Curé Léon Petitjean - La guerre autour de Fraize (.pdf) - La Costelle
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PRÉFACE<br />
Si nous avons <strong>de</strong>mandé à M. le <strong>Curé</strong>-Doyen <strong>de</strong> <strong>Fraize</strong> <strong>de</strong> nous permettre d'éditer les pages que,<br />
d'une plume si documentée, il rédigea en son Bulletin paroissial, c'est qu'elles renferment <strong>de</strong> tels souvenirs<br />
qu'il n'est pas possible <strong>de</strong> les laisser périr sans manquer <strong>de</strong> gratitu<strong>de</strong> envers nos Morts. De plus, ce ne sont<br />
pas seulement les habitants <strong>de</strong> <strong>Fraize</strong> qui doivent recueillir ces « reliques sacrée », mais tous ceux <strong>de</strong>s<br />
Vosges et d'Alsace qui vécurent, en nos régions, ces heures tragiques où l'ennemi, menaçant<br />
d'enveloppement nos Armées, après s'être rué en vain vers la Trouée <strong>de</strong> Charmes, puis plus à l'est, sur la<br />
Mortagne, se glissait finalement le long <strong>de</strong>s Vosges pour se heurter à l'héroïsme indomptable <strong>de</strong> ceux qui,<br />
dans les combats « <strong>autour</strong> <strong>de</strong> <strong>Fraize</strong> », permirent aux soldats <strong>de</strong> Joffre la Victoire <strong>de</strong> la Marne.<br />
Quelle poignante épopée ! Que <strong>de</strong> traits sublimes ! Comment ne point gar<strong>de</strong>r pieusement tous ces<br />
souvenirs !<br />
Sur les tombes voisines du Col <strong>de</strong> la Chipotte, notre compatriote, M, Louis Ma<strong>de</strong>lin, <strong>de</strong> l'Académie<br />
Française, proclamait naguère que « ces souvenirs ne sont pas seulement notre bien le plus précieux, ils<br />
constituent une force incomparable. » Mais tout ce passage est à méditer. Il dit pourquoi s'éditent <strong>de</strong>s<br />
recueils comme celui que nous présentons aujourd'hui, en esprit <strong>de</strong> « fidélité » à nos grands Morts.<br />
Relisons ensemble :<br />
« Plus que jamais, disait M. Ma<strong>de</strong>lin, cette fidélité doit s'affirmer, parce qu'elle n'est pas seulement<br />
aujourd'hui un hommage <strong>de</strong> pieuse gratitu<strong>de</strong>, elle est un acte <strong>de</strong> résistance à l'oubli qui tente <strong>de</strong> s'instituer.<br />
« Qui nous eût dit, au len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong> Guerre, qu'on dût, un jour, s'appliquer à réveiller le<br />
souvenir ? Chacun eût juré que nul n'oublierait jamais. Mais parce qu'une gran<strong>de</strong> vague <strong>de</strong> plaisir a succédé<br />
trop vite à la gran<strong>de</strong> vague d'héroïsme qui, en 1914, avait soulevé ce pays, parce que le souci <strong>de</strong> satisfaire<br />
aux exigences du plaisir par la recherche <strong>de</strong> l'argent a aliéné ou perverti bien <strong>de</strong>s cœurs, parce que ceux qui,<br />
<strong>de</strong> 1914 à 1918, s'étaient dérobés à leur <strong>de</strong>voir, après quelques année, <strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nt silence, ont repris <strong>de</strong><br />
l'audace, il a paru à certaines gens qu'il <strong>de</strong>venait importun <strong>de</strong> rappeler et les gloires, et les <strong>de</strong>uils. Gloires et<br />
<strong>de</strong>uils étaient gênants : le souvenir <strong>de</strong>s morts troublait la gran<strong>de</strong> débauche <strong>de</strong> volupté et, par ailleurs, se<br />
dressait comme un cruel reproche <strong>de</strong>vant ceux qui n'avaient pas su mériter <strong>de</strong> la Patrie. <strong>La</strong> politique s'en<br />
est mêlée. Il fallait, pour ai<strong>de</strong>r au rapprochement - je le déclare ici très sincèrement - nécessaire - <strong>de</strong>s<br />
peuples, savoir lui sacrifier, disait-on, avec les souvenirs <strong>de</strong> la gloire, les rappels <strong>de</strong> la mort.<br />
« Ah ! Messieurs, nul en France ne songe, un instant, à perpétuer les haines, parce que jamais la haine<br />
n'a été fécon<strong>de</strong>. Oui, nous aspirons tous à ce que la <strong>guerre</strong> que nous avons vécue soit la <strong>de</strong>rnière et, pour<br />
ce, à ne point laisser s'éterniser les conflits. Vainqueurs, nous pouvions faire le sacrifice <strong>de</strong>s rancunes<br />
légitimes soulevées par <strong>de</strong>s crimes que le Mon<strong>de</strong> entier a flétris. Oui, nous avons toujours été prêts, nous<br />
sommes plus disposés que jamais à sacrifier nos rancunes. Mais <strong>de</strong>vons nous sacrifier nos souvenirs et si<br />
nous renonçons à la haine contre nos ennemis d'hier, <strong>de</strong>vons-nous renoncer à l'amour que nous gardons à<br />
leurs victimes ?<br />
« Disons-le nous, et disons-le bien haut : ces souvenirs ne sont pas seulement notre bien le plus<br />
précieux, ils constituent une force incomparable. Nous voulons entretenir ou créer <strong>de</strong>s amitiés au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong><br />
nos frontières ; nous avons raison. Mais on ne recherche l'amitié que <strong>de</strong> ceux qu'on respecte et loin<br />
d'obtenir ce respect, nous tomberions dans le mépris <strong>de</strong>s peuples si, un jour, on pouvait dire <strong>de</strong> nous que,<br />
répudiant nos gloires, nous avons oublié nos <strong>de</strong>uils. »<br />
…………………………….<br />
C'est parce que nous ne voulons pas « oublier nos <strong>de</strong>uils » que nous offrons aux compatriotes,<br />
parents et amis <strong>de</strong>s Combattants <strong>de</strong> la Behouille et du Col <strong>de</strong>s Journaux, ces pages du Souvenir. Elles<br />
diront aux enfants <strong>de</strong> la Savoie, <strong>de</strong> l'Isère et du Rhône, que leurs « frères » qui, sur nos crêtes, ont<br />
victorieusement défendu la Patrie pour laquelle, si nombreux, ils sont morts, sont pieusement gardés, à<br />
<strong>de</strong>ux pas <strong>de</strong> l'Alsace, en notre terre <strong>de</strong> Lorraine, toujours fidèle.<br />
André le LORRIN.