</strong><br />

de l'<strong>en</strong>céphale, je trouve alors rapportée la descrip-<br />

tion d'altérations aussi nombreuses que variées,<br />

trouvées dans différ<strong>en</strong>ts viscères, et qui n'ont<br />

qu'une valeur très-secondaire, au point de vue qui<br />

nous occupe; nous laisserons donc de côté la périto-<br />

nite, la métrite, l'ovarite et l'<strong>en</strong>docardite que je<br />

vois notées dans quelques observations chez des<br />

malades mortes maniaques à la suite de couches,<br />

car. ce n'est pas à l'état cérébral que la mort<br />

doit alors être attribuée : j'insisterai seulem<strong>en</strong>t<br />

sur un point important, c'est que dans tous les cas<br />

de ce g<strong>en</strong>re que j'ai passés <strong>en</strong> revue, j'ai toujours<br />

vu que du côté du cerveau les lésions observées<br />

étai<strong>en</strong>t tout à fait insignifiantes.<br />

La seconde série compr<strong>en</strong>d certaines observations<br />

où, chez des femmes <strong>en</strong> couches, mortes avec des ac-<br />

cid<strong>en</strong>ts cérébraux, l'autopsie a fait découvrir sous l'a-<br />

rachnoïde ou dans son intérieur desépanchem<strong>en</strong>ts<br />

purul<strong>en</strong>ts ou de couleur laiteuse, des fausses mem-<br />

branes ou bi<strong>en</strong> des inflammations des veines de la<br />

dure-mère, des ramollissem<strong>en</strong>ts plus ou moins<br />

ét<strong>en</strong>dus du cerveau. Si p<strong>en</strong>dant la vie on a diagnos-<br />

tiqué un accès de manie, après l'autopsie l'erreur<br />

de diagnostic devra disparaître, et on n'hésitera pas<br />

à reconnaître qu'on a eu affaire à une méningite


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHEES. 219<br />

primitive ou secondaire, ou à une lésion organique<br />

du cerveau ; des faits de ce g<strong>en</strong>re se retrouv<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

assez grand nombre dans les auteurs, et n'ont pas<br />

été éliminés aussi soigneusem<strong>en</strong>tqu'ils doiv<strong>en</strong>t l'être.<br />

Enfin, dans une troisième classe se trouv<strong>en</strong>t les<br />

malades qui succomb<strong>en</strong>t à l'agitation maniaque ou<br />

au délire aigu, sans autre complication.<br />

Pr<strong>en</strong>ons au hasard quelques exemples de ces<br />

trois ordres d'états morbides.<br />

Selle et Puzos ont observé, dis<strong>en</strong>t-ils, chez des<br />

maniaques, des abcès de l'<strong>en</strong>céphale.<br />

Julius(l) a publié le résultat de quatre autopsies<br />

faites sur des femmes mortes de manie puerpé-<br />

rale; chez la première la substance cérébrale était<br />

gorgée de sang, les méninges ne prés<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t au-<br />

cune altération, le corps calleux, la voûte et les pé-<br />

doncules du cervelet offrai<strong>en</strong>t un ramollissem<strong>en</strong>t<br />

manifeste; ces parties étai<strong>en</strong>t presque flu<strong>en</strong>tes et de<br />

couleur grisâtre ; les viscères de l'abdom<strong>en</strong> et du<br />

thorax ne prés<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> d'anormal, le foie seu-<br />

lem<strong>en</strong>t était congestionné. — Chez la seconde, le<br />

cerveau et les méninges étai<strong>en</strong>t peu injectés, mais il<br />

y avait un épanchem<strong>en</strong>t assez considérable, surtout<br />

dans le canal vertébral; la dure-mère était épaissie,<br />

le cervelet très-mou et le quatrième v<strong>en</strong>tricule plus<br />

dilaté qu'à l'ordinaire : on trouva quelques autres<br />

(1) M. Weill, loc. cit.


220 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

lésions dans les organes thoraciques et abdominaux<br />

et surtout un épanchem<strong>en</strong>t brunâtre dans le péri-<br />

carde, le thorax et l'abdom<strong>en</strong>.<br />

Sur la troisième femme, le cerveau et les ménin-<br />

ges étai<strong>en</strong>t fortem<strong>en</strong>t injectés; sous la pie-mère, à la<br />

base du crâne, du sang s'était extravasé, et il exis-<br />

tait un liquide rougeàtre dans le canal vertébral.<br />

Chez la quatrième femme, le cerveau et ses <strong>en</strong>-<br />

veloppes ne prés<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t pas d'injection ni de rou-<br />

geur, et la cavité de l'arachnoïde cont<strong>en</strong>ait un peu<br />

moins de sérosité que le canal vertébral.<br />

Esquirol a donné le résultat de deux autopsies :<br />

la première est celle d'une malade qui, au bout de<br />

cinq mois d'un délire continuel avec alternatives de<br />

profond abattem<strong>en</strong>t, succomba très-amaigrie, la<br />

face jaune et terreuse; on trouva une péritonite<br />

chronique, il n'y avait ri<strong>en</strong> dans les méninges et le<br />

cerveau; le crâne était éburnc. Je n'ose attribuer<br />

beaucoup de valeur à la seconde autopsie (1), car<br />

il me semble, d'après plus d'un détail, que la ma-<br />

lade était paralytique.<br />

M. Weill a vu sur une femme morte à l'asile de<br />

Steephansfeld le crâne épaissi, le cerveau un peu ra-<br />

massé, raccourci d'avant <strong>en</strong> arrière, paraissant plus<br />

élevé que de coutume. L'arachnoïde épaissie conte-<br />

nait un liquide séro-lymphatique ; lasubstance blan-<br />

(I) Esquirol, loc. cit., 1. 1, p. 26.


DE LA 5IANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 221<br />

clie du cerveau consistante ne prés<strong>en</strong>tait aucune<br />

injection anormale. La muqueuse intestinale bour-<br />

souflée, ramollie, offrait dans son parcours quelques<br />

plaques gangr<strong>en</strong>euses. Dans un autre cas qui appar-<br />

ti<strong>en</strong>t à M. Stoltz, on avait observé à la face interne<br />

delà voûte du crâne de véritables stalactites aux-<br />

quelles on avait attribué le développem<strong>en</strong>t de l'allié-<br />

nation m<strong>en</strong>tale.<br />

Deux fois nous avons eu l'occasion d'étudier l'<strong>en</strong>-<br />

céphale de malades ayant succombé au délire aigu<br />

p<strong>en</strong>dant un accès de manie puerpérale ; dans un pre-<br />

mier cas (observ. 30), il y avait un peu de sérosité<br />

dans l'<strong>en</strong>céphale; la pie-mère non épaissie, sans<br />

adhér<strong>en</strong>ces, était légèrem<strong>en</strong>t injectée dans toute son<br />

ét<strong>en</strong>due; la substance grise était un peu molle, mais<br />

sans coloration anormale, la substance blanche avait<br />

partout sa consistance régulière et ne paraissait pas<br />

injectée; dans un autre cas les circonvolutions étai<strong>en</strong>t<br />

un peu tuméfiées et d'une teinte un peu vineuse,<br />

mais l'organe examiné <strong>en</strong> détail n'a offert, ni du côté<br />

(le l'arachnoïde ni du côté de la substance blan-<br />

ciie, aucune particularité bi<strong>en</strong> notable; les autres<br />

viscères ne prés<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t que des lésions insigni-<br />

fiantes.<br />

Trouvons-nous dans le résultat de ces autopsies<br />

ijuelque point important qui, par sa fréqu<strong>en</strong>ce et son<br />

importance, domine les autres lésions analomiques<br />

< t puisse à lui seul r<strong>en</strong>dre compte du développem<strong>en</strong>t


2^22 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOLCHEES.<br />

de la maladie, des symptômes observés p<strong>en</strong>dant la<br />

vie et de la mort du nrmlade?<br />

Quelques auteurs ont cru devoir placer <strong>en</strong> pre-<br />

mière <strong>ligne</strong> l'épaississem<strong>en</strong>t et l'éburnation des os<br />

du crâne. Rokitansky et plus tard M. Ducrest ont<br />

appelé l'att<strong>en</strong>tion sur une production accid<strong>en</strong>telle,<br />

d'abord cartilagineuse, puis osseuse, qui se déve-<br />

loppe à la face interne du crâne chez les femmes <strong>en</strong>-<br />

ceintes : ces» ostéophytes ne pourrai<strong>en</strong>t-ils pas <strong>en</strong><br />

comprimant ou irritant l'<strong>en</strong>céphale dev<strong>en</strong>ir le point<br />

de départ des accid<strong>en</strong>ts nerveux? Celte opinion nous<br />

parait inadmissible à tous égards. Et d'abord cette<br />

production n'est pas constante. Sur 329 femmes<br />

examinées, soit par M. Ducrest, soit par M. Mo-<br />

reau, 132 seulem<strong>en</strong>t offrai<strong>en</strong>t des ostéophytes.<br />

M. Moreau a constaté que le crâne et la dure-mère<br />

<strong>en</strong> rapport avec elles n'offrai<strong>en</strong>t aucune lésion spé-<br />

ciale; que leur prés<strong>en</strong>ce ne donnait lieu à aucun<br />

symptôme particulier. D'ailleurs, si l'on consulte l'a-<br />

nalogie, on admettra bi<strong>en</strong> peut-êtie qu'une produc-<br />

tion de ce g<strong>en</strong>re amène des convulsions ou des si-<br />

gnes de méningo-<strong>en</strong>céphalite, mais que par sa pré-<br />

s<strong>en</strong>ce elle détermine un accès de manie régulier et<br />

curable : voilà une supposition bi<strong>en</strong> hasardée. Ajou-<br />

tons que dans les deux autopsies que j'ai vu prati-<br />

quer, j'ai examiné le crâne avec le plus grand soin;<br />

or je l'ai trouvé d'une épaisseur normale, sans<br />

injection bi<strong>en</strong> marquée et sans aucune trace d'os-


DE LA 3IAN1E DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 223<br />

téophytes, aussi n'est-ce pas là que nous trouverons<br />

la cause anatomique de la folie puerpérale.<br />

Est-ce dans l'épanchem<strong>en</strong>t séreux sous-arachnoï-<br />

di<strong>en</strong>, dans l'injection des méninges, dans la pré-<br />

s<strong>en</strong>ce de quelques ecchymoses au milieu du tissu<br />

cellulaire de la pie-mère? Est-ce dans le ramollisse-<br />

m<strong>en</strong>t de certaines parties de l'<strong>en</strong>céphale qu'il faut<br />

chercher le point de départ des accid<strong>en</strong>ts observés<br />

p<strong>en</strong>dant la vie ? Nous ne saurions non plus l'ad-<br />

mettre. Si l'on trouve à l'autopsie un ramollisse-<br />

m<strong>en</strong>t de l'<strong>en</strong>céphale trop ét<strong>en</strong>du et trop bi<strong>en</strong><br />

caractérisé pour être regardé comme purem<strong>en</strong>t<br />

cadavérique, c'est qu'il y a eu erreur de diagnostic<br />

ou que le ramollissem<strong>en</strong>t est v<strong>en</strong>u se joindre à la<br />

folie comme complication. Quant à l'épanchem<strong>en</strong>t<br />

séreux, à l'injection des méninges, à la tuméfaction<br />

du cerveau, ce sont là des phénomènes trop vague-<br />

m<strong>en</strong>t décrits, trop peu constants, pour qu'on puisse<br />

leur attribuer tous les accid<strong>en</strong>ts observés : dans<br />

aucune des autopsies dont nous avons eu connais-<br />

sance, dans aucune de celles que nous avons vu pra-<br />

tiquer nous-même, nous n'avons r<strong>en</strong>contré de lé-<br />

sions anatomiques constantes et caractéristiques.<br />

Les altérations qui ont été décrites, ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t<br />

variables dans leur forme et leur aspect, sont consé-<br />

cutives aux troubles cérébraux et s'expliqu<strong>en</strong>t sans<br />

peine par les désordres fonctionnels observés sur<br />

le vivant.


224 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

C'est bi<strong>en</strong> à tort aussi que, suivant un autre ordre<br />

d'idées, Hellera voulu trouver dans l'état du sang<br />

l'explication du délire puerpéral : il a vu dans les<br />

cas de ce g<strong>en</strong>re se former sur le sang une cou<strong>en</strong>ne<br />

assez épaisse, facile à détacher; celle-ci, examinée<br />

au microscope, était transpar<strong>en</strong>te et se prés<strong>en</strong>tait<br />

sousforme de granulations tranchantes, très-serrées<br />

les unes contre les autres. Enfin l'analyse du sang<br />

lui a fait voir une diminution dans ses élém<strong>en</strong>ts<br />

protéiques, <strong>en</strong> même temps qu'une quantité moins<br />

considérable de principes salins. — Mais tous ces<br />

faits, parfaitem<strong>en</strong>t décrits par M. Cazeaux et par<br />

d'autres observateurs, n'offr<strong>en</strong>t absolum<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> d'a-<br />

normal et personne n'ignore que cet état particulier<br />

du sang est physiologique chez la femme <strong>en</strong>ceinte.<br />

En résumé, les malades qui périss<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant le<br />

cours dune manie puerpérale succomb<strong>en</strong>t soit à une<br />

maladie intercurr<strong>en</strong>te, soit à la vio'cnce même de<br />

l'agitation, au délire aigu; dans l'un et l'autre cas,<br />

on ne trouve dans l'<strong>en</strong>céphale que des lésions insi-<br />

gnifiantes et tout à fait insuftisantes, dans l'état<br />

actuel de nos connaissances, pour expliquer les phé-<br />

nomènes cérébraux qui ont am<strong>en</strong>é la mort. La<br />

manie puerpérale doit donc être <strong>en</strong>core rangée<br />

parmi les maladies dont la cause organique est in-<br />

connue, et le délire aigu, qui n'est que le paroxysme<br />

de la manie, est tout à fait de même nature ; il faut<br />

ici, comme dans tant de névroses, comme dans les


DE LA MAME DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 225<br />

accid<strong>en</strong>ts nerveux qui compliqu<strong>en</strong>t la fièvre ty-<br />

phoïde, admettre une simple lésion fonctionnelle,<br />

<strong>en</strong> att<strong>en</strong>dant que les progrès de l'anatomie patho-<br />

logique et les nouveaux moy<strong>en</strong>s d'investigation dont<br />

on dispose maint<strong>en</strong>ant nous mett<strong>en</strong>t sur la voie de<br />

lésions positives et jusqu'ici inconnues.<br />

Je ne crois pas <strong>en</strong> effet devoir cacher le peu d'im-<br />

portance que j'attache aux résultats de l'anatomie<br />

pathologique indiqués dans les <strong>ligne</strong>s précéd<strong>en</strong>tes ;<br />

je lésai consignés comme le dernier résultat fourni<br />

par la sci<strong>en</strong>ce, mais j'ai la conviction que dans peu<br />

de temps c'est à un autre ordre d'idées et de recher-<br />

ches qu'il faudra recourir pour t<strong>en</strong>ter de donner la<br />

cause organique des trois ou quatre formes distinctes<br />

et élém<strong>en</strong>taires qui constitu<strong>en</strong>t l'aliénation m<strong>en</strong>tale.<br />

Qu'étudions-nous maint<strong>en</strong>ant lorsque nous faisons<br />

l'autopsie de maniaques, de mélancoliques ou de<br />

monomanes? La coloration plus ou moins int<strong>en</strong>sede<br />

la substance blanche ou de la couche corticale, l'a-<br />

bondance du liquide sous-arachnoïdi<strong>en</strong>, l'état des<br />

membranes, la consistance de Ja pulpe cérébrale,<br />

son aspect général ; et <strong>en</strong>core cet exam<strong>en</strong> se fait-il<br />

uniquem<strong>en</strong>t par des appréciations approximatives<br />

purem<strong>en</strong>t personnelles, sans moy<strong>en</strong>s exacts de vé-<br />

rification. Or ces élém<strong>en</strong>ts qu'on interroge d'une<br />

«ïanière si incomplète ne constitu<strong>en</strong>t qu'une fai-<br />

ble portion de l'organe malade. L'état des tubes<br />

nerve^ux, de la substance mtermédiaire, l'indu-<br />

is


226 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

ration ou le ramollissem<strong>en</strong>t de l'organe, la quan-<br />

tité d'eau qu'il conti<strong>en</strong>t, l'état des principes chimi-<br />

ques qui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans sa composition : voilà tout<br />

autant de points qu'il faudrait examiner à l'aide des<br />

moy<strong>en</strong>s rigoureux que la sci<strong>en</strong>ce met à notre disposi-<br />

tion; et tant que ce travail si ét<strong>en</strong>du et si complexe<br />

n'aura pas été fait, personne n'aura le droit de dire<br />

qu'on ignore la nature intime et la cause delà folie.<br />

L'âQie immatérielle ne saurait être malade, c'est<br />

donc le cerveau qui est responsable de tous les<br />

troubles intellectuels; bi<strong>en</strong> plus, quand je vois<br />

des formes de délire aussi nettem<strong>en</strong>t caractérisées,<br />

aussi distinctes que la manie, la mélancolie, la mo-<br />

nomanie dans leurs formes typiques, je ne puis<br />

croire qu'une même lésion élém<strong>en</strong>taire préside à des<br />

troubles si distincts, et je suis disposé à admettre<br />

quelque chose de spécial dans les lésions qui cor-<br />

respond<strong>en</strong>t à chacune de ces formes.<br />

§ 9. Beaucoup de moy<strong>en</strong>s thérapeutiques ont<br />

été vantés contre la manie puerpérale. Avant d'in-<br />

diquer quel est le traitem<strong>en</strong>t qui nous paraît le plus<br />

utile, passons successivem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> revue les méthodes<br />

que certains auteurs ont préconisées, soit <strong>en</strong> les con-<br />

seillant d'une manière exclusive, soit <strong>en</strong> les asso-<br />

ciant les unes aux autres.<br />

1° La saignée semble indiquée rationnellem<strong>en</strong>t<br />

chez les maniaques à tempéram<strong>en</strong>t sanguin, dont<br />

la figure vuUueuse, les yeux injectés, le pouls large


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 227<br />

el développé, éveill<strong>en</strong>t involontairem<strong>en</strong>t l'idée d'un<br />

mouvem<strong>en</strong>t congestif vers le cerveau; et cep<strong>en</strong>dant,<br />

même chez les sujets les plus robustes, les émissions<br />

sanguines donn<strong>en</strong>t rarem<strong>en</strong>t de bons résultats; elles<br />

peuv<strong>en</strong>t am<strong>en</strong>er une rémission passagère dans le<br />

délire et dans l'agitation, mais peu d'heures après<br />

ces symptômes reparaiss<strong>en</strong>t avec une acuité plus<br />

grande, sans que de nouvelles pertes de sang puis-<br />

s<strong>en</strong>t les modifier d'une manière plus durable. Sur<br />

ce point, la pratique de l'aliénation m<strong>en</strong>tale n'a pas<br />

changé depuis Esquirol et Guislain, et je n'ai pas vu<br />

que la manie puerpérale fasse exception à la règle<br />

commune. Loin de là : on devra rejeter la saignée<br />

comme méthode générale de traitem<strong>en</strong>t avec d'au-<br />

tant plus de sévérité que la folie éclate le plus sou-<br />

v<strong>en</strong>t chez des femmes épuisées par de nombreuses<br />

grossesses ou des allaitem<strong>en</strong>ts intempestifs. N'avons-<br />

nous pas vu que les émissions sanguines nécessitées<br />

par des convulsions éclamptiques sembl<strong>en</strong>t hâter<br />

l'explosion de la manie? et chez plusieurs femmes<br />

récemm<strong>en</strong>t accouchées, et <strong>en</strong> proie à un peu d'exci-<br />

tation nerveuse, la saignée n'a-t-elle pas été suivie<br />

de l'invasion du plus viol<strong>en</strong>t délire?<br />

On s'absti<strong>en</strong>dra donc de ce moy<strong>en</strong> aussi bi<strong>en</strong><br />

dans le cours de la manie puerpérale qu'à la période<br />

prodromique ; si par hasard des indications positi-<br />

ves et exceptionnelles forçai<strong>en</strong>t d'y recourir, on le fe-<br />

rait avec une réserve excessive, et l'on ne r<strong>en</strong>ou-


228 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

vellerait son emploi que si les résultats déjà obt<strong>en</strong>us<br />

étai<strong>en</strong>t tout à fait positifs.<br />

2° Le tartre slibié à dose rasori<strong>en</strong>ne préconisé par<br />

le docteur \Veis<strong>en</strong>er(l), expérim<strong>en</strong>té par Guislain (2),<br />

parait d'autant mieux indiqué que ses propriétés hy-<br />

posthénisantes s'adress<strong>en</strong>t directem<strong>en</strong>t au système<br />

nerveux, sans déterminer dans l'organisme une spo-<br />

liation aussi énergique que les émissions sanguines<br />

soit locales, soit générales. Chez une femme qui, le<br />

cinquième jour après un accouchem<strong>en</strong>t laborieux,<br />

fut atteinte de manie puerpérale, le docteur Elsœner<br />

a obt<strong>en</strong>u <strong>en</strong> douze jours la guérison par l'emploi du<br />

tartre stibié administré d'abord à doses fractionnées,<br />

puis à la dose de 30 c<strong>en</strong>tigrammes par jour, le tout<br />

combiné à des applications froides sur la tête (3).<br />

Je n'ai pas eu occasion d'appliquer ou de voir ap-<br />

pliquer cette méthode, qui peut sans doute donner<br />

d'excell<strong>en</strong>ts résultats; mais il est à craindre que chez<br />

des malades agitées, tourm<strong>en</strong>tées par des hallucina-<br />

tions du goût, l'administration du médicam<strong>en</strong>t ne<br />

r<strong>en</strong>contre de très-grandes difficultés.<br />

3° Les bains tièdes prolongés r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t les plus<br />

grands services dans le traitem<strong>en</strong>t de la manie puer-<br />

pérale, soit qu'on les emploie comme moy<strong>en</strong> adju-<br />

(1) Journal d'Hufeland.<br />

(2) Guislain, Des phrempathies. Bruxelles, 1835, p. 437.<br />

(3) Revue de thérapeutique médico- chirurgicale, juillet 1857,<br />

et Journal de Wurtemberg.


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 229<br />

vant, soit qu'on <strong>en</strong> fasse la base unique du traite-<br />

m<strong>en</strong>t, ainsi que l'a fait M. Brierre de Boismont,<br />

dans les observations qu'il a publiées sur ce su-<br />

jet, observations parmi lesquelles se trouv<strong>en</strong>t deux<br />

cas heureux de manie puerpérale. Mais il est<br />

bon de s'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre sur le mode d'administration<br />

et sur la durée de ces bains ; <strong>en</strong> y plaçant les ma-<br />

lades p<strong>en</strong>dant deux ou trois heures, on obti<strong>en</strong>t un<br />

calme marqué ; mais <strong>en</strong> prolongeant le bain p<strong>en</strong>-<br />

dant six heures, huit heures ou même vingt-quatre<br />

heures, ainsi que l'ont fait quelques médecins qui<br />

appliqu<strong>en</strong>t la méthode dans toute sa rigueur, on dé-<br />

termine quelquefois, même sans calmer les mala-<br />

des, un tel état de faiblesse et de prostration que<br />

les accid<strong>en</strong>ts les plus graves ont pu surv<strong>en</strong>ir. Si cette<br />

méthode est dangereuse dans tous les cas, elle le<br />

sera surtout pour les nouvelles accouchées, qui ré-<br />

sisterai<strong>en</strong>t moins que d'autres à un traitem<strong>en</strong>t spo-<br />

liatif aussi énergique. Je crois donc qu'on devra se<br />

borner aux bains tièdes de deux ou trois heures, ré-<br />

pétés, comme nous le dirons tout à l'heure, tous<br />

les jours ou tous les deux jours, <strong>en</strong> proportionnant<br />

leur durée et leur fréqu<strong>en</strong>ce à l'énergie des malades<br />

et <strong>en</strong> se guidant d'après les résultats obt<strong>en</strong>us.<br />

4° Les purgatifs ont été préconisés comme mé-<br />

thode exclusive de traitem<strong>en</strong>t et plus d'une fois ils<br />

ont donné d'excell<strong>en</strong>ts résultats (observ. 34), mais<br />

on se gardera bi<strong>en</strong> de les administrer chaque jour


230 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

et d'une manière empirique ; il faudra proportion-<br />

ner leur emploi à la force des malades et à la ma-<br />

nière dont ils support<strong>en</strong>t le médicam<strong>en</strong>t, et surtout<br />

montrer une grande persévérance pour faire pr<strong>en</strong>-<br />

dre à des sujets indociles des substances dont le<br />

goût amer et désagréable peut réveiller de vives ré-<br />

pugnances. Esquirol accordait une grande confiance<br />

aux lavem<strong>en</strong>ts de lait sucré; il faisait dissoudre<br />

120 grammes de sucre dans 360 grammes de<br />

lait, et répétait ce lavem<strong>en</strong>t trois fois par jour, <strong>en</strong><br />

faisant observer <strong>en</strong> même temps une diète rigou-<br />

reuse. Ce léger purgatif lui réussissait presque tou-<br />

jours (1).<br />

5° Les narcotiques et les antispasmodiques ont été<br />

vantés par bi<strong>en</strong> des auteurs dans le traitem<strong>en</strong>t de la<br />

manie puerpérale. Je n'insiste pas ici sur l'action de<br />

l'opium, car <strong>en</strong> m'ét<strong>en</strong>dant sur ce sujet, je ne ferais<br />

que répéter ce qui a été dit tant de fois. Tout <strong>en</strong><br />

regardant ce médicameùt comme capable de r<strong>en</strong>dre<br />

de grands services et d'am<strong>en</strong>er à lui seul des gué-<br />

risons remarquables de folie puerpérale, ainsi qu'on<br />

<strong>en</strong> a publié des exemples (obs. 38), je p<strong>en</strong>se qu'il est<br />

surtout indiqué <strong>en</strong> deux mom<strong>en</strong>ts : au début du<br />

délire, quand on peut espérer <strong>en</strong>core de voir la ma-<br />

ladie s'arrêter dans sa marche, et plus tard, dans la<br />

période de déclin, si l'insomnie et la mobilité ner-<br />

(1) Courot, Thèse, p. 75.


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 231<br />

\euse constitu<strong>en</strong>t les symptômes prédominants; nous<br />

aurons occasion d'<strong>en</strong> reparler plus loin.<br />

Le camphre a été regardé comme le remède spé-<br />

cifique de tous les délires qui pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t leur point<br />

de départ dans les organes génitaux. Av<strong>en</strong>brugger<br />

a développé sur ce sujet des idées qui ont été répé-<br />

tées et comm<strong>en</strong>tées par la plupart des auteurs qui<br />

se sont occupés de matière médicale : chez les<br />

hommes, toutes les fois que le pénis était petit et<br />

contracté, le scrotum ridé, les testicules rétractés<br />

vers le v<strong>en</strong>tre, il y avait indication à administrer le<br />

camphre; chez les femmes, l'action de porter la main<br />

vers les parties génitales suffisait pour autoriser<br />

cette médication. Le camphre était donné depuis<br />

50 c<strong>en</strong>tigrammes jusqu'à 2, 3 et 4 grammes <strong>en</strong><br />

vingt-quatre heures; on avait soin de le continuer<br />

longtemps après la disparition des symptômes.<br />

Les idées théoriques sur la nature de la folie<br />

puerpérale, dont nous avons cherché précédemm<strong>en</strong>t<br />

à démontrer le peu de justesse, devrai<strong>en</strong>t nécessai-<br />

rem<strong>en</strong>t faire essayer le camphre dans cette maladie;<br />

des succès nombreux ont été notés, mais je ne con-<br />

nais <strong>en</strong> détail que deux faits du docteur Bernt dans<br />

lesquels la guérison fort rapide éveille involontaire-<br />

m<strong>en</strong>t l'idée d'une terminaison spontanée (observ.31<br />

et 32) ; d'un autre côté, je n'ai pas même obt<strong>en</strong>u<br />

de bons résultats de l'emploi du camphre dans cer-<br />

tains cas de manie où l'érotisme était manifeste :


232 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

aussi, tout <strong>en</strong> t<strong>en</strong>ant compte des faits jadis observés,<br />

je p<strong>en</strong>se qu'une grande réserve est nécessaire dans<br />

l'appréciation de ce médicam<strong>en</strong>t, et <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce des<br />

moy<strong>en</strong>s moins incertains que la sci<strong>en</strong>ce possède, je<br />

n'oserais lui confier exclusivem<strong>en</strong>t la guérison d'une<br />

malade.<br />

On ne saurait accorder plus de valeur à l'éther<br />

qui, administré à la dose de 3 à 4 grammes, paraît<br />

avoir été utile dans un cas de délire passager con-<br />

sécutif à l'accouchem<strong>en</strong>t. (Observ. 33.)<br />

6° La diète lactée, seule ou combinée aux bains<br />

tièdes, aux purgatifs, aux narcotiques, a été récem-<br />

m<strong>en</strong>t préconisée par M. Baillarger dans le traite-<br />

m<strong>en</strong>t de la manie aiguë et surtout de la manie puer-<br />

pérale, et plusieurs exemples de succès obt<strong>en</strong>us par<br />

cette méthode ontété publiés (1). C'est un moy<strong>en</strong> qui,<br />

sans être toujours efficace, mérite certainem<strong>en</strong>t de<br />

rester dans la pratique, et est appelé à r<strong>en</strong>dre des<br />

services réels dans tous les cas où l'excitation ma-<br />

niaque est fort vive. En faisant pr<strong>en</strong>dre à une ma-<br />

lade un ou deux litres de lait chaque jour, on apaise<br />

la soif et on donne <strong>en</strong> même temps une alim<strong>en</strong>tation<br />

qui, sans avoir ri<strong>en</strong> d'excitant, est suffisante pour<br />

sout<strong>en</strong>ir les forces. Ce mode de traitem<strong>en</strong>t peut être<br />

parfaitem<strong>en</strong>t toléré p<strong>en</strong>dant quinze jours, un mois<br />

et même plus, chez certains sujets ; si parfois le lait<br />

(1) Gazette des hôpitaux, 8 novemb. 1856.


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 233<br />

soulevait une trop grande répugnance, on pourrait<br />

le réserver pour un seul des repas de la journée, ou<br />

même ajouter du pain au lait, de cette façon l'on<br />

obti<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core d'excell<strong>en</strong>ts résultats tout <strong>en</strong> ména-<br />

geant la susceptibilité des voies digestives. Enfin il<br />

peut surv<strong>en</strong>ir, soit de la diarrhée, soit de la consti-<br />

pation : la première de ces complications est une<br />

contre-indication presque absolue à l'emploi pro-<br />

longé de la diète lactée, car il est fort rare que la to-<br />

lérance s'établisse ; mais la constipation cédera sans<br />

peine à l'emploi de légers laxatifs, et n'aura jamais<br />

de conséqu<strong>en</strong>ces sérieuses.<br />

Parmi toutes ces méthodes, aucune ne peut être<br />

employée d'une manière exclusive. En suivant avec<br />

trop d'inflexibilité une <strong>ligne</strong> thérapeutique, on s'ex-<br />

poserait à manquer aux indications les plus prati-<br />

ques, et à laisser échapper les occasions d'être utile.<br />

Si l'on est appelé dès les premiers symptômes de<br />

la maladie, il faut isoler la malade, la placer dans<br />

un <strong>en</strong>droit faiblem<strong>en</strong>t éclairé, maint<strong>en</strong>ir autour<br />

d'elle le calme et le sil<strong>en</strong>ce. Des bains tièdes pro-<br />

longés, quelques purgatifs, des antispasmodiques à<br />

faible dose pourront calmer cette excitation nerveuse<br />

qui accompagne la fièvre de lait, et qui pourrait faci-<br />

lem<strong>en</strong>t conduire à la folie chez les sujets prédisposés,<br />

si elle était exaspérée par une hygiène peu conv<strong>en</strong>able.<br />

Mais lorsque, subitem<strong>en</strong>t ou progressivem<strong>en</strong>t, le


234 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

délire maniaque éclate dans toute sa viol<strong>en</strong>ce, on<br />

doit r<strong>en</strong>oncer à toute idée d'allaitem<strong>en</strong>t et éloi-<br />

gner du sein de la mère l'<strong>en</strong>fant, dont la sécurité<br />

serait compromise. Des bains tièdes de trois ou<br />

quatre heures, répétés chaque jour si les malades<br />

les support<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>, sont un des plus puissants<br />

moy<strong>en</strong>s sédatifs que l'on puisse mettre <strong>en</strong> usage ;<br />

s'il existe des signes d'embarras gastrique, un vo-<br />

mitif ou un purgatif est très-ulile. La diète lactée<br />

peut <strong>en</strong> outre être employée selon les règles que<br />

nous avons tracées plus haut; si les malades ne<br />

peuv<strong>en</strong>t la tolérer, il faudra la remplacer par un<br />

régime suffisamm<strong>en</strong>t tonique, <strong>en</strong> se gardant bi<strong>en</strong><br />

d'insister sur une abstin<strong>en</strong>ce trop prolongée, quelle<br />

que soit l'excitation ; c'est un précepte capital sur<br />

lequel ont insisté beaucoup de médecins, et dont<br />

la vérité est confirmée par l'expéri<strong>en</strong>ce de chaque<br />

jour. Copland conseille même de donner quelques<br />

liqueurs stimulantes, autant que le permet l'état du<br />

tube digestif, et sans t<strong>en</strong>ir aucun compte du désor-<br />

dre intellectuel.<br />

Les mêmes moy<strong>en</strong>s devront faire la base du trai-<br />

tem<strong>en</strong>t lorsque l'accélération du pouls, la sécheresse<br />

de la langue, l'int<strong>en</strong>sité du délire indiqu<strong>en</strong>t que la<br />

manie passe au délire aigu. Les bains tièdes de quatre<br />

oucinqheures,lespurgatifs, les boissons abondantes,<br />

certains narcotiques seront mis <strong>en</strong> usage selon les<br />

indications du mom<strong>en</strong>t. S'il semble exister vers le


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHEES. 235<br />

cerveau un raptus sanguin, qui sans doute n'est que<br />

consécutif au délire, mais qui peut à son tour hâ-<br />

ter la terminaison fatale de l'accès de manie, on<br />

emploiera les moy<strong>en</strong>s révulsifs qui peuv<strong>en</strong>t dégor-<br />

ger les vaisseaux cérébraux sans avoir, comme les<br />

émissions sanguines, l'inconvéni<strong>en</strong>t d'affaiblir les<br />

malades. Les irrigations froides, la glace appliquée<br />

sur la tête, autant que le permet l'agitation des malades,<br />

agiss<strong>en</strong>t à la fois comme répercussifs et comme<br />

sédatifs. La compression des carotides, les v<strong>en</strong>touses<br />

placées <strong>en</strong> grand nombre aux extrémités inférieures<br />

ou même les grandes v<strong>en</strong>touses Junod, qui emprisonn<strong>en</strong>t<br />

tout un membre, agiss<strong>en</strong>t dans le même<br />

s<strong>en</strong>s et peuv<strong>en</strong>t produire une révulsion puissante.<br />

Dans la grande majorité des cas, ces moy<strong>en</strong>s suffi-<br />

s<strong>en</strong>t pour calmer la première viol<strong>en</strong>ce de l'excitation<br />

maniaque, et l'on pourra modifier le traitem<strong>en</strong>t dès<br />

le troisième septénaire; les bains seront éloignés, le<br />

lait ne constituera plus qu'un des repas de la jour-<br />

née; <strong>en</strong>fin, toutes les causes d'excitation seront soi-<br />

gneusem<strong>en</strong>t écartées p<strong>en</strong>dant cette période d'équi-<br />

libre <strong>en</strong>core instable qui précède la convalesc<strong>en</strong>ce<br />

des maniaques.<br />

Dans les cas où l'accès se prolonge au delà du<br />

premier mois, il faut laisser l'excitation s'user d'ellemême<br />

sans insister sur une médication par trop<br />

énergique. Si, vers le troisième mois, l'état est sta-<br />

tionnaire, s'il reste une agitation uniforme, une


236 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

loquacité sans but et sans caractère spécial alors que<br />

le sommeil, l'appétit et les autres fonctions sont <strong>en</strong>-<br />

tièrem<strong>en</strong>t rétablis, les affusions froides, la douche<br />

même, pourront déterminer une perturbation salu-<br />

taire; au contraire, l'opium et les narcotiques r<strong>en</strong>-<br />

dront de grands services dans les cas où l'insomnie et<br />

l'irritabilité nerveuse constituerai<strong>en</strong>t les symptômes<br />

prédominants.<br />

Lorsque les femmes prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t de la pâleur des<br />

muqueuses, de l'anhélation, du bruit de souffle dans<br />

les gros vaisseaux, <strong>en</strong> un mot, des symptômes de<br />

chlorose, sans hésiter, il faut recourir au fer et à<br />

une nourriture tonique et reconstituante ; la chlo-<br />

rose devi<strong>en</strong>t le point de départ de tant d'accid<strong>en</strong>ts<br />

nerveux, elle les <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>t et les aggrave tellem<strong>en</strong>t<br />

par sa prés<strong>en</strong>ce, qu'<strong>en</strong> les combattant par des moy<strong>en</strong>s<br />

appropriés, on obti<strong>en</strong>t parfois des guérisons ines-<br />

pérées. (Observ. 36.) En un mot, il faut examiner<br />

la malade à divers points de vue, et rechercher dans<br />

les fonctions m<strong>en</strong>struelles, dans la digestion, dans<br />

la circulation, dans les caractères spéciaux de la<br />

maladie m<strong>en</strong>tale, dans l'état général du sujet, les<br />

conditions les plus saillantes qui peuv<strong>en</strong>t dev<strong>en</strong>ir<br />

le point de départ d'indications thérapeutiques sé-<br />

rieuses.<br />

N'oublions pas <strong>en</strong>fin que dans la manie puerpé-<br />

rale certaines précautions devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t nécessaires,<br />

<strong>en</strong> raison même du peu de temps qui s'est écoulé


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 237<br />

depuis l'accouchem<strong>en</strong>t ;<br />

ainsi le médecin ne perdra<br />

pas de vue le volume <strong>en</strong>core considérable de l'u-<br />

térus, et l'état de laxité de la paroi abdominale. Il<br />

sera bon de la sout<strong>en</strong>ir à l'aide d'un bandage con-<br />

v<strong>en</strong>able, et la malade devra autant que possible être<br />

maint<strong>en</strong>ue dans la position horizontale, qui r<strong>en</strong>dra<br />

moins dangereux les viol<strong>en</strong>ts efforts musculaires<br />

exécutés p<strong>en</strong>dant le délire. Il faudra surveiller l'écou-<br />

lem<strong>en</strong>t des lochies, et quel que soit d'ailleurs le trai-<br />

tem<strong>en</strong>t adopté, des bains et des lotions fréqu<strong>en</strong>tes<br />

seront indisp<strong>en</strong>sables, afin d'éviter les accid<strong>en</strong>ts<br />

d'infection putride. Les seins peuv<strong>en</strong>t être volu-<br />

mineux et <strong>en</strong>gorgés sans que la malade éprouve de<br />

vives douleurs: c'est ainsi qu'à la Salpêtrière j'ai vu<br />

une femme dont le sein gauche était le siège d'un<br />

phlegmon très-ét<strong>en</strong>du, et qui n'<strong>en</strong> gesticulait pas<br />

moins avec une énergie extrême. Toutefois, c'est là<br />

une complication qui doit être surveillée ; le sein<br />

<strong>en</strong>gorgé sera conv<strong>en</strong>ablem<strong>en</strong>t sout<strong>en</strong>u et traité, des<br />

applications émolli<strong>en</strong>tes y seront faites, s'il est pos-<br />

sible. Enfin, si l'emploi de la camisole dev<strong>en</strong>ait indis-<br />

p<strong>en</strong>sable, il faudrait l'appliquer lâchem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> se<br />

gardant bi<strong>en</strong> de comprimer douloureusem<strong>en</strong>t l'or-<br />

gane <strong>en</strong>flammé.


238 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

29« Observatton. — Manie débutant cinq jours après la délivrance<br />

chez une femme accouchée pour la huitième fois ; cinq semaines<br />

de durée. Guérison.<br />

Lorig (Hélène), âgée de 42 ans, <strong>en</strong>tre, le 13 mai<br />

1855, à l'hôpital de la Charité, dans le service de<br />

M. Cruveilhier, salle Saint-Joseph, n° 25.<br />

La mère de cette malade a eu neuf <strong>en</strong>fants; les<br />

six premières couches ont été heureuses, mais aux<br />

trois dernières elle a été atteinte d'un accès de délire<br />

qui ne guérissait qu'au bout de quelques mois, et<br />

pour lequel elle est <strong>en</strong>trée à diverses reprises dans<br />

une maison d'aliénés.<br />

La femme Long est habituellem<strong>en</strong>t calme, peu<br />

impressionnable; elle a eu sept <strong>en</strong>fants et <strong>en</strong> a nourri<br />

deux; tous ses accouchem<strong>en</strong>ts se sont faits sans peine<br />

et n'ont été suivis d'aucun accid<strong>en</strong>t.<br />

Accouchée pour la troisième fois, le 5 mai, après<br />

douze heures de travail, elle donna naissance à un<br />

<strong>en</strong>fant mort depuis plusieurs heures, au dire de la<br />

sage- femme.<br />

P<strong>en</strong>dant les premiers jours, tout se passe bi<strong>en</strong>;<br />

mais le 10 mai, à la suite d'une vive contrariété, les<br />

lochies se supprim<strong>en</strong>t au mom<strong>en</strong>t où elles comm<strong>en</strong>-<br />

çai<strong>en</strong>t à s'établir; <strong>en</strong> même temps on remarque que,<br />

du côté des seins, il n'y a ni t<strong>en</strong>sion, ni douleur, ni<br />

aucune trace de sécrétion laiteuse; pas de mouvem<strong>en</strong>t<br />

fébrile. Les idées sont déjà un peu incohér<strong>en</strong>tes.


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 239<br />

Dès le l<strong>en</strong>demain, le délire avait pris un caractère<br />

furieux, et il fallait deux hommes pour maint<strong>en</strong>ir<br />

la malade; un médecin appelé donna un purgatif et<br />

fil appliquer des sinapisraes aux jambes.<br />

Le 12, le délire furieux continue.<br />

Le 13, on apporte la malade à l'hôpital; le trajet,<br />

l'émotion du transport amèn<strong>en</strong>t dans son esprit<br />

un calme dont elle est étonnée elle-même.<br />

Le 14, à la visite, elle répond aux questions qu'on<br />

lui adresse et peut donner quelques détails sur son<br />

accouchem<strong>en</strong>t, mais si on poursuit plus loin l'inter-<br />

rogatoire, elle comm<strong>en</strong>ce à divaguer. Elle répète<br />

qu'on veut la tuer, l'empoisonner; elle est poursuivie<br />

par des hallucinations de l'ouïe et de la vue; in-<br />

somnie, céphalalgie, langue un peu sèche, soif vive,<br />

pouls à 1 00, un peu développé; la malade est baignée<br />

de sueur et la peau recouverte d'une éruption de<br />

miliaire rouge <strong>en</strong>tremêlée de sudamina. L'utérus est<br />

<strong>en</strong>core volumineux et un peu douloureux à la pres-<br />

sion; ri<strong>en</strong> dans les ligam<strong>en</strong>ts larges; les lochies ne<br />

reparaiss<strong>en</strong>t pas, les seins rest<strong>en</strong>t flasques.<br />

Traitem<strong>en</strong>t : 2 grammes d'extrait de kina. —<br />

Lavem<strong>en</strong>t avec 30 c<strong>en</strong>tigrammes de camphre.<br />

Le 15 et le 16, le délire persiste, mais ne s'accom-<br />

pagne pas d'agitation viol<strong>en</strong>te; la malade divague<br />

dès qu'on la fait causer, elle a toujours les mêmes<br />

hallucinations et les mêmes conceptions délirantes;<br />

comme on la mainti<strong>en</strong>t au lit, des excoriations


240 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à se former au niveau du sacrum.<br />

Le 17, l'agitation devi<strong>en</strong>t extrême, et le délire est<br />

complet et bruyant, la malade crie, chante inces-<br />

samm<strong>en</strong>t, et empêche toute la salle de dormir; elle<br />

croit voir autour d'elle des animaux, des diables qui<br />

veul<strong>en</strong>t la tuer, les hallucinations persist<strong>en</strong>t le jour<br />

comme la nuit; le pouls est à 110; du reste, pas<br />

d'autre symptôme digne d'être noté; potion avec<br />

25 gouttes laudanum. — Extrait kina, 2 grammes.<br />

— Musc, 50 c<strong>en</strong>tigrammes.<br />

Le 18, le 19, le délire continue, aussi bruyant et<br />

aussi agité : même traitem<strong>en</strong>t; on donne, <strong>en</strong> outre,<br />

un purgatif, car il y a de la constipation.<br />

Le 21, la nuit a été plus tranquille, la malade de-<br />

mande à manger avec instance ; elle délire cep<strong>en</strong>-<br />

dant toujours lorsqu'on la fait causer, et il est diffi-<br />

cile d'obt<strong>en</strong>ir d'elle des phrases suivies et des idées<br />

qui s'<strong>en</strong>chaîn<strong>en</strong>t; le pouls est beaucoup tombé; on<br />

continue le musc et l'opium.<br />

Le 28, voici quel est son état : le pouls est à 72,<br />

assez calme, l'utérus est <strong>en</strong>core un peu volumineux,<br />

mais à peine douloureux à la pression hypogas-<br />

trique; le col est <strong>en</strong>core développé, déchiré et s<strong>en</strong>-<br />

sible, mais il n'y a ri<strong>en</strong> d'anormal dans les culs-de-<br />

sac du vagin.<br />

Lorsqu'on cause avec la malade, on peut obt<strong>en</strong>ir<br />

d'elle et pour la première fois des r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts<br />

assez positifs, confirmés d'ailleurs par ceux de son


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 241<br />

mari; cep<strong>en</strong>dant de temps à autre elle divague <strong>en</strong>-<br />

core et parle moitié allemand, moitié français; elle<br />

raconte que la tisane qu'on lui donnait était verte,<br />

à cause du vert-de-gris qu'on y avait mis dans le but<br />

de l'empoisonner, mais par instantselle reconnaît que<br />

ses idées sont confuses et croit <strong>en</strong>core rêver; comme<br />

à chaque instant elle veut se lever, on est obligé de<br />

l'attacher dans son lit ; la langue est un peu saburrale,<br />

mais assez humide, les selles sont naturelles, les<br />

escharres du sacrum comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à se détacher.<br />

29 mai.— Encore du délire et de l'incohér<strong>en</strong>ce; ce<br />

matin elle a crié et chanté ses prières, le pouls est à<br />

90, la langue un peu sale et sèche, selles normales.<br />

6 juin. — Les escharres guériss<strong>en</strong>t, la fièvre tombe,<br />

la malade mange bi<strong>en</strong> et ne divague maint<strong>en</strong>ant sur<br />

aucun point, elle se lève sur un fauteuil, mais est<br />

très-faible; elle a conservé un souv<strong>en</strong>ir parfait de<br />

toute sa maladie. Je m'assure par un exam<strong>en</strong> réitéré<br />

que les hallucinations et les conceptions délirantes<br />

ont tout à fait disparu.<br />

15 juin. — La convalesc<strong>en</strong>ce se confirme, seule-<br />

m<strong>en</strong>t la faiblesse de la malade est très-grande, les<br />

mouvem<strong>en</strong>ts sont tremblants et incertains, et offr<strong>en</strong>t<br />

même une nuance choréique. Ces symptômes se<br />

dissip<strong>en</strong>t peu, et vers la fin du mois la malade quitte<br />

l'hôpital <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t guérie.<br />

10


242 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHEES.<br />

30^ Observation. — Manie ayant débuté six semaines après la dé-<br />

livrance; délire aigu. Mort au bout de sept jours.<br />

Leclerc, Adèle, femme Poileu, 40 ans, blanchis-<br />

seuse, <strong>en</strong>tre le 8 mai 1857 à la Salpètrière, dans le<br />

service de M. Mitivié; d'une bonne santé habituelle,<br />

exaltée, impressionnable, mais n'ayant jamais eu<br />

d'attaques de nerfs, cette femme a eu une exist<strong>en</strong>ce<br />

assez agitée, car elle ne vit plus avec son mari, et<br />

son fils, dont le souv<strong>en</strong>ir la préoccupe vivem<strong>en</strong>t, a<br />

disparu depuis longtemps déjà. La femme P... a eu<br />

plusieurs <strong>en</strong>fants; ses premières couches se sont bi<strong>en</strong><br />

passées, mais les deux dernières ont été suivies d'un<br />

trouble m<strong>en</strong>tal bi<strong>en</strong> manifeste, puisque après l'une<br />

d'elles elle a passé six mois à la Salpètrière.<br />

Elle était accouchée dansles derniersjours de mars,<br />

lorsque le 6 mai 1857, six semaines après, elle com-<br />

m<strong>en</strong>ça à délirer. Depuis le mom<strong>en</strong>t de l'accouche-<br />

m<strong>en</strong>t, elle avait fait quelques t<strong>en</strong>tatives inutiles<br />

d'allaitem<strong>en</strong>t, mais néanmoins elle s'était fort bi<strong>en</strong><br />

portée ainsi que son <strong>en</strong>fant. Les suites de couches<br />

avai<strong>en</strong>t cessé.<br />

Au début du délire, elle avait des hallucinations,<br />

croyant qu'on se moquait d'elle, <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dant des voix<br />

qui l'insultai<strong>en</strong>t. Elle chantait, criait et montrait<br />

dans ses idées la plus grande incohér<strong>en</strong>ce, mais ré-<br />

pondait <strong>en</strong>core avec assez de justesse quand on atti-


DE LA »UNIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 243<br />

raitson att<strong>en</strong>tion; comme, d'heure <strong>en</strong> heure, l'agi-<br />

tation augm<strong>en</strong>tait, le 8, on fut obligé de l'am<strong>en</strong>er à<br />

l'hôpital.<br />

Le 10 au matin, l'agitation est extrême, les cris,<br />

les mouvem<strong>en</strong>ts sont incessants, on est obligé de la<br />

fixer dans son lit : elle crache à la figure et ne ré-<br />

pond à aucune question. La langue est sèche, les<br />

lèvres <strong>en</strong>croûtées de fuliginosités, les yeux hagards.<br />

Le pouls est assez fort et accéléré, mais il est diffi-<br />

cile de l'explorer.<br />

50 c<strong>en</strong>tigr. de musc. — JO c<strong>en</strong>tigr. d'émétique.<br />

12 mai. — L'émétique n'amène pas de vomisse-<br />

m<strong>en</strong>ts, mais desselles nombreuses. L'agitation ne se<br />

calme pas ;<br />

p<strong>en</strong>dant toute la journée la malade crie<br />

et se débat, la langue devi<strong>en</strong>t fuligineuse, le pouls<br />

très-petit, la peau se couvre d'une sueur visqueuse ;<br />

par instants elle est plus calme et même très-abattue,<br />

mais sans repr<strong>en</strong>dre connaissance ; pas de toux ni<br />

d'expectoration.<br />

P<strong>en</strong>dant la journée on essaie de mettre la ma-<br />

lade au bain, mais elle éprouve p<strong>en</strong>dant le trajet une<br />

syncope inquiétante, suivie de quelques heures de<br />

grande faiblesse. Néanmoins elle revi<strong>en</strong>t à elle, s'a-<br />

gite p<strong>en</strong>dant quelque temps <strong>en</strong>core et finit par mou-<br />

rir presque subitem<strong>en</strong>t le 13, à 4 heures du matin.<br />

A l'autopsie, faite le 14 mai, voici ce que l'on<br />

r<strong>en</strong>contre : le poids de l'<strong>en</strong>céphale est de 1132 gr.,<br />

celui du cervelet de 135 grammes. L'hémisphère


244 DE LA MAME DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

gauche pèse 10 grammes de plus que le droit.<br />

Sérosité <strong>en</strong> quantité modérée, pie-mère légère-<br />

m<strong>en</strong>t injectée, substance grise un peu molle. La<br />

substance blanche a partout sa consistance normale<br />

et ne paraît pas injectée.<br />

Poumons emphysémateux, bronches injectées,<br />

cont<strong>en</strong>ant des mucosités.<br />

Le cœur n'offre ri<strong>en</strong> d'anormal.<br />

Le foie t<strong>en</strong>d à passer à l'état graisseux; quelques<br />

calculs dans la vésicule biliaire.<br />

Intestin non ballonné. Une des extrémités de<br />

l'épiploon est adhér<strong>en</strong>te à l'ovaire droit et à la<br />

trompe qui offre un kyste <strong>en</strong> ce point. Aucune<br />

trace de péritonite. L'utérus n'est pas <strong>en</strong>core re-<br />

v<strong>en</strong>u à son état normal et ne conti<strong>en</strong>t du reste pas<br />

de pus. Pas de pus ni de caillots, ni aucune trace<br />

de phlébite dans les veines hypogastriques. Pas<br />

d'oedème des membres inférieurs.<br />

(Notes communiquées par M. Royer, interne de<br />

service.)<br />

31e Observation. — Délire aigu ayant débuté avec le travail de<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t . Mort rapide.<br />

Elisa B..., âgée de 27 ans, n'a jamais eu d'alié-<br />

nés dans sa famille; réglée à 16 ans pour la pre-<br />

mière fois, elle l'a été depuis assez irrégulièrem<strong>en</strong>t<br />

sans que sa santé ait été sérieusem<strong>en</strong>t troublée.<br />

Primipare et <strong>en</strong>ceinte de 7 mois à 7 mois 1/2,


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 245<br />

elle se prés<strong>en</strong>te à la Maternité au comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t<br />

de juin 1854, avec une hémorragie utérine datant<br />

déjà de deux jours, et qui a été précédée d'une épis-<br />

taxis de trois quarts d'heure. A son <strong>en</strong>trée on trouve<br />

le col mou, long de 2 c<strong>en</strong>timètres 1/2, un peu <strong>en</strong>-<br />

tr'ouvert, mais il n'y a pas de plac<strong>en</strong>ta interposé<br />

<strong>en</strong>tre le doigt et la tête du fœtus que l'on s<strong>en</strong>t très-<br />

bi<strong>en</strong>. — La malade est très-anémique, et l'on <strong>en</strong>-<br />

t<strong>en</strong>d du souffle dans les gros vaisseaux.<br />

A partir du 6 juin, l'hémorragie s'arrête ;<br />

la ma-<br />

lade garde le lit jusqu'au 20, pr<strong>en</strong>d du fer et du<br />

quinquina et sort le 29 juin, <strong>en</strong>ceinte de 8 mois.<br />

P<strong>en</strong>dant ce séjour à l'hôpital, elle s'est montrée<br />

douce, laborieuse et tranquille, et a attribué la perte<br />

qu'elle a éprouvée à des fatigues excessives; sa gros-<br />

sesse a été traversée par de viol<strong>en</strong>ts chagrins, son<br />

amant l'ayant, dès le début, abandonnée dans la plus<br />

grande misère, et elle a été obligée, pour gagner sa<br />

vie, de travailler <strong>en</strong> plein soleil, au milieu des plus<br />

grandes chaleurs de l'été.<br />

Le 27 juillet, à 5 heures du soir, elle r<strong>en</strong>tre à la<br />

Maternité. La parole est brève, saccadée, les yeux<br />

sont égarés, la face vultueuse ; elle répond <strong>en</strong>core<br />

aux questions qu'on lui adresse, mais avec une<br />

grande volubilité. Le pouls est petit, à 1 20 pulsations.<br />

Comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t de travail, l'orifice est dilaté<br />

comme une pièce de 2 francs.<br />

L'accouchem<strong>en</strong>t a lieu le 28, à 5 heures du matin.


246 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

sans ri<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ter d'anormal ; à 5 heures 1/2, la<br />

délivrance était faite.<br />

A 8 heures, la face est moins rouge, mais la loqua-<br />

cité est la même. Point de douleur de tête. Peau<br />

chaude. Pouls à 120. — Pot. antispasmodique.<br />

A 4 heures du soir, le délire est plus complet et<br />

plus bruyant : elle parle, chante et crie ; le v<strong>en</strong>tre<br />

n'est pas douloureux, la langue est sèche (4 sang-<br />

sues derrière chaque oreille). A 10 heures, l'agita-<br />

tion augm<strong>en</strong>te, elle s'agite dans son lit, essaie de se<br />

lever, chante et pleure. Le pouls misérable est tou-<br />

jours à 120.<br />

Le 25 juillet, délire continuel avec marmotte-<br />

m<strong>en</strong>t de paroles inintelligibles; évacuations alvines<br />

involontaires. poulsàloO, soubresauts t<strong>en</strong>dineux,<br />

par intervalles, cris avec agitation viol<strong>en</strong>te. Elle<br />

meurt le 26 à une heure du matin.<br />

A l'autopsie, faite le 28 au matin, on trouve la<br />

poitrine parfaitem<strong>en</strong>t saine; le crâne et la cavité<br />

rachidi<strong>en</strong>ne sont ouverts : les m.embranes sont saines,<br />

non adhér<strong>en</strong>tes, un peu de piqueté cérébral, ri<strong>en</strong><br />

dans les v<strong>en</strong>tricules, ri<strong>en</strong> dans le cœur, ri<strong>en</strong> dans les<br />

gros vaisseaux, comme l'aorte et la carotide, qui ont<br />

été examinés avec soin. L'estomac, le tube digestif,<br />

étai<strong>en</strong>t vides et ne prés<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t aucune trace de<br />

phlogose. La rate était normale.<br />

(Observation communiquée par M. Charrier, chef<br />

de la Clinique d'accouchem<strong>en</strong>ts.)


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 247<br />

32e Obsrrvation. — Manie onze jours après l'accouchem<strong>en</strong>t; trai-<br />

tem<strong>en</strong>t par le camphre. Guérison au bout de deux jours par le<br />

docteur Bernt.<br />

Une femme âgée de 31 ans, vive, passionnée,<br />

quitta le lit le septième jour de ses couches ; le on-<br />

zième, après quelques contrariétés, elle prés<strong>en</strong>ta les<br />

premiers symptômes de la manie qui fut complète-<br />

m<strong>en</strong>t développée deux jours après. Les symptômes dé-<br />

notèr<strong>en</strong>t chez cette malade une viveexcitation des par-<br />

ties sexuelles ; elle parlait souv<strong>en</strong>t d'un amant infidèle<br />

et découvrait ses parties génitales; le pouls était contracté,<br />

la soif augm<strong>en</strong>tée, il y avait constipation. On<br />

appliqua 20 sangsues à la tête, et on administra dix<br />

grains de camphre dans un lavem<strong>en</strong>t ; on ne put par-<br />

v<strong>en</strong>ir à faire pr<strong>en</strong>dre de médicam<strong>en</strong>t par la bouche.<br />

La nuit suivante la malade dort;'aussitôt qu'elle se<br />

réveille, le délire furieux recomm<strong>en</strong>ce; on donne un<br />

second lavem<strong>en</strong>tcamphréetdansl'après-midi un troi-<br />

sième ; des sangsues fur<strong>en</strong>t appliquées aux cuisses, et<br />

le soir on comm<strong>en</strong>ça à administrer à l'intérieur trois<br />

grains de camphre d'heure <strong>en</strong> heure. Le l<strong>en</strong>demain la<br />

malade se calma et reprit l'usage de sa raison ; jus-<br />

qu'alors on avait fait pr<strong>en</strong>dre 60 grains de camphre<br />

<strong>en</strong> lavem<strong>en</strong>ts et 80 par la bouche. La malade ne se<br />

plaignit plus que d'un léger désordre dans les idées<br />

et d'anxiété. Le pouls était déprimé, la peau moite,<br />

mais sans sueur, un écoulem<strong>en</strong>t muqueux se faisait


248 DE LA MAME DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

par les parties génitales. On continua l'usage du<br />

camphre à la dose de 2 grains de deux heures<br />

<strong>en</strong> deux heures. Après un sommeil pénible et une<br />

forte transpiration, la malade se trouva complète-<br />

m<strong>en</strong>t rétablie (1).<br />

33« Observation. — Manie onze jours après l'accouchem<strong>en</strong>t; trai-<br />

tem<strong>en</strong>t par le camphre. Guérison <strong>en</strong> vingt-quatre heures.<br />

Une femme qui n'avait gardé le lit que les huit<br />

premiers jours de ses couches fut affectée le onzième<br />

d'accès de délire dans lesquels elle maltraitait ses<br />

<strong>en</strong>fants; ses discours étai<strong>en</strong>t erotiques, son regard<br />

égaré; sa face tantôt pâle, tantôt rouge, le pouls dé-<br />

primé, non fébrile, la chaleur de la peau naturelle,<br />

la sécrétion du lait presque supprimée. Les lochies<br />

ne coulai<strong>en</strong>t plus et la malade n'avait pas eu de<br />

selle depuis trois jours. 20 sangsues appliquées à la<br />

tête diminu<strong>en</strong>t la congestion sanguine. Dans la vue<br />

de combattre l'excitation des organes sexuels , le<br />

docteur Bernt prescrivit 10 grains de camphre dans<br />

un lavem<strong>en</strong>t, ce qui, au bout de six heures, avait<br />

calmé la malade au point que des remèdes internes<br />

qu'elle avait refusés jusqu'à prés<strong>en</strong>t pur<strong>en</strong>t être ad-<br />

ministrés; on donna 4 grains de camphre de deux<br />

(1) Hufeland Journal der pract. Heilkunde, novembre 1828.<br />

Archives de médecine, t. XX, 1829, p. 437.


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 249<br />

heures <strong>en</strong> deux heures; au hout de 24 heures, la<br />

malade avait repris l'usage de sa raison, et elle fut<br />

complètem<strong>en</strong>t rétablie après avoir pris 88 grains de<br />

camphre. Un léger étourdissem<strong>en</strong>t et la faiblesse qui<br />

restait fur<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>tôt dissipés (1).<br />

34e Observation. — Accès de manie, six jours après l'accouche-<br />

m<strong>en</strong>t, cessant quelques heures après Vadministration d'un lave-<br />

m<strong>en</strong>t d'éther, par le docteur Laffont.<br />

La femme V. R. du Temple, âgée de 30 ans,<br />

accouchée depuis huit jours de son quatrième <strong>en</strong>fant,<br />

avait été prise tout à coup, l'avant-veille de ma<br />

visite (6* jour), d'un délire furieux. Pour premier<br />

symptôme, elle avait voulu mettre dans un four son<br />

<strong>en</strong>fant qu'elle allaitait, voulant, disait-elle, le faire<br />

cuire. Sa famille l'<strong>en</strong> empêcha, mais alors elle<br />

s'exaspéra, poussant des cris, vociférant et voulant<br />

battre.<br />

Lorsque j'arrivai près d'elle, il fallait quatre<br />

hommes pour la ret<strong>en</strong>ir; faciès hagard, regard<br />

irrité, pouls agité, régulier à 75. Elle ne reconnais-<br />

sait personne et répétait les mêmes paroles d'une<br />

voix strid<strong>en</strong>te.<br />

Accouchem<strong>en</strong>t normal; lochies régulières.<br />

Lavem<strong>en</strong>t avec 125 grammes d'eau et 4 grammes<br />

(1) Doct. Bernt, loco citato.


250 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

d'éther. A peine est-il administré, que la malade<br />

s'<strong>en</strong>dort d'un sommeil qui dure deux heures. Au<br />

réveil elle est raisonnable, ne se rappelle ri<strong>en</strong>, est<br />

étonnée, fatiguée. Deux jours après, elle repr<strong>en</strong>d<br />

ses occupations.<br />

En 1855, plusieurs années après, nouvel accès ;<br />

lavem<strong>en</strong>t d'éther, sommeil, guérison au réveil.<br />

—<br />

Dans la nuit nouveau délire ; 6 grammes d'éther amè-<br />

n<strong>en</strong>t un sommeil calme et une guérison définitive.<br />

Depuis, cette femme estaccouchée d'un cinquième<br />

<strong>en</strong>fant sans éprouver le moindre accid<strong>en</strong>t (1).<br />

35e Observation. — Manie trois jours après l'accouchem<strong>en</strong>t; trai-<br />

tem<strong>en</strong>t par les purgatifs réitérés. Guérison au bout d'un mois.<br />

Une femme robuste âgée de 35 ans, ayant eu p<strong>en</strong>-<br />

dant sa vie divers accès de folie, fit ses couches à<br />

l'hôpital de la Charité le SldécemBre dernier. Le<br />

gonflem<strong>en</strong>t des seins et l'écoulem<strong>en</strong>t des lochies<br />

eur<strong>en</strong>t lieu comme à l'ordinaire. Le premier et le<br />

deuxième jour de l'accouchem<strong>en</strong>t elle babilla beau-<br />

coup. Le troisième jour, à 6 heures du soir, le<br />

v<strong>en</strong>tre se t<strong>en</strong>d, le pouls se roidit, les yeux devi<strong>en</strong>-<br />

n<strong>en</strong>t étincelants ; la malade, agitée d'une manière<br />

extraordinaire, pousse des cris épouvantables, me-<br />

nace ceux qui l'<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t, et passe toute la nuit à<br />

(1) Journal de médecine de Bordeaux, novemb. 1857.


DE 'la manie des N0U\^LLES ACCOUCHÉES. 251<br />

vociférer et à babiller sur une foule de sujets diffé-<br />

r<strong>en</strong>ts. Dès le l<strong>en</strong>demain, je la fis purger. Elle se<br />

trouva mieux; les accès s'élant répétés à plusieurs<br />

reprises, je réitérai les purgatifs jusqu'à cinq fois <strong>en</strong><br />

laissant un ou deux jours d'intervalle, et par ces<br />

seuls remèdes, cette maniaque qui était furieuse et<br />

qu'on avait de la peine à cont<strong>en</strong>ir, même avec le<br />

gilet de force, fut parfaitem<strong>en</strong>t et solidem<strong>en</strong>t guérie<br />

dans l'espace d'un mois (1).<br />

36e Observation. — D'une femme qui était accouchée au septième<br />

mois de sa grosses/te, par une extrême peur que lui fît une<br />

souriSj après quoi elle eut une <strong>en</strong>tière aliénation d'esprit qui se<br />

convertit <strong>en</strong> une vraie phrénésie.<br />

Le 16 juin 1692, je vis une femme accouchée<br />

depuis dix jours, au septième mois de sa gros-<br />

sesse , deux jours après une extrême peur que<br />

lui fit une souris qui, élant dans le tiroir d'une<br />

armoire où celte femme l'avait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due gratter,<br />

sauta subitem<strong>en</strong>t sur elle. Comme elle s'était rele-<br />

vée de son lit dans l'obscurité delà nuit, aussitôt<br />

qu'elle toucha au tiroir de cette armoire, qui était<br />

pour lors à demi ouvert, eut lieu l'évasion précipitée<br />

de cette souris ; de sorte que celte femme<br />

<strong>en</strong> eut une si grande frayeur, qu'elle fut prise dès<br />

lemême jour d'une grosse fièvre, qui la fît accou-<br />

(1) Amard, Traité analytique de la folie, 1807.


252 DE LA MANIE DES NOUVELLES AC


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 253<br />

38« Observation. — Accouchem<strong>en</strong>t artificiel. Quarante et un accès<br />

d'éclampsie. Manie; terminaison par la dém<strong>en</strong>ce.<br />

Le 8 avril 1847, M. Friaz fut appelé à 8 heures<br />

du matin auprèsd'une jeune femme de 21 ans, qu'il<br />

trouva dans le décubitus dorsal avec écume san-<br />

glante à la boliche, les yeux fixes, les pupilles<br />

dilatées et immobiles, les poignets crispés, les mâ-<br />

choires serrées, <strong>en</strong> proie, <strong>en</strong> un mot, à un véritable<br />

accès épileptique.<br />

Cet état, surv<strong>en</strong>u à la fin du neuvième mois d'une<br />

première grossesse qui< s'était passée sans accid<strong>en</strong>t,<br />

avait été précédé de légères douleurs lombaires,<br />

puis abdominales.<br />

Les attaques se répétai<strong>en</strong>t toutes les huit ou dix<br />

minutes, et dans l'intervalle il y. avait des convul-<br />

sions cloniques. Deux saignées de six à huit onces,<br />

pratiquées à un court intervalle, fur<strong>en</strong>t suivies de<br />

contractions utérines qui fir<strong>en</strong>t desc<strong>en</strong>dre la tête du<br />

fœtus. Les accès se répétèr<strong>en</strong>t après deux heures de<br />

rémission, et on pratiqua l'accouchem<strong>en</strong>t artifi-<br />

ciel; la délivrance suivit presque de suite. — Mais<br />

l'accouchée restait dans un état comateux, avec<br />

respiration gênée; on fit une troisième saignée de<br />

huit onces <strong>en</strong>viron. La suffocation diminua, mais<br />

letrismus persista, les lochies se supprimèr<strong>en</strong>t et les<br />

convulsions revinr<strong>en</strong>t.


2o4 DE LA MAISIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

Le l<strong>en</strong>demain, les convulsions continuant, on<br />

appliqua des vésicatoires à la partie interne des<br />

cuisses, et on prom<strong>en</strong>a des sinapismes sur les mem-<br />

bres inférieurs.<br />

Le 10, les lochies revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t; persistance de<br />

l'état comateux; trismus et convulsions. Lavem<strong>en</strong>t<br />

au tabac. Le 11, vingt-quatre sangsues aux apo-<br />

physes raastoides. Du 12 au 16; les accid<strong>en</strong>ts<br />

diminu<strong>en</strong>t d'int<strong>en</strong>sité ; le 17, comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t<br />

de délire ; la malade m<strong>en</strong>ace et frappe les person-<br />

nes qui l'<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t.<br />

Les jours suivants, cet état d'aliénation persiste,<br />

mais devi<strong>en</strong>t intermitt<strong>en</strong>t, les paroxysmes comm<strong>en</strong>-<br />

c<strong>en</strong>t à l'<strong>en</strong>trée de la nuit, et se prolong<strong>en</strong>t jusqu'au<br />

matin.<br />

La malade a depuis lors recouvré la faculté de<br />

dire quelques mots ; elle exécute tous les mouve-<br />

m<strong>en</strong>ts, mais elle reste dans un état complet d'imbé-<br />

cillité, d'ailleurs fort paisible : les règles ne sont pas<br />

rev<strong>en</strong>ues (1).<br />

L'auteur ajoute que la mère de la malade est<br />

sujette, depuis une tr<strong>en</strong>taine d'années, à des trou-<br />

bles intellectuels qui revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>tde temps <strong>en</strong> temps,<br />

et dur<strong>en</strong>t parfois de trois à quatre mois.<br />

(1) Sanchez Frias, Anales de cirugia, 18i7, 3« trimestre, et<br />

Annales médic.-psychol.


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 255<br />

39e OBSERVATtON, — Manie puerpérale guérie par l'opium, par le<br />

docteur Sélade.<br />

Le 18 décembre, madame X..., femme d'un<br />

tailleur, était <strong>en</strong> mal d'<strong>en</strong>fant depuis trois heures,<br />

quand, à mon arrivée, je trouvai les membranes<br />

rompues depuis le comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t. On bras p<strong>en</strong>dant<br />

<strong>en</strong>tre les cuisses de la femme, et l'utérus se con-<br />

tractant avec force. Après trois heures de t<strong>en</strong>tatives<br />

pour opérer la version, et p<strong>en</strong>dant lesquelles deux<br />

fortes saignées, un bain et deux grains d'opium<br />

fur<strong>en</strong>t prescrits, la version s'opéra facilem<strong>en</strong>t, l'<strong>en</strong>-<br />

fant vint au monde mom<strong>en</strong>taném<strong>en</strong>t asphyxié, et<br />

l'extraction du plac<strong>en</strong>ta s'opéra sans difficulté.<br />

Dans la matinée du 19, la malade se plaignit<br />

d'une douleur du v<strong>en</strong>tre qui était légèrem<strong>en</strong>t bal-<br />

lonné et s<strong>en</strong>sible ; les lochies coulai<strong>en</strong>t à peine.<br />

(30 sangsues sur le v<strong>en</strong>tre et cataplasmes.)<br />

Le soir et le l<strong>en</strong>demain 20, on fait une seconde<br />

et une troisième application de sangsues, la dernière<br />

suivie de frictions mercurielles sur les cuisses.<br />

Il survint un am<strong>en</strong>dem<strong>en</strong>t prononcé ;<br />

seulem<strong>en</strong>t,<br />

le 23, on remarquait chez cette femme beaucoup de<br />

loquacité et d'incohér<strong>en</strong>ce dans les idées.<br />

Le 24, le regard était fixe et m<strong>en</strong>açant, des inju-<br />

res et des propos m<strong>en</strong>açants se faisai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre;<br />

la manie puerpérale se développait p<strong>en</strong>dant que la<br />

métro-péritonite allait <strong>en</strong> diminuant.


256 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

Le 25 et le 26^ le même contraste s'observait dans<br />

la marche de la maladie ;<br />

les lochies reparaissai<strong>en</strong>t.<br />

Du 27 au 30, la manie seule persiste par pa-<br />

roxysmes qui se succèd<strong>en</strong>t irrégulièrem<strong>en</strong>t, et p<strong>en</strong>-<br />

dant lesquels la malade injurie tout le monde. Dans<br />

les mom<strong>en</strong>ts de rémission elle était plus tranquille,<br />

parlait à voix basse, et divaguait toujours, mais<br />

elle ne trouvait aucun mom<strong>en</strong>t de sommeil.<br />

La malade n'éprouvant au bout de plusieurs jours<br />

aucune amélioration, on la traita par l'extrait aqueux<br />

d'opium, d'abord à la dose de 2 grains par jour, <strong>en</strong><br />

augm<strong>en</strong>tant progressivem<strong>en</strong>t d'un grain par jour<br />

jusqu'à celle de 10 grains qui ne fut pas dépassée.<br />

Vers le 14 janvier, une amélioration s<strong>en</strong>sible se<br />

manifesta; les paroxysmes rev<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t plus rare-<br />

m<strong>en</strong>t, la femme était beaucoup plus tranquille et<br />

dormait quelques heures chaque jour.<br />

Le 20, elle a recouvré toute sa raison, et ne se<br />

plaint plus que d'une grande faiblesse qui a disparu<br />

au bout de quelques jours sous l'influ<strong>en</strong>ce d'un ré-<br />

gime fortifiant (1).<br />

40« Observation. — Grossesse compliquée d'éclampsie ayant né-<br />

cessité l'accouchem<strong>en</strong>t forcé, et suivie de manie puerpérale.<br />

Le 27 juin 1844, M. Sélade fut appelé pour don-<br />

(1) Gazette méd., p. 726, année 1843, et Bulletin de la Société<br />

de médecine de Gand.


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 257<br />

ner des soins à la dame K..., <strong>en</strong>ceinte de huit mois,<br />

et atteinte de convulsions éclamptiques. On avait déjà<br />

pratiqué deux saignées copieuses et appliqué des<br />

sinapismes sur les extrémités inférieures, mais tout<br />

cela sans amélioration aucune. Quand M. Sélade<br />

arriva près de la malade, les accès convulsifs durai<strong>en</strong>t<br />

depuis deux heures <strong>en</strong>viron, et se reproduisai<strong>en</strong>t à<br />

des intervalles très-rapprochés. Ce médecin fut luimême<br />

témoin d'une attaque assez viol<strong>en</strong>te. Au dés-<br />

ordre général, qui dura de trois à quatre minutes,<br />

succéda la stupeur et une sorte de coma avec dila-<br />

tation des pupilles et une viol<strong>en</strong>te constriction des<br />

mâchoires. Dans l'intervalle des accès les facultés<br />

intellectuelles étai<strong>en</strong>t abolies, les organes des s<strong>en</strong>s<br />

privés de leurs fonctions.<br />

M. Sélade et ses deux confrères, qui donnai<strong>en</strong>t<br />

avant lui leurs soins à la dame K..., procédèr<strong>en</strong>t<br />

alors à un exam<strong>en</strong> minutieux de l'état de la malade.<br />

La prés<strong>en</strong>ce du fœtus dans la matrice leur ayant paru<br />

la cause probable de ces accid<strong>en</strong>ts épileptiformes,<br />

ils fir<strong>en</strong>t d'abord vainem<strong>en</strong>t usage de quelques<br />

ag<strong>en</strong>ts thérapeutiques usités <strong>en</strong> pareil cas; puis, les<br />

accès se rapprochant et l'état comateux dev<strong>en</strong>ant de<br />

plus <strong>en</strong> plus inquiétant, ils se déterminèr<strong>en</strong>t à pra-<br />

tiquer l'accouchem<strong>en</strong>t prématuré artificiel. Cette<br />

opération se fit sans beaucoup de difficultés.<br />

Madame K... éprouva <strong>en</strong>core trois ou quatre accès<br />

dans l'espace d'une heure, à partir du mom<strong>en</strong>t de sa<br />

17


258 DE LA MANFE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

délivrance, mais ils étai<strong>en</strong>t moins viol<strong>en</strong>ts. Néan-<br />

moins l'état comateux persistant toujours, on pres-<br />

crivit un bain tiède, des applications froides sur la<br />

tête et des révulsifs sur les extrémités inférieures.<br />

Au bout de quelques heures une forte réaction s'é-<br />

tant opérée, on pratiqua une saignée de six onces.<br />

Le l<strong>en</strong>demain 30, l'état de la malade était assez<br />

satisfaisant; l'intellig<strong>en</strong>ce était rev<strong>en</strong>ue à son état<br />

normal, les lochies coulai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>; on continua<br />

néanmoins les révulsifs, et on y ajouta quinze gram-<br />

mes de nitrate de potasse à l'intérieur.<br />

Le 1" juillet, M. Sélade apprit que, depuis deux<br />

ou trois heures du matin, la malade était extrêmem<strong>en</strong>t<br />

agitée. H put constater, <strong>en</strong> effet, une grande<br />

mobilité dans les traits de la face ;<br />

les idées se succé-<br />

dai<strong>en</strong>t avec une étonnante rapidité, et étai<strong>en</strong>t sur-<br />

tout fort incohér<strong>en</strong>tes; la malade était d'une loqua-<br />

cité effrayante; <strong>en</strong> un mot, on reconnaissait chez<br />

elle tous les symptômes caractéristiques de la manie<br />

puerpérale. Cep<strong>en</strong>dant, comme l'état général était<br />

assez satisfaisant, aucun moy<strong>en</strong> thérapeutique ne fut<br />

dans le principe dirigé contre cette affection.<br />

Le 2, l'état général était assez bon, les lochies<br />

coulai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> , mais l'excitation maniaque avait<br />

augm<strong>en</strong>té. La nuit, la malade n'avait cessé un ins-<br />

tant de parler, de jeter ses couvertures, ou bi<strong>en</strong> de<br />

sortir de son lit. M. Sélade prescrivit alors l'extrait de<br />

valériane associé à l'assa-fœtida et au lactucarium;


DE LA 3IANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 259<br />

chaque piJule cont<strong>en</strong>ait trois grains et la malade<br />

devait <strong>en</strong> pr<strong>en</strong>dre six par jour. On continua <strong>en</strong> même<br />

temps l'eau froide sur la tête.<br />

Dans la nuit du 2 au 3, madame K..., d'abord<br />

fort bruyante, s'était calmée vers le matin ; la sécré-<br />

tion laiteuse s'était établie.<br />

Les jours suivants cette amélioration continua,<br />

et vers la fin du mois, la mère et l'<strong>en</strong>fant étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

fort bonne santé (1).<br />

41e Observation. — Edampsie et manie puerpérale.<br />

Le jeudi 6 mai, M. Billod fut appelé chez une<br />

sage-femme, pour une femme atteinte d'éclampsie<br />

p<strong>en</strong>dant le travail de l'accouchem<strong>en</strong>t.<br />

Madame Marc, âgée de 23 ans, est bi<strong>en</strong> con-<br />

stituée, n'a jamais eu d'attaques de nerfs, mais<br />

est impressionnable, jalouse et sujette à de viol<strong>en</strong>tes<br />

colères; intellig<strong>en</strong>ce ordinaire. Mariée depuis seize<br />

mois, elle est <strong>en</strong>ceinte de neuf mois, et a eu une<br />

bonne grossesse.<br />

La mère de madame M... a eu neuf <strong>en</strong>fants qui,<br />

tous, ont pu être élevés. Madame M... ressemble<br />

beaucoup à une de ses sœurs, morte d'accid<strong>en</strong>ts ner-<br />

veux au mom<strong>en</strong>t de l'accouchem<strong>en</strong>t.<br />

{[) Archives de la médecine belge, numéro d'avril, année 1848,<br />

et Annales méd.-psychol., octob. 1849.


!260 DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES.<br />

L'œdème de la fin de la grossesse est surv<strong>en</strong>u<br />

quinze jours avant le travail, il occupait, à l'époque<br />

de l'accouchem<strong>en</strong>t, les jambes, les g<strong>en</strong>oux, les poi-<br />

gnets et les parties génitales externes.<br />

Le soir du 5 mai, les douleurs se manifestèr<strong>en</strong>t;<br />

le travail marcha l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t la nuit ; le l<strong>en</strong>demain à<br />

huit heures, la dilatation du col était peu considé-<br />

rable ,<br />

lorsque tout à coup la malade fut prise d'un<br />

évanouissem<strong>en</strong>t complet sans convulsions ; elle re-<br />

vi<strong>en</strong>t à elle, puis survi<strong>en</strong>t une attaque d'éclampsie<br />

suivie d'une autre, et ainsi de suite. Lorsque j'arrivai,<br />

la malade était sur le dos, secouée par des convul-<br />

sions cloniques. La dilatation du col était de 5 c<strong>en</strong>-<br />

timètres de diamètre, les eaux étai<strong>en</strong>t rompues, la<br />

prés<strong>en</strong>tation était occipito-iliaque gauche antérieure.<br />

L'auteur constate qu'il n'a pas recherché l'albu-<br />

mine dans les urines.<br />

Lavem<strong>en</strong>t d'assa-fœtida , potion ammoniacale ,<br />

puis accouchem<strong>en</strong>t spontané, délivrance un quart<br />

d'heure après.<br />

Une demi-heure après, l'éclampsie recomm<strong>en</strong>ce,<br />

et de trois minutes <strong>en</strong> trois minutes une attaque de<br />

une minute et demie se fait s<strong>en</strong>tir. Dans l'intervalle<br />

des attaques, étatcomateux, résolution des membres,<br />

respiration stertoreuse, s<strong>en</strong>sibilité abolie. Les accès<br />

redoubl<strong>en</strong>t d'int<strong>en</strong>sité, le pouls petit, fréqu<strong>en</strong>t et<br />

irrégulier p<strong>en</strong>dant la période convulsive, repr<strong>en</strong>d de<br />

la plénitude p<strong>en</strong>dant le coma.


DE LA MANIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 2 (il<br />

Lavem<strong>en</strong>t purgatif, vingt sangsues, potion anti-<br />

spasmodique, sinapismes.<br />

A une heure du matin, les convulsions cess<strong>en</strong>t,<br />

mais le coma persiste, la respiration est stertoreuse,<br />

la pupille dilatée , la s<strong>en</strong>sibilité abolie; résolution<br />

des membres.<br />

Yésicaloires au mollet.<br />

Le soir, la s<strong>en</strong>sibilité a reparu, la malade répond<br />

par gestes, <strong>en</strong>core de la carphologie; les lochies ont<br />

coulé, d'abord séreuses, puis purul<strong>en</strong>tes.<br />

Le 8 au matin, quarante-huit heures après l'accou-<br />

chem<strong>en</strong>t, la malade a repris connaissance et se sou-<br />

vi<strong>en</strong>t de son accouchem<strong>en</strong>t. Ses idées sont nettes,<br />

bi<strong>en</strong> exprimées; elle embrasse avec bonheur son<br />

mari et son <strong>en</strong>fant. Un peu d'excitation, mais pas de<br />

délire, pupille dilatée, langue couverte d'un <strong>en</strong>duit<br />

jaunâtre, peau chaude, seins peu douloureux, fièvre<br />

de lait. V<strong>en</strong>tre souple et indol<strong>en</strong>t, lochies normales,<br />

trois ou quatre selles par jour. Tisane antispasmo-<br />

dique.<br />

Le soir, les convulsions n'avai<strong>en</strong>t pas reparu, mais<br />

un état maniaque avec hallucinations et illusions<br />

de plusieurs s<strong>en</strong>s avait fait explosion. La pupille est<br />

très-dilatée,à chaque instant la malade voit un diable<br />

tout noir qui lui fait des grimaces, et alors elle pousse<br />

descris aigus. Elle se croit morte, s'imagine avoir les<br />

jambes coupées, une de ses mainslui paraît plus pe-<br />

tite que l'autre, etc. Elle offre, <strong>en</strong> un mot, l'appareil


262 DE LA MÉLANCOLIE<br />

symptomatique d'une manie aiguë. Pouls à 80, plein<br />

et régulier , pupilles dilatées, pas de céphalalgie, la<br />

température du front et de la tète ne dépasse pas<br />

celle du corps. Cette agitation dure toute la nuit et<br />

les nuits suivantes, sans affaiblissem<strong>en</strong>t des facultés<br />

intellectuelles.<br />

La malade est conduite à la Salpêtrière, d'où elle<br />

est sortie plus tard parfaitem<strong>en</strong>t guérie, mais l'obser-<br />

vateur n'indique pas la durée de son séjour (1).<br />

42e et 43e OsSEnVATIONS.<br />

Deux cas de manie puerpérale traités et guéris par<br />

les bains prolongés, l'un au bout de treize jours,<br />

l'autre au bout de trois semaines, par M. Brierre de<br />

Boismont. {Mémoires de VAcadémie de médecine<br />

t. XIII.)<br />

Art. II. De la mélancolie des nouTelles accouchées.<br />

§ 1. La mélancolie des nouvelles accouchées a<br />

moins d'importance et de gravité que la manie; déjà<br />

nous avons vu que sa fréqu<strong>en</strong>ce était relativem<strong>en</strong>t<br />

peu considérable, puisque nous n'avons r<strong>en</strong>contré<br />

que 10 cas de mélancolie contre 29 cas de manie;<br />

ajoutons ici que l'histoire de cette maladie est bi<strong>en</strong><br />

près d'être complète lorsqu'on a rapproché de la<br />

(I) Annales médico-psychologiques, 3^ série, 1850, 1. 11^ p. 3iO.<br />

^


DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 263<br />

description classique de la mélancolie les généralités<br />

qui sont applicables à tous les cas de folie puerpé-<br />

rale. Insistons cep<strong>en</strong>dant sur quelques points qui<br />

nous ont frappé dans l'exam<strong>en</strong> des observations que<br />

nous avons recueillies.<br />

§ 2. Parmi les influ<strong>en</strong>ces étiologiques étudiées<br />

dans un des chapitres précéd<strong>en</strong>ts, il <strong>en</strong> est une qui<br />

nous a paru exercer une influ<strong>en</strong>ce toute particulière,<br />

je veux parler de l'état moral de la femme p<strong>en</strong>dant<br />

la gestation; sur 10 malades, six fois nous avons<br />

r<strong>en</strong>contré une disposition mélancolique remontant<br />

à une époque plus ou moins avancée de la grossesse,<br />

et surv<strong>en</strong>ue sous l'influ<strong>en</strong>ce de chagrins prolongés ou<br />

d'émotions morales pénibles. Dans un cas (obs. 45),<br />

c'est une fille séduite, obligée de quitter son pays et<br />

de se réfugier à Paris, qui, p<strong>en</strong>dant sa grossesse,<br />

pr<strong>en</strong>d, mais sans résultats, des médicam<strong>en</strong>ts abor-<br />

tifs, et vit au milieu d'une anxiété perpétuelle; une<br />

seconde avait déjà une disposition mélancoHque<br />

très-caractérisée trois semaines avant l'accouche-<br />

m<strong>en</strong>t; une troisième (obs. 44) atteinte de fièvre<br />

intermitt<strong>en</strong>te p<strong>en</strong>dant qu'elle était <strong>en</strong>ceinte, était<br />

préoccupée au dernier point de l'idée de voir sa<br />

famille s'accroître; une quatrième perd un <strong>en</strong>fant<br />

p<strong>en</strong>dant sa grossesse ; une cinquième est profondé-<br />

m<strong>en</strong>t affectée, vers le neuvième mois, par un acci-<br />

d<strong>en</strong>t fâcheux arrivé à l'une de ses par<strong>en</strong>tes; une der-<br />

nière éprouve des pertes d'arg<strong>en</strong>t considérables, qui


264 DE LA MÉLANCOLIE<br />

l'afflig<strong>en</strong>t vivem<strong>en</strong>t. Enfin, nous r<strong>en</strong>controns parmi<br />

les antécéd<strong>en</strong>ts de la plupart des malades un état<br />

intellectuel déjà modifié profondém<strong>en</strong>t et ayant reçu,<br />

à un mom<strong>en</strong>t plus ou moins éloigné du début de la<br />

maladie, des atteintes sérieuses qui le r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t apte à<br />

subir l'action de toutes les causes morbides.<br />

Cette particularité est la seule qui nous ait paru<br />

exercer une influ<strong>en</strong>ce spéciale sur le développem<strong>en</strong>t<br />

de la mélancolie. Sans doute, l'idiosyncrasie du<br />

sujet, ses habitudes morales, sans doute aussi les<br />

causes débilitantes peuv<strong>en</strong>t être ici spécialem<strong>en</strong>t in-<br />

voquées, mais à part ces données générales, nous<br />

ignorons <strong>en</strong> vertu de quelle cause spéciale la mé-<br />

lancolie se développe chez certains sujets plutôt que<br />

la manie ou toute autre forme d'aliénation m<strong>en</strong>-<br />

tale.<br />

§ 3. La mélancolie débute, comme la manie, soit<br />

dans les premiers jours qui suiv<strong>en</strong>t l'accouchem<strong>en</strong>t,<br />

soit vers la sixième semaine; elle se développe d'em-<br />

blée avec tout son appareil symptomatique, ou par-<br />

fois ce sont des idées isolées de nature triste qui pré-<br />

cèd<strong>en</strong>t l'invasion du délire et l'apparition de la dé-<br />

pression mélancolique. Enfin dans certains cas on<br />

observe p<strong>en</strong>dant quelques jours, dans les actes et<br />

dans le langage, une excitation générale qui se rap-<br />

proche de l'excitation maniaque, et plus tard seu-<br />

lem<strong>en</strong>t le délire se systématise.<br />

Les deux élém<strong>en</strong>ts principaux qui caractéris<strong>en</strong>t


DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 265<br />

la mélancolie, la dépression d'un côté, et de l'au-<br />

tre, le délire triste, se sonl r<strong>en</strong>contrés associés <strong>en</strong>tre<br />

eux à des degrés différ<strong>en</strong>ts chez toutes les malades<br />

dont nous avons recueilli l'histoire. La dépression a<br />

offert les nuances les plus variées, depuis l'inertie,<br />

le manque d'activité et d'<strong>en</strong>train, le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d'im-<br />

puissance que l'on retrouvaitsurtout chez une de nos<br />

malades, jusqu'à la stupeur la plus profonde, qui<br />

masque sous une immobilité complète la nature des<br />

fausses conceptions; la figure un peu bouffie, pâle,<br />

contractée, stupide, participe alorsà la fois du faciès<br />

des mélancoliques et de Taspectspécial des nouvelles<br />

accouchées; la voix dol<strong>en</strong>te, mal articulée, est aussi<br />

l<strong>en</strong>te que la p<strong>en</strong>sée ; la démarche pénible et incer-<br />

taine, les mouvem<strong>en</strong>ts rares et peu ét<strong>en</strong>dus, la l<strong>en</strong>-<br />

teur des digestions, la constipation constante, indi-<br />

qu<strong>en</strong>t que la dépression porte autant sur le système<br />

musculaire que sur l'étal intellectuel. Le délire a été,<br />

comme il l'est toujours dans la mélancolie, de na-<br />

ture triste, et souv<strong>en</strong>t même peu varié dans son ex-<br />

pression : les idées de persécution, la crainte de la<br />

mort, du déshonneur, d'une expiation à subir, puis,<br />

par une conséqu<strong>en</strong>ce logique, les idées de suicide ont<br />

constitué le fond des conceptions délirantes (obs. 20),<br />

tout ce que voi<strong>en</strong>t les malades est interprété dans un<br />

s<strong>en</strong>s défavorable; tous les objets sont <strong>en</strong>visagés à un<br />

point de vue funèbre.<br />

Les hallucinations de l'ouïe, de la vue et du


266 DE LA MÉLANCOLIE<br />

goût ont été r<strong>en</strong>contrées dans la plupart des cas, et<br />

n'ont prés<strong>en</strong>té dans leur manifestation ri<strong>en</strong> qui mé-<br />

rite d'être spécialem<strong>en</strong>t noté-, parmi nos malades,<br />

les unes recherchai<strong>en</strong>t dans leurs rideaux, dans<br />

leurs meubles, l'origine de voix qui les interpel-<br />

lai<strong>en</strong>t; d'autres disai<strong>en</strong>t qu'on sifflait et qu'on chu-<br />

chotait à leurs oreilles, une troisième <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dait<br />

parler sans pouvoir compr<strong>en</strong>dre ce qui lui était dit.<br />

Je n'ai trouvé qu'une fois des hallucinations de la<br />

vue p<strong>en</strong>dant l'état de rêve (observ. 46); deux fois il y<br />

a eu des hallucinations du goût, et les malades ont<br />

fait des difficultés pour pr<strong>en</strong>dre des alim<strong>en</strong>ts qui<br />

leur semblai<strong>en</strong>t empoisonnés. (Observ. 47.) Ces hal-<br />

lucinations n'exist<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t que p<strong>en</strong>dant la pé-<br />

riode aiguë de la maladie; elles diminu<strong>en</strong>t à mesure<br />

que l'amélioration se prononce, et même dans cer-<br />

tains cas nous les avons vues disparaître bi<strong>en</strong> avant<br />

la dépression et le délire.<br />

Les actes des malades ont été la conséqu<strong>en</strong>ce lo-<br />

gique de leurs idées délirantes, ainsi que cela arrive<br />

chez la plupart des aliénés. Sans insister sur le re-<br />

fus d'alim<strong>en</strong>ts et sur les actions aussi bizarres que<br />

variées, motivées par les hallucinations ou les idées<br />

maladives, disons que les t<strong>en</strong>tatives de suicide ont été<br />

observées un grand nombre de fois. Une de nos ma-<br />

lades (observ. 46) essaya de se tuer <strong>en</strong> avalant<br />

une cuiller d'étain, pour échapper, disait-elle, à la<br />

honte dont elle était m<strong>en</strong>acée; une autre répétait


DES NOUVELLES ACCOLCBÉES. 267<br />

qu'elle avait manqué à ses devoirs de mère et qu'elle<br />

n'était plus digne de vivre, et il fallait la surveiller<br />

de près pour empêcher quelque accid<strong>en</strong>t grave; une<br />

troisième, dans son délire, se frappait la tête contre<br />

les murs afin d'échapper aux persécutions dont elle<br />

était l'objet. Quelques-unes chez lesquelles la dé-<br />

pression n'est pas assez forte pour <strong>en</strong>lever à l'esprit<br />

toute lucidité, apport<strong>en</strong>t dans l'exécution de leurs<br />

projets un sang-froid et une adresse que l'on ne<br />

peut pas toujours déjouer. Schmidt, cité par M. Weill,<br />

rapporte l'histoire d'une nouvelle accouchée mé-<br />

lancolique qui, trompant toute surveillance, sortit la<br />

nuit de chez elle et alla se précipiter dans un puits.<br />

Le nouveau-né peut lui-même être gravem<strong>en</strong>t<br />

exposé, et il importe avant tout de l'éloigner de sa<br />

mère : une de nos malades répétait qu'elle voulait<br />

tuer son <strong>en</strong>fant. Il est d'ailleurs facile de compr<strong>en</strong>-<br />

dre quels actes incohér<strong>en</strong>ts et graves peuv<strong>en</strong>t surv<strong>en</strong>ir<br />

lorsqu'il existe des hallucinations de l'ouïe qui do-<br />

min<strong>en</strong>t les malades et les <strong>en</strong>traîn<strong>en</strong>t à des actes dont<br />

ils n'ont ni la consci<strong>en</strong>ce ni la responsabilité.<br />

Enfin, quand la stupeur est très-prononcée, il faut<br />

savoir que, sansidée délirante bi<strong>en</strong> arrêtée, certaines<br />

malades peuv<strong>en</strong>t faire des t<strong>en</strong>tatives de suicide ou<br />

dev<strong>en</strong>ir dangereuses pour leur <strong>en</strong>fant, alors même<br />

que leur état appar<strong>en</strong>t d'inactivité intellectuelle<br />

semblait devoir ôler toute crainte à cet égard. Que<br />

le médecin, prév<strong>en</strong>u de cette circonstance, se ti<strong>en</strong>ne


208 DE LA MÉLANCOLIE<br />

sur ses gardes et ne se relâche jamais de la plus ri-<br />

goureuse surveillance.<br />

§ 4. Autour de ces symptômes ess<strong>en</strong>tiels il vi<strong>en</strong>t<br />

se grouper quelques autres phénomènes nerveux,<br />

étrangers à l'aliénation m<strong>en</strong>tale proprem<strong>en</strong>t dite,<br />

mais que l'on ne doit pas s'étonner de r<strong>en</strong>contrer<br />

ici, car la prédisposition nerveuse est un terrain fé-<br />

cond où se développ<strong>en</strong>t tour à tour ou même simul-<br />

taném<strong>en</strong>t les névroses les plus diverses; chez plu-<br />

sieurs femmes j'ai constaté une analgésie très-mar-<br />

quée; on pouvait impuném<strong>en</strong>t piquer et irriter la<br />

peau dans presque toute son ét<strong>en</strong>due, mais surtout<br />

aux avant-bras, à la nuque, à l'épigastre. (Obs. 44.)<br />

Chez une dame à laquelle j'ai donné des soins, il<br />

y eut au dixième jour de la maladie un accès con-<br />

vulsif hystériforme très-caractérisé; chez une autre,<br />

chaque époque m<strong>en</strong>struelle était signalée par une<br />

exacerbation dans le délire et des convulsions hys-<br />

tériques; je vois le même fait chez une nouvelle ac-<br />

couchée dont M. Weill a recueilli l'histoire. Enfin,<br />

Gooch rapporte l'observation d'une femme qui,<br />

prise de délire mélancolique quelques jours après<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t prématuré, et tombée dans une<br />

stupeur profonde, prés<strong>en</strong>ta à trois reprises différ<strong>en</strong>-<br />

tes des symptômes de catalepsie; le bras levé con-<br />

servait la position qui lui avait été imprimée. (Ob-<br />

serv. 50.)<br />

Qu'il nous soit permis de rapprocher de ce fait un


DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 269<br />

cas curieux de catalepsie, relaté par le professeur<br />

Wolf (de Berlin). 11 s'agit d'une femme de 28 ans,<br />

dev<strong>en</strong>ue cataleptique à la suite d'une frayeur, cinq<br />

jours après l'accouchem<strong>en</strong>l, et qui d'ailleurs guérit<br />

rapidem<strong>en</strong>t (1).<br />

§ 5. Tous ces phénomènes s'expliqu<strong>en</strong>t d'autant<br />

mieux, que la plupart des femmes que nous avons<br />

r<strong>en</strong>contrées offrai<strong>en</strong>t les symptômes d'anémie les<br />

plus caractérisés; la figure était pâle, les muqueuses<br />

décolorées, le pouls, d'une petitesse extrême, indi-<br />

quait l'appauvrissem<strong>en</strong>t de la masse du sang; il y<br />

avait du bruit de souffle au premier temps du cœur<br />

et dans les gros vaisseaux, et chez deux de nos ma-<br />

lades la faiblesse était telle que l'une, dev<strong>en</strong>ue<br />

plus calme dans son délire, pouvait à peine se sou-<br />

t<strong>en</strong>ir dans les prom<strong>en</strong>ades qui lui étai<strong>en</strong>t conseillées,<br />

tandis que l'autre avait une t<strong>en</strong>dance continuelle<br />

aux syncopes. (Obs. 46.)<br />

§ 6. La mélancolie consécutive à l'accouchem<strong>en</strong>t<br />

n'est pas d'un pronostic très-grave; une seule des<br />

malades dont nous avons recueilli l'histoire, a suc-<br />

combé à une tuberculisation générale et, dans ce<br />

cas, comme dans tous les cas de mélancolie, le<br />

cerveau, le cervelet et les membranes n'offrai<strong>en</strong>t<br />

ri<strong>en</strong> d'anormal; toutes les autres, sauf une qui a<br />

été perdue de vue, ont fini par guérir de leur<br />

(1) V, Schmidt, Jahrbucher fur d<strong>en</strong> gesammt<strong>en</strong> medicin, 1856,<br />

vol. XCl, § S54.


270<br />

DE LA MÉLANCOLIE<br />

accès au bout d'un temps plus ou moins long.<br />

Sans doute, je ne veux pas ici généraliser d'une<br />

manière illogique les résultats fournis par un petit<br />

nombre de faits : la mélancolie, soit par elle-même,<br />

soit par ses complications, peut <strong>en</strong>traîner la mort;<br />

mais la marche aiguë de la maladie, son point de<br />

départ, sa nature spéciale sembl<strong>en</strong>t, dans les cas qui<br />

nous occup<strong>en</strong>t, lui <strong>en</strong>lever une partie de sa gravité.<br />

§ 7. La durée de la mélancolie a varié <strong>en</strong>tre un<br />

mois et six mois; nous n'avons ri<strong>en</strong> r<strong>en</strong>contré de<br />

semblable à ces accès passagers de manie qui dispa-<br />

raiss<strong>en</strong>t au bout de deux ou trois jours sans laisser de<br />

traces, et l'on compr<strong>en</strong>d sans peine que, sous le<br />

rapport de la marche et de la durée, il y ait une<br />

différ<strong>en</strong>ce bi<strong>en</strong> grande <strong>en</strong>tre un délire incohér<strong>en</strong>t<br />

sans caractère spécial, sans <strong>en</strong>chaînem<strong>en</strong>t dans les<br />

idées, tel que c^lui qui constitue la manie ou qui<br />

peut compliquer toute espèce d'affection fébrile, et<br />

un délire systématique comme celui de la mélan-<br />

colie, délire qui s'organise peu à peu et ne peut<br />

guérir qu'<strong>en</strong> suivant une marche l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t et régu-<br />

lièrem<strong>en</strong>t décroissante.<br />

§ 8. Les indications thérapeutiques spéciales qui<br />

ressort<strong>en</strong>t de la condition même d'un accouche-<br />

m<strong>en</strong>t réc<strong>en</strong>t sont les mêmes dans la manie et dans<br />

la mélancolie; et nous n'avons pas ici à y rev<strong>en</strong>ir. On<br />

doit éviter, autant que possible, les mouvem<strong>en</strong>ts<br />

viol<strong>en</strong>ts qui pourrai<strong>en</strong>t exercer sur l'utérus une in-


DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 274<br />

flu<strong>en</strong>ce fâcheuse ; sout<strong>en</strong>ir et protéger les seins s'ils<br />

t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t à s'<strong>en</strong>gorger; éviter les refroidissem<strong>en</strong>ts et<br />

toutes les causes qui pourrai<strong>en</strong>t modifier brusque-<br />

m<strong>en</strong>t l'écoulem<strong>en</strong>t lochial. L'allaitem<strong>en</strong>t doit être<br />

déf<strong>en</strong>du dans tous les cas.<br />

Au début de la mélancolie, si les hallucinations ne<br />

laiss<strong>en</strong>t pas de repos aux malades, et si les idées<br />

délirantes se succèd<strong>en</strong>t avec assez de rapidité et<br />

d'énergie pour am<strong>en</strong>er une vive agitation, les bains<br />

tièdes prolongés pourront être utiles, et il sera bon<br />

de faire appel à tout l'<strong>en</strong>semble de la médication<br />

sédative; mais, <strong>en</strong> général, c'est dans un autre ordre<br />

d'idées qu'il faut choisir ses moy<strong>en</strong>s d'action; il faut<br />

se rappeler que dans la mélancolie un des élém<strong>en</strong>ts<br />

les plus importants est la dépression, qui porte autant<br />

sur les fonctions intellectuelles que sur les fonctions<br />

de nutrition; aussi c'est elle qu'il faut surtout com-<br />

battre à l'aide de la médication révulsive et tonique<br />

variée de raille façons.<br />

A l'extérieur, les affusions froides répétées tous<br />

les jours ou même deux fois par jour, accommodées<br />

d'ailleurs pour leur nombre , leur quantité et leur<br />

température, aux forces du sujet, constitu<strong>en</strong>t un des<br />

moy<strong>en</strong>s les plus énergiques auxquels on puisse re-<br />

courir; il sera bon de faire suivre chaque affusion de<br />

frictions sèches p<strong>en</strong>dant une ou deux minutes, puis<br />

d'une prom<strong>en</strong>ade <strong>en</strong> plein air pour favoriser la réac-<br />

tion. Les affusions prises de cette façon sont d'une


272 »E LA MÉLANCOLIE<br />

incontestable efficacité, elles pourront être em-<br />

ployées dès la troisième semaine qui suit l'accou-<br />

chem<strong>en</strong>t; il sera bon, pour ménager les transitions,<br />

de faire faire au début, p<strong>en</strong>dant quelques jours, de<br />

simples lotions froides destinées à habituer l'éco-<br />

nomie à cet ag<strong>en</strong>t hydrolhérapique si énergique.<br />

A côté de ce moy<strong>en</strong>, qui a le grand avantage<br />

de réveiller la s<strong>en</strong>sibilité de la peau, de ranimer ses<br />

fonctions et d'imprimer à toute l'économie une se-<br />

cousse des plus salutaires, nous devons citer ici les<br />

larges vésicatoires qu'Esquirol employait presque<br />

constamm<strong>en</strong>t dans les cas de cette nature. Il les fai-<br />

sait appliquer soit aux cuisses, soit le long de la<br />

colonne vertébrale, leur donnait un très-grand dia-<br />

mètre et les répétait un certain nombre de fois. Ce<br />

moy<strong>en</strong>, dont l'action est des plus énergiques, déter-<br />

mine, chaque fois que le vésicatoire soulève une<br />

large ampoule , une véritable saignée séreuse qui<br />

contribue à affaiblir les malades d'autant plus faci-<br />

lem<strong>en</strong>t que le suintem<strong>en</strong>t résultant d'une large sur-<br />

face dépourvue d'épiderme, peut être <strong>en</strong>core assez<br />

considérable. Aussi je p<strong>en</strong>se qu'on doit mettre une<br />

certaine réserve dans son emploi.<br />

Les frictions sèches ou excitantes, la faradisation<br />

cutanée, les cautérisations superficielles à l'aide du<br />

fer rouge, peuv<strong>en</strong>t être employées dans certains<br />

cas rebelles. Lorsque les moy<strong>en</strong>s révulsifs les plus<br />

énergiques ont été sans efficacité, il faut mom<strong>en</strong>-


DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 273<br />

taném<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>oncer à leur emploi pour recourir à<br />

un traitem<strong>en</strong>t exclusivem<strong>en</strong>t tonique et recon-<br />

stituant. L'état de dépression dont la stupeur n'est<br />

que l'expression la plus élevée, est parfois , <strong>en</strong> effet,<br />

sous la dép<strong>en</strong>dance d'un état anémique. Tant que le<br />

médecin ne s'adressera pas à cette diathèse, les<br />

autres moy<strong>en</strong>s d'action seront inefficaces, et il sera<br />

bon de les réserver pour le mom<strong>en</strong>t où l'organisme<br />

aura repris des forces suffisantes.<br />

L'opium lui-même, qui est appelé à r<strong>en</strong>dre tant<br />

de services dans le traitem<strong>en</strong>t de la mélancolie, ne<br />

devi<strong>en</strong>t réellem<strong>en</strong>t utile que lorsqu'à l'aide du fer<br />

et des toniques on a refait la constitution; il sera<br />

employé à doses progressivem<strong>en</strong>t croissantes, et pour<br />

peu qu'elles soi<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> supportées par les malades,<br />

on ne craindra pas de les élever jusqu'à 60, 80 c<strong>en</strong>ti-<br />

grammes, ou même un gramme par jour; une con-<br />

dition capitale est de prolonger l'emploi de l'opium<br />

longtemps <strong>en</strong>core après que l'état des malades est<br />

amélioré, et de ne diminuer les doses que progres-<br />

sivem<strong>en</strong>t et avec la plus grande prud<strong>en</strong>ce. En agis-<br />

sant autrem<strong>en</strong>t, on s'expose à une rechute presque<br />

inévitable.<br />

Il va sans dire que l'hygiène et la surveillance<br />

seront dans tous les cas dirigées avec le plus grand<br />

soin; on devra toujours se t<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> garde contre les<br />

idées de suicide, même alors que les manifestations<br />

délirantes ne port<strong>en</strong>t pas spécialem<strong>en</strong>t sur ce point;<br />

18


274 DE LA MÉLANCOLIE<br />

les malades seront éloignées de leur demeure habi-<br />

tuelle, isolées de leur famille et de toutes les causes<br />

d'excitation. Si la mélancolie est profonde, on<br />

se gardera bi<strong>en</strong> de leur imposer des occupations<br />

bruyantes qui devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t alors de véritables sup-<br />

plices; le repos, le sil<strong>en</strong>ce, l'isolem<strong>en</strong>t amèneront<br />

bi<strong>en</strong> plus vite le calme dans leur esprit, et aideront<br />

bi<strong>en</strong> plus efficacem<strong>en</strong>t à la disparition du délire.<br />

P<strong>en</strong>dant la convalesc<strong>en</strong>ce, des distractions graduées,<br />

une direction morale intellig<strong>en</strong>te hâteront le mo-<br />

m<strong>en</strong>t du retour complet à la raison.<br />

44e Observation. — P<strong>en</strong>dant une troisième grossesse, préoccupa-<br />

tions et fièvre intermitt<strong>en</strong>te. Accouchem<strong>en</strong>t heureux. Mélancolie<br />

avec stupeur cinq semaines après ; près de trois mois de durée.<br />

Guérison.<br />

Madame M... J..., âgée de 29 ans, d'un carac-<br />

tère très-doux, très-s<strong>en</strong>sible, vive et impression-<br />

nable, habituellem<strong>en</strong>t très-bi<strong>en</strong> réglée, n'a pas<br />

d'aliénés dans sa famille. Elle a eu un premier<br />

accouchem<strong>en</strong>t heureux, <strong>en</strong> mai 1854; elle allaita<br />

six mois son <strong>en</strong>fant. En septembre 1855, second<br />

accouchem<strong>en</strong>t qui se fit sans incid<strong>en</strong>t notable ; elle ne<br />

put nourrir que quelques jours, à cause de crevasses<br />

très-douloureuses et d'abcès au sein.<br />

Elle devint <strong>en</strong>ceinte pour la troisième fois au<br />

comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t de 1856; cette grossesse l'affligea,<br />

car elle voyait avec effroi s'accroître les dép<strong>en</strong>ses


DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 275<br />

de sa famille, au mom<strong>en</strong>t même où son père per-<br />

dait, après de nombreux <strong>en</strong>nuis, une place assez<br />

importante. Joignez à cela que, p<strong>en</strong>dant sa grossesse,<br />

madame J... eut une fièvre intermitt<strong>en</strong>te tierce,<br />

qui dura six semaines ; son m.ari fut p<strong>en</strong>dant trois<br />

mois atteint de la même maladie : le sulfate de qui-<br />

nine ne pouvait que guérir l'accès suivant, sans<br />

prév<strong>en</strong>ir les récidives, et elle fut vivem<strong>en</strong>t tour-<br />

m<strong>en</strong>tée de ces fâcheux incid<strong>en</strong>ts.<br />

Elle accoucha le 26 septembre, et se plaignit<br />

beaucoup plus que d'ordinaire p<strong>en</strong>dant le travail.<br />

Après la délivrance, elle se trouva tellem<strong>en</strong>t faible<br />

qu'elle ne put songer à allaiter son <strong>en</strong>fant (c'était<br />

une petite fille). Les suites de couches fur<strong>en</strong>t natu-<br />

relles, et ri<strong>en</strong> de saillant ne fut remarqué dans le<br />

courant d'octobre. Dans les premiers jours de no-<br />

vembre, l'humeur de la malade s'altéra : tantôt<br />

elle était triste et rêveuse, tantôt elle chantait, ce<br />

qui ne lui était pas habituel. Mouvem<strong>en</strong>ts brusques,<br />

divagations. Le 6, elle voulut aider sa mère à laver<br />

une cour, car sa domestique était abs<strong>en</strong>te, et c'est<br />

le soir même, après un refroidissem<strong>en</strong>t très-notable,<br />

que le délire éclata : insomnie, loquacité extrême,<br />

pleurs, gémissem<strong>en</strong>ts ; elle dit qu'elle veut mourir,<br />

que tous les si<strong>en</strong>s doiv<strong>en</strong>t périr, qu'elle voit des g<strong>en</strong>-<br />

darmes, qu'elle <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d des voix qui la m<strong>en</strong>ac<strong>en</strong>t.<br />

J'ai vu la malade pour la première fois le 13 no-<br />

vembre, huit jours après l'invasion du délire, six


276 DE LA MÉLANCOLIE<br />

semaines après l'accouchem<strong>en</strong>t; elle offrait tous les<br />

caractères de la mélancolie avec stupeur, figure<br />

pâle, immobile, un peu bouffie, regard hébété. —<br />

La malade ne prononce que quelques mots <strong>en</strong>tre-<br />

coupés : «Je suis perdue !... jesuisici pourexpier...»<br />

Hallucination de l'ouïe; elle cherche dans ses ri-<br />

deaux, dans tous les coins de sa chambre, les per-<br />

sonnes qu'elle <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d parler ; elle témoigne par ses<br />

gestes qu'elle est suffoquée par de mauvaises odeurs ;<br />

analgésie très-marquée à la face dorsale de l'avant-<br />

bras et à l'épigaslre, on peut traverser la peau sans que<br />

la malade témoigne la moindre douleur; insomnie.<br />

Le 14, on donne un purgatif qui amène plusieurs<br />

selles liquides; dans la journée, il y a une attaque<br />

hystériforme convulsive, très-caractérisée.<br />

Le 16, la malade semble un peu plus animée;<br />

elle répond, bi<strong>en</strong> que l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t, à quelques-unes des<br />

questions qu'on lui adresse; les hallucinations sont<br />

moins int<strong>en</strong>ses; la malade est si faible qu'elle peut<br />

à peine se prom<strong>en</strong>er dans son jardin.<br />

Le 17, même état, même faciès, rire hébété, pa-<br />

role l<strong>en</strong>te; elle'^'interrompt au milieu des phrases,<br />

rougit très-facilem<strong>en</strong>t ; les lèvres sont un peu sèches<br />

et f<strong>en</strong>dillées; pouls à 90, mais très-facile à mettre<br />

<strong>en</strong> émoi. — Un large vésicatoire à la cuisse.<br />

Mardi, 18 novembre. — Amclioralion considé-<br />

rable sous l'influ<strong>en</strong>ce du vésicatoire qui, p<strong>en</strong>dant<br />

oute la nuit, l'a vivem<strong>en</strong>t fait souffrir; la physio-


DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 277<br />

nomie est plus expressive, la s<strong>en</strong>sibilité surtout est<br />

rev<strong>en</strong>ue, et ce fait frappe <strong>en</strong> premier lieu Tatt<strong>en</strong>-<br />

tion ; nnoins d'hallucinations.<br />

P<strong>en</strong>dant la dernière moitié de novembre, on<br />

place successivem<strong>en</strong>t deux vésicatoires aux cuisses<br />

et deux à la nuque, et on donne quelques bains<br />

avec affusions froides; l'amélioration est incon-<br />

testable, cep<strong>en</strong>dant il reste <strong>en</strong>core des allernalives<br />

de stupeur, puis do réveil, se succédant à des inter-<br />

valles de six à sept heures sans périodicité bi<strong>en</strong> régu-<br />

lière; les hallucinations ont totalem<strong>en</strong>t disparu. ,<br />

Dimanche, 14 décembre. — Les règles appa-<br />

raiss<strong>en</strong>t pour la première fois depuis l'accouche-<br />

m<strong>en</strong>t, après avoir été précédées p<strong>en</strong>dant quelques<br />

jours de douleurs lombaires et de coliques assez<br />

vives. Le même jour, il se manifeste dans l'état<br />

m<strong>en</strong>tal une notable amélioration : moins de stu-<br />

peur, réponses plus claires; le l<strong>en</strong>demain elle peut<br />

écrire à son mari une lettre assez raisonnable, mais<br />

quelques jours après, nouveaux symptômes d'égare-<br />

m<strong>en</strong>t, figure étonnée, rire sans motif, timidité ex-<br />

trême, qui est du reste dans le caractère de la ma-<br />

lade. On continue les affusions froides; on donne<br />

d'une manière régulière des toniques et des ferru-<br />

gineux.<br />

Le 14 janvier, les règles apparaiss<strong>en</strong>t de nouveau,<br />

après avoir été précédées de quelques douleurs et<br />

d'un peu d'augm<strong>en</strong>tation dans la stupeur et i'hébé-


278 DE LA MÉLANCOLIE<br />

tude; elles ont été le point de départ d'une amélio-<br />

ration graduelle qui ne s'est pas déai<strong>en</strong>tie. P<strong>en</strong>dant<br />

ce mois de janvier, la malade a pu voir, à diverses<br />

reprises, son mari, son père, et causer avec eux sans<br />

éprouver d'émotion trop vive; la physionomie de-<br />

vi<strong>en</strong>t colorée et souriante, la malade dort parfaite-<br />

m<strong>en</strong>t, pr<strong>en</strong>d de l'embonpoint, cause raisonnable-<br />

m<strong>en</strong>t, mais avec une timidité excessive. Elle r<strong>en</strong>tre<br />

dans sa famille à la fin de janvier, et à part quelques<br />

instants passagers d'hébélude qu'elle a prés<strong>en</strong>tés<br />

p<strong>en</strong>dant une quinzaine de jours, elle est restée<br />

complètem<strong>en</strong>t guérie.<br />

•4Se Observation. — Tristesse et abùttem<strong>en</strong>t peu de jours après<br />

Vaccouchem<strong>en</strong>t, bi<strong>en</strong>tôt hallucinations et idées délirantes par-<br />

tielles; exacerbation de tous les symptômes au mom<strong>en</strong>t du retour<br />

de couches; mélancolie avec stupeur ; hypochondrie intellec-<br />

tuelle ;<br />

pas d'amélioration au bout de quatre mois.<br />

Peyrard (Elisabeth), âgée de 34 ans, <strong>en</strong>tre le 8 jan-<br />

vier à la Salpélrière, dans le service de M. Mitivié.<br />

Celte fille, d'une intellig<strong>en</strong>ce assez bornée, a été<br />

séduile <strong>en</strong> province par le maître chez lequel elle<br />

servait; elle est arrivée à Paris <strong>en</strong>ceinte de sept mois<br />

à peu près, après une grossesse troublée par de<br />

vives préoccupations et p<strong>en</strong>dant la(|uelle, à plusieurs<br />

reprises, elle avait pris, d'après le conseil de son<br />

amant, divers médicam<strong>en</strong>ts aborlifs.


DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 279<br />

L'accouchem<strong>en</strong>t se fit néanmoins sans accid<strong>en</strong>t,<br />

<strong>en</strong> juillet 1856. Elle n'essaya pas d'allaiter son <strong>en</strong>-<br />

fant et le mit <strong>en</strong> nourrice.<br />

Peu de jours après la délivrance, P..., loin de re-<br />

v<strong>en</strong>ir rapidem<strong>en</strong>t à la santé, éprouva des douleurs<br />

de v<strong>en</strong>tre et des accid<strong>en</strong>ts fébriles que le médecin<br />

désigna sous le nom de péritonite. Cet état dura six<br />

semaines, p<strong>en</strong>dant lesquelles la malade, triste,<br />

abattue, pleurait constamm<strong>en</strong>t. Un voyage qu'elle<br />

fît dans son pays, <strong>en</strong> septembre, ne fit qu'aggraver<br />

son état moral, car elle vit là son amant qui la reçut<br />

fort mal et refusa de s'occuper d'elle. Lors de son<br />

retour à Paris, <strong>en</strong> novembre, elle essaya d'<strong>en</strong>trer<br />

comme ouvrière dans une fabrique, mais, chaque<br />

fois qu'elle y avait travaillé, elle rev<strong>en</strong>ait <strong>en</strong> pleu-<br />

rant, disant qu'elle voyait sur la figure des autres<br />

qu'on se moquait d'elle; que tout le monde parlait<br />

de l'<strong>en</strong>fant qu'elle avait eu. Le sommeil était bon,<br />

mais la malade triste, déprimée, mangeait fort peu.<br />

Les règles faisai<strong>en</strong>t toujours défaut. C'est dans la<br />

première quinzaine de décembre qu'elles apparur<strong>en</strong>t<br />

pour la première fois depuis l'accouchem<strong>en</strong>t ; elles<br />

durèr<strong>en</strong>t cinq ou six jours et s'accompagnèr<strong>en</strong>t de<br />

fièvre et de malaise. Trois ou quatre jours après la<br />

cessation des règles, les troubles intellectuels se pro-<br />

noncèr<strong>en</strong>t avec plus d'int<strong>en</strong>sité que jamais :<br />

agita-<br />

tion, insomnie, recrudesc<strong>en</strong>ce dans les idées déliran-<br />

tes. Tels sont les r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts que j'ai pu obt<strong>en</strong>ir


280<br />

'<br />

DE LA MÉLANCOLIE<br />

de la sœur et du beau-frère de la malade, qui, <strong>en</strong><br />

l'am<strong>en</strong>ant à l'hôpital, avai<strong>en</strong>t d'abord affirmé qu'elle<br />

était atteinte depuis cinq à six jours seulem<strong>en</strong>t.<br />

9 janvier. — Au mom<strong>en</strong>t de son <strong>en</strong>trée à l'hô-<br />

pital, P... offre au plus haut point tous les symp-<br />

tômes de la mélancolie avec stupeur : ses traits sont<br />

immobiles et sans expression ; elle reste sans bouger<br />

dans son lit ou sur sa chaise : il faut des efforts<br />

inouïs pour la faire lever, pour la faire marcher ; la<br />

parole est l<strong>en</strong>te, pénible, mal articulée; lorsqu'on<br />

l'interroge, 'elle peut <strong>en</strong>core parler de son <strong>en</strong>fant,<br />

donner quelques r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts sur sa grossesse,<br />

mais sa voix est dol<strong>en</strong>te et mal articulée; si l'on<br />

pousse plus loin les questions, elle dit qu'elle a tout<br />

oublié, qu'elle ne se rappelle ri<strong>en</strong>, que tout est<br />

confus et embrouillé dans sa tête; elle a un profond<br />

s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de son impuissance, et, lorsqu'on insiste<br />

auprès d'elle pour qu'elle parle, pour qu'elle tra-<br />

vaille, elle répond que c'est impossible, qu'elle ne<br />

peut ri<strong>en</strong> faire, qu'elle ne sait ri<strong>en</strong>. On a cherché,<br />

dit-elle, à lui faire beaucoup de mal, on la persé-<br />

cute, on la tourm<strong>en</strong>te de mille façons, elle <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d<br />

des voix qui lui dis<strong>en</strong>t des injures et lui reproch<strong>en</strong>t<br />

ses fautes. La langue est un peu saburrale; peu<br />

d'appétit; constipation. Bains, purgatifs.<br />

Le 26 janvier, l'état de la malade s'est très-peu<br />

modifié, la stupeur est toujours aussi grande; elle<br />

reste immobile, sans travailler, sans s'occuper de ce


DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 281<br />

qui l'<strong>en</strong>toure. Le sommeil est un peu plus tran-<br />

quille, elle ne se lève pas la nuit.<br />

6 février. — La malade est un peu plus active,<br />

elle se lève plus volontiers de sa chaise, elle va dans<br />

les cours, abordant d'un ton plaintif et languissant<br />

toutes les personnes qu'elle r<strong>en</strong>contre, et deman-<br />

dant à partir. Elle ne peut se t<strong>en</strong>ir à aucune espèce<br />

de travail; elle marche l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t; la peau est tou-<br />

jours froide, le pouls peu développé, la figure est<br />

pâle et amaigrie; sommeil un peu meilleur; plus<br />

d'appétit.<br />

' La malade <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d toujours des voix la nuit ; mais<br />

elle ne sait pas ce que ces voix lui dis<strong>en</strong>t; à tout ce<br />

qu'on lui demande, elle répond d'une voix traî-<br />

nante : « Je ne sais pas, je voudrais bi<strong>en</strong> savoir... »<br />

Cep<strong>en</strong>dant, <strong>en</strong> l'interpellant fortem<strong>en</strong>t, on peut <strong>en</strong>-<br />

core obt<strong>en</strong>ir d'elle quelque réponse précise.<br />

12 février. — Même état : on est obligé de lui<br />

mettre la camisole, car incessamm<strong>en</strong>t elle se lève<br />

et va gémir et geindre au parloir, demandant à<br />

s'<strong>en</strong> aller.<br />

22 février. — H y a peut-être une légère amélio-<br />

ration. Interpellée vivem<strong>en</strong>t sur son <strong>en</strong>fant ou sa<br />

famille, elle pleure et paraît att<strong>en</strong>drie; à part ce<br />

mom<strong>en</strong>t, elle est toujours dol<strong>en</strong>te, immobile, inca-<br />

pable de s'occuper, disant qu'elle ne sait ri<strong>en</strong>,<br />

qu'elle ne peut ri<strong>en</strong> faire. La figure est toujours<br />

pâle et amaigrie, le pouls est très-peu développé.


282 DE LA MÉLANCOLIE<br />

8 mars. — La malade court moins après les em-<br />

ployés de la maison pour demander à sortir; sa fi-<br />

gure a repris de l'embonpoint et, par instants, un<br />

peu d'animation ;<br />

elle pleure lorsqu'on lui parle de<br />

son <strong>en</strong>fant, demande à travailler, et se r<strong>en</strong>d avec<br />

une surveillante à la salle de travail, où elle essaie<br />

de coudre et de s'occuper. La voix est toujours do-<br />

l<strong>en</strong>te et traînante, elle répond toujours ou presque<br />

toujours : «Je ne sais pas, je ne puis pas.»<br />

Un mois après, P... était transportée dans un<br />

asile départem<strong>en</strong>tal; son état s'était un peu amé-<br />

lioré; il y avait chez elle plus d'<strong>en</strong>train, plus d'acti-<br />

vité, et on était <strong>en</strong> droit d'espérer tôt ou tard une<br />

amélioration plus sérieuse. Je n'ai pu malheureuse-<br />

m<strong>en</strong>t me procurer sur cette malade des r<strong>en</strong>seigne-<br />

m<strong>en</strong>ts ultérieurs.<br />

*6« Observation. — Primipare. — Accouchem<strong>en</strong>t heureux; mé-<br />

lancolie débutant le quatrième jour; idées de suicide. Guérison<br />

au bout d'un mois.<br />

Humberl (Justine), célibataire, âgée de 23 ans.<br />

Cette femme n'a pas d'aliénés dans sa famille; un<br />

de ses frères, à 9 ans, était sourd; sa mère a suc-<br />

combé à 40 ans, après avoir eu neuf <strong>en</strong>fants; au<br />

mom<strong>en</strong>t de sa mort elle était <strong>en</strong>ceinte de six mois.<br />

La malade, peu intellig<strong>en</strong>te, et d'une conduite<br />

assez désordonnée, a eu, il y a dix ou onze mois.


DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 283<br />

la syphilis; il y a six mois elle a été atteinte d'un<br />

ictère, pour lequel elle est <strong>en</strong>trée à Necker, et qui<br />

n'a eu sur la marche de la grossesse aucune fâ-<br />

cheuse influ<strong>en</strong>ce (elle était primipare).<br />

Le travail de l'accouchem<strong>en</strong>t a duré 13 heures;<br />

l'expulsion du plac<strong>en</strong>ta a été naturelle. Entrée, le<br />

15 janvier 1854, à la Maternité, elle était délivrée<br />

le 16 à 3 heures du matin. Les nuits du 17, du 18<br />

et du 19 ont été bonnes, cep<strong>en</strong>dant la fièvre de lait<br />

avait été forte; seins peu volumineux, lochies nor-<br />

males.<br />

C'est le 20 que la maladie a débuté; le 23, la<br />

malade <strong>en</strong>trait à l'hôpital, après plusieurs nuits d'in-<br />

somnie; la veille, elle avait pleuré toute la journée,<br />

et dans la nuit avait t<strong>en</strong>té d'avaler une cuiller d'é-<br />

tain, pour échapper, disait-elle, à la honte qui la<br />

m<strong>en</strong>açait.<br />

La malade interrogée raconte qu'elle a des idées<br />

noires; elle se croit <strong>en</strong> danger de mort; elle répète<br />

qu'elle aimerait mieux mourir chez elle qu'à l'hos-<br />

pice. P<strong>en</strong>dant la nuit, elle a des visions extraordi-<br />

naires et voit des figures effrayantes qui disparaiss<strong>en</strong>t<br />

quand elle est éveillée. Elle <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d siffler, chu-<br />

choter à ses oreilles; si elle crie, c'est par peur,<br />

dit-elle; elle pleure et répèle qu'elle veut s'<strong>en</strong> aller.<br />

24 janvier. — Ce matin le pouls est à 84; les<br />

suites de couches vont bi<strong>en</strong>, le v<strong>en</strong>tre est souple,<br />

non douloureux, la langue est rouge à la pointe,


284 DE LA MÉLANCOLIE<br />

les pupilles dilatées, pas de constipation ni de cé-<br />

phalalgie; la nuit dernière a été tranquille.<br />

Orge miellé, un vésicatoire à la cuisse; potages.<br />

25 janvier. — La figure est animée, le pouls est<br />

normal à GO, peu de sommeil; elle veut qu'on<br />

écrive à son père, car, dit-elle, elle va mourir.<br />

26 janvier.— Pouls à 80 ; la malade a dormi; les<br />

suites de couches vont très-peu. " '• ^'<br />

' t»i "<br />

29 janvier. — Un peu de pâleur et de teinte ané-<br />

mique, peu de sommeil; les vésicaloires donn<strong>en</strong>t<br />

beaucoup de pus.<br />

31 janvier. — Le pouls est à 60, et la peau assez<br />

fraîche, la langue est bonne, <strong>en</strong>core un peu d'écou-<br />

lem<strong>en</strong>t lochial; la malade ne parle que pour répon-<br />

dre aux questions qu'on lui fait; aucune initiative.<br />

2 février. — La physionomie est meilleure; elle,<br />

dit que ses idées noires l'ont abandonnée; bon ap-<br />

pétit, selles normales, sommeil.<br />

3 février. — L'amélioration augm<strong>en</strong>te de jour <strong>en</strong><br />

jour, les idées pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t-de la suite et de la netteté.<br />

La malade est gaie et comm<strong>en</strong>ce à travailler.<br />

6 février. — Plus d'idées tristes, mais la malade<br />

est obligée de se mettre au lit, à cause d'une grande<br />

t<strong>en</strong>dance aux syncopes lorsqu'elle est levée; on<br />

donne des toniques et des ferrugineux.<br />

10 février. — La malade est bi<strong>en</strong>, elle se lève et<br />

travaille, mais est toujours un peu pâle; <strong>en</strong>core<br />

quelques traces des lochies.


DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 285<br />

16 février. — Elle cause, travaille et n'a plus de<br />

mauvaises idées; le vésicatoire de la cuisse est sec<br />

depuis quelques jours.<br />

Sortie le 24 février, complètem<strong>en</strong>t guérie. (Com-<br />

muniquée par M. Baillarger.)<br />

•47e Observation. — Disposition mélancolique p<strong>en</strong>dant les trois<br />

dernières semaines de la grossesse; délire mélancolique tran-<br />

quille après l'accouchem<strong>en</strong>t; exacerbation de tous les symp-<br />

tômes au bout de six semaines; quatre mois de durée. Gué-<br />

rison.<br />

Houdiarme, femme Loquet, âgée de 24 ans, <strong>en</strong>-<br />

tre à la Salpêlrière dans le service de M. Baillar-<br />

ger (6 janvier 1856).<br />

Cette femme a dans sa famille une cousine ger-<br />

maine qui a été aliénée, mais est restée guérie de-<br />

puis cinq ans. Elle-même, depuis longtemps, est<br />

sujette à des maux d'estomac, à la diarrhée ; elle<br />

s'est toujours soignée incomplètem<strong>en</strong>t, cep<strong>en</strong>dant<br />

elle a pris p<strong>en</strong>dant quelque temps des préparations<br />

ferrugineuses.<br />

Sa grossesse avait été assez heureuse, lorsqu'elle<br />

fut vivem<strong>en</strong>t impressionnée, trois semaines avant<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t, par la mort d'une de' ses voi-<br />

sines qui succomba à la suite de couches; de-<br />

puis ce mom<strong>en</strong>t, elle pleurait sans motif presque<br />

chaque soir, et était <strong>en</strong> proie à la crainte de mourir,<br />

ou tout au moins de porter une bête dans son v<strong>en</strong>tre.<br />


886 DE LA MÉLANCOLIE<br />

Elle est accouchée heureusem<strong>en</strong>t le 25 novem-<br />

bre 1855.<br />

Depuis lors elle dormait à peine, incessamm<strong>en</strong>t<br />

tourm<strong>en</strong>tée par des idées tristes et par la peur de<br />

la mort. Elle n'était jamais à la conversation, tres-<br />

saillait au moindre bruit, pouvait néanmoins sortir,<br />

mais disait qu'elle avait le sang arrêté, les nerfs re-<br />

tirés, qu'on la sciait <strong>en</strong> deux, et parlait sans cesse<br />

de ses s<strong>en</strong>sations hypocondriaques.<br />

Tel a été son état p<strong>en</strong>dant six semaines; les lo-<br />

chies avai<strong>en</strong>t coulé p<strong>en</strong>dant un mois et la malade<br />

n'avait pas même essayé de nourrir; le traitem<strong>en</strong>t<br />

avait consisté <strong>en</strong> quelques purgatifs donnés pour<br />

arrêter la sécrétion du lait, une saignée et une<br />

application de sangsues faite huit jours après les<br />

couches.<br />

Tous ces symptômes se sont exaspérés spontané-<br />

m<strong>en</strong>t vers le 4 janvier; le 6, la malade est am<strong>en</strong>ée<br />

à l'hôpital : faciès mélancolique; elle croit qu'on<br />

l'amène à la Salpêtrière pour l'<strong>en</strong>terrer, pour la<br />

tuer; elle refuse de manger, disant que les alim<strong>en</strong>ts<br />

sont empoisonnés. Pouls à 84; constipation.<br />

Les règles sont arrivées la veille du jour de l'<strong>en</strong>-<br />

trée, mais elles n'ont fait que marquer : leur appa-<br />

rition a donc coïncidé avec l'exacerbation de tous<br />

les symptômes.<br />

7 janvier. — On place un vésicatoire à la cuisse.<br />

14 janvier. — Un peu d'amélioration ; la malade


DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 287<br />

a mangé hier avec son mari, qui est v<strong>en</strong>u la voir,<br />

mais elle refuse du chocolat, disant qu'il est empoi-<br />

sonné. On veut, dit-elle, l'<strong>en</strong>terrer vivante. Pouls<br />

à 92.<br />

i7 janvier. — Nuit très-calme, idées d'empoi-<br />

sonnem<strong>en</strong>t, mais elle mange néanmoins.<br />

20 janvier.— Elle veut s'<strong>en</strong>fuir <strong>en</strong> répétant qu'on<br />

veut la tuer, l'<strong>en</strong>terrer vivante.<br />

Le 30, le 31, même état. Le 2 février, elle de-<br />

mande du lait, du chocolat, mais on voit par ses<br />

réponses qu'il y a des hallucinations du goût.<br />

Du calme vers la fin du mois ; l'amélioration<br />

continue.<br />

15 mars. — Changem<strong>en</strong>t notable dans son état;<br />

elle mange régulièrem<strong>en</strong>t, travaille et répond bi<strong>en</strong><br />

aux questions qu'on lui adresse.<br />

19 mars. — Santé physique très-bonne, mais la<br />

malade reste insouciante, et ne p<strong>en</strong>se ni à son mari,<br />

ni à ses <strong>en</strong>fants; il faut la pousser pour qu'elle agisse.<br />

25, 26 mars. — Elle souffre dans les reins, dans<br />

la région hypogastrique, comme si elle allait avoir<br />

ses règles, et cep<strong>en</strong>dant, les jours suivants, les règles<br />

n'apparaiss<strong>en</strong>t pas. L'état m<strong>en</strong>tal s'améliore de jour<br />

<strong>en</strong> jour; il y a chez elle plus d'<strong>en</strong>train, plus d'acti-<br />

vité; elle s'intéresse davantage à ce qui se passe au-<br />

tour d'elle.<br />

19 avril. — Il ne reste plus de trace du délire, seu-<br />

lem<strong>en</strong>t il y a <strong>en</strong>core un peu de timidité exagérée.


288 DE LA MÉLANCOLIE .^<br />

Le 2 mai, la guérison est complète, la malade r<strong>en</strong>d<br />

parfaitem<strong>en</strong>t compte de son état et de ce qu'elle a<br />

éprouvé p<strong>en</strong>dant sa maladie.<br />

Elle sort de l'hôpital et se r<strong>en</strong>d à la campagne où<br />

la santé achève de se rétablir; trois semaines après<br />

sa sortie, les règles apparur<strong>en</strong>t, et maint<strong>en</strong>ant elle<br />

est dans un état parfait. (Communiquée par M. Bail-<br />

larger.)<br />

48e Observation (Résumé). — Jccès de mélancolie huit jours après<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t. Guérison. Accès consécutifs hors l'état puer-<br />

péral. Incurabilité.<br />

Madame de X..., née d'une mère bizarre, im-<br />

pressionnable et sujette à des accès de colère d'une<br />

viol<strong>en</strong>ce maladive, a toujours eu p<strong>en</strong>dant son <strong>en</strong>-<br />

fance une santé excell<strong>en</strong>te et n'a jamais éprouvé<br />

d'accid<strong>en</strong>ts nerveux; c'était d'ailleurs une personne<br />

instruite, intellig<strong>en</strong>te et active.<br />

Ses deux premières couches se sont passées sans<br />

le moindre accid<strong>en</strong>t; madame de X.., n'essaya pas<br />

d'allaiter; mais, huit jours après un troisième ac-<br />

couchem<strong>en</strong>t, sans qu'il y ait eu aucun trouble ni<br />

dans l'écoulem<strong>en</strong>t lochial, ni dans la sécrétion lac-<br />

tée, un accès de mélancolie éclata dans toute sa<br />

viol<strong>en</strong>ce : il dura trois mois et guérit parfaitem<strong>en</strong>t<br />

bi<strong>en</strong>; la malade était alors âgée de 30 ans; c'était<br />

<strong>en</strong> 1826.<br />

En 1839, <strong>en</strong> 1841, nouvel accès de mélancolie


DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 289<br />

dont la durée fut de trois mois ou à peu près; tous<br />

deux guérir<strong>en</strong>t parfaitem<strong>en</strong>t.<br />

En 1846, quatrième accès; ce dernier ne fut ni<br />

plus grave, ni plus long que les autres, et madame<br />

de X..., parfaitem<strong>en</strong>t guérie ,<br />

la direction de sa maison.<br />

put repr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>core<br />

En 1851, cinquièmeaccès, mais peu int<strong>en</strong>se et<br />

passager. En février 1836 (la malade avait alors<br />

61 ans), le délire se reproduit : lam<strong>en</strong>tations sur la<br />

vieillesse, elle se croit perdue, déshonorée, répète<br />

que ses <strong>en</strong>fants sont poursuivis par des <strong>en</strong>nemis<br />

acharnés; que tout le monde veut lui faire du mal;<br />

que la malédiction céleste est tombée sur elle; elle<br />

refuse de travailler, de manger, dort mal, et dans<br />

ses mom<strong>en</strong>ts d'agitation, exprime ses idées délirantes<br />

par les mêmes mots, par les mêmes phrases qu'elle<br />

donne uniformém<strong>en</strong>t <strong>en</strong> réponse aux questions<br />

qu'on lui adresse. P<strong>en</strong>dant deux ans, j'ai donné des<br />

soins à la malade : elle dormait mieux, mangeait<br />

plus régulièrem<strong>en</strong>t, mais le fond du délire ne chan-<br />

geait pas, bi<strong>en</strong> qu'il n'y eût aucun symptôme de<br />

dém<strong>en</strong>ce bi<strong>en</strong> nettem<strong>en</strong>t caractérisé.<br />

Madame de X... a succombé, <strong>en</strong> février 1858,<br />

à une double pneumonie; le délire est resté le<br />

même jusqu'au dernier instant.<br />

19


290 DE LA MELANCOLIE<br />

49« Observation. — Mélancolie débutant six semaines après un<br />

quatrième accouchem<strong>en</strong>t. Amélioration au bout de cinq mois.<br />

Rechute, puis guérison [Résumé).<br />

Madame M..., âgée de 28 ans, mère de quatre<br />

<strong>en</strong>fants, est née d'une mère qui est aliénée et d'un<br />

père qui est habiluellem<strong>en</strong>t dans un état de mélancolie<br />

profonde, vivant à la campagne, isolé même<br />

de sa fille unique. Une tante de cette jeune femme,<br />

du côté paternel, est folle, et plusieurs par<strong>en</strong>ts col-<br />

latéraux sont ou ont été affectés d'aliénation m<strong>en</strong>tale.<br />

Mariée à 20 ans, elle perd un <strong>en</strong>fant p<strong>en</strong>dant sa<br />

quatrième grossesse, néanmoins elle accouche à<br />

terme et se rétablit promplem<strong>en</strong>t. Le retour de<br />

couches a lieu vers la sixième semaine : dès lors<br />

tristesse, t<strong>en</strong>dance au meurtre et au suicide, insom-<br />

nie, mélancolie complète. Au bout de cinq mois,<br />

grande amélioration, puis rechute, qui ne dura<br />

qu'une vingtaine de jours. Le rétablissem<strong>en</strong>t fut<br />

complet et durable.<br />

Traitem<strong>en</strong>t: bains <strong>en</strong>tiers, pédiluves sinapisés,<br />

purgatifs; isolem<strong>en</strong>t et hygiène conv<strong>en</strong>able; plus<br />

tard, application de glace sur la tête. L'auteur, s'ap-<br />

puyant sur l'exist<strong>en</strong>ce d'un point où la température<br />

est très-élevée, au niveau de la fontanelle antérieure,<br />

émet cette idée insout<strong>en</strong>able, que la mélancolie<br />

était due à une inflammation locale du cerveau (1).<br />

(1) Petit (lie Mauri<strong>en</strong>ne), Sur le traitem<strong>en</strong>t de l'aliénation m<strong>en</strong>-<br />

tale, Paris, 1833, p. 49.


DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 291<br />

SO» Observation. — Mélancolie consécutive à l'accouchem<strong>en</strong>t.<br />

Catalepsie [Résumé).<br />

Madame X..., âgée de 29 ans, a été longtemps<br />

sujette à divers accid<strong>en</strong>ts hystériques; il lui arri-<br />

vait de rester tout à coup immobile au milieu d'une<br />

conversation, et de ne repr<strong>en</strong>dre ses s<strong>en</strong>s qu'au bout<br />

de quelques minutes. Mariée depuis neuf ans, elle<br />

était dev<strong>en</strong>ue plusieurs fois <strong>en</strong>ceinte, mais n'avait<br />

donné naissance qu'à un seul <strong>en</strong>fant vivant, les au-<br />

tres étai<strong>en</strong>t nés à 6 ou 7 mois. Peu de jours après<br />

sa dernière délivrance (elle était <strong>en</strong>core accouchée<br />

à 7 mois), elle se plaignit de mal de tête, de dou-<br />

leurs d'estomac; ses idées devinr<strong>en</strong>t sombres, elle<br />

répétait qu'elle n'avait pas rempli ses devoirs de<br />

mère, qu'elle devait mourir, etc., etc.; elle fit plu-<br />

sieurs t<strong>en</strong>tatives de suicide. Bi<strong>en</strong>tôt elle tomba dans<br />

la stupeur, devint gâteuse et cataleptique; lorsqu'on<br />

levait un de ses bras, le bras restait <strong>en</strong> place. Ces<br />

accid<strong>en</strong>ts cataleptiques revinr<strong>en</strong>t à trois reprises<br />

différ<strong>en</strong>tes, ils alternai<strong>en</strong>t avec la mélancolie. La<br />

malade guérit au bout de trois mois (1).<br />

51 « Observation.<br />

Délire mélancolique dix jours après l'accouche-<br />

(1) Gooch^ Médical transactions, vol. VI, année 1820.


Î92 DE LA MÉLANCOLIE<br />

m<strong>en</strong>t. T<strong>en</strong>tatives de suicide. Transformation des im-<br />

pressions externes; appar<strong>en</strong>ce de stupidité. — Gué-<br />

rison au treizième jour.<br />

(Baillarger, De lélat désigné chez les aliénés sous<br />

le nom de Stupidité. Observ. 5.)<br />

52* Observation. — Mélancoliesurv<strong>en</strong>ue peu de jours après Vaccou-<br />

chem<strong>en</strong>t chez une femme ayant eu déjà deux accès de folie. Gué-<br />

rison au bout de six mois {Résumé).<br />

C... <strong>en</strong>tre à la maison de Char<strong>en</strong>lon le 4 février<br />

1846, pour un accès d'aliénation m<strong>en</strong>tale, déve-<br />

loppé à la suite de couches, et qui fut diagnostiqué :<br />

délire mélancolique avec attaques hyslériformes.<br />

Elle sortit au bout de trois mois à peu près (26 avril)<br />

parfaitem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> guérie.<br />

Un second accès la ramène à l'établissem<strong>en</strong>t le<br />

9 novembre 1849; l'inquiétude que lui causa l'ab-<br />

s<strong>en</strong>ce prolongée de son mari, paraît avoir déter-<br />

miné cette récidive, dont les symptômes se rallach<strong>en</strong>t<br />

tous à la forme mélancolique : craintes imaginaires,<br />

refus de manger, de travailler, de pr<strong>en</strong>dre soin<br />

d'elle-même, .apathie et immobilité. Cet accès dura<br />

dix mois; quand la malade sortit (août 1850), sa<br />

guérison était complète.<br />

Un nouvel accès la ram<strong>en</strong>a à Char<strong>en</strong>ton le 22 mars<br />

1855 ; elle était accouchée le 18 décembre 1854, et<br />

n'avait pas essayé de nourrir, lorsqu'au mom<strong>en</strong>t de


DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 293<br />

la fièvre de lait, le délire se déclara : ce délire, peu<br />

int<strong>en</strong>se et assez tranquille, éclata avec une vivacité<br />

nouvelle six semaines après l'accouchem<strong>en</strong>t, au<br />

mom<strong>en</strong>t du retour de couches, et il durait depuis<br />

près de six semaines, lorsque la malade fut am<strong>en</strong>ée<br />

à Char<strong>en</strong>ton ; elle y séjourna cinq mois sans que son<br />

accès de mélancolie ait difîéré d'une manière no-<br />

table de ceux qu'elle avait eus précédemm<strong>en</strong>t. Il y<br />

avait prostration extrême, refus d'alim<strong>en</strong>ts ; elle<br />

croyait qu'on voulait la tuer, l'empoisonner, et, dans<br />

toutes ses actions, montrait une défiance et une in-<br />

décision remarquables. A chaque époque m<strong>en</strong>-<br />

struelle, il se manifestait une grande exacerbation<br />

dans l'agitation et le délire, on observait même des<br />

convulsions hystériformes.<br />

Tous ces symptômes se sont graduellem<strong>en</strong>t am<strong>en</strong>-<br />

dés; lorsque la malade a quitté Char<strong>en</strong>ton, il ne<br />

restait plus qu'un peu d'indécision dans ses allures,<br />

mais le délire avait disparu et les règles v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t<br />

sans accid<strong>en</strong>t.<br />

53* Observation. — Mélanco'ie ayant débuté six semaines après<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t. Amélioration, rechute. Mort au bout de neuf<br />

mois. Tubercules du poumon et du péritoine,<br />

Tcph..., âgée de 38 ans, <strong>en</strong>tre le 18 septembre<br />

1852 à la Salpêtrière, dans le service de M. Bail-<br />

larger.


294 DE LA MÉLANCOLIE<br />

Cette femme est sujette à des attaques d'hystérie<br />

qui revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à la moindre contrariété; son carac-<br />

tère est impressionnable et son intellig<strong>en</strong>ce assez<br />

développée, on ignore ses antécéd<strong>en</strong>ts héréditaires.<br />

Son avant-dernier accouchem<strong>en</strong>t date de huit ans :<br />

après ce long intervalle elle est redev<strong>en</strong>ue <strong>en</strong>ceinte<br />

et a mis au monde, il y a deux mois, un <strong>en</strong>fant<br />

qu'elle n'a pas essayé d'allaiter. Six semaines après<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t, les règles sont surv<strong>en</strong>ues; elles<br />

ont été peu abondantes, ont duré à peine un jour<br />

et demi,, et se sont accompagnées d'un peu de tris-<br />

tesse, d'agitation et d'insomnie.<br />

Deux purgatifs ont été administrés et ont am<strong>en</strong>é<br />

un peu de calme, mais cette amélioration a été pas-<br />

sagère, et, au bout de deux jours, l'agitation a re-<br />

paru plus vive que jamais : la malade croit qu'on<br />

veut l'assassiner, elle a des hallucinations de l'ouïe<br />

et de la vue, et bi<strong>en</strong>tôt son état devi<strong>en</strong>t tel qu'on<br />

l'amène à la Salpêtrière.<br />

Au mom<strong>en</strong>t de son <strong>en</strong>trée (18 septembre), la ma-<br />

lade offre tout l'aspect extérieur de la mélancolie<br />

avec stupeur; la figure est immobile et étonnée, les<br />

yeux sont largem<strong>en</strong>t ouverts, les pupilles dilatées.<br />

La malade parle à peine, s'agite sans motif; la<br />

peau est chaude, le pouls à 76.<br />

Affusions froides, lavem<strong>en</strong>t purgatif.<br />

21 septembre. — La constipation est moins pro-<br />

noncée, le faciès est meilleur, la malade s'intéresse


DES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 295<br />

un peu à ce qui se fait autour d'elle, et demande à<br />

voir son mari.<br />

26 septembre. — Les règles sont arrivées sans<br />

am<strong>en</strong>er d'agitation; il y a plus d'animation, plus<br />

de facilité dans les réponses, mais les hallucinations<br />

de l'ouïe persist<strong>en</strong>t; p<strong>en</strong>dant la nuit, elle <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d<br />

crier sa fille et cherche à se lever.<br />

1" octobre. — La malade répète qu'elle n'<strong>en</strong>-<br />

t<strong>en</strong>d plus de voix, elle s<strong>en</strong>t que sa conduite est folle,<br />

qu'elle est poussée malgré elle. Elle se plaint de cé-<br />

phalalgie.<br />

9 octobre. — L'agitation recomm<strong>en</strong>ce, T. .. croit<br />

qu'on lui veut du mal, qu'on la poursuit, qu'on la<br />

tourm<strong>en</strong>te; elle refuse de voir son mari, et de-<br />

mande à être conduite à la mort, si elle est cou-<br />

pable, i<br />

L'agitation a continué p<strong>en</strong>dant tout le mois d'oc-<br />

tobre; <strong>en</strong> novembre, il y eut de nouveau de l'amé-<br />

lioration, et vers la fin de décembre cette améliora-<br />

tion était telle, qu'on dut accorder à la malade sa<br />

sortie à titre d'essai. Mais à peine a-t-elle quitté la<br />

Salpêtrièrc, que l'agitation et les divagations repa-<br />

raiss<strong>en</strong>t. Arrivée sur le pont d'Austerlilz, elle me-<br />

nace de se jeter à l'eau si son <strong>en</strong>fant ne lui est pas<br />

r<strong>en</strong>du. Elle est immédiatem<strong>en</strong>t ram<strong>en</strong>ée à l'hôpital.<br />

P<strong>en</strong>dant tout le mois de janvier, elle est fort<br />

agitée; dormant peu, criant, gesticulant d'une ma-<br />

nière presque continuelle.


296 DE LA MÉLANCOLIE, ETC.<br />

En février, <strong>en</strong> mars, <strong>en</strong> avril, son état ne se mo-<br />

difie pas d'une manière s<strong>en</strong>sible.<br />

En mai, on s'aperçoit qu'elle maigrit beaucoup<br />

et que des accès irréguliers de fièvre vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t sur-<br />

tout le soir; elle refuse de manger, disant qu'on<br />

veut l'empoisonner, et du reste conserve toujours<br />

les mêmes idées délirantes et les mêmes hallucina-<br />

tions. Elle <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d toujours parler de meurtre et de<br />

guillotine, ne se rappelle ni son âge, ni le mois, ni<br />

l'année.<br />

En juin, la fièvre et l'amaigrissem<strong>en</strong>t fir<strong>en</strong>t des<br />

progrès notables, et bi<strong>en</strong>tôt l'on vit se manifester<br />

tous les symptômes physiques et rationnels d'une<br />

tuberculisalion pulmonaire et abdominale. La ma-<br />

lade est moins agitée, ses idées sont moins incohé-<br />

r<strong>en</strong>tes, mais elle est toujours triste et répète que la<br />

mort est préférable aux souffrances qu'elle <strong>en</strong>dure.<br />

Elle a succombé le 6 juillet à une diarrhée coUi-<br />

quative qui l'a promptem<strong>en</strong>t épuisée.<br />

A l'autopsie, le cerveau, le cervelet et leurs mem-<br />

branes fur<strong>en</strong>t trouvés parfaitem<strong>en</strong>t sains, à part un<br />

peu de piqueté dans la substance blanche. Dans les<br />

poumons et dans le péritoine se trouvai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> grand<br />

nombre des tubercules avec toutes les altérations<br />

anatomiques qui les accompagn<strong>en</strong>t, et dont la des-<br />

cription serait ici superflue.


DE LA MONOMANIE, ETC. 297<br />

Art. III. Delà moiioma nie chez les nouvelles accouchées.<br />

§ 1". Les lésions partielles de l'inlellig<strong>en</strong>ce qu'on<br />

observe chez les femmes récemm<strong>en</strong>t accouchées,<br />

peuv<strong>en</strong>t être variées à l'infini dans leur forme, leur<br />

marche et leur pronostic : aussi est-il difficile de<br />

tirer de leur <strong>en</strong>semble quebjues conclusions géné-<br />

rales qui puiss<strong>en</strong>t recevoir une application un peu<br />

ét<strong>en</strong>due.<br />

La forme la moins grave , mais non la moins<br />

curieuse de ces lésions pailielles, consiste <strong>en</strong> ces<br />

hallucinations de fouie et de la vue qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

le soir au mom<strong>en</strong>t du sommeil, ou le malin avant<br />

que le réveil soit complet; à leur premier degré,<br />

ces hallucinations ne constilu<strong>en</strong>t pas, à proprem<strong>en</strong>t<br />

parler, un cas d'aliénation m<strong>en</strong>tale, car les femmes<br />

ont consci<strong>en</strong>ce de leur état, elles s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t qu'elles<br />

éprouv<strong>en</strong>t là un phénomène morbide dont elles<br />

n'admett<strong>en</strong>t pas l'exist<strong>en</strong>ce réelle ^mais si cet état<br />

se prolonge, obsédées par les voix qui les pour-<br />

suiv<strong>en</strong>t à tout instant du jour et de la nuit, les ma-<br />

lades devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t inquiètes, agitées, et bi<strong>en</strong>tôt leur<br />

esprit ébranlé cède aux perceptions maladives qui<br />

leur sont fournies par les s<strong>en</strong>s.<br />

Une jeune femme que j'ai observée avec mon<br />

excell<strong>en</strong>t collègue le docteur Charrier (observ. 54),<br />

le soir même de son accouchem<strong>en</strong>l, au mom<strong>en</strong>t de<br />

s'<strong>en</strong>dormir, s'est <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due parler elle-même, et ce-


898 DE LA MONOMAME<br />

p<strong>en</strong>dant elle ne prononçait ri<strong>en</strong>; quand elle baissait<br />

les paupières, elle voyait autour d'elle des animaux,<br />

des monstres, des diables, et ces ballucinations se<br />

dissipai<strong>en</strong>t dès qu'elle ouvrait les yeux ; la malade<br />

était un peu pâle, un peu anémique; elle essaya de<br />

nourrir son <strong>en</strong>fant, mais, faute de lait, elle dut bi<strong>en</strong>-<br />

tôt le sevrer; dès lors les hallucinations de l'ouïe<br />

disparur<strong>en</strong>t, puis les voix cessèr<strong>en</strong>t de se faire <strong>en</strong>-<br />

t<strong>en</strong>dre. Quand j'ai perdu de vue la malade, elle n'é-<br />

tait pas tout à fait guérie, mais son état s'était con-<br />

sidérablem<strong>en</strong>t amélioré. J'ai appris depuis que la<br />

convalesc<strong>en</strong>ce avait été franche et durable.<br />

Quand les hallucinations apparaiss<strong>en</strong>t immédiate-<br />

m<strong>en</strong>t après l'accouchem<strong>en</strong>t et avec les caractères<br />

que nous v<strong>en</strong>ons d'énoncer, <strong>en</strong> général, elles ne<br />

sont pas graves, du moins pour le prés<strong>en</strong>t; mais il<br />

n'<strong>en</strong> est pas de même lorsque ce sont des halluci-<br />

nations à marche chronique surv<strong>en</strong>ant dans les<br />

conditions ordinaires de santé, c'est-à-dire p<strong>en</strong>dant<br />

l'état de veille complète. J'ai observé un cas de ce<br />

g<strong>en</strong>re qui, très-probablem<strong>en</strong>t, restera incurable.<br />

(Obs. 58.) A la suite d'un accès de délire passager sur-<br />

v<strong>en</strong>u vers la sixième semaine qui suivit l'accouche-<br />

m<strong>en</strong>t, des hallucinations de l'ouïe avai<strong>en</strong>t persisté<br />

<strong>en</strong> offrant d'ailleurs cette particularité que la ma-<br />

lade, presque toujours calme, raisonnable, ne pré-<br />

s<strong>en</strong>tait ni les allures, ni les gestes bizarres des hal-<br />

lucinés. De nombreuses conceptions délirantes


CHEZ LES NOUVELLES ACCOUCHEES. 299<br />

v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t se grouper autour de ces lésions s<strong>en</strong>so-<br />

riales qui formai<strong>en</strong>t le point culminant de la maladie.<br />

Au bout de trois ans, aucune modification s<strong>en</strong>sible ne<br />

s'était produite dans l'int<strong>en</strong>sité des hallucinations<br />

de l'ouïe, et j'ai appris tout récemm<strong>en</strong>t que l'état de<br />

la malade t<strong>en</strong>dait chaque jour à s'aggraver.<br />

Chez une autre personne, à laquelle j'ai donné<br />

des soins, le délire partiel consistait surtout <strong>en</strong> scru-<br />

pules religieux exagérés. On vit madame D...<br />

(observ. 57) se mettre à fréqu<strong>en</strong>ter les églises, se<br />

confesser presque chaque semaine, tourm<strong>en</strong>ter son<br />

confesseur de ses préoccupations sans cesse r<strong>en</strong>ais-<br />

santes, abandonner bi<strong>en</strong>tôt sa maison et ses <strong>en</strong>fants<br />

pour se livrer à des pratiques religieuses qui lui<br />

étai<strong>en</strong>t jadis tout à fait étrangères; la maladie avait<br />

débuté six semaines après l'accouchem<strong>en</strong>t; elle re-<br />

connaissait à la fois pour causes l'hérédité, les gros-<br />

sesses nombreuses et rapprochées, et une hémorra-<br />

gie puerpérale. Au bout de sept mois, grâce à<br />

l'isolem<strong>en</strong>t et à un traitem<strong>en</strong>t conv<strong>en</strong>able, on ob-<br />

tint une amélioration très-considérable; la malade<br />

r<strong>en</strong>tra dans sa famille où la guérison s'est conso-<br />

lidée; un an après, ri<strong>en</strong> n'était v<strong>en</strong>u troubler sa santé.<br />

Enfin, comme dernier exemple de monomanie<br />

intellectuelle surv<strong>en</strong>ue peu de jours après l'accou-<br />

chem<strong>en</strong>t, je citerai un fait relaté dans le savant<br />

ouvrage de M. Calmeil. (Observ. 56.) (1) H est dif-<br />

(1) Calmeil, Delà folie, t. II, p. 200.


300 DE LA MONOMANIE<br />

fîcile de ne pas y voir un de ces cas de folie instan-<br />

tanée sur lesquels M. Boileau de Castelnau a appelé<br />

l'all<strong>en</strong>tion des médecins légistes et dont l'exist<strong>en</strong>ce<br />

me parait incontestable (1).<br />

§2. Si les observations ijui précèd<strong>en</strong>t ne manqu<strong>en</strong>t<br />

pas d'importance au point de vue delà pathologie<br />

m<strong>en</strong>tale, <strong>en</strong> démontrant l'exist<strong>en</strong>ce d'un délire<br />

partiel qui peut se développer chez les nouvelles<br />

accouchées, tout <strong>en</strong> laissant intacte une bonne par-<br />

tie de l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dem<strong>en</strong>t, les faits dont nous allons nous<br />

occuper, <strong>en</strong> ont peut-être plus <strong>en</strong>core au point de<br />

vue des questions médico-légales qu'ils soulèv<strong>en</strong>t.<br />

Je veux parler de ces cas de monomanies impulsives<br />

dont on r<strong>en</strong>contre ici d'irrécusables exemples. Quel-<br />

ques femmes, peu après l'accouchem<strong>en</strong>t, sont prises<br />

d'un désir irrésistible de boire, d'une véritable dyp-<br />

somanie dont il n'est pas difficile de prévoir toutes<br />

les conséqu<strong>en</strong>ces. D'autres ofîr<strong>en</strong>t des exemples de<br />

monomanie homicide, monomanie qui a été l'objet<br />

de tant de discussions, mais dont l'exist<strong>en</strong>ce ne me<br />

paraît pas douteuse.<br />

Le docteur Barbier (d'Ami<strong>en</strong>s) a communiqué à<br />

l'Académie de médecine un fait qui a eu un grand<br />

ret<strong>en</strong>tissem<strong>en</strong>t, et qu'Esquirol cile <strong>en</strong> détail dans<br />

son ouvrage (2). Il s'agit d'une femme (observ. 57)<br />

(1) Annales d'hygiène publique et de médecine légale, l. XLV,<br />

p. 215 et 437.<br />

(2) Esquiiol, Des maladies m<strong>en</strong>taleSj t. 11^ p. 825.


CHEZ LES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 301<br />

nommée Marguerite Molli<strong>en</strong>s, sujelte à divers acci-<br />

d<strong>en</strong>ts nerveux, qui, cinq jours après son accouche-<br />

m<strong>en</strong>t, ayant été vivem<strong>en</strong>t impressionnée par l'his-<br />

toire de la fille Cornier, qu'on avait racontée devant<br />

elle, fut prise d'une impulsion irrésistible qui la<br />

portait à tuer son <strong>en</strong>fant. Un jour elle s<strong>en</strong>t son bras<br />

se porter involontairem<strong>en</strong>t vers un couteau, et se<br />

met à crier au secours; on accourt, elle se calme et<br />

avoue <strong>en</strong> pleurant l'impulsion qui la domine... La<br />

malade <strong>en</strong>tra à l'Hôtel-Dieu d'Ami<strong>en</strong>s; au bout de<br />

six semaines d'un traitem<strong>en</strong>t conv<strong>en</strong>able, elle était<br />

assez bi<strong>en</strong> rétablie pour pouvoir <strong>en</strong>trer comme do-<br />

mestique dans une maison; depuis, sa guérison ne<br />

s'est pas dém<strong>en</strong>tie.<br />

Le docteur Michu (1) a donné l'histoire d'une<br />

femme de la campagne, accouchée depuis dix jours<br />

de son premier <strong>en</strong>fant, qui, subitem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> jetant<br />

les yeux sur lui, se s<strong>en</strong>tit agitée du désir de l'égor-<br />

ger. Cette idée la fit frémir, elle sortit aussitôt pour<br />

se soustraire à ce funeste p<strong>en</strong>chant. R<strong>en</strong>trée chez<br />

elle, elle éprouva la même impression... alors elle<br />

s'éloigna de nouveau, se r<strong>en</strong>dit à l'église, puis chez<br />

lecuré, auquel elle confia tout; ce dernier l'adressa<br />

à un médecin qui lui donna les soins conv<strong>en</strong>ables;<br />

au bout de huit jours la malade était rev<strong>en</strong>ue à des<br />

dispositions plus heureuses : elle vit son <strong>en</strong>fant, mais<br />

(1) F.sqiiirol, t. Il, p. 808^ et J, L. Michu, Discussion médico-<br />

légale sur la rr.onomanie homicide, Paris, 1826.


302 DE LA MONOMANIE<br />

on jugea conv<strong>en</strong>able de le laisser avec sa nour-<br />

rice.<br />

Le médecin légiste, lorsqu'il sera appelé à donner<br />

son avis dans un cas de cette nature, devra procé-<br />

der à l'exam<strong>en</strong> de l'état m<strong>en</strong>tal du sujet, sans t<strong>en</strong>ir<br />

aucun compte de l'accouchem<strong>en</strong>t réc<strong>en</strong>t; il devra<br />

chercher si, dans les antécéd<strong>en</strong>ts de l'accusée, dans<br />

les circonstances qui ont accompagné le crime, il se<br />

trouve des traces manifestes d'une impulsion irrésis-<br />

tible, ou d'une idée délirante qui a pu modifier sa<br />

liberté morale et lui <strong>en</strong>lever la responsabilité de ses<br />

actes. Comme modèle de la manière de procéder <strong>en</strong><br />

semblable circonstance, je citerai un Mémoire ré-<br />

digé par Cazauvieilh (1), à propos d'une femme qui,<br />

deux jours après son accouchem<strong>en</strong>t, empoisonna<br />

son <strong>en</strong>fant<strong>en</strong>luifaisant avaler de l'acide suifurique,<br />

p<strong>en</strong>dant l'abs<strong>en</strong>ce de sa nourrice et de son mari.<br />

Ri<strong>en</strong> dans les antécéd<strong>en</strong>ts de cette malade, ri<strong>en</strong><br />

dans les circonstances qui ont précédé ou accom-<br />

pagné le crime, ne pouvait faire croire à un délire<br />

même mom<strong>en</strong>tané; le crime n'était chez cette ma-<br />

lade, comme chez tant d'autres, que le résultat<br />

d'un faux calcul.<br />

§ 3. Les généralités que nous avons données plus<br />

haut sur les causes de la folie puerpérale sont rigou-<br />

reusem<strong>en</strong>t applicables aux cas peu nombreux de<br />

(i ) Annales d'hygiène et de médecine légale, 1« série, Paris, 1 836,<br />

t. XVI, p. 121.


CHEZ LES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 303<br />

monomanie puerpérale que la sci<strong>en</strong>ce prés<strong>en</strong>te. Mais,<br />

àpartces points, on ne voit ni dans leurs symptômes,<br />

ni dans leur marche, ni dans leur terminaison, ri<strong>en</strong><br />

qui les distingue des faits ordinaires de monomanie ;<br />

seulem<strong>en</strong>t j'ai été frappé de voir sur cinq cas de dé->^<br />

lire partiel quatre faits de guérison bi<strong>en</strong> constatée;<br />

cette proportion est évidemm<strong>en</strong>t très-considérable,<br />

et sans vouloir tirer une conclusiong énérale d'un<br />

nombre de faits fort restreint, je serais disposé à<br />

croire, pour la monomanie comme pour la mélan-<br />

colie, que lorsque le point de départ de la maladie<br />

est dans l'état puerpéral, elle offre moins de gravité<br />

que quand elle se développe spontaném<strong>en</strong>t ; alors<br />

<strong>en</strong> effet on est <strong>en</strong> droit d'espérer qu'elle pourra dis-<br />

paraître avec l'état général de l'économie qui lui a<br />

donné naissance.<br />

§ 4. Enfin j'ai observé, àla suite de l'accouchem<strong>en</strong>t,<br />

une forme particulière de folie, qu'il est difficile de<br />

faire r<strong>en</strong>trer dans les descriptions classiques de la<br />

pathologie m<strong>en</strong>tale, mais dont l'étude n'est pas ce-<br />

p<strong>en</strong>dant dépourvue d'intérêt; peut-être pourrait-on •<br />

lui appliquer cette dénomination de dém<strong>en</strong>ce aiguë<br />

donnée inexactem<strong>en</strong>t par Pinel, Esquirol, àla mé-<br />

lancolie avec stupeur, et rejetée maint<strong>en</strong>ant par la<br />

plupart des auteurs. Il ne s'agit pas <strong>en</strong> effet, comme<br />

chez les sujets atteints de mélancolie avec stupeur,<br />

d'un délire tout intérieur caché sous les appar<strong>en</strong>ces<br />

d'une stupidité profonde ; il ne s'agit pas non plus


304 DE LA MONOMANIE<br />

de cette susp<strong>en</strong>sion des fonctions intellectuelles que<br />

quelques médecins admett<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> à tort se-<br />

lon nous. Ici il y a bi<strong>en</strong> évidemm<strong>en</strong>t affaiblissem<strong>en</strong>t<br />

des facultés intellectuelles; la mémoire disparaît,<br />

les idées se dissoci<strong>en</strong>t, les malades perd<strong>en</strong>t la notion<br />

de la valeur et des rapports des différ<strong>en</strong>ts objets;<br />

seulem<strong>en</strong>t, et c'est là le point important, cette dé-<br />

m<strong>en</strong>ce qui survi<strong>en</strong>t rapidem<strong>en</strong>t sous l'influ<strong>en</strong>ce<br />

d'une hémorragie puerpérale très-abondante, ou<br />

de causes débilitantes d'une grande énergie, guérit<br />

non moins rapidem<strong>en</strong>t, grâce à un traitem<strong>en</strong>t ana-<br />

leptique suffisamm<strong>en</strong>t prolongé; on dirait que, dans<br />

les cas de ce g<strong>en</strong>re, l'organe cérébral reste parfaite-<br />

m<strong>en</strong>t intact avec toutes ses propriétés physiques et<br />

physiologiques; s'il ne peut fonctionner, c'est faute<br />

d'une stimulation conv<strong>en</strong>able; mais les forces intel-<br />

lectuelles revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t vite dès que le sang a repris sa<br />

composition normale et ses propriétés excitantes.<br />

Cet affaiblissem<strong>en</strong>t des facultés intellectuelles, et<br />

surtout de la mémoire , peut être général ou<br />

partiel.<br />

Nous avons observé à la Salpêtrière un exemple<br />

très-remarquable d'atfaiblissem<strong>en</strong>t général de toutes<br />

les facultés intellectuelles. (Obs. 59.) C'était chez<br />

une femme jeune <strong>en</strong>core, mais de constitution ché-<br />

tive et affaiblie par d'incessan tes grossesses et d'abon-<br />

dantes pertes de sang; les désordres intellectuels, qui<br />

avai<strong>en</strong>t apparu déjà p<strong>en</strong>dant une précéd<strong>en</strong>te gros-


CHEZ LES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 305<br />

sesse, se montrèr<strong>en</strong>t plus caractérisés que jamais<br />

après un dernier accouchem<strong>en</strong>t suivi d'une hé-<br />

morragie considérable; la malade s'égarait dans<br />

les rues, elle faisait des potages avec des har<strong>en</strong>gs<br />

saurs; elle mangeait du chaibon, croyant manger du<br />

pain; <strong>en</strong>fin elle avait oublié les détails les plus élé-<br />

m<strong>en</strong>taires de son ménage. Cet état n'était compliqué<br />

ni d'hallucinations, ni de conceptions délirantes, ni<br />

d'aucun symptôme de paralysie générale; à peine<br />

existait-il par instants un peu d'agitation. En peu de<br />

semaines, sous l'influ<strong>en</strong>ce du fer, du quinquina et<br />

d'une bonne nourriture, tous ces phénomènes dispa-<br />

rur<strong>en</strong>t, et la malade revint à une santé complète.<br />

Il <strong>en</strong> fut de même d'une femme <strong>en</strong>trée <strong>en</strong><br />

mars 1856 dans le service de M. Mitivié. Accou-<br />

chée un mois auparavant à l'hôpital Saint-Antoine,<br />

elle arriva sans aucun r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, très-pâle,<br />

très-anémique. Elle n'offrait pas, à proprem<strong>en</strong>t<br />

parler, de délire, restait calme et régulière, mais<br />

toutes ses facultés intellectuelles étai<strong>en</strong>t notable-<br />

m<strong>en</strong>t affaiblies; elle ne compr<strong>en</strong>ait pas ce qu'on<br />

lui disait, répondait de travers et se montrait bizarre<br />

dans ses allures. Au bout de 25 jours, elle était<br />

guérie et quittait la Salpêtrière. On lui donnait du<br />

fer et des toniques.<br />

Les cas de ce g<strong>en</strong>re doiv<strong>en</strong>t être rapprochés des<br />

troubles intellectuels qu'il n'est pas rare d'obser-<br />

ver chez les sujets qui ont perdu tout à coup une<br />

so


306 DE LA M0N0»L4NIE<br />

grande quantité de sang, ou chez ceux qui sont at-<br />

teints de perles séminales. Chez ces derniers ma-<br />

lades, les hallucinations, les conceptions délirantes<br />

s'accompagn<strong>en</strong>t à peu près constamm<strong>en</strong>t d'affai-<br />

blissem<strong>en</strong>t de la mémoire et des autres facultés, et<br />

même cet état de dém<strong>en</strong>ce est, pour ainsi dire, un<br />

indice assuré de la nature de la maladie (1).<br />

Les lésions de la mémoire, au lieu d'élre aussi<br />

générales, peuv<strong>en</strong>t être partielles ou même ne por-<br />

ter que sur un fait isolé. Capuron (Cours (Taccoiiche-<br />

m<strong>en</strong>ls, p. 38) rapporte le fait suivant: Une jeune<br />

dame, à l'issue d'une première couche fort doulou-<br />

reuse, éprouva une vive affection morale qui <strong>en</strong>-<br />

traîna une syncope prolongée; rev<strong>en</strong>ue à elle au<br />

bout de trois jours, elle ne se rappelait aucunem<strong>en</strong>t<br />

être réellem<strong>en</strong>t accouchée; cette amnésie se pro-<br />

longea p<strong>en</strong>dant plusieurs mois. — Louyer-Viller-<br />

may (2) cite une observation analogue : « Une jeune<br />

dame fort spirituelle et fort respectable, après de<br />

longues traverses et des contrariétés de sa famille,<br />

épouse un homme qu'elle aimait passionném<strong>en</strong>t;<br />

lors de sa première couche, il survint un accid<strong>en</strong>t<br />

accompagné d'une longue faiblesse, au sortir de<br />

laquelle elle avait tout à fait perdu la mémoire<br />

(1) Claude, De la folie causée par les pertes séminales. Thèse,<br />

p. 30, Paris, 1849.<br />

(2) Essai sur les maladies de la mémoire. Mémoires de la Société<br />

de médecine de Paris.


CHEZ LES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 307<br />

du temps qui s'était écoulé depuis son mariage<br />

inclusivem<strong>en</strong>t-, elle se rappelait fort exactem<strong>en</strong>t<br />

tout le reste de sa vie jusque-là. Mais depuis cet<br />

instant tout lui était parfaitem<strong>en</strong>t inconnu ; elle<br />

repoussa même avec effroi, dans les premiers in-<br />

stants, son mari et son <strong>en</strong>fant qu'il lui prés<strong>en</strong>tait.<br />

Depuis elle n'a jamais pu recouvrer la mémoire<br />

de celte période de sa vie, ni des événem<strong>en</strong>ts qui<br />

l'ont accompagnée. »<br />

La pi'incipale préoccupation du médecin, lorsqu'il<br />

se trouve <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce de faits semblables, doit être<br />

de rechercher si les symptômes de dém<strong>en</strong>ce ne sont<br />

pas compliqués de quelque lésion des mouvem<strong>en</strong>ts,<br />

épilepsie ou paralysie générale, ou s'il n'existait pas<br />

auparavant quelque affection m<strong>en</strong>tale dont la dé-<br />

m<strong>en</strong>ce serait alors la terminaison. Une fois cette<br />

question élucidée, il pourra porter un pronostic<br />

favorable et diriger le traitem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> conséqu<strong>en</strong>ce.<br />

54* Observation. — Hallucinations de Voriie surv<strong>en</strong>ant après l'ac-<br />

couchem<strong>en</strong>t, dans l'état intermédiaire à la veille et au sommeil.<br />

Thalie Ch..., couturière, âgée de 22 ans, <strong>en</strong>ceinte<br />

de neuf mois, est confiée, le 13 août 1857, aux soins<br />

de M. le docteur Charrier.<br />

D'une bonne santé habituelle, elle a été réglée<br />

à 15 ans pour la première fois, et depuis a éprouvé<br />

de fréqu<strong>en</strong>tes irrégularités dans la m<strong>en</strong>struation. Elle


SOS DE LA MONOMANIE<br />

est sujette à des gastralgies très-viol<strong>en</strong>tes, et raconte<br />

que sa mère a éprouvé à diverses reprises des acci-<br />

d<strong>en</strong>ts nerveux avec délire, caractérisés par les méde-<br />

cins d'hystérie et d'hypocondrie. Elle n'offre pas<br />

d'autre antécéd<strong>en</strong>t héréditaire.<br />

La grossesse s'est assez bi<strong>en</strong> passée; il y a eu quel-<br />

ques vomissem<strong>en</strong>ts p<strong>en</strong>dant les trois premiers mois,<br />

quelques syncopes vers le quatrième ou le cinquième<br />

mois, plus tard des crampes, mais <strong>en</strong> somme l'état<br />

moral a toujours élé satisfaisant.<br />

C'est le 13, à quatre heures du soir, que les pre-<br />

mières douleurs se manifestèr<strong>en</strong>t. La rupture des<br />

membranes s'est opérée vers minuit ; l'accouchem<strong>en</strong>t<br />

était terminé le 14 au matin à huit heures. L'<strong>en</strong>fant,<br />

au mom<strong>en</strong>t de la naissance, pesait 3 kilogrammes<br />

250 grammes.<br />

Le soir même de l'accouchem<strong>en</strong>t (14 août), la<br />

malade, <strong>en</strong> voulant dormir, s'est <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due parler<br />

elle-même, et cep<strong>en</strong>dant elle ne prononçait ri<strong>en</strong>.<br />

Les phrases qui frappai<strong>en</strong>t ses oreilles étai<strong>en</strong>t dites<br />

à voix basse, et cont<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t toutes des bêlises. Dès<br />

qu'elle fermait les yeux, elle voyait toutes les per-<br />

sonnes du service devant elle ; elle apercevait et s<strong>en</strong>-<br />

tait des animaux qui montai<strong>en</strong>t et courai<strong>en</strong>t sur son<br />

lit, <strong>en</strong> même temps elle avait des visions qui lui<br />

faisai<strong>en</strong>t croire qu'elle était couchée avec des mon-<br />

stres, des diables, des morts. Une fois les yeux ou-<br />

verts, les hallucinations disparaissai<strong>en</strong>t.


CHEZ LES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 309<br />

Je n'ai pu revoir la malade que le 28 août. De-<br />

puis son accouchem<strong>en</strong>t, l'insomnie a été à peu près<br />

complète, et c'est à peine si elle a pu reposer dans<br />

la nuit du 26 au 27. Cep<strong>en</strong>dant la figure est au-<br />

jourd'hui moins inquiète et moins agitée, et elle<br />

peut très-nettem<strong>en</strong>t se r<strong>en</strong>dre compte de son état,<br />

se plaignant avec vivacité des visions qui l'obsè-<br />

d<strong>en</strong>t.<br />

Les suites de couches n'offr<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> d'anormal;<br />

la malade essaie d'allaiter, mais elle a fort peu<br />

de lait.<br />

Quelques symptômes d'embarras gastrique ont fait<br />

administrer un vomitif, il y a quelques jours ; on se<br />

cont<strong>en</strong>te <strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t de l'opium à petite dose et<br />

de bains lièdes tous les deux jours.<br />

Le 3 septembre, la malade <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d <strong>en</strong>core des<br />

voix le soir quand elle comm<strong>en</strong>ce à dormir, mais<br />

elle ne voit plus d'objets effrayants. La nuit se passe<br />

sans sommeil, mais aussi sans hallucinations; le ma-<br />

tin, elle peut dormir tranquille p<strong>en</strong>dant plusieurs<br />

heures.<br />

Elle essaie toujours de nourrir son <strong>en</strong>fant, mais,<br />

comme la lactation est insuffisante, elle va être for-<br />

cée de sevrer. La malade étant un peu pâle et ané-<br />

mique, on lui donne du fer, du vin de quinquina<br />

et on cesse l'opium qui l'<strong>en</strong>gourdissait, sans faire<br />

cesser les hallucinations.<br />

Je n'ai pu revoir la malade, mais j'ai appris de-<br />

'


310 DE LA MONOMANIE<br />

puis que, peu de temps après le sevrage, les halluci-<br />

nations avai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t disparu.<br />

5b* Observation (Résumé).<br />

Le docteur Barbier (d'Ami<strong>en</strong>s), a observé le fait<br />

suivant : Marguerite Molli<strong>en</strong>s, âgée de 24 ans, avait<br />

depuis trois ans des douleurs à l'épigastre avec fla-<br />

tuosilés, douleurs et gonflem<strong>en</strong>t du côté droit de<br />

l'abdom<strong>en</strong>. Elle était <strong>en</strong> même temps sujclle à des<br />

céphalalgies du sommet de la tête, à des vertiges, à<br />

des bruissem<strong>en</strong>ls d'oreilles, à des frémissem<strong>en</strong>ts<br />

dans le crâne, à des palpitations de cœur, à un s<strong>en</strong>-<br />

tim<strong>en</strong>t de constriclion vers la gorge, à un tremble-<br />

m<strong>en</strong>t des membres surv<strong>en</strong>ant par accès. Cinq jours<br />

après ses couches, à dîner, elle <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d raconter<br />

l'histoire de la fille Cornier. Molli<strong>en</strong>s est fortem<strong>en</strong>t<br />

frappée de celte horrible action, et craint dès ce mo-<br />

m<strong>en</strong>t d'avoir une pareille idée; puis celle idée la<br />

poursuit sans cesse. Un jour, s<strong>en</strong>tant son bras, dit-<br />

elle, se porter involontairem<strong>en</strong>t vers un couteau,<br />

elle se met à crier au secours. On accourt; elle se<br />

calme dès qu'elle voit qu'on ne la laissera pas libre<br />

de faire ce que sa volonté condamne; elle pleure et<br />

se désole d'avoir un tel p<strong>en</strong>chant. Conduite à l'Hôlel-<br />

Dieu d'Ami<strong>en</strong>s, elle est traitée pour ses douleurs de<br />

tête et d'épigastre ; ses angoisses et ses mauvaises


CHEZ LES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 311<br />

p<strong>en</strong>sées se pass<strong>en</strong>t petit à petit ; elle sort rétablie<br />

après six semaines.<br />

S6* Observation.<br />

La femme de George Wedering (de Halberstadt),<br />

âgée de 24 ans, modeste et vertueuse, étant accou-<br />

chée, le vingt-cinquième jour de novembre 1557,<br />

d'une fille baptisée le l<strong>en</strong>demain, ne se trouva point<br />

<strong>en</strong> son lit. La servante, voyant pleurer l'<strong>en</strong>fant, vint<br />

au lit Guidant y trouver sa maîtresse et réveiller.<br />

Étonnée de l'abs<strong>en</strong>ce, elle court éveiller son maître,<br />

qui, merveilleusem<strong>en</strong>t effrayé, pr<strong>en</strong>d l'<strong>en</strong>fant <strong>en</strong>tre<br />

ses bras, et cherche la mère par toute la maison<br />

Bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t-ils patouiller dedans l'eau du puits,<br />

proche de la cave Là-dessus on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d quelque<br />

personne au jardin de l'un d'iceux qui vi<strong>en</strong>t heur-<br />

ter à la porte, et lui ayant ouvert, ils vii<strong>en</strong>t la pauvre<br />

accouchée presque transie de froid, se plaignant<br />

d'avoir longtemps trempé au puits, dont faisai<strong>en</strong>t<br />

foi ses vêlem<strong>en</strong>ts tout mouillés. Enquisc comm<strong>en</strong>t<br />

elle était devallée <strong>en</strong> ce puits, bi<strong>en</strong> couvert et bi<strong>en</strong><br />

clos, et qui n'avait qu'une petite f<strong>en</strong>être fort étroite,<br />

elle n'<strong>en</strong> savait r<strong>en</strong>dre raison, et n'y avait homme<br />

qui pût compr<strong>en</strong>dre comm<strong>en</strong>t cela s'était fait.<br />

Ayant été depuis grièvem<strong>en</strong>t malade l'espace de<br />

quelques jours, elle comm<strong>en</strong>ça de se bi<strong>en</strong> porter,


312 DE LA MONOMANIE<br />

tellem<strong>en</strong>t que le quatorzième de décembre elle se<br />

leva du lit, emmaillolta son <strong>en</strong>fant et se mit à table<br />

pour dîner. Comme la servante fut allée à la cave<br />

pour tirer de la bière, elle se remet au lit et s'<strong>en</strong>-<br />

dort. La servante, de retour, voit la maîtresse dor-<br />

mant, mais le berceau vide. Tout effrayée, elle court<br />

au puits, qui lui revi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> p<strong>en</strong>sée, et voit l'<strong>en</strong>fant<br />

sur l'eau La mère dormait comme une femme<br />

du tout assoupie. Après la prière faite au pied de<br />

son lit, elle ouvre les yeux et comm<strong>en</strong>ce à dire aux<br />

assistants : Pourquoi m'avez-vous éveillée? je jouis-<br />

sais d'un cont<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t indicible, j'ai vu mon Sau-<br />

veur, j'ai ouï les anges. S'estant remise à dormir, au<br />

bout de quatre heures elle s'éveille, se souvi<strong>en</strong>t de<br />

son <strong>en</strong>fant, et, ne le trouvant pas, s'afflige et se tour-<br />

m<strong>en</strong>te d'un façon pitoyable (1).<br />

B"7* Observation. — Cinquième grossesse. Hémorragie puerpérale.<br />

Vers la sixième semaine après l'accouchem<strong>en</strong>t, monomanie,<br />

scrupules religieux. Sept mois de durée. Guérison.<br />

Madame D... G..., âgée de 28 ans, a une tante<br />

maternelle qui est morte aliénée; une autre tante<br />

a éprouvé, à diverses reprises, des accès de mélan-<br />

colie, mais est maint<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> bonne santé.<br />

{l)Calmeil, De /a /bhe, considérée sons le point de vue patholo-<br />

gique, philosophique, historique et judiciaire, 1. 1, p. 200.


CHEZ LES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 313<br />

Madame D... a été bi<strong>en</strong> portante p<strong>en</strong>dant sa jeu-<br />

nesse; m<strong>en</strong>slruée à 13 ans, elle l'a toujours été ré-<br />

gulièrem<strong>en</strong>t depuis cette époque, à part une amé-<br />

norrhée qui a duré dix mois. Mariée à 19 ans, et<br />

dev<strong>en</strong>ue <strong>en</strong>ceinte six mois après, elle fait une fausse<br />

couche à trois mois, sans qu'il <strong>en</strong> soit résulté ri<strong>en</strong><br />

de fâcheux. Bi<strong>en</strong>tôt elle redevint grosse, et, cette<br />

fois, donna naissance aune fille qui naquit à terme<br />

et fut mise <strong>en</strong> nourrice. Au bout de quinze jours,<br />

la malade, tout à fait rétablie, avait repris ses habi-<br />

tudes de travail. Une troisième grossesse est surve-<br />

nue au bout de dix-huit moio; naissance d'une fille<br />

qui fut <strong>en</strong>core mise <strong>en</strong> nourrice; la mère se rétablit<br />

très-promplem<strong>en</strong>t. Au bout de cinq mois, qua-<br />

trième grossesse; une troisième fille naquit à terme,<br />

<strong>en</strong>core sans accid<strong>en</strong>ts fâcheux; prompt rétablisse-<br />

m<strong>en</strong>t de la mère.<br />

Un intervalle de vingt-sept mois sépare cette der-<br />

nière grossesse d'une cinquième, qui s'est égalem<strong>en</strong>t<br />

bi<strong>en</strong> passée, mais l'accouchem<strong>en</strong>t a été un peu long<br />

et s'est accompagné d'une perte de sang assez abon-<br />

dante; cette fois la mère ne put comm<strong>en</strong>cer à se<br />

lever qu'au bout de quinze jours.<br />

P<strong>en</strong>dant les semaines qui suivir<strong>en</strong>t, la santé phy-<br />

sique fui moins parfaite, il survint quelques dou-<br />

leurs d'estomac, du malaise, de la fatigue à la suite<br />

de la station un peu prolongée. Les règles appa-<br />

rur<strong>en</strong>t, pour la première fois, vers la fin de février,


314 DE LA MONOMANIE<br />

six semaines après raccouchem<strong>en</strong>t, et c'est alors<br />

aussi que comm<strong>en</strong>cèr<strong>en</strong>t à se manifester, à propos<br />

du carême, quelques scrupules religieux. Madame<br />

D..., fort instruite, très-inlellig<strong>en</strong>te, pratiquait ses<br />

devoirs religieux, mais à intervalles éloignes; elle<br />

transforme son g<strong>en</strong>re de vie ; elle quitte furtivem<strong>en</strong>t<br />

la maison pour passer de longues lieures dans les<br />

églises; elle se confesse souv<strong>en</strong>t et, craignant que<br />

ses confessions ne soi<strong>en</strong>t incomplètes, elle y revi<strong>en</strong>t<br />

incessamm<strong>en</strong>t. P<strong>en</strong>dant les mois de mars et d'avril,<br />

les règles fur<strong>en</strong>t plus abondanlos et revinr<strong>en</strong>t tous<br />

les quinze jours, <strong>en</strong> même temps l'état m<strong>en</strong>tal s'ag-<br />

gravait : insomnies, préoccupations incessantes,<br />

<strong>en</strong>nui, dégoût. Elle néglige sa maison et ses <strong>en</strong>fants,<br />

ne peut s'appliquer à ri<strong>en</strong>, et est tout <strong>en</strong>tière ab-<br />

sorbée par les craintes religieuses, sans que les<br />

exhortations du prêtre qui la confessait puiss<strong>en</strong>t<br />

avoir sur elle la moindre influ<strong>en</strong>ce. Des idées de<br />

suicide, réveillées par la vue d'une personne dont<br />

le g<strong>en</strong>dre v<strong>en</strong>ait de se tuer, fur<strong>en</strong>t tout à fait pas-<br />

sagères et n'am<strong>en</strong>èr<strong>en</strong>t aucune t<strong>en</strong>tative fâcheuse.<br />

Tel était son état, méconnu et aggravé par les<br />

interprétations des personnes de son <strong>en</strong>tourage,<br />

lorsque je fus appelé à lui donner des soins<br />

(6 mai 1857).<br />

Madame D... r<strong>en</strong>dait parfaitem<strong>en</strong>t compte de sa<br />

situation morale, elle causait avec beaucoup d'in-<br />

tellig<strong>en</strong>ce et de lucidité, mais dès qu'on abordait le


CHEZ LES NOUVELLES ACCOUCHEES. 315<br />

sujet de son délire, les rèliccnces, les réponses éva-<br />

sives ne lardai<strong>en</strong>t pas à v<strong>en</strong>ir.'<br />

La santé physique est assez satisfaisante, seule-<br />

m<strong>en</strong>t le pouls est très-peu développé, et les mu-<br />

queuses sont assez pâles. Pas de bruit de souffle au<br />

cœur, ni dans les gros vaisseaux ; les fonctions di-<br />

gestivcssont bonnes, sauf un peu de constipation.<br />

Le traitem<strong>en</strong>t fat ainsi institué : isolem<strong>en</strong>t dans<br />

une maison de santé^ du fer, une nourrilure tonique,<br />

afîusions froides, exercices gymnasliques, occupa-<br />

tions manuelles. P<strong>en</strong>dant le mois de mai, ce trai-<br />

tem<strong>en</strong>t fut exactem<strong>en</strong>t suivi, mais il n'y eut pas<br />

d'amélioration bi<strong>en</strong> s<strong>en</strong>sible; même s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t<br />

d'<strong>en</strong>nui et de dégoût; quand les scrupules religieux<br />

repr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t de Tint<strong>en</strong>sité, la malade ne peut ni cau-<br />

ser, ni travailler, ni dormir : elle pleure alors p<strong>en</strong>-<br />

dant des heures <strong>en</strong>tières et s'accuse de ne plus p<strong>en</strong>-<br />

ser à son mari et à ses <strong>en</strong>fants avec les mêmes<br />

s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts d'affection. Les règles vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t régu-<br />

lièrem<strong>en</strong>t et amèn<strong>en</strong>t avec elles un peu d'agita-<br />

tion.<br />

En juin, il y a un peu de changem<strong>en</strong>t dans l'état<br />

de la malade, des journées <strong>en</strong>tières se pass<strong>en</strong>t dans<br />

un calme parfait, mais, dans certains mom<strong>en</strong>ts, l'a-<br />

battem<strong>en</strong>t et les craintes revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core, et elle<br />

demande instamm<strong>en</strong>t avoir un prêtre pour se con-<br />

fesser et mettre fin à ses scrupules. Elle ne témoigne<br />

pas le désir de revoir ses <strong>en</strong>fants, et veut qu'on


316<br />

DE LA MONOMANIE<br />

éloigne les visites de son mari qui lui produis<strong>en</strong>t une<br />

impression trop vive.<br />

L'amélioration se prononce très-nettem<strong>en</strong>t au<br />

mois de juillet; la malade r<strong>en</strong>once d'elle-même à<br />

voir un confesseur, redevi<strong>en</strong>t maîtresse de ses idées,<br />

et peut facilem<strong>en</strong>t être détournée de ses craintes<br />

lorsqu'elles revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core. Le sommeil est par-<br />

fait. Le même traitem<strong>en</strong>t fut continué avec persé-<br />

yérance et varié chaque jour dans ses détails; et, à<br />

partir des derniers jours de juillet, la marche vers<br />

la guérison a été l<strong>en</strong>te, mais constante. Madame D...<br />

a pu, cinq semaines après, r<strong>en</strong>trer dans sa famille;<br />

j'ai eu de ses nouvelles, et la guérison ne s'est pas<br />

dém<strong>en</strong>tie.<br />

58* Observation. — Sixième grossesse. Préoccupations maladives.<br />

Accouchem<strong>en</strong>t. Hémorragies abondantes. Accès de délire au bout<br />

de six semaines. Persistance des hallucinations de l'ouïe et de<br />

plusieurs conceptions délirantes; pas d'amélioration au bout de<br />

trois ans.<br />

Madame R..., âgée de 46 ans, grande, bi<strong>en</strong> dé-<br />

veloppée, un peu obèse, d'une robuste constitution,<br />

mais nerveuse et impiessionnable, n'a jamais fait<br />

p<strong>en</strong>dant sa vie de maladie grave; son père a suc-<br />

combé dans un âge avancé à une maladie du cœur,<br />

sa mère est morte <strong>en</strong> couches, personne de sa famille<br />

n'a été atteint de maladie m<strong>en</strong>tale, sauf une nièce,


CHEZ LES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 317<br />

qui, après ses couches, est restée p<strong>en</strong>dant deux mois<br />

mélancolique.<br />

Madame R... avait eu cinq <strong>en</strong>fants : trois d'<strong>en</strong>tre<br />

eux étai<strong>en</strong>t morts <strong>en</strong> bas âge, et elle <strong>en</strong> avait éprouvé<br />

un vif chagrin; il lui <strong>en</strong> restait deux, l'un âgé de<br />

26 ans, l'autre de 18, lorsque, il y a deux ans (elle<br />

avait alors 44 ans), elle devint <strong>en</strong>ceinte; celte gros-<br />

sesse inatt<strong>en</strong>due lui causa un vif désappointem<strong>en</strong>t.<br />

Elle la cacha le plus longtemps possible, et même se<br />

mit à travailler p<strong>en</strong>dant la nuit, pour ne pas être<br />

vue préparant la layette de son <strong>en</strong>fant. Bi<strong>en</strong>tôt ses<br />

préoccupations prir<strong>en</strong>t une ext<strong>en</strong>sion plus grande,<br />

elle se levait la nuit pour voir si les portes étai<strong>en</strong>t<br />

bi<strong>en</strong> fermées, elle craignait que quelqu'un ne fût<br />

caché chez elle ; elle mettait volontiers <strong>en</strong> défiance<br />

les personnes de son <strong>en</strong>tourage. L'accouchem<strong>en</strong>t eut<br />

lieu le 23 mars 1855, sans incid<strong>en</strong>t fâcheux, seule-<br />

m<strong>en</strong>t l'hémorragie fut assez abondante.<br />

La petite fille qui vint au monde eut une nourrice<br />

dans la maison, mais à la fin du premier mois, des<br />

querelles qui s'élevèr<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre elle et les autres do-<br />

mestiques, préoccupèr<strong>en</strong>t beaucoup madame R...;<br />

il est remarquable d'ailleurs que, quinze jours après<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t, il survint une hémorragie utérine<br />

légère, mais persistante, qui, sans empêcher la ma-<br />

lade de vaquer à ses occupations, l'affaiblissait d'une<br />

manière notable et la jetait dans une grande agita-<br />

tion.


318 DE LA MONOMANIE<br />

Plus que jamais madame R... se méfiait de tous<br />

ses domestiques : elle se levait le matin, se couchait<br />

tard pour s'assurer si toutes les portes étai<strong>en</strong>t fer-<br />

mées, parlait sans cesse de ses craintes, négligeait<br />

son ménage. Enfin, dans la première quinzaine de<br />

mai, six semaines après l'accouchem<strong>en</strong>t, elle se mit<br />

un jour <strong>en</strong> grande toilette et passa toute la journée<br />

<strong>en</strong> visite chez ses connaissances, même chez celles<br />

qu'elle voyait rarem<strong>en</strong>t; puis elle fut dans un hô-<br />

pital où se trouvai<strong>en</strong>t quelques <strong>en</strong>fants malades qui<br />

la frappèr<strong>en</strong>t vivem<strong>en</strong>t. De retour chez elle, elle<br />

montra une grande exaltation; le soir, l'hémorra-<br />

gie, qui persistait depuis un mois, s'arrêta d'elle-<br />

même; un accès de fièvre survint, et le délire éclata<br />

dans toute sa viol<strong>en</strong>ce; il fallait deux hommes pour<br />

la maint<strong>en</strong>ir.<br />

Le médecin, appelé le l<strong>en</strong>demain matin, lui pra-<br />

tiqua une forte saignée, et ordonna, quelques<br />

heures plus tard, une application de sangsues, puis<br />

un bain pour la nuit avec application d'eau froide<br />

sur la tète. Cette agitation excessive dura huit à dix<br />

jours, elle était caractérisée par une grande exalta-<br />

tion des facultés intellectuelles qui avai<strong>en</strong>t acquis un<br />

développem<strong>en</strong>t tout à fait inusité, par des hallucina-<br />

tions de l'odorat (la malade croyait avoir apporté avec<br />

elle toutes les odeurs de l'hôpital), par des halluci-<br />

nations de l'ouïe et une s<strong>en</strong>sibilité excessive de cet<br />

organe : les moindres bruits exaspérai<strong>en</strong>t la malade.


CHEZ LES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 319<br />

Après la disparition de ces accid<strong>en</strong>ts aigus, la<br />

malade fut loin de se rétablir; survinr<strong>en</strong>t les préoc-<br />

cupations et les craintes, exagérées <strong>en</strong>core par une<br />

<strong>en</strong>trevue avec une religieuse qui crut devoir lui<br />

faire <strong>en</strong>visager l'av<strong>en</strong>ir sous un aspect un peu som-<br />

bre; les hallucinations de l'ouïe persistèr<strong>en</strong>t, se tra-<br />

duisant tantôt par des voix qui lui parlai<strong>en</strong>t aux<br />

oreilles, tantôt par des bruits qu'elle disait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>-<br />

dre dans sa Icle et qu'elle regardait comme le re-<br />

t<strong>en</strong>tissem<strong>en</strong>t d'un bruit qui se faisait autour d'elle :<br />

une porte qui se ferme, une charrette qui passe<br />

dans la rue, la mett<strong>en</strong>t hors d'elle-même; bi<strong>en</strong>tôt<br />

cette terreur des bruits arriva à un tel degré qu'elle<br />

fut obligée de quitter la ville qu'elle habitait, et que<br />

dans sa maison même elle était dev<strong>en</strong>ue pour tout<br />

le monde un sujet de trouble et de chagrin.<br />

P<strong>en</strong>dant deux années, cette situation est restée<br />

la même avec quelques oscillations insignifiantes.<br />

Voici quel était l'état m<strong>en</strong>tal, lorsque j'ai comm<strong>en</strong>cé<br />

à donner des soins à la malade (2 mai 1857).<br />

La crainte des bruits forme toujours le point do-<br />

minant du délire; par un exam<strong>en</strong> att<strong>en</strong>tif on finit<br />

par constater qu'il y a à la fois hypéresthésie de<br />

l'ouïe, pour des bruits existant <strong>en</strong> réalité, et <strong>en</strong><br />

même temps hallucinations de ce s<strong>en</strong>s. L'int<strong>en</strong>sité<br />

plus ou moins grande des bruits perçus par la ma-<br />

lade est le fait sur lequel se règle le degré de<br />

l'agitation; <strong>en</strong> général, ces bruits sont plus in-


320<br />

DE LA MONOMANIE<br />

t<strong>en</strong>ses le matin que le soir. Quand madame R... est<br />

distraite de ses idées délirantes, elle n'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d plus<br />

ri<strong>en</strong>; mais, lorsqu'elle est abandonnée à elle-même,<br />

elle perçoit une voix rauque partant du dehors.<br />

Cette voix dit à la malade qu'elle ne guérira pas,<br />

elle prononce des jurons, de gros mots, et la tour-<br />

m<strong>en</strong>te de mille façons. Madame R... a bi<strong>en</strong> con-<br />

sci<strong>en</strong>ce que cette voix est un phénomène morbide,<br />

mais parfois elle finit par y croire et se trouve jetée<br />

dans un trouble inexprimable, ne pouvant ni causer,<br />

ni travailler, restant immobile et ramassée sur elle-<br />

même. Autour de ce fait dominant vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t se<br />

grouper d'autres idées délirantes : madame R... a<br />

horreur de la couleur noire, qu'elle regarde comme<br />

nuisible; elle n'ose passer près d'un peintre, parce<br />

qu'il porte des couleurs; elle n'ose regarder les ob-<br />

jets <strong>en</strong> cuivre, de peur d'être empoisonnée; elle re-<br />

doute la cire placée sur le parquet, à cause de ses<br />

émanations, etc., etc.<br />

P<strong>en</strong>dantdix mois j'ai donné des soinsàla malade;<br />

<strong>en</strong> bouchant le conduit auditif, <strong>en</strong> y introduisant<br />

des narcotiques, <strong>en</strong> donnant le sulfate de quinine<br />

à haute dose, j'ai t<strong>en</strong>té <strong>en</strong> vain de modifier la s<strong>en</strong>-<br />

sibihté auditive. L'opium , à haute dose, n'a pas<br />

réussi davantage. Les afîusions froides, le fer, les<br />

toniques, les récréations de toute nature, le séjour<br />

à la campagne ont donné quelques rémissions assez<br />

marquées dans les symptômes observés, et ont sou-


CHEZ LES NOUVELLES ACCOUCHÉES. 321<br />

v<strong>en</strong>t fait croire à une notable amélioration, mais au<br />

fond l'état était le même, et, au dernier jour comme<br />

au premier, les hallucinations avai<strong>en</strong>t toujours la<br />

même int<strong>en</strong>sité.<br />

59» Observation.— Dixième grossesse. Hémorragie considérable;<br />

anémie; affaiblissem<strong>en</strong>t des facultés intellectuelles. Guérison<br />

rapide.<br />

Létonné, célibataire, âgée de 29 ans, blanchisseuse,<br />

a un oncle maternel mort aliéné à la suite de cha-<br />

grins prolongés ; du reste, pas d'autre antécéd<strong>en</strong>t<br />

héréditaire.<br />

C'est une femme petite, de constitution frêle, qui<br />

se nourrit bi<strong>en</strong> et n'a jamais éprouvé de misère.<br />

Son premier accouchem<strong>en</strong>t date de l'âge de 10 ans,<br />

et déjà elle a eu dix accouchem<strong>en</strong>ts ou fausses<br />

couches.<br />

Elle a été fort malade p<strong>en</strong>dant son avant-der-<br />

nière grossesse; elle vomissait tous les alim<strong>en</strong>ts<br />

qu'elle pr<strong>en</strong>ait , se nourrissait de laitage , et était<br />

arrivée à un degré de maigreur extrême; <strong>en</strong> même<br />

temps, il existait par le vagin un suintem<strong>en</strong>t san-<br />

guin perpétuel qui contribuait beaucoup à affai-<br />

blir la malade. Dès le début de cette grossesse, l'in-<br />

tellig<strong>en</strong>ce avait beaucoup baissé, elle perdait la<br />

mémoire, s'égarait dans les rues et était dev<strong>en</strong>ue<br />

incapable de travailler. L'accouchem<strong>en</strong>t eut lieu<br />

Si


322<br />

DE LA MONOMANIE<br />

néanmoins sans incid<strong>en</strong>t fâcheux, mais l'<strong>en</strong>fant<br />

n'avait que sept mois et demi, et il ne vécut qu'une<br />

douzaine de jours. Immédiatem<strong>en</strong>t après, sans que<br />

ses règles ai<strong>en</strong>t reparu, elle redevint <strong>en</strong>ceinte et<br />

accoucha de nouveau, <strong>en</strong> mars 1857, d'un <strong>en</strong>fant à<br />

terme actuellem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> portant; p<strong>en</strong>dant cette<br />

dernière grossesse, la malade n'eut pas de vomisse-<br />

m<strong>en</strong>ts, mais elle resta très-faible, et l'état in-<br />

tellectuel fut toujours très-peu satisfaisant ; l'ac-<br />

couchem<strong>en</strong>t fut suivi d'une perte de sang assez<br />

considérable. Immédiatem<strong>en</strong>t après la délivrance,<br />

les désordres intellectuels augm<strong>en</strong>tèr<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core, et<br />

l'incohér<strong>en</strong>ce devint complète; elle errait çà et là,<br />

s'égarant dans les rues, faisant des achats qu'elle ne<br />

pouvait payer, mâchant du charbon, mangeant de<br />

la chandelle, faisant des potages avec des har<strong>en</strong>gs<br />

saurs, <strong>en</strong>fin se livrant à des actes incohér<strong>en</strong>ts sans<br />

déhre bi<strong>en</strong> caractérisé; pas d'hallucinations, pas<br />

d'embarras dans la parole, ni d'inégalité des pu-<br />

pilles. Elle arriva à l'hôpital quelques jours après :<br />

elle était alors très-pâle, très-faible et ne pouvait<br />

se livrer à aucun travail; elle répondait tout de<br />

travers aux questions qu'on lui adressait, offrait<br />

dans ses actes une grande singularité, et parfois<br />

s'agitait sans motif, quittant son lit, errant çà et là<br />

comme les malades <strong>en</strong> dém<strong>en</strong>ce. — On lui donne<br />

du fer, du vin de quinquina et une bonne alim<strong>en</strong>-<br />

tation.


CHEZ LES NOUVELLES ACCOCCHEES. 323<br />

Le 19, elle offre déjà de ramélioration, elle dort,<br />

est plus calme, plus régulière dans ses habitudes.<br />

Au 5 mai, la convalesc<strong>en</strong>ce est complète, la malade<br />

a repris de l'embonpoint, sa figure comm<strong>en</strong>ce<br />

à se colorer, elle a plus de force, et <strong>en</strong> même temps<br />

dans l'état m<strong>en</strong>tal l'amélioration est manifeste,<br />

elle cause d'une manière suivie, bi<strong>en</strong> que se contre-<br />

disant <strong>en</strong>core de temps à autre ; elle a conservé le<br />

souv<strong>en</strong>ir de tout ce qui s'est passé, et r<strong>en</strong>d parfai-<br />

tem<strong>en</strong>t compte de son état; elle travaille toute la<br />

journée à l'atelier, et n'offre de perte de mémoire<br />

que dans certains détails ; les règles ne sont pas <strong>en</strong>-<br />

core rev<strong>en</strong>ues depuis l'accouchem<strong>en</strong>t.<br />

Vers le 15 mai, la malade quittait l'hôpital <strong>en</strong>-<br />

tièrem<strong>en</strong>t guérie, et était r<strong>en</strong>due à sa famille.


§ 1". La folie qui se développe chez les nourrices<br />

CHAPITRE III.<br />

DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

se rattache intimem<strong>en</strong>t à la folie puerpérale. Nous<br />

n'ignorons pas que, pour la plupart des auteurs,<br />

l'état puerpéral cesse avec l'écoulem<strong>en</strong>t lochial,<br />

c'est-à-dire tr<strong>en</strong>te ou quarante jours après la déli-<br />

vrance, mais lorsqu'une femme se met à allaiter,<br />

elle se mainti<strong>en</strong>t dans un état spécial qui, par ses<br />

connexions intimes avec les actes accomplis précé-<br />

demm<strong>en</strong>t, n'est pour ainsi dire qu'une phase nou-<br />

velle d'une même fonction, et peut être désigné<br />

sous le nom d^état puerpéral prolongé : alors, <strong>en</strong><br />

effet, <strong>en</strong> raison de l'importance et de la nature du<br />

liquide qui chaque jour est sécrété , la femme<br />

s'éloigne s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t de l'état physiologique; elle<br />

est plus nerveuse, plus impressionnable et plus<br />

accessible à ces causes morbifiques auxquelles elle<br />

aurait résisté sans peine dans d'autres conditions.<br />

§ 2. Les cas de folie chez les nourrices sont moitié<br />

moins nombreux que ceux qui survi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t chez les<br />

nouvelles accouchées; cette proportion est établie<br />

sur des chiffres énoncés plus haut (Y. page 29) ; gar-


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 385<br />

dons- nous toutefois d'<strong>en</strong> conclure avec Esquirol<br />

que les nourrices sont moins exposées à la folie que<br />

les femmes <strong>en</strong> couches, car pour le faire avec cer-<br />

titude, il faudrait une statistique comparée des<br />

femmes qui allait<strong>en</strong>t et de celles qui n'allait<strong>en</strong>t pas,<br />

statistique qu'il est bi<strong>en</strong> difficile de se procurer.<br />

§ 3. Nous avons étudié <strong>en</strong> détail, dans un précé-<br />

d<strong>en</strong>t chapitre, les causes prédisposantes ou occa-<br />

sionnelles qui influ<strong>en</strong>t sur le développem<strong>en</strong>t de la<br />

folie chez les nouvelles accouchées et les nourrices;<br />

nous ne revi<strong>en</strong>drons pas sur ce sujet, qui nous <strong>en</strong>-<br />

traînerait dans d'inutiles répétitions, cep<strong>en</strong>dant il<br />

nous paraît utile d'examiner rapidem<strong>en</strong>t quelle est,<br />

au milieu d'influ<strong>en</strong>ces si nombreuses et si variées,<br />

l'action spéciale de la lactation ; quelle est son im-<br />

portance relative, et par quel <strong>en</strong>chaînem<strong>en</strong>t des<br />

faits morbides elle arrive à déterminer l'explosion<br />

de la folie.<br />

Tous les cas de folie chez les nourrices se divis<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> deux classes distinctes, selon l'époque à laquelle<br />

la maladie se développe :<br />

i° Ceux qui éclat<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant les six ou sept pre-<br />

mières semaines qui suiv<strong>en</strong>t l'accouchem<strong>en</strong>t;<br />

2" Ceux qui apparaiss<strong>en</strong>t beaucoup plus tard,<br />

après huit, dix, vingt mois d'allaitem<strong>en</strong>t, ou même<br />

peu de jours après le sevrage.<br />

Or, sur 22 cas de folie, nous <strong>en</strong> avons trouvé<br />

6 qui apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à la première catégorie ; sous


326 DE LA FOLIE CHEZ LES NOITRRICES.<br />

le rapport de leur étiologie, ces faits serv<strong>en</strong>t pour<br />

ainsi dire de transition <strong>en</strong>tre la folie des nou-<br />

velles accouchées et celle des nourrices; ils parti-<br />

cip<strong>en</strong>t autant de l'une que de l'autre, et les causes<br />

qui leur donn<strong>en</strong>t naissance sont plutôt tirées des<br />

circonstances mêmes de la grossesse et de l'accou-<br />

chem<strong>en</strong>t que des incid<strong>en</strong>ts morbides qui ont signalé<br />

la lactation.<br />

Et, <strong>en</strong> effet, toutes les femmes ainsi frappées se<br />

trouvai<strong>en</strong>t dès avant l'allaitem<strong>en</strong>t dans des circon-<br />

stances très-défavorables : l'une d'elles, emportée,<br />

irascible, inabordable p<strong>en</strong>dant toute sa grossesse,<br />

allait un peu mieux après l'accouchem<strong>en</strong>t, lorsque<br />

quinze jours de lactation et des abcès multiples du<br />

sein qu'il fallut ouvrir par des incisions très-doulou-<br />

reuses, suffir<strong>en</strong>t pour am<strong>en</strong>er la folie. (Observ. 62.)<br />

Une autre, tourm<strong>en</strong>tée, p<strong>en</strong>dant qu'elle était <strong>en</strong>-<br />

ceinte, de voir son amant poursuivi et mis <strong>en</strong> prison,<br />

ne put allaiter que dix jours (observ. 71) ; au bout<br />

de ce temps elle éprouva une vive frayeVr, croyant<br />

avoir étouffé son <strong>en</strong>fant la nuit <strong>en</strong> l'allaitant, et<br />

cette émotion suffit pour la r<strong>en</strong>dre mélancolique.<br />

Une troisième malade, dont Esquirol raconte l'his-<br />

toire, fut effrayée, p<strong>en</strong>dant qu'elle était grosse, par<br />

un homme qui parcourait les rues un sabre à la<br />

main; elle eut dès lors des press<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts sinistres,<br />

et elle délira le vingt-neuvième jour après l'accou-<br />

chem<strong>en</strong>t, p<strong>en</strong>dant qu'elle allaitait, etc., etc.


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 327<br />

Dans tous ces cas et dans les cas analogues, je ne<br />

crains pas de dire que la lactation a été de trop<br />

courte durée pour jouer un rôle bi<strong>en</strong> important ;<br />

elle n'a fait que porter à son plus haut degré une<br />

prédisposition résultant à la fois des antécéd<strong>en</strong>ts du<br />

sujet, d'une grossesse difficile, et surtout de l'époque<br />

si redoutable du retour de couches dont nous avons<br />

déjà signalé la fâcheuse influ<strong>en</strong>ce; mais au point de<br />

vue purem<strong>en</strong>t pralique, la question est plus sérieuse,<br />

et le médecin doit s'autoriser de tous les faits de<br />

cette nature pour proscrire rigoureusem<strong>en</strong>t même<br />

un allaitem<strong>en</strong>t temporaire dans le cas où des motifs<br />

réels éveillerai<strong>en</strong>t sa sollicitude.<br />

Les seize autres cas de folie se sont tous déve-<br />

loppés soit p<strong>en</strong>dant la lactation, alors que les ma-<br />

lades avai<strong>en</strong>t nourri p<strong>en</strong>dant six, dix, treize, qua-<br />

torze, seize ou même vingt et un mois, soit <strong>en</strong>fin<br />

après le sevrage. Nous n'avons r<strong>en</strong>contré qu'une<br />

seule malade chez laquelle la folie ait fait explosion<br />

à une époque intermédiaire, c'est-à-dire au troi-<br />

sième mois, et <strong>en</strong>core pouvait-on dire qu'elle s'était<br />

développée d'une manière accid<strong>en</strong>telle, sous l'in-<br />

flu<strong>en</strong>ce d'une adénite mamm^iire double passée à<br />

.suppuration. Ainsi, lorsque l'aliénation m<strong>en</strong>tale ne<br />

survi<strong>en</strong>t pas p<strong>en</strong>dant les premières semaines de<br />

lactation, elle ne se développe que fort tard, et après<br />

un allaitem<strong>en</strong>t très-prolongé.<br />

§ 4. Un fait qui résulte de nos observations parti-


328 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

culières et de l'opinion à peu près unanime des<br />

auteurs qui ont écrit sur ce sujet, c'est qu'il faut, dans<br />

l'imm<strong>en</strong>se majorité des cas où la folie éclate après un<br />

allaitem<strong>en</strong>t prolongé, rechercher la cause première<br />

de l'aliénation m<strong>en</strong>tale dans l'état d'anémie et de<br />

débilitation qui <strong>en</strong> est parfois la suite inévitable ;<br />

c'est là l'étiologie la plus importante après l'héré-<br />

dité et les causes communes à toutes les variétés de<br />

folie puerpérale que nous avonsprécédemm<strong>en</strong>t signa-<br />

lées, et sur lesquelles nous croyons inutile de rev<strong>en</strong>ir.<br />

Lorsqu'on songe à l'état de faiblesse et d'éner-<br />

vation déterminé par les premières succions de<br />

l'<strong>en</strong>fant chez les femmes un peu nerveuses et im-<br />

pressionnables, on se r<strong>en</strong>d bi<strong>en</strong> vile compte de<br />

l'affaiblissem<strong>en</strong>t qui accompagne cette fonction pro-<br />

longée au delà des forces du sujet : Gaubius <strong>en</strong> a<br />

donné un tableau aussi complet qu'énergique (1).<br />

«L'excrétion du lait supérieure aux forces de celle<br />

qui nourrit, cause, après avoir ôtéau corps sa nour-<br />

riture, la faiblesse, la pâleur, la maigreur, le dés-<br />

ordre dans la circulation, la fièvre l<strong>en</strong>te, la phthisie,<br />

les sueurs abondantes et les fausses couches ; la force<br />

nerveuse s'affaiblit; aussi elles tomb<strong>en</strong>t dans une<br />

grande irritabilité, le manque de courage, la faiblesse,<br />

les palpitations, le vertige, l'affaiblissem<strong>en</strong>t des s<strong>en</strong>s,<br />

surtout de la vue, et tous les symptômes vaporeux. »<br />

(1) V. Tissot, Traité des nerfs et de leurs maladies, p. 96.


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 329<br />

Si, malgré cet état d'anémie profonde, les malades<br />

continu<strong>en</strong>t à allaiter, si l'alim<strong>en</strong>tation est insuffi-<br />

sante, si l'inquiétude et l'insomnie vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t se join-<br />

dre à toutes ces fâcheuses conditions, l'on verra se<br />

développer, soit du côté de l'innervation, soit du côté<br />

de la nutrition, des troubles qui indiqu<strong>en</strong>t une per-<br />

turbation profonde de l'organisme et le r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t apte<br />

à subir toutes les influ<strong>en</strong>ces morbides ; à côté de l'a-<br />

maigrissem<strong>en</strong>t, de la décoloration des muqueuses,<br />

de l'alanguissem<strong>en</strong>t de toutes les fonctions, on voit<br />

même surv<strong>en</strong>ir, ainsi que l'a indiqué le professeur<br />

Nasse, des faits de ramollissem<strong>en</strong>t de la cornée, sur-<br />

v<strong>en</strong>ant chez les nourrices épuisées absolum<strong>en</strong>t<br />

comme chez les chi<strong>en</strong>s que M. Mag<strong>en</strong>die soumettait<br />

à une abstin<strong>en</strong>ce prolongée; les symptômes cédai<strong>en</strong>t<br />

aussitôt qu'on sevrait l'<strong>en</strong>fant et repr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t de<br />

l'int<strong>en</strong>sité dès que le nourrisson était rerais au<br />

sein (1). Chez d'autres malades ce sont des phéno-<br />

mènes nerveux qui prédomin<strong>en</strong>t. Les douleurs né-<br />

vralgiques, les paralysies partielles se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t<br />

communém<strong>en</strong>t; lescontracturesidiopathiques, si fré-<br />

qu<strong>en</strong>tes chez les <strong>en</strong>fants, chez les adultes <strong>en</strong>core af-<br />

faiblis au milieu de la convalesc<strong>en</strong>ce des fièvres<br />

éruptives ou des fièvres typhoïdes, chez les nou-<br />

velles accouchées, se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t aussi chez les<br />

nourrices avec des caractères tout à fait id<strong>en</strong>tiques<br />

(1) Gazette médicale, 1842.


330 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

et qui dénot<strong>en</strong>t une parfaite analogie d'origine ; on<br />

les a vues dans certains cas se généraliser de manière<br />

à simuler le tétanos et se reproduire p<strong>en</strong>dant trois<br />

allaitem<strong>en</strong>ts successifs; le sevrage seul pouvait met-<br />

tre un terme aux accid<strong>en</strong>ts nerveux, contre lesquels<br />

avai<strong>en</strong>t échoué tous les moy<strong>en</strong>s thérapeutiques (1).<br />

Dans la grande majorité des cas, le point de dé-<br />

part de la folie chez les nourrices est le même que<br />

celui de tous ces accid<strong>en</strong>ts nerveux. Esquirol, qui<br />

r<strong>en</strong>contrait un plus grand nombre de cas de folie à<br />

la suite de la lactation chez les femmes de la classe<br />

pauvre que chez les femmes aisées, l'attribuait à Tin-<br />

suffisance de leur alim<strong>en</strong>tation, et les faits que nous<br />

avons observés vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t presque tous à l'appui de<br />

celte opinion. Beaucoup de nos malades offrai<strong>en</strong>t<br />

des signes non douteux d'épuisem<strong>en</strong>t ou avai<strong>en</strong>t été<br />

soumises, p<strong>en</strong>dant la durée de l'allaitem<strong>en</strong>t, aux in-<br />

flu<strong>en</strong>ces les plus fâcheuses ; l'une d'elles, p<strong>en</strong>dant<br />

deux mois, avait soigné nuit et jour son <strong>en</strong>fant ma-<br />

lade, ne dormant pas, mangeant fort peu, maigris-<br />

sant beaucoup et cep<strong>en</strong>dant continuant à nourrir<br />

(observ.60); uneautre, après une lactation de 21 mois,<br />

était très-affaiblie et n'avait plusde lait (observ. 72);<br />

une troisième avait des vertiges, des maux d'esto-<br />

mac, ses digestions dev<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t plus difficiles et elle<br />

maigrissait; une quatrième se plaignait decéphalal-<br />

^1) Gazette hebdomadaire, 1834. .\VM-„rv > i


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 331<br />

gie et de sueurs nocturnes; dans des conditions aussi<br />

défavorables, on compr<strong>en</strong>d toute l'importance que<br />

peut avoir une impression morale; huit fois nous<br />

avons vu la frayeur, la colère, la tristesse dev<strong>en</strong>ir<br />

ainsi la cause occasionnelle de la folie.<br />

§ 5. II nous reste maint<strong>en</strong>ant à examiner quelle<br />

est l'influ<strong>en</strong>ce du sevrage chez les nourrices prédis-<br />

posées à l'aliénation m<strong>en</strong>tale.<br />

On serait volontiers disposé à croire que le sevrage<br />

doit mettre àl'abri de tout danger, ou même faire ces-<br />

ser des accid<strong>en</strong>ts déjà très-prononcés, <strong>en</strong> mettant un<br />

terme à cette sécrétion si abondante dont la suppres-<br />

sion devi<strong>en</strong>t un bi<strong>en</strong>fait pour l'économie ; c'est ce<br />

qui arrivait chez une de nos malades qui, ayant eu<br />

cinq accès de délire à la suite de cinq accouche-<br />

m<strong>en</strong>ts, essaya néanmoins trois fois d'allaiter son<br />

<strong>en</strong>fant. Lorsqu'elle allaitait, elle était dans un état<br />

d'excitation maniaque qui débutait quelques jours<br />

avant l'accouchem<strong>en</strong>t, et cessait régulièrem<strong>en</strong>t huit<br />

à dix jours après le sevrage ; lorsqu'elle n'essayait<br />

pas de nourrir, le délire cessait quelques jours après<br />

la fièvre de lait. (Obs. 67).<br />

Et cep<strong>en</strong>dant ces faits sont rares, et presque tous<br />

les auteurs attribu<strong>en</strong>t avec raison à la cessation de<br />

la lactation une dangereuse influ<strong>en</strong>ce. Mais il faut<br />

bi<strong>en</strong> se garder ici d'une exagération que beaucoup<br />

de médecins ont commise, <strong>en</strong>traînés par des préoccu-<br />

pations purem<strong>en</strong>t théoriques, <strong>en</strong> attribuant au se-


332 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

vrage certains cas de folie, faits dans lesquels l'<strong>en</strong>-<br />

chaînem<strong>en</strong>t des causes est beaucoup plus complexe :<br />

quelques malades, par exemple, éprouv<strong>en</strong>t, p<strong>en</strong>dant<br />

le cours de l'allailem<strong>en</strong>t, du malaise, de l'anorexie,<br />

des accid<strong>en</strong>ts nerveux bizarres; les idées devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

confuses, un comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t de délire se manifeste,<br />

la sécrétion laiteuse est moins abondante; on or-<br />

donne le sevrage, autant pour la mère que pour<br />

l'<strong>en</strong>fant, et comme néanmoins la maladie suit son<br />

cours ou même s'exaspère malgré l'emploi de ce<br />

moy<strong>en</strong>, on est porté, quand on examine légèrem<strong>en</strong>t<br />

les choses, à <strong>en</strong> faire le point de départ des troubles<br />

intellectuels et à rapprocher, l'un comme cause,<br />

l'autre comme effet, deux phénomènes qui sont indép<strong>en</strong>dants<br />

l'un de l'autre. Parfois <strong>en</strong>core, comme<br />

chez une de nos malades, la lactation suit son cours<br />

sans accid<strong>en</strong>ts fâcheux, le sevrage est fait intempes-<br />

tivem<strong>en</strong>t, le délire éclate, mais on appr<strong>en</strong>d, à l'aide<br />

d'investigations att<strong>en</strong>tives, qu'une émotion morale<br />

très-vive a précédé et déterminé la cessation de l'al-<br />

laitem<strong>en</strong>t, et se trouve avoir ainsi joué un rôle pré-<br />

pondérant dans le développem<strong>en</strong>t de la maladie.<br />

(Obs. 61 .) L'action du sevrage a donc été quelquefois<br />

mal <strong>en</strong>visagée ;<br />

on susp<strong>en</strong>d l'allaitem<strong>en</strong>t parce que<br />

la malade est déjà souffrante ; le sevrage est insuf-<br />

fisant pour arrêter les accid<strong>en</strong>ts. Voilà quelle est<br />

alors la succession des faits.<br />

Mais il n'<strong>en</strong> est pas moins vrai que, chez la grande


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 333<br />

majorité des malades, il y a connexion évid<strong>en</strong>te<br />

<strong>en</strong>tre la cessation de l'allaitem<strong>en</strong>t et l'apparition<br />

de la folie. Esquirol a noté 19 fois sur 38 cette<br />

influ<strong>en</strong>ce étiologique, et nous-même, sur 22 ma-<br />

lades, nous <strong>en</strong> avons r<strong>en</strong>contré 6 qui ont été at-<br />

teintes trois jours, quatre jours, ou même trois se-<br />

maines après avoir cessé d'allaiter.<br />

Des femmes affaiblies peuv<strong>en</strong>t donc nourrir p<strong>en</strong>-<br />

dant un grand nombre de mois et ne tomber ma-<br />

lades qu'au mom<strong>en</strong>t où l'allaitem<strong>en</strong>t se susp<strong>en</strong>d,<br />

car un organisme même épuisé s'habitue, p<strong>en</strong>-<br />

dant quelque temps, à des pertes qui l'énerv<strong>en</strong>t et<br />

l'épuis<strong>en</strong>t d'une manière quotidi<strong>en</strong>ne et régulière;<br />

on le voit chaque jour chez les individus tourm<strong>en</strong>-<br />

tés par des flux hémorrhoïdaires ou par l'abondante<br />

suppuration d'un exutoire; que ces flux vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à<br />

se supprimer brusquem<strong>en</strong>t , il se produit dans<br />

l'économie une réaction d'autant plus vive et plus<br />

dangereuse, que le sujet est plus <strong>en</strong>clin aux acci-<br />

d<strong>en</strong>ts nerveux. Une de nos malades, madame X...,<br />

avait un accès de folie après chacune de ses couches ;<br />

lorsqu'elle allaitait, l'accès de délire était retardé<br />

jusqu'au mom<strong>en</strong>t du sevrage, et il éclatait alors<br />

dans toute sa force.<br />

§ 6. En faisant une aussi grande part aux causes<br />

débilitantes dans la production de la folie chez les<br />

nourrices, nous ne voulons pas cep<strong>en</strong>dant être trop<br />

exclusif.


334 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

Il résulte pour nous, de quelques faits cliniques,<br />

que, chez des femmes bi<strong>en</strong> portantes ayant supporté<br />

la lactation avec une aisance parfaite, la susp<strong>en</strong>sion<br />

d'une sécrétion abondante qui s'est prolongée quel-<br />

quefois p<strong>en</strong>dant plus d'une année, et est dev<strong>en</strong>ue<br />

pour l'économie une habitude, détermine un état<br />

de pléthore qui peut dev<strong>en</strong>ir le point de départ des<br />

accid<strong>en</strong>ts. Ceci est tout à fait remarquable dans une<br />

observation de manie hystérique intermitt<strong>en</strong>te sur-<br />

v<strong>en</strong>ue trois semaines après le sevrage, dont l'his-<br />

toire se retrouvera plus loin; tous les accid<strong>en</strong>ts<br />

s'exaspérèr<strong>en</strong>t sous l'influ<strong>en</strong>ce du fer et des toni-<br />

ques; les saignées seules pratiquées un peu avant<br />

l'époque m<strong>en</strong>struelle, et plus tard la diète lactée,<br />

am<strong>en</strong>èr<strong>en</strong>t la guérison des accid<strong>en</strong>ts. (Observ. 64.)<br />

En résumé, dans l'imm<strong>en</strong>se majorité des cas, la<br />

folie, à la suite de l'allaitem<strong>en</strong>t ou du sevrage, sur-<br />

vi<strong>en</strong>t chez les femmes profondém<strong>en</strong>t épuisées, que<br />

la moindre perturbation fonctionnelle jette dans<br />

un trouble nerveux complet; dans quelques cas assez<br />

rares, elle est liée à un état de pléthore déterminé<br />

par la susp<strong>en</strong>sion d'une sécrétion abondante.<br />

Nous dirons plus tard comm<strong>en</strong>t distinguer ces<br />

deux cas; qu'il nous suffise d'appeler ici l'att<strong>en</strong>tion<br />

des pratici<strong>en</strong>s sur une distinction qui n'avait pas<br />

<strong>en</strong>core été faite et dont l'importance, au point de<br />

vue pratique, est réellem<strong>en</strong>t considérable.<br />

§ 7. Quelle que soit l'époque à laquelle elle se


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 335<br />

développe, la maladie débute de deux manières : ou<br />

brusquem<strong>en</strong>t, à la suite d'une cause occasionnelle,<br />

comme un refroidissem<strong>en</strong>t, une vive émotion mo-<br />

rale; ou l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t et par gradation ins<strong>en</strong>sible. Les<br />

désordres de la santé physique précèd<strong>en</strong>t presque<br />

toujours les désordres intellectuels; les femmes mai-"'<br />

griss<strong>en</strong>t, devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pâles et languissantes; des<br />

bruits de souffle se font <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre dans les gros vais-<br />

seaux, et il y a des palpitations; <strong>en</strong> même temps,<br />

les digestions devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t difficiles et s'accompa-<br />

gn<strong>en</strong>t de rapports acides et de flatuosités ; chaque<br />

fois que la nourrice a allaité, elle éprouve un s<strong>en</strong>ti-<br />

m<strong>en</strong>t de faiblesse et de vide à l'épigaslre; quelque-<br />

fois la sécrétion lactée s'amoindrit, d'autres fois elle<br />

reste intacte, et la femme n'<strong>en</strong> maigrit que davan-<br />

tage ; des accès fébriles, à forme irrégulièrem<strong>en</strong>t in-<br />

termitt<strong>en</strong>te, véritables accès de fièvre hectique,<br />

vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t se surajouter à cet état morbide.<br />

Les troubles intellectuels ne tard<strong>en</strong>t pas à surve-<br />

nir, souv<strong>en</strong>t même ils remont<strong>en</strong>t à une époque très-<br />

éloignée ; il arrive <strong>en</strong> effet parfois que, p<strong>en</strong>dant<br />

toute la durée de l'allaitem<strong>en</strong>t depuis la délivrance,<br />

les malades éprouv<strong>en</strong>t de l'affaiblissem<strong>en</strong>t de la mé-<br />

moire; les idées sont moins nettes; le caractère<br />

offre des bizarreries inexplicables, et les femmes ont<br />

souv<strong>en</strong>t même consci<strong>en</strong>ce de leur état maladif.<br />

Tous ces symptômes ne font que grandir, à mesure<br />

que la lactation continue; les excitants, comme le<br />

'


336 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

\in, les liqueurs, l'eau-de-vie, que les malades<br />

aim<strong>en</strong>t à pr<strong>en</strong>dre pour ranimer leurs forces, ne font<br />

que donner une nouvelle impulsion à la maladie.<br />

Cette période prodromique est de la plus haute<br />

importance, elle peut donner l'éveil à un observa-<br />

teur att<strong>en</strong>tif qui, par un traitem<strong>en</strong>t approprié, pourra<br />

peut-être <strong>en</strong>core <strong>en</strong>rayer les accid<strong>en</strong>ts.<br />

§ 8. Enfin le délire éclate et l'aliénation m<strong>en</strong>-<br />

tale revêt une forme déterminée. Que devi<strong>en</strong>t la<br />

sécrétion laiteuse une fois que la maladie m<strong>en</strong>tale<br />

est tout à fait caractérisée? Lorsque le délire est très-<br />

int<strong>en</strong>se, il arrive parfois que la sécrétion s'arrête<br />

brusquem<strong>en</strong>t; au milieu de la perturbation géné-<br />

rale, il n'y a là ri<strong>en</strong> qui puisse étonner, et cep<strong>en</strong>-<br />

dant ces cas ne sont pas les plus communs.<br />

Sur 40 cas de folie puerpérale, le docteur Mac-<br />

donal n^<strong>en</strong> a vu que 6 dans lesquels le lait ait<br />

été supprimé, et nous-même, parmi tous nos cas<br />

de folie surv<strong>en</strong>us au milieu de l'allaitem<strong>en</strong>t, nous<br />

n'<strong>en</strong> avons pas r<strong>en</strong>contré un seul dans lequel nous<br />

n'ayons noté avec beaucoup de précision que la<br />

lactation avait continué, même après l'invasion du<br />

délire, et avait nécessité l'emploi de moy<strong>en</strong>s spé-<br />

ciaux pour prév<strong>en</strong>ir l'<strong>en</strong>gorgem<strong>en</strong>t mammaire. 11 y<br />

a loin de ces faits à l'opinion des anci<strong>en</strong>s auteurs,<br />

qui attribuai<strong>en</strong>t à la suppression du lait la plupart<br />

des accid<strong>en</strong>ts surv<strong>en</strong>us chez les nouvelles accou-<br />

chées et les nourrices.


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 337<br />

§ 9. Les formes d'aliénation m<strong>en</strong>tale que nous<br />

avons r<strong>en</strong>contrées chez les nourrices, sont : la manie,<br />

la mélancolie, la monomanie, la folie à double forme.<br />

Sur 25 malades, 1 1 étai<strong>en</strong>t atteintes de mélan-<br />

colie, 11 de manie, 3 offrai<strong>en</strong>t un délire partie!<br />

assez nettem<strong>en</strong>t limité; une seule eut un accès de<br />

folie à double forme. Ainsi, la monomanie est,<br />

comme toujours, infinim<strong>en</strong>t moins fréqu<strong>en</strong>te, mais<br />

la manie et la mélancolie se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t ici <strong>en</strong><br />

nombre égal, et bi<strong>en</strong> que les causes dépressives<br />

jou<strong>en</strong>t un rôle prédominant dans le développem<strong>en</strong>t<br />

de la folie des nourrices, nous ne voyons pas que<br />

cette étiologie ait influé d'une manière s<strong>en</strong>sible sur<br />

la forme de l'aliénation m<strong>en</strong>tale.<br />

§ 10. Sur les 11 malades mélancoliques, trois<br />

fois la stupeur était si profonde, que le délire triste<br />

offrait à peine quelque manifestation extérieure;<br />

deux fois il y avait, surtout au début, une excitation<br />

assez vive : une fois seulem<strong>en</strong>t les idées de suicide<br />

étai<strong>en</strong>t prédominantes, et le refus d'alim<strong>en</strong>ts si ab-<br />

solu, qu'il fallut employer la sonde pour nourrir la<br />

malade. Enfin, dans deux cas la mélancolie était<br />

associée à des idées hypochondriaques qui naiss<strong>en</strong>t<br />

alors d'autant plus facilem<strong>en</strong>t que des soufïrances<br />

réelles, t<strong>en</strong>ant à l'état de faiblesse et d'anémie des<br />

malades, peuv<strong>en</strong>t leur servir de point de départ;<br />

cette association du délire mélancolique et du dé-<br />

lire hypochondriaque, donne de suite à la maladie


338 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

une gravité inaccoutumée : elle devi<strong>en</strong>t longue et<br />

t<strong>en</strong>ace, et c'est à peine si un traitem<strong>en</strong>t persévérant<br />

parvi<strong>en</strong>t, au bout de plusieurs mois, à la modifier<br />

d'une manière heureuse. Les autres mélancoliques<br />

ne nous ont ri<strong>en</strong> offert de spécial, et les conceptions<br />

délirantes ont été ce qu'elles sont toujours chez les<br />

personnes amsi atteintes.<br />

§11. Onze fois la folie a consisté <strong>en</strong> accès de<br />

manie qui ont prés<strong>en</strong>té d'ailleurs toutes les nuances<br />

depuis l'excitation la plus légère qui ne s'accom-<br />

pagne ni d'hallucinations, ni d'idées délirantes pro-<br />

prem<strong>en</strong>t dites, jusqu'à cette agitation viol<strong>en</strong>te dans<br />

laquelle les malades ne reconnaiss<strong>en</strong>t plus leur <strong>en</strong>-<br />

tourage, n'ont plus consci<strong>en</strong>ce de leur étal; jus-<br />

qu'aux cas, <strong>en</strong> un mot, où il y a t<strong>en</strong>dance au délire<br />

aigu. Une seule fois la manie était intermitt<strong>en</strong>te,<br />

les accès rev<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t à chaque m<strong>en</strong>struation et s'ac-<br />

compagnai<strong>en</strong>t de symptômes hystériques qui leur<br />

donnai<strong>en</strong>t un cachet tout spécial; ri<strong>en</strong>, d'ailleurs,<br />

ni dans l'état m<strong>en</strong>tal , ni dans l'état physique des<br />

malades, ne m'a paru digne d'être noté ; la manie,<br />

une fois développée, ne se ress<strong>en</strong>t <strong>en</strong> aucune façon<br />

de son origine spéciale.<br />

§ 12. Enfin, Rech a publié (observ. 74) un cas<br />

de folie surv<strong>en</strong>ue p<strong>en</strong>dant l'allaitem<strong>en</strong>t, qui, bi<strong>en</strong><br />

évidemm<strong>en</strong>t se rattache à la folie double forme ;<br />

la période maniaque débuta et dura p<strong>en</strong>dant un<br />

mois : elle fut suivie d'une période mélancolique


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 339<br />

-qui, au bout de six. semaines, disparut et laissa la<br />

malade <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t guérie.<br />

§ 13. Je n'ai r<strong>en</strong>contré que trois faits de lésions<br />

parlieUes de l'intellig<strong>en</strong>ce surv<strong>en</strong>ues p<strong>en</strong>dant l'al-<br />

laitem<strong>en</strong>t. Dans le premier fait, que l'on doit au<br />

docteur James Reid. il s'agit d'une dame qui, après<br />

une période d'exciiation avec délire général, pré-<br />

dominance d'idées tristes et t<strong>en</strong>tatives de suicide,<br />

conserva p<strong>en</strong>dant plusieurs mois une idée fausse,<br />

presque isolée. Elle croyait avoir un grand nombre<br />

d'<strong>en</strong>fants, et ce nombre augm<strong>en</strong>tait de jour <strong>en</strong><br />

jour; mais, comme de temps à autre, elle déraison-<br />

nait beaucoup plus complètem<strong>en</strong>t, je n'ose citer<br />

cette observation comme un exemple de monomanie<br />

intellectuelle bi<strong>en</strong> caractérisée. (Observ. 77.)<br />

Les deux autres faits sont des exemples de ces<br />

monomanies homicides qui, associées parfois à des<br />

troubles intellectuels , n'<strong>en</strong> sont pas moins remar-<br />

quables par la prés<strong>en</strong>ce d'une impulsion irrésistible<br />

qui domine tous les autres symptômes et donne à la<br />

maladie son cachet spécial.<br />

Un de ces faits est relaté dans le Zeitschrifl fur<br />

die Staats Arzneikwide (1821) :<br />

Une nourrice, âgée de 32 ans, voit ses m<strong>en</strong>strues<br />

reparaître au bout de huit mois d'allaitem<strong>en</strong>t ; elle<br />

pâlit, maigrit ainsi que son nourrisson ; survi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

bi<strong>en</strong>tôt du malaise, des coliques, des douleurs d'es-<br />

tomac, des bouffées de chaleur à la tête; <strong>en</strong>fin la


340 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

Yue d'un couteau lui inspire l'idée de couper le cou<br />

à l'<strong>en</strong>fant. P<strong>en</strong>dant deux jours elle lutte contre cette<br />

affreuse p<strong>en</strong>sée et s'éloigne du nourrisson dont la<br />

rue réveille toutes ses impulsions; elle finit <strong>en</strong>fin<br />

par les surmonter, et, au bout de quelques jours,<br />

<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t rev<strong>en</strong>ue au calme, elle faisait part, <strong>en</strong><br />

pleurant, de tout ce qui s'était passé.<br />

Le dernier fait est surtout remarquable <strong>en</strong> raison<br />

de l'instantanéité du délire : bi<strong>en</strong> que le trouble de<br />

l'intellig<strong>en</strong>ce ait été général , l'idée raisonnée de<br />

meurtre n'<strong>en</strong> était pas moins tout à fait prédomi-<br />

nante.<br />

Madame Z..., âgée de 27 ans, mère de trois <strong>en</strong>-<br />

fants, dont elle allaitait <strong>en</strong>core le plus jeune âgé<br />

de 7 mois , s'était levée, le 15 novembre, de meil-<br />

leure heure qu'à l'ordinaire, s'était habillée <strong>en</strong> par-<br />

tie, avait ouvert et fermé plusieurs fois une f<strong>en</strong>être<br />

avec viol<strong>en</strong>ce, et, <strong>en</strong>fin, ayant pris un grand cou-<br />

teau, s'était approchée du lit où dormait le plus<br />

jeune de ses <strong>en</strong>fants. Son mari lui ayant demandé<br />

ce qu'elle allait faire, elle répondit que, s'att<strong>en</strong>dant<br />

à tout mom<strong>en</strong>t à mourir, elle ne voulait pas laisser<br />

son <strong>en</strong>fant seul dans le monde. Celte femme avait<br />

l'air farouche, sa face était un peu rouge, sa langue<br />

chargée, son pouls n'était ni plein ni fiéqu<strong>en</strong>t;<br />

ses seins étai<strong>en</strong>t gonflés de lait, et son regard expri-<br />

mait une grande anxiété; <strong>en</strong>fin, il y avait de l'in-<br />

cohér<strong>en</strong>ce et du trouble dans ses réponses, et elle


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 341<br />

ne parlait que de sa mort prochaine. Le l<strong>en</strong>demain,<br />

elle élait tout à fait rétablie et ne se rappelait que<br />

d'une manière confuse les événem<strong>en</strong>ts de la veille (1).<br />

Les considérations médico-légales que nous avons<br />

de nouveau émises à propos des cas de raonomanie<br />

impulsive qui se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t chez les femmes <strong>en</strong>-<br />

ceintes et les nouvelles accouchées, sont ici <strong>en</strong> tous<br />

points applicables ; aussi nous nous disp<strong>en</strong>serons<br />

d'insister sur ce sujet.<br />

§ 14. Le pronostic d'un accès de folie surv<strong>en</strong>u<br />

p<strong>en</strong>dant l'allaitem<strong>en</strong>t n'est pas grave <strong>en</strong> général.<br />

Sur 26 faits, j'ai trouvé 2 cas de mort, 1 cas d'in-<br />

curabilité, 3 malades perdues de vue avant la<br />

terminaison de l'affection m<strong>en</strong>tale, et 20 cas de<br />

guérison, proportion qui évidemm<strong>en</strong>t est fort consi-<br />

dérable.<br />

La durée de la maladie, dans les cas heureux,<br />

m'a paru indép<strong>en</strong>dante de la forme qu'elle avait re-<br />

vêtue. Les accès de manie ou de mélancolie déga-<br />

gés de toute complication se guériss<strong>en</strong>t avec une<br />

égale rapidité ou se prolong<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant plusieurs<br />

mois, sans que les uns soi<strong>en</strong>t plus graves que les<br />

autres; il est même digne de remarque que les trois<br />

seuls cas de monomanie que nous ayons r<strong>en</strong>contrés<br />

se sont tous terminés par la guérison.<br />

(1) Cazauvieilh, Mémoire sur la monomanie homicide dans<br />

Annales d'Hygiène et de Médecine légale, t. XVI, p. 139, i""® série,<br />

Paris, 1836.


342 DE LA FOLIE CHEZ LES NOUHRICES.<br />

Sur 20 cas de guérison, 6 fois la maladie s'est<br />

heureusem<strong>en</strong>t terminée dans les cinq premières se-<br />

maines; 5 fois de deux mois et demi à trois mois<br />

après le début des accid<strong>en</strong>ts; 2 fois à quatre mois;<br />

I fois à sept mois; 1 fois à huit mois; 6 fois à dix<br />

mois, un an, vingt et un mois ou même deux ans.<br />

II est digne de remarque que la guéris(în, lorsqu'elle<br />

n'est pas surv<strong>en</strong>ue très-rapidem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant les trois<br />

premiers mois, se fait bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t att<strong>en</strong>dre neuf<br />

mois, dix mois et même plus; les gnérisons sont<br />

plus rares dans les périodes intermédiaires; aussi le<br />

médecin doit-il bi<strong>en</strong> se garder du découragem<strong>en</strong>t,<br />

lorsqu'il voit la maladie m<strong>en</strong>tale résister à tous les<br />

moy<strong>en</strong>s thérapeutiques dirigés contre elle ; il doit<br />

s'armer de pati<strong>en</strong>ce et de persévérance, <strong>en</strong> songeant<br />

qu'un organisme débilité ne repr<strong>en</strong>d souv<strong>en</strong>t qu'avec<br />

peine son niveau physiologique, et que la persis-<br />

tance d'un trouble organique doit <strong>en</strong>traîner avec<br />

elle la persistance des troubles intellectuels; il doit<br />

songer <strong>en</strong>fin que le pronostic est toujours plus favo-<br />

rable quand la folie n'est pas ess<strong>en</strong>tielle, mais liée<br />

à une anémie primitive qu'il est toujours possible de<br />

combattre avec avantage.<br />

Sur 26 malades, 2 ont succombé ; toutes deux<br />

étai<strong>en</strong>t des mélancoliques : l'une devint phthisique ;<br />

l'autre ayant été longtemps nourrie par la sonde, car<br />

le refus d'alim<strong>en</strong>ts était absolu, éprouva du côté du<br />

tube digestif des accid<strong>en</strong>ts qui <strong>en</strong>traînèr<strong>en</strong>t la mort.


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 343<br />

Parmi les trois cas qui ont été perdus de vue, il<br />

<strong>en</strong> est deux dans lesquels les malades avai<strong>en</strong>t déjà<br />

éprouvé une notable amélioration et ont dû guérir<br />

(observ. QO) ; la troisième était plus gravem<strong>en</strong>t<br />

atteinte, elle offrait déjà un peu de t<strong>en</strong>dance à l'af-<br />

faiblissem<strong>en</strong>t intellectuel, et, comme d'ailleurs elle<br />

était hallucinée (observ. 72)<br />

, tout fait supposer<br />

qu'elle est restée incurable, de même que la malade<br />

du docteur J. Reid.<br />

Faisons <strong>en</strong>fin observer que, parmi tous les cas<br />

de guérison, il <strong>en</strong> est deux dans lesquels les ma-<br />

lades ont éprouvé une rechute; il s'agit <strong>en</strong>core de<br />

deux mélancoliques qui, au mom<strong>en</strong>t où les troubles<br />

intellectuels avai<strong>en</strong>t presque <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t disparu,<br />

étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core si faibles qu'elles pouvai<strong>en</strong>t à peine<br />

marcher. Une émotion morale insignifiante ram<strong>en</strong>a<br />

le délire, mais le nouvel accès ne dura que trois<br />

semaines, et un séjour plus prolongé à l'hôpital<br />

am<strong>en</strong>a une convalesc<strong>en</strong>ce plus solide. Il est bi<strong>en</strong><br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>du que je ne parle pas ici de ces récidives dans<br />

lesquelles une femme tombée malade p<strong>en</strong>dant la<br />

lactation éprouve les mêmes accid<strong>en</strong>ts toutes les fois<br />

qu'elle essaie de nourrir. Nous avons déjà insisté<br />

sur les faits de cette nature dont on r<strong>en</strong>contre tant<br />

d'exemples dans la pratique.<br />

§ 15. Traitem<strong>en</strong>t. — Les détails que nous avons<br />

donnés sur les troubles physiques et intellectuels qui<br />

précèd<strong>en</strong>t, dans la grande tnajorité des cas, l'explo-


344 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

si<strong>en</strong> de la folie chez les nourrices indiqu<strong>en</strong>t suffi-<br />

samm<strong>en</strong>t le rôle important que doit jouer ici la mé-<br />

decine prév<strong>en</strong>tive. Le médecin qui connaît les anté-<br />

céd<strong>en</strong>ts héréditaires et les prédispositions nerveuses<br />

d'une malade, lorsqu'il la voit pâlir et maigrir p<strong>en</strong>-<br />

dant un allaitem<strong>en</strong>t intempestif, lorsqu'il voit se révé-<br />

ler ces légers troubles intellectuels, qui, le plus sou-<br />

v<strong>en</strong>t, pass<strong>en</strong>t inaperçus aux yeux du monde, mais<br />

qui doiv<strong>en</strong>t frapper des yeux att<strong>en</strong>tifs, le médecin,<br />

dis-je, doit insister énergiquem<strong>en</strong>t pour que l'allaite-<br />

m<strong>en</strong>t soit supprimé, pour que la malade, maint<strong>en</strong>ue<br />

dans un caime moral aussi complet que possible, et<br />

isolée de toutes les causes souv<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> futiles qui<br />

la préoccup<strong>en</strong>t, soit soumise d une manière gra-<br />

duelle et méthodique à l'usage des toniques et des<br />

reconstituants. En a^Mssant ainsi, on prévi<strong>en</strong>dra sou-<br />

v<strong>en</strong>t les accid<strong>en</strong>ts les plus graves.<br />

Si le médecin est appelé trop tard, quand la<br />

maladie a fait explosion, la première indication qui<br />

se prés<strong>en</strong>te est <strong>en</strong>core d'arrêter l'allaitem<strong>en</strong>t. Ceci<br />

est important non-seulem<strong>en</strong>t pour la mère, mais<br />

<strong>en</strong>core pour l'<strong>en</strong>fant, qui, restant confié aux soins<br />

d'une mère aliénée, pourrait courir des dangers<br />

d'autant plus réels qu'il devi<strong>en</strong>t quelquefois le<br />

point de départ et l'objet des conceptions délirantes.<br />

Nous ne faisons qu'indiquer <strong>en</strong> passant la pratique<br />

qui consiste à <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir ou rappeler la sécrétion lai-<br />

teuse. En général, c'est là un traitem<strong>en</strong>t ess<strong>en</strong>tielle-


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 345<br />

m<strong>en</strong>t illogique et irrationnel : le sevrage devra se<br />

faire avec les précautions accoutumées; on aura<br />

soin d'approcher l'<strong>en</strong>fant du sein à des intervalles de<br />

plus <strong>en</strong> plus éloignés, de recourir à l'emploi des pur-<br />

gatifs qui feront une révulsion utile du côlé du tube<br />

intestinal, <strong>en</strong>fin de surveiller l'état des seins pour<br />

éviter les <strong>en</strong>gorgem<strong>en</strong>ts ou les abcès mammaires.<br />

Une fois que la sécrétion laiteuse sera <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t<br />

tarie, il faudra <strong>en</strong> premier lieu s'adresser à l'état<br />

général du sujet, et employer avec persévérance la<br />

médication reconstituante et les toniques de toule<br />

nature, le fer, le quinquina, les bains sulfureux, les<br />

lotions froides; ce traitem<strong>en</strong>t, combiné avec une<br />

bonne hygiène, avec un exercice modéré, le séjour<br />

à la campagne et une nourriture substantielle, sera<br />

suivi avec énergie et persévérance, quels que soi<strong>en</strong>t<br />

d'ailleurs les divers incid<strong>en</strong>ts et la forme de l'alié-<br />

nation m<strong>en</strong>tale. H devra être continué p<strong>en</strong>dant plu-<br />

sieurs mois, même quand les troubles inlellecluels<br />

sembl<strong>en</strong>t s'améliorer rapidem<strong>en</strong>t, car tant que l'état<br />

général n'est pas complètem<strong>en</strong>t modifié, les rechutes<br />

sont toujours à craindre et peuv<strong>en</strong>t surv<strong>en</strong>ir à propos<br />

des moindres causes occasionnelles.<br />

En second lieu, les indications devront se tirer de<br />

la forme même de la maladie ; les affusions froides,<br />

les purgatifs, les révulsifs de toute nature, l'opium,<br />

certains stimulants diffusibles seront spécialem<strong>en</strong>t<br />

dirigés contre la mélancolie; la manie sera traitée


346 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

par des bains prolongés, des sédatifs de toute nature,<br />

et ici nous ne pourrions développer noire p<strong>en</strong>sée<br />

sans énumérer les règles générales du traitem<strong>en</strong>t de<br />

la folie, et sans tomber dans des répétitions fasti-<br />

dieuses et inutiles. Aussi nous r<strong>en</strong>voyons à ce que<br />

nous avons déjà dit sur la manie et la mélancolie,<br />

qui survi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à la suite de l'accouchem<strong>en</strong>t.<br />

Tel est le traitem<strong>en</strong>t qui pourra le plus souv<strong>en</strong>t se<br />

déduire logiquem<strong>en</strong>t de l'état général du sujet; il<br />

est bi<strong>en</strong> clair que des circonstances individuelles<br />

devront modifier sa durée et son énergie, car ici<br />

comme partout, il y a des malades et non une ma-<br />

ladie toujours une et id<strong>en</strong>tique.<br />

Enfin, comme nous avons eu occasion de le dire,<br />

il existe certains cas exceptionnels que l'emploi des<br />

toniques ne fait qu'exaspérer, et qui cèd<strong>en</strong>t mer-<br />

veilleusem<strong>en</strong>t à l'emploi des émissions sanguines,<br />

de la diète lactée, des débilitants. Reconnaître les<br />

cas de ce g<strong>en</strong>re n'est pas toujours facile, même<br />

lorsqu'on est prév<strong>en</strong>u de leur exist<strong>en</strong>ce. De même<br />

que tous les cas d'anémie ne se révèl<strong>en</strong>t pas par la<br />

pâleur de la face et des muaueuses, par les bruits de<br />

souffle de cœur et des gros vaisseaux, par des palpi-<br />

tations, de même aussi les névroses de nature sthé-<br />

nique ne se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t pas toujours dans des orga-<br />

nisations pléthoriques et vigoureuses. C'est alors<br />

dans une appréciation minutieuse et délicate des<br />

symptômes observés, et plus souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core dans les


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 347<br />

résultats du traitem<strong>en</strong>t et dans une expérim<strong>en</strong>tation<br />

prud<strong>en</strong>te que le médecin devra trouver des r<strong>en</strong>seigne-<br />

m<strong>en</strong>ts capables de le guider, tant est vrai l'anci<strong>en</strong><br />

axiome : Morborum naturam ost<strong>en</strong>dunt ciirationes.<br />

§ 16. La lactation, que nous avons jusqu'ici con-<br />

sidérée comme un état spécial prédisposant à la folie,<br />

peut-elle, lorsqu'elle survi<strong>en</strong>t chez des femmes alié-<br />

nées, exercer une influ<strong>en</strong>ce heureuse sur la marche<br />

et la terminaison de l'aliénation m<strong>en</strong>tale?<br />

Nous n'avons qu'un petit nombre de faits pour<br />

nous aider à décider cette question; <strong>en</strong> général ils<br />

sont loin d'être favorables; toutes les fois qu'une<br />

femme dev<strong>en</strong>ue aliénée quelques jours après ses<br />

couches a essayé d'allaiter son <strong>en</strong>fant, nous avons<br />

vu la maladie m<strong>en</strong>tale s'aggraver ou du moins con-<br />

tinuer sa marche sans éprouver la moindre amélio-<br />

ration ; il existe cep<strong>en</strong>dant dans la sci<strong>en</strong>ce trois faits<br />

assez curieux à ce point de vue : d'eux d'<strong>en</strong>tre eux<br />

sont empruntés à la clinique de Rech, le troisième<br />

est tiré du service de M. Baillarger.<br />

Dans le premieril s'agit d'une malade qui, retom-<br />

bée malade aprèsunpremieraccès, (observ.78) con-<br />

servait du lait au sein, bi<strong>en</strong> qu'elle n'eût pas nourri<br />

depuis vingtans. On lui donna un jeune chi<strong>en</strong> qu'elle<br />

allaita p<strong>en</strong>dant trois semaines, au bout de ce temps,<br />

le lait manqua et la raison revint; mais il y eut une<br />

rechute au bout de deux ans. — La seconde malade<br />

(obseVv. 79) était <strong>en</strong> proie à une manie intermitt<strong>en</strong>te


348 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

à accès rapprochés ; on s'aperçut aussi qu'elle avait<br />

du lait au sein, on lui fit allaiter un chi<strong>en</strong> p<strong>en</strong>dant<br />

six semaines; survint un viol<strong>en</strong>t accès p<strong>en</strong>dant le-<br />

quel la lactation cessa, ce fut le dernier. Trois ans<br />

après, elle eut p<strong>en</strong>dant deux jours une vive agitation<br />

qui n'eût aucune suite fâcheuse et n'empêcha pas la<br />

guérison définitive.<br />

Le troisième fait observé à la Salpêtrière est celui<br />

d'une femme qui devint paralytique vers le troisième<br />

mois de sa grossesse; la maladie, qui persista sans<br />

vive agitation p<strong>en</strong>dant les deiniers mois, s'améliora<br />

immédiatem<strong>en</strong>t après l'accouchem<strong>en</strong>t; l'embarras<br />

de la parole disparut, les idées devinr<strong>en</strong>tplus nettes<br />

et cet état se maintint p<strong>en</strong>dant toute la lactation qui<br />

dura quatre mois ;<br />

au bout de ce temps, cette femme<br />

ayant été forcée de sevrer faute de lait, tous les<br />

symptômes de paralysie reparur<strong>en</strong>t plus int<strong>en</strong>ses<br />

que jamais; cinq jours après le sevrage elle était de-<br />

v<strong>en</strong>ue galeuse (1).<br />

Il ne faut pas perdre de vue que les deux pre-<br />

miers faits se sont produits dans des circonstances<br />

tout à fait exceptionnelles et qu'on ne saurait logi-<br />

quem<strong>en</strong>t les assimiler aux cas que nous avons étu-<br />

diés jusqu'ici.<br />

Il ne s'agit pas, <strong>en</strong> effet, de malades ayant passé<br />

par toutes les phases de l'état puerpéral et ayant été<br />

(1) Annales Médico-Psychologiques, avril 1857, p. 304,


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 349<br />

soumises à des causes de débilitation aussi nom-<br />

breuses que variées, mais bi<strong>en</strong> de sujets chez les-<br />

quels la sécrélion lactée a été provoquée isolém<strong>en</strong>t<br />

au milieu d'unesantéphysiqueparfaitem<strong>en</strong>tnormale.<br />

Aussi cesobservationsconstitu<strong>en</strong>tplutôt une curiosité<br />

pathologique qu'un fait clinique parfaitem<strong>en</strong>t régu-<br />

lier et aple à fournir un <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t sérieux.<br />

La troisième observation prouve que la lactation<br />

a pu ral<strong>en</strong>tirla marche d'une paralysiegénérale ; mais<br />

cette amélioration a été plutôt appar<strong>en</strong>te que réelle,<br />

car dès que la lactation a cessé, la maladie a repris<br />

sa marche; la vitesse et la rapidité des symptômes<br />

a été augm<strong>en</strong>tée de toute la débilitation que l'ccono-<br />

mie avait subie p<strong>en</strong>dant cet allaitem<strong>en</strong>t inopportun.<br />

En résumé, l'allaitem<strong>en</strong>t pas plus que la grossesse<br />

ne sera jamais un moy<strong>en</strong> curatif auquel le médecin<br />

pourra légitimem<strong>en</strong>t recourir, et les faits qui pré-<br />

cèd<strong>en</strong>t ne saurai<strong>en</strong>t infirmer la règle que nous avons<br />

précédemm<strong>en</strong>t établie.<br />

60* Observation. — Manie développée chez une nourrice au bout<br />

de quinze mois d^ allaitem<strong>en</strong>t ; grande amélioration au bout de<br />

deux mois et demi.<br />

Boulain, femraeRousman,âgéede 25 ans, <strong>en</strong>tre,<br />

le 6 septembre 1857, à la Salpètrière dans le ser-<br />

vice de M. Mitivié.<br />

Cette femme grande , forte et bi<strong>en</strong> développée , a eu


350 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

déjà une petite fille qui maint<strong>en</strong>ant est âgée de4ans<br />

et demi. Il y a quinze mois elle est accouchée d'un<br />

garçon qu'elle allaitait elle-même ; cet <strong>en</strong>fant a éié<br />

fort longtemps malade; p<strong>en</strong>dant deux mois sa mère<br />

l'a soigné, dormant à peine, exténuée de fatigue et<br />

néanmoins continuant à allaiter.<br />

Trois ou quatre jours avant son <strong>en</strong>trée, ses voisins<br />

s'aperçur<strong>en</strong>t déjà qu'elle avait dans les allures quel-<br />

que chose de singulier; son mari n'y pr<strong>en</strong>ait pas<br />

garde, mais dès le 5 septembre, le délire débuta avec<br />

assez d'int<strong>en</strong>sité pour qu'on fût obligé de la m<strong>en</strong>er<br />

à l'hôpital.<br />

C'est le 10 septembre que je l'ai vue pour la pre-<br />

mière fois; l'agitation est vive, la malade camisolée<br />

et attachée à un fauteuil, crie d'une voix rauqife et<br />

éteinte. Elle passe les nuits à frapper et à vociférer.<br />

Elle mange très-peu et refuse de boire, disant qu'on<br />

veut l'empoisonner : la langue est humide, mais les<br />

lèvres rest<strong>en</strong>t sèches et fuligineuses. Les selles sont<br />

involontaires. Le sein gauche est <strong>en</strong>gorgé dans sa<br />

partie externe et supérieure. La peau est un peu<br />

rouge ; pas de fluctuation ni d'œdème.<br />

12 septembre.— Quelques instants de calme ; les<br />

traits sont moins altérés, la malade demande à boire<br />

et comm<strong>en</strong>ce à manger; la peau est fraîche, le pouls<br />

est à 92.<br />

14 septembre. — La figure est plus calme, plus<br />

colorée, le regard est moins égaré ; la malade a


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURfilCES. 354<br />

dormi un peu la nuit dernière; depuis hier soir elle<br />

mange bi<strong>en</strong>, mais offre toujoursunegrandeexallation.<br />

Elle dit des injures aux personnes voisines et pro-<br />

nonce des mots obscènes. Elle danse, chante et rit,<br />

sans chercher à frapper; lorsqu'elle est abandonnée<br />

à elle-même, elle se déshabille et reste nue dans sa<br />

loge. Le sein gauche est plus volumineux <strong>en</strong>core<br />

dans sa moitié supérieure; lorsqu'on le palpe, la<br />

malade accuse de la douleur, mais les mouvem<strong>en</strong>ts<br />

du bras ne sont nullem<strong>en</strong>t gênés; il n'y a pas de fluc-<br />

tuation; le sein droit n'offre plus aucune trace de<br />

sécrétion laiteuse. Le pouls est à 84, très-petit, très-<br />

peu développé et comme filiforme ;<br />

pas de bruit de<br />

souffle au cœur ou dans les gros vaisseaux, mais il<br />

est difficile d'ausculter avec soin la malade.<br />

Les selles sont régulières.<br />

Je n'ai revu la malade qu'un mois après (14 oc-<br />

tobre). L'agitation a diminué, mais elle est loin d'a-<br />

voir <strong>en</strong>core disparu ; le faciès est toujours caractéris-<br />

tique. La nuit, mauvais sommeil, elle crie et chante<br />

le plus souv<strong>en</strong>t : p<strong>en</strong>dant le jour elle essaie de tra-<br />

vailler, de faire sa chambre, mais à chaque mom<strong>en</strong>t<br />

elle interrompt son travail pour parler d'une manière<br />

incohér<strong>en</strong>te ou dire des injures; hier elle a frappé<br />

une de ses compagnes; cep<strong>en</strong>dant on se cont<strong>en</strong>te de<br />

la r<strong>en</strong>fermer dans sa loge sans lui mettre la camisole.<br />

Elle <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d son mari, ses <strong>en</strong>fants qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t lui<br />

parler la nuit.


354 DE LA FOLIÉ CHEZ LES NOURRICES.<br />

L*appétit est maint<strong>en</strong>ant excell<strong>en</strong>t, les digestions<br />

se font bi<strong>en</strong>, la figure est plus colorée, et moins<br />

amaigrie. Les seins sont rev<strong>en</strong>us à leur volume nor-<br />

mal et l'<strong>en</strong>gorgem<strong>en</strong>t qui existait à gauche a com-<br />

plètem<strong>en</strong>t disparu<br />

Depuis l'<strong>en</strong>trée de la malade les règles ne sont pas<br />

rev<strong>en</strong>ues.<br />

22octobre. — L'agitationde lamalad<strong>en</strong>ese calme<br />

pas, et depuis quelques jours elle est plus excitée<br />

que jamais; elle déchire ses vêlem<strong>en</strong>ts , ses draps,<br />

ses couvertures, brise tout ce qui lui tombe sous la<br />

main, et l'on est obligé de l'attacher et de la cami-<br />

soler. L'appétit est vorace ; les nuits se pass<strong>en</strong>t sans<br />

sommeil.<br />

1 novembre. — La malade est un peu mieux, elle<br />

ne déchire plus ses vêtem<strong>en</strong>ts, ne casse plus les<br />

meubles de sa cellule, dort d'un sommeil assez<br />

tranquille; mais elle s'emporte volontiers, ne tra-<br />

vaille que d'une manière irrégulière, et devi<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong><br />

vite incohér<strong>en</strong>te lorsqu'elle s'anime un peu.<br />

1 8 novembre. — L'amélioration est considérable,<br />

la figure est colorée et les traits ont repris du calme<br />

et de la sérénité : depuis hier, madame B... vi<strong>en</strong>t à<br />

l'atelier et y travaille fort bi<strong>en</strong> ; les nuils sont bonnes,<br />

mais un bruit, même léger, suffit pour l'éveiller ; il<br />

reste de l'irascibilité, de l'incohér<strong>en</strong>ce dès qu'elle<br />

s'anime un peu ; elle croit toujours que ses <strong>en</strong>fants<br />

sont dans la maison et dit les avoir <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dus crier,


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 353<br />

mais elle semble parler de souv<strong>en</strong>ir, et ces halluci-<br />

nations paraiss<strong>en</strong>t remonter à une époque déjà<br />

éloignée; elle n'a pas été malade, dit-elle, et n'a<br />

été am<strong>en</strong>ée à la Salpêtrière que parce qu'elle se<br />

mettait <strong>en</strong> colère.<br />

P<strong>en</strong>dant les quinze jours qui suiv<strong>en</strong>t, l'amé-<br />

lioration ne s'est pas dém<strong>en</strong>tie, le travail est dev<strong>en</strong>u<br />

plus facile et plus régulier, les idées se coordonn<strong>en</strong>t<br />

de jour <strong>en</strong> jour. Par suite d'une mesure adminis-<br />

trative , la malade a été transportée dans un asile<br />

départem<strong>en</strong>tal, mais au mom<strong>en</strong>t de son départ<br />

M. Mitivié regardait sa guérison comme prochaine<br />

et assurée.<br />

61* Observation. — Allaitem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant quatorze mois. Émotion<br />

morale. Sevrage brusque. Trois jours après, légère excitation<br />

maniaque; quinze jours de durée. Guérison.<br />

La femme Pelletier, âgée de 26 ans, <strong>en</strong>fant<br />

trouvée, est <strong>en</strong>trée à la Salpêtrière, service de<br />

M. Mitivié, le 10 juillet 1857.<br />

Cette femme a toujours été bi<strong>en</strong> portante et bi<strong>en</strong><br />

réglée p<strong>en</strong>dant son <strong>en</strong>fance, jamais elle n'a eu d'at-<br />

taques de nerfs; elle a passé plusieurs années de sa<br />

vie à la Salpêtrière <strong>en</strong> qualité de domestique d'une<br />

des surveillantes, et là n'a jamais ri<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>té<br />

d'anormal dans ses allures.<br />

Elle est mariée depuis trois ans; à un premier<br />

33


354 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

accouchem<strong>en</strong>t qui s'est effectué sans aucun incid<strong>en</strong>t<br />

fâcheux, elle a eu une fille qu'elle n'a pu allaiter<br />

que six semaines à cause de sa grande faiblesse ; elle<br />

éprouvait <strong>en</strong> effet des vertiges, de l'anorexie : tous<br />

ces phénomènes disparur<strong>en</strong>t lorsqu'elle eut sevré;<br />

l'<strong>en</strong>fant fut élevé au biberon, mais succomba à<br />

huit mois à des convulsions.<br />

Il y a deux ans, la femme Pelletier redevint<br />

grosse; elle était <strong>en</strong>ceinte de cinq mois, lorsqu'elle<br />

vint à perdre sa petite fille; malgré le chagrin qu'elle<br />

<strong>en</strong> éprouva, elle arriva à terme sans difficulté, et ac-<br />

coucha heureusem<strong>en</strong>t après un travail de deux<br />

heures.<br />

Elle a allaité son <strong>en</strong>fant p<strong>en</strong>dant quatorze mois,<br />

le nourrisson se développait très-bi<strong>en</strong>, et la mère<br />

ne souffrait nullem<strong>en</strong>t; pas de maux d'estomac, pas<br />

de vertiges, bon sommeil, bon appétit.<br />

Il y a une quinzaine de jours, elle ne songeait pas<br />

à sevrer, lorsqu'elle éprouva une viol<strong>en</strong>te contra-<br />

riété à la suite d'une discussion avec son proprié-<br />

taire. Dès le soir elle s'aperçut que ses seins étai<strong>en</strong>t<br />

douloureux, que le lait était séreux, alors, craignant<br />

de nuire à son <strong>en</strong>fant, elle cessa brusquem<strong>en</strong>t de le<br />

nourrir. Trois jours après, quelques symptômes de<br />

délire se manifestèr<strong>en</strong>t; la femme P était chez<br />

elle sans cesse <strong>en</strong> action et <strong>en</strong> mouvem<strong>en</strong>t, mais<br />

sans ri<strong>en</strong> briser, sans commettre aucun acte de<br />

viol<strong>en</strong>ce, continuant à soigner ses <strong>en</strong>fants, pronon-


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 355<br />

çant des paroles incohér<strong>en</strong>tes, dormant à peine la<br />

nuit.<br />

Elle demande d'elle-même à v<strong>en</strong>ir à la Salpê-<br />

trière (10 juillet 1857).<br />

Lors de son <strong>en</strong>trée elle prés<strong>en</strong>te une légère exci-<br />

tation, parlant beaucoup, restant difficilem<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

place, mais elle n'a ni hallucinations, ni conceptions<br />

délirantes, il n'y a même pas d'insomnie, et toutes<br />

les fonctions s'exécut<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> ; la malade est un peu<br />

pâle et un peu maigre, mais elle affirme qu'elle a<br />

toujours été ainsi. Il n'y a d'ailleurs aucun bruit de<br />

souffle au cœur et dans les gros vaisseaux; les seins<br />

sont <strong>en</strong>core un peu volumineux, et la pression fait<br />

sortir par le mamelon quelques gouttes de lait.<br />

Le lundi 13, les règles apparaiss<strong>en</strong>t pour la pre-<br />

mière fois depuis le sevrage, elles coul<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant<br />

trois jours et sans douleur, les seins se dégorg<strong>en</strong>t, et<br />

l'excitation se calme peu à peu.<br />

Le 15 juillet, il ne reste aucune trace de l'état<br />

morbide, la malade cause parfaitem<strong>en</strong>t et r<strong>en</strong>d<br />

très- bi<strong>en</strong> compte de ce qui lui est arrive : les seins<br />

sont flasques et vides, l'état général est excell<strong>en</strong>t;<br />

huit jours après la femme P quitte l'hôpital, elle<br />

paraît <strong>en</strong>core un peu irritable et soupçonneuse, elle<br />

s'emporte ou du moins s'impati<strong>en</strong>te volontiers dans<br />

la conversation, mais depuis plusieurs jours toute<br />

trace d'agitation a disparu.


3b6 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

62« OBSERVATIO^. — Manie. Irascibilité p<strong>en</strong>dant une seconde gros-<br />

sesse. Accouchem<strong>en</strong>t normal. Allaite7n<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant quinze jours.<br />

Adénite mammaire double. Explosion d'un accès de manie deux<br />

mois et demi après la délivrance. Trois mois de durée. Gué-<br />

rison.<br />

Cadiou (Marie-Françoise), couturière, âgée de<br />

28 ans, <strong>en</strong>tre le 12 mai 1856 à la Salpêtrière, dans<br />

le service de M. Baiilarger.<br />

Cette femme est de petite taille, mais bi<strong>en</strong> cons-<br />

tituée, elle est d'un caractère vifet porté à la colère,<br />

jamais elle n'a eu d'attaques de nerfs. La première<br />

m<strong>en</strong>struation s'est établie chez elle à quatorze ans<br />

et demi sans malaise d'aucune sorte. — Sa mère a<br />

eu 22 <strong>en</strong>fants, dont 5 seulem<strong>en</strong>t sont \ivants; une<br />

de ses sœurs et une cousine sont sujettes à des acci-<br />

d<strong>en</strong>ts nerveux convulsifs.<br />

La malade a déjà eu une première grossesse si-<br />

gnalée par des nausées, des vomissem<strong>en</strong>ts et une<br />

irascibilité beaucoup plus grande que de coutume.<br />

L'accouchem<strong>en</strong>t a été pénible et le rétablissem<strong>en</strong>t<br />

complet n'a eu lieu qu'au bout de deux mois, le<br />

retour de couches n'est v<strong>en</strong>u égalem<strong>en</strong>t qu'à cette<br />

époque; l'<strong>en</strong>fant est mort <strong>en</strong> nourrice à l'âge de trois<br />

mois, sans qu'on ait pu savoir à quelle affection il<br />

avait succombé.<br />

Un an après, seconde grossesse p<strong>en</strong>dant laquelle<br />

l'irascibilité reparut : la malade était d'une humeur


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 357<br />

insupportable, s'emportait à tout propos, et mettait<br />

à la porte les voisines qui v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t la voir.<br />

L'accouchem<strong>en</strong>t se fit sans incid<strong>en</strong>t fâcheux le<br />

18 février 1856.<br />

P<strong>en</strong>dant quinze jours la malade put allaiter son<br />

<strong>en</strong>fant, elle était alors parfaitem<strong>en</strong>t saine d'esprit;<br />

mais au bout de ce temps les deux seins comm<strong>en</strong>cè-<br />

r<strong>en</strong>t à s'<strong>en</strong>gorger, et trois abcès se manifestèr<strong>en</strong>t à<br />

chacun d'eux; la douleur devint assez vive pour<br />

am<strong>en</strong>er de l'agitation et de l'insomnie, et tous ces<br />

symptômes s'exagérèr<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core lorsqu'il devint<br />

nécessaire de pratiquer plusieurs incisions; la der-<br />

nière opération faite à la fin d'avril, après un mois<br />

de souffrance, fut suivie d'une grande exaltation et,<br />

quelques jours après, de délire : la malade, <strong>en</strong> proie<br />

à des hallucinations, voyait autour d'elle des ani-<br />

maux qui voulai<strong>en</strong>t la dévorer et <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dait des vo-<br />

leurs faisant du bruit dans la chambre voisine ; sur-<br />

vinr<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>tôt des scènes de viol<strong>en</strong>ce, elle manqua<br />

de jeter son <strong>en</strong>fant par la f<strong>en</strong>être et mettait tout le<br />

monde hors de sa chambre, criant partout qu'on<br />

voulait l'assassiner.<br />

Lorsqu'elle <strong>en</strong>tra à l'hôpital le 12 mai, elle était<br />

complètem<strong>en</strong>t maniaque, cep<strong>en</strong>dant de temps à au-<br />

tre il y avait quelques intervalles lucides et la ma-<br />

lade avait consci<strong>en</strong>ce de son état. L'abcès du sein<br />

suppurait <strong>en</strong>core. On le pansa conv<strong>en</strong>ablem<strong>en</strong>t, on<br />

donna des purgatifs et des bains prolongés.


3b8 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

20 mai. — La malade crie, chante, pleure, dé-<br />

clame, l'agitation ne semble passe calmer, les abcès<br />

des seins suppur<strong>en</strong>t toujours. — Eau de Sediitz,<br />

bains prolongés.<br />

28 mai. — Un peu d'amélioration; la malade<br />

demande à voir son mari, réclame sa liberté, se<br />

plaint que les autres aliénées font trop de bruit et<br />

lui donn<strong>en</strong>t mal à la tête.<br />

Dans le courant de juin les abcès finiss<strong>en</strong>t par se<br />

tarir, l'exaltation se calme s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t, mais la<br />

malade reste impressionnable, colère et acariâtre;<br />

elle ne déraisonne <strong>en</strong> aucune façon.<br />

Le 10 juillet les règles apparaiss<strong>en</strong>t pour la pre-<br />

mière fois, elles dur<strong>en</strong>t 5 ou 6 jours et ne s'accom-<br />

pagn<strong>en</strong>t d'aucune modification de l'état m<strong>en</strong>tal ; la<br />

malade répond parfaitem<strong>en</strong>t aux questions qu'on lui<br />

adresse, mais avec les g<strong>en</strong>s qui l'<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t, elle con-<br />

serve un caractère difficile et des emportem<strong>en</strong>ts<br />

inexplicables; le moindre bruit la met hors d'elle-<br />

même, parfois elle rit et chante sans motifs, souv<strong>en</strong>t<br />

elle va se mettre la tète sous la fontaine <strong>en</strong> disant<br />

qu'elle <strong>en</strong> éprouve un grand bi<strong>en</strong>. P<strong>en</strong>dant la der-<br />

nière quinzaine de juillet, cette exaltation s'est un<br />

peu calmée, la malade s'est mise à travailler, elle<br />

est dev<strong>en</strong>ue plus tranquille ,<br />

le sommeil et l'appétit<br />

ont repris leur régularité, les colères ont été <strong>en</strong> s'at-<br />

ténuant et le caractère s'est modifié s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t;<br />

la sortie a eu lieu à la fin de juillet.


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 359<br />

63e Observation (Résumé) {\).<br />

Angélique Bertaut, femme Pocreaii, âgée de<br />

44 ans.— Deux accouchem<strong>en</strong>ts et neuf fausses cou-<br />

ches, pas d'accès antérieur de folie ; une de ses sœurs<br />

a été aliénée.<br />

Entrée le 9 octobre 18i8 à l'hôpital. Accouchée<br />

six semaines auparavant et ayant allaité son <strong>en</strong>fant ;<br />

début par agitation, insomnie, délire, puis accès<br />

complet de manie.<br />

Séjour de quatre mois à l'hôpital ; sortie complè-<br />

tem<strong>en</strong>t guérie à la fin de janvier 1849.<br />

64* Observation. — Manie hystérique à la suite de sevrage. Accès<br />

rev<strong>en</strong>ant à chaque époque m<strong>en</strong>struelle. Traitem<strong>en</strong>t infructueux<br />

par les toniques. Guérison par la diète lactée.<br />

Madame X..., âgée de 26 ans, est blonde, un peu<br />

pâle, de petite stature, mais fortem<strong>en</strong>t constituée.<br />

Une tante paternelle, très-nerveuse, offre après cha-<br />

que accouchem<strong>en</strong>t, après chaque émotion un peu<br />

vive, un délire passager, mais bi<strong>en</strong> caractérisé : c'est<br />

là le seul antécéd<strong>en</strong>t héréditaire qu'on puisse si-<br />

gnaler.<br />

Madame X... n'a, du reste, offert p<strong>en</strong>dant sa jeu-<br />

(1) Recueillie <strong>en</strong> 1849 à l'asile Saint-Jacques de Nantes, dans<br />

le service de M. Bouchet.


360 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

nesse ni attaque d'hystérie, ni accid<strong>en</strong>ts nerveux<br />

d'aucune sorte. A 12 ans, elle a été réglée pour la<br />

première fois, et cette fonction s'est établie chez elle<br />

avec une grande facilité. A 1 8 ans, elle s'est mariée;<br />

après quatre années de mariage elle eut une petite<br />

fille, qui vint au monde sans accid<strong>en</strong>t, et qu'elle<br />

allaita p<strong>en</strong>dant treize mois sans paraître <strong>en</strong> souffrir.<br />

C'est p<strong>en</strong>dant cette période de temps, neuf mois<br />

après l'accouchem<strong>en</strong>t, qu'elle perdit son mari, at-<br />

teint d'une maladie chronique de la moelle épi-<br />

nière. Depuis longtemps il gardait le lit, et p<strong>en</strong>dant<br />

plus d'un an elle n'avait cessé de lui donner des<br />

soins assidus.<br />

Après treize mois d'allaitem<strong>en</strong>t, le sevrage eut<br />

lieu. En ce mom<strong>en</strong>t les seins étai<strong>en</strong>t peu volumi-<br />

neux, et la sécrétion lactée assez peu abondante<br />

pour qu'il ait été inutile d'administrer des purga-<br />

tifs.<br />

Trois semaines après le sevrage, madame X...<br />

eut, au milieu d'une réunion de famille, une émo-<br />

tion très-vive; le soir elle se trouva malade, et dès<br />

le l<strong>en</strong>demain elle eut une attaque d'hystérie qui<br />

s'accompagna de vomissem<strong>en</strong>ts bilieux très-abon-<br />

dants (26 août 1855). Quinze jours après, les règles<br />

arrivèr<strong>en</strong>t comme de coutume.<br />

A partir de cette époque, madame X... fut, p<strong>en</strong>-<br />

dant l'automne et p<strong>en</strong>dant l'hiver, dans un état ner-<br />

veux voisin de l'aliénation m<strong>en</strong>tale : mauvaise hu-


i<br />

DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 361<br />

meur, défiance, lam<strong>en</strong>tations incessantes, éraotivité<br />

portée au plus haut degré, regrets exaltés de la perte<br />

de son mari, t<strong>en</strong>dance à l'expansion et à la t<strong>en</strong>-<br />

dresse <strong>en</strong>vers les personnes du sexe masculin.<br />

Vers la fin de janvier éclata pour la seconde fois<br />

un accès hystérique d'une grande viol<strong>en</strong>ce, qui s'ac-<br />

compagna d'excitation maniaque bi<strong>en</strong> caractérisée.<br />

Cet accès se termina par l'apparition des règles, et<br />

le calme revint p<strong>en</strong>dant les premiers jours de fé-<br />

vrier. Ce fut alors qu'on songea à comm<strong>en</strong>cer un<br />

traitem<strong>en</strong>t sérieux.<br />

La malade était assez pâle, les règles étai<strong>en</strong>t peu<br />

abondantes, le pouls peu développé. Aussi, bi<strong>en</strong> que<br />

l'auscultation du cœur etdes gros vaisseauxne révélât<br />

pas de bruit de souffle bi<strong>en</strong> manifeste, on se décida<br />

à employer un traitem<strong>en</strong>t tonique , et on prescrivit<br />

du fer, du vin de quinquina et des bains sulfureux.<br />

Ces moy<strong>en</strong>s fur<strong>en</strong>t employés avec persévérance p<strong>en</strong>-<br />

dant les mois de février et de mars, mais sans aucun<br />

succès. En février, il survint un viol<strong>en</strong>t accès du 1<br />

au 18, et les règles n'apparur<strong>en</strong>t que vers le 24. En<br />

mars, l'accès, qui dura du 9 au 15, fut égalem<strong>en</strong>t<br />

suivi, le 23, de l'écoulem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>struel.<br />

Ces deux accès, surtout le dernier, étai<strong>en</strong>t d'une<br />

viol<strong>en</strong>ce extraordinaire; p<strong>en</strong>dant leur durée, la<br />

moindre excitation, le bruit des pas d'un homme,<br />

am<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t des rires nerveux <strong>en</strong>trecoupés de pleurs<br />

et de sanglots et suivis de convulsions hystérlformes<br />

1


362 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

p<strong>en</strong>dant lesquelles la malade, que six personnes ne<br />

pouvai<strong>en</strong>t cont<strong>en</strong>ir, brisait tout ce qui lui tombait<br />

sous la main.<br />

i'«iH!fi(<br />

Dans l'intervalle des convulsions, elle était <strong>en</strong><br />

proie à une véritable excitation maniaque, se tra-<br />

duisant surtout par des actes désordonnés dont elle<br />

avait jusqu'à un certain point consci<strong>en</strong>ce, sans pou-<br />

voir les maîtriser.<br />

Tous ces phénomènes ne se manifestai<strong>en</strong>t pas<br />

d'emblée dans toute leur viol<strong>en</strong>ce ; toujours on ob-<br />

servait quelques jours de prodromes, p<strong>en</strong>dant les-<br />

quels il y avait des lam<strong>en</strong>tations, des redites inces-<br />

santes et quelques manifestations erotiques; puis,<br />

quand l'accès était terminé, il restait un état ner-<br />

veux variable selon les impressions du mom<strong>en</strong>t, et<br />

qui laissait parfois la malade dans un calme complet.<br />

La santé générale était bonne, et toutes les fonc-<br />

tions s'exécutai<strong>en</strong>t régulièrem<strong>en</strong>t. Il est bon de no-<br />

ter cep<strong>en</strong>dant qu'<strong>en</strong> pressant les deux seins on fai-<br />

sait sortir par le mamelon quelques gouttes de lait<br />

séreux.<br />

L'insuffisance du traitem<strong>en</strong>t tonique, le caractère<br />

manifestem<strong>en</strong>t erotique de l'affection chez une ma-<br />

lade vigoureusem<strong>en</strong>t constituée, dont le bassin avait<br />

une ampleur remarquable, <strong>en</strong>gagèr<strong>en</strong>t, vers le mi-<br />

lieu d'avril, à pratiquer une saignée de 400 gram-<br />

mes, dont le caillot fut trouvé ferme et consistant.<br />

Cette fois l'accès, au lieu de précéder les règles,


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 363<br />

survint <strong>en</strong> même temps qu'elles; il dura du 28 avril<br />

au 7 mai, et consista <strong>en</strong> rires, <strong>en</strong> convulsions hys-<br />

tériforraes, mais <strong>en</strong> somme fut notablem<strong>en</strong>t moins<br />

int<strong>en</strong>se.<br />

Le 20 mai une nouvelle saignée fut pratiquée. Les<br />

règles apparur<strong>en</strong>t sans accid<strong>en</strong>t le 25, mais elles n'é-<br />

tai<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong>core terminées qu'on vit surv<strong>en</strong>ir les<br />

plaintes, les lam<strong>en</strong>tations, puis bi<strong>en</strong>tôt après l'état<br />

hystérique avec excitation maniaque, qui dura deux<br />

jours seulem<strong>en</strong>t, du 29 au 31. Il n'y eut pas de con-<br />

vulsions.<br />

Au milieu de juin, une troisième saignée fut faite;<br />

les règles apparur<strong>en</strong>t le 23 sans douleur et sans in-<br />

cid<strong>en</strong>t notable : déjà elles avai<strong>en</strong>t cessé de couler,<br />

et l'on espérait que cette fois l'accès allait manquer<br />

totalem<strong>en</strong>t, lorsque l'arrivée de la mère de la ma-<br />

lade am<strong>en</strong>a une émotion très-vive, suivie immédia-<br />

tem<strong>en</strong>t d'une rechute, du 2 au 6 juillet.<br />

Ce fut alors qu'on se décida à employer la diète<br />

lactée (21 juillet); lamalade était nourrie exclusive-<br />

m<strong>en</strong>t de lait et d'un peu de pain; quatre ou cinq<br />

bols lui suffisai<strong>en</strong>t chaque jour ; on insista un peu<br />

moins sur les prom<strong>en</strong>ades et sur l'exercice, <strong>en</strong> se<br />

gardant toutefois de les supprimer totalem<strong>en</strong>t. Les<br />

règles apparur<strong>en</strong>t le 26 juillet; elles durèr<strong>en</strong>t quatre<br />

jours, et le 8 août, laccès ayant complètem<strong>en</strong>t<br />

cessé, on supprima le lait, qui du reste avait été<br />

parfaitem<strong>en</strong>t supporté , et n'avait am<strong>en</strong>é aucun


364 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

trouble des fonctions digeslives, sauf un peu de<br />

constipation.<br />

P<strong>en</strong>dant tout le mois d'août, la malade, qui avait<br />

repris son régime ordinaire, fut dans un parfait état<br />

de santé; peu à peu l'on vit disparaître les bizar-<br />

reries de caractère, les impati<strong>en</strong>ces que l'on remar-<br />

quait <strong>en</strong>core les mois précéd<strong>en</strong>ts, même p<strong>en</strong>dant les<br />

périodes de rémission.<br />

Cep<strong>en</strong>dant vers le 18 août, quelques jours avant<br />

l'époque présumée des règles, on crut prud<strong>en</strong>t de<br />

repr<strong>en</strong>dre la diète lactée; cette fois le régime fut<br />

moins bi<strong>en</strong> supporté; des tiraillem<strong>en</strong>ts d'estomac,<br />

de la faiblesse, un peu de pâleur du visage fir<strong>en</strong>t<br />

r<strong>en</strong>oncer au traitem<strong>en</strong>t vers le 30 août. Les règles<br />

n'avai<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong>core paru, mais on apprit de la ma-<br />

lade qu'<strong>en</strong> état de santé parfaite il y avait toujours<br />

cinq ou même six semaines d'intervalle <strong>en</strong>tre deux<br />

époques m<strong>en</strong>struelles.<br />

On cessa tout traitem<strong>en</strong>t; les règles revinr<strong>en</strong>t<br />

dans les premiers jours de septembre, et depuis plus<br />

d'un an la malade, parfaitem<strong>en</strong>t guérie, a pu repr<strong>en</strong>-<br />

dre la vie de famille et toutes ses habitudes sociales.<br />

65e Observation. — Manie développée dix jours après le sevrage<br />

chez une nourrice qui avait allaité six mois. Traitem<strong>en</strong>t par la<br />

diète lactée. Quinze jours de durée. Guérison,<br />

Une femme T..., âgée de 25 ans, est am<strong>en</strong>ée


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 365<br />

à la Salpêtrière, le 4 juin 1856, avec les symptômes<br />

d'un accès de manie aiguë. Cette femme, dont la<br />

constitution est robuste, a été atteinte dix jours<br />

après avoir sevré son <strong>en</strong>fant qu'elle avait nourri six<br />

mois. A son <strong>en</strong>trée dans le service de M. Baiilarger,<br />

elle prés<strong>en</strong>tait une grande agitation, se traduisant<br />

principalem<strong>en</strong>t par une excessive loquacité. Les<br />

pupilles sont très-dilatées, mais égales : le pouls est<br />

à 90, la langue un peu sèche, insomnie.<br />

La malade fut mise à l'usage de la diète lactée.<br />

Le lait lui servait <strong>en</strong> même temps d'alim<strong>en</strong>t et de<br />

calmant pour la soif; elle <strong>en</strong> buvait avec avidité<br />

jusqu'à deux litres par jour, sans dégoût. On mé-<br />

langeait <strong>en</strong> outre au lait les calmants qu'on prescrit<br />

d'habitude contre l'agitation et l'insomnie : c'était<br />

ici de l'eau de laurier-cerise à dose progressivem<strong>en</strong>t<br />

croissante. Ce médicam<strong>en</strong>t, mêlé au lait, lui donne<br />

une saveur agréable et est pris par les malades sans<br />

répugnance. Enfin la glace sur la tète, quelques<br />

lavem<strong>en</strong>ts salés et huileux pour maint<strong>en</strong>ir le v<strong>en</strong>tre<br />

libre, des purgatifs donnés à deux ou trois reprises,<br />

le repos au lit, tels sont les moy<strong>en</strong>s qui constitu<strong>en</strong>t<br />

le traitem<strong>en</strong>t auquel cette femme fut soumise.<br />

Le cinquième jour de son séjour à l'hospice, il<br />

survint une exaspération remarquable. Ce redouble-<br />

m<strong>en</strong>t des symptômes précédait et annonçait le retour<br />

des règles. L'éruption m<strong>en</strong>struelle eut lieu <strong>en</strong> effet<br />

le l<strong>en</strong>demain comme dans l'état de santé. (Les


366 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

règles avai<strong>en</strong>t été susp<strong>en</strong>dues p<strong>en</strong>dant quinze mois).<br />

Dès ce mom<strong>en</strong>t il y eut une rémission marquée,<br />

les règles ne durèr<strong>en</strong>t que deux jours. La nuit où<br />

elles se terminèr<strong>en</strong>t, il y eut plus de calme. Le pouls<br />

est rev<strong>en</strong>u peu à peu à son rhylhme normal; l'in-<br />

somnie a cessé, l'incohér<strong>en</strong>ce des idées a diminué,<br />

puis disparu graduellem<strong>en</strong>t après avoir pris le ca-<br />

ractère d'un délire tranquille. Cette cessation du<br />

délire a coïncidé avec un ral<strong>en</strong>tissem<strong>en</strong>t de la cir-<br />

culation, un refroidissem<strong>en</strong>t général ainsi qu'un<br />

assoupissem<strong>en</strong>t prolongé, ce que l'on attribue aux<br />

sédatifs adrainistiés à doses croissantes. Enfin, après<br />

avoir maint<strong>en</strong>u les fonctims de l'intestin au moy<strong>en</strong><br />

de purgatifs et de lavem<strong>en</strong>ts, la guérison était com-<br />

plète quinze jours après le début des accid<strong>en</strong>ts (1).<br />

66* Observation. — Manie chez une nourrice peu de temps après<br />

l'accouchem<strong>en</strong>t. Traitem<strong>en</strong>t par la douche. Deux mois et demi<br />

de durée. Guérison.<br />

Madame L... éprouve une vive frayeur peu de<br />

temps après l'accouchem<strong>en</strong>t, lorsque les lochies<br />

n'étai<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong>core supprimées et qu'elle nour-<br />

rissait. Elle se plaint tout aussitôt d'une vive céphal-<br />

algie occupant la région frontale, la lactation dimi-<br />

nue beaucoup.<br />

Le surl<strong>en</strong>demain, délire vague, insomnie; deux<br />

(1) Gazette des hôpitaux, 8 novembre 1836.


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 367<br />

jours plus tard, délire général avec fureur, suppres-<br />

sion <strong>en</strong>tière de la lactation. L'<strong>en</strong>fant est retiré<br />

à sa mère à laquelle on pratique une saignée de<br />

350 grammes. Le délire et l'agitation persist<strong>en</strong>t<br />

p<strong>en</strong>dant un mois <strong>en</strong>core malgré une diète sévère,<br />

des bains tièdes généraux, des pédiluves sinapisés et<br />

des boissons rafraîchissantes. La famille de madame<br />

L... se décide à la confier à mes soins.<br />

Il y a <strong>en</strong>core, à son <strong>en</strong>trée, délire avec agitation,<br />

et une irritabilité qui provoque souv<strong>en</strong>t une fureur<br />

aveugle; point de sommeil, appétit vorace, mais<br />

irrégulier, cris, vociférations, amaigrissem<strong>en</strong>t, in-<br />

tervalles de repos et de lucidité.<br />

Deux émissions sanguines, une aux g<strong>en</strong>oux,<br />

l'autre aux malléoles, ne font qu'accroître l'agita-<br />

tion ; on donne des boissons tièdes et rafraîchis-<br />

santes, <strong>en</strong>fin la douche est administrée.<br />

Première douche : s<strong>en</strong>sation de froid int<strong>en</strong>se,<br />

réaction difficile, sommeil la nuit suivante.<br />

Neuf douches sont répétées à deux jours d'inter-<br />

valle; à chacune d'elles^ s<strong>en</strong>sation de froid, mais au<br />

mom<strong>en</strong>t de la réaction le délire est moindre et le<br />

sommeil plus tranquille. Après la dernière, il ne<br />

reste plus qu'un très-léger délire.<br />

Lesaffusions remplac<strong>en</strong>t les douches : quatre sont<br />

pratiquées et administrées quotidi<strong>en</strong>nem<strong>en</strong>t; puis,<br />

un délire vague ayant reparu, on donna <strong>en</strong>core<br />

trois douches, et la guérison fut complète. — Huit


368 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

années se sont écoulées depuis lors; madame L... a<br />

eu plusieurs <strong>en</strong>fants qu'elle a nourris et il n'y a pas<br />

eu trace de récidive (1).<br />

67* Observation. — Accès de manie surv<strong>en</strong>ant p<strong>en</strong>dant Vétat puer-<br />

péral. Récidives nombreuses.<br />

J'ai vu une fois <strong>en</strong> ville, sur les indications de<br />

M. le docteur Dupont, la nommée S. D..., femme<br />

Levinsky, âgée de 34 ans ; cette femme était ma-<br />

niaque et fut <strong>en</strong>voyée à la Salpêtrière, où je n'ai pu<br />

la retrouver; mais voici les r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts que j'ai<br />

pu recueillir chez elle sur le début de sa maladie.<br />

Sa mère était bizarre, singulière et regardée<br />

comme aliénée par tous ceux qui la connaissai<strong>en</strong>t :<br />

elle-même était néanmoins bi<strong>en</strong> portante jusqu'à<br />

l'époque de son mariage. A 19 ans elle épouse un<br />

Polonais, et six semaines après appr<strong>en</strong>d que son<br />

mari a été condamné pour vol. Elle <strong>en</strong> éprouve une<br />

si vive émotion que son intellig<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> est forte-<br />

m<strong>en</strong>t troublée, et elle reste deux années dans cet<br />

état, n'étant pas assez aliénée pour être r<strong>en</strong>fermée,<br />

mais injuriant, s'emportant à la moindre contra-<br />

riété, témoignant des craintes exagérées et montrant<br />

dans tous ses actes une grande t<strong>en</strong>dance à l'exci-<br />

tation.<br />

(1) De la douche et des affusions froides, par H. Rech. Mont-<br />

pellier, 1846. Extrait àes Annales médic.-psycholog., t. IX, p. 133.


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 369<br />

Au bout de deux ans, elle était un peu mieux;<br />

elle se mit alors <strong>en</strong> ménage avec un ouvrier avec<br />

lequel elle a vécu de 18i7 à 1856. P<strong>en</strong>dant cette<br />

période de neuf années, elle a eu cinq <strong>en</strong>fants ou<br />

fausses couches; <strong>en</strong> 1847, une fausse couche faite à<br />

cinq mois fut suivie d'un trouble m<strong>en</strong>tal passa-<br />

ger, lequel, au bout de trois ou quatre jours, disparut<br />

sans laisser de traces. En 1848, <strong>en</strong> 1850, <strong>en</strong> 1853,<br />

<strong>en</strong> 1 855, elle devint <strong>en</strong>core <strong>en</strong>ceinte. Chacun de ces<br />

quatre accouchem<strong>en</strong>ts fut signalé par des troubles<br />

intellectuels qui, comm<strong>en</strong>çant p<strong>en</strong>dant les derniers<br />

jours de la grossesse, se prolongeai<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant Tal-<br />

laitem<strong>en</strong>t et cessai<strong>en</strong>t régulièrem<strong>en</strong>t huit à dix jours<br />

après le sevrage : une seule fois la malade n'ayant<br />

pas essayé d'allaiter, le trouble m<strong>en</strong>tal disparut dès<br />

que la fièvre de lait fut passée.<br />

Tous les <strong>en</strong>fants nés dans ces conditions sont<br />

morts âgés de 8 à 10 mois, seule une petite fille a<br />

survécu jusqu'à quatre ans. Ils ont tous été atteints<br />

de convulsions, et au mom<strong>en</strong>t de la mort, ils avai<strong>en</strong>t<br />

les pieds et les mains contournés.<br />

Le dernier accouchem<strong>en</strong>t a eu lieu le 12 avril<br />

1856; p<strong>en</strong>dant les trois dernières semaines de la<br />

grossesse, elle était plus méchante, plus aca-<br />

riâtre; après l'accouchem<strong>en</strong>t, la malade ayant essayé<br />

de nourrir, cet état persista sans s'aggraver et sans<br />

aller jusqu'à la folie. Mais le 10 juin, les règles ayant<br />

reparu pour la première fois depuis les couches, elle<br />

S4


370 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

donna tous les signes d'une vive excitation, vocifé-<br />

rant dans l'escalier, m<strong>en</strong>açant et injuriant tout le<br />

monde : c'est alors qu'on se décida à la conduire à<br />

l'hôpital, où je n'ai pu la retrouver.<br />

68^ Observation. — Manie p<strong>en</strong>dant l'allaitem<strong>en</strong>t. Guérison au bout<br />

d'un mois. (Résumé.)<br />

Angélique Fontes, âgée de 28 ans, mariée depuis<br />

dix ans, avait nourri deux <strong>en</strong>fants et <strong>en</strong> allaitait un<br />

troisième lorsqu'elle devint maniaque ; une appli-<br />

cation de sangsues ne fit qu'augm<strong>en</strong>ter l'excitation.<br />

Comme la lactation durait <strong>en</strong>core, on la fit cesser à<br />

l'aide de quehjues purgatifs ; <strong>en</strong> un mois la malade<br />

fut guérie par des douches et des bains tièdes (1).<br />

69' Observation. — Manie développée au mom<strong>en</strong>t du sevrage; réci-<br />

dives multiples. Guérison.<br />

Madame A. D. . . , âgée de 30 ans, mariée depuis six<br />

à sept ans , d'un tempéram<strong>en</strong>t lymphatico - sanguin<br />

d'un caractère s<strong>en</strong>sible, vif et <strong>en</strong>joué, très-nerveuse<br />

et impressionnable, mère de trois <strong>en</strong>fants parfaite-<br />

m<strong>en</strong>t sains, allaitait son troisième <strong>en</strong>fant avec l'in-<br />

t<strong>en</strong>tion de le sevrer très-prochainem<strong>en</strong>t, lorsque<br />

subitem<strong>en</strong>t elle fut atteinte d'un délire maniaque<br />

avec fureur. Ne pouvant être soignée à son domi-<br />

(1) Rech, loc. cit.<br />

,


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 374<br />

cile, elle fut transférée à l'asile de Bordeaux le<br />

21 août 1832, quinze jours après l'invasion du dé-<br />

lire. Là on apprit que le désordre m<strong>en</strong>tal avait été<br />

causé par une frayeur subite; elle avait cru qu'une<br />

voiture avait écrasé l'un de ses <strong>en</strong>fants. On ne put<br />

savoir si la suppression du lait avait été antérieure,<br />

concomitante, ou postérieure à l'invasion de l'alié-<br />

nation m<strong>en</strong>tale.<br />

Son délire maniaque persista avec une int<strong>en</strong>sité<br />

variable p<strong>en</strong>dant le premier mois ; peu à peu elle se<br />

calma; néanmoins elle fut ret<strong>en</strong>ue dans l'asile jus-<br />

qu'au 30 septembre 1834, et <strong>en</strong> sortit après deux<br />

ans de séjour.<br />

R<strong>en</strong>trée dans ses foyers, <strong>en</strong>ceinte peu de temps<br />

après, elle eut une heureuse grossesse, et allaita son<br />

<strong>en</strong>fant p<strong>en</strong>dant un an. Lorsqu'elle sevra, peut-être<br />

brusquem<strong>en</strong>t et sans précautions, le délire maniaque<br />

se manifesta avec la même int<strong>en</strong>sité qu'<strong>en</strong> 1832.<br />

On la transporta de nouveau à l'asile <strong>en</strong> avril 1835.<br />

— Quatre mois après elle <strong>en</strong> sortit, le 2 1 août 1 837<br />

Nouvelle grossesse, nouvel allaitem<strong>en</strong>t. — La<br />

folie se déclara <strong>en</strong>core au mom<strong>en</strong>t du sevrage, et<br />

elle fut r<strong>en</strong>voyée (1" mars 1839) à l'asile, d'où elle<br />

était sortie dix-huit mois auparavant.<br />

Ce troisième séjour fut de 21 mois, jusqu'au<br />

18 décembre 1840.<br />

Elle <strong>en</strong> sortit à cette époque, mais on craignait<br />

avec raison qu'avec de semblables dispositions toute<br />

.


372 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

circonstance pût am<strong>en</strong>er une récidive. C'est ce qui<br />

arriva dix mois plus tard, par suite de contrariétés<br />

légitimes et vivem<strong>en</strong>t ress<strong>en</strong>ties. Le 1 4 octobre 1 841<br />

elle r<strong>en</strong>tra à l'asile où, pour la quatrième fois, elle a<br />

subi un traitem<strong>en</strong>t plutôt moral et hygiénique que<br />

médicam<strong>en</strong>teux, mais beaucoup plus prolongé,<br />

pour mieux s'assurer de sa guérison. Son dernier<br />

séjour dans l'établissem<strong>en</strong>t a été de trois ans, jus-<br />

qu'au comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t de 1845.<br />

Sa position et celle de ses <strong>en</strong>fants étant dev<strong>en</strong>ue<br />

meilleure depuis lors, et ayant mis un terme à ses<br />

chagrins, A. D... est, à part une susceptibilité ner-<br />

veuse naturelle, fort tranquille et laborieuse; elle a<br />

recouvré son embonpoint et jouit d'une bonne santé.<br />

Ses antécéd<strong>en</strong>ts, toutefois, ne permett<strong>en</strong>t pas de la<br />

juger exempte de récidive (1).<br />

70* Observation. — Deuxième grossesse, accouchem<strong>en</strong>t heureux.<br />

Allaitem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant seize mois. Sevrage. Trois jours après,<br />

mélancolie avec agitation maniaque. Guérison au bout d'un mois.<br />

(Résumé.)<br />

Jalquin, femme Mansard, couturière, âgée de<br />

31 ans, n'a pas d'aliénés dans sa famille. Elle a eu,<br />

il y a sept ans, une première couche qui a été heu-<br />

reuse : accouchée pour la seconde fois, il y a seize<br />

(1) Ann. médic.-psychol., Paris. 1847, t. IX, page 310, par le<br />

docteur Re volât.<br />

,


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 373<br />

mois, elle a allaité son <strong>en</strong>fant, mais a été récemm<strong>en</strong>t<br />

obligée de le sevrer parce qu'elle maigrissait et que<br />

les digestions dev<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t difficiles; on a remarqué<br />

<strong>en</strong> outre qu'elle avait conçu contre sa sœur des.<br />

idées de jalousie tout à fait inaccoutumées.<br />

Au mom<strong>en</strong>t du sevrage, on a donné deux purga-<br />

tifs, et il n'y eut aucun incid<strong>en</strong>t remarquable.<br />

Trois jours après le sevrage, sans cause occasion-<br />

nelle appréciable, elle a donné des signes de dé-<br />

lire, insomnie, tristesse, malaise.<br />

Elle <strong>en</strong>tre le 16 février 1856 à la Salpêtrière. Le<br />

18 février, la nuit a été très -agitée, elle est tour-<br />

m<strong>en</strong>tée par des hallucinations, elle <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d la voix<br />

de son <strong>en</strong>fant qui pleure , et elle offre tous les<br />

symptômes de la mélancolie avec agitation mania-<br />

que, pas d'idée de suicide, constipation opiniâtre,<br />

langue un peu sèche.<br />

15 grammes d'eau-de- vie allemande, lavem<strong>en</strong>t<br />

salé, 2 c<strong>en</strong>tigrammes d'extrait thébaique.<br />

Le 19, elle est plus calme et a été purgée abon-<br />

damm<strong>en</strong>t.<br />

22 février. — L'agitation continue : on veut la<br />

luer, la guillotiner, lui donner un bouillon de onze<br />

heures. — 3 c<strong>en</strong>tigrammes d'extrait thébaique.<br />

Les jours suivants il y a un peu de sommeil ; la<br />

malade est s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t plus calme, elle comm<strong>en</strong>ce<br />

à travailler; le 17 février, elle demande elle-même<br />

à voir son mari.


374 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

P<strong>en</strong>dant les premiers jours de nnars, son état s'a-<br />

méliore d'une manière plus s<strong>en</strong>sible <strong>en</strong>core; elle<br />

dort, travaille et mange avec beaucoup de régula-<br />

rité, seulem<strong>en</strong>t elle conserve toujours un peu de<br />

t<strong>en</strong>dance à l'emportem<strong>en</strong>t. La convalesc<strong>en</strong>ce s'affer-<br />

mit et elle sort le 18 mars parfaitem<strong>en</strong>t guérie.<br />

71* Observation. — Primipare. — Allaitem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant dix<br />

jours. Frayeur vive. Mélaiiculie. Guérison au bout de trois<br />

semaines. Rechute huit jours après. Guérison définitive.<br />

(Résuraé).<br />

Bourlier, célibataire, âgée de 27 ans, <strong>en</strong>tre le<br />

8 août 1857 à la Salpêlrière, dans le service de<br />

M. Mitivié.<br />

Cette femme est primipare. Elle a éprouvé d'assez<br />

vifs chagrins p<strong>en</strong>dant sa grossesse, son amant ayant<br />

été condamné pour affaire criminelle à plusieurs<br />

mois de prison. Elle n'a pas cessé néanmoins de<br />

travailler et de rester active, et n'a pas offert de<br />

disposition mélancolique.<br />

Jamais il n'y a eu d'aliénés dans sa famille.<br />

Elle est accouchée le 13 juillet 1857 à la Pitié,<br />

sans aucun accid<strong>en</strong>t, et a allaité son <strong>en</strong>fant p<strong>en</strong>dant<br />

dix jours. Une nuit, p<strong>en</strong>dant qu'elle allaitait, l'<strong>en</strong>-<br />

fant ayant un instant cessé de remuer, elle crut<br />

l'avoir tué par maladresse, et éprouva une vive ter-<br />

reur. Elle ress<strong>en</strong>tit <strong>en</strong> elle un mouvem<strong>en</strong>t extraor-


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 378<br />

dinairç, dit-elle plus tard, el ri<strong>en</strong> ne put la rassurer.<br />

Dès le l<strong>en</strong>demain, elle était <strong>en</strong> délire, avec des hal-<br />

lucinations de la vue et de l'ouïe. Elle resta quel-<br />

ques jours à la Pitié et fut am<strong>en</strong>ée le 8 août à la<br />

Salpêtrière.<br />

A son arrivée, elle offrait tous les symptômes de la<br />

mélancolie avec stupeur, et p<strong>en</strong>dant huit jours elle<br />

resta comme idiole, sans parler, sans bouger, sans<br />

travailler, mangeant avec peine; plus tard elle m'a<br />

dit qu'elle se s<strong>en</strong>tait elle-même très-malade, qu'elle<br />

croyait être am<strong>en</strong>ée à l'hôpital pour y être torturée,<br />

pour y subir des épreuves.<br />

Le sein gauche était légèrem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>gorgé, et tous<br />

deux cont<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core du lait.<br />

Au bout de huit jours elle comm<strong>en</strong>ça à se réveil-<br />

ler et à repr<strong>en</strong>dre son travail.<br />

Vingt-deux jours après elle quittait l'hôpital, ne<br />

délirant plus, mais <strong>en</strong>core très-pâle et très-faible;<br />

à peine sortie, elle chercha à se placer comme do-<br />

mestique; elle était <strong>en</strong> place depuis quatre jours,<br />

lorsque, s'étant fait mal à une jambe <strong>en</strong> frottant, elle<br />

comm<strong>en</strong>ça à se préoccuper si vivem<strong>en</strong>t, que dès le<br />

l<strong>en</strong>demain elle était retombée malade, et dut être<br />

ram<strong>en</strong>ée à la Salpêtrière (12 septembre).<br />

Au bout de huit jours d'une stupeur très-profonde,<br />

la malade se réveilla de nouveau et le délire dispa-<br />

rut graduellem<strong>en</strong>t comme dans l'accès précéd<strong>en</strong>t,<br />

sans offrir aucune particularité importante.


376 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

Au comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t d'octobre, la convalesc<strong>en</strong>ce<br />

était complète. Du 1^' au 13, la malade eut des<br />

sueurs abondantes qui survinr<strong>en</strong>t surtout p<strong>en</strong>dant la<br />

Duit et s'accompagnèr<strong>en</strong>t d'une éruption miliaire.<br />

— Vers le 15 octobre cette transpiration cessa et la<br />

santé physique devint excell<strong>en</strong>te; la figure était colo-<br />

rée, l'appétit était dev<strong>en</strong>u énorme, et les forces plus<br />

grandes que jamais; la malade put quitter l'hôpital<br />

le 15 octobre <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t guérie.<br />

72^ Observation. — Troisième grossesse. Allaitem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant<br />

vingt et un mois. Sevrage. Peu de jours après, délire. Mé-<br />

lancolie hypochondriaque. Dix mois de durée. Grande amélio-<br />

ration.<br />

Dagnélie, femme Schmitt, âgée de 29 ans, n'a<br />

pas d'antécéd<strong>en</strong>ts héréditaires fâcheux.<br />

Elle a déjà eu deux <strong>en</strong>fants sans aucun accid<strong>en</strong>t;<br />

le premier est mort à 32 jours d'un dépôt dans la<br />

cuisse gauche ; le second a succombé à 21 mois, aux<br />

suites d'une méningite; <strong>en</strong>tre ces deux accouche-<br />

m<strong>en</strong>ts il y a eu un avortem<strong>en</strong>t. Elle accoucha pour<br />

la troisième fois le 1" octobre 1856; elle allaita son<br />

<strong>en</strong>fant p<strong>en</strong>dant vingt et un mois et se fatigua beau-<br />

coup à le nourrir; vers la fin, elle se s<strong>en</strong>tait très-<br />

affaiblie, et elle n'avait plus que très-peu de lait;<br />

aussi, le 1*' janvier 1855, elle essaya de sevrer, <strong>en</strong><br />

pr<strong>en</strong>ant les précautions ordinaires; peu de jours<br />

après, les idées délirantes comm<strong>en</strong>cèr<strong>en</strong>t à se ma-


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 377<br />

nifester, et le 9 janvier elle <strong>en</strong>tra à la Salpêtrière;<br />

ses époques n'avai<strong>en</strong>t pas reparu p<strong>en</strong>dant toute la<br />

durée de l'allaitem<strong>en</strong>t.<br />

Au mom<strong>en</strong>t de son <strong>en</strong>trée, le délire avait revêtu<br />

la forme mélancolique ; la malade, un peu pâle, un<br />

peu grêle et amaigrie, muette, refusant de parler,<br />

de manger, offrait tout l'aspect extérieur des mélan-<br />

coliques, sans prés<strong>en</strong>ter cep<strong>en</strong>dant de stupeur; elle<br />

est tourm<strong>en</strong>tée par des craintes imaginaires, croit<br />

qu'on veut lui faire du mal, mais finit cep<strong>en</strong>dant<br />

par manger, à force d'instances, sans qu'on ait re-<br />

cours à la sonde. Elle avait de la constipation ; les<br />

seins étai<strong>en</strong>t flasques et n'offrai<strong>en</strong>t aucune trace de<br />

la sécrétion laiteuse.<br />

P<strong>en</strong>dant trois mois la maladie resta stationnaire,<br />

avec les allures d'une mélancolie sans hallucina-<br />

tions.<br />

Au 1^' avril, l'état s'était un peu amélioré, quoique<br />

l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t; la malade reste toujours à l'écart, cause<br />

peu, travaille à peine; elle mange considérable-<br />

m<strong>en</strong>t et tous les alim<strong>en</strong>ts qu'on lui prés<strong>en</strong>te; elle<br />

néglige les soins de sa personne; interrogée, elle<br />

donne des r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts assez exacts; mais elle<br />

dit <strong>en</strong>core que ses alim<strong>en</strong>ts ont un goût de potasse,<br />

de savon; elle s<strong>en</strong>t qu'on la serre, accuse un s<strong>en</strong>ti-<br />

m<strong>en</strong>t de constriction vers la nuque, se plaint d'étouf-<br />

fem<strong>en</strong>ts, de dyspnée; le soir elle dit <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre des<br />

bourdonnem<strong>en</strong>ts d'oreilles analogues au bruit que


378 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

fait une chute d'eau. Elle n'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d pas de voix,<br />

et n'a pas d'hallucinations de la vue.<br />

Juin 1857. — L'état de la malade ne s'améliore<br />

pas, elle se plaint toujours de manger de la potasse,<br />

du savon; elle se bouche les narines pour ne pas<br />

respirer d'odeurs; elle parle toujours de ses étouffe-<br />

m<strong>en</strong>ts et de ses douleurs; elle répond d'une ma-<br />

nière bizarre, dit des niaiseries; lorsqu'on lui parle<br />

de son mari et de ses <strong>en</strong>fants, elle reste indiffé-<br />

r<strong>en</strong>te et ne témoigne pas le désir de les voir. La<br />

santé générale reste assez bonne.<br />

P<strong>en</strong>dant les mois qui suivir<strong>en</strong>t, l'état de la malade<br />

se modifia l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t; on trouva cep<strong>en</strong>dant qu'elle<br />

marchait vers l'amélioration; il y<br />

avait dans ses al-<br />

lures un peu d'<strong>en</strong>train et d'initiative; au lieu de se<br />

t<strong>en</strong>ir isolée et dans l'inaction, elle se mettait au mé-<br />

nage et travaillait avec les filles de service, mais<br />

elle refusait de coudre à l'atelier. Elle parlait moins<br />

souv<strong>en</strong>t du goût de potasse et de savon qu'elle trou-<br />

vait à tous ses alim<strong>en</strong>ts, mais elle se plaignait tou-<br />

jours de s<strong>en</strong>tir de mauvaises odeurs.<br />

La santé physique était considérablem<strong>en</strong>t chan-<br />

gée. La malade était dev<strong>en</strong>ue grasse et fraîche, ses<br />

règles rev<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t régulièrem<strong>en</strong>t, et le sommeil était<br />

d'une régularité parfaite.<br />

Tel était son étal dans les premiers jours d'oc-<br />

tobre , lorsque, son mari étant v<strong>en</strong>u la réclamer,<br />

elle quitta la Salpêlrière; au mom<strong>en</strong>t de son dé-


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 379<br />

part, elle avoua <strong>en</strong>core des hallucinations du goût<br />

et de l'odorat, mais elle témoigna beaucoup de s<strong>en</strong>-<br />

sibilité pour tous ceux qui vinr<strong>en</strong>t la voir. Son <strong>en</strong>-<br />

fant ne la reconnut pas; elle <strong>en</strong> éprouva un grand<br />

chagrin, et même se mit à pleurer. En un mol, elle<br />

était considérablem<strong>en</strong>t améliorée, mais non com-<br />

plètem<strong>en</strong>t guérie.<br />

73* Observation. — Mélancolie et hypochondrie après six semaines<br />

de lactation. Guérison après cinq mois de traitem<strong>en</strong>t. (Ré-<br />

sumé.)<br />

Madame S... M..., m<strong>en</strong>struée irrégulièrem<strong>en</strong>t,<br />

mariée <strong>en</strong> 1850, à l'âge de 22 ans, devint bi<strong>en</strong>tôt<br />

<strong>en</strong>ceinte; la grossesse n'offrit aucun incid<strong>en</strong>t fâ-<br />

cheux. Elle accoucha d'un garçon bi<strong>en</strong> portant, le<br />

6 février 1851, essaya de nourrir quelque temps son<br />

<strong>en</strong>fant et le sevra au bout de six mois, la lactation<br />

étant insuffisante. Dev<strong>en</strong>ue <strong>en</strong>ceinte une seconde<br />

fois, elle eut une bonne grossesse et un accouchem<strong>en</strong>t<br />

heureux le 25 février 1852; cette fois la convales-<br />

c<strong>en</strong>ce fut longue et elle fut forcée de pr<strong>en</strong>dre une<br />

nourrice. Enfin une troisième grossesse surv<strong>en</strong>ue<br />

peu de temps après, fut laborieuse à son début.<br />

P<strong>en</strong>dant plusieurs mois il y eut des spasmes, du ma-<br />

laise, des douleurs de v<strong>en</strong>tre, puis <strong>en</strong>fin une névral-<br />

gie scialique qui se fit s<strong>en</strong>tir surtout du cinquième au<br />

septième mois. Les derniers mois de la grossesse se


380 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

passèr<strong>en</strong>t sans accid<strong>en</strong>t. Le 4 décembre 1853, ma-<br />

dame M... accoucha heureusem<strong>en</strong>t d'une fille;<br />

cette fois, ayant un peu plus de lait, elle voulut<br />

nourrir son <strong>en</strong>fant, malgré tous les avis. P<strong>en</strong>dant les<br />

premiers jours de janvier, elle t<strong>en</strong>ta d'allaiter^ mais<br />

bi<strong>en</strong>tôt elle fut obligée de r<strong>en</strong>oncer à ce projet, car<br />

le H il survint une indigestion qui la fit vomir et<br />

lui donna de la diarrhée avec des douleurs abdo-<br />

minales très-int<strong>en</strong>ses; le soir il y eut des frissons et<br />

la nuit fut très-agitée; dès lors comm<strong>en</strong>cèr<strong>en</strong>t à se<br />

manifester quelques idées déliran tes ; la malade, très-<br />

faible, très-abattue, répétait qu'elle allait mourir.<br />

Le 13, <strong>en</strong>core des frissons et du malaise, et ce-<br />

p<strong>en</strong>dant le pouls ne donne que 65 pulsations; déjà<br />

on observe quelque chose d'anormal dans son main-<br />

ti<strong>en</strong> et son langage. Sulfate de quinine, 1 gramme.<br />

Le 18, le délire hypochondriaque se manifeste<br />

plus nettem<strong>en</strong>t; la malade ress<strong>en</strong>t dans l'abdom<strong>en</strong><br />

une grande chaleur qu'elle attribue à une maladie<br />

de matrice. La douleur qu'elle éprouve, dit-elle, se<br />

porte tantôt sur un organe, tantôt sur l'autre; elle<br />

ne pourra jamais guérir. Tout son être devi<strong>en</strong>t<br />

malade; elle devi<strong>en</strong>dra folle, elle est vouée à la<br />

mort.<br />

Les accid<strong>en</strong>ts semblant s'exaspérer périodique-<br />

m<strong>en</strong>t, on essaya <strong>en</strong>core le valérianale de quinine,<br />

mais sans grands résultats. L'insomnie persiste p<strong>en</strong>-<br />

dant sept ou huit nuits, le délire s'ét<strong>en</strong>d chaque jour,


'<br />

DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 381<br />

et il devi<strong>en</strong>t impossible de soigner madame M... au<br />

milieu de sa famille.<br />

C'est vers le 15 février que j'ai été appelé à lui<br />

donner des soins.<br />

La malade offre tous les symptômes du délire hy-<br />

pochondriaque associé à la mélancolie. Elle éprouve<br />

des douleurs au sincipul et dans toutes les parties<br />

du corps, elle a peur de tout, se trouve toujours<br />

très-mal, se désespère sur son état de santé, répète<br />

qu'elle mourra le l<strong>en</strong>demain. Elle craint d'être sé-<br />

parée pour toujours de son mari, de ses <strong>en</strong>fants;<br />

pas d'idée de suicide; constipation habituelle; pâ-<br />

leur; pouls petit, sans bruit de souffle au cœur;<br />

amaigrisseraeut. Par instants, spasmes nerveux ana-<br />

logues à la syncope. La malade, triste, abattue, re-<br />

fuse de travailler, surtout le matin ; le soir, elle est<br />

souv<strong>en</strong>t gaie et souriante, elle lit et s'occupe volon-<br />

tiers.<br />

Fer, bains sulfureux, affusions froides ; gymnas-<br />

tique, prom<strong>en</strong>ades; direction morale suffisamm<strong>en</strong>t<br />

énergique.<br />

Au bout de six semaines, l'embonpoint a reparu;<br />

la malade a meilleur aspect ;<br />

le délire est moins in-<br />

t<strong>en</strong>se, elle peut lire et s'occuper d'une manière ré-<br />

gulière.<br />

Le traitem<strong>en</strong>t a été continué p<strong>en</strong>dant tout le mois<br />

de mai; vers le milieu de juin, après de nombreuses<br />

oscillations dans l'état m<strong>en</strong>tal, madame M... était


382 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

<strong>en</strong> pleine convalesc<strong>en</strong>ce, et i'on regardait la guéri-<br />

son comme assurée.<br />

74e Observation. — Accès de folie à double forme par cause<br />

morale, p<strong>en</strong>dant l'allaitem<strong>en</strong>t. Guérison.<br />

Marie Durand, femme D<strong>en</strong>isot, fut am<strong>en</strong>ée dans<br />

la maison le 16 mai 1825. Elle était d'un tempé-<br />

ram<strong>en</strong>t nerveux, très-active et très-bavarde, et nour-<br />

rissait son sixième <strong>en</strong>fant. Nous apprîmes qu'un an<br />

auparavant elle avait eu un bel héritage qui lui<br />

avait donné une grande vanité et avait augm<strong>en</strong>té son<br />

bavardage, qu'un procès était surv<strong>en</strong>u; qu'il avait<br />

fallu soumettre un de ses <strong>en</strong>fants à l'opération de la<br />

taille, et que son esprit, ainsi tourm<strong>en</strong>té dans tous les<br />

s<strong>en</strong>s, n'avait pu résister; elle avait <strong>en</strong>fin commis des<br />

actes de folie dans le mois de février dernier. Quand<br />

elle fut soumise à notre exam<strong>en</strong>, elle prés<strong>en</strong>tait une<br />

manie bi<strong>en</strong> caractérisée, une agitation continuelle el<br />

du défaut de suite dans les idées et dans les actions.<br />

On lui avait retiré son <strong>en</strong>fant, mais la lactation con-<br />

tinuait <strong>en</strong>core; il fut impossible de lui administrer<br />

aucun médicam<strong>en</strong>t, à peine si on a pu lui donner<br />

quelques bains. Après un mois, l'aliénation m<strong>en</strong>tale<br />

prit tout à coup une autre couleur; Marie Durand<br />

devint triste, morose, ne parla plus, maigrit beau-<br />

coup, t<strong>en</strong>ta plusieurs fois de se suicider; il fut <strong>en</strong>core


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 383<br />

impossible d'essayer aucun trailemerïl. Cep<strong>en</strong>dant,<br />

au bout de six semaines, cette profonde mélancolie<br />

comm<strong>en</strong>ça à se dissiper; l'aliénée répondit aux<br />

questions qu'on lui fit, l'appétit revint, elle de-<br />

manda ses <strong>en</strong>fants, bi<strong>en</strong>tôt après, son mari. On put<br />

dès lors annoncer une guérison prochaine; elle<br />

fut complète au mois de septembre et n'a pas varié<br />

depuis, quoique D<strong>en</strong>isot ait repris la direction de<br />

son ménage. La lactation n'a cessé qu'au mois de<br />

novembre (1).<br />

75« Observation. — Folie surv<strong>en</strong>ue au bout de dix mois d'allaite-<br />

m<strong>en</strong>t et à la suite d'une émotion morale triste. Incurabilité.<br />

Une dame qui avait montré une grande singula-<br />

rité de manières durant la dernière période de sa<br />

première grossesse, avait nourri son <strong>en</strong>fant p<strong>en</strong>dant<br />

dix mois, quand malheureusem<strong>en</strong>t son mari fut at-<br />

taqué d'une maladie aigiie, et y succomba <strong>en</strong> deux<br />

ou trois jours. On remarqua de suite <strong>en</strong> elle une<br />

grande étrangeté de manières, sa force corporelle<br />

était singulièrem<strong>en</strong>t diminuée, les hallucinations<br />

survinr<strong>en</strong>t; la principale était que son mari était <strong>en</strong>-<br />

core vivant dans la tombe. Un viol<strong>en</strong>t accès de ma-<br />

nie fut suivi d'un accès de mélancolie; bi<strong>en</strong> que<br />

(i) Rech, Clinique de la maison des aliénés de Montpellier, 1826,<br />

p. 34.


38 i DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

quatre années se soi<strong>en</strong>t déjà écoulées, depuis cette<br />

attaque, il n'est surv<strong>en</strong>u aucune amélioration (1).<br />

76« Observation. — Craintes imaginaires p<strong>en</strong>dant quatre mois<br />

d'allaitem<strong>en</strong>t. Emotion morale. Accès de manie. Guérison <strong>en</strong><br />

trois mois.<br />

Dans un autre cas qui est' arrivé à ma connais-<br />

sance, une dame, mère de plusieurs <strong>en</strong>fants, p<strong>en</strong>-<br />

dant les quatre mois qui suivir<strong>en</strong>t sa délivrance, se<br />

plaignait d'une frayeur incessante de tout ce qui pou-<br />

vait lui arriver, et bi<strong>en</strong> que dans un état de grande<br />

faiblesse, elle continuait à nourrir son <strong>en</strong>fant. Sur<br />

ces <strong>en</strong>trefaites arriva dans sa famille une njort sou-<br />

daine qui la frappa et l'affligea beaucoup. Un accès<br />

de manie caractérisé par une grande viol<strong>en</strong>ce de ma-<br />

nières arriva tout à coup, et p<strong>en</strong>dant sa maladie elle<br />

ne fut plus capable de reconnaître son mari ni son<br />

<strong>en</strong>fant. En sevrant immédiatem<strong>en</strong>t, donnant des<br />

toniques et une nourriture abondante, <strong>en</strong> gardant la<br />

malade parfaitem<strong>en</strong>t tranquille et ne lui laissant<br />

voir ni son mari ni ses <strong>en</strong>fants, sa raison revint <strong>en</strong><br />

trois mois ; l'écoulem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>struel avait reparu<br />

auparavant (2).<br />

(1) James Reid, loc. cit.<br />

(2) Id., ihid.


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 385<br />

77e Observation. — Délire partiel, avec excitation passagère au<br />

bout de sept mois d'allaitem<strong>en</strong>t. Idées de suicide. Plus tard,<br />

délire <strong>en</strong>core plus circonscrit. Guérison par les toniques après<br />

neuf mois de traitem<strong>en</strong>t.<br />

Une dame de 40 ans, mariée depuis dix-huit ans<br />

et mère de trois <strong>en</strong>fants, accoucha de son dernier<br />

<strong>en</strong>fant le 22 juin 1846. Elle était pâle et très-amai-<br />

grie. Depuis deux mois <strong>en</strong>viron les symptômes de<br />

trouble intellectuel s'étai<strong>en</strong>t révélés par des discours<br />

incohér<strong>en</strong>ts sur des sujets religieux et par des t<strong>en</strong>tatives<br />

de suicide ; comme sa faiblesse était extrême,<br />

on éloigna d'elle son <strong>en</strong>fant, pour lequel elle avait<br />

d'ailleurs conçu de l'aversion. Depuis ce mom<strong>en</strong>t,<br />

elle fut alternativem<strong>en</strong>t mieux et plus mal, mais<br />

p<strong>en</strong>dant les trois dernières semaines, elle devint tout<br />

à fait viol<strong>en</strong>te, et montrait une haine très-vive pour<br />

ses <strong>en</strong>fants, quoique naturellem<strong>en</strong>t elle fut excel-<br />

l<strong>en</strong>te mère. Je la vis pour la première fois le 28 fé-<br />

vrier 1847, dans l'asile des aliénés. Elle répondait<br />

alors s<strong>en</strong>sém<strong>en</strong>t à la plupart des questions qu'on lui<br />

posait; néanmoins, lorsqu'elle parlait de ses <strong>en</strong>fanis,<br />

elle <strong>en</strong> indiquait un très-grand nombre <strong>en</strong> les dési-<br />

gnant par leur nom, et ce nombre augm<strong>en</strong>tait de<br />

jour <strong>en</strong> jour; c'était là le moy<strong>en</strong> de juger de<br />

son état; elle restait d'ailleurs des heures <strong>en</strong>tières<br />

calme et ne déraisonnait sur aucun autre point.<br />

Elle était quelquefois reprise par accès dun viol<strong>en</strong>t<br />

Î5


386 DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES.<br />

tremblem<strong>en</strong>t, et alors, elle parlait violemm<strong>en</strong>t et<br />

d'une manière incohér<strong>en</strong>te, désirant voir son mari,<br />

mais n'exprimant jamais le même désir pour ses <strong>en</strong>-<br />

fants. Comme elle prés<strong>en</strong>tait tous les symptômes<br />

d'un grand épuisem<strong>en</strong>t, une bonne nourriture, des<br />

toniques et de l'opium fur<strong>en</strong>t administrés tant qu'elle<br />

resta avec nous, et je crois que le même traitem<strong>en</strong>t<br />

fut employé à Hoxton où elle fut plus tard transférée.<br />

Dans une de mes visites périodiques à nos malades<br />

de cet établissem<strong>en</strong>t, je fus heureux de voir que,<br />

lorsque je lui adressai les mêmes questions sur le<br />

nombre de ses <strong>en</strong>fants, elle se mit à rire, se rappelant<br />

sans doute ses anci<strong>en</strong>nes idées délirantes, et répon-<br />

dait s<strong>en</strong>sém<strong>en</strong>t. Bi<strong>en</strong>tôt après elle fut r<strong>en</strong>voyée tout<br />

à fait guérie, le 27 septembre de la même année (1).<br />

78e Observation. — Second accès de manie. Lactation. Guérison.<br />

Rechute au bout de deux ans.<br />

Catherine Toussaint, <strong>en</strong>fant trouvée, élevée dans<br />

l'hôpital général de Montpellier, institutrice au vil-<br />

lage de X..., <strong>en</strong>tra au dépôt de police le 27 mars<br />

1812. Elle était veuve de deux maris, avait été<br />

aliénée à l'âge de 26 ans, et r<strong>en</strong>fermée comme<br />

telle au dépôt de m<strong>en</strong>dicité, où elle était restée<br />

tr<strong>en</strong>te mois. Elle avait joui de toute sa raison p<strong>en</strong>-<br />

(1) James Reid, loc. cit.


DE LA FOLIE CHEZ LES NOURRICES. 387<br />

dant douze ans, et <strong>en</strong>fin, après une maladie de neuf<br />

•mois, avait été de nouveau atteinte d'aliénation<br />

m<strong>en</strong>tale. Celte maladie durait <strong>en</strong>core quand la mai-<br />

son d'aliénés fut construite; elle se caractérisait<br />

par une irritation constante plutôt que par le délire,<br />

et prés<strong>en</strong>tait quelques signes de nymphomanie. Je<br />

prescrivis un régime adoucissant, le petit-lait, des<br />

bains tièdes, et on usa de la plus grande douceur<br />

<strong>en</strong>vers l'aliénée. Ce fut <strong>en</strong> vain. Après six mois,<br />

j'eus recours aux moy<strong>en</strong>s de rigueur; la privation<br />

des alim<strong>en</strong>ts, la réclusion et les douches fur<strong>en</strong>t<br />

employées tour à tour pour réprimer les écarts<br />

trop fréqu<strong>en</strong>ts de Toussaint, et la forcer à l'obéis-<br />

sance; le succès couronna celte marche, mais ce qui<br />

est digne de remarque, c'est que celte aliénée<br />

nous ayant dit avoir du lait au sein, quoiqu'elle<br />

n'eût pas nourri depuis vingt ans, nous lui avions<br />

donné un jeune chi<strong>en</strong> qu'elle avait allaité p<strong>en</strong>dant<br />

trois semaines, après quoi le lait avait manqué; et<br />

c'est précisém<strong>en</strong>t après cet allaitem<strong>en</strong>t que l'irri-<br />

tation s'était calmée et que la raison avait reparu.<br />

Après avoir persisté p<strong>en</strong>dant deux ans, de nouveaux<br />

signes de folie se sont manifestés, et Toussaint nous<br />

a été ram<strong>en</strong>ée. Elle est parfaitem<strong>en</strong>t raisonnable<br />

depuis qu'elle est dans la maison (1).<br />

(1) Rech, loc. cit.


388 DE LA FOLIE CBEZ LES NOURRICES.<br />

79e Observation. — Manie intermitt<strong>en</strong>te ayant des accès fort rap-<br />

prochés depuis douze ans. Lactation. Guérison après l'al-<br />

laitem<strong>en</strong>t (l).<br />

Marie Sabatier (de Bédarieux), âgée de 36 ans,<br />

fut <strong>en</strong>voyée au dépôt de m<strong>en</strong>dicité le 13 août 1812,<br />

et y resta r<strong>en</strong>fermée presque constamm<strong>en</strong>t dans une<br />

loge, jusqu'au mom<strong>en</strong>t oii la nouvelle maison<br />

d'aliénés fut créée. Elle était petite, d'un tempéra-<br />

m<strong>en</strong>t lymphatique sanguin, elle avait été m<strong>en</strong>s-<br />

truée dès sa onzième année; mariée dès sa vingt-<br />

deuxième avec un soldat déserteur, elle éprouva des<br />

chagrins si viol<strong>en</strong>ts qu'elle tomba dans la dém<strong>en</strong>ce.<br />

Bi<strong>en</strong>tôt rev<strong>en</strong>ue de cet état, elle eut six <strong>en</strong>fants,<br />

dont le premier seul fut viable; cep<strong>en</strong>dant d'autres<br />

accès d'aliénation m<strong>en</strong>tale survinr<strong>en</strong>t, et fur<strong>en</strong>t si<br />

rapprochés qu'on se décida à demander la réclusion.<br />

Lorsque je pris le service de la maison d'aliénés,<br />

Marie Sabatier, quoique n'ayant que 46 ans, sem-<br />

blait <strong>en</strong> avoir 60, elle était cep<strong>en</strong>dant <strong>en</strong>core<br />

m<strong>en</strong>struée ; ses accès prés<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t tous les signes de<br />

Ja manie, s'accompagnai<strong>en</strong>t de fureur et d'hystéri-<br />

cisme, et durai<strong>en</strong>t de quinze à vingt ou vingt-cinq<br />

jours; l'intervalle qui les séparait était à peu près<br />

égal, et ne se prolongeait jamais au delà d'un mois.<br />

Celte marche de l'aliénation m<strong>en</strong>tale, son anci<strong>en</strong>-<br />

neté, me la fir<strong>en</strong>t croire incurable, et je n'avais<br />

(1) Rech., lûc. citato.


CONCLUSION. 389<br />

nullem<strong>en</strong>t l'int<strong>en</strong>tion de t<strong>en</strong>ter aucun traitem<strong>en</strong>t;<br />

quand, au mois de février 1823, je m'aperçus que<br />

l'aliénée avait du lait au sein. Elle m'assura eu avoir<br />

toujours eu depuis qu'elle avait nourri son dernier<br />

<strong>en</strong>fant, deux ans avant d'<strong>en</strong>trer dans le dépôt de<br />

m<strong>en</strong>dicité. J'eus aussitôt l'idée de lui faire allaiter<br />

un chi<strong>en</strong>, ce qui réussit très-bi<strong>en</strong>, et fut continué<br />

p<strong>en</strong>dant six semaines. L'accès qui avait été retardé<br />

survint alors, fut très-int<strong>en</strong>se, se calma p<strong>en</strong>dant<br />

quatre jours, et reparut plus viol<strong>en</strong>t qu'on ne l'avait<br />

jamais vu; il dura <strong>en</strong> tout bi<strong>en</strong> près de deux mois<br />

et fut le dernier. P<strong>en</strong>dant sa durée, la lactation<br />

cessa. Trois ans se sont écoulés depuis; et p<strong>en</strong>dant<br />

deux jours seulem<strong>en</strong>t, vers le milieu de Tannée<br />

1824, un plus grand babil et une agitation inac-<br />

coutumée ont semblé m<strong>en</strong>acer d'une rechute. Mais<br />

ces symptômes se sont dissipés d'eux-mêmes.<br />

Marie Sabatier a repris le travail, sa m<strong>en</strong>struation<br />

a cessé, elle a acquis un grand embonpoint, et<br />

remplit fort bi<strong>en</strong> les fonctions de portière qu'on lui<br />

a confiées depuis huit mois.<br />

CONCLUSION.<br />

Si maint<strong>en</strong>ant nous jetons un coup d'œil rétros-<br />

pectif sur l'<strong>en</strong>semble des faits cont<strong>en</strong>us dans ce tra-<br />

vail, pour chercher à <strong>en</strong> déduire une conclusion<br />

générale qui puisse servir de guide dans la pra-<br />

tique, nous voyons que dans l'imm<strong>en</strong>se majorité


390 CONCLUSION.<br />

des cas, chez les sujets prédisposés aux vésanies par<br />

leurs antécéd<strong>en</strong>ts héréditaires, leurs naaladies anté-<br />

rieures, ou par une susceptibilité nerveuse portée à<br />

l'excès, la grossesse, l'accouchem<strong>en</strong>t, l'allaitera<strong>en</strong>t<br />

peuv<strong>en</strong>t avoir sur le cerveau le ret<strong>en</strong>tissem<strong>en</strong>t le<br />

plus funeste, soit qu'il y ait action directe et sym-<br />

pathique de l'utérus sur les c<strong>en</strong>tres nerveux, soit<br />

que les fonctions assiniilatrices, impuissantes à sub-<br />

v<strong>en</strong>ir à des causes aussi nombreuses d'épuisem<strong>en</strong>t,<br />

facilit<strong>en</strong>t ainsi la prédominance maladive du sys-<br />

tème nerveux.<br />

Aussi les femmes qui se trouv<strong>en</strong>t dans de sem-<br />

blables conditions devront remplir avec le moins de<br />

rigueur possible les fonctions de la maternité, et le<br />

degré de la prédisposition devra régler à lui seul la<br />

latitude qui leur sera laissée à cet égard. Si on les<br />

marie, on se gardera de le faire d'une manière<br />

hâtive, et on att<strong>en</strong>dra que l'organisme ait atteint<br />

tout son développem<strong>en</strong>t ; si elles devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

grosses, elles seront <strong>en</strong>tourées, p<strong>en</strong>dant leur gros-<br />

sesse et au mom<strong>en</strong>t de l'accouchem<strong>en</strong>t, de pré-<br />

cautions infinies, et on ne leur permettra d'allaiter<br />

que dans des circonstances tout à fait exception-<br />

nelles. Enfin, le médecin, qui connaît les graves<br />

inconvéni<strong>en</strong>ts des grossesses trop fréqu<strong>en</strong>tes, des<br />

avortem<strong>en</strong>ts répétés, ne craindra pas de formuler<br />

sur ce point délicat des conseils dont l'importance<br />

ne saurait être méconnue.<br />

FIN.


Introduction.<br />

TABLE DES MATIERES.<br />

PBEmERE SECTION.<br />

CHAPITRE lei. — De l 'influ<strong>en</strong>ce sympathique de l'utérus sur<br />

le développem<strong>en</strong>t de la fulie puerpérale 7<br />

CHAP. II. — Fréqu<strong>en</strong>ce de la folie puerpérale 24<br />

DECX-lÈniE BECTIOIV.<br />

CHAP. I^*". — Des troubles intellectuels qui survi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant<br />

la grossesse<br />

Article<br />

3)<br />

I^'i'. — Des disposilions morales des femmes <strong>en</strong>ceintes.<br />

Article II. — De la folie des femmes <strong>en</strong>ceintes.<br />

31<br />

41<br />

Causes 42<br />

Début 44<br />

Formes 45<br />

Pronostic 48<br />

Traitem<strong>en</strong>t<br />

l'e observation. — Mélancolie avec hallucinations surv<strong>en</strong>ue au<br />

troisième mois de la grossesse.— Guérison peu après l'accou-<br />

53<br />

chem<strong>en</strong>t<br />

2e obs. — Délire extatique éclalanl tout à coup dans le cours de<br />

la grossesse à la suite d'une émotion morale. — Guérison<br />

55<br />

après l'accouchem<strong>en</strong>t<br />

3e obs. — Aliénation m<strong>en</strong>tale surv<strong>en</strong>ue p<strong>en</strong>dant la grossesse. —<br />

Accouchem<strong>en</strong>t. — Incurabilité de l'état m<strong>en</strong>tal<br />

4e obs. — Mélancolie datant du début de la grossesse; aggra-<br />

58<br />

C2<br />

vation après l'accouchem<strong>en</strong>t<br />

be obs. — Mélancolie surv<strong>en</strong>ue au quatrième mois de la grossesse.<br />

— Guérison plus d'un an après l'accouch<strong>en</strong>i<strong>en</strong>l<br />

6* obs. — Mélancolie au troisième mois de la grossesse. — Gué-<br />

03<br />

64<br />

rison prompte après l'accouchem<strong>en</strong>t<br />

7* obs. — Mélancolif avec stupeur datant du début de la grossesse.<br />

— Guprison trois mois après l'accouchem<strong>en</strong>t<br />

8e obs. — Manie p<strong>en</strong>dant la grossesse. — Guérison trois mois<br />

65<br />

CG<br />

après l'accouchem<strong>en</strong>t<br />

9e obs. — Manie vers le sixième mois de la grosse.^se. — Accouchem<strong>en</strong>t.<br />

— Pas d'amélioration trois mois après<br />

iQe obs. — Excitation maniaque datant du début de la grossesse.<br />

— Accouchem<strong>en</strong>t sans douleur. — État m<strong>en</strong>tal slationnaire.<br />

68<br />

69<br />

70<br />

11 observation<br />

12e 0^5 — Accès de manie au début d^une grossesse. — Amélioration<br />

p<strong>en</strong>dant la gro.ssesse. — Guérison après l'accouche-<br />

72<br />

m<strong>en</strong>t 72<br />

13e et l'ie observations<br />

CHAP. II. — Influ<strong>en</strong>ce de la grossesse sur la marche et<br />

73-74<br />

la<br />

Du travcil de l'accouciiem<strong>en</strong>t chez les aliénées<br />

75<br />

92<br />

guérison de l'aliénatioa m<strong>en</strong>tale .


392 TABLE DES MATIÈRES.<br />

Du développem<strong>en</strong>t physique el intellectuel des <strong>en</strong>fants nés<br />

d'une mère aliénée<br />

I5e observation. — Abs<strong>en</strong>ce com[)lète de douleurs chez une ma-<br />

95<br />

niaque, avant, p<strong>en</strong>dant et après l'accouchem<strong>en</strong>t<br />

l6e obs. — Deux accouchem<strong>en</strong>ts, à deux ans et demi de distance,<br />

98<br />

chez une aliénée. — Aucune amélioration.<br />

- Terminaison par<br />

la dém<strong>en</strong>ce<br />

17e obs. — Troisième accès de manie. — Grossesse.<br />

chem<strong>en</strong>t. — Incurabilité de l'eiat m<strong>en</strong>tal<br />

— Accou-<br />

100<br />

102<br />

18e observation<br />

19e obs. — Manie chronique. — Trois grossesses successives. —<br />

Dém<strong>en</strong>ce. — Incurabililé<br />

20e obs. — Délire parliel; hallucinations.— Grossesse. — Accouchem<strong>en</strong>t.<br />

— État m<strong>en</strong>tal stationnaire<br />

2le obs. — Délire parliel ; hallucinations. — Grossesse. — Accouchem<strong>en</strong>t.<br />

— État m<strong>en</strong>tal stationnaire<br />

22e obs. — Lypémanie. — Grossesse. — Accouchem<strong>en</strong>t. — Gué-<br />

104<br />

105<br />

106<br />

108<br />

rison 112<br />

23e observation 114<br />

24e obs. — Délire maniaque, p<strong>en</strong>chants erotiques. — Grossesse.<br />

— Accouchem<strong>en</strong>t. — Guérison de l'accès 114<br />

25e ob'. — Manie suite de couches. — Grossesse nouvelle. —<br />

Guérison de l'accès<br />

2Ce obs. — Manie avec p<strong>en</strong>chants erotiques. — Grossesse. —<br />

117<br />

Guérison<br />

27e obs. — Épilepsieavec accid<strong>en</strong>ts nerveux. — Grossesse. — Gué-<br />

118<br />

rison Il9<br />

CH A P. m.— Se la responsabilité légale des femmes <strong>en</strong>ceintes. ! 20<br />

28e observation 129<br />

TBOISIKME: SKCTIOIV.<br />

De la folie transitoire au mom<strong>en</strong>t de l'accouchem<strong>en</strong>t 134<br />

QUATBlÙni: SIOCTION.<br />

CHAP. I^''. — Oes causes de folie des nouvelles accouchées et<br />

de la folie des nourrices 147<br />

Historique 147<br />

Causes prédisposantes 161<br />

Causes occasionnelles 174<br />

CH.4.P. II. — 3e la folie des nouvelles accouchées 190<br />

Article I^"^. — De la manie des nouvelles accouchées 19-3<br />

Début ,<br />

" Symptômes<br />

195<br />

197<br />

Diagnostic 204<br />

Terminaisons 208<br />

Délire aigu 'Jll<br />

Anatomie pathologique 217<br />

Traitem<strong>en</strong>t<br />

'226<br />

19f obs. — Manie débutant cinq jours après la délivrance chez<br />

une femme accouchée pour la huitième fois. — Guérison au<br />

bout de cinq semaines 238


TABLE DES MATIÈRES. 393<br />

30e observation. — Manie six semaines après l'accouchem<strong>en</strong>t. —<br />

Délire aigu. — Mort au bout de sept jours 242<br />

31e obs. — Délire aigu ayant débuté avec le travail de l^accouchem<strong>en</strong>l.<br />

— Mort rapide 244<br />

32e p(,s_ — Manie onze jours après l'accouchem<strong>en</strong>t. — Traitem<strong>en</strong>t<br />

par le camphre. — Guérison 247<br />

33e ohs. — Manie après l'accouchem<strong>en</strong>t. — Traitem<strong>en</strong>t par le<br />

camphre. — Guérison 248<br />

34e obs. — Manie six jours après l'accouchem<strong>en</strong>t. — Traitem<strong>en</strong>t<br />

par l'élher. — Guérison rapide 249<br />

35e obs. — Manie trois jours après l'accouchem<strong>en</strong>t. — Traitem<strong>en</strong>t<br />

par les purgatifs. — Guérison au bout d'un mois.. ... . 250<br />

;56e et 37e observations 251-262<br />

38* obs. — Manie consécutive à des accès d'éclampsie. — Terminaison<br />

par la dém<strong>en</strong>ce 253<br />

39e obs. — Manie puerpérale guérie par l'opium 255<br />

40" obs. — Manie, suite d'éclampsie puerpérale. — Guérison... 256<br />

4I« obs. — Éclampsie et manie puerpérale. — Guérison 269<br />

42e et 43e observations 202<br />

Article II. — De la mélancolie des nouvelles accouchées.. 262<br />

Symptômes 2G5<br />

Pronostic 269<br />

Traitem<strong>en</strong>t 270<br />

44" obs. — Préoccupation et fièvre intermitt<strong>en</strong>te p<strong>en</strong>dant une troisième<br />

grossesse. — Mélancolie avec stupeur cinq semaines<br />

après l'accouchem<strong>en</strong>t. — Guérison 274<br />

46* obs. — Hallucinations et délire partiel peu après l'accouchem<strong>en</strong>t;<br />

plus tard, mélancolie avec stupeur. — Etat m<strong>en</strong>tal<br />

stationnaire 278<br />

46* obs. — Mélaiicolie quatre jours après l'accouchem<strong>en</strong>t chez<br />

une primipare. — Guérison au bout d'un mois 282<br />

47* obs. — Disposition mélancolique avant et après l'accouchem<strong>en</strong>t.<br />

— Explosion du délire mélancolique au mom<strong>en</strong>t du<br />

retour de couches. — Guérison au bout de quatre mois 285<br />

48e obs. — Accès de mélancolie p<strong>en</strong>dant l'élat puerpéral et<br />

hors l'élat puerpéral 288<br />

49' obs. — Mélancolie six semaines après l'accuuchem<strong>en</strong>t. - Amélioration,<br />

rechute, puis guérison définitive 290<br />

bO* obs. — Jilélaiicolie consécutive à l'accouchem<strong>en</strong>t; catalepsie. 291<br />

51® observation 291<br />

62e Qig — Mélancolie peu après l'accouchem<strong>en</strong>t.— Guérison <strong>en</strong><br />

six mois 292<br />

63» obs. — Mélancolie six semaines après l'accouchem<strong>en</strong>t, luberculisation<br />

générale. — Mort 293<br />

Article 111. — De la monomanie des nouvelles accouchées. . 296<br />

Hallucinations 297<br />

Monomanies intellectuelles 299<br />

Monomaiiies impulsives 300<br />

Affaiblissem<strong>en</strong>t intellectuel 303<br />

64e obs. — Hallucinations de l'ouïe surv<strong>en</strong>ant après l'accouchem<strong>en</strong>t<br />

dans l'étal intermédiaire à la veille et au sommeil 307<br />

66* et 56e observations 3iO-3li<br />

57e obs. — Délire partiel surv<strong>en</strong>ant six semaines après l'accouchem<strong>en</strong>t.<br />

— Guérison au bout de sept mois 3i2<br />

68e obs. — Accès de délire maniaque six semaines après l'accou-<br />

26


394<br />

TABLE DES MATIERES,<br />

chem<strong>en</strong>t. — Peisislance des hallucinations de l'ouïe et de<br />

conceptions délirantes isolées. — Incurabilité 316<br />

59e observation. — Affaiblissem<strong>en</strong>t intellectuel à la suite de<br />

pertes de sang considérables. — Guérison rapide 321<br />

CHAP. 111. — De la folie chei les nourrices 324<br />

Début 325<br />

Causes 328<br />

Influ<strong>en</strong>ce du sevrage 331<br />

Formes de la folie , . 337<br />

Pronostic 34<br />

Traitem<strong>en</strong>t 343<br />

La lactation peut-elle guérir la folie? 347<br />

60e obs. — Manie chez une nourrice au bout de quinze mois<br />

d'allaitem<strong>en</strong>t. — Grande amélioration. — Guérison probable. 349<br />

61« obs. — Excitation maniaque très-légère surv<strong>en</strong>ue chez une<br />

nourrice 352<br />

62^ obs. — Manie développée au bout de quinze jours d'allaitem<strong>en</strong>t<br />

sous l'influ<strong>en</strong>ce d'abcès multiples du sein 366<br />

63e observation 359<br />

G4^ obs. — -Manie hystérique intermitt<strong>en</strong>te à la suite de sevrage.<br />

— Guérison par la diète lactée 359<br />

65^ obs. — Manie développée après le sevrage, au bout de six<br />

mois d'allaitem<strong>en</strong>t. — Guérison par la diète lactée 364<br />

66e qIs. — Manie chez une nourrice peu après l'accouchem<strong>en</strong>t.<br />

— Guérison au bout de deux mois et demi 366<br />

67* obs. — Accès de manie p<strong>en</strong>dant l'état puerpéral ; récidives<br />

nombreuses 368<br />

68e o6s. — Manie p<strong>en</strong>dant l'allîiitem<strong>en</strong>t. — Guérison au bout<br />

d'un mois 370<br />

6S* obs. — Manie au mom<strong>en</strong>t du sevrage. — Récidives. — Guérison<br />

370<br />

TO** obs. — Mélancolie après le sevrage, au bout de seize mois<br />

d'allaitem<strong>en</strong>t. — Guérison <strong>en</strong> un mois 372<br />

71*^ obs. — Mélancolie après dix jours d'allaitem<strong>en</strong>t. — Amélioration.<br />

— Rechute. — Guérison 374<br />

72e obs. — Mélancolie hypocliondriaque après le sevrage au<br />

bout de vingt et un mois d'allaitem<strong>en</strong>t<br />

73e obs. — Mélancolie cl hypochondrie après six semaines de<br />

lactation. — Guérison 3'9<br />

74* obs. — Accès de folie, à double forme, p<strong>en</strong>dant l'allaitem<strong>en</strong>t.<br />

— Guérison , 382<br />

75e obs. — Folie incurable surv<strong>en</strong>ue après dix mois d'allaitem<strong>en</strong>t<br />

383<br />

76e obs. — Craintes imaginaires, puis accès de manie p<strong>en</strong>dant<br />

l'allaitem<strong>en</strong>t. — Guérison<br />

384<br />

77e obs. — Délire partiel, 'idées de suicide au bout de sept mois<br />

d'allaitem<strong>en</strong>t. — Guérison après neuf mois de traitem<strong>en</strong>t. 385<br />

78e obs. — Accès de manie. — Lactation.— Guérison. — Rechute<br />

au bout de deux ans<br />

386<br />

79e obs.— Manie intermiil<strong>en</strong>te. — Lactation. ~ Guérison après<br />

Conclusion<br />

l'allaitem<strong>en</strong>t<br />

ConiiKiL, ifflpriinerie et stéréotyple de Cbétb.<br />

1<br />

376<br />

388<br />

389


LIBRAIRIE DE J. B. BAILLIERE et FILS.<br />

Traité pratique des maladies des org^aiies sexuels de la<br />

femme, par le docteur F. W. de Scanzoni, professeur d'accouchem<strong>en</strong>ls et de<br />

gynécologie .à l'Université de Wurzbourg, etc., traduit de rallemand sous les<br />

yeux de l'auteur, avec des notes, par les docteurs H. Dor et A. Socm. Paris,<br />

1858. 1 vol. grand in-8 de 560 pages, avec figures 8 fr.<br />

De la fièvre ptierpérale, de sa nature et de son traitem<strong>en</strong>t. Communica-<br />

(ions à l'Acadéraie impériale de Médecine, par MM. Guérard, Depaul, Beau,<br />

Hervez de Chégoin, p. Dubois, Trousseau, Bouillacd, Croveilhikr, Piorry,<br />

Cazeaux, Dakyau, Velpeau, GuÉrin, etc. Paris, 1858. In-8 de 360 pages.<br />

De la fièvre puerpérale, observée à l'hospice de la Maternité, par le<br />

docteur Stéphane Tarnier, anci<strong>en</strong> interne lauréat des hôpitaux (Maternité,<br />

1856), lauréat de la Faculté de Médecine, membre de la Société anatotnique.<br />

Paris, 1858, in-8.<br />

Traité pratique de l'art des acconchem<strong>en</strong>ts , par M. Chaillt-<br />

Honoré, membre de l'Académie impériale de Médecinei professeur de l'art des<br />

accouchem<strong>en</strong>ts, anci<strong>en</strong> chef de la Clinique d'accouchem<strong>en</strong>ts à la Faculté de<br />

Médecine de Paris. Troisième édition, considérablem<strong>en</strong>t augm<strong>en</strong>tée. Paris,<br />

1853, 1 vol. in-8 de 1,050 pages accompagné de 275 figures'intercalées dans<br />

le texte et propres à eu faciliter l'étude 10 fj*.<br />

Ouvrage adopté par l'Université pour les Facultés de médecine, les Icoies préparatoires<br />

et les cours départem<strong>en</strong>taux institués pour les sages-femmes.<br />

Traité des désrénéresc<strong>en</strong>ces physiques , intellectuelles et morales<br />

de l'espèce humaine et des causes qui produis<strong>en</strong>t ces variétés<br />

maladives, par le docteur B.-A. Morel, médecin <strong>en</strong> chef de l'Asile des aliéné?<br />

de Saint-Yon (Seine-Inférieure}, anci<strong>en</strong> médecin <strong>en</strong> chef de l'Asile de Mar<br />

ville (Meurthe), lauréat de l'Institut (Académie des sci<strong>en</strong>ces). Paris, 1857, 1 \.<br />

in-8 de 700 pages avec un atlas de 12 planches liihogiaphiées in-4 12 fr.<br />

Du démon de Socrate , spécim<strong>en</strong> d'une applicatioa de la sci<strong>en</strong>ce psychologique<br />

à celle de l'histoire, par le docteur L.-F. Léi.ut, membre de l'Institut,<br />

médecin de l'hospice de la Salpêlrière. Kouvelle édition revue, corrigée et augm<strong>en</strong>tée<br />

d'une préface. Paris, 1856, in-18 de 348 pages ,.. 3 fr. 50<br />

li'Amnlette de Pascal , pour servir- à l'histoire des ballucinations , par<br />

le docteur F. Lélut. Paris, 1846, in-8 6 fr.<br />

Qu'est-ce que la phrénoloarie? ou Essai sur la ^^Diticaiion et la valeur<br />

des systèmes de Psychologie <strong>en</strong> général, et de celui de GTitt <strong>en</strong>-particulier, par<br />

F. LÉLUT, médecin de l'hospice de la Salpétrière, membre de l'Institut. Paris,<br />

1836, in-8 7 fr.<br />

De la folie considérée dans ses rapports avec les questions médico-judiciaires,<br />

par C. C.-H. Marc, médecin du Roi, médecin asserm<strong>en</strong>té près les tribnnaux,'membre<br />

de l'Académie impériale de médecine. Paris, 1 840, 2 vol. in-8. 1 5 fr.<br />

Du traitem<strong>en</strong>t moral de la folie , par F. Leuret , médecin <strong>en</strong> chef<br />

de l'hospice de Bicèire. Paris, 1840, in-8 6 fr.<br />

De la folie considérée sous le point de vue patholo^pique,<br />

philosophique» historique et judiciaire, depuis la r<strong>en</strong>aissance des<br />

sci<strong>en</strong>ces <strong>en</strong> Europe jusqu'au dix-neuvième siècle; description des grandes épidémies<br />

de délire simple ou compliqué qui ont atteint les populations d'autre-<br />

fois, et régné dans les monastères, Exposé des condamnations auxquelles la<br />

folie méconnue a souv<strong>en</strong>t donné lieu, par le docteur L.-F. Calmeil. Paris, J846,<br />

2 vol. in-8 14 fr.<br />

De la paralysie considérée chez les aliénés , recherches faites<br />

dans le service et sous les yeux de MM. Royer-CoUard el Esquirol ; par L.-F.<br />

Calmeil, D. M. P., médecin <strong>en</strong> chef de la Maison impériale des aliénés de<br />

Char<strong>en</strong>ton. Paris, 1826, in-8 , 6 fr. &0<br />

Du pronostic et du traitem<strong>en</strong>t curatif de l'épileptiie , pur le<br />

docteur Th. Herpin, docteur <strong>en</strong> médecine de la Faculté de Paris et de G<strong>en</strong>èv,',<br />

lauréat de la Faculté de médecine de Paris, anci<strong>en</strong> vice-présid<strong>en</strong>t de la FacuH'^<br />

de médecine ei du conseil de santé de G<strong>en</strong>ève, etc. Ouvrage couronné pur<br />

l'Institut de France. Paris, 1852, 1 vol. in-8 de 650 pages 7 fr. 50<br />

r.oRBEiL, TYP. rr STÉn. DE Cretb.


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