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Le mec de la tombe d'à coté - Index of

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ses tâches avec elle, et elle s’était <strong>la</strong>ncée dans un compte rendu qui avait duré <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong> l’après-midi.<br />

— Elle a eu les joues toutes roses quand je lui ai <strong>de</strong>mandé, a dit Ol<strong>of</strong>, elle s’est précipitée pour aller<br />

chercher un registre qu’elle tenait et ensuite elle a raconté en long et en <strong>la</strong>rge un système <strong>de</strong> triage qu’elle<br />

avait mis sur pied. J’ai été obligé <strong>de</strong> prétexter un ren<strong>de</strong>z-vous chez le <strong>de</strong>ntiste. Je veux dire, comment<br />

aurais-je pu lui faire abandonner son registre manuscrit et se mettre à l’informatique ?<br />

Aucune routine <strong>de</strong> <strong>la</strong> bibliothèque ne semb<strong>la</strong>it dérangée par l’absence <strong>de</strong> madame Lundmark. Depuis<br />

quelque temps, je me suis souvent retrouvée seule à assumer <strong>la</strong> section Jeunesse et j’ai toujours apprécié<br />

qu’elle me <strong>la</strong>isse les mains libres. Non, là j’y mets trop <strong>de</strong> formes : disons plutôt que je m’estimais plus<br />

compétente qu’elle et que j’aurais été terriblement irritée si elle avait essayé <strong>de</strong> se mêler <strong>de</strong> ma façon <strong>de</strong><br />

gérer <strong>la</strong> section. Si bien que, pour moi, elle n’était guère qu’un meuble <strong>de</strong> bureau très peu fonctionnel, que<br />

nous pourrions très facilement passer à <strong>la</strong> trappe lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> prochaine restructuration.<br />

J’ai téléphoné chez elle. Un répon<strong>de</strong>ur m’a annoncé que j’étais bien chez Inez Lundmark qui<br />

momentanément ne pouvait pas prendre <strong>la</strong> communication. J’ai appelé « Inez ? Inez ? C’est moi,<br />

Désirée ! » <strong>de</strong>ux, trois fois au cas où elle aurait été là sans vouloir répondre, mais je ne savais même pas<br />

dans quelle pièce ma voix résonnait, ni même si elle et moi étions intimes à ce point-là – je n’avais<br />

jamais auparavant utilisé son prénom.<br />

Je ne suis pas du genre bon samaritain. En principe, ça aurait été beaucoup plus logique que Liliane se<br />

tor<strong>de</strong> les mains et dise qu’il fal<strong>la</strong>it « qu’on fasse quelque chose » – et nous aurions tous compris que<br />

« on » signifiait nous autres. Et Britt-Mari, mère <strong>de</strong> cinq enfants et qui est celle <strong>de</strong> nous tous qui a le<br />

moins <strong>de</strong> temps disponible, se serait chargée <strong>de</strong> <strong>la</strong> corvée.<br />

Mais cette histoire d’Ol<strong>of</strong> et son prétexte du <strong>de</strong>ntiste pour se débarrasser <strong>de</strong> madame Lundmark (Inez.<br />

Inez ?) qui essayait avec tant d’enthousiasme <strong>de</strong> lui expliquer un système <strong>de</strong> c<strong>la</strong>ssement, j’en ressentais<br />

tout le poids dans mon cœur. Ou plutôt dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> <strong>la</strong> vésicule biliaire. Une pression, un vague malêtre.<br />

Je <strong>de</strong>mandai à Ol<strong>of</strong> <strong>de</strong> m’accor<strong>de</strong>r une heure ou <strong>de</strong>ux pour aller vérifier chez elle. Elle n’avait pas fait<br />

<strong>de</strong> déc<strong>la</strong>ration <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>die et Ol<strong>of</strong> ne savait pas très bien à qui léguer le problème, si bien qu’il hocha <strong>la</strong><br />

tête et parut sou<strong>la</strong>gé <strong>de</strong> me voir partir.<br />

Elle habitait un grand immeuble en brique, sombre et sale, qui avait connu <strong>de</strong>s jours meilleurs. La cage<br />

d’escalier était décorée <strong>de</strong> plinthes en faux marbre et <strong>de</strong> niches qui avaient probablement été garnies <strong>de</strong><br />

statuettes un jour. Quelqu’un avait tagué fuck your ass ! à <strong>la</strong> bombe dans les creux.<br />

Elle ouvrit sa porte vernissée marron à <strong>la</strong> première sonnerie. Il y avait une chaîne <strong>de</strong> sécurité à<br />

l’intérieur. Elle n’hésita qu’une brève secon<strong>de</strong> avant <strong>de</strong> <strong>la</strong> détacher et <strong>de</strong> me faire entrer.<br />

— Bonjour Inez ! dis-je avec un sourire forcé. Comment vous allez ? On s’est inquiété à <strong>la</strong><br />

bibliothèque !<br />

Elle murmura quelque chose et fit un vague geste vers le séjour, et je <strong>la</strong> suivis dans une gran<strong>de</strong> pièce<br />

nue avec <strong>de</strong>s armoires d’archivage le long <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux murs. Des armoires d’archivage ?<br />

— Vous vivez… seule ? <strong>de</strong>mandai-je. La question était mal tournée. Il n’y a pas <strong>de</strong> monsieur<br />

Lundmark ?<br />

— Dès les années soixante, on a commencé à dire madame en par<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> femmes célibataires aussi, ditelle<br />

en avançant un peu le menton. Il me semble que c’est Dagens Nyheter qui a été le premier. À moins<br />

que ce ne soit les hôpitaux, pour éviter <strong>la</strong> honte aux mères célibataires.<br />

Qu’est-ce que je <strong>de</strong>vais dire ? Qu’on se fichait éperdument <strong>de</strong> savoir si elle était ma<strong>de</strong>moiselle ou<br />

madame ?<br />

— Je ne me suis pas sentie très bien, dit-elle ensuite. J’espère que vous m’excuserez. Ça va passer.

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