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Discriminations et violences contre les femmes en Tunisie - Refworld

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Fédération internationaledes ligues des droits del’HommeLigueTunisi<strong>en</strong>ne desdroits del’HommeAssociationTunisi<strong>en</strong>ne desFemmesDémocratesRapport conjoint soumis au Comité sur l’éliminationde la discrimination à l’égard des <strong>femmes</strong><strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong><strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong>Juin 2002 n°339


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002FIDH – ATFD – LTDH / p. 2


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002CHAPITRE 1 : Viol<strong>en</strong>ces physiques <strong>et</strong> psychologiques – la culpabilisation des <strong>femmes</strong> 4A. Dans <strong>les</strong> espaces privé <strong>et</strong> public : L'ordinaire d'une viol<strong>en</strong>ce subie 4A.1- Femmes battues, majorité des agresséesA.2- Viol, inceste, pédophilie : des pathologies sous déclaréesA.3- Harcèlem<strong>en</strong>t sexuel : agression non id<strong>en</strong>tifiéeA.4- Délinquance <strong>et</strong> mineures <strong>en</strong> dangerB. Obstac<strong>les</strong> aux règlem<strong>en</strong>ts judiciaires, impunité des crimes 8B.1. Des recours disponib<strong>les</strong>B.2.- Non-application de la loiB.3- Application discriminatoire des loisB.4- Non protection des victimes <strong>et</strong> des témoins.C. Les réactions des autorités 10D. Recommandations 12CHAPITRE 2 : Répression, <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>et</strong> harcèlem<strong>en</strong>t des <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> raison de leurs activités demilitantes de droits de l’Homme 14A. Les <strong>femmes</strong>, victimes particulières parmi la répression systématique <strong>contre</strong> <strong>les</strong> déf<strong>en</strong>seurs desdroits de l’Homme 14B. Diverses formes de la répression 14B.1. Procès <strong>et</strong> Harcèlem<strong>en</strong>t JuridiqueB.2. Intimidation, T<strong>en</strong>tative d’Isolem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> FilatureB.3. Violation du Secr<strong>et</strong> de la Correspondance, l’Ecoute <strong>et</strong> <strong>les</strong> Coupures TéléphoniquesB.4. Les Agressions <strong>contre</strong> <strong>les</strong> Déf<strong>en</strong>seures des Droits de l’HommeB.5 Les actes de Vandalisme Contre <strong>les</strong> Bi<strong>en</strong>s des Militants <strong>et</strong> Ceux de Leurs Famil<strong>les</strong>B.6. Les Campagnes de Diffamation <strong>contre</strong> <strong>les</strong> Déf<strong>en</strong>seurs des Droits de l’HommeC. Conclusions : 18C.1. Atteinte à la libre participation à la vie publiqueC.2. Viol<strong>en</strong>ce à l’égard des <strong>femmes</strong>C.3. RecommandationsCHAPITRE 3 : Egalité successorale 20A. Fondem<strong>en</strong>ts du droit successoral 20B. Les inégalités juridiques 20C. Conclusions 21CHAPITRE 4 : Atteinte à la liberté de religion des <strong>femmes</strong> 22A. Atteintes jurisprud<strong>en</strong>tiel<strong>les</strong> <strong>et</strong> conséqu<strong>en</strong>ces <strong>en</strong> matière succéssorale 22B. Viol<strong>en</strong>ces dans la sphère privée : 22C. Conclusions 24RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS 25ANNEXE I : Etude quantitative des dossiers traités par le C<strong>en</strong>tre d’écoute <strong>et</strong> d’Ori<strong>en</strong>tation des<strong>femmes</strong> victimes de viol<strong>en</strong>ce 26ANNEXE II : Code du Statut Personnel - Livre IX : De la succession. 32FIDH – ATFD – LTDH / p. 3


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002CHAPITRE 1 : Viol<strong>en</strong>ces physiques <strong>et</strong> psychologiques –la culpabilisation des <strong>femmes</strong>“ C’est ton frère, il est <strong>en</strong> train de t’éduquer, il a le droit de te battre ”• A. Dans <strong>les</strong> espaces privé <strong>et</strong> public : L'ordinaire d'une viol<strong>en</strong>ce subie:Scène de la vie quotidi<strong>en</strong>ne : à l’heure de la visite matinale devant une maternité de lacapitale, une jeune femme, appelant à la rescousse <strong>les</strong> nombreuses <strong>femmes</strong> regroupées là alorsqu’elle se faisait mo<strong>les</strong>ter par un jeune homme, s’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dait répondre : “ C’est ton frère, il est<strong>en</strong> train de t’éduquer, il a le droit de te battre ”.Les <strong>femmes</strong> tunisi<strong>en</strong>nes, mineures <strong>et</strong> adultes, sont quotidi<strong>en</strong>nem<strong>en</strong>t victimes de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong>multip<strong>les</strong> à des degrés divers. Les agressions à leur <strong>en</strong><strong>contre</strong> sont verba<strong>les</strong>, mora<strong>les</strong>, relèv<strong>en</strong>tde la m<strong>en</strong>ace, sont physiques, d'ordre sexuel. El<strong>les</strong> se perpétu<strong>en</strong>t <strong>contre</strong> el<strong>les</strong> à domicile, dansla rue, sur le lieu de travail. El<strong>les</strong> <strong>en</strong>traîn<strong>en</strong>t, quelque fois irrémédiablem<strong>en</strong>t, des traumatismesphysiques, sexuels, psychologiques.La viol<strong>en</strong>ce à l’<strong>en</strong><strong>contre</strong> des <strong>femmes</strong> profite certainem<strong>en</strong>t de ce présupposé selon lequel l’êtrefemme est un corps sans raison <strong>et</strong>, comme tel, il est légitime de le traiter comme un obj<strong>et</strong>.C<strong>et</strong>te perception est d’autant moins ébranlée qu’elle ne trouve guère de dém<strong>en</strong>ti dans lacondition sociale, économique, politique, juridique des <strong>femmes</strong> partout subordonnée à celledes hommes.La <strong>Tunisie</strong> n’échappe guère, du point de vue de la propagation du phénomène, au “ concertdes nations ”. Longtemps nié <strong>et</strong> refoulé, l’exercice de la viol<strong>en</strong>ce <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> émergegraduellem<strong>en</strong>t à la consci<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> aux discours politiques. Après avoir été circonscrit à larubrique des faits divers, il passe <strong>en</strong> débat sur la chaîne télévisée nationale <strong>et</strong> fait l’obj<strong>et</strong> d’unejournée d’étude couverte par le Ministère des Affaires de la Femme <strong>et</strong> de la Famille.Les logiques qui ont servi <strong>et</strong> qui, de manière prédominante, continu<strong>en</strong>t de servir à masquer <strong>les</strong>pratiques de la viol<strong>en</strong>ce dans notre société sont antagoniques <strong>en</strong>tre el<strong>les</strong>.D’un côté, c’est l’argum<strong>en</strong>t religieux qui est invoqué pour expliquer que, contrairem<strong>en</strong>t auxsociétés occid<strong>en</strong>ta<strong>les</strong> où <strong>les</strong> mœurs serai<strong>en</strong>t relâchées <strong>et</strong> la morale débridée, l’attachem<strong>en</strong>t dela population à ses croyances lui interdit de s’adonner à des agissem<strong>en</strong>ts tels que le viol,l’inceste, la pédophilie…D’un autre côté, <strong>et</strong> dans un registre plus moderniste, le Code du Statut Personnel <strong>et</strong>l’émancipation “ exemplaire ” des Tunisi<strong>en</strong>nes sont avancés pour souligner qu’ils<strong>contre</strong>dis<strong>en</strong>t l’avilissem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> l’assuj<strong>et</strong>tissem<strong>en</strong>t de ces dernières par la viol<strong>en</strong>ce.Enfin, une version plus “ économiciste ”, <strong>et</strong> à laquelle <strong>les</strong> autorités officiel<strong>les</strong> sembl<strong>en</strong>tcons<strong>en</strong>tir à se rallier, serait que la viol<strong>en</strong>ce vis-à-vis des <strong>femmes</strong> existe mais qu’elle nereprés<strong>en</strong>te qu’un fait marginal puisqu’elle n’affecte que <strong>les</strong> milieux socio-économiquesdéfavorisés. Son mobile ne serait pas la misogynie à l’égard des <strong>femmes</strong> mais la misère <strong>et</strong> el<strong>les</strong>erait appelée à disparaître avec l’att<strong>en</strong>tion accordée à celle-ci.FIDH – ATFD – LTDH / p. 4


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002D'une gravité plus ou moins notable, <strong>les</strong> agressions, dans leur majorité, rest<strong>en</strong>t impunies <strong>et</strong>leurs auteurs trop rarem<strong>en</strong>t inquiétés. Les <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> eff<strong>et</strong>, par peur, par honte, port<strong>en</strong>t peuplainte. Les affaires qui plac<strong>en</strong>t l'agresseur au banc des accusés ne manqu<strong>en</strong>t pasd'éclabousser la victime, sa réputation <strong>et</strong> celle de son <strong>en</strong>tourage d'une “publicité” indésirabledifficile à assumer quand ne s'y ajoute pas directem<strong>en</strong>t un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de culpabilité. Si <strong>les</strong>séquel<strong>les</strong> de l'agression ne sont pas physiquem<strong>en</strong>t constatées, la victime a <strong>en</strong>core plus de malà se décider à vouloir se déf<strong>en</strong>dre, puis à trouver <strong>les</strong> moy<strong>en</strong>s de le faire. Si le tabou sexuelintervi<strong>en</strong>t, <strong>les</strong> rétic<strong>en</strong>ces de l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t immédiat <strong>et</strong> lointain, familial <strong>et</strong> administratif sont<strong>en</strong>core plus fortes <strong>et</strong> particip<strong>en</strong>t à isoler la femme victime.Les réponses juridiques quand el<strong>les</strong> exist<strong>en</strong>t peuv<strong>en</strong>t pourtant ne pas être compatib<strong>les</strong> avec <strong>les</strong>mutismes des administrations qui reflèt<strong>en</strong>t des m<strong>en</strong>talités rétrogrades.A.1- Femmes battues, majorité des agresséesLes <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> conjuga<strong>les</strong>, domestiques, sont <strong>les</strong> cas <strong>les</strong> plus fréqu<strong>en</strong>ts : le moindre problèmeprofessionnel, familial ou autre est parfois un motif pour le père ou l'époux de faire viol<strong>en</strong>ce<strong>contre</strong> sa fille ou sa femme. Les <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>les</strong> plus redoutab<strong>les</strong>, parce que diffici<strong>les</strong> à établirpour justifier d'une action <strong>en</strong> justice pour préjudice, sont ces <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> qui ne laiss<strong>en</strong>t pas d<strong>et</strong>race physique. Cel<strong>les</strong>-là sont tellem<strong>en</strong>t intériorisées, excusées, qu'el<strong>les</strong> se heurt<strong>en</strong>t au mur dela banalisation tant sur le point social que médiatique.Dans la rue, la viol<strong>en</strong>ce peut dépasser le cadre d'une simple drague ou de vol à l'arraché pouratteindre des délits plus graves comme l'<strong>en</strong>lèvem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> ce qui pourrait <strong>en</strong> résulter commesévices physiques <strong>et</strong> physiologiques. Les dispositions juridiques <strong>et</strong> <strong>les</strong> m<strong>en</strong>talités rétrogradesaidant, contribu<strong>en</strong>t à la “chosification de la femme” qui de ce fait apparaît aux yeux decertains hommes comme un simple obj<strong>et</strong>.Entre 1990 <strong>et</strong> juin 2000, l'Association tunisi<strong>en</strong>ne des <strong>femmes</strong> démocrates (ATFD) a <strong>en</strong>registrépar l'intermédiaire de son C<strong>en</strong>tre d'écoute 789 cas de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong>. Des <strong>femmes</strong>, de tout âge,désemparées, victimes d'un système fondé sur la toute puissance du père, du mari, du fils oudu frère. 1Comme dans <strong>les</strong> autres pays du Maghreb, <strong>les</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong>, <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong>, ne sont pas le lot qued'une seule catégorie de <strong>femmes</strong>. Les scolarisées comme <strong>les</strong> non-scolarisées, <strong>les</strong> <strong>femmes</strong>ayant un niveau d'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t supérieur comme cel<strong>les</strong> ayant un niveau primaire, <strong>les</strong> sansprofession comme cel<strong>les</strong> occupant un emploi rémunéré, sont victimes de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong>. Ainsi sur<strong>les</strong> 83 <strong>femmes</strong>, plus de la moitié (60%) ayant déclaré leur niveau d'instruction (soit plus de80%) ont un niveau secondaire <strong>et</strong> la moitié ont un emploi (32% sont sans profession).Les <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> conjuga<strong>les</strong> sont <strong>les</strong> cas <strong>les</strong> plus fréqu<strong>en</strong>ts. El<strong>les</strong> revêt<strong>en</strong>t plusieurs formes,physiques <strong>et</strong> mora<strong>les</strong>, explicites <strong>et</strong> implicites, occasionnel<strong>les</strong> <strong>et</strong> répétées : coups <strong>et</strong> b<strong>les</strong>sures,<strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> verba<strong>les</strong>, cris, hurlem<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> m<strong>en</strong>aces de mort, non subv<strong>en</strong>tion aux besoins de lafamille, viol conjugal, abandon, empêchem<strong>en</strong>t de travailler, avortem<strong>en</strong>t forcé, travail forcé,séquestration, humiliation, dépossession des bi<strong>en</strong>s. Les <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> au travail vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong>deuxième position. 10 <strong>femmes</strong> sont l'obj<strong>et</strong> de r<strong>en</strong>vois abusifs pour des motifs non avouést<strong>en</strong>ant au statut de la personne (célibataire), à son activité syndicale, à ses relations, à son état1 Voir Annexe I, pour des statistiques plus détailléesFIDH – ATFD – LTDH / p. 5


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002de santé. Les <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> familia<strong>les</strong> occup<strong>en</strong>t une troisième position (6 cas) <strong>et</strong> sont le fait dupère (séquestration), du fils (coups, hargne, cris) mais aussi de la famille du conjoint (pression<strong>et</strong> caba<strong>les</strong>). Les cas d'inceste <strong>et</strong> de viol sont avérés : inceste du père, 2 cas de viols commis parl'<strong>en</strong>tourage de la famille : le voisin, l'ami.La fréqu<strong>en</strong>tation du C<strong>en</strong>tre par des <strong>femmes</strong> victimes de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> prés<strong>en</strong>te plusieurs formes.Certaines y vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t juste une fois pour exposer leur cas <strong>et</strong> être écoutées. Il s'agitgénéralem<strong>en</strong>t de <strong>femmes</strong> qui tout <strong>en</strong> faisant la démarche nécessaire pour sortir del'<strong>en</strong>fermem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> briser le tabou ne désir<strong>en</strong>t pas aller plus loin, par exemple, <strong>en</strong> demandantune interv<strong>en</strong>tion. L'argum<strong>en</strong>t invoqué (la peur de m<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> péril l'équilibre familial) témoigneà sa manière de l'ordinaire de la viol<strong>en</strong>ce subie <strong>et</strong> tolérée par <strong>les</strong> <strong>femmes</strong>. Plus rarem<strong>en</strong>t, ils'agit de <strong>femmes</strong> mal informées ou mal ori<strong>en</strong>tées qui s'adress<strong>en</strong>t au C<strong>en</strong>tre dans l'espoir d<strong>et</strong>rouver du travail ou un souti<strong>en</strong> financier. C<strong>et</strong>te situation est tout de même révélatrice de laprécarité des conditions de vie des <strong>femmes</strong> qui viv<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> raison du chômage qui <strong>les</strong> atteint,el<strong>les</strong>-mêmes <strong>et</strong> leurs proches dans le dénuem<strong>en</strong>t le plus total. Sur 50 cas, 30 ne vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>tqu'une fois au C<strong>en</strong>tre.A.2- Viol, inceste, pédophilie : des pathologies sous déclaréesLe viol, l'inceste, la pédophilie qui frapp<strong>en</strong>t <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> adultes <strong>et</strong> mineures rest<strong>en</strong>t despathologies sous déclarées. Relevant du tabou frappant déjà le corps de la femme <strong>et</strong> l'honneurdes si<strong>en</strong>s, la charge de honte de l'<strong>en</strong>tourage finit de couvrir de culpabilité la victime <strong>et</strong> del'<strong>en</strong>fermer dans le sil<strong>en</strong>ce. Qui plus est lorsque le coupable est un membre de la famille <strong>et</strong> quele cauchemar a lieu au foyer. Très grave atteinte à la dignité de la personne, aux répercussionspsychologiques, mora<strong>les</strong>, socia<strong>les</strong> indélébi<strong>les</strong>, la véritable proportion de chacun de ces crimesdemeure tue <strong>et</strong> inconnue au Maghreb même si le voile comm<strong>en</strong>ce ça <strong>et</strong> là à se lever surcertaines réalités.En <strong>Tunisie</strong>, douée <strong>et</strong> combative, R_ lutte pour faire <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre sa voix <strong>et</strong> être rétablie dans sesdroits. A six ans, elle est victime de viols commis par un voisin <strong>et</strong> son cousin. Son père,homme autoritaire <strong>et</strong> viol<strong>en</strong>t, se r<strong>et</strong>ourne <strong>contre</strong> elle <strong>et</strong> la m<strong>en</strong>ace de mort. Contrainte, elleinterrompt ses études.Au Maghreb, aux yeux de la loi <strong>et</strong> de la société, le viol n'existe pas <strong>en</strong>tre mari <strong>et</strong> femme. Lajustice ne r<strong>et</strong>i<strong>en</strong>t pas le viol perpétré par l'époux <strong>contre</strong> sa femme comme acte de viol<strong>en</strong>cejustifiant le divorce.Dans <strong>les</strong> rares cas d'inceste qui parvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t aux tribunaux, la mère se trouve dans l'incapacitéde se porter partie civile quand le violeur est le père. Souv<strong>en</strong>t <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> où se produitl'inceste gard<strong>en</strong>t le secr<strong>et</strong>, préférant sacrifier <strong>les</strong> droits de la victime. En <strong>Tunisie</strong>, le voile j<strong>et</strong>ésur l'inceste comm<strong>en</strong>ce à se déchirer. Mais le problème ne parvi<strong>en</strong>t que rarem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core auxtribunaux.Victimes d'inceste depuis leur jeune âge, deux sœurs port<strong>en</strong>t plainte <strong>et</strong>, bravant <strong>les</strong> tabous <strong>et</strong><strong>les</strong> pesanteurs socia<strong>les</strong>, dénonc<strong>en</strong>t leur père à la justice. Celui-ci est condamné. Les dégâtsqui <strong>les</strong> ont psychologiquem<strong>en</strong>t perturbées <strong>et</strong> finis par <strong>les</strong> j<strong>et</strong>er hors de l'école risqu<strong>en</strong>t d<strong>en</strong>'être sinon jamais réparés <strong>en</strong> tout cas diffici<strong>les</strong> à surmonter tout au long de leur vie.FIDH – ATFD – LTDH / p. 6


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002<strong>femmes</strong> finiss<strong>en</strong>t par glisser dans la délinquance, dont la prostitution, directem<strong>en</strong>t forcée ounon, la déchéance, la maladie, parfois la mort.• B. Obstac<strong>les</strong> aux règlem<strong>en</strong>ts judiciaires, impunité des crimesB.1. Des recours disponib<strong>les</strong>Plusieurs des plaintes <strong>en</strong>gagées par <strong>les</strong> victimes de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> finiss<strong>en</strong>t par aboutir, surtoutlorsqu’il s’agit de l’application des lois existantes. Dans le cas des <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> conjuga<strong>les</strong>, lemontant des dédommagem<strong>en</strong>ts dép<strong>en</strong>d souv<strong>en</strong>t du juge <strong>et</strong> de son état d’esprit. Mais obt<strong>en</strong>irune condamnation de principe est un acquis pour <strong>les</strong> <strong>femmes</strong>, parce que ceci leur perm<strong>et</strong>d’obt<strong>en</strong>ir un divorce pour préjudice, <strong>et</strong> donc une r<strong>en</strong>te viagère, la garde des <strong>en</strong>fants, <strong>et</strong>év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t le logem<strong>en</strong>t conjugal. On note aussi une l<strong>en</strong>teur pour toutes ces procédures :un peu plus d’un an pour obt<strong>en</strong>ir une condamnation pour <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong>, <strong>et</strong> <strong>en</strong>core un an au moinspour obt<strong>en</strong>ir un divorce pour préjudice.Pour <strong>les</strong> cas de viols, nous nous confrontons souv<strong>en</strong>t aux défauts de l’<strong>en</strong>quête policière quin’utilise presque jamais <strong>les</strong> moy<strong>en</strong>s objectifs d’investigation comme par exemple l’analysegénétique (alors que c<strong>et</strong>te dernière est utilisée pour la recherche de paternité). Dans <strong>les</strong> casd’incestes, le père peut rester <strong>en</strong> état de liberté jusqu’au jugem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> aucune mesured’éloignem<strong>en</strong>t n’est prise pour la sécurité de l’<strong>en</strong>fant <strong>et</strong> celle de sa mère qui a <strong>en</strong>gagé <strong>les</strong>poursuites.Un autre problème semble être l’indép<strong>en</strong>dance de la justice : <strong>les</strong> interv<strong>en</strong>tions, <strong>les</strong> pressionssur <strong>les</strong> juges ; de même que nous ne pouvons pas ne pas signaler <strong>les</strong> attitudes terrorisantes decertains juges <strong>en</strong> salle d’audi<strong>en</strong>ce. Bref comme le signal<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t <strong>les</strong> avocats de l’ATFD,« tout dép<strong>en</strong>d du juge ».B.2.- Non-application de la loiParmi <strong>les</strong> problèmes <strong>les</strong> plus sérieux relevés dans la lutte <strong>contre</strong> l’impunité des crimes,plusieurs plaintes n’ont pas abouti du fait de la non-application de la loi. S’il est évid<strong>en</strong>tque le législateur tunisi<strong>en</strong> a, depuis 1956, lors de la promulgation du code de statut personnel,adopté maintes lois dans le but d’atténuer <strong>les</strong> discriminations à l’égard des <strong>femmes</strong>, il estaussi aujourd’hui admis que l’application des lois continue de poser des problèmes.Pour concrétiser c<strong>et</strong>te situation, nous choisirons un cas typique, celui de Khalti Khédija 2 . Unefemme de 70 ans, mariée depuis plus de 40 ans, résidant avec son mari à Tunis, ayant deuxfil<strong>les</strong> majeures. Un jour, elle appr<strong>en</strong>d qu’elle a été divorcée à ses torts pour abandon du foyersans avoir été informée, qu’elle est condamnée à des dommages <strong>et</strong> intérêts <strong>et</strong> doit parconséqu<strong>en</strong>t quitter le domicile conjugal, n’étant pas gardi<strong>en</strong>ne d’<strong>en</strong>fants mineurs.C<strong>et</strong>te situation est pourtant inconcevable au regard du droit tunisi<strong>en</strong> qui a aboli, depuis 1956,la répudiation. En 1993, le législateur est v<strong>en</strong>u préciser <strong>et</strong> r<strong>en</strong>forcer la protection dudéf<strong>en</strong>deur <strong>en</strong> cas de divorce <strong>et</strong> ce à la suite de plusieurs plaintes de la part des <strong>femmes</strong> quiont été divorcées sans avoir été informées. Si c<strong>et</strong>te dernière loi concerne le mari <strong>et</strong> la femme,2 Cas recueilli par l’ATFDFIDH – ATFD – LTDH / p. 8


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002sur un pied d’égalité, elle a <strong>en</strong> fait pour obj<strong>et</strong> de protéger <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> parce que ce sont el<strong>les</strong>qui ont été, dans la plupart des cas, victimes de procédures frauduleuses. C’est pour m<strong>et</strong>trefin à ces abus que la loi de 1993 est v<strong>en</strong>ue imposer une procédure plus stricte concernantl’assignation du déf<strong>en</strong>deur <strong>et</strong> faisant obligation au juge de s’assurer que le déf<strong>en</strong>deur a bi<strong>en</strong>reçu personnellem<strong>en</strong>t l’assignation. Mieux <strong>en</strong>core, la loi sanctionne toute manœuvre commisepar l’époux privant le déf<strong>en</strong>deur du droit à être informé de l’audi<strong>en</strong>ce.Or, KBA n’a jamais reçu directem<strong>en</strong>t la convocation. Elle n’a jamais signé une assignation,ni un accusé de réception. En outre, il n’existe dans le dossier aucun acte prouvant qu’elleétait au courant de la t<strong>en</strong>ue de l’audi<strong>en</strong>ce. Pourtant, le juge a estimé que ses droits de déf<strong>en</strong>seétai<strong>en</strong>t garantis <strong>et</strong> “l’a divorcée ” <strong>en</strong> la condamnant à des dommages <strong>et</strong> intérêts. Par cela, ill’a j<strong>et</strong>ée dans la rue, sans se soucier, le moins du monde de la bonne application de la loiquant au respect de la procédure <strong>et</strong> aux droits de la déf<strong>en</strong>se.KBA a été “ divorcée ” à ses torts pour abandon du domicile conjugal qu’elle n’a jamaisabandonné puisque c’est son mari qui a décidé seul <strong>et</strong> abusivem<strong>en</strong>t de déménager à 500kilomètres de Tunis <strong>et</strong> l’a invitée par voie de notaire à regagner “ son domicile conjugal ”, <strong>et</strong>à qui elle a bi<strong>en</strong> précisé qu’elle ne pouvait pas se déplacer parce qu’elle était malade <strong>et</strong>qu’elle était suivie médicalem<strong>en</strong>t. Mais peu importe, le juge l’a estimée fautive alors quelégalem<strong>en</strong>t la notion d’abandon du domicile conjugal suppose qu’il s’agit bi<strong>en</strong> du domicileoù résidait le couple <strong>et</strong> que l’époux l’a quitté sans raison légitime.Il semble que dans c<strong>et</strong>te affaire, le juge n’était pas au courant de la réforme de 1993 qui aaboli le devoir d’obéissance ni de la réforme de la même année concernant la nécessitéabsolue pour le juge de s’assurer que l’assignation a été reçue personnellem<strong>en</strong>t parl’intéressée.Et nous ne sommes pas vraim<strong>en</strong>t sûres que KBA ait été la dernière à subir c<strong>et</strong>te viol<strong>en</strong>ce.B.3- Application discriminatoire des loisUn autre obstacle dans la lutte <strong>contre</strong> l’impunité est la discrimination dans l’application deslois. Les lois tunisi<strong>en</strong>nes plac<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t l’homme <strong>et</strong> la femme sur un pied d’égalité surtoutquand il s’agit de relations non familia<strong>les</strong>. Mais c<strong>et</strong>te égalité législative n’est pas suffisantepour garantir un traitem<strong>en</strong>t égal au niveau administratif ou judiciaire. Ainsi par exemple, si lecode pénal prévoit la même peine de prison à l’<strong>en</strong><strong>contre</strong> de la prostituée <strong>et</strong> son complice, lajurisprud<strong>en</strong>ce tunisi<strong>en</strong>ne a toujours traité avec clém<strong>en</strong>ce ce dernier même dans le cas où il estmarié <strong>et</strong> qu’il <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>t une relation “ illégale ” avec plus “ d’une prostituée ” à la fois dontune mineure ; n’a-t-on pas justifié oralem<strong>en</strong>t “ il a assez payé <strong>en</strong> <strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ant <strong>les</strong> deux<strong>femmes</strong> ”.L’accompagnem<strong>en</strong>t de FK nous a permis d’avoir des élém<strong>en</strong>ts de réponse tout <strong>en</strong> nousconfirmant dans notre conviction qu’il est très difficile pour <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> de faire valoir leursdroits. 3FK est une jeune fille âgée de vingt sept ans, originaire d’un pays africain . Elle est v<strong>en</strong>ue <strong>en</strong><strong>Tunisie</strong> faire ses études, elle a noué une relation amoureuse avec un ressortissant de sonpays. En août 1999, ils part<strong>en</strong>t <strong>en</strong> vacances au sud, à leur r<strong>et</strong>our ils se disput<strong>en</strong>t, il y a eu des3 Témoignage rapporté par l’ATFDFIDH – ATFD – LTDH / p. 9


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002actes de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong>. La jeune fille est immédiatem<strong>en</strong>t arrêtée, elle le demeura p<strong>en</strong>dant cinqmois, elle est accusée “ d’avoir défiguré son copain ”.Elle se déf<strong>en</strong>d “ je lui ai j<strong>et</strong>é la poêle avec l’huile brûlante sur la figure pour échapper à lamort. Il m’a étranglée <strong>et</strong> m’a m<strong>en</strong>acée de mort après m’avoir violée ”. Elle a aussi portéplainte pour viol <strong>et</strong> t<strong>en</strong>tative de meurtre avec préméditation. Le viol n’a pas été instruit dutout, elle n’a subi aucun exam<strong>en</strong> médical mais une instruction est ouverte <strong>contre</strong> lui pourt<strong>en</strong>tative de meurtre avec préméditation.Légalem<strong>en</strong>t il risquait la peine de mort <strong>et</strong> pourtant il était <strong>en</strong> liberté provisoire alors qu’il areconnu avoir proféré des m<strong>en</strong>aces de mort à l’<strong>en</strong><strong>contre</strong> de sa copine.Quand nous avons été saisies, nous étions étonnées par l’arrestation de FK, mais noust<strong>en</strong>ions d’abord à nous assurer que la déf<strong>en</strong>se de FK faisait partie de nos prérogatives <strong>et</strong> qu<strong>en</strong>ous étions <strong>en</strong> harmonie avec nos objectifs.Nous avons comm<strong>en</strong>cé par charger un avocat qui, après étude du dossier, nous a exposé lasituation de fait <strong>et</strong> de droit <strong>et</strong> a exprimé son inquiétude quant à l’issue du procès. Mais nousnous sommes toutes s<strong>en</strong>ties solidaires avec elle parce que nous avons bi<strong>en</strong> compris que FKétait victime de discrimination <strong>et</strong> qu’il était de notre devoir non seulem<strong>en</strong>t de la sout<strong>en</strong>ir, dem<strong>et</strong>tre fin à c<strong>et</strong>te injustice, de la sortir de prison mais aussi de dénoncer l’applicationdiscriminatoire de la loi.B.4- Non protection des victimes <strong>et</strong> des témoins.Concernant <strong>les</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> conjuga<strong>les</strong>, un am<strong>en</strong>dem<strong>en</strong>t apporté à la loi sur la viol<strong>en</strong>ceconjugale stipule que si la femme r<strong>et</strong>ire sa plainte, l’affaire est classée. Or <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> devant<strong>les</strong> difficultés de la vie, leur dép<strong>en</strong>dance économique <strong>et</strong> morale, devant <strong>les</strong> pressions de lafamille, des <strong>en</strong>fants, <strong>les</strong> promesses du mari qui a peur de la prison, r<strong>et</strong>ir<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t leursplaintes. Et contrairem<strong>en</strong>t aux dispositions de la loi <strong>en</strong> ce qui concerne d’autres formes de<strong>viol<strong>en</strong>ces</strong>, comme une bagarre dans la rue, l’affaire est classée sans suite.Aucune stratégie de déf<strong>en</strong>se des victimes n’a été mise <strong>en</strong> place, faisant courir aux <strong>femmes</strong> <strong>et</strong>aux <strong>en</strong>fants victimes de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> le risque de la précarité, de la reproduction de la viol<strong>en</strong>ce,prolongeant leurs souffrances physiques <strong>et</strong> mora<strong>les</strong>, <strong>et</strong> maint<strong>en</strong>ant leurs s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts deculpabilité <strong>et</strong> de détresse.Pourtant, <strong>les</strong> nécessités ne sont pas des moindres : fourniture de moy<strong>en</strong>s de subsistance,hébergem<strong>en</strong>t provisoire, fourniture de soins médicaux, garde temporaire des <strong>en</strong>fants, sontautant de besoins auxquels <strong>les</strong> associations de protection des <strong>femmes</strong> t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t de répondre,dans l’urg<strong>en</strong>ce. Si, à quelques occasions, <strong>les</strong> autorités ont répondu à l’urg<strong>en</strong>ce ou à la pressionmédiatique face à tel cas individuel, il reste qu’aucune politique globale d’accueil desvictimes de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> n’est mise <strong>en</strong> œuvre.• C. Les réactions des autoritésLes autorités connaiss<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> c<strong>et</strong>te réalité, réfractaire à tous <strong>les</strong> discours, qui ont mis <strong>en</strong> placedes services sociaux destinés à pallier aux défaillances <strong>et</strong> dysfonctionnem<strong>en</strong>ts des institutions<strong>et</strong> des relations socia<strong>les</strong>.FIDH – ATFD – LTDH / p. 10


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002Si la loi consacre l’égalité <strong>en</strong>tre l’homme <strong>et</strong> la femme, elle fait perdurer des formes anci<strong>en</strong>nesde supériorité de l’homme sur la femme au sein du mariage (ainsi, notamm<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> matière desuccession (cf. Chapitre 3,), mais égalem<strong>en</strong>t concernant la dote, <strong>et</strong>c.). Parce que l’<strong>en</strong>sembledes lois <strong>et</strong> des règ<strong>les</strong> qui organis<strong>en</strong>t <strong>les</strong> rapports « privés » <strong>en</strong>tre individus dits “ privés ”perm<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t de tel<strong>les</strong> discriminations, le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de supériorité de l’homme ne fait queperdurer. Son s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de suprématie morale lui perm<strong>et</strong>tra <strong>les</strong> agissem<strong>en</strong>ts qu’il souhaite.L’abs<strong>en</strong>ce de définition d’une politique concertée <strong>en</strong> la matière pr<strong>en</strong>d des proportions plusgraves <strong>en</strong>core à l’échelle du second obstacle c’est-à-dire lorsque <strong>les</strong> institutions chargées dela répression de c<strong>et</strong>te viol<strong>en</strong>ce l’ignor<strong>en</strong>t, la banalis<strong>en</strong>t ou la légitim<strong>en</strong>t. Il s’agit, <strong>en</strong>l’occurr<strong>en</strong>ce, des milieux de la police, de la santé, de la justice <strong>et</strong> des décideurs politiques.Dans ses démarches d’accompagnem<strong>en</strong>t des <strong>femmes</strong> auprès des services de la police, il n’estpas rare que le personnel du C<strong>en</strong>tre <strong>en</strong>t<strong>en</strong>de des réflexions émises par des ag<strong>en</strong>ts de l’ordrepublic du type : “ Elle aurait été ma fille, je l’aurais tuée. Elle ose v<strong>en</strong>ir au poste de policeavec une avocate <strong>et</strong> se faire aider par une association. Quelle éducation ! Elle mêle desétrangers à un problème familial ”, ou bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>core du type : “ Tu sors à une heure pareillepour porter plainte. R<strong>en</strong>tre chez toi ! Et alors, ton père t’a battue, il a le droit de te tuer, tamère ne t’a pas bi<strong>en</strong> éduquée sinon tu ne serais pas là à te plaindre ” 4 .Enfin, combi<strong>en</strong> de l<strong>et</strong>tres, de requêtes, d’appels de l’ATFD <strong>en</strong> direction des décideurspolitiques sont-ils restés l<strong>et</strong>tre morte lorsqu’ils n’ont pas valu des poursuites à leur auteur.L’État tunisi<strong>en</strong> s’est, p<strong>en</strong>dant longtemps, fait le gestionnaire du corps des <strong>femmes</strong> dans uns<strong>en</strong>s qui a été souv<strong>en</strong>t estimé émancipateur : par exemple, avec l’interdiction de la polygamie,l’introduction de la planification familiale, la campagne pour la suppression du voil<strong>et</strong>raditionnel après l’indép<strong>en</strong>dance <strong>et</strong> l’interdiction du voile islamique dans <strong>les</strong> années 90, <strong>et</strong>c.Mais ce mode d’ordonnancem<strong>en</strong>t par le haut laisse clairem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre que <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> nesont pas maîtresses d’el<strong>les</strong>-mêmes pour pouvoir décider <strong>en</strong> toute autonomie de la manièredont el<strong>les</strong> conçoiv<strong>en</strong>t leur émancipation corporelle. Ce qui se transm<strong>et</strong> à travers la partsubsidiaire de pouvoir que l’État concède aux hommes sur le corps de « leurs » <strong>femmes</strong> (fille,compagne, épouse, mère, voisine, collègue ou amie) ; pouvoir qui aura la latitude de semanifester par <strong>les</strong> agressions <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> de toutes sortes.Mais, bi<strong>en</strong> au-delà du fait de se poser <strong>en</strong> tuteur sur le corps des <strong>femmes</strong> <strong>et</strong> de ne pas assurer àcel<strong>les</strong>-ci <strong>les</strong> conditions socia<strong>les</strong> de leur plein affranchissem<strong>en</strong>t, l’État se fait lui-mêmel’instigateur d’une viol<strong>en</strong>ce politique à leur <strong>en</strong><strong>contre</strong>.L’ATFD <strong>et</strong> son C<strong>en</strong>tre n’ont pas manqué d’être confrontés à ces différ<strong>en</strong>tes formes deviol<strong>en</strong>ce politique <strong>et</strong> ont eu à interv<strong>en</strong>ir, dans la mesure du possible, sur el<strong>les</strong>. Parmi ces<strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> politiques ont été rec<strong>en</strong>sés : <strong>les</strong> humiliations que subiss<strong>en</strong>t <strong>les</strong> plaignantes de laviol<strong>en</strong>ce de la part des « corps constitués » mais, par ailleurs, la non délivrance de leurpasseport à des militantes, <strong>les</strong> filatures policières, <strong>les</strong> agressions physiques subies par d’autresmilitantes du fait de la police politique, l’emprisonnem<strong>en</strong>t même de l’une d’<strong>en</strong>tre el<strong>les</strong> pours’être librem<strong>en</strong>t exprimée sur chaîne télévisée à l’étranger... <strong>et</strong>, <strong>en</strong>fin mais non à la fin, lequadrillage policier constant que connaît l’association elle-même aussi bi<strong>en</strong> autour de sonlocal que sur ses lignes de télécommunication. (voir Chapitre 2)4 livre viol<strong>en</strong>ceFIDH – ATFD – LTDH / p. 11


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002• D. Recommandations :1- Prév<strong>en</strong>tion de la viol<strong>en</strong>ce sexiste1-1 L’éducation : il s’agit de l’éducation scolaire <strong>et</strong> extra scolaire des <strong>en</strong>fants des deuxsexes dans une perspective d’abolition <strong>et</strong> d’éradication de la viol<strong>en</strong>ce sous sesdiffér<strong>en</strong>tes formes. Pour cela, des consignes <strong>et</strong> des recommandations claires doiv<strong>en</strong>têtre formulées à l’int<strong>en</strong>tion des auteurs <strong>et</strong> éditeurs de manuels scolaires <strong>et</strong> de livrespour <strong>en</strong>fants consistant à éliminer toute représ<strong>en</strong>tation dégradante <strong>et</strong> dévalorisantedes relations <strong>en</strong>tre <strong>femmes</strong> <strong>et</strong> hommes, <strong>en</strong>tre fil<strong>les</strong> <strong>et</strong> garçons. De même, des coursd’instruction civique doiv<strong>en</strong>t être consacrés à la prév<strong>en</strong>tion <strong>contre</strong> <strong>les</strong>comportem<strong>en</strong>ts viol<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> général <strong>et</strong>, plus particulièrem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>tre <strong>les</strong> sexes.1-2 La s<strong>en</strong>sibilisation <strong>et</strong> l’information : autour du phénomène de la viol<strong>en</strong>ce existeaussi bi<strong>en</strong> à travers <strong>les</strong> médias que par la production audiovisuelle <strong>et</strong> de dépliantsque par l’organisation de débats publics. L’objectif est de répandre la prise de paro<strong>les</strong>ur la viol<strong>en</strong>ce afin de faciliter sa dénonciation par <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> où <strong>les</strong> <strong>en</strong>fants qui <strong>en</strong>souffr<strong>en</strong>t. L’information sur <strong>les</strong> démarches à suivre doit être disponible dans tous <strong>les</strong>services auxquels <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> sont susceptib<strong>les</strong> de s’adresser.1-3 La recherche : à propos de ce phénomène doit être <strong>en</strong>treprise car l’abs<strong>en</strong>ce dedonnées <strong>et</strong> d’analyses sci<strong>en</strong>tifiques fiab<strong>les</strong> ne perm<strong>et</strong> pas l’adoption d’une stratégiecohér<strong>en</strong>te <strong>en</strong> la matière. Ainsi, des statistiques pr<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> compte la variable de laviol<strong>en</strong>ce sexiste avec <strong>les</strong> différ<strong>en</strong>ts indicateurs de c<strong>et</strong>te viol<strong>en</strong>ce doiv<strong>en</strong>t êtreétablies. De même, des études qualitatives sur <strong>les</strong> mécanismes de la viol<strong>en</strong>cedoiv<strong>en</strong>t perm<strong>et</strong>tre de déceler <strong>les</strong> facteurs psychologues de son décl<strong>en</strong>chem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> desa reproduction ainsi que <strong>les</strong> facteurs sociologiques des pesanteurs historiques,culturel<strong>les</strong>, politiques <strong>et</strong> socio-économiques.1-4 La formation : une commission pluripartite peut être constituée <strong>en</strong> vue de laformation de l’<strong>en</strong>semble des professionnels mis <strong>en</strong> contact avec <strong>les</strong> situations deviol<strong>en</strong>ce à l’<strong>en</strong><strong>contre</strong> des <strong>femmes</strong>. C<strong>et</strong>te commission serait composée par desreprés<strong>en</strong>tants des ONG <strong>et</strong> des OG concernées, des psychologues, des sociologues,des communicateurs <strong>et</strong> des éducateurs. Elle s’adresserait aux personnels de lapolice, de la justice, de la santé, des travailleurs sociaux <strong>et</strong> de l’inspection du travail.L’objectif est de <strong>les</strong> former, d’abord, à déceler des comportem<strong>en</strong>ts de viol<strong>en</strong>ce,<strong>en</strong>suite, à adopter un langage <strong>et</strong> une réaction manifestant une s<strong>en</strong>sibilité particulièreau phénomène.2- Le traitem<strong>en</strong>t de la viol<strong>en</strong>ce2-1 La sanction : il s’agit de l’adoption ou de l’am<strong>en</strong>dem<strong>en</strong>t d’un ars<strong>en</strong>al de loissanctionnant l’exercice de la viol<strong>en</strong>ce à l’<strong>en</strong><strong>contre</strong> des <strong>femmes</strong> pour m<strong>et</strong>tre <strong>en</strong>conformité la législation tunisi<strong>en</strong>ne avec <strong>les</strong> définitions internationalem<strong>en</strong>t r<strong>et</strong><strong>en</strong>ues desdiffér<strong>en</strong>ts types de viol<strong>en</strong>ce. Dans son état actuel, la législation tunisi<strong>en</strong>ne est lacunaire<strong>en</strong> matière de viol conjugal, de harcèlem<strong>en</strong>t sexuel, d’agressions <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> verba<strong>les</strong> <strong>et</strong>psychologiques, de protection des <strong>femmes</strong>. Elle est discriminatoire <strong>en</strong> matière de libertéde choix du conjoint indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t de sa confession, ce qui est à l’origine d<strong>en</strong>ombreux cas de séquestration <strong>et</strong> rapt de jeunes <strong>femmes</strong> vivant notamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> paysFIDH – ATFD – LTDH / p. 12


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002d’émigration. Enfin, elle n’est pas mise <strong>en</strong> conformité avec <strong>les</strong> conv<strong>en</strong>tionsinternationa<strong>les</strong> signées par la <strong>Tunisie</strong> <strong>et</strong> n’a, notamm<strong>en</strong>t, pas inséré dans son cadre <strong>les</strong>mesures adoptées par la plate-forme d’action du somm<strong>et</strong> de Pékin de 1995. Par ailleurs,la jurisprud<strong>en</strong>ce demeure le plus souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> deçà de l’esprit de la loi par son iniquité <strong>et</strong>sa partialité à l’égard des <strong>femmes</strong>. La sanction judiciaire relevant de l’ordre du droit,pour que la viol<strong>en</strong>ce soit perçue comme un acte effectivem<strong>en</strong>t condamnable par lasociété <strong>et</strong> qu’elle ne soit plus source de culpabilisation de ses propres victimes, il fautque c<strong>et</strong>te sanction r<strong>en</strong>de justice.2-2 La thérapie : sachant que la coercition <strong>en</strong> elle-même n’est pas <strong>en</strong> mesure d’inhiber<strong>les</strong> comportem<strong>en</strong>ts viol<strong>en</strong>ts ni de transformer la consci<strong>en</strong>ce de leurs auteurs, il faudraitque <strong>les</strong> peines appliquées à ces auteurs soi<strong>en</strong>t des peines thérapeutiques <strong>en</strong> vue de <strong>les</strong>am<strong>en</strong>er à s’autocontrôler <strong>et</strong> maîtriser leurs pulsions d’agressivité. De tel<strong>les</strong> thérapies,administrées durant <strong>les</strong> périodes de dét<strong>en</strong>tion, ont pour avantage de ne pas agirseulem<strong>en</strong>t sur <strong>les</strong> conséqu<strong>en</strong>ces mais sur <strong>les</strong> causes de l’acte <strong>les</strong> plus souv<strong>en</strong>t relativesaux <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> vécues par le coupable dans son milieu d’origine <strong>et</strong> au cours de sonéducation.2-3 Les urg<strong>en</strong>ces : il s’agit, d’abord, de m<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> service un numéro téléphonique sos<strong>viol<strong>en</strong>ces</strong>qui serait largem<strong>en</strong>t diffusé <strong>et</strong> qui serait consacré aux appels <strong>en</strong> urg<strong>en</strong>ce pourtoute femme cherchant à échapper à une situation de viol<strong>en</strong>ce. La seconde urg<strong>en</strong>ceconcerne l’hébergem<strong>en</strong>t par la mise <strong>en</strong> place d’espaces spécifiques aménagés <strong>et</strong><strong>en</strong>cadrés pour accueillir <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> viol<strong>en</strong>tées. Il s’agirait d’un hébergem<strong>en</strong>t d’urg<strong>en</strong>ceperm<strong>et</strong>tant aux <strong>femmes</strong> fuyant le domicile conjugal ou familial de trouver un lieu pours’abriter dans <strong>les</strong> conditions de dépouillem<strong>en</strong>t compl<strong>et</strong> où el<strong>les</strong> sont généralem<strong>en</strong>t dansces cas-là. L’adoption de dispositions législatives protectrices de ces <strong>femmes</strong> doit leurperm<strong>et</strong>tre par la suite de réintégrer le domicile au détrim<strong>en</strong>t de l’auteur des <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong>, àl’instar des jugem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> matière de divorce pour préjudice.2-4 Le financem<strong>en</strong>t : un fonds de subv<strong>en</strong>tion doit être créé pour <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> victimes dela viol<strong>en</strong>ce devant faire face aux frais de santé (<strong>en</strong> particulier le certificat médicalinitial) <strong>et</strong> aux frais judiciaires. Par ailleurs, <strong>les</strong> associations se consacrant à la prise <strong>en</strong>charge de la viol<strong>en</strong>ce à l’<strong>en</strong><strong>contre</strong> des <strong>femmes</strong> doiv<strong>en</strong>t bénéficier de subv<strong>en</strong>tionsdestinées à c<strong>et</strong>te matière. Ainsi, le C<strong>en</strong>tre de l’ATFD fonctionne depuis sa créationgrâce à un financem<strong>en</strong>t étranger appelé à se réduire progressivem<strong>en</strong>t jusqu’àépuisem<strong>en</strong>t. Pour que ce C<strong>en</strong>tre continue à assurer sa tâche d’écoute, de souti<strong>en</strong> <strong>et</strong>d’ori<strong>en</strong>tation, qui n’est remplie nulle part ailleurs, des fonds locaux doiv<strong>en</strong>t pr<strong>en</strong>dre larelève du financem<strong>en</strong>t extérieur d’autant que <strong>les</strong> institutions officiel<strong>les</strong> ne manque pasde faire appel à ses services <strong>en</strong> lui adressant régulièrem<strong>en</strong>t des <strong>femmes</strong>.FIDH – ATFD – LTDH / p. 13


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002CHAPITRE 2 : Répression, <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>et</strong> harcèlem<strong>en</strong>t des <strong>femmes</strong> <strong>en</strong>raison de leurs activités de militantes de droits de l’Homme 5• A. Les <strong>femmes</strong>, victimes particulières parmi la répression systématique <strong>contre</strong> <strong>les</strong>déf<strong>en</strong>seurs des droits de l’HommeEn <strong>Tunisie</strong>, <strong>les</strong> déf<strong>en</strong>seurs des droits de l’homme dans leur <strong>en</strong>semble constitu<strong>en</strong>t une cibleperman<strong>en</strong>te des autorités. Ce harcèlem<strong>en</strong>t pr<strong>en</strong>d des formes multip<strong>les</strong> <strong>et</strong> diverses à la foisdans sa pratique <strong>et</strong> dans ses moy<strong>en</strong>s afin de <strong>les</strong> empêcher d’assurer leur rôle dans la déf<strong>en</strong>sedes droits humains, des libertés individuel<strong>les</strong> <strong>et</strong> publiques ; dans la prév<strong>en</strong>tion des abus, dansla dénonciation <strong>et</strong> la condamnation des violations <strong>et</strong> <strong>les</strong> empêcher égalem<strong>en</strong>t de faire parv<strong>en</strong>irleurs voix à la société civile nationale <strong>et</strong> internationale. Parmi eux, <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> constitu<strong>en</strong>t unecible, sinon privilégiée, <strong>en</strong> tous cas systématique El<strong>les</strong> sont empêchées de participer auxtravaux d’organisations non-gouvernem<strong>en</strong>ta<strong>les</strong> de droits de l’Hommes généralistes, ou dedéf<strong>en</strong>se des droits de la femme.Ce harcèlem<strong>en</strong>t n’a jamais atteint durant c<strong>et</strong>te dernière déc<strong>en</strong>nie l’int<strong>en</strong>sité, le nombre, lapersistance, <strong>les</strong> formes <strong>et</strong> <strong>les</strong> moy<strong>en</strong>s qu’il a atteint durant l’année 2001. Les forces de police,la justice, l’administration, la presse <strong>et</strong> le parti RCD au pouvoir, toutes <strong>les</strong> institutions ont étéainsi utilisées <strong>contre</strong> <strong>les</strong> militantes des droits humains, <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> n’ont pas été seulem<strong>en</strong>tharcelées à l’intérieur du territoire tunisi<strong>en</strong> mais égalem<strong>en</strong>t au cours de leurs déplacem<strong>en</strong>ts àl’étranger.Ces pratiques des autorités foul<strong>en</strong>t au pied la Déclaration sur <strong>les</strong> Déf<strong>en</strong>seurs des droits del’Homme de l’ONU du 9 Décembre 1998 <strong>et</strong> montr<strong>en</strong>t le peu de cas qu’el<strong>les</strong> font desrecommandations du rapporteur spécial des Nations Unies pour le respect des Libertésd’Opinion <strong>et</strong> d’Expression, M. Abid Hussein, dans son rapport sur la <strong>Tunisie</strong> du 25 Février2000. Sans compter le non respect des lois tunisi<strong>en</strong>nes <strong>et</strong> <strong>les</strong> conv<strong>en</strong>tions ratifiées par la<strong>Tunisie</strong>.C<strong>et</strong>te situation n’a pas été sans provoquer <strong>les</strong> préoccupations de la Représ<strong>en</strong>tante duSecrétaire général des Nations Unies chargée de la déf<strong>en</strong>se des Droits de l’Homme MadameHina Jilani (communiqué du 7 Décembre 2000 sur l’affaire de la LTDH <strong>et</strong> <strong>les</strong> déf<strong>en</strong>seurs desDroits de l’Homme) <strong>et</strong> de Madame Mary Robinson, commissaire des Nations Unies pour <strong>les</strong>Droits de l’Homme ( communiqué de Juill<strong>et</strong> 2001). Au niveau de la société civileinternationale, la situation des Droits Humains <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> a égalem<strong>en</strong>t provoqué lapréoccupation des ONG qui ont exprimé leurs solidarité à travers communiqués, appels <strong>et</strong>rapports.• B. Diverses formes de la répression5 Les informations cont<strong>en</strong>ues dans ce chapitre se bas<strong>en</strong>t sur des informations de la Ligue tunisi<strong>en</strong>ne des droits del’homme, de l’Association tunisi<strong>en</strong>ne des <strong>femmes</strong> démocrates <strong>et</strong> de l’Observatoire pour la protection desdéf<strong>en</strong>seurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la FIDH <strong>et</strong> de l’OMCT (Organisation mondiale<strong>contre</strong> la torture). Les recommandations vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t des mêmes organisations.FIDH – ATFD – LTDH / p. 14


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002• B.1. Procès <strong>et</strong> Harcèlem<strong>en</strong>t JuridiqueAu cours de l’année 2001, des dirigeants de la Ligue Tunisi<strong>en</strong>ne des Droits de l’Homme, duCNLT <strong>et</strong> des déf<strong>en</strong>seurs des Droits humains, parce qu’ils se sont attachés à remplir leurmission, ont fait l’obj<strong>et</strong> d’un harcèlem<strong>en</strong>t juridique.• La ligue tunisi<strong>en</strong>ne des droits de l’Homme est ainsi <strong>en</strong> procès devant <strong>les</strong> tribunauxtunisi<strong>en</strong>s, à la suite d’une poursuite pour l’annulation des actes de son Congrès.• Le 5 Juill<strong>et</strong> 2001, Sihem B<strong>en</strong> Sedrine, porte parole du CNLT, comparait <strong>en</strong> étatd’arrestation devant le juge d’instruction pour avoir exprimé ses opinions sur une chaînede télévision étrangère « Al Mostakila ».• B.2. Intimidation, T<strong>en</strong>tative d’Isolem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> FilatureLes déf<strong>en</strong>seurs des droits humains font l’obj<strong>et</strong> d’<strong>en</strong>cerclem<strong>en</strong>t, de contrô<strong>les</strong> <strong>et</strong> de filatures quiont pris parfois l’allure de véritab<strong>les</strong> provocations <strong>et</strong> se sont transformées dans plusieurs cas<strong>en</strong> poursuites. Les bureaux <strong>et</strong> <strong>les</strong> domici<strong>les</strong> de certaines d’<strong>en</strong>tre el<strong>les</strong>, ont été surveillés avecconstance <strong>et</strong> certaines se sont vus interdire l’<strong>en</strong>trée des lieux privés <strong>et</strong> publics. Lescommunications privées sont sur écoute ou c<strong>en</strong>surées.De tel<strong>les</strong> pratiques vis<strong>en</strong>t à handicaper l’action des déf<strong>en</strong>seures des Droits humains <strong>et</strong> à <strong>les</strong>isoler de leur <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t social <strong>en</strong> <strong>les</strong> empêchant d’avoir <strong>les</strong> moy<strong>en</strong>s de communicationavec <strong>les</strong> citoy<strong>en</strong>s, <strong>les</strong>quels sont intimidés <strong>et</strong> empêchés d’avoir recours à l’aide des ONG ousimplem<strong>en</strong>t de sympathiser avec la cause des Droits de l’Homme.• Les membres du comité directeur de la LTDH, élus lors du 5 ème congrès, font l’obj<strong>et</strong> d’unesurveillance rapprochée non exempte souv<strong>en</strong>t de provocation aussi bi<strong>en</strong> près des lieux d<strong>et</strong>ravail que sur <strong>les</strong> lieux privés, comme lors de leur déplacem<strong>en</strong>ts. Et ce, durant 24 heures<strong>et</strong> p<strong>en</strong>dant des mois.• Durant <strong>les</strong> mois de décembre 2000 <strong>et</strong> janvier 2001, <strong>les</strong> déf<strong>en</strong>seurs des Droits de l’Hommeont été interdits de réunion, même privée.• Quant au local de la LTDH, récupéré le 21 Janvier 2001, il est égalem<strong>en</strong>t gardé 24heures sur 24 par des policiers <strong>en</strong> civil avec un déploiem<strong>en</strong>t exceptionnel de forces depolices lors de manifestations ou autres réceptions.• Les mêmes pratiques sont égalem<strong>en</strong>t exercées sur <strong>les</strong> locaux des sections de la LTDHdans <strong>les</strong> régions (Bizerte, Sfax, Monastir, J<strong>en</strong>douba…) dans <strong>les</strong> locaux des partis,associations, ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t durant <strong>les</strong> manifestations portant sur <strong>les</strong> libertés <strong>et</strong> <strong>les</strong> droitsde l’hommeA pied, <strong>en</strong> voitures de fonction ou privées, <strong>en</strong> motos, stationnant jour <strong>et</strong> nuit devant bureaux<strong>et</strong> domici<strong>les</strong>, <strong>les</strong> policiers <strong>en</strong> civil ont <strong>en</strong>trepris durant l’année 2001 de suivre <strong>les</strong> militantesdes droits de l’homme de façon ost<strong>en</strong>sible <strong>et</strong> rapprochée pr<strong>en</strong>ant souv<strong>en</strong>t l’allure d’unefilature collante <strong>et</strong> déclarée, comme cela a été le cas pour Souhayr Belhass<strong>en</strong>, Sihem B<strong>en</strong>Sedrine, Khadija Chérif, Sadri Khiari, Lassad Jouhri, Balkiss Mecheri, <strong>et</strong>c …Les cabin<strong>et</strong>s des avocates des déf<strong>en</strong>seures des droits humains font égalem<strong>en</strong>t l’obj<strong>et</strong> desmêmes pressions <strong>et</strong> surveillance. Ceux notamm<strong>en</strong>t de Me Radhia Nassraoui, Bochra BelhajHamida, Hédia M<strong>en</strong>ai.Le harcèlem<strong>en</strong>t des déf<strong>en</strong>seurs des droits de l’Homme a égalem<strong>en</strong>t pris la forme d’<strong>en</strong>vois decourriers ou bi<strong>en</strong> d’appels téléphoniques aux famil<strong>les</strong>, comme ce fut le cas pour BalkissMechri.FIDH – ATFD – LTDH / p. 15


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002• B.3. Violation du Secr<strong>et</strong> de la Correspondance, l’Ecoute <strong>et</strong> <strong>les</strong> CoupuresTéléphoniquesEn dehors de l’écoute, des conversations téléphoniques des militantes des droits de l’Homme,la surveillance illégale du courrier électronique <strong>et</strong> postale <strong>et</strong> de la confiscation de ce dernier,leurs lignes de téléphones <strong>et</strong> de fax subiss<strong>en</strong>t de façon méthodique, de nombreuses coupuresqu’el<strong>les</strong> soi<strong>en</strong>t déguisées ou flagrantes, avec des durées indéterminées. Les techniques desurveillance <strong>et</strong> de coupure sont <strong>en</strong> constant perfectionnem<strong>en</strong>t puisqu’il est souv<strong>en</strong>t impossiblede joindre depuis Tunis, des numéros de téléphone de déf<strong>en</strong>seurs de droits humains àl’Etranger.• Les interruptions de lignes ne se compt<strong>en</strong>t plus. On peut cep<strong>en</strong>dant signaler <strong>les</strong> lignessusp<strong>en</strong>dues de Bochra Belhaj Hmida, Radhia Nasraoui, Naziha Rjiba (Om Zied), SihemB<strong>en</strong> Sedrine, <strong>et</strong> souv<strong>en</strong>t, celle du local de la LTDH.Les fax subiss<strong>en</strong>t des traitem<strong>en</strong>ts pour le moins bizarres puisqu’ils parvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à leursdestinataires avec 24 <strong>et</strong> 48 H de r<strong>et</strong>ard ou tronqués de moitié. Le courrier électroniques subitaussi des violations <strong>et</strong> des coupures, comme celui de la LTDH, du CNLT, de l’ATFD, del’Association des Jeunes Avocats (AJA), d’AI <strong>et</strong> de la FIDH pour ne citer que <strong>les</strong> ONG. Lesboîtes électroniques sont saturées suite à l’<strong>en</strong>voi de courriers factices signés « BILADI » <strong>en</strong>nombre illimité ou de virus, <strong>et</strong> ce par exemple, tout au long des mois de mars <strong>et</strong> d’avril 2001.• B.4. Les Agressions <strong>contre</strong> <strong>les</strong> Déf<strong>en</strong>seures des droits de l’HommeLes agressions <strong>contre</strong> <strong>les</strong> déf<strong>en</strong>seures des droits de l’Homme se sont multipliées durantl’année 2001 au point de dev<strong>en</strong>ir un phénomène inquiétant qui se développe au vu <strong>et</strong> au su d<strong>et</strong>out le monde.Plus inquiétant <strong>en</strong>core, est que <strong>les</strong> auteurs de ces agressions demeur<strong>en</strong>t impunis, voireprotégés des autorités. Les plaintes, ne sont, le plus souv<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong>registrées. Mêmelorsqu’el<strong>les</strong> le sont par <strong>les</strong> autorités judiciaires, el<strong>les</strong> demeur<strong>en</strong>t sans suite, comme celledéposé par Khadija Chérif.• Le 22 Février 2001, Néziha Boudhib membre de l’ATFD s’est vu agresser par un policier<strong>en</strong> civil qui lui a arraché le dossier du Jury « Fadhel Guedhamsi pour <strong>les</strong> Droits del’Homme ».• En l’espace de 10 jours (1 <strong>et</strong> 10 Mars 2001 Mme Khadija Chérif, sociologue, dirigeantede l’ATFD, ex-Vice-Présid<strong>en</strong>te de le la LTDH a subi deux agressions l’une devant leCNLT <strong>et</strong> l’autre devant le palais du justice de Tunis, alors qu’un important dispositifd’ag<strong>en</strong>ts de l’ordre s’y trouvait. Mme Chérif a raconté dans une déclaration écrite datéedu 5 mars ce qu’elle <strong>et</strong> Héla Abdeljaoued, qui présidait l’Assemblée générale d’octobre2000 de la LTDH, ont subi alors qu’el<strong>les</strong> se r<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t à la réception : « … Alors que nousaccédions à la rue où est situé l’immeuble, un groupe de policiers <strong>en</strong> civil nous intimel’ordre de rebrousser chemin. Nous protestons <strong>contre</strong> l’insulte, nous traitant de « traîtresà la patrie » <strong>et</strong>c. Nous remontons <strong>en</strong> voiture <strong>et</strong> j’<strong>en</strong>gage une manœuvre pour faire demitour.C’est alors qu’une dizaine de policiers se ru<strong>en</strong>t sur moi comme des chi<strong>en</strong>s <strong>en</strong>ragés,me criant de circuler, plusieurs pénètr<strong>en</strong>t par ma vitre ouverte <strong>et</strong> des coups pleuv<strong>en</strong>t surmon cou, ma tête, ma poitrine… Sous le choc, je n’arrivais plus à bouger, le moteur cale.Me voilà livrée à la rage de ces voyous qui continuai<strong>en</strong>t à me frapper brutalem<strong>en</strong>t sur latête <strong>et</strong> le dos, <strong>en</strong> donnant de viol<strong>en</strong>ts coups de pieds à la voiture… Tout cela sous unepluie d’injures obscènes <strong>et</strong> de propos orduriers qu’on réserve particulièrem<strong>en</strong>t aux<strong>femmes</strong>, <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce du préf<strong>et</strong> de police de la Médina qui me m<strong>en</strong>açait d’exactions plusFIDH – ATFD – LTDH / p. 16


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002graves… Repr<strong>en</strong>ant un mom<strong>en</strong>t mes esprits, je démarre <strong>et</strong> je pars ». La plainte déposéepar Khadija Chérif est restée sans suite.• En moins d’une semaine des policiers <strong>en</strong> civil ont agressé par deux fois la vice-présid<strong>en</strong>tede la LTDH, Souhyar Belhass<strong>en</strong>, le 14 Avril 2001 à l’aéreport de Tunis-Carthage à sonr<strong>et</strong>our de l’étranger <strong>et</strong> le 20 Avril 2001 alors qu’elle s’apprétait à <strong>en</strong>trer au siège duCNLT pour assister à un réunion interdite, de solidarité avec le peuple pa<strong>les</strong>tini<strong>en</strong>, <strong>et</strong> ce,par le même ag<strong>en</strong>t qui avait attaqué un mois auparav<strong>en</strong>t Khadija Chérif. Ag<strong>en</strong>t, à proposduquel, le ministre des Droits de l’Homme Mr Slaheddine Maoui avait déclaré au journal« LE MONDE », le 6 Avril 2001, qu’il avait été pénalisé.• Le 27 juill<strong>et</strong> 2001, à la suite de l’emprisonnem<strong>en</strong>t de Sihem B<strong>en</strong> Sedrine, de nombreuxmilitants <strong>et</strong> dirigeants d’ONG <strong>et</strong> de partis politiques d’opposition, v<strong>en</strong>us exprimer leursolidarité au porte parole du CNLT, fur<strong>en</strong>t violemm<strong>en</strong>t frappés devant la prison de laManouba. Le 18 août 2001, le même scénario se reproduisait devant le siège du CNLT oùde nombreux militants <strong>et</strong> personnalités de la société civile étai<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>us fêter la sortie deprison de Sihem B<strong>en</strong> Sedrine.• B.5 Les actes de vandalisme <strong>contre</strong> <strong>les</strong> bi<strong>en</strong>s des militants <strong>et</strong> ceux de leurs famil<strong>les</strong>Le 6 Janvier 2001, des prédateurs ont saccagé <strong>les</strong> voitures de Souhayr Belhass<strong>en</strong>, (qui a vudurant ce même mois son domicile violé <strong>et</strong> volé). Alia Chérif Chamari, militante des droits del’Homme (13 mars 2001) Sihem B<strong>en</strong> Sedrine <strong>et</strong> Me Radhia Nasraoui, (10 mars 2001 dont lemoteur de sa voiture a été <strong>en</strong>dommagé par un dépôt de sucre dans le réservoir d’ess<strong>en</strong>ce ontété victimes des mêmes pratiques.Le 21 novembre <strong>et</strong> au cours du mois de décembre 2001, Azza B<strong>en</strong> Brik <strong>et</strong> Saïda Zoghlami,épouse <strong>et</strong> sœur du journaliste Taoufik B<strong>en</strong> Brik ont constaté que leurs véhicu<strong>les</strong> avai<strong>en</strong>t étésaccagés comme a été défoncée la porte du domicile du Gilda Khiari, mère de Sadri Khiari,membre dirigeant de RAID (Section d’Attac <strong>Tunisie</strong>) le 28 décembre 2001.• B.6. Les campagnes de diffamation <strong>contre</strong> <strong>les</strong> déf<strong>en</strong>seurs des droits de l’HommeLes informations portant sur <strong>les</strong> déf<strong>en</strong>seurs des droits de l’Homme sont bannies de la presse,sauf lorsque ces derniers font l’obj<strong>et</strong> de campagne de diffamation virul<strong>en</strong>te, n’hésitant pas às’attaquer à leur patriotisme, utilisant pour cela, la diffusion de fax anonymes, de journaux quisont spécialisés dans l’insulte <strong>et</strong> le dénigrem<strong>en</strong>t (« nouvel<strong>les</strong> des g<strong>en</strong>s <strong>en</strong> faillite » / « AkhbarEl Muflissin ») <strong>et</strong> même <strong>les</strong> organes du parti au pouvoir comme <strong>les</strong> journauxgouvernem<strong>en</strong>taux <strong>et</strong> <strong>les</strong> médias audiovisuels officiels (TV7).• Ces campagnes de presse visai<strong>en</strong>t à discréditer ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t <strong>les</strong> ONG indép<strong>en</strong>dantescomme la LTDH, L’ATFD, L’AJA <strong>et</strong> <strong>les</strong> militantes des Droits Humains comme SouhyarBelhass<strong>en</strong>, Radhia Nasraoui, Khadija Chérif, Sihem B<strong>en</strong> Sedrine, ainsi que des médiascomme « El Mostakilla », « El Jazira », <strong>les</strong> ag<strong>en</strong>ces de presse <strong>et</strong> <strong>les</strong> journaux qui ontpermis à des déf<strong>en</strong>seurs des droits de l’Homme de s’exprimer.• Ces campagnes médiatiques se sont ét<strong>en</strong>dues aux ONG qui ont sout<strong>en</strong>u des Déf<strong>en</strong>seursdes droits Humains comme la FIDH, Human Rights Watch, l’OMCT, Amnesty-International.• Les fax anonymes s’attaquant aux mêmes dirigeants militants, ont été diffusés tout au longdu mois du septembre <strong>et</strong> d’août 2001 .Le gel des plaintes déposées par certains déf<strong>en</strong>seurs de Droits de l’Homme comme SouhayrBelhass<strong>en</strong>, Khadija Chérif, Sihem B<strong>en</strong> Sedrine, ont <strong>en</strong>couragé la presse de caniveau àpoursuivre sur la même voie faisant fi de toute déontologie.FIDH – ATFD – LTDH / p. 17


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002• C. Conclusions :• C.1. Atteinte à la libre participation à la vie publiqueLe Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des <strong>femmes</strong>, relève, dans saRecommandation générale sur la « Vie politique <strong>et</strong> publique » 6 que <strong>les</strong> Etats parties à laConv<strong>en</strong>tion devai<strong>en</strong>t s’assurer de la libre participation des <strong>femmes</strong> à la vie politique <strong>et</strong>publique, <strong>et</strong> notamm<strong>en</strong>t aux activités des organisation non-gouvernem<strong>en</strong>ta<strong>les</strong> :Les Etats Parties pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t toutes <strong>les</strong> mesures appropriées pour éliminer ladiscrimination à l'égard des <strong>femmes</strong> dans la vie politique <strong>et</strong> publique du pays <strong>et</strong>, <strong>en</strong>particulier, leur assur<strong>en</strong>t, dans des conditions d'égalité avec <strong>les</strong> hommes, le droit :(…)c) de participer aux organisations <strong>et</strong> associations non-gouvernem<strong>en</strong>ta<strong>les</strong> s'occupantde la vie publique <strong>et</strong> politique du pays.Une telle participation, il est noté, est ess<strong>en</strong>tielle pour, non seulem<strong>en</strong>t « tirer parti de lacontribution apportée par <strong>les</strong> deux sexes », mais égalem<strong>en</strong>t, pour « perm<strong>et</strong>tre aux <strong>femmes</strong>d'acquérir une formation fort utile qu'el<strong>les</strong> pourront m<strong>et</strong>tre à profit pour jouer un rôle dans lavie politique, participer à toutes <strong>les</strong> activités <strong>et</strong> occuper des postes de responsabilité ». 7Les organisations estim<strong>en</strong>t que <strong>les</strong> actes sus-m<strong>en</strong>tionnés discrimin<strong>en</strong>t la femme <strong>en</strong> cequ’el<strong>les</strong> l’empêch<strong>en</strong>t de pr<strong>en</strong>dre part librem<strong>en</strong>t à la vie publique <strong>et</strong> politique.Ils sont <strong>en</strong> outre une atteinte supplém<strong>en</strong>taire à la Conv<strong>en</strong>tion lorsqu’ils pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pourcible <strong>les</strong> membres d’organisations de protection <strong>et</strong> de promotion des droits des <strong>femmes</strong>,comme cel<strong>les</strong> de l’Association tunisi<strong>en</strong>ne des <strong>femmes</strong> démocrates, promues par laConv<strong>en</strong>tion.• C.2. Viol<strong>en</strong>ce à l’égard des <strong>femmes</strong>Dans sa recommandation générale N°19, le Comité définit la viol<strong>en</strong>ce à l’égard des <strong>femmes</strong>relevant de sa compét<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> incluant « la viol<strong>en</strong>ce exercée <strong>contre</strong> une femme parce qu'elleest une femme ou qui touche spécialem<strong>en</strong>t la femme ». 8Les organisations estim<strong>en</strong>t que <strong>les</strong> actes sus-m<strong>en</strong>tionnés constitu<strong>en</strong>t des actes de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong>ystématique à l’égard des <strong>femmes</strong> participant à des activités de déf<strong>en</strong>se des droits del’Homme.Dans <strong>les</strong> cas prés<strong>en</strong>tés, la viol<strong>en</strong>ce exercée à l’<strong>en</strong><strong>contre</strong> des déf<strong>en</strong>seurs touche« spécialem<strong>en</strong>t » <strong>les</strong> <strong>femmes</strong>, <strong>en</strong> ce qu’el<strong>les</strong> constitu<strong>en</strong>t une cible systématique, privilégiée <strong>et</strong>« facile » des autorités. Ce sont des « actes de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> », puisque se conformant à ladéfinition reconnue par la Recommandation 19, qui inclut <strong>les</strong> « tourm<strong>en</strong>ts ou souffrancesd'ordre physique, m<strong>en</strong>tal », « la m<strong>en</strong>ace de tels actes, la contrainte ou autres privations deliberté ». 96 Recommandation Générale n°23, seizième session, 1997.7 Paragraphe 348 Paragraphe 69 Paragraphe 6FIDH – ATFD – LTDH / p. 18


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002• C.3. RecommandationsEn 1995, lors de l’exam<strong>en</strong> combiné des rapports initial <strong>et</strong> deuxième de la <strong>Tunisie</strong> 10 , le Comitéexprimait ses préoccupations au suj<strong>et</strong> de la faible participation des <strong>femmes</strong> à la vie politique,<strong>et</strong> <strong>en</strong>courageait le gouvernem<strong>en</strong>t tunisi<strong>en</strong> à int<strong>en</strong>sifier ses efforts <strong>en</strong> faveur de la participationdes <strong>femmes</strong> à l’<strong>en</strong>semble des niveaux de la vie politique. 11 .Les organisations invit<strong>en</strong>t <strong>les</strong> membres du Comité à adresser <strong>les</strong> recommandationssuivantes aux autorités tunisi<strong>en</strong>nes :• Reconnaître <strong>et</strong> appliquer la Déclaration des Nations unies sur <strong>les</strong> déf<strong>en</strong>seurs desdroits de l’Homme. Assurer <strong>en</strong> pratique la liberté d’association, notamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong>reconnaissant l’exist<strong>en</strong>ce juridique de l’<strong>en</strong>semble des organisationsindép<strong>en</strong>dantes de déf<strong>en</strong>se des droits de l’Homme, <strong>et</strong> <strong>en</strong> leur laissant <strong>les</strong> moy<strong>en</strong>s depoursuivre leurs mandats respectifs.• Cesser toute poursuite arbitraire à l’<strong>en</strong><strong>contre</strong> des organisations de déf<strong>en</strong>se desdroits de l’Homme <strong>et</strong> de leurs membres.• Assurer la poursuite des auteurs des sévices physiques, matériels <strong>et</strong> moraux àl’<strong>en</strong><strong>contre</strong> des <strong>femmes</strong> militantes des droits humains, ainsi que ledédommagem<strong>en</strong>t des victimes.10 A/50/38, Observations fina<strong>les</strong> du Comité sur l'élimination de la discrimination à l'égard des <strong>femmes</strong> : <strong>Tunisie</strong>31/05/95 paragraphes 218-277.11 Paragraphes 270 <strong>et</strong> 274FIDH – ATFD – LTDH / p. 19


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002CHAPITRE 3 : Egalité successoraleLes <strong>femmes</strong> tunisi<strong>en</strong>nes, tout <strong>en</strong> partageant avec <strong>les</strong> hommes la responsabilité du bi<strong>en</strong> êtrecollectif <strong>et</strong> familial, sont toujours confinées pratiquem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> symboliquem<strong>en</strong>t dans unesituation de moins droit s’agissant du droit successoral.• A. Fondem<strong>en</strong>ts du droit successoralLe droit successoral tunisi<strong>en</strong> emprunte ses caractéristiques fondam<strong>en</strong>ta<strong>les</strong> au droit musulman.Le législateur n'a pas osé bouleverser la matière, il s'est cont<strong>en</strong>té de reproduire le droitmusulman dans son interprétation malékite <strong>en</strong> faisant quelques emprunts à d'autres rites.Le législateur a ainsi introduit la notion de représ<strong>en</strong>tation successorale par le biais du legsobligatoire perm<strong>et</strong>tant aux p<strong>et</strong>its <strong>en</strong>fants dont le père ou la mère sont prédécédés de v<strong>en</strong>ir à lasuccession de leurs grands-par<strong>en</strong>ts. Il a suivi <strong>en</strong> cela le législateur égypti<strong>en</strong> qui le premiers'était référé à une interprétation d'Ibn Hazm (<strong>et</strong> de l'école Zahiris) d'un vers<strong>et</strong> coranique (S.2V. 180) t<strong>en</strong>u pour abrogée par la majorité des juristes <strong>en</strong> raison de dispositions plus tardivesur <strong>les</strong> successions. Ce vers<strong>et</strong> imposait, selon lui, une obligation légale de stipuler des legs <strong>en</strong>faveur des proches non successib<strong>les</strong>.Il a égalem<strong>en</strong>t repris la technique du radd non utilisée dans le rite malékite. C<strong>et</strong>te techniqueperm<strong>et</strong> dans une succession où l'on se trouve d'hériter aceb d'attribuer l'intégralité de lasuccession aux héritiers fardh <strong>et</strong> ceci au détrim<strong>en</strong>t du Trésor. Le législateur s'est cep<strong>en</strong>dantmontré ici innovateur, il a fait jouer le radd dans <strong>les</strong> hypothèses qui n'étai<strong>en</strong>t prévues paraucun rite.Pour le reste, on r<strong>et</strong>rouve <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> classiques du droit musulman <strong>et</strong> ses caractéristiques :• Ainsi <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> de dévolution sont impératives <strong>et</strong> prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t un caractère d'ordrepublic. La volonté du cujus peut certes disposer par voie testam<strong>en</strong>taire du tiers del'actif successoral mais il ne peut pas disposer pour avantager un héritier au détrim<strong>en</strong>tdes autres (sauf ratification de legs par <strong>les</strong> autres héritiers après le décès du testateur.Tout ce dont il n'a pas disposé au profit d'étrangers se trouve nécessairem<strong>en</strong>t répartiselon des règ<strong>les</strong> préétablies <strong>en</strong>tre <strong>les</strong> membres de la famille.• Ces règ<strong>les</strong> la lignée agnatique sur la lignée cognatique <strong>et</strong> établiss<strong>en</strong>t un privilège demasculinité. A par<strong>en</strong>té égale <strong>et</strong> sauf exception, l'homme reçoit le double de ce quereçoit la femme.• Enfin, le droit musulman fait interv<strong>en</strong>ir le facteur religieux <strong>et</strong> fait de l'apostasie <strong>et</strong> de ladisparité de culte un empêchem<strong>en</strong>t à succession. Les deux premières caractéristiquesse r<strong>et</strong>rouv<strong>en</strong>t dans le droit positif tunisi<strong>en</strong>. La 3ème est plus discutée.• B. Les inégalités juridiquesL'inégalité <strong>en</strong>tre l'homme <strong>et</strong> la femme est certaine, elle est inscrite dans la loi, au sein du Codesur le Statut personnel. Les textes à c<strong>et</strong> égard sont clairs <strong>et</strong> non susceptib<strong>les</strong> d'interprétation.C<strong>et</strong>te inégalité est double. Tout d'abord, le cercle des successib<strong>les</strong> est plus large pour <strong>les</strong>hommes que pour <strong>les</strong> <strong>femmes</strong>. Alors que l'oncle, le neveu <strong>et</strong> le cousin du de cujus peuv<strong>en</strong>tFIDH – ATFD – LTDH / p. 20


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002hériter dans certain cas, cela est exclu pour la tante, la nièce ou la cousine se trouvant dans lamême situation.Ensuite, <strong>les</strong> textes instaur<strong>en</strong>t un privilège de masculinité ; sauf cas exceptionnels, l'hommehérite d'une part double de celle de la femme placée dans la même situation. La solutiondérange surtout s'agissant du conjoint survivant <strong>et</strong> <strong>en</strong>core plus s'agissant des desc<strong>en</strong>dants. 12• Le mariage <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dre une vocation successorale réciproque <strong>en</strong>tre époux. Le conjointsurvivant a toujours une part dans la succession de l'époux prédécédé mais c<strong>et</strong>te partest variable. Alors que le mari hérite du 1/4 ou de la moitié de la succession del'épouse prédécédée <strong>en</strong> fonction de la prés<strong>en</strong>ce ou de l'abs<strong>en</strong>ce d'<strong>en</strong>fant du de cujus,l'épouse survivante n'héritera, quant à elle, que du 1/8 ou du 1/4.• Quant aux desc<strong>en</strong>dants, le fils aura dans la succession de ses par<strong>en</strong>ts le double de lapart de sa sœur.• C. Conclusions :Dans sa recommandation générale 21, sur « l’Egalité dans le mariage <strong>et</strong> <strong>les</strong> rapportsfamiliaux », le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des <strong>femmes</strong> a notéque <strong>les</strong> discriminations dans la répartition des successions sont contraires à la Conv<strong>en</strong>tion :Il existe de nombreux pays où la législation <strong>et</strong> la pratique <strong>en</strong> matière de succession <strong>et</strong>de propriété <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dr<strong>en</strong>t une forte discrimination à l'égard des <strong>femmes</strong>. En raison dec<strong>et</strong>te inégalité de traitem<strong>en</strong>t, <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> peuv<strong>en</strong>t recevoir une part plus faible desbi<strong>en</strong>s de l'époux ou du père à son décès que ne recevrait un veuf ou un fils. Danscertains cas, <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> ont des droits limités <strong>et</strong> contrôlés <strong>et</strong> ne reçoiv<strong>en</strong>t qu'un rev<strong>en</strong>uprov<strong>en</strong>ant des bi<strong>en</strong>s du défunt. Souv<strong>en</strong>t, <strong>les</strong> droits à l'héritage pour <strong>les</strong> veuves ne sontpas conformes aux principes de la propriété égale des bi<strong>en</strong>s acquis durant le mariage.Ces pratiques sont contraires à la Conv<strong>en</strong>tion <strong>et</strong> devrai<strong>en</strong>t être éliminées. 13Déjà <strong>en</strong> 1995, lors de l’exam<strong>en</strong> combiné des rapports initial <strong>et</strong> deuxième de la <strong>Tunisie</strong> 14 , leComité exprimait ses préoccupations au suj<strong>et</strong> des dispositions <strong>en</strong> vigueur <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong>concernant <strong>les</strong> droits des <strong>femmes</strong> à l'héritage 15 .La FIDH, la LTDH <strong>et</strong> l’ATFD estim<strong>en</strong>t que <strong>les</strong> dispositions du Code su statut personnelrelatives à la succession établiss<strong>en</strong>t une discrimination flagrante à l’égard des <strong>femmes</strong> dansleur droit de posséder, de gérer ou d’hériter de bi<strong>en</strong>s.La FIDH, la LTDH <strong>et</strong> l’ATFD incit<strong>en</strong>t <strong>en</strong> conséqu<strong>en</strong>ce le Comité à réitérer sespréoccupations concernant <strong>les</strong> droits des <strong>femmes</strong> à l’héritage <strong>et</strong> recommander auGouvernem<strong>en</strong>t tunisi<strong>en</strong>• de pr<strong>en</strong>dre toutes <strong>les</strong> dispositions législatives nécessaires pour modifier lechapitre du Code sur le statut personnel concernant le droit successoral, <strong>en</strong> vued’y inscrire une égalité stricte <strong>en</strong>tre hommes <strong>et</strong> <strong>femmes</strong> pour le bénéfice de lasuccession;12 Voir Annexe, le texte du Code du Statut personnel.13 Paras 34 <strong>et</strong> 3514 A/50/38, Observations fina<strong>les</strong> du Comité sur l'élimination de la discrimination à l'égard des <strong>femmes</strong> : <strong>Tunisie</strong>31/05/95 paras 218-277.15 Para 222FIDH – ATFD – LTDH / p. 21


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002CHAPITRE 4 : Atteinte à la liberté de religion des <strong>femmes</strong>• A. Atteintes jurisprud<strong>en</strong>tiel<strong>les</strong> <strong>et</strong> conséqu<strong>en</strong>ces <strong>en</strong> matière successorale :La constitution tunisi<strong>en</strong>ne garantit la liberté de culte. La loi tunisi<strong>en</strong>ne ne considère pas ladisparité de culte comme un empêchem<strong>en</strong>t au mariage mais le juge a considéré le mariage dela musulmane avec un non musulman nul <strong>et</strong> non av<strong>en</strong>u <strong>et</strong> le Ministre de la Justice a, par lacirculaire adoptée <strong>en</strong> novembre 1973, interdit ce mariage. C<strong>et</strong>te interprétation discutable estapprouvée par la Cour de Cassation, <strong>et</strong> domine aujourd'hui, depuis l’arrêt fondateur del’affaire Houria, <strong>en</strong> 1966.En pratique, <strong>et</strong> à titre d’exemple, cela signifie que l'épouse, tunisi<strong>en</strong>ne ou étrangère importepeu, mais qui est chréti<strong>en</strong>ne ou juive, ne peut hériter de son mari musulman, de même que lemari <strong>et</strong> <strong>les</strong> <strong>en</strong>fants présumés de la même religion que leurs père ne peuv<strong>en</strong>t hériter d'elle.S’il est évid<strong>en</strong>t qu’à l’époque de l’affaire Houria, le nombre de mariages <strong>en</strong>tre <strong>les</strong> <strong>femmes</strong>musulmanes <strong>et</strong> <strong>les</strong> hommes non musulmans était très limité, on peut aujourd’hui affirmer,même, <strong>en</strong> l’abs<strong>en</strong>ce de toute statistique, que ce type de mariage est <strong>en</strong> train d’évoluer demanière assez rapide <strong>et</strong> ce pour plusieurs raisons dont l’ouverture économique, <strong>les</strong> facilités decommunication <strong>et</strong> <strong>les</strong> regroupem<strong>en</strong>ts familiaux découlant de l’immigration. Mais malgré c<strong>et</strong>teréalité, <strong>les</strong> fil<strong>les</strong> musulmanes sont m<strong>en</strong>acées dans leur liberté de mariage par la m<strong>en</strong>talitérétrograde consacrée par une circulaire illégale.Dominante, c<strong>et</strong>te interprétation jurisprud<strong>en</strong>tielle a connu un revers dernièrem<strong>en</strong>t : unedécision du Tribunal de première instance de Tunis r<strong>en</strong>du le 18 mai 2000 ouvre une brèchedans c<strong>et</strong>te attitude, <strong>en</strong> adoptant une interprétation plus large : le juge, a, dans c<strong>et</strong>te affaire,affirmé la primauté de la liberté de culte sur la règle successorale.• B. Viol<strong>en</strong>ces dans la sphère privée :Des <strong>femmes</strong> ou des jeunes fil<strong>les</strong> mineures ou majeures se sont adressées à l’ATFD pourdemander un souti<strong>en</strong> psychologique mais aussi une assistance juridique pour m<strong>et</strong>tre fin àtoutes <strong>les</strong> formes de viol<strong>en</strong>ce qu’el<strong>les</strong> subiss<strong>en</strong>t du fait de leur décision de vivre avec un nonmusulman allant du chantage, vexations, dénigrem<strong>en</strong>t, insultes, interdiction de circulationjusqu’aux <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> physiques <strong>et</strong> à la séquestration.Toutes ont vécu le même calvaire ; leurs par<strong>en</strong>ts <strong>les</strong> ramèn<strong>en</strong>t <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> pour passer desvacances, assister à un mariage, à une fête familiale…..mais ils r<strong>et</strong>ourn<strong>en</strong>t seuls <strong>en</strong> France ouailleurs <strong>en</strong> Europe, confisquant leurs papiers aux fil<strong>les</strong>, pour s’assurer qu’el<strong>les</strong> ne risqu<strong>en</strong>tplus de s’échapper.S est une jeune fille de 18 ans qui vivait au foyer d’assistance sociale à Paris à cause des<strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> qu’elle a subie du fait des agissem<strong>en</strong>ts de son père. 16 Celui-ci, s’étant r<strong>en</strong>ducompte de l’exist<strong>en</strong>ce d’une relation amoureuse que sa fille <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>t avec un non musulmanva tout faire pour l’emm<strong>en</strong>er <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> pour des vacances dans son village natal dans le sudtunisi<strong>en</strong> <strong>et</strong> le mariage d’un cousin.. Les responsab<strong>les</strong> du foyer, la jeune fille elle-même ainsique son <strong>en</strong>tourage lui font confiance. S r<strong>en</strong>tre <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> après avoir terminé ses exam<strong>en</strong>s.16 Témoignage recueilli par l’ATFDFIDH – ATFD – LTDH / p. 22


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002Une fois débarquée dans son village natal, son passeport est confisqué. Pire <strong>en</strong>core, <strong>les</strong>par<strong>en</strong>ts r<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> France <strong>et</strong> la laiss<strong>en</strong>t seule au milieu d’une famille qu’elle ne connaîtpresque pas. Elle ne peut ri<strong>en</strong> faire, ne peut pas circuler <strong>et</strong> est surveillée par tous <strong>les</strong>habitants du village. L’un de ses cousins avec lequel elle sympathise lui donne quelquesc<strong>en</strong>taines de millimes qui lui perm<strong>et</strong>tront de téléphoner au foyer dans lequel elle habitait.Du coup, l’alerte est donnée <strong>et</strong> un contact est pris avec toutes <strong>les</strong> personnes susceptib<strong>les</strong> dedonner des informations sur la <strong>Tunisie</strong> <strong>et</strong> aider c<strong>et</strong>te jeune fille <strong>en</strong> détresse <strong>et</strong> dont le seul tortest d’avoir aimé quelqu’un qui n’apparti<strong>en</strong>t pas à la même religion que ses par<strong>en</strong>ts.Le nom d’une avocate, membre de l’ATFD, est cité. Entrée <strong>en</strong> contact avec elle à Tunis, cellecilui demande d’aller voir le procureur <strong>et</strong> de l’informer des <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> qu’elle subit <strong>et</strong> de sadécision de partir vers la capitale puisqu’elle était mineure. Elle arrive au local de l’ATFD.En l’abs<strong>en</strong>ce de foyer d’hébergem<strong>en</strong>t des <strong>femmes</strong> victimes de viol<strong>en</strong>ce, tout un processus desolidarité se décl<strong>en</strong>che pour la loger, assurer sa sécurité <strong>et</strong> lui obt<strong>en</strong>ir ses droits.Mais comme S est mineure, il a fallu agir auprès du juge de tutelle pour obt<strong>en</strong>ir sonémancipation <strong>et</strong> lui donner la possibilité d’agir <strong>et</strong> de se prévaloir de son droit à un passeport<strong>et</strong> de la liberté de circulation sans risquer de se faire arrêter par un policier qui peut lacontraindre à rev<strong>en</strong>ir à son village natal dans le sud.Une demande a été prés<strong>en</strong>tée à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> au juge des tutel<strong>les</strong> qui a eu le courage del’émanciper dans le “ but de r<strong>et</strong>ourner <strong>en</strong> France, lieu de résid<strong>en</strong>ce de ses par<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> decontinuer ses études ”.C<strong>et</strong>te décision courageuse reste une exception mais elle a permis à S de m<strong>en</strong>er son combat <strong>et</strong>jouir de la liberté de mariage. Parce que si la lacune juridique a été comblée concernant laminorité, <strong>les</strong> autres lacunes, culturel<strong>les</strong>, administratives … ont constitué des élém<strong>en</strong>ts deblocages <strong>et</strong> ce n’est qu’après de longues procédures qui ont duré trois mois que S a puregagner la France <strong>et</strong> dépasser <strong>les</strong> résistances culturel<strong>les</strong> des autorités administratives <strong>et</strong>policières qui ont eu du mal à accepter qu’une jeune fille tunisi<strong>en</strong>ne puisse déployer tous cesefforts pour pouvoir rejoindre son conjoint <strong>et</strong> vivre avec lui <strong>en</strong> France. L’un des ag<strong>en</strong>ts depolice qui s’est occupé de c<strong>et</strong>te affaire a même dit “ elle aurait été ma fille, je l ‘aurai tuée,elle ose v<strong>en</strong>ir au poste de police avec une avocate <strong>et</strong> se faire aider par une association,quelle éducation, elle mêle des étrangers dans un problème familial !… ”.Malgré cela, dans ce cas précis, l’ATFD a pu faire triompher la raison du législateur surcelle du juge <strong>et</strong> du ministre de la justice qui ont restreint l’exercice du droit à la liberté demariage <strong>en</strong> dehors de toute préoccupation juridique mais pour faire prévaloir despréoccupations culturel<strong>les</strong> voire m<strong>en</strong>ta<strong>les</strong>.En fait, c<strong>et</strong>te attitude de l’ag<strong>en</strong>t de police illustre <strong>les</strong> résistances que r<strong>en</strong><strong>contre</strong>nt <strong>les</strong> <strong>femmes</strong><strong>et</strong> l’ATFD dans la lutte quotidi<strong>en</strong>ne <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong>.FIDH – ATFD – LTDH / p. 23


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002• C. ConclusionsLa FIDH, la LTDH <strong>et</strong> l’ATFD estim<strong>en</strong>t que la discrimination faite à l’égard des <strong>femmes</strong><strong>en</strong> raison de leur appart<strong>en</strong>ance religieuse, par le biais de l’interprétationjurisprud<strong>en</strong>tielle dominante, ou au sein de la sphère familiale, non seulem<strong>en</strong>t limite leurdroit de posséder, gérer, d’hériter ou de transm<strong>et</strong>tre leurs bi<strong>en</strong>s, mais <strong>en</strong> plus porteatteinte à leur liberté de religion. Si l’arrêt réc<strong>en</strong>t du Tribunal d’instance porte l’espoirque la règle jurisprud<strong>en</strong>tielle peut évoluer, la règle dominante reste discriminatoire, <strong>et</strong> laloi ne m<strong>en</strong>tionne aucune garantie de non-discrimination à c<strong>et</strong> égard.En conséqu<strong>en</strong>ce, <strong>les</strong> organisations invit<strong>en</strong>t le Comité à adopter <strong>les</strong> recommandationssuivantes à l’égard du Gouvernem<strong>en</strong>t tunisi<strong>en</strong> :• de perm<strong>et</strong>tre la reconnaissance effective de la liberté de religion par <strong>les</strong>tribunaux ;• de réaffirmer la suprématie de la liberté de la religion sur le droit successoral,afin que <strong>les</strong> épouses d’une religion non-musulmane puiss<strong>en</strong>t hériter de manièresimilaire, ou transm<strong>et</strong>tre librem<strong>en</strong>t leurs bi<strong>en</strong>s par le biais de l’héritage.FIDH – ATFD – LTDH / p. 24


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONSVIOLENCE A l’EGARD DES FEMMESPrév<strong>en</strong>tion de la viol<strong>en</strong>ce1. Généraliser une éducation scolaire <strong>et</strong> extra scolaire militant pour l’abolition des<strong>viol<strong>en</strong>ces</strong>.2. Diffuser la prise de parole sur <strong>les</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> sexistes à travers <strong>les</strong> différ<strong>en</strong>ts supportsd’information <strong>et</strong> de s<strong>en</strong>sibilisation.3. Multiplier <strong>les</strong> recherches sur <strong>les</strong> causes psychologiques <strong>et</strong> sociologiques duphénomène de la viol<strong>en</strong>ce sexiste.4. Veiller à la formation adéquate des professionnels <strong>en</strong> contact avec <strong>les</strong> situations deviol<strong>en</strong>ce à l’<strong>en</strong><strong>contre</strong> des <strong>femmes</strong>.Traitem<strong>en</strong>t de la viol<strong>en</strong>ce1. Promulguer une loi générale sur <strong>les</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> sexistes se fondant sur la déclarationdes Nations-Unies relative à c<strong>et</strong>te question <strong>et</strong> introduisant, notamm<strong>en</strong>t, lareconnaissance du viol conjugal, la criminalisation du harcèlem<strong>en</strong>t sexuel, laprocédure inquisitoire <strong>en</strong> matière de recherche de preuves.2. Soum<strong>et</strong>tre <strong>les</strong> agresseurs à des dét<strong>en</strong>tions thérapeutiques perm<strong>et</strong>tant de canaliserl’impulsion de la viol<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> d’éviter la répétition de l’événem<strong>en</strong>t.3. Répondre aux urg<strong>en</strong>ces, notamm<strong>en</strong>t, par la création de structures d’accueil <strong>et</strong>d’hébergem<strong>en</strong>t des <strong>femmes</strong> fuyant le domicile familial <strong>et</strong> conjugal.4. Création d’un fonds de subv<strong>en</strong>tion au profit des victimes de la viol<strong>en</strong>ce comme desassociations qui <strong>les</strong> pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong> chargeREPRESSION, VIOLENCES ET HARCELEMENT DES FEMMES, EN RAISON DELEURS ACTIVITES DE MILITANTES DE DROITS DE L’HOMME1. Reconnaître <strong>et</strong> appliquer la Déclaration des Nations unies sur <strong>les</strong> déf<strong>en</strong>seurs desdroits de l’Homme. Assurer <strong>en</strong> pratique la liberté d’association, notamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong>reconnaissant l’exist<strong>en</strong>ce juridique de l’<strong>en</strong>semble des organisations indép<strong>en</strong>dantes dedéf<strong>en</strong>se des droits de l’Homme, <strong>et</strong> <strong>en</strong> leur laissant <strong>les</strong> moy<strong>en</strong>s de poursuivre leursmandats respectifs.2. Cesser toute poursuite arbitraire à l’<strong>en</strong><strong>contre</strong> des organisations de déf<strong>en</strong>se des droitsde l’Homme <strong>et</strong> de leurs membres.3. Assurer la poursuite des auteurs des sévices physiques, matériels <strong>et</strong> moraux àl’<strong>en</strong><strong>contre</strong> des <strong>femmes</strong> militantes des droits humains, ainsi que le dédommagem<strong>en</strong>t desvictimes.EGALITE SUCCESSORALEPr<strong>en</strong>dre toutes <strong>les</strong> dispositions législatives nécessaires pour modifier le chapitre du Codesur le statut personnel concernant le droit successoral, <strong>en</strong> vue d’y inscrire une égalitéstricte <strong>en</strong>tre hommes <strong>et</strong> <strong>femmes</strong> pour le bénéfice de la succession;LIBERTE RELIGIEUSERéaffirmer la suprématie de la liberté de la religion sur le droit successoral, afin que <strong>les</strong>épouses d’une religion non-musulmane puiss<strong>en</strong>t hériter de manière similaire, outransm<strong>et</strong>tre librem<strong>en</strong>t leurs bi<strong>en</strong>s par le biais de l’héritage.FIDH – ATFD – LTDH / p. 25


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002ANNEXE I :Etude quantitative des dossiers traités par leCENTRE D’ÉCOUTE ET D’ORIENTATION DES FEMMES VICTIMESDE VIOLENCE 17Une évaluation statistique des situations de viol<strong>en</strong>ce traitées par le C<strong>en</strong>tre doit t<strong>en</strong>ircompte de plusieurs paramètres : le nombre de dossiers nouveaux ouverts chaque année, l<strong>en</strong>ombre de consultations effectuées chaque année, la typologie des <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> répertoriées.L’évolution du nombre des dossiers nouveaux s’établit comme suit :1990 21991 301992 301993 1351994 1071995 711996 881997 801998 861999 922000 (jusqu’<strong>en</strong> juin) 68Total 789Le nombre de consultations se répartit comme suit :Entre 1990 <strong>et</strong> 1995, 713 consultations sont réalisées :1990+1991 : 35 consultations d’écoute <strong>et</strong> souti<strong>en</strong>1992 : 21 consultations dont 18 <strong>en</strong> écoute <strong>et</strong> souti<strong>en</strong> <strong>et</strong> 3 juridiques1993 : 190 consultations dont 126 psychologiques <strong>et</strong> 64 juridiques1994 : 248 consultations dont 169 psychologiques, 67 juridiques <strong>et</strong> 12 socia<strong>les</strong>1995 : 219 consultations dont 129 psychologiques, 85 juridiques <strong>et</strong> 5 socia<strong>les</strong>Pour l’année 1998, qui a fait l’obj<strong>et</strong> d’une analyse distincte, il y a eu pour un total de 118dossiers (anci<strong>en</strong>s <strong>et</strong> nouveaux) :<strong>en</strong> accompagnem<strong>en</strong>t interne :235 consultations <strong>en</strong> écoute <strong>et</strong> souti<strong>en</strong>165 consultations <strong>en</strong> ori<strong>en</strong>tation juridique45 consultations <strong>en</strong> ori<strong>en</strong>tation psychologique27 consultations <strong>en</strong> ori<strong>en</strong>tation sociale <strong>et</strong> médicale391 consultations <strong>en</strong> suivi du dossier<strong>en</strong> accompagnem<strong>en</strong>t externe :29 interv<strong>en</strong>tions <strong>en</strong> accompagnem<strong>en</strong>t judiciaire17 Chiffres établis par Kamoun Souhaila, directrice du CEOFVVFIDH – ATFD – LTDH / p. 26


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 20029 interv<strong>en</strong>tions <strong>en</strong> accompagnem<strong>en</strong>t médical7 interv<strong>en</strong>tions <strong>en</strong> accompagnem<strong>en</strong>t socialLa typologie des <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> se prés<strong>en</strong>te comme suit :Entre 1990 <strong>et</strong> 1995 il y a eu :80% de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> conjuga<strong>les</strong>4,3% de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> familia<strong>les</strong>1,6% de harcèlem<strong>en</strong>t sexuel2,3% de viols2,7% de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> dans le travail4% de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> dans la rue3,5% d’autres formes de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong>Pour l’année 1998, toujours par rapport aux 118 dossiers traités, il y a eu :64,4% de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> conjuga<strong>les</strong>14,5% de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> familia<strong>les</strong>0,9% de harcèlem<strong>en</strong>t sexuel1,5% de viols0,9% d’incestes1,6% de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> dans la rue8,5% de formes de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> cumulées7,5% d’autres formes de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong>Quel<strong>les</strong> interprétations peuv<strong>en</strong>t être dégagées de l’<strong>en</strong>semble de ces données ?D’abord, que le nombre de nouvel<strong>les</strong> <strong>femmes</strong> accueillies par le C<strong>en</strong>tre chaque année sestabilise autour de 80 à 90 personnes si on exclut <strong>les</strong> pics de 1993 <strong>et</strong> 1994 consécutifs à laparticipation de représ<strong>en</strong>tantes de l’ATFD à une émission télévisée au cours de laquelle l<strong>en</strong>uméro de téléphone du C<strong>en</strong>tre a été diffusé. A contrario, on pourrait dire que le nombre d<strong>en</strong>ouvel<strong>les</strong> arrivées au C<strong>en</strong>tre a continué à être relativem<strong>en</strong>t élevé sachant que depuis c<strong>et</strong>teémission celui-ci n’a plus bénéficié d’aucun support publicitaire ou autre <strong>et</strong> que l’informationle concernant circule de manière informelle par le bouche-à-oreille à travers <strong>les</strong> différ<strong>en</strong>tsservices <strong>et</strong> institutions qui reçoiv<strong>en</strong>t <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> détresse.Il ressort du nombre des consultations que la demande des <strong>femmes</strong> est multiforme.L’écoute <strong>et</strong> le souti<strong>en</strong> cumulés avec l’ori<strong>en</strong>tation psychologique constitu<strong>en</strong>t la proportion laplus importante des services r<strong>en</strong>dus. Ce qui s’explique aisém<strong>en</strong>t par <strong>les</strong> différ<strong>en</strong>tstraumatismes provoqués par le vécu de la viol<strong>en</strong>ce : traumatisme quant à l’image <strong>et</strong> lareprés<strong>en</strong>tation de soi, traumatisme quant à l’idéal de famille, traumatisme quant à la rupturedes relations socia<strong>les</strong>, <strong>et</strong>c.L’écoute est la première exig<strong>en</strong>ce car ce n’est qu’à partir du mom<strong>en</strong>t où on verbalise laviol<strong>en</strong>ce, qu’on l’extériorise <strong>et</strong> qu’on l’extrait de soi, qu’on peut alors agir sur elle. Lesformes d’action, suite à c<strong>et</strong>te première démarche, diverg<strong>en</strong>t.L’action <strong>en</strong> justice demeure le recours le plus courant dans la mesure où <strong>les</strong> <strong>femmes</strong>agressées ou viol<strong>en</strong>tées cherch<strong>en</strong>t à rétablir leurs droits, à porter plainte <strong>contre</strong> l’agresseur ouà int<strong>en</strong>ter une action <strong>en</strong> divorce si le coupable est l’époux. Même si nombre d’actions <strong>en</strong>justice sont abandonnées <strong>en</strong> cours <strong>et</strong> que <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> r<strong>en</strong>onc<strong>en</strong>t à poursuivre, cela r<strong>en</strong>voie nonFIDH – ATFD – LTDH / p. 27


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002pas à l’abs<strong>en</strong>ce de la viol<strong>en</strong>ce mais aux conséqu<strong>en</strong>ces de c<strong>et</strong>te viol<strong>en</strong>ce manifestées par <strong>les</strong><strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’incapacité <strong>et</strong> de dép<strong>en</strong>dance ainsi qu’aux pressions familia<strong>les</strong> <strong>et</strong> socia<strong>les</strong> qui<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t la dénonciation publique de c<strong>et</strong> acte.Enfin, l’ori<strong>en</strong>tation sociale est la moins fréqu<strong>en</strong>te <strong>en</strong> dépit de la forte demanded’assistance sociale <strong>et</strong> matérielle qu’ém<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t ces <strong>femmes</strong> ou, plutôt, à cause de c<strong>et</strong>te fortedemande. En eff<strong>et</strong>, la philosophie du C<strong>en</strong>tre est de ne pas se transformer <strong>en</strong> un lieu de prise <strong>en</strong>charge sociale pour préserver son caractère militant de lutte <strong>contre</strong> le phénomène de laviol<strong>en</strong>ce ; outre qu’il n’a guère <strong>les</strong> moy<strong>en</strong>s financiers de développer c<strong>et</strong>te prise <strong>en</strong> chargesociale. Aussi, celle-ci se limite-t-elle à fournir aux plus démunies <strong>les</strong> frais d’urg<strong>en</strong>ce(certificat médical initial, transport, plus rarem<strong>en</strong>t hébergem<strong>en</strong>t) <strong>et</strong> à ori<strong>en</strong>ter <strong>les</strong> nécessiteusesvers des institutions <strong>et</strong> ONG spécialisées <strong>en</strong> la matière.La typologie des <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> est, quant à elle, significative de deux aspects importants : du typede viol<strong>en</strong>ce le plus fréquemm<strong>en</strong>t exercé mais aussi du type de viol<strong>en</strong>ce le plus fréquemm<strong>en</strong>tavoué. Quant au premier aspect, <strong>les</strong> proportions largem<strong>en</strong>t majoritaires de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong>conjuga<strong>les</strong> <strong>et</strong> familia<strong>les</strong> n’étonneront personne sachant que, généralem<strong>en</strong>t parlant, c’est dansl’espace de la vie domestique privée que se déroul<strong>en</strong>t le plus grand nombre “ d’accid<strong>en</strong>ts ”.Cela s’explique aisém<strong>en</strong>t du fait que c’est le lieu de vie ess<strong>en</strong>tiel, qu’il est protégé par uneintimité qui autorise tous <strong>les</strong> dépassem<strong>en</strong>ts, que <strong>les</strong> rapports de hiérarchie <strong>et</strong> de subordinationqui le régiss<strong>en</strong>t perm<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t, égalem<strong>en</strong>t, d’user de contrainte morale <strong>et</strong> physique... Le fait que<strong>les</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> conjuga<strong>les</strong> <strong>et</strong> familia<strong>les</strong> soi<strong>en</strong>t le plus avouées signifie, aussi, qu’el<strong>les</strong> ont atteintdes proportions tel<strong>les</strong> que, malgré toutes <strong>les</strong> compressions <strong>et</strong> toutes <strong>les</strong> intériorisations, el<strong>les</strong>émerg<strong>en</strong>t à l’expression verbale <strong>et</strong> statistique. Même si l’origine ou le substrat sexuel dansc<strong>et</strong>te forme de viol<strong>en</strong>ce est rarem<strong>en</strong>t abs<strong>en</strong>t, il parvi<strong>en</strong>t toutefois à être contourné par desmécanismes ou des logiques d’autorité mis <strong>en</strong> avant aussi bi<strong>en</strong> par l’agresseur que par lavictime dénonciatrice. En revanche, ce n’est pas, là <strong>en</strong>core, parce que des <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> tel<strong>les</strong> quele viol, l’inceste ou le harcèlem<strong>en</strong>t sexuel sont beaucoup moins dévoilées qu'el<strong>les</strong> sont peucourantes. La seule raison est que, ayant un rapport immédiat avec une sexualité non légitiméepar <strong>les</strong> relations marita<strong>les</strong> <strong>et</strong> celle-ci étant occultée par plusieurs tabous culturels qui ont,néanmoins, pour point commun de désigner <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> comme source de “ t<strong>en</strong>tation ”, touterévélation de leur part aura pour eff<strong>et</strong> immédiat de <strong>les</strong> qualifier de provocatrices <strong>et</strong> donc decoupab<strong>les</strong> originel<strong>les</strong>. C’est, d’ailleurs, ce qui ne manque pas de se produire à chaque foisqu’une affaire de ce g<strong>en</strong>re se déclare.À quelle population féminine s’appliqu<strong>en</strong>t ces données statistiques ? Desr<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts disponib<strong>les</strong> pour la période allant de juin 1996 à juin 1997 18 ainsi que pourl’année 1998 perm<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t de brosser un profil, à plusieurs égards généralisable, des consultéesdu C<strong>en</strong>tre. Ces informations concern<strong>en</strong>t <strong>les</strong> variab<strong>les</strong> de l’âge, de l’état civil, du niveaud’instruction, de la fonction <strong>et</strong>, exclusivem<strong>en</strong>t pour 1998, du nombre d’années de mariage <strong>et</strong>du nombre d’<strong>en</strong>fants à partir desquels la viol<strong>en</strong>ce conjugale comm<strong>en</strong>ce à se décl<strong>en</strong>cher (76<strong>femmes</strong> victimes de viol<strong>en</strong>ce conjugale).18 B<strong>en</strong> Achour Sana, “ Viol<strong>en</strong>ces à l’égard des <strong>femmes</strong> <strong>et</strong> violations de leurs droits ”, rapport tunisi<strong>en</strong> duCollectif Maghreb-Egalité, 1997 (ronéo)FIDH – ATFD – LTDH / p. 28


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002Age 1996-97 1998- 20 4 1220-30 23 2830-40 28 35+40 28 39inconnu 0 4Etat civil 1996-97 1998célibataire 15 25mariée 51 79divorcée 6 10veuve 2 4inconnu 9 0Instruction 1996-97 1998analphabète 15 27primaire 13 26secondaire 25 41supérieur 15 13inconnu 15 11Fonction 1996-97 1998étudiante 6 0sans emploi 27 73femme de ménage 12 18ouvrière 4 11ag<strong>en</strong>t 6 0cadre moy<strong>en</strong> 10 6cadre supérieur 1 3fonction libérale 0 1r<strong>et</strong>raitée 0 1informel 3 0inconnu 14 5Nb d’années de mariageNb de <strong>femmes</strong>- 1 - 91-5 - 186-10 - 1311-19 - 1520-29 - 1430-35 - 2inconnu - 5FIDH – ATFD – LTDH / p. 29


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002Nb d’<strong>en</strong>fantsNb de <strong>femmes</strong>0 - 122 - 143 - 134 - 65 <strong>et</strong> + - 9inconnu - 0Même si <strong>les</strong> données ne s’étal<strong>en</strong>t que sur <strong>les</strong> années 1996-97 <strong>et</strong> 1998, el<strong>les</strong> sontfortem<strong>en</strong>t significatives de l’hétérogénéité de la population féminine fréqu<strong>en</strong>tant le C<strong>en</strong>tre.S’agissant de l’âge, abstraction faite du faible mais croissant nombre de mineuress’expliquant justem<strong>en</strong>t par leur âge, <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> sont assez égalem<strong>en</strong>t réparties <strong>en</strong> fonction destranches d’âge avec, toutefois, une légère augm<strong>en</strong>tation à partir de 30 ans.S’agissant de l’état civil, la très n<strong>et</strong>te pointe du nombre de <strong>femmes</strong> mariées confirme cequi a été dit à propos de la préval<strong>en</strong>ce de la viol<strong>en</strong>ce conjugale. Cep<strong>en</strong>dant, le nombre decélibataires signale que ce statut ne <strong>les</strong> épargne pas mais <strong>les</strong> expose à d’autres formes de<strong>viol<strong>en</strong>ces</strong>. Ainsi, un tableau croisant <strong>les</strong> variab<strong>les</strong> de l’état civil avec le type de viol<strong>en</strong>ce pour<strong>les</strong> 118 <strong>femmes</strong> reçues <strong>en</strong> 1998 démontre que <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> mariées ou divorcées sont,ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t, victimes de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> conjuga<strong>les</strong> tandis que <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> célibataires sont lacible de la viol<strong>en</strong>ce familiale, de harcèlem<strong>en</strong>t sexuel, d’inceste <strong>et</strong> de viol<strong>en</strong>ce dans le travail.Il reste que c<strong>et</strong>te observation valable pour 1998 a eu l’occasion d’être nuancée par desdonnées ultérieures à la lumière desquel<strong>les</strong> des <strong>femmes</strong> mariées étai<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>ues se plaindre deharcèlem<strong>en</strong>t sexuel sur leur lieu de travail. Ce qui nous amène à déduire qu’aucun statut civilne m<strong>et</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> à l’abri de la viol<strong>en</strong>ce sexiste.S’agissant du niveau d’instruction, il ressort clairem<strong>en</strong>t que ce sont <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> ayantaccédé aux études secondaires qui sont principalem<strong>en</strong>t touchées par la viol<strong>en</strong>ce. Faut-ilattribuer cela à l’élévation du niveau de scolarité dans la population féminine totale ou à uneélévation du niveau de scolarité des <strong>femmes</strong> s’adressant au C<strong>en</strong>tre ou <strong>en</strong>core à unecaractéristique relative au niveau secondaire de la scolarité ? Si <strong>les</strong> recoupem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> ce s<strong>en</strong>srest<strong>en</strong>t à faire, il n’<strong>en</strong> demeure pas moins que c<strong>et</strong>te information est <strong>en</strong> contradiction avec <strong>les</strong>téréotype courant selon lequel l’abs<strong>en</strong>ce d’instruction est un facteur incitatif de la viol<strong>en</strong>ce.S’agissant, <strong>en</strong>fin, du tableau des fonctions, nous r<strong>et</strong>rouvons là l’idée généralem<strong>en</strong>tadmise qui veut que ce sont <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> des couches démunies qui subiss<strong>en</strong>t le plus laviol<strong>en</strong>ce. Sans être totalem<strong>en</strong>t dém<strong>en</strong>tie par nos chiffres, c<strong>et</strong>te idée est à relativiser par deuxconsidérations. D’abord, le constat statistique que des <strong>femmes</strong> appart<strong>en</strong>ant aux catégoriessocioprofessionnel<strong>les</strong> moy<strong>en</strong>nes <strong>et</strong> moy<strong>en</strong>nes supérieures (<strong>en</strong>seignantes, cadres <strong>et</strong> professionslibéra<strong>les</strong>) sont v<strong>en</strong>ues, aussi peu nombreuses soi<strong>en</strong>t-el<strong>les</strong>, se plaindre de <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> au C<strong>en</strong>tre.Ensuite, le rappel de la réserve généralem<strong>en</strong>t observées par <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> de ces catégories qui<strong>les</strong> r<strong>et</strong>i<strong>en</strong>t de dém<strong>en</strong>tir l’image sociale qu’el<strong>les</strong> se font <strong>et</strong> qu’el<strong>les</strong> donn<strong>en</strong>t d’el<strong>les</strong>-mêmes.Ces élém<strong>en</strong>ts d’information, tout <strong>en</strong> étant généralisab<strong>les</strong> à la population fémininefréqu<strong>en</strong>tant le C<strong>en</strong>tre, nécessiterai<strong>en</strong>t d’être vérifiés par rapport à la population féminine totalevictime de viol<strong>en</strong>ce. Ils mériterai<strong>en</strong>t, égalem<strong>en</strong>t, d’être soumis à une analyse comparativeFIDH – ATFD – LTDH / p. 30


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002pour déterminer quel<strong>les</strong> sont parmi ces variab<strong>les</strong> cel<strong>les</strong> qui interfèr<strong>en</strong>t le plus dans leprocessus de la viol<strong>en</strong>ce exposant certaines catégories de <strong>femmes</strong> plus que d’autres.Mais il reste qu’à l’échelle limitée de notre échantillon, il ne se dégage guère unecohér<strong>en</strong>ce absolue <strong>en</strong>tre <strong>les</strong> critères de l’âge, de l’état civil, du niveau d’instruction <strong>et</strong> de lafonction. Une ébauche du profil des <strong>femmes</strong> qui constitu<strong>en</strong>t le groupe cible du C<strong>en</strong>tredonnerait le portrait suivant : il s’agirait de <strong>femmes</strong> ayant plus de 40 ans, mariées, ayant unniveau d’instruction secondaire mais étant sans emploi ou étant employées à domicile. Parailleurs, on peut ajouter que la viol<strong>en</strong>ce dans <strong>les</strong> coup<strong>les</strong> se décl<strong>en</strong>che au bout de 1 à 5 ans demariage <strong>et</strong> à partir du 1 er <strong>en</strong>fant.C<strong>et</strong>te esquisse va à <strong>contre</strong>-courant de plusieurs idées reçues aussi bi<strong>en</strong> quant à l’âgequ’au statut civil, qu’au niveau d’instruction. Ce qui nous perm<strong>et</strong> déjà d’affirmer que laviol<strong>en</strong>ce à l’<strong>en</strong><strong>contre</strong> des <strong>femmes</strong> n’existe pas seulem<strong>en</strong>t là où on s’y att<strong>en</strong>d le plus mais aussilà où on s’y att<strong>en</strong>d le moins : sous la dignité acquise par l’âge, la sécurité matrimoniale <strong>et</strong> lamaternité, la scolarisation <strong>et</strong>, très probablem<strong>en</strong>t aussi, la profession.FIDH – ATFD – LTDH / p. 31


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002ANNEXE II :CODE DU STATUT PERSONNELLivre IX. — De la succession.Chapitre premier. — Dispositions généra<strong>les</strong>Article 85. — La succession s'ouvre par la mort de l'auteur, même si celle-ci est constatéejudiciairem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> par l'exist<strong>en</strong>ce réelle de l'héritier après la mort dudit auteur.Article 86. — Si deux personnes meur<strong>en</strong>t sans qu'il soit possible de déterminer laquelle des deux estdécédée <strong>en</strong> premier lieu, il n'y a pas ouverture à succession <strong>en</strong>tre el<strong>les</strong>, qu'el<strong>les</strong> ai<strong>en</strong>t ou non péridans un même événem<strong>en</strong>t.Article 87. — Les charges grevant la succession seront payées par ordre de priorité ainsi qu'il suit :1°) <strong>les</strong> charges supportées par <strong>les</strong> bi<strong>en</strong>s réels composant la succession,2°) <strong>les</strong> frais des funérail<strong>les</strong> <strong>et</strong> d'inhumation,3°) <strong>les</strong> créances certaines à la charge du défunt,4°) <strong>les</strong> legs valab<strong>les</strong> <strong>et</strong> exécutoires,5°) l'hérédité.En cas d'abs<strong>en</strong>ce d'héritiers, la succession, ou ce qu'il <strong>en</strong> reste, est recueillie par le trésor.Article 88. — L'homicide volontaire constitue un empêchem<strong>en</strong>t à la successibilité. Est exclu du droit desuccéder, le coupable, qu'il soit auteur principal, complice ou faux témoin dont le témoignage a<strong>en</strong>traîné la condamnation à mort de l'auteur, suivie d'exécution.Chapitre II. — Des successib<strong>les</strong>Article 89. — Les personnes successib<strong>les</strong> sont deux sortes : <strong>les</strong> héritiers réservataires <strong>et</strong> <strong>les</strong> héritiersagnats (aceb).Article 90. — Les personnes du sexe masculin pouvant avoir vocation héréditaire : 1°) le père, 2°) legrand-père, même s'il est d'un degré supérieur, à la condition que la ligne de par<strong>en</strong>té avec le défuntne soit pas interrompue par un héritier du sexe féminin, 3°) le fils, 4°) le p<strong>et</strong>it-fils (du côté du fils),même s'il est d'un degré inférieur, 5°) le frère, qu'il soit germain ou consanguin ou utérin, -6°) le fils dufrère germain ou du frère consanguin, 7°) l'oncle paternel germain ou consanguin, 8°) le cousinpaternel germain ou consanguin, <strong>et</strong> 9°) le mari.Les personnes du sexe féminin pouvant avoir vocation héréditaire sont : 1°) la mère, 2°) la grandmèrematernelle, à la condition que la ligne de par<strong>en</strong>té avec le défunt ne soit pas interrompue parl'exist<strong>en</strong>ce d'un héritier du sexe masculin ainsi que la grand-mère paternelle, à la condition que laligne de par<strong>en</strong>té avec le défunt ne soit pas interrompue par l'exist<strong>en</strong>ce d'un héritier du sexe masculinautre que l'asc<strong>en</strong>dant fût-il d'un degré inférieur, 3°) la fille, 4°) la p<strong>et</strong>ite fille (du coté du fils), même sielle est d'un degré inférieur, à la condition que sa filiation avec le défunt ne soit pas interrompue parl'exist<strong>en</strong>ce d'un héritier du sexe féminin, 5°) la sœur germaine ou consanguine ou utérine <strong>et</strong> 6°)l'épouse.Chapitre III. — Des héritiers réservatairesArticle 91. — La réserve de la quote-part successorale est fixée au profit de l'héritier. La successionest déférée <strong>en</strong> premier lieu aux héritiers réservataires.Les bénéficiaires de ces quotes-parts du sexe masculin sont :1°) le père, 2°) le grand-père paternel,même s'il est d'un degré supérieur, 3°) le frère utérin, <strong>et</strong> 4°) le mari.Les bénéficiaires desdits quotes-parts du sexe féminin sont : 1°) la mère, 2°) la grand-mère, 3°) la fille,4°) la p<strong>et</strong>ite-fille (du côté du fils), même si elle est d'un degré inférieur, 5°) la sœur germaine, 6°) lasœur consanguine, 7°) la sœur utérine, <strong>et</strong> 8°) l'épouse.Article 92. — Les quotes-parts successora<strong>les</strong> sont au nombre de six : la moitié, le quart, le huitième,<strong>les</strong> deux tiers, le tiers <strong>et</strong> le sixième.FIDH – ATFD – LTDH / p. 32


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002Article 93. — Les bénéficiaires de la moitié sont au nombre de cinq :1°) le mari, à la condition que l'épouse n'ait pas laissé de desc<strong>en</strong>dance tant masculine que féminine,2°) la fille, à la condition qu'elle soit unique desc<strong>en</strong>dante de son auteur qui n'a pas laissé avec elled'autres <strong>en</strong>fants du sexe masculin ou du sexe féminin,3°) la fille du fils, à la condition qu'elle soit unique desc<strong>en</strong>dante de son auteur qui n'a pas laissé avecelle d'autres <strong>en</strong>fants du sexe masculin ou du sexe féminin, ni de p<strong>et</strong>its-fils,4°) la sœur germaine, à la condition de l'inexist<strong>en</strong>ce du père ainsi que celle de desc<strong>en</strong>dants du défuntqu'ils soi<strong>en</strong>t du sexe masculin ou du sexe féminin, ainsi que celle de desc<strong>en</strong>dants du fils <strong>et</strong> celle dufrère germain,5°) la sœur consanguine, à la condition qu'elle soit l'unique desc<strong>en</strong>dante à l'exclusion de ceux cités àpropos de la sœur germaine ainsi qu'à celle du frère consanguin <strong>et</strong> de la sœur consanguine du défunt.Article 94. — Les bénéficiaires du quart sont au nombre de deux :1°) le mari, s'il y a avec lui des desc<strong>en</strong>dants pouvant avoir vocation à la succession de l'épouse,2°) l'épouse, si le mari défunt n'a pas laissé de desc<strong>en</strong>dants pouvant avoir vocation à sa succession.Article 95. — Le huitième est la quote-part de l'épouse si le mari défunt a laissé des desc<strong>en</strong>dantspouvant avoir vocation à sa succession.Article 96. — Les bénéficiaires des deux tiers sont au nombre de quatre :1°) <strong>les</strong> deux fil<strong>les</strong> ou plus du défunt, à la condition qu'el<strong>les</strong> soi<strong>en</strong>t seu<strong>les</strong> desc<strong>en</strong>dantes, leur auteurn'ayant pas laissé avec el<strong>les</strong> un fils,2°) <strong>les</strong> deux p<strong>et</strong>ites-fil<strong>les</strong> du fils, à la condition qu'el<strong>les</strong> soi<strong>en</strong>t seu<strong>les</strong> desc<strong>en</strong>dantes <strong>et</strong> que le défuntn'ait pas laissé de desc<strong>en</strong>dants du sexe masculin ou de sexe féminin ni un p<strong>et</strong>it-fils,3°) <strong>les</strong> deux sœurs germaines, à la condition qu'el<strong>les</strong> soi<strong>en</strong>t seu<strong>les</strong> desc<strong>en</strong>dantes du défunt qui n'alaissé avec el<strong>les</strong> ni père ni desc<strong>en</strong>dants du sexe masculin ou du sexe féminin ni un frère germain,4°) <strong>les</strong> deux sœurs consanguines, à la condition qu'el<strong>les</strong> soi<strong>en</strong>t seu<strong>les</strong> desc<strong>en</strong>dantes du défunt qui n'alaissé avec el<strong>les</strong> aucun de ceux déjà cités à propos des deux sœurs germaines, ni un frère utérin.Article 97. — Les bénéficiaires du tiers sont au nombre de trois :1°) la mère, à la condition qu'il n'y ait pas de desc<strong>en</strong>dants du défunt pouvant avoir vocation à lasuccession ni deux frères ou plus,2°) <strong>les</strong> frères <strong>et</strong> sœurs utérins, à la condition qu'ils soi<strong>en</strong>t plusieurs <strong>et</strong> qu'il n'y ait pas avec eux ni pèredu défunt ni desc<strong>en</strong>dants du sexe masculin ou du sexe féminin, ni desc<strong>en</strong>dants du fils,3°) le grand-père, s'il a comme cohéritiers, des frères du défunt <strong>et</strong> si le tiers constitue pour lui la part laplus forte.Article 98. — Le sixième est la quote-part des sept bénéficiaires suivants :1°) le père, à la condition que le défunt ait laissé des <strong>en</strong>fants ou des p<strong>et</strong>its-<strong>en</strong>fants du côté du fils qu'ilssoi<strong>en</strong>t du sexe masculin ou du sexe féminin,2°) la mère, à la condition de l'exist<strong>en</strong>ce avec elle d'<strong>en</strong>fants du défunt ou de p<strong>et</strong>its-fils du côté du filsou de deux frères ou plus v<strong>en</strong>ant effectivem<strong>en</strong>t à la succession ou couverts par d'autres héritiers,3°) la p<strong>et</strong>ite-fille (du côté du fils), à la condition qu'elle se trouve avec une seule fille du défunt <strong>et</strong> qu'iln'y ait pas un p<strong>et</strong>it-fils (du côté du fils) avec elle,4°) la sœur consanguine, à la condition qu'elle soit avec une seule sœur germaine du défunt <strong>et</strong> qu'iln'y ait pa,s avec elle de père ni de desc<strong>en</strong>dants du défunt, qu'ils soi<strong>en</strong>t de sexe masculin ou du sexeféminin, ni un frère consanguin,5°) le frère utérin, à la condition qu'il soit seul <strong>et</strong> la sœur utérine à la même condition <strong>et</strong> que le défuntn'ait pas laissé de père, de grand-père, d'<strong>en</strong>fants <strong>et</strong> de desc<strong>en</strong>dants de son fils, qu'ils soi<strong>en</strong>t du sexemasculin ou du sexe féminin,6°) la grand-mère, quand elle est seule, qu'elle soit maternelle ou paternelle. Si l'on se trouve <strong>en</strong>prés<strong>en</strong>ce de deux grands-mères, el<strong>les</strong> se partageront le sixième, à la condition qu'el<strong>les</strong> soi<strong>en</strong>t dumême degré ou que la grand-mère maternelle soit d'un degré plus éloigné, si, au contraire, la grandmèrematernelle est d'un degré plus proche, elle pr<strong>en</strong>dra le sixième à elle seule.7°) le grand-père, s'il y a des desc<strong>en</strong>dants du défunt ou des desc<strong>en</strong>dants du fils du défunt <strong>et</strong> à défautdu père du défunt.FIDH – ATFD – LTDH / p. 33


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002Chapitre IV. — Des modalités affectant <strong>les</strong> quotes-parts rev<strong>en</strong>ant auxréservataires <strong>en</strong> concurr<strong>en</strong>ce avec d'autres héritiersArticle 99. — Trois cas affectant la vocation héréditaire du père :1°) il intervi<strong>en</strong>t exclusivem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> sa qualité d'héritier réservataire avec sa quote-part du sixième,hormis sa qualité d'agnat, lorsqu'il vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> concours avec le fils du défunt <strong>et</strong> le p<strong>et</strong>it-fils de celui-ci àl'infini,2°) il intervi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> sa double qualité d'héritier réservataire <strong>et</strong> d'agnat quand il vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> concours avec lafille du défunt <strong>et</strong> la fille du fils à l'infini,3°) il intervi<strong>en</strong>t exclusivem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> sa qualité d'agnat <strong>en</strong> l'abs<strong>en</strong>ce de desc<strong>en</strong>dance du défunt <strong>et</strong> del'inexist<strong>en</strong>ce d'<strong>en</strong>fants du fils du défunt à l'infini.Article 100. — Trois cas se prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t pour <strong>les</strong> frères <strong>et</strong> sœurs utérins :1°) le sixième est attribué au frère utérin s'il est unique,2°) le tiers est attribué à deux frères utérins ou plus, qu'ils soi<strong>en</strong>t du sexe masculin ou de sexe féminin,à parts éga<strong>les</strong> <strong>en</strong>tre eux,3°) il y a déchéance de la qualité d'héritier <strong>en</strong> cas d'exist<strong>en</strong>ce d'un fils ou d'un p<strong>et</strong>it-fils, même s'il estd'un degré inférieur <strong>et</strong> <strong>en</strong> cas d'exist<strong>en</strong>ce d'une fille, d'une p<strong>et</strong>ite-fille (du côté du fils), même si elle estd'un degré inférieur <strong>et</strong> <strong>en</strong>fin, <strong>en</strong> cas d'exist<strong>en</strong>ce d'un père ou d'un grand-père.Article 102. — Deux cas se prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t pour le mari :1°) il a droit à la moitié <strong>en</strong> cas d'abs<strong>en</strong>ce de desc<strong>en</strong>dants de l'épouse <strong>et</strong> de desc<strong>en</strong>dants du fils, mêmes'ils sont d'un degré inférieur,2°) il a droit au quart <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce de desc<strong>en</strong>dants de l'épouse ou de desc<strong>en</strong>dants du fils, même s'ilssont d'un degré inférieur,Article 102. — Deux cas se prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t quand il y a une ou plusieurs épouses ;1°) le quart est attribué à une ou plusieurs épouses <strong>en</strong> cas d'abs<strong>en</strong>ce de desc<strong>en</strong>dants du mari ou dedesc<strong>en</strong>dants du fils, même s'ils sont d'un degré inférieur,2°) le huitième seulem<strong>en</strong>t leur est attribué à une ou plusieurs épouses <strong>en</strong> cas d'abs<strong>en</strong>ce dedesc<strong>en</strong>dants du mari ou de desc<strong>en</strong>dants du fils, même s'ils sont d'un degré inférieur,Article 103. — Trois cas se prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t pour <strong>les</strong> fil<strong>les</strong> :1°) la moitié est attribuée à la fille quand elle est fille unique,2°) <strong>les</strong> deux tiers sont attribués aux fil<strong>les</strong> quand el<strong>les</strong> sont plusieurs (soit 2 ou plus),3°) quand el<strong>les</strong> intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong> qualité d'héritières agnates de leurs frères. Dans ce cas, leurparticipation s'effectuera suivant le principe selon lequel l'héritier du sexe masculin a une part doublede celle attribuée à un héritier de sexe féminin.Article 104. — Les fil<strong>les</strong> du fils sont assimilées aux fil<strong>les</strong> du défunt <strong>et</strong> prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t six cas :1°) la moitié est attribuée à la p<strong>et</strong>ite-fille quand il s'agit d'une unique p<strong>et</strong>ite-fille,2°) <strong>les</strong> deux tiers sont attribués aux p<strong>et</strong>ites-fil<strong>les</strong> quand il s'agit de deux p<strong>et</strong>ites-fil<strong>les</strong> ou plus, àcondition qu'il y ait abs<strong>en</strong>ce de fil<strong>les</strong> du défunt,3°) le sixième leur est attribué <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce d'une fille unique du défunt, <strong>en</strong> vue de faire le complém<strong>en</strong>tdes deux tiers,4°) el<strong>les</strong> n'hériteront pas conjointem<strong>en</strong>t avec deux fil<strong>les</strong> ou plus du défunt, à moins qu'el<strong>les</strong> n'ai<strong>en</strong>tavec el<strong>les</strong> comme cohéritier un p<strong>et</strong>it-fils (du côté du fils) du sexe masculin v<strong>en</strong>ant au même degréqu'el<strong>les</strong>,5°) si ce dernier est d'un degré inférieur au leur, il intervi<strong>en</strong>dra au titre d'héritier agnat <strong>et</strong>, dans ce cas,el<strong>les</strong> hériteront conjointem<strong>en</strong>t avec lui du reste de la succession sur la base du principe selon lequell'héritier du sexe masculin a une part double de celle attribuée à un héritier du sexe féminin,6°) il y a déchéance de leur qualité d'héritières <strong>en</strong> raison de l'exist<strong>en</strong>ce du fils du défunt.Article 105. — Les sœurs germaines prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t cinq cas :1°) la moitié est attribuée quand il s'agit d'une sœur unique,2°) <strong>les</strong> deux tiers sont attribués quand il s'agit de deux sœurs germaines ou plus,3°) el<strong>les</strong> intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à titre d'héritières agnates, si el<strong>les</strong> sont agnatisées par le frère germain <strong>et</strong> par legrand-père <strong>et</strong> suivant le principe selon lequel l'héritier du sexe masculin a une part double de celleattribuée à un héritier du sexe féminin,4°) une fois <strong>en</strong> position d'agnate, la sœur germaine héritera du reste de la succession conjointem<strong>en</strong>tFIDH – ATFD – LTDH / p. 34


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002avec <strong>les</strong> fil<strong>les</strong> ou <strong>les</strong> p<strong>et</strong>ites-fil<strong>les</strong> (du côté du fils),5°) il y a déchéance de leurs droits à la succession <strong>en</strong> raison de la prés<strong>en</strong>ce du père, du fils, du p<strong>et</strong>itfils(du côté du fils), même s'il est d'un degré inférieur.Article 106. — Les sœurs consanguines prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t six cas :1°) la moitié est attribuée à la sœur quand elle est unique,2°) <strong>les</strong> deux tiers leur sont attribués quand il s'agit de deux sœurs consanguines ou plus <strong>et</strong> <strong>en</strong> casd'abs<strong>en</strong>ce de sœurs germaines,3°) le sixième leur est attribué <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce d'une unique sœur germaine,4°) el<strong>les</strong> hérit<strong>en</strong>t <strong>en</strong> qualité d'agnates <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce de deux sœurs germaines, si el<strong>les</strong> ont commecohéritier un frère consanguin. Le reste de la succession sera partagé <strong>en</strong>tre eux suivant le principeselon lequel l'héritier du sexe masculin a une part double de celle attribuée à l'héritier du sexe féminin,5°) el<strong>les</strong> hérit<strong>en</strong>t <strong>en</strong> qualité d'agnates <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce des fil<strong>les</strong> du défunt ou des fil<strong>les</strong> du fils,6°) il y a déchéance de leurs droits dans la succession, <strong>en</strong> raison de la prés<strong>en</strong>ce du père, du fils, dup<strong>et</strong>it-fils <strong>et</strong> de l'arrière p<strong>et</strong>it-fils, même s'il est d'un degré inférieur, du frère germain, de la sœurgermaine si celle-ci est héritière agnate conjointem<strong>en</strong>t avec <strong>les</strong> fil<strong>les</strong> ou avec <strong>les</strong> p<strong>et</strong>ites-fil<strong>les</strong> du fils ouavec <strong>les</strong> deux sœurs germaines quand el<strong>les</strong> n'ont pas avec el<strong>les</strong> un frère consanguin.Article 107. — La mère prés<strong>en</strong>te trois cas :1°) le sixième lui est attribué si le cujus a laissé un <strong>en</strong>fant ou un p<strong>et</strong>it-fils (du côté du fils), même s'il estd'un degré inférieur, ou si elle hérite conjointem<strong>en</strong>t avec deux sœurs ou plus, que cel<strong>les</strong>-ci soi<strong>en</strong>tgermaines ou consanguines ou utérines,2°) le tiers de la totalité du patrimoine lui est attribué <strong>en</strong> cas d'abs<strong>en</strong>ce des cohéritiers ci-dessus cités,3°) le tiers du reste de la succession lui est attribué après prélèvem<strong>en</strong>t de la quote-part de l'un desconjoints <strong>et</strong> celle-ci dans <strong>les</strong> deux cas suivants :a) si l'on se trouve <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce d'un mari <strong>et</strong> des père <strong>et</strong> mère,b) si l'on se trouve <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce d'une épouse <strong>et</strong> des père <strong>et</strong> mère.Si, au lieu du père, il y a un grand-père, la mère a droit au tiers de la succession après prélèvem<strong>en</strong>tde la quote-part de l'un des conjoints.Article 108. — Quand le grand-père est appelé à la succession, quatre cas peuv<strong>en</strong>t se prés<strong>en</strong>ter :1°) s'il a comme cohéritier un fils ou un p<strong>et</strong>it-fils (du côté du fils), même s'il est d'un degré inférieur, ilhéritera alors du sixième sans pouvoir prét<strong>en</strong>dre à plus,2°) s'il a comme cohéritiers des bénéficiaires de quotes-parts uniquem<strong>en</strong>t, il lui sera attribué avec euxle sixième. Si la succession laisse un reliquat, celui-ci sera recueilli par le grand-père <strong>en</strong> qualitéd'agnat,3°) s'il n'a comme cohéritiers que des frères du défunt, il aura le choix <strong>en</strong>tre le tiers de la successionou le partage de c<strong>et</strong>te dernière. Le tiers devi<strong>en</strong>dra obligatoire si le nombre des frères <strong>et</strong> sœurs estsupérieur à deux frères <strong>et</strong> quatre sœurs. Le partage devi<strong>en</strong>dra à son tour obligatoire <strong>et</strong> le grand-pèrepr<strong>en</strong>dra le rang d'un frère pour partager la succession avec eux suivant la règle de l'octroi à l'héritierdu sexe masculin d'une part double de celle attribuée à un héritier du sexe féminin, s'il s'agit d'un seulfrère <strong>et</strong> de trois sœurs,4°) s'il a comme cohéritiers des frères <strong>et</strong> des bénéficiaires de quotes-parts, il bénéficiera de lameilleure des trois proportions suivantes : il pr<strong>en</strong>dra, soit la totalité du sixième, soit le tiers du reste dela succession après prélèvem<strong>en</strong>t des quotes-parts des réservataires ou participera à un partage avec<strong>les</strong> frères.Article 109. — Si l'on se trouve <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce de frères germains <strong>et</strong> de frères consanguins ainsi qued'un grand-père, le frère germain fera t<strong>en</strong>ir compte, lors du partage, par le grand-père, de l'exist<strong>en</strong>cedes frères consanguins ou il pr<strong>en</strong>dra possession de la part rev<strong>en</strong>ant à ces derniers pour la fairesi<strong>en</strong>ne.Article 110. — Si l'on se trouve <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce d'un grand-père, d'une seule sœur germaine <strong>et</strong> d'unesœur consanguine, la sœur germaine fera t<strong>en</strong>ir compte de l'exist<strong>en</strong>ce de la sœur consanguine <strong>et</strong> ainsile grand-père recueillera la moitié de la succession, la deuxième moitié revi<strong>en</strong>dra à la sœur germaine<strong>et</strong> la sœur consanguine n'aura aucun droit.Si, au contraire, le grand-père <strong>et</strong> l'unique sœur germaine ont, comme cohéritiers, deux ou trois sœursconsanguines, ces dernières recueilleront le reste de la succession, après qu'il ait été t<strong>en</strong>u compte dugrand-père, de l'<strong>en</strong>semble des sœurs dans le partage <strong>et</strong> que la sœur germaine ait prélevé la moitié dela succession.FIDH – ATFD – LTDH / p. 35


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002Article 111. — La grand-mère aura le sixième, qu'elle soit maternelle ou paternelle, seule ou avecd'autres grands-mères, à la condition que ces dernières soi<strong>en</strong>t d'un même degré ou que la grandmèrepaternelle soit d'un degré plus proche comme, par exemple, la mère du père ou la mère de lamère, ou la mère du père du père. Dans ce cas, pr<strong>en</strong>dra à elle seule le sixième, la grand-mèrematernelle. La grand-mère paternelle n'héritera pas si le père est vivant.Ne pourront pas avoir vocation à la succession si la mère est vivante, ni la grand-mère maternelle ni lagrand-mère paternelle.Article 112. — Si <strong>les</strong> parts des héritiers réservataires sont supérieures à la succession, celle-ci estpartagée <strong>en</strong>tre eux proportionnellem<strong>en</strong>t à leurs parts respectives.Article 117. — En cas d'égalité dans la classe <strong>et</strong> de différ<strong>en</strong>ce dans le degré, l'héritier du degré le plusrapproché est placé avant celui du degré le plus éloigné.Article 118. — En cas d'égalité dans la classe <strong>et</strong> le degré <strong>et</strong> lorsque la par<strong>en</strong>té est plus ou moinsproche, le li<strong>en</strong> de par<strong>en</strong>té le plus fort l'emporte sur celui le plus faible.Article 119. — L'agnate par suite de la prés<strong>en</strong>ce d'autres héritiers est toute femme qui devi<strong>en</strong>t agnatepar concours avec un homme : la fille, la p<strong>et</strong>ite fille du côté du fils, la sœur germaine <strong>et</strong> la sœurconsanguine.La fille est agnatisée par son frère. Elle héritera conjointem<strong>en</strong>t avec lui, soit de la totalité de la massesuccessorale, soit du reliquat, suivant la règle de l'attribution à l'héritier masculin d'une part double decelle rev<strong>en</strong>ant aux <strong>femmes</strong>. La p<strong>et</strong>ite-fille du côté du fils est agnatisée par son frère ainsi que par soncousin germain du même degré qu'elle, sans condition. Elle est égalem<strong>en</strong>t agnatisée par le p<strong>et</strong>it-filsd'un degré inférieur au si<strong>en</strong> à la condition qu'elle n'ait pas vocation aux deux tiers.La sœur germaine ou la sœur consanguine sont agnatisées par leur frère <strong>et</strong> leur grand-père quioccupera, dans l'héritage, le même rang que celui de leur frère.Article 120. — Toute femme, n'ayant pas droit à une part successorale <strong>et</strong> dont le frère est agnat, nepourra dev<strong>en</strong>ir, <strong>en</strong> aucun cas, elle-même agnate <strong>en</strong> raison de la prés<strong>en</strong>ce de son frère. Il <strong>en</strong> est ainsi,par exemple, de l'oncle paternel avec la tante paternelle, du cousin paternel avec la cousine paternelle<strong>et</strong> du neveu du côté du frère avec la nièce du même côté.La succession est dévolue à l'agnat <strong>et</strong> la sœur n'y aura aucun droit.Article 121. — L'agnate avec autrui <strong>et</strong> toute femme qui devi<strong>en</strong>dra héritière universelle conjointem<strong>en</strong>tavec une autre :a) la sœur germaine avec une ou plusieurs fil<strong>les</strong> ou avec une ou plusieurs p<strong>et</strong>ites-fil<strong>les</strong> du côté du fils,b) la sœur consanguine avec une ou plusieurs fil<strong>les</strong> ou avec une ou plusieurs p<strong>et</strong>ites-fil<strong>les</strong> du côté dufils.Chapitre VI. — De l'éviction <strong>en</strong> matière successorale " hajb "Article 122. — L'éviction <strong>en</strong> matière successorale "Hajb" consiste à évincer totalem<strong>en</strong>t oupartiellem<strong>en</strong>t un héritier de l'héritage. Elle est de deux espèces :1°) éviction par réduction qui consiste à réduire la part d'héritage <strong>en</strong> la ram<strong>en</strong>ant à une part inférieure,2°) éviction totale de l'héritage.Article 123. — L'éviction totale ne pourra être invoquée <strong>contre</strong> six rangs d'héritiers : le père, la mère, lafille, le fils, le mari <strong>et</strong> l'épouse.L'éviction par réduction pourra atteindre <strong>les</strong> deux conjoints, <strong>les</strong> père <strong>et</strong> mère, le grand-père, la p<strong>et</strong>itefilledu côté du fils, la sœur germaine, la sœur consanguine.Article 124. — Ceux qui peuv<strong>en</strong>t prét<strong>en</strong>dre à l'éviction par réduction sont au nombre de six : le fils, lep<strong>et</strong>it-fils, la fille, la p<strong>et</strong>ite-fille du côté du fils, <strong>les</strong> frères sans distinction <strong>et</strong> la sœur germaine.Article 125. — Le fils <strong>et</strong> le p<strong>et</strong>it-fils couvr<strong>en</strong>t, chacun d'eux : le mari, <strong>en</strong> réduisant sa part dansl'héritage qui passera de la moitié au quart, l'épouse, <strong>en</strong> ram<strong>en</strong>ant sa part du quart au huitième, lamère dont la part passera du tiers au sixième, <strong>et</strong> <strong>en</strong>fin le père ou le grand-père qui, perdant leur partd'agnat, n'obti<strong>en</strong>dront ainsi que le sixième de l'héritage.Article 126. — La fille unique couvre la p<strong>et</strong>ite-fille du côté du fils <strong>en</strong> ram<strong>en</strong>ant la part de c<strong>et</strong>te dernièrede la moitié au sixième. S'il s'agit de deux p<strong>et</strong>ites fil<strong>les</strong>, leur part sera ram<strong>en</strong>ée des deux tiers ausixième. Il <strong>en</strong> est de même pour la sœur germaine ou la sœur consanguine, dont la part sera duneFIDH – ATFD – LTDH / p. 36


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002agnate au lieu de la moitié. Égalem<strong>en</strong>t pour ce qui concerne <strong>les</strong> deux sœurs germaines ouconsanguines qui pr<strong>en</strong>dront rang d'agnates au lieu des deux tiers. La part du mari sera égalem<strong>en</strong>tram<strong>en</strong>ée de la moitié au quart. La part de l'épouse sera ram<strong>en</strong>ée du quart au huitième. La part de lamère sera ram<strong>en</strong>ée du tiers au sixième, le père <strong>et</strong> le grand-père, perdant leur qualité d'agnat,bénéficieront du sixième <strong>et</strong> recueilleront au titre d'agnats le reste de la succession, s'il existe.Article 127. — La p<strong>et</strong>ite-fille du côté du fils couvre <strong>les</strong> p<strong>et</strong>ites-fil<strong>les</strong> du côté du fils d'un degré inférieur<strong>en</strong> <strong>les</strong> agnatisant relativem<strong>en</strong>t à la succession d'un frère ou d'un cousin paternel du même degréqu'elle, de sorte que, s'il s'agit d'une seule p<strong>et</strong>ite-fille, la part de celle-ci passera de la moitié ausixième. Mais s'il s'agit de deux p<strong>et</strong>ites-fil<strong>les</strong>, la part de cel<strong>les</strong>-ci sera ram<strong>en</strong>ée des deux tiers ausixième. Elle couvrira égalem<strong>en</strong>t la sœur germaine ou consanguine <strong>en</strong> ram<strong>en</strong>ant sa part de la moitié àune part d'agnate. Elle couvrira égalem<strong>en</strong>t <strong>les</strong> deux sœurs germaines ou consanguines <strong>en</strong> <strong>les</strong> faisantpasser au rang d'agnates alors qu'el<strong>les</strong> aurai<strong>en</strong>t pu prét<strong>en</strong>dre aux deux tiers. Il <strong>en</strong> est de même pourle mari dont la part passera de la moitié au quart, de l'épouse dont la part sera ram<strong>en</strong>ée du quart auhuitième, de la mère dont la part passera du tiers au sixième, <strong>et</strong> <strong>en</strong>fin du père <strong>et</strong> du grand-père dont lapart agnatique passera au sixième <strong>et</strong> recueilleront au titre d'agnats le reste de la succession, s'il y <strong>en</strong>a.Les frères <strong>et</strong> sœurs, quel<strong>les</strong> que soi<strong>en</strong>t leurs prét<strong>en</strong>tions, qu'ils soi<strong>en</strong>t héritiers ou couverts par autrui,couvr<strong>en</strong>t, à leur tour, la mère <strong>en</strong> ram<strong>en</strong>ant sa part du tiers au sixième.L e g i s n e t v r. 1 .3 0, f. i d 58790Article 128. — La sœur germaine couvre la sœur consanguine <strong>en</strong> ram<strong>en</strong>ant la part de celle-ci de lamoitié au sixième, à moins qu'elle n'ait, comme héritier, un frère consanguin, par lequel elle seraitagnatisée. Il <strong>en</strong> est de même pour deux sœurs consanguines dont la part sera ram<strong>en</strong>ée des deuxtiers au sixième, à moins qu'el<strong>les</strong> n'ai<strong>en</strong>t, comme cohéritier, un frère consanguin.Article 129. — Les personnes couvrant <strong>en</strong> totalité d'autres héritiers sont au nombre de seize : le fils,<strong>les</strong> desc<strong>en</strong>dants du sexe masculin de celui-ci, même s'ils sont d'un degré inférieur, la fille, la p<strong>et</strong>ite-filledu côté du fils, le frère germain, le frère consanguin, le neveu germain, le neveu consanguin, l'onclepaternel germain, le cousin paternel germain, la fille ou la p<strong>et</strong>ite-fille du côté du fils avec la sœurgermaine, <strong>les</strong> deux sœurs germaines, le père ; le grand-père, la mère <strong>et</strong> la grand-mère maternelle.Article 130. — Ne pourront hériter avec le fils ou <strong>les</strong> desc<strong>en</strong>dants du fils, même s'ils sont d'un degréinférieur, ni <strong>les</strong> <strong>en</strong>fants du fils des deux sexes, ni <strong>les</strong> frères qu'ils soi<strong>en</strong>t germains ou consanguins ouutérins, ni <strong>les</strong> onc<strong>les</strong> paternels qu'ils soi<strong>en</strong>t germains ou consanguins.Article 131. — Ne pourront avoir vocation à l'héritage <strong>en</strong> même temps que la fille ou la p<strong>et</strong>ite-fille ducôté du fils, le ou <strong>les</strong> frères ou sœurs utérins. N'hériteront pas égalem<strong>en</strong>t avec <strong>les</strong> deux fil<strong>les</strong>, le frèreutérin, ni la ou <strong>les</strong> p<strong>et</strong>ites-fil<strong>les</strong> du côté du fils, si el<strong>les</strong> ne sont agnatisées par un frère ou un cousinpaternel du même degré qu'el<strong>les</strong> pour pouvoir prét<strong>en</strong>dre au reste de la succession à titre d'agnates, <strong>et</strong>suivant la règle attribuant à l'héritier du sexe masculin le double de la part d'une femme. Il <strong>en</strong> est demême pour <strong>les</strong> deux p<strong>et</strong>ites-fil<strong>les</strong> du côté du fils, par rapport aux desc<strong>en</strong>dants du sexe féminin d'undegré inférieur au leur <strong>et</strong> prov<strong>en</strong>ant du côté du p<strong>et</strong>it-fils.Article 132. — Ne pourront hériter, <strong>en</strong> même temps que le frère germain, le ou <strong>les</strong> frères consanguins,ni l'oncle paternel qu'il soit germain ou consanguin. Quant au frère utérin, il ne pourra <strong>en</strong> aucun casêtre couvert par le frère germain.Article 133. — Ne pourront hériter conjointem<strong>en</strong>t avec le frère consanguin, ni l'oncle paternel, qu'il soitgermain ou consanguin, ni <strong>les</strong> <strong>en</strong>fants du frère, même si ce dernier est germain.Article 134. — Ne pourront hériter, conjointem<strong>en</strong>t avec le fils du frère germain, ni l'oncle paternel,même s'il est germain, ni l'<strong>en</strong>fant du frère consanguin, ni ceux qui lui sont d'un degré inférieur tels que<strong>les</strong> desc<strong>en</strong>dants des <strong>en</strong>fants du frère.Article 135. — Ne pourront hériter, conjointem<strong>en</strong>t avec le fils du frère consanguin, ni l'oncle paternel,même s'il est germain, ni ceux qui lui sont d'un degré inférieur tels que <strong>les</strong> desc<strong>en</strong>dants du frère,même si ce dernier est germain.Article 136. — Ne pourront hériter, conjointem<strong>en</strong>t avec l'oncle paternel germain, ni l'oncle paternelconsanguin, ni ceux qui lui sont d'un degré inférieur tels que <strong>les</strong> desc<strong>en</strong>dants de l'oncle, même si cedernier est germain ou consanguin.FIDH – ATFD – LTDH / p. 37


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002Article 137. — Ne pourront hériter, conjointem<strong>en</strong>t avec le cousin paternel germain, ni le cousinpaternel consanguin, ni ceux qui lui sont d'un degré inférieur tels que <strong>les</strong> desc<strong>en</strong>dants de l'onclegermain ou consanguin.Article 138. — Ne pourront hériter, conjointem<strong>en</strong>t avec la fille ou la sœur germaine ou la p<strong>et</strong>ite-fille ducôté du fils <strong>et</strong> la sœur germaine, le ou <strong>les</strong> frères consanguins.Article 139. — N'héritera pas, conjointem<strong>en</strong>t avec <strong>les</strong> deux sœurs germaines, la sœur consanguine, sielle n'est pas agnatisée par un frère.Article 140. — N'hériteront pas, conjointem<strong>en</strong>t avec le père, ni le grand-père, ni la grand-mèrepaternelle, ni l'oncle paternel, ni le frère.Article 141. — N'hériteront pas, conjointem<strong>en</strong>t avec le grand-père, ni <strong>les</strong> aïeux d'un degré supérieur àcelui de ce dernier, ni <strong>les</strong> frères utérins, ni l'oncle paternel, ni <strong>les</strong> neveux du côté du frère.Article 142. — N'hériteront pas, conjointem<strong>en</strong>t avec la mère, ni la grand-mère maternelle, ni la grandmèrepaternelle.Article 143. — N'héritera pas, conjointem<strong>en</strong>t avec la grand-mère maternelle, la grand-mère paternelle,si elle est d'un degré plus éloigné que c<strong>et</strong>te dernière.Article 143 bis. — En l'abs<strong>en</strong>ce d'héritiers agnats (Aceb), <strong>et</strong> chaque fois que la succession n'est pas<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t absorbée par <strong>les</strong> héritiers réservataires (Fardh), le reste fait r<strong>et</strong>our à ces derniers <strong>et</strong> estréparti <strong>en</strong>tre eux proportionnellem<strong>en</strong>t à leurs quotes-parts.La fille ou <strong>les</strong> fil<strong>les</strong>, la p<strong>et</strong>ite-fille de la lignée paternelle à l'infini bénéfici<strong>en</strong>t du r<strong>et</strong>our du surplus, même<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce d'héritiers " Aceb " par eux-mêmes, de la catégorie des frères, des onc<strong>les</strong> paternels <strong>et</strong>leurs desc<strong>en</strong>dants, ainsi que du trésor.L eFIDH – ATFD – LTDH / p. 38


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002FIDH – ATFD – LTDH / p. 39


<strong>Discriminations</strong> <strong>et</strong> <strong>viol<strong>en</strong>ces</strong> <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>en</strong> <strong>Tunisie</strong> – Juin 2002Fédération internationaledes ligues des droits del’HommeLigueTunisi<strong>en</strong>ne desdroits del’HommeAssociationTunisi<strong>en</strong>ne desFemmesDémocratesLa FIDH a été créée <strong>en</strong> 1922 à Paris, avec obj<strong>et</strong> de diffuser <strong>et</strong> de promouvoir l'idéal desdroits de l’Homme, de lutter <strong>contre</strong> leur violation, <strong>et</strong> d'exiger leur respect. Elle regroupe c<strong>en</strong>tquinze affiliées nationa<strong>les</strong> dans le monde <strong>en</strong>tier.La FIDH agit quotidi<strong>en</strong>nem<strong>en</strong>t au sein des organisations intergouvernem<strong>en</strong>ta<strong>les</strong>.Pour s’adapter aux besoins spécifiques de ses part<strong>en</strong>aires locaux, la FIDH a mis au point desprogrammes de coopération juridique <strong>et</strong> judiciaire sur le terrain. Ces programmes perm<strong>et</strong>t<strong>en</strong>tde consolider la société civile des Etats <strong>en</strong> voie de démocratisation.Témoigner, alerter - L’<strong>en</strong>voi d’observateurs judiciaires à des procès politiques, la réalisationde solides <strong>en</strong>quêtes sur le terrain perm<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t une dénonciation concrète <strong>et</strong> précise desviolations des droits de l’Homme devant l’opinion publique internationale.Informer, dénoncer, protéger - Saisie de cas de violations multip<strong>les</strong> des libertés fondam<strong>en</strong>ta<strong>les</strong>à travers le monde, la FIDH réagit instantaném<strong>en</strong>t auprès des Etats concernés. Elle mobilise àc<strong>et</strong>te fin ses associations membres, <strong>les</strong> institutions internationa<strong>les</strong> <strong>et</strong> régiona<strong>les</strong>, <strong>les</strong> médias, <strong>et</strong>à travers eux l’opinion publique internationale.17, passage de la Main d’Or - 75011 Paris, FranceTel. +33 1 43 55 25 18 / Fax. +33 143 55 18 80 - e-mail. fidh@fidh.org / www.fidh.orgLa LTDH – Ligue Tunisi<strong>en</strong>ne des droits de l'Homme, Créée <strong>en</strong> 1976, la Ligue tunisi<strong>en</strong>nepour la déf<strong>en</strong>se des droits de l'Homme est la doy<strong>en</strong>ne des organisations de déf<strong>en</strong>se des droitsde l'Homme de la région. Elle s'efforce de diffuser la culture <strong>et</strong> <strong>les</strong> valeurs des droits humains<strong>et</strong> de déf<strong>en</strong>dre <strong>les</strong> libertés fondam<strong>en</strong>ta<strong>les</strong> <strong>et</strong> la dignité des citoy<strong>en</strong>s sur la base du système deréfér<strong>en</strong>ces défini par <strong>les</strong> pactes internationaux relatifs aux droits humains. Malgré desrelations diffici<strong>les</strong> avec <strong>les</strong> autorités tunisi<strong>en</strong>nes depuis plusieurs années, la LTDH estparv<strong>en</strong>u à publier un rapport annuel pour 2001, 8 ans après la publication de son premierrapport annuel.7 rue Pierre Curie - Tunis 1000tel/fax: 00 216 71 33 63 38ATFD - Association Tunisi<strong>en</strong>ne des Femmes Démocrates, est une association féministemilitant pour “ L’élimination de toutes <strong>les</strong> formes de discrimination à l’égard des <strong>femmes</strong> ”.S<strong>en</strong>sible à la question de la viol<strong>en</strong>ce <strong>contre</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong>, elle a <strong>en</strong> 1991, soit deux années aprèssa reconnaissance officielle, diffusé par voie d’affichage un numéro d’appel incitant <strong>les</strong><strong>femmes</strong> victimes de viol<strong>en</strong>ce à s’adresser à la perman<strong>en</strong>ce d’écoute <strong>et</strong> d’ori<strong>en</strong>tation juridique,psychologique <strong>et</strong> médicale qu’elle assurait dans son local. L’afflux <strong>et</strong> <strong>les</strong> sollicitations des<strong>femmes</strong> ont vite débordé <strong>les</strong> capacités limitées de l’association <strong>et</strong>, <strong>en</strong> 1993, s’est imposé lanécessité de la reconversion de la perman<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> un C<strong>en</strong>tre d’Ecoute <strong>et</strong> d’Ori<strong>en</strong>tation desFemmes Victimes de la Viol<strong>en</strong>ce.6 rue du Liban - Tunis 1000Tel. 216 71 794 131 / Fax. 216 71 799 225FIDH – ATFD – LTDH / p. 40

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