PIPPO DELBONO | PATRICK LAVAUD JAZZ EN LIBERTÉ ... - Spirit
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3 2 recHercHe action / <strong>Spirit</strong>#73 / juiL-août 2011<br />
Braconnage à l’italienne<br />
Associer « les arts de combiner et d’utiliser », comme le concevait Michel de Certeau, est une pensée<br />
à l’œuvre dans les chantiers d’Evento 2011. Comment construire ou créer des systèmes que<br />
peuvent se réapproprier les habitants ? La direction artistique a choisi d’activer des chantiers de<br />
juillet à octobre. L’un est « fixe », celui des « savoirs partagés », reliant Saint-Michel/Capucins/<br />
Victoire/Grand Parc. L’autre, « mobile », avec un voyage de quatre mois dans différents lieux de<br />
l’agglomération bordelaise. Rencontre avec leurs commissaires : Gabi Farage et Éric Troussicot.<br />
Comment êtes-vous arrivés à Evento ?<br />
gabi farage : La direction artistique a souhaité<br />
compter avec des personnes ayant une relative<br />
expertise et une certaine connaissance du territoire,<br />
dans son paysage artistique et dans ses<br />
problématiques géopolitiques. De plus, la stratégie<br />
annoncée et le champ de création artistique<br />
impliqué, dans le réel, comme dominante de<br />
cette édition étaient cohérents avec le cœur des<br />
mes activités d'auteur à Bruit du Frigo<br />
Éric Troussicot : Pour ma part, je ne suis pas un<br />
acteur du territoire avec une pratique engagée<br />
comme Gabi. C’est plus pour mon expérience de<br />
commissaire et de scénographe, avec une expertise<br />
plus référentielle, que l’on m’a sollicité.<br />
Pourquoi deux chantiers choisis contre quatre<br />
à l’origine ?<br />
É.T. : Des conséquences budgétaires ont conduit<br />
à faire un choix : on a gardé celui de Saint-Michel<br />
qui était le plus consolidé et le chantier mobile.<br />
g.f. : Le chantier des savoirs partagés tente<br />
le dépassement de l'approche « quartier »<br />
pour créer dans la relation entre des voisinages<br />
proches et distants, mobilisant les énergies<br />
déjà fédérées.<br />
théâtre évolutif :<br />
laboratoire de création artistique ouvert et partagé<br />
Le groupe Bureau d’études, l’artiste<br />
Marjetica Potrč et l’agence Ooze vont<br />
investir, pendant plusieurs mois, la place<br />
de cet ancien militant socialiste et<br />
résistant – André Meunier –, et y développer<br />
un travail collectif mêlant l’activité<br />
artistique au milieu urbain.<br />
Cet espace sera un lieu de pratique et<br />
de recherche pour un micro-écosystème<br />
urbain visant à la cohabitation et à<br />
l’épanouissement d’habitants humains<br />
(nous, Bordelais) et non humains (végétation,<br />
volatiles ou encore poisson).<br />
Créer un espace-temps relationnel où<br />
joseph le Vert<br />
Jusqu’au 14 août 2011, le Kunsthaus<br />
de Zurich présente l’exposition Joseph<br />
Beuys. Difesa della Natura. C’est<br />
dans les années 1970 que Joseph<br />
Beuys, artiste du mouvement Fluxus,<br />
développe cette action artistico-écologique,<br />
qui démarrera par la plantation<br />
de 7 000 arbres et arbustes<br />
menacés de disparition sur un terrain<br />
de 15 hectares, qu’il nomme « Piantagione<br />
Paradise », à Bolognano, petit<br />
village dans le sud des Abruzzes.<br />
L’approche théorique et pratique<br />
menée par l’équipe d’Evento 2011<br />
n’est pas sans évoquer les actions<br />
engagées par Beuys et, plus largement,<br />
par un ensemble d’artistes du<br />
mouvement Fluxus ou situationniste,<br />
pour qui l’art c’est la vie et l’art en<br />
action est plus important que l’œuvre<br />
d’art elle-même.<br />
Pour Beuys, « le seul acte plastique<br />
véritable consiste dans le développement<br />
de la conscience humaine ».<br />
L’art en action déploie alors autour de<br />
coexisteraient faune, flore et êtres humains.<br />
Un théâtre évolutif du vivant qui<br />
invite passants et habitants à participer<br />
à une œuvre collective.<br />
Ce collectif d’artistes, dans une esthétique<br />
de l’interhumain, de la proximité<br />
et de la résistance au formatage<br />
social, propose un nouvel espace de<br />
création fondé sur l’interaction, la rencontre<br />
et la convivialité. L’objet esthétique<br />
se retrouvera dans cet échange,<br />
et l’œuvre s’épanouira grâce à la<br />
rencontre avec le spectateur, devenu<br />
« regardeur-participant ».<br />
nouvelles pratiques artistiques (happenings,<br />
exploration du quotidien...),<br />
comme avec les situationnistes, qui<br />
veulent se réapproprier le réel, et ce<br />
dans tous les domaines de la vie. Joseph<br />
Beuys crée ainsi le concept de<br />
« sculpture sociale » comme création<br />
visant à améliorer l’humanité en lui<br />
montrant son interaction avec le reste<br />
de l’Univers.<br />
Comment entendez-vous ce terme de « ré-évolution<br />
urbaine » ?<br />
É.T. : Chacun le conjugue… La ré-évolution<br />
urbaine, on ne l’intronise pas, elle est au travail.<br />
D’autant plus dans une société de crise.<br />
Le héros d’aujourd’hui, ce n’est plus l’homme<br />
nouveau, c’est l’homme du quotidien. Comment<br />
il se débrouille pour mettre du beurre<br />
dans les épinards. Mais Evento, c’est aussi le<br />
« bras armé » de Bordeaux, qui, pour entrer<br />
dans la compétition, doit se doter d’un grand<br />
événement artistique. On est dans un dispositif<br />
d’art promoteur très fort.<br />
N’y a-t-il pas une contradiction à institutionnaliser<br />
de telles pratiques ?<br />
g.f. : Institutionnaliser a un double sens et<br />
Evento est un acte institutionnel. Ces pratiques<br />
n'ont pas vocation à rester exceptionnelles et<br />
marginales : elles visent à un effet réel sur la<br />
transformation sociale, l'évolution des pratiques<br />
ploitiques. Si institutionnalisation signifie<br />
assimilation et intégration, alors cela va dans<br />
le sens de nos travaux. En revanche, si institutionnaliser<br />
rime avec neutraliser en valorisant,<br />
canaliser jusqu'à vider du sens de l'action, il y a<br />
effectivement un risque. Michelangelo use de sa<br />
carte blanche, mais ce n’est pas facile car il travaille<br />
pour une commande municipale, qui formule<br />
des exigences d'accessibilité populaire et<br />
de rayonnement international. Evento doit pouvoir<br />
garantir un effet tout en veillant à ce que le<br />
travail engagé puisse rester honnête.<br />
Comment avez-vous pensé l’idée de « réappropriation<br />
» par l’habitant ?<br />
g.f. : Pour le chantier des savoirs partagés, on<br />
a repéré des champs de questionnement qui<br />
se posent dans le quotidien des gens, pouvant<br />
être sublimés par des prestations artistiques.<br />
Aujourd’hui, les gens ne savent pas exactement<br />
comment ça va se passer, ils sont en train de<br />
se chercher, les artistes aussi, et ils cherchent<br />
avec eux.<br />
Au regard du projet mené autour du patrimoine<br />
immatériel de Saint-Michel, des changements<br />
quant à la politique urbaine en branle sont-ils<br />
encore possibles ?<br />
É.T. : Je ne sais pas si les chantiers peuvent modifier<br />
les projets urbains municipaux, mais c’est<br />
le moteur de l’installation sur les terrains.<br />
—<br />
Par les étudiants en master 1 Ingénierie de projets culturels, université Bordeaux 3 Michel-de-Montaigne :<br />
Maëlle Bacle, Cécile Cavaro, Clément Combes, Marie Griffon, Anne-Sophie Lacour, Manon Locteau,<br />
Camille Monmege. Dans le cadre du partenariat : Médiaculture / La coma / université Bordeaux 3.<br />
—