À LA MÉMOIRE <strong>de</strong> ceux qui sont tombés pour la défense <strong>de</strong> <strong>Fraize</strong> – AOUT - SEPTEMBRE 1914 – Officiers, Sous-officiers, Caporaux et Soldats <strong>de</strong>s 23 e , 52 e , 75 e , 133 e , 140 e , 152 e , 158 e R. I. 5 e Bataillon <strong>de</strong> Chasseurs à pied 7 e , 11 e , 13 e , 22 e , 28 e , 30 e Bataillons <strong>de</strong> Chasseurs Alpins – 4 e R. A. C. - 1 er R. A. M. – 4 e et 11 e Chasseurs à cheval - 26 e Dragons
PRÉFACE Si nous avons <strong>de</strong>mandé à M. le <strong>Curé</strong>-Doyen <strong>de</strong> <strong>Fraize</strong> <strong>de</strong> nous permettre d'éditer les pages que, d'une plume si documentée, il rédigea en son Bulletin paroissial, c'est qu'elles renferment <strong>de</strong> tels souvenirs qu'il n'est pas possible <strong>de</strong> les laisser périr sans manquer <strong>de</strong> gratitu<strong>de</strong> envers nos Morts. De plus, ce ne sont pas seulement les habitants <strong>de</strong> <strong>Fraize</strong> qui doivent recueillir ces « reliques sacrée », mais tous ceux <strong>de</strong>s Vosges et d'Alsace qui vécurent, en nos régions, ces heures tragiques où l'ennemi, menaçant d'enveloppement nos Armées, après s'être rué en vain vers la Trouée <strong>de</strong> Charmes, puis plus à l'est, sur la Mortagne, se glissait finalement le long <strong>de</strong>s Vosges pour se heurter à l'héroïsme indomptable <strong>de</strong> ceux qui, dans les combats « <strong>autour</strong> <strong>de</strong> <strong>Fraize</strong> », permirent aux soldats <strong>de</strong> Joffre la Victoire <strong>de</strong> la Marne. Quelle poignante épopée ! Que <strong>de</strong> traits sublimes ! Comment ne point gar<strong>de</strong>r pieusement tous ces souvenirs ! Sur les tombes voisines du Col <strong>de</strong> la Chipotte, notre compatriote, M, Louis Ma<strong>de</strong>lin, <strong>de</strong> l'Académie Française, proclamait naguère que « ces souvenirs ne sont pas seulement notre bien le plus précieux, ils constituent une force incomparable. » Mais tout ce passage est à méditer. Il dit pourquoi s'éditent <strong>de</strong>s recueils comme celui que nous présentons aujourd'hui, en esprit <strong>de</strong> « fidélité » à nos grands Morts. Relisons ensemble : « Plus que jamais, disait M. Ma<strong>de</strong>lin, cette fidélité doit s'affirmer, parce qu'elle n'est pas seulement aujourd'hui un hommage <strong>de</strong> pieuse gratitu<strong>de</strong>, elle est un acte <strong>de</strong> résistance à l'oubli qui tente <strong>de</strong> s'instituer. « Qui nous eût dit, au len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong> Guerre, qu'on dût, un jour, s'appliquer à réveiller le souvenir ? Chacun eût juré que nul n'oublierait jamais. Mais parce qu'une gran<strong>de</strong> vague <strong>de</strong> plaisir a succédé trop vite à la gran<strong>de</strong> vague d'héroïsme qui, en 1914, avait soulevé ce pays, parce que le souci <strong>de</strong> satisfaire aux exigences du plaisir par la recherche <strong>de</strong> l'argent a aliéné ou perverti bien <strong>de</strong>s cœurs, parce que ceux qui, <strong>de</strong> 1914 à 1918, s'étaient dérobés à leur <strong>de</strong>voir, après quelques année, <strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nt silence, ont repris <strong>de</strong> l'audace, il a paru à certaines gens qu'il <strong>de</strong>venait importun <strong>de</strong> rappeler et les gloires, et les <strong>de</strong>uils. Gloires et <strong>de</strong>uils étaient gênants : le souvenir <strong>de</strong>s morts troublait la gran<strong>de</strong> débauche <strong>de</strong> volupté et, par ailleurs, se dressait comme un cruel reproche <strong>de</strong>vant ceux qui n'avaient pas su mériter <strong>de</strong> la Patrie. <strong>La</strong> politique s'en est mêlée. Il fallait, pour ai<strong>de</strong>r au rapprochement - je le déclare ici très sincèrement - nécessaire - <strong>de</strong>s peuples, savoir lui sacrifier, disait-on, avec les souvenirs <strong>de</strong> la gloire, les rappels <strong>de</strong> la mort. « Ah ! Messieurs, nul en France ne songe, un instant, à perpétuer les haines, parce que jamais la haine n'a été fécon<strong>de</strong>. Oui, nous aspirons tous à ce que la <strong>guerre</strong> que nous avons vécue soit la <strong>de</strong>rnière et, pour ce, à ne point laisser s'éterniser les conflits. Vainqueurs, nous pouvions faire le sacrifice <strong>de</strong>s rancunes légitimes soulevées par <strong>de</strong>s crimes que le Mon<strong>de</strong> entier a flétris. Oui, nous avons toujours été prêts, nous sommes plus disposés que jamais à sacrifier nos rancunes. Mais <strong>de</strong>vons nous sacrifier nos souvenirs et si nous renonçons à la haine contre nos ennemis d'hier, <strong>de</strong>vons-nous renoncer à l'amour que nous gardons à leurs victimes ? « Disons-le nous, et disons-le bien haut : ces souvenirs ne sont pas seulement notre bien le plus précieux, ils constituent une force incomparable. Nous voulons entretenir ou créer <strong>de</strong>s amitiés au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> nos frontières ; nous avons raison. Mais on ne recherche l'amitié que <strong>de</strong> ceux qu'on respecte et loin d'obtenir ce respect, nous tomberions dans le mépris <strong>de</strong>s peuples si, un jour, on pouvait dire <strong>de</strong> nous que, répudiant nos gloires, nous avons oublié nos <strong>de</strong>uils. » ……………………………. C'est parce que nous ne voulons pas « oublier nos <strong>de</strong>uils » que nous offrons aux compatriotes, parents et amis <strong>de</strong>s Combattants <strong>de</strong> la Behouille et du Col <strong>de</strong>s Journaux, ces pages du Souvenir. Elles diront aux enfants <strong>de</strong> la Savoie, <strong>de</strong> l'Isère et du Rhône, que leurs « frères » qui, sur nos crêtes, ont victorieusement défendu la Patrie pour laquelle, si nombreux, ils sont morts, sont pieusement gardés, à <strong>de</strong>ux pas <strong>de</strong> l'Alsace, en notre terre <strong>de</strong> Lorraine, toujours fidèle. André le LORRIN.