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Untitled - The Canadian Association of Gastroenterology

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13<br />

Le foie<br />

P. Paré<br />

Sections rédigées par :<br />

P.C. Adams, S.K. Baik, V. Bain, N. Girgrah, P.T. Grover,<br />

J. Heathcote, G. Kichian, S.S. Lee, G.A. Levy,<br />

L.B. Lilly, M. Ma, R.P. Myers, K.M. Peltekian,<br />

E.A. Roberts, E.A. Shaffer, J.B. Simon, J.P. Villeneuve,<br />

F. Wong, W. Wong et L.J. Worobetz<br />

1. STRUCTURE ET FONCTION DU FOIE/ E.A. Shaffer et R.P. Myers<br />

1.1 Morphologie du foie<br />

Le foie est l’organe qui, chez l’homme, est le plus volumineux et le plus<br />

complexe sur le plan métabolique. Il occupe la région de l’hypocondre droit,<br />

s’étendant du 5 e espace intercostal vers le bas, dans l’alignement du centre de<br />

la clavicule, jusqu’au rebord costal droit. Au plan anatomique, il est formé de<br />

deux grand lobes, le lobe droit et le lobe gauche, délimités par le ligament<br />

falciforme vers l’avant et le ligament hépato-gastrique et le sillon du ligament<br />

rond vers l’arrière. Au plan fonctionnel, le foie est divisé en huit segments<br />

correspondant à la répartition interne des vaisseaux et des canaux (segments<br />

de Couinaud). Chaque segment est doté d’un pédicule de vaisseaux portes et<br />

de canaux portes et est drainé par des veines hépatiques situées dans les plans<br />

séparant les segments. Les segments ne présentent aucun repère superficiel<br />

permettant de les délimiter avec précision. Toutefois, une dissection du foie<br />

dans ces plans est relativement non sanglante. Il est donc indispensable de<br />

localiser ces plans avant toute résection. Le lobe caudé (segment 1) diffère des<br />

autres segments du fait qu’il reçoit le sang des branches droite et gauche de la<br />

veine porte et qu’il se vide directement dans la veine cave inférieure.<br />

Au plan microscopique, le foie est constitué d’une multitude d’unités fonctionnelles<br />

individuelles, classiquement appelées « lobules ». Chaque lobule


554 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 1. Foie normal. Cette biopsie hépatique montre la disposition ordonnée des travées<br />

d’hépatocytes, des veinules hépatiques terminales (veines centro-lobulaires, flèches) et les voies<br />

portes (P). Un des lobules hépatiques est délimité par la ligne tiretée. (Coloration de la trame<br />

réticulinique, grossissement original x 370)<br />

est limité par quatre à six espaces portes (alimentés par la veine porte et<br />

l’artère hépatique) et possède en son centre une veinule hépatique terminale<br />

(veine dite centro-lobulaire). Toutefois, au plan physiologique, c’est l’acinus<br />

qui est l’unité la plus logique. Le centre de l’acinus est occupé par l’espace<br />

porte, tandis que les veinules hépatiques terminales se trouvent à la périphérie.<br />

L’acinus se divise en trois zones déterminées par la proximité des vaisseaux<br />

qui les alimentent (figure 1).<br />

Le foie a une alimentation sanguine double. La veine porte, qui draine<br />

la circulation splanchnique et fournit au foie 75 % du débit sanguin total<br />

(1 500 mL/min.), et l’artère hépatique, qui apporte les 25 % restants. Des<br />

rameaux de chaque vaisseau (veinule porte et artériole hépatique) pénètrent<br />

dans l’acinus au niveau de l’espace porte (zone 1). Le sang passe ensuite<br />

dans les capillaires sinusoïdes entre les travées d’hépatocytes, vers la veinule<br />

hépatique terminale (zone 3), où se déversent plusieurs acini adjacents. La<br />

membrane sinusoïdale est fenêtrée; sa porosité permet aux nutriments<br />

d’atteindre l’espace de Disse et, de là, les hépatocytes. Les veinules hépatiques<br />

terminales convergent pour former la veine hépatique qui canalise tout


Le foie 555<br />

le sang efférent vers la veine cave inférieure. Un vaste réseau de vaisseaux<br />

lymphatiques draine également le foie.<br />

Les hépatocytes forment l’essentiel de l’organe. Ils sont disposés en travées<br />

monocellulaires qui rayonnent à partir des espaces portes vers les veinules<br />

hépatiques terminales adjacentes. Les hépatocytes entourant la voie porte<br />

forment une interface entre les tissus conjonctifs de la voie porte et le<br />

parenchyme hépatique, appelée plaque limitante.<br />

Le canalicule biliaire est formé de sillons opposés dans les surfaces de contact<br />

des hépatocytes adjacents, liés étroitement par des complexes de jonction. La<br />

bile est sécrétée dans ces canalicules et se déverse, d’abord dans des<br />

canalicules plus gros, puis dans les canaux interlobulaires, enfin dans les<br />

canaux hépatiques. À la sortie du hile hépatique, le canal hépatique commun<br />

rejoint le canal cystique drainant la vésicule biliaire pour former le canal<br />

cholédoque qui se déverse dans le duodénum par l’ampoule de Vater. La<br />

partie biliaire du sphincter d’Oddi protège le canal biliaire contre le reflux de<br />

contenu duodénal, tandis que la portion pancréatique protège le canal de<br />

Wirsung (canal pancréatique).<br />

Les cellules de revêtement sinusoïdales sont de quatre types (au moins) :<br />

cellules endothéliales, cellules de Kupffer, cellules étoilées et cellules à granulation.<br />

Les cellules endothéliales diffèrent de celles des autres endothéliums vasculaires<br />

de l’organisme par l’absence de membrane basale et par les nombreuses fenêtres<br />

qui permettent aux nutriments et macromolécules du plasma de parvenir<br />

jusqu’aux hépatocytes. Ces cellules sont aussi responsables de l’endocytose<br />

des molécules et des particules et interviennent dans le métabolisme des<br />

lipo-protéines. Les cellules fusiformes de Kupffer, macrophages tissulaires<br />

résidant dans les sinusoïdes, sont fixées à des structures sous-endothéliales par<br />

des pseudopodes. Elles forment une partie importante du système réticuloendothélial<br />

de l’organisme. Leurs fonctions principales sont la phagocytose des<br />

particules étrangères, l’élimination des endotoxines et autres substances nocives<br />

et la modulation de la réponse immunitaire par la libération de médiateurs et<br />

d’agents cytotoxiques. Les cellules étoilées (autrefois connues sous le noms de<br />

lipocytes, cellules d’entreposage des lipides, cellules périsinusoïdales ou cellules<br />

d’Ito) stockent la vitamine A. Lorsqu’elles sont activées par certaines cytokines<br />

en cas de lésion hépatique, elles perdent leurs gouttelettes de lipides et se<br />

transforment en « my<strong>of</strong>ibroblastes » prolifératifs, fibrogènes et contractiles.<br />

Ces cellules étoilées activées interviennent dans la fibrogenèse hépatique et<br />

constituent une cible potentielle pour des traitements anti-fibrotiques. Enfin,<br />

les cellules à granulation sont des lymphocytes dont le cytoplasme comporte<br />

des granules contenant de la perforine, une protéine qui attaque les<br />

membranes cellulaires. Elles interviennent dans la destruction des cellules<br />

tumorales et des cellules infectées par des virus.


556 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

La matrice extracellulaire du foie comprend une trame de réticuline et<br />

plusieurs formes moléculaires de collagène, de laminine, de fibronectine et<br />

d’autres glycoprotéines extracellulaires.<br />

1.2 Fonction hépato-biliaire<br />

1.2.1 MÉTABOLISME<br />

Le foie joue un rôle essentiel dans le métabolisme des glucides, des protéines<br />

et des lipides. Il stabilise la glycémie en extrayant le glucose et en le stockant<br />

sous forme de glycogène (glycogenèse), en dégradant le glycogène en glucose<br />

(glycogénolyse), au besoin, et en produisant du glucose à partir de sources<br />

non glucidiques, tels les acides aminés (glyconéogenèse). L’hypoglycémie<br />

ne survient que tard dans une hépatopathie grave, car le foie a une réserve<br />

fonctionnelle importante. L’homéostasie du glucose est maintenue même s’il ne<br />

subsiste que 20 % de la fonction hépatique. Le foie synthétise la majorité des<br />

protéines plasmatiques circulantes, dont l’albumine et la plupart des globulines,<br />

sauf les gammaglobulines. L’albumine assure l’essentiel de la pression<br />

oncotique du plasma et sert à transporter les médicaments et les composés<br />

hydrophobes endogènes, telle la bilirubine non conjuguée. On compte parmi<br />

les globulines les facteurs de coagulation suivants : fibrinogène, prothrombine<br />

(facteur II) et facteurs V, VII, IX et X. L’activité des facteurs II, VII, IX et X<br />

dépend de la vitamine K. Or la disponibilité de la vitamine K, qui est une<br />

vitamine liposoluble, requiert la présence de sels biliaires adéquats pour<br />

assurer son absorption. Ces facteurs baissent si la malabsorption des graisses<br />

s’accentue (par exemple, en présence d’une cholestase prolongée, la diminution<br />

de la sécrétion de bile produit une baisse de la solubilisation et de l’absorption<br />

des graisses) ou si la fonction de synthèse se ralentit du fait d’une maladie<br />

hépatocellulaire. Dans ce dernier cas, l’administration parentérale de vitamine<br />

K ne corrige pas le déficit en facteurs de coagulation. Le foie est aussi le siège<br />

de la plus grande partie du catabolisme et des interconversions des acides aminés.<br />

Ces derniers sont catabolisés en urée. Pendant ce processus, l’ammoniac, sousproduit<br />

du métabolisme de l’azote (et neurotoxine possible), est utilisé et<br />

par conséquent détoxiqué. Le foie extrait les acides gras et les estérifie en<br />

triglycérides. Aux triglycérides il associe du cholestérol, des phospholipides<br />

et une apoprotéine pour former des lipoprotéines. Celles-ci passent dans le<br />

sang où elles sont utilisées ou stockées dans les adipocytes. La synthèse<br />

du cholestérol a lieu en grande partie dans le foie. Les sels biliaires sont le<br />

principal produit du catabolisme du cholestérol.<br />

1.2.2 ÉLIMINATION DES MÉDICAMENTS<br />

Le système enzymatique très complexe du foie assure le métabolisme de


Le foie 557<br />

FIGURE 2. Circulation entéro-hépatique des sels biliaires. Les sels biliaires conjugués (par la<br />

taurine ou la glycine) sont sécrétés par le foie. Durant les périodes de jeûne, ils sont stockés dans<br />

la vésicule biliaire, où ils sont concentrés 5 à 10 fois. Aux repas, ils sont évacués dans le<br />

duodénum, suivent l’intestin grêle jusque l’iléon terminal et sont absorbés par la veine porte. Une<br />

petite quantité est passivement réabsorbée par l’intestin grêle et le côlon. Renvoyés rapidement<br />

au foie par la veine porte, les sels biliaires sont efficacement extraits du sang et sécrétés de<br />

nouveau. La masse de sels biliaires passée de l’intestin dans la veine porte régule la synthèse des<br />

sels biliaires par le foie à partir du cholestérol. La circulation entéro-hépatique (entre l’intestin<br />

et le foie) est donc régie par deux sites de transport actif (le foie et l’iléon terminal) et par deux<br />

pompes mécaniques (la vésicule biliaire et le transit de l’intestin grêle). L’efficacité de la circulation<br />

entéro-hépatique est telle que la perte de sels biliaires dans l’intestin ne dépasse pas 5 % à chaque<br />

circuit. Il y a 10 à 15 circuits par jour.<br />

nombreux médicaments et substances xénobiotiques, y compris l’alcool. Il<br />

détoxique les substances nocives provenant de la circulation splanchnique et<br />

les empêche de passer dans la circulation générale. Le foie est donc très vulnérable<br />

aux lésions d’origine médicamenteuse. Il convertit certains composés<br />

lipophiles en agents plus hydrophiles pour en faciliter l’excrétion dans l’urine<br />

ou la bile. Il en transforme d’autres en agents moins actifs. Les voies du<br />

métabolisme des médicaments comprennent deux types de réactions : 1) les<br />

réactions d’oxydation, de réduction et d’hydrolyse (phase 1), qui produisent<br />

des substances facilement conjuguées ou excrétées sans autre modification, et<br />

2) les réactions de conjugaison, durant lesquelles est ajoutée une molécule de<br />

sucre, de sulfate ou d’acide aminé (phase 2). Le système enzymatique du


558 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 3A. Système de transport à travers la membrane basolatérale. Les transporteurs sont<br />

représentés par des sphères, les flèches indiquant la direction de transport. La pompe à sodium<br />

(Na + /K + ATPase) établit vers l’intérieur le gradient de sodium nécessaire pour entraîner un transporteur<br />

actif dépendant du sodium, le NTCP (Na-Taurocholate Co-Transporting Polypeptide),<br />

le principal moyen de recaptage des sels biliaires. Le canal potassique crée le potentiel de<br />

membrane nécessaire (-35 mK). L’OATP (Organic Anion Transporting Polypeptide), protéine de<br />

transport d’anions organiques indépendante du sodium, recapte les sels biliaires (SB- ), les anions<br />

organiques (AO- ), tout en exportant le glutathion (GSH) pour l’utilisation générale ultérieure. La<br />

membrane basolatérale comporte aussi un échangeur sodium-hydrogène (Na + /H + ) qui expulse les<br />

protons pour maintenir le pH intracellulaire. Le symport Na + - /HCO3 capte ces deux ions et permet<br />

l’entrée des bicarbonates.<br />

Adapté de Shaffer EA, Cholestasis: <strong>The</strong> ABC’s <strong>of</strong> cellular mechanism for impaired bile secretiontransporters<br />

and genes. <strong>Canadian</strong> Journal <strong>of</strong> <strong>Gastroenterology</strong> 2002; 16:378-387. Avec la<br />

permission de Pulsus Inc.<br />

cytochrome P450 est le principal système participant aux réactions de métabolisme<br />

des médicament de la phase 1.<br />

1.2.3 FORMATION DE LA BILE<br />

La bile est essentiellement une solution aqueuse, iso-osmotique par rapport au<br />

plasma, contenant moins de 5 % de solides. Les principaux solutés organiques<br />

sont les sels biliaires, dont le transport du foie dans la bile fournit la force<br />

d’entraînement du flux biliaire. Le foie secrète des molécules (essentiellement<br />

des solutés organiques comme les sels biliaires) dans la lumière des<br />

canalicules, créant un gradient osmotique qui entraîne la formation liquide. La<br />

bile est la voie d’excrétion principale des métabolites toxiques, du cholestérol


Le foie 559<br />

et des produits de dégradation des lipides. La bile est aussi nécessaire à la<br />

digestion et à l’absorption des graisses alimentaires et des vitamines<br />

liposolubles (vitamines A, D, E et K, par exemple). Les sels biliaires sont<br />

synthétisés exclusivement dans le foie à partir du cholestérol et sont à la base<br />

de la formation de la bile. Leur transport actif dans les canalicules crée un<br />

gradient osmotique dans l’hépatocyte, causant une translocation de solutés et<br />

d’eau dans la bile pour maintenir l’iso-osmolarité. Après la sécrétion par le<br />

foie, la bile est entreposée dans la vésicule biliaire durant les périodes de<br />

jeûne et concentrée dix fois environ. Un repas provoque la libération de<br />

cholécystokinine (CCK) par l’intestin grêle (par l’intermédiaire de la stimulation<br />

des acides gras et des acides aminés) et produit une décharge cholinergique.<br />

Cette décharge provoque la contraction de la vésicule biliaire et le relâchement<br />

du sphincter d’Oddi permettant d’évacuer la bile dans le duodénum. Là, la bile<br />

favorise l’absorption des graisses en agissant comme détergent biologique.<br />

Les sels biliaires sont alors absorbés, surtout dans l’iléon (par transport actif).<br />

Ils reviennent au foie par la veine porte, d’où ils sont extraits activement et<br />

sécrétés une fois de plus dans le duodénum. Ce recyclage est appelé « circulation<br />

entéro-hépatique » (entre intestin et foie) (figure 2).<br />

Chez l’humain, le foie secrète plus de 500 mL de bile par jour, débarrassant<br />

l’organisme de produits potentiellement nocifs et fournissant les détergents<br />

biologiques nécessaires à la solubilisation et à la digestion des graisses. La surface<br />

membranaire de l’hépatocyte est fonctionnellement divisée en deux régions :<br />

1. la surface basolatérale (sinusoïdale), qui représente 85 % de la surface<br />

totale, dont la portion basale est orientée vers l’espace sinusoïdal rempli<br />

de sang et dont les faces latérales s’appuient sur celles des hépatocytes<br />

adjacents (figure 3A);<br />

2. une surface apicale (caniculaire) plus petite, qui représente environ 15 %<br />

de la superficie totale et qui comporte une rainure faisant face à une<br />

rainure similaire dans la surface de la cellule adjacente. Des complexes<br />

jonctionnels (jonctions serrées) séparent le canalicule de la membrane<br />

hépatocytaire basolatérale, empêchant tout échange libre d’ions, de solutés<br />

organiques et d’eau avec l’espace de Disse (figure 3B).<br />

Une telle organisation anatomique a pour conséquence la polarisation des<br />

hépatocytes, obligeant le transport vectoriel de solutés du sang du sinusoïde<br />

dans la bile jusqu’au canalicule. Des transporteurs des substances captées sont<br />

présents à la surface basolatérale, à proximité des vaisseaux sanguins portes,<br />

alors que les exporteurs résident à la surface caniculaire où se forme la bile.<br />

Les solutés doivent, soit traverser l’hépatocyte (voie transcellulaire), soit<br />

franchir les complexes de jonction entre les cellules (voie paracellulaire) pour<br />

atteindre le canalicule.


560 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 3B. Transport à travers la membrane canaliculaire des hépatocytes. (En haut) Les pompes<br />

d’exportation dépendant de l’ATP comprennent une pompe d’exportation des sels biliaires<br />

(BSEP); un transporteur de phospholipides (flipase), la p-cycloprotéine 3 multirésistante<br />

(MDR3); l’ABC-G5/G8, qui fonctionne comme une pompe à stérols pour le transport du<br />

cholestérol; la MDR1, membre apparenté de la famille des P-glycoprotéines, qui excrète des<br />

cations lipophiles (OC + ), comme les médicaments; la MRP2 (protéine 2 associée à la multi-résistance),<br />

une pompe d’exportation des conjugués pour les ions organiques (OC - ), telle la bilirubine<br />

glycuroconjuguée. Elles appartiennent toutes à la famille des protéines de transport ABC. Un<br />

système de transport indépendant de l’ATP est composé d’un échangeur d’ions Cl - /HCO 3 - ) appelé<br />

également AE2 et d’un canal chlore (canal Cl - ).<br />

Transport des cholangiocytes par la membrane apicale. (En bas) Les transporteurs des canaux<br />

biliaires comprennent l’échangeur AE2 (Cl - /HCO 3 - ), le régulateur transmembranaire de fibrose<br />

kystique (CFTR) pour les chlorures et le transporteur des sels biliaires indépendant de l’iléon.<br />

Adapté en partie de Shaffer EA, Cholestasis: <strong>The</strong> ABC’s <strong>of</strong> cellular mechanism for impaired bile<br />

secretion-transporters and genes. <strong>Canadian</strong> Journal <strong>of</strong> <strong>Gastroenterology</strong> 2002; 16:378-387.<br />

Avec la permission de Pulsus Inc.<br />

Les sels biliaires, la bilirubine et la plupart des solutés organiques suivent la<br />

voie transcellulaire et sont concentrés dans la bile canaliculaire 100 fois plus<br />

que dans le sérum. Un tel transport actif consomme de l’énergie, qui est<br />

obtenue par hydrolyse de l’ATP et fait intervenir le couplage du transport<br />

cellulaire et du déplacement d’autres ions (« transport actif secondaire »). Le<br />

transport des sels biliaires et des contre-ions, le sodium (Na + ), crée un gradient<br />

osmotique de part et d’autre de la membrane sinusoïdale (basale) de l’hépatocyte.<br />

Une fois dans la membrane canaliculaire, les sels biliaires, le glutathion


Le foie 561<br />

(GSH) réduit et les autres ions organiques chargés négativement ne peuvent<br />

diffuser dans l’autre sens ni à travers les complexes fonctionnels « serrés »<br />

entre les cellules adjacentes ni dans la cellule hépatique. Dans les conditions<br />

normales, il n’y a donc pas de retour en arrière. L’eau et certains électrolytes<br />

(par convection) diffusent vers le bas de ce gradient osmotique en utilisant<br />

la voie paracellulaire entre les cellules. Ainsi, les systèmes de transport<br />

actif situés au niveau de la membrane basolatérale et canaliculaire produisent<br />

des gradients osmotiques décroissants que l’eau et les électrolytes suivent<br />

passivement. La bile canaliculaire résultante est pratiquement isotonique par<br />

rapport au plasma.<br />

La formation de bile canaliculaire comprend trois composantes : 1) le<br />

transport actif des sels biliaires (le flux biliaire « dépendant des sels biliaires »,<br />

qui représente une proportion importante, plus le GSH; 2) la sécrétion<br />

canaliculaire de bicarbonate sans intervention des sels biliaires (le flux biliaire<br />

« indépendant des sels biliaires ») et 3) une composante canalaire (le flux<br />

canalaire) formée dans les canaux biliaires, largement régulée par des hormones<br />

telles que la sécrétine et des neuropeptides. Enfin, la vésicule biliaire concentre<br />

la bile 5 à 10 fois.<br />

Transport à travers la membrane basolatérale (figure 3A) – La pompe à<br />

sodium Na + /K + ATPase fournit l’énergie qui maintient le gradient ionique de<br />

part et d’autre de la membrane plasmatique basolatérale. Elle expulse 3 ions<br />

sodium Na + pour chaque paire d’ions potassium (K + ) qui pénètre dans la<br />

cellule, produisant un excédent d’ions Na + à l’extérieur de la cellule et augmentant<br />

la concentration d’ions K + à l’intérieur. Ce gradient de concentration,<br />

aidé du canal potassique, produit un potentiel intracellulaire négatif de –35 mV<br />

environ. De tels gradients chimiques et de tels potentiels électriques maintiennent<br />

l’homéostasie intracellulaire des concentrations ioniques, du pH et du<br />

volume. Ils entraînent l’expulsion des protons (H + ) par l’échangeur Na + /H + et<br />

favorisent l’entrée des bicarbonates (HCO 3 - ) par le symport sodique<br />

Na + /HCO 3 - . (Un « échangeur » expulse un ion et en attire un autre, alors qu’un<br />

« symport » favorise le déplacement des 2 ions dans le même sens, ici Na + et<br />

HCO 3 - , et les fait pénétrer dans la cellule.) Le co-transporteur sodium-taurocholate<br />

NTCP (Na-Taurocholate Cotransporting Polypeptide) est le symport<br />

qui permet le captage du sodium et du taurocholate par l’hépatocyte. Inversement,<br />

des systèmes indépendants du sodium transportent certains sels biliaires<br />

conjugués et non conjugués, ainsi qu’un grand nombre d’ions organiques,<br />

telles les hormones (p. ex. les œstrogènes), les médiateurs de<br />

l’inflammation et divers xénobiotiques. Cette famille de transporteurs aux<br />

substrats très variés est connue sous le nom de polypeptides de transport<br />

d’anions organiques (OATP), échangeant couramment avec des ions organiques<br />

tels que le glutathion.


562 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Le transport intracellulaire – fait intervenir la diffusion des sels biliaires à<br />

travers l’hépatocyte jusqu’à la membrane canaliculaire, probablement sous la<br />

forme de complexes liés à une ou plusieurs protéines porteuses.<br />

Sécrétion canaliculaire – La sécrétion des sels biliaires dans le canalicule<br />

est l’étape limitante de la formation de la bile. Deux systèmes de transport en<br />

sont responsables. Le principal est constitué de pompes « d’exportation » dont<br />

les besoins en énergie sont assurés par l’hydrolyse de l’ATP. Il y a d’autres<br />

systèmes de transport indépendants de l’ATP, comprenant un système électrogénique<br />

alimenté par le potentiel de membrane, apparemment localisé au<br />

niveau d’un composant microsomique sous-canaliculaire.<br />

Les systèmes de transport dépendant de l’ATP appartiennent à la superfamille<br />

des protéines de transport ABC (ATP-binding cassette). On a maintenant identifié<br />

des transporteurs pour chacun des principaux constituants de la bile,<br />

localisés dans la membrane canaliculaire:<br />

1. La pompe d’exportation des sels biliaires (BSEP) est responsable de la<br />

sécrétion des sels biliaires dans le canalicule. Une mutation dans les gènes<br />

responsables se traduit par une diminution marquée de la sécrétion de sels<br />

biliaires et constitue une forme héréditaire de cholestase intrahépatique<br />

(cholestase intrahépatique familiale progressive [PFIC-2] – cholestase<br />

familiale à taux de GGT bas).<br />

2. La pompe d’exportation des phospholipides (MDR3) fonctionne comme<br />

une « flipase » en ce sens qu’elle fait basculer le phospholipide, la<br />

lécithine, du feuillet interne de la membrane canaliculaire vers le feuillet<br />

externe. Les sels biliaires terminent ensuite l’extraction de la lécithine de<br />

la membrane canaliculaire. Dans la lumière du canalicule, la lécithine<br />

forme des vésicules unilamellaires avec le cholestérol et des micelles<br />

mixtes avec les sels biliaires et le cholestérol (voir chapitre 12). Des<br />

mutations du gène responsable de ce transporteur de phospholipides<br />

(MRD3) peut causer une cholestase familiale avec un taux de GGT élevé<br />

(PFIC-3). Des défauts hétérogènes aboutissent à une cholestase de la<br />

grossesse et à une lithiase cholestérolique.<br />

3. Le transporteur MDR1 (Multidrug Resistance Protein 1) transportent les<br />

cations lipophiles, dont les médicaments. Il peut protéger le foie contre les<br />

effets toxiques des xénobiotiques et des toxines ingérées en les excrétant<br />

dans la bile.<br />

4. Les transporteurs ABCG5 et ABCG8 semblent jouer ensemble le rôle de<br />

pompe fonctionnelle des stérols, exportant le cholestérol et les phytostérols<br />

comme le sitostérol. Et ils peuvent faire basculer le cholestérol du côté<br />

interne vers le côté externe de la bicouche membranaire. Une surexpression<br />

des gènes ABCG5/G8 codant pour le transporteur de cholestérol canaliculaire<br />

pourrait aboutir à la formation de calculs biliaires cholestéroliques.


Le foie 563<br />

5. La famille des protéines MRP (protéines associées à la multirésistance ou<br />

sous-famille C de la famille ABC) comprend six membres. Ces protéines<br />

interviennent dans l’excrétion, dépendant de l’ATP, des composés ioniques<br />

organiques dans la circulation générale s’ils sont situés dans la membrane<br />

basolatérale ou dans la bile s’ils se trouvent dans la membrane canaliculaire.<br />

La protéine MRP1, la première identifiée dans une lignée de cellules<br />

cancéreuses, était résistante à plusieurs médicaments, d’où son nom. La<br />

protéine MRP2, située dans la membrane du canalicule, est une pompe<br />

d’exportation des composés qui sont conjugués dans le foie, modulant<br />

l’excrétion d’une large gamme d’ions organiques, surtout des conjugués<br />

avec le glutathion (GSH) (p. ex., bilirubine, œstrogènes et leucotriènes)<br />

et des sulfates. La protéine MRP2 fonctionne comme un transporteur<br />

d’ions organiques multispécifique. Une mutation de son gène se traduit<br />

par une insuffisance d’excrétion de bilirubine conjuguée, ce qui produit un<br />

syndrome de Dubin-Johnson.<br />

Dans la membrane canaliculaire se produisent également des processus de<br />

transport qui ne dépendent pas de l’énergie et qui par conséquent ne<br />

requièrent pas d’ATP (transport indépendant de l’ATP). Par exemple,<br />

l’échangeur d’ions chlorure/bicarbonate (AE2) secrète des bicarbonates et<br />

favorise l’écoulement de la bile. Le canal fluorure est dépendant de son<br />

échangeur, mais il est distinct du régulateur transmembranaire de la fibrose<br />

cystique (CFRT).<br />

Il existe des transporteurs des canaux biliaires dans le système canalaire.<br />

Les cholangiocytes possèdent à la fois un échangeur AE2 Cl - / HCO 3 - et un<br />

canal chlorure CFTR. Le transporteur des sels biliaires dépendant du sodium<br />

dans l’iléon est également présent à la surface apicale des gros cholangiocytes.<br />

Il semble intervenir dans la réabsorption des sels biliaires qui alors passent par<br />

le plexus péribiliaire jusque dans la veine porte puis sont extraits de nouveau<br />

par le foie. Cette voie, d’abord identifiée pour l’acide ursodésoxycholique, est<br />

appelée « shunt choléhépatique ».<br />

2. APPROCHE DES HÉPATOPATHIES / J.B. Simon<br />

En raison de la complexité du foie, les hépatopathies se traduisent souvent par<br />

des anomalies dans les différents « systèmes » hépatiques, c’est-à-dire les<br />

hépatocytes (dysfonction hépatocellulaire), l’appareil d’excrétion biliaire<br />

(cholestase) et le système vasculaire (hypertension portale). De plus, le foie<br />

est fréquemment impliqué dans des affections touchant tout l’organisme à<br />

cause de sa grande activité métabolique et réticulo-endothéliale et de son<br />

important réseau sanguin.


564 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Certaines atteintes disproportionnées constituent souvent des indices<br />

importants du trouble sous-jacent. Par exemple, une hépatite virale se<br />

caractérisera par un dysfonctionnement essentiellement hépatocellulaire,<br />

une cirrhose biliaire primitive, le plus souvent par une cholestase, une<br />

cirrhose nodulaire post-nécrotique, généralement par une hypertension<br />

portale, et une cirrhose alcoolique, par un dysfonctionnement variable d’un<br />

ou de plusieurs des trois systèmes mentionnés. Le clinicien peut se baser sur<br />

ces caractéristiques générales pour établir un diagnostic, sachant que<br />

chevauchements et exceptions sont fréquents.<br />

2.1 Caractéristiques cliniques des hépatopathies<br />

Le tableau 1 présente les manifestations cliniques les plus importantes des<br />

hépatopathies. Elles sont pour la plupart communes aux troubles aigus et<br />

chroniques. Les manifestations de chronicité sont accompagnées d’un<br />

astérisque et peuvent être utiles au diagnostic lors de l’examen du patient. Par<br />

exemple, il convient de reconsidérer un diagnostic clinique d’hépatite aiguë si<br />

l’examen physique montre des angiomes stellaires et un érythème palmaire.<br />

2.1.1 CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES<br />

Anorexie, malaise et fatigue sont des manifestations non spécifiques<br />

fréquentes des hépatopathies aiguës et chroniques. Leur soudaineté reflète<br />

souvent une hépatite aiguë d’origine virale ou médicamenteuse, alors qu’une<br />

apparition insidieuse caractérise plutôt une maladie alcoolique, une hépatite<br />

auto-immune et d’autres troubles chroniques.<br />

La fièvre est aussi une manifestation non spécifique de certaines affections<br />

hépatiques, en particulier lors de la phase prémonitoire d’une hépatite virale<br />

aiguë, d’une hépatite alcoolique grave ou même d’un cancer. Toutefois, on<br />

observe rarement avec ces affections des frissons visibles qui suggèrent plutôt<br />

une cholangite aiguë, généralement secondaire à un calcul dans le cholédoque<br />

ou, plus rarement, à un abcès hépatique.<br />

Les hépatopathies chroniques avancées, en particulier la cirrhose<br />

alcoolique, s’accompagnent souvent d’une détérioration de l’état général,<br />

d’une perte pondérale et d’un aspect cirrhotique caractéristique, où les<br />

extrémités et la ceinture thoracique décharnées contrastent avec un abdomen<br />

gonflé par l’ascite.<br />

Le prurit généralisé est la marque distinctive des troubles cholestatiques, en<br />

particulier chroniques. En cas de cholestase prolongée, par exemple dans la<br />

cirrhose biliaire primitive, on peut observer des dépôts cutanés de lipides<br />

(xanthélasma, xanthomes) et des signes de malabsorption.


Le foie 565<br />

2.1.2 ICTÈRE<br />

L’ictère, cette caractéristique cardinale des hépatopathies, est un signe<br />

d’hyperbilirubinémie. La bilirubine provient essentiellement de la dégradation<br />

physiologique des globules rouges sénescents, avec un apport mineur d’autres<br />

sources de l’hème. Insoluble dans l’eau, elle doit être transportée dans le sang<br />

liée à l’albumine. Cette forme du pigment, appelée « bilirubine non conjuguée<br />

», est ensuite captée par les hépatocytes et conjuguée dans des microsomes<br />

avec l’acide glucuronique. La réaction est catalysée par une enzyme, la<br />

glycuronyl-transférase. D’autres conjugués mineurs, dont on ignore l’importance<br />

clinique, sont également formés.<br />

La bilirubine transformée est ensuite sécrétée dans le canalicule biliaire avec<br />

les autres constituants de la bile. Une petite quantité passe normalement dans<br />

le sang sous forme de bilirubine conjuguée. Contrairement à la nonconjuguée,<br />

la bilirubine conjuguée est soluble dans l’eau et excrétée dans l’urine. Les<br />

mesures standard de la bilirubine ne fournissent que la bilirubine totale, c’està-dire<br />

les formes non conjuguée et conjuguée. La composante « directe » est la<br />

bilirubine conjuguée. La différence représente la bilirubine non conjuguée.<br />

Après avoir atteint l’intestin par l’arbre biliaire, la bilirubine est dégradée<br />

par les bactéries intestinales en produits pigmentés appelés collectivement<br />

urobilinogènes. Ces produits confèrent aux matières fécales leur couleur<br />

brune normale. Par conséquent, lorsque la sécrétion biliaire diminue<br />

(cholestase), les matière fécales deviennent souvent pâles, mais il s’agit d’une<br />

observation peu précise, à laquelle on ne peut guère se fier. Une partie des<br />

urobilinogènes est absorbée par l’intestin et recyclée dans le foie (le cycle<br />

entéro-hépatique) et le reste est excrété dans l’urine.<br />

Diverses perturbations des étapes métaboliques ci-dessus peuvent<br />

produire un ictère. Une augmentation de la charge de bilirubine due à une<br />

hémolyse peut déborder la capacité de conjugaison du foie et produire une<br />

hyperbilirubinémie non conjuguée. Cette affection est légère, à moins<br />

qu’elle ne soit associée à des anomalies hépatiques fonctionnelles. On<br />

observe également une forme isolée d’hyperbilirubinémie non conjuguée en<br />

présence de certaines anomalies spécifiques du métabolisme de la bilirubine,<br />

bien que ces troubles soient rares, à l’exception de la cholémie simple familiale<br />

ou maladie de Gilbert (voir section 5).<br />

Dans l’immense majorité des cas, l’ictère est dû à une maladie hépatocellulaire<br />

ou à une obstruction biliaire. Dans les deux maladies, on observe<br />

des anomalies multiples dans la voie du métabolisme de la bilirubine, en<br />

particulier : diminution du captage et du transport hépatocellulaires, conjugaison<br />

défectueuse, diminution de la sécrétion canaliculaire et « fuite » de bilirubine<br />

conjuguée dans la circulation. L’hyperbilirubinémie résultante est un mélange<br />

de pigments non conjugués et conjugués. En général, les pigments conjugués


566 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 1. Principales manifestations cliniques des hépatopathies<br />

Manifestations générales<br />

Anorexie, malaise, fatigue<br />

Fièvre<br />

* Dégradation de l’état général, perte pondérale, aspect cirrhotique<br />

Cholestase : prurit, * xanthélasma / xanthomes, * problèmes de malabsorption<br />

Ictère<br />

Hépatomégalie, avec ou sans douleur<br />

Hypertension portale<br />

Déséquilibres hydriques<br />

* Ascite avec ou sans œdème<br />

Perturbations électrolytiques<br />

Insuffisance rénale fonctionnelle (syndrome hépato-rénal)<br />

Encéphalopathie hépatique (encéphalopathie porto-cave)<br />

*Changements endocriniens et cutanés<br />

Angiomes stellaires, érythème palmaire, maladie de Dupuytren<br />

Gynécomastie, atrophie testiculaire, impuissance<br />

Aménorrhée<br />

Hypertrophie des parotides<br />

Troubles de la coagulation<br />

Hypoprothrombinémie<br />

Thrombocytopénie<br />

Dysfibrinogénémie<br />

Changements circulatoires<br />

Circulation hyperdynamique<br />

* Désaturation artérielle, hippocratisme<br />

* suggère un trouble chronique<br />

dominent, mais dans des proportions qui varient fortement et qui n’ont pas de<br />

valeur particulière pour le diagnostic.<br />

Sur le plan clinique, un ictère léger peut être détecté lorsque le taux<br />

de bilirubine sérique atteint le double environ de la limite supérieure de la<br />

normale et l’inspection de la sclérotique à la lumière du jour est la meilleure<br />

manière de confirmer le diagnostic. Dans les cas plus avancés, l’ictère est<br />

souvent décelable au premier coup d’œil. Lorsque l’ictère est sévère et de<br />

longue date, le patient a parfois un teint jaune terreux.


Le foie 567<br />

2.1.3 HÉPATOMÉGALIE AVEC OU SANS DOULEUR<br />

Un foie facilement palpable n’est pas nécessairement hypertrophié, car il se<br />

peut qu’il soit tout simplement repoussé, comme en cas d’un emphysème par<br />

exemple. C’est donc la limite supérieure qu’il convient de percuter quand le<br />

bord est palpable.<br />

La consistance du foie au toucher est au moins aussi importante pour le<br />

diagnostic que sa taille. Par exemple, le bord du foie conserve une consistance<br />

caoutchouteuse et reste assez tranchant lorsque l’hypertrophie a pour cause un<br />

infiltration graisseuse, une hépatite aiguë ou une congestion passive. Par<br />

contre, le bord est induré et émoussé en cas de fibrose chronique. Il est rare<br />

de pouvoir déceler à l’examen clinique des nodules cirrhotiques individuels.<br />

La palpation d’irrégularités évoque plutôt une infiltration maligne. Il importe<br />

de se rappeler que les hépatopathies graves, y compris une forte proportion<br />

des cirrhoses, ne s’accompagnent pas nécessairement d’une hépatomégalie.<br />

Les maladies biliaires ou pancréatiques pouvant affecter le foie, comme les<br />

calculs dans le cholédoque ou le cancer du pancréas, s’accompagnent souvent<br />

de douleur abdominale. Par contre, la douleur est assez rare dans le cas des<br />

hépatopathies primitives. La vraie douleur hépatique est due habituellement à<br />

une distension de la capsule de Glisson et est perçue comme une douleur<br />

pr<strong>of</strong>onde dans l’hypocondre droit. Elle est souvent accompagnée d’une sensibilité<br />

du foie à la palpation, mise en évidence par la compression de la cage<br />

thoracique ou par une percussion du poing sur le foie. Ses causes les plus<br />

fréquentes sont : hépatite aiguë, congestion passive due à une insuffisance<br />

cardiaque et tumeur maligne. La douleur tumorale est souvent de caractère<br />

pleurétique et peut s’accompagner à l’auscultation d’un frottement ou d’un<br />

bruit hépatique. À la palpation du bord du foie, certains patients se plaignent<br />

d’une gêne légère, sans signification particulière, qu’il ne faut pas interpréter<br />

comme une sensibilité hépatique.<br />

2.1.4 CHANGEMENTS ENDOCRINIENS ET CUTANÉS<br />

Les observations figurant dans le tableau 1 sont des indices importants<br />

d’hépatopathie chronique. Si la pathogenèse reste mal comprise, le métabolisme<br />

des hormones sexuelles perturbé par le foie malade semble jouer un rôle<br />

important. Les anomalies peuvent s’observer pour toutes les hépatopathies<br />

chroniques, mais plus particulièrement dans le cas de l’hépatopathie<br />

alcoolique. Cela est dû probablement, du moins en partie, à un effet toxique<br />

direct de l’éthanol sur la fonction gonadique.<br />

2.1.5 TROUBLES DE LA COAGULATION<br />

Le foie synthétise la plupart des facteurs de coagulation, dont les facteurs II,<br />

VII, IX et X dépendants de la vitamine K. Un dysfonctionnement hépatocellulaire


568 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

grave s’accompagne donc fréquemment d’une tendance accrue à l’ecchymose<br />

et à l’hémorragie, ainsi que de résultats de coagulation anormaux, en particulier<br />

un allongement de l’INR/temps de prothrombine. La malabsorption<br />

de la vitamine K liposoluble en cas de cholestase prolongée peut aussi se<br />

traduire par un INR/temps de prothrombine anormal. Le facteur V ne<br />

dépend pas de la vitamine K, mais dépend de la synthèse hépatique. Par<br />

conséquent, une concentration sérique faible du facteur V peut indiquer un<br />

dysfonctionnement hépatique.<br />

La thrombocytopénie est fréquente dans les cas de cirrhose, en raison<br />

surtout de l’hypersplénisme dû à l’hypertension portale, mais le nombre des<br />

plaquettes ne descend pas suffisamment bas pour déclencher des saignements.<br />

Chez les patients présentant une hépatopathie alcoolique, la thrombocytopénie<br />

peut aussi avoir pour origine la suppression directe de la moelle par l’alcool<br />

et/ou une carence en folate alimentaire.<br />

Une dysfibrinogénémie peut également contribuer à la coagulopathie due à<br />

un dysfonctionnement hépatique grave.<br />

2.1.6 CHANGEMENTS CIRCULATOIRES<br />

On observe parfois une circulation hyperdynamique avec tension artérielle<br />

relativement basse dans les cas d’hépatopathie grave, en particulier d’hépatite<br />

fulminante et de cirrhose avancée. Le mécanisme pourrait être relié à une<br />

augmentation de la synthèse d’oxyde nitrique et à une accumulation d’autres<br />

agents vasoactifs, qui réduisent le tonus et sont normalement éliminés par<br />

le foie. Chez certains patients présentant une cirrhose, il se produit une<br />

vasodilatation intrapulmonaire et des shunts artério-veineux apparaissent qui<br />

se traduisent par une hypoxémie, une désaturation artérielle et (rarement) un<br />

hippocratisme digital (syndrome hépato-pulmonaire).<br />

Dans les sections ultérieures, nous examinons divers sujets : hypertension<br />

portale (section 14), déséquilibres hydriques (section 15) et encéphalopathie<br />

porto-cave (section 16).<br />

2.2 Évaluations de laboratoire, radiologiques et histologiques<br />

Il n’y aucun test qui permette, seul, d’évaluer le fonctionnement global du foie,<br />

organe complexe qui est doté de fonctions métaboliques, excrétoires et de<br />

défense interdépendantes. On doit donc en général combiner plusieurs tests<br />

pour déceler les anomalies hépato-biliaires, déterminer leur gravité, suivre leur<br />

évolution et essayer d’établir une étiologie. L’élaboration d’un diagnostic repose<br />

souvent sur certains types d’anomalies permettant de distinguer entre un<br />

dysfonctionnement hépatocellulaire et un trouble de l’excrétion (cholestase),<br />

quoique les chevauchements soient nombreux. Ce n’est que dans une minorité de<br />

cas qu’un test de laboratoire spécifique permet de poser un diagnostic.


Les techniques d’imagerie médicale et la biopsie hépatique fournissent<br />

souvent des données essentielles au diagnostic, mais il convient d’adapter leur<br />

emploi à la situation clinique précise.<br />

2.2.1 TESTS BIOCHIMIQUES SÉRIQUES<br />

Le foie 569<br />

2.2.1.1 Bilirubine<br />

Bien que relativement peu sensible comme test fonctionnel hépatique, un taux<br />

élevé de bilirubine se traduit par un ictère et constitue donc un indicateur<br />

traditionnel de maladie hépatique ou biliaire. Le degré d’élévation de la bilirubine<br />

est souvent mal corrélé avec la gravité clinique de l’affection, mais des<br />

dosages sériés permettent de suivre l’évolution de la maladie. La distinction<br />

entre bilirubine conjuguée et bilirubine non conjuguée n’a pas non plus de<br />

valeur diagnostique dans la plupart des cas d’ictère et ne permet pas de faire<br />

la différence entre une maladie hépatocellulaire et une obstruction biliaire. La<br />

mesure de l’hyperbilirubinémie non conjuguée n’est utile que dans les cas de<br />

hausse légère et isolée de la bilirubine, pour corroborer une hémolyse ou une<br />

cholémie simple familiale (section 5).<br />

La bilirubinurie a peu de valeur diagnostique, sauf au début d’une hépatite,<br />

alors qu’elle précède l’ictère clinique, et dans les cas d’hyperbilirubinémie<br />

non conjuguée isolée, alors qu’elle est nulle malgré l’ictère (la bilirubine non<br />

conjuguée n’est pas excrétée dans l’urine). Sinon, une bilirubinurie accompagne<br />

presque toujours l’ictère hépato-biliaire, quelle qu’en soit la cause.<br />

2.2.1.2 Aminotransférases (transaminases)<br />

Ces enzymes hépatiques comprennent l’alanine aminotransférase (ALAT),<br />

qu’on trouve surtout dans le cytosol hépatique, et l’aspartate aminotransférase<br />

(ASAT), qu’on trouve aussi dans de nombreux autres tissus, notamment les<br />

muscles cardiaque et squelettiques (section 3). Ces deux enzymes sont des<br />

indicateurs extrêmement sensibles de lésion hépatocellulaire et constituent le<br />

meilleur guide pour la nécrose/l’inflammation hépatocellulaire.<br />

L’amplitude de l’élévation est très variable. Les taux inférieurs à 100 UI/mL<br />

sont fréquents et non spécifiques; on les observe le plus souvent dans les<br />

hépatopathies chroniques de causes variées, n’ayant parfois que peu d’importance<br />

clinique. On mesure des taux compris entre 100 et 300 UI/mL dans de<br />

nombreux processus inflammatoires légers à modérés. Dans l’hépatite virale<br />

ou médicamenteuse aiguë, les taux d’aminotransférases se situent entre 500 et<br />

1 500 UI/mL, alors que dans l’hépatite alcoolique, même grave, ils sont<br />

habituellement inférieurs à 300 UI/mL. On n’observe de valeur supérieure à<br />

3 000 UI/mL qu’en présence de nécrose toxique aiguë ou d’hypoxie grave<br />

(« foie de choc », « hépatite ischémique »). Dans les deux cas, les taux


570 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

d’aminotransférases chutent habituellement en deux ou trois jours, alors qu’ils<br />

baissent plus lentement dans le cas de l’hépatite virale. Dans l’obstruction<br />

biliaire, les taux d’aminotransférases varient tout en demeurant en général<br />

inférieurs à 200 UI/mL, sauf en cas de migration aiguë d’un calcul, caractérisée<br />

par une montée soudaine jusqu’à un niveau caractéristique d’une hépatite,<br />

suivie d’une chute rapide en un ou deux jours.<br />

Le rapport ASAT/ALAT est inférieur à 1 dans la plupart des cas, mais il est<br />

généralement supérieur à 2 dans le cas de l’hépatopathie alcoolique. Sans être<br />

absolument déterminant, un rapport supérieur à 2 oriente le diagnostic vers<br />

une lésion alcoolique. La consommation d’alcool réduit la hausse de l’ALAT,<br />

en raison du déficit d’une coenzyme nécessaire à la synthèse de l’ALAT.<br />

2.2.1.3 Phosphatase alcaline (PA)<br />

La concentration de cette enzyme canaliculaire est exagérément élevée en<br />

présence d’une excrétion insuffisante de bile. L’élévation, qui constitue la<br />

marque distinctive de la cholestase, est due à un accroissement de synthèse plutôt<br />

qu’à une « fuite » hépatocytaire. Elle évolue donc lentement, pendant des jours<br />

ou des semaines. On observe également une hausse marquée de la phosphatase<br />

alcaline en présence d’affections infiltrantes, en particulier de cancer.<br />

Les isoenzymes de la phosphatase alcaline sont aussi présentes dans les os<br />

et le placenta. Si la cause d’une hausse isolée de la PA est cliniquement<br />

obscure, une hausse concomitante de la gamma-glutamyl-transpeptidase<br />

(GGT) indique une atteinte hépato-biliaire. La 5-nucléotidase est une forme<br />

de PA spécifique au foie, bien qu’on ne l’a recherche pas couramment.<br />

2.2.1.4 Gamma-glutamyl-transpeptidase (GGT)<br />

Le taux de la GGT suit habituellement celui de la PA, mais la production de cette<br />

enzyme microsomique est facilement déclenchée par l’éthanol, ainsi que par de<br />

nombreux médicaments. La GGT est donc souvent disproportionnellement<br />

élevée dans les cas d’hépatopathie alcoolique, encore que ce phénomène soit<br />

trop peu spécifique pour établir un diagnostic fiable (section 3).<br />

2.2.1.5 Protéines<br />

Albumine : Synthétisée par le foie, l’albumine est le principal agent de la<br />

pression oncotique dans le sérum. Sa concentration ne diminue en général<br />

qu’en cas d’anomalie fonctionnelle hépatique grave, le plus souvent une cirrhose<br />

avancée, se traduisant par un pronostic relativement sombre. L’albuminémie<br />

reste habituellement normale dans l’hépatite aiguë; dans ces conditions, une<br />

chute indique une évolution particulièrement grave de la maladie.


Le foie 571<br />

Globulines : Les hépatopathies chroniques s’accompagnent fréquemment<br />

d’une élévation diffuse, non spécifique et sans importance particulière des<br />

globulines. Parfois, il se produit une hausse disproportionnée des IgG en cas<br />

d’hépatite auto-immune, des IgM en présence d’une cirrhose biliaire primitive<br />

ou des IgA en cas d’hépatopathie alcoolique.<br />

2.2.1.6 Rapport normalisé international (INR) et temps de prothrombine (TP)<br />

L’INR/TP est un indice très utile de la capacité du foie à synthétiser les<br />

facteurs de coagulation dépendant de la vitamine K, un test « fonctionnel »<br />

vrai. Un allongement du temps de prothrombine indique une anomalie assez<br />

grave, de la même manière qu’une albuminémie faible, et il est particulièrement<br />

inquiétant en présence d’une hépatite aiguë. L’anomalie qu’on peut observer<br />

en cas de cholestase chronique est due à une malabsorption de la vitamine K<br />

plutôt qu’à une diminution de la synthèse hépatique des facteurs de coagulation.<br />

Une amélioration du temps de prothrombine après l’administration parentérale<br />

de vitamine K oriente le diagnostic vers une cholestase plutôt que vers une<br />

insuffisance hépatocellulaire, mais les exceptions sont trop nombreuses pour<br />

qu’on s’y fie complètement.<br />

2.2.1.7 Lipides<br />

Les perturbations lipoprotéiques complexes sont fréquentes dans les<br />

hépatopathies, bien qu’elles ne soient pas systématiquement appr<strong>of</strong>ondies. Le<br />

cholestérol est souvent bas en cas d’insuffisance hépatique aiguë ou<br />

chronique, alors qu’une hypercholestérolémie accompagne une cholestase<br />

prolongée. Il se produit parfois une montée impressionnante des triglycérides<br />

en cas d’hépatopathie alcoolique (« lipémie alcoolique »).<br />

2.2.2 TESTS IMMUNOLOGIQUES SÉRIQUES<br />

2.2.2.1 Sérologie de l’hépatite<br />

Les tests sérologiques ou sérodiagnostics sont cruciaux pour le diagnostic spécifique<br />

de l’hépatite A, B, C, D ou E. Voir la section 6 pour une description détaillée.<br />

2.2.2.2 Anticorps antimitochondriaux<br />

Il s’agit en fait d’une série complexe d’anticorps dirigés contre les déshydrogénases,<br />

enzymes des membranes mitochondriales, en particulier la pyruvate<br />

déshydrogénase. Ces anticorps sont aussi des marqueurs importants dans le<br />

diagnostic de la cirrhose biliaire primitive, où on les trouve dans plus de 90 %<br />

des cas. Leur rôle dans la pathogenèse de la maladie reste incertain. Ces anticorps<br />

antimitochondriaux sont rares dans les autres affections, bien qu’un<br />

chevauchement puisse exister avec l’hépatite auto-immune.


572 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 4. Image échographique montrant des calculs dans la vésicule biliaire.<br />

2.2.2.3 Facteur antinucléaire et anticorps anti-muscle lisse<br />

Ces marqueurs immuns non spécifiques sont observés relativement souvent<br />

dans l’hépatite auto-immune. Ils sont rares dans les autres hépatopathies.<br />

2.2.2.4 Alpha-fœtoprotéine (AFP)<br />

Cette protéine hépatique, normale chez le fœtus, disparaît peu de temps après la<br />

naissance. Sa présence indique par conséquent une dé-différenciation hépatique.<br />

Un taux supérieur à 250 ng/mL constitue un signe relativement spécifique de<br />

cancer hépatocellulaire, bien qu’on observe aussi de tels taux avec d’autres<br />

tumeurs, en particulier les tumeurs testiculaires. On note des valeurs inférieures<br />

à 100 ng/mL de manière non spécifique lors d’une régénération hépatique, par<br />

exemple au décours d’une hépatite.<br />

2.2.3 TECHNIQUES D’IMAGERIE<br />

En général, l’imagerie radiologique est essentielle pour le diagnostic précis<br />

d’une maladie biliaire et importante pour déceler des lésions hépatiques<br />

focales (une tumeur, par exemple), mais elle est souvent utilisée inconsidérément<br />

et sa valeur est limitée en cas de maladie hépatocellulaire diffuse (hépatite,<br />

cirrhose, par exemple).


Le foie 573<br />

FIGURE 5. Image tomodensitométrique montrant une tumeur métastatique extensive dans le foie.<br />

2.2.3.1 Échographie<br />

L’échographie est actuellement la technique d’imagerie diagnostique la plus<br />

utilisée. Elle est extrêmement fiable pour détecter les calculs biliaires (sensibilité<br />

supérieure à 95 %) (figure 4). Si elle est moins précise pour les calculs<br />

du cholédoque (sensibilité inférieure à 40 %), elle montre clairement la<br />

présence d’une dilatation de l’arbre biliaire, signe habituel d’une obstruction<br />

mécanique. Elle constitue donc l’outil de choix pour distinguer une cholestase<br />

intrahépatique d’une cholestase extrahépatique. Elle révèle aussi les lésions<br />

hépatiques focales (tumeurs, kystes), parfois avec des traits diagnostiques<br />

caractéristiques. Elle est moins utile pour déceler une maladie hépatocellulaire<br />

diffuse, dont les traits sont habituellement non spécifiques. L’échographie<br />

abdominale peut être utile pour déceler une stéatose hépatique, qui produit<br />

une augmentation diffuse d’échogénicité.<br />

L’échographie peut aussi apporter d’importants renseignements auxiliaires<br />

concernant la maladie hépato-biliaire, par exemple la présence d’une ascite,<br />

d’une splénomégalie ou d’une masse pancréatique. L’échographie Doppler<br />

aide à déterminer la perméabilité des vaisseaux hépatiques, en particulier de<br />

la veine porte. L’échographie endoscopique peut détecter les calculs des voies<br />

biliaires et les masses pancréatiques non visualisés à l’échographie standard,<br />

mais elle n’est pas encore largement disponible.


574 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

2.2.3.2 Tomodensitométrie<br />

Plus coûteuse que l’échographie, la tomodensitométrie fournit parfois des<br />

renseignements supplémentaires sur le foie, en particulier concernant des<br />

lésions focales (figure 5). Généralement moins utile que l’échographie pour<br />

l’étude de la maladie biliaire, elle l’est plus pour l’évaluation du pancréas.<br />

2.2.3.3 Visualisation biliaire directe<br />

Cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE) L’endoscopie<br />

haute permet la mise en place directe d’une canule dans le canal cholédoque ou<br />

le canal pancréatique ou les deux. L’injection d’un produit de contraste donne<br />

une excellente définition de l’anatomie canalaire. La CPRE permet de visualiser<br />

nettement l’arbre biliaire pour la recherche de calculs dans le cholédoque, d’une<br />

cholangite sclérosante ou d’autres affections. Elle permet également des interventions<br />

thérapeutiques, comme l’extraction de calculs du cholédoque par<br />

papillotomie endoscopique ou l’installation d’une prothèse (stent) pour dilater<br />

une sténose.<br />

Cholangiographie transhépatique percutanée (CTP) La CTP permet de visualiser<br />

directement l’arbre biliaire en injectant à l’aiguille un produit de contraste<br />

dans le foie. Elle est moins utilisée que la CPRE, mais elle est particulièrement<br />

utile dans le cas d’une obstruction des voies biliaires hautes causée, par exemple,<br />

par une tumeur à la bifurcation des canaux hépatiques. Elle permet aussi une<br />

intervention thérapeutique, comme l’insertion d’une prothèse pour contourner<br />

une tumeur canalaire maligne.<br />

La CTP et la CPRE exigent une grande habilité technique et comportent<br />

des risques importants. On ne doit pas les utiliser à la légère, mais elles<br />

sont très précieuses dans certaines situations cholestatiques et évitent<br />

souvent une laparotomie.<br />

Scintigraphie La scintigraphie du foie et de la rate à l’aide d’une suspension<br />

de soufre colloïdal marqué au 99mTc peut mettre en évidence des lésions<br />

volumineuses et un atteinte parenchymateuse diffuse. Le captage du colloïde<br />

par la moelle osseuse évoque une hépatopathie chronique avec anastomoses<br />

vasculaires. Mais cette technique est moins sensible que l’échographie et que<br />

la tomodensitométrie et son utilisation a radicalement chuté. La scintigraphie<br />

aux globules rouges marqués au 99mTc peut permettre de visualiser des<br />

lésions vasculaires soupçonnées, en particulier des hémangiomes. La scintigraphie<br />

du cholédoque aux dérivés de l’acide iminodiacétique marqués au<br />

99mTc (la scintigraphie HIDA) peut révéler une obstruction du canal<br />

cystique, surtout en cas de cholécystite aiguë. Elle permet aussi d’évaluer


TABLEAU 2. Indications de la biopsie hépatique<br />

Le foie 575<br />

Anomalies inexpliquées des enzymes hépatiques<br />

Hépato-splénomégalie de cause inconnue<br />

Diagnostic et détermination du stade d’une hépatopathie alcoolique<br />

Diagnostic et étiologie d’une cirrhose<br />

Hépatite chronique<br />

Cholestase intrahépatique inexpliquée<br />

Nécrose aiguë, dont la cause n’est pas évidente<br />

Soupçon d’infiltration maligne, en particulier d’une tumeur<br />

Maladie générale inexpliquée : fièvre d’origine inconnue, soupçon de granulomatose, etc.<br />

l’excrétion et la perméabilité biliaires, mais les résultats sont peu satisfaisants<br />

et peuvent être trompeurs. Parfois, on utilise la scintigraphie au citrate de<br />

67Ga pour déceler un abcès ou une tumeur hépatiques.<br />

2.2.3.4 IRM et CPRM<br />

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est une technique coûteuse mais très<br />

utile, dont l’utilisation tend à se généraliser. Elle peut déceler certaines lésions<br />

difficiles à voir à l’échographie ou à la tomodensitométrie et permet parfois de<br />

préciser la nature d’atteintes focales (hémangiomes, par exemple). La CPRM<br />

(cholangio-pancréatographie à résonance magnétique) permet de visualiser<br />

l’arbre biliaire, mais avec moins de détails que la CPRE. Elle peut constituer une<br />

solution de rechange non invasive à la CPRE pour évaluer une obstruction biliaire<br />

éventuelle, mais elle ne permet pas d’intervention thérapeutique.<br />

2.2.4 BIOPSIE HÉPATIQUE<br />

La biopsie hépatique percutanée fournit des renseignements diagnostiques<br />

importants avec un risque relativement faible, mais elle n’est indiquée que<br />

dans une minorité de cas de dysfonction hépatique. Elle est effectuée au<br />

chevet du malade, sous anesthésie locale, et consiste à extraire par aspiration<br />

un petit cylindre de tissu hépatique. Elle permet habituellement au médecin<br />

d’établir une image d’une fiabilité surprenante du trouble sous-jacent, bien<br />

que les erreurs de prélèvement soient possibles dans le cas d’une maladie<br />

focale ou dans certains cas de cirrhose.<br />

Ses principales indications figurent dans le tableau 2. Une douleur temporaire<br />

dans l’hypocondre droit n’est pas rare après une biopsie. Par contre, si le cas<br />

est bien choisi, hémorragie notable, péritonite biliaire ou autre complication<br />

grave sont rares.<br />

Il y a des contre-indications relatives : tendance à l’hémorragie clinique,<br />

INR supérieur à 1,4 ou temps de prothrombine dépassant de plus de trois


576 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

secondes le temps témoin, thrombocytopénie grave (< 70 000/mL), ascite<br />

marquée et obstruction biliaire importante. En cas de coagulopathie ou d’ascite<br />

volumineuse, on peut adopter l’abord transjugulaire avec une innocuité relative.<br />

La biopsie de certaines lésions hépatiques peut se faire sous guidage<br />

échographique ou tomodensitométrique. On peut aussi adopter ce type de<br />

guidage pour le prélèvement systématique de carottes biopsiques; cela se fait<br />

d’ailleurs de plus en plus car cette technique minimise les risques inhérents à<br />

la biopsie.<br />

2.3 Approche clinique<br />

Face à une hépatopathie connue ou soupçonnée, le médecin doit essayer de<br />

répondre à un certain nombre de questions essentielles : 1) L’affection est-elle<br />

aiguë ou chronique? 2) S’agit-il d’un problème hépatocellulaire primitif<br />

(hépatite, par exemple), d’un trouble de la sécrétion hépato-biliaire<br />

(cholestase) ou d’un problème vasculaire (hypertension portale)? 3) Si c’est<br />

un problème hépatocellulaire, l’agent responsable est-il l’alcool, un virus, un<br />

médicament? Si le problème est cholestatique, est-il intrahépatique ou<br />

attribuable à une obstruction biliaire mécanique? Si c’est un problème vasculaire,<br />

est-il dû à une cirrhose ou a-t-il une cause moins fréquente? 4) Serait-ce un<br />

trouble général affectant le foie, plutôt qu’un problème hépatique primitif?<br />

5) Y a-t-il des complications qui requièrent un traitement spécifique? C’est au<br />

chevet du malade que le médecin peut se poser ces questions (et d’autres questions<br />

pertinentes) et exercer son jugement avec l’aide de tests accessoires.<br />

D’une manière générale, l’anamnèse détaillée et l’examen physique complet<br />

sont les outils de diagnostic les plus importants. Les tests de laboratoire,<br />

l’imagerie médicale et la biopsie hépatique sont utiles, et parfois indispensables,<br />

au diagnostic, mais dans la plupart des cas, c’est la perspicacité<br />

clinique du médecin qui fournit les renseignements diagnostiques les plus<br />

importants. En outre, il doit utiliser son jugement clinique pour choisir les<br />

tests complémentaires et en interpréter les résultats. Les erreurs de diagnostic<br />

sont dues le plus souvent à une anamnèse insuffisante, à un examen physique<br />

incomplet ou à une confiance excessive dans les tests.<br />

L’évaluation clinique devrait souligner les aspects ci-dessus. Il convient de<br />

poser des questions sur la consommation d’alcool, sur les médicaments<br />

(d’ordonnance, en vente libre ou à base de plantes médicinales), sur les<br />

drogues illicites et sur les facteurs épidémiologiques pertinents pour l’hépatite<br />

virale, en particulier si on soupçonne une lésion hépatocellulaire. En outre, la<br />

recherche d’une maladie générale est souvent nécessaire. On peut aussi<br />

obtenir des informations sur les antécédents familiaux de patients présentant<br />

certaines maladies métaboliques, telles la maladie de Wilson, la carence en<br />

1-antitrypsine ou l’hémochromatose. Si on soupçonne un trouble cholestatique,


FIGURE 6. Approche pragmatique de l’investigation d’un ictère cholestatique.<br />

Le foie 577<br />

il convient de rechercher des indices d’origine extrahépatique, par exemple<br />

une douleur biliaire ou pancréatique, des frissons ou une perte pondérale.<br />

L’examen physique peut fournir des renseignements précieux sur la taille et la<br />

consistance du foie, sur la présence ou l’absence de signes de lésion hépatique<br />

chronique et de complications, par exemple une hypertension portale, une<br />

rétention aqueuse ou une encéphalopathie.<br />

L’importance et la nature des analyses de laboratoire dépendent de<br />

l’évaluation clinique initiale. D’une manière générale, l’investigation initiale<br />

comportera au minimum un hémogramme, plus une mesure de la<br />

bilirubine, de l’ASAT et/ou de l’ALAT et de la phosphatase alcaline. Cette<br />

analyse simple suffit d’ordinaire à déterminer si le problème est avant tout<br />

une lésion hépatocellulaire (hausse excessive des aminotransférases) ou<br />

une anomalie de l’excrétion (élévation prédominante de la phosphatase<br />

alcaline). Si le tableau clinique montre une lésion hépatocellulaire, alors que<br />

l’étiologie n’est pas claire, les marqueurs de l’hépatite virale peuvent se<br />

révéler utiles. Un rapport ASAT/ALAT supérieur à 2 et une élévation exagérée<br />

de l’enzyme gGT indiquent souvent une lésion alcoolique. Un taux d’albumine<br />

sérique bas et un INR élevé indiquent habituellement une anomalie hépatocellulaire<br />

(aiguë ou chronique) relativement grave. Si on considère qu’un<br />

problème cholestatique est plus probable, une échographie (ou une tomodensitométrie)<br />

précoce devrait aider à distinguer entre un trouble intrahépatique<br />

et une cause extrahépatique. Si l’échographie montre une obstruction extrahépatique,<br />

il convient d’envisager une visualisation biliaire directe par CPRE


578 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

(ou CTP), mais si l’anomalie semble d’origine intrahépatique, une biopsie du<br />

foie serait justifiée (figure 6).<br />

Il n’y a actuellement aucun marqueur biochimique fiable de la fibrose<br />

hépatique. On observe souvent que les indicateurs biochimiques d’anomalie<br />

hépatique sont normaux ou seulement légèrement perturbés en cas de cirrhose<br />

inactive. Il est bon alors de se rappeler qu’une hépatopathie alcoolique est la<br />

cause la plus fréquente de lésion hépatocellulaire chronique, même chez les<br />

patients qui commencent par nier une forte consommation d’alcool.<br />

Avec une évaluation appropriée, on peut poser rapidement un diagnostic<br />

dans la grande majorité des cas de dysfonctionnement hépato-biliaire. Mais,<br />

dans certains cas, surtout si les anomalies hépatiques sont mineures, le plus<br />

sage est de suivre l’évolution du patient par une évaluation clinique et des<br />

tests périodiques.<br />

3. ÉVALUATION DES ANOMALIES DES ENZYMES HÉPATIQUES<br />

CHEZ LES PATIENTS ASYMPTOMATIQUES / J.P. Villeneuve<br />

Des résultats anormaux lors de la mesure des aminotransférases sériques ou<br />

de la phosphatase alcaline chez un patient asymptomatique est un problème<br />

médical fréquent. Dans la plupart des cas, l’élévation des enzymes hépatiques<br />

est légère (moins de deux fois la limite normale supérieure) ou<br />

modérée (de deux à dix fois la limite normale supérieure). Une élévation<br />

plus importante des aminotransférases sériques (plus de dix fois la limite<br />

normale supérieure) suggère un diagnostic d’hépatite aiguë et le patient est<br />

habituellement symptomatique.<br />

Les aminotransférases sont présentes dans la majorité des tissus de l’organisme<br />

(figure 7). Étant donné leur concentration très élevée dans le foie (5 000 à<br />

10 000 fois plus que dans le sang), les aminotransférases sont des indicateurs<br />

sensibles de lésion cellulaire hépatique. On trouve l’aspartate aminotransférase<br />

(ASAT) (en ordre décroissant) dans le muscle cardiaque, dans le foie, dans les<br />

muscles squelettiques, dans les reins, dans le cerveau, dans le pancréas, dans<br />

la rate, dans les poumons, dans les leucocytes et dans les érythrocytes. La<br />

concentration d’alanine aminotransférase (ALAT) la plus élevée se trouve dans<br />

le foie et, de ce fait, constitue un indicateur plus spécifique de lésion du foie.<br />

La première étape dans l’évaluation d’un patient asymptomatique présentant<br />

des niveaux élevés d’enzymes hépatiques est de recommencer le test pour<br />

confirmer le résultat. Si le résultat reste anormal, il convient de procéder à une<br />

évaluation plus appr<strong>of</strong>ondie du patient. La cause de l’élévation des aminotransférases<br />

peut-être habituellement déterminée par le type d’élévation des<br />

enzymes hépatiques, par une anamnèse soigneuse et par d’autres tests. Il est<br />

utile de faire la distinction entre une élévation isolée des aminotransférases


Le foie 579<br />

FIGURE 7. Concentrations d’aspartate aminotransférase (ASAT) et d’alanine aminotransférase<br />

(ALAT) dans différents tissus comparées à la concentration dans le sérum (Adapté de Moss DW<br />

and Henderson AR. Enzymes, In: Burtis CA, Ashwood AR (eds.). Tietz Textbook <strong>of</strong> Clinical<br />

Chemistry. 2 nd ed. New York: WB Saunders, 1994:782).<br />

avec phosphatase alcaline normale ou quasi normale (c’est-à-dire sans<br />

cholestase) et une élévation des aminotransférases avec augmentation de la<br />

phosphatase alcaline de deux ou trois fois au moins la limite normale<br />

supérieure (c’est-à-dire avec cholestase), car l’évaluation sera différente suivant<br />

le cas. Les tableaux 3 et 4 montrent les causes d’élévation des aminotransférases<br />

avec et sans cholestase.<br />

3.1 Causes d’élévation des aminotransférases sans cholestase<br />

3.1.1 HÉPATITE C CHRONIQUE<br />

L’hépatite C chronique est une cause fréquente d’élévation des aminotransférases.<br />

Les antécédents d’utilisation de drogues injectables, de transfusion sanguine<br />

ou d’exposition pr<strong>of</strong>essionnelle à des produits sanguins sont les principaux<br />

facteurs de risque d’infection par le virus de l’hépatite C. Toutefois, chez<br />

les patients provenant de pays tels que l’Égypte, l’Italie ou le Vietnam, par<br />

exemple, il est souvent impossible de déterminer comment l’infection a été<br />

contractée. Le test initial d’infection par le virus de l’hépatite C (VHC) est le


580 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 3. Causes d’élévation chronique des aminotransférases sans cholestase<br />

Causes fréquentes<br />

• Hépatite C chronique<br />

• Hépatite B chronique<br />

• Hépatopathie alcoolique<br />

• Stéato-hépatite non alcoolique<br />

• Médicaments, produits à base de plantes, drogues illicites et substances d’abus<br />

Causes moins fréquentes<br />

• Hépatite auto-immune<br />

• Hémochromatose génétique<br />

• Déficit en 1-antitrypsine<br />

• Maladie de Wilson<br />

• Maladie cœliaque<br />

• Maladies des muscles striés<br />

TABLEAU 4. Causes d’élévation chronique des aminotransférases avec cholestase<br />

• Obstruction des voies biliaires<br />

• Tumeurs hépatiques (primitives ou métastatiques)<br />

• Médicaments<br />

• Cirrhose biliaire primitive<br />

• Cholangite auto-immune<br />

• Cholangite sclérosante primitive<br />

• Sarcoïdose<br />

• Hépatite granulomateuse<br />

• Ductopénie idiopathique<br />

test sérologique des anticorps anti-hépatite C (anti-HCV). Un résultat positif<br />

indique une infection active par le virus ou une infection antérieure (hépatite<br />

C résolue). Que l’infection active par le HVC soit responsable de l’élévation<br />

des aminotransférases est confirmé par un dosage de l’ARN du VHC dans<br />

le sérum par RT-PCR (transcription inverse – amplification en chaîne par<br />

polymérase) (tableau 5).<br />

3.1.2 HÉPATITE B CHRONIQUE<br />

Les principaux facteurs de risque de l’hépatite B sont les rapports sexuels non<br />

protégés, l’utilisation de drogues injectables et la transmission de la mère à<br />

l’enfant dans les régions où l’hépatite B est endémique. Les tests initiaux<br />

d’infection par le VHB comprennent des tests sérologiques de recherche de<br />

l’antigène de surface du virus de l’hépatite B (AgHBs), de l’anticorps contre


Le foie 581<br />

TABLEAU 5. Étude de laboratoire pour identifier la cause d’une élévation d’aminotransférases<br />

chez un patient asymptomatique<br />

Marqueur Interprétation<br />

Anti-VHC La présence d’anticorps anti-VHC suggère une hépatite C chronique.<br />

Confirmer le diagnostic en mesurant l’ARN du VHC sérique.<br />

AgHBs, anti-HBs La présence d’AgHBs et d’anti-HBc indique une hépatite B chronique.<br />

et anti-HBc Confirmer que l’hépatite B est active en mesurant l’AgHBe et l’ADN du<br />

VHB dans le sérum.<br />

Glycémie, Le diabète et l’hyperlipidémie sont souvent associés à une stéato-hépatite<br />

triglycérides non alcoolique.<br />

Électrophorèse Une augmentation polyclonale des gammaglobulines suggère une hépatite<br />

des protéines auto-immune. Confirmer en mesurant les anticorps antinucléaires, anti-muscle<br />

lisse et anti-LKM.<br />

Une diminution marquée des 1-globulines suggère un déficit en 1-antitrypsine.<br />

Confirmer par la mesure de la 1-antitrypsine et par un test génetique.<br />

Saturation par Une surcharge de fer suggère une hémochromatose. Confirmer par un<br />

la ferritine et test génétique.<br />

la transferrine<br />

Céruloplasmine Une diminution du taux de céruloplasmine suggère une maladie de Wilson,<br />

en particulier chez les patients de moins de 40 ans.<br />

Anticorps Suggère une maladie cœliaque<br />

anti-gliadine et<br />

anti-transglutaminase<br />

Créatine kinase Un taux élevé suggère que les anomalies des aminotransférases proviennent<br />

de muscles striés.<br />

Anticorps Leur présence constitue un diagnostic de cirrhose biliaire primitive<br />

antimitochondriaux<br />

Échographie Obligatoire dans l’étude des élévations des aminotransférases<br />

abdominale avec cholestase.<br />

Abréviations :<br />

Anti-VHC : anticorps contre le virus de l’hépatite C; ARN du VHC : acide ribonucléique du virus<br />

de l’hépatite C; AgHBs : antigène de surface du VHB; anti-HBs : anticorps contre l’antigène de<br />

surface du VHB; anti-HBc : anticorps anti-core du VHB; AgHBe : antigène e du VHB; ADN du<br />

VHB : acide désoxyribonucléique du VHB; anti-LKM : anticorps anti-microsomes de foie et de rein.


582 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

l’antigène de surface du virus de l’hépatite B (anti-HBs) et de l’anticorps<br />

anti-core du virus de l’hépatite B (anti-HBc) (tableau 5). L’absence d’AgHBs<br />

avec présence d’anti-HBs et d’anti-HBc indique une hépatite B résolue, qui ne<br />

cause pas d’élévation des aminotransférases. La présence à la fois d’AgHBs<br />

et d’anti-HBc confirme une infection par le VHB. Des tests permettent de<br />

déterminer s’il y a réplication virale, dont la mesure de l’antigène de l’hépatite<br />

Be (AgHBe) et de l’ADN du VHB dans le sérum. La présence d’AgHBe et/ou<br />

d’ADN du VHB dans le sérum indique une réplication virale active.<br />

3.1.3 HÉPATITE A<br />

L’hépatite A n’évolue jamais vers la chronicité. Par conséquent, les tests de<br />

recherche de l’hépatite A sont inutiles dans l’étude d’une élévation chronique<br />

des aminotransférases.<br />

3.1.4 HÉPATOPATHIE ALCOOLIQUE<br />

Le diagnostic d’hépatopathie alcoolique est parfois difficile à poser lorsque le<br />

patients dissimule son abus de l’alcool. La présence d’une hépatomégalie combinée<br />

à un rapport ASAT/ALAT > 2,0 suggère une hépatopathie alcoolique. La<br />

valeur ALAT inférieure chez ces patients est due à une carence en pyridoxal-5phosphate<br />

causée par l’alcool. Le taux de gamma-glutamyl transpeptidase (GGT)<br />

est souvent très élevé chez les patients atteints d’une hépatopathie alcoolique et<br />

sa mesure peut être utile pour confirmer le diagnostic. Cependant, les causes de<br />

cholestase s’accompagnent toutes également d’un taux élevé de GGT. La mesure<br />

de la GGT n’est donc pas spécifique à une hépatopathie alcoolique.<br />

3.1.5 STÉATOHÉPATITE NON ALCOHOLIQUE (SHNA)<br />

La stéatohépatite non alcoolique (SHNA) est une cause fréquente d’élévation<br />

des aminotransférases. Les principaux facteurs de risque de SHNA sont<br />

l’obésité, le diabète et l’hypertriglycéridémie. La physiopathologie de la<br />

SHNA est reliée à la résistance à l’insuline. Le diagnostic est habituellement<br />

établi par l’exclusion d’autres causes d’élévation des aminotransférases et par<br />

la démonstration d’un foie hyperéchoïque à l’échographie. Certains auteurs<br />

recommandent une biopsie du foie pour confirmer le diagnostic et établir le<br />

stade de la fibrose.<br />

3.1.6 MÉDICAMENTS, PRODUITS NATURELS ET SUBSTANCES D’ABUS<br />

Presque tous les médicaments peuvent induire une hépatite et il est donc critique<br />

d’étudier minutieusement la consommation de médicaments pour identifier<br />

celui qui pourrait être à l’origine d’une élévation des aminotransférases. Les<br />

médicaments impliqués le plus souvent sont les anti-inflammatoires non<br />

stéroïdiens (AINS), les antibiotiques et les antituberculeux, les antiépileptiques,


Le foie 583<br />

TABLEAU 6. Produits naturels et à base de plantes pouvant élever les aminotransférases<br />

Nom latin Nom commun<br />

Alchemilla Alchémille<br />

Atractylis gummifera-L Chardon à glu<br />

Callilepsis laureola Callilepsis laureola<br />

Cassia angustifolia Senné<br />

Chelidonum majus Grande chélidoine<br />

Crotalaria Crotalaria<br />

Ferula assafœtida Ase fétide, férule<br />

Gentiana lutea Gentiane jaune<br />

Hedeoma pulegioides Hedéoma faux-pouliot<br />

Heliotropium Héliotrope<br />

Humulus lupulus Houblon<br />

Larrea tridentata Feuille de chapparal<br />

Sassafras albidum Sassafras <strong>of</strong>ficinal<br />

Scutellaria sp Scutellaires<br />

Senecio sp Séneçons<br />

Senecio vulgaris Séneçon commun<br />

Symphytum <strong>of</strong>ficinale Grande cousoude<br />

Teucrium chamaedrys Germandrée<br />

Valeriana <strong>of</strong>ficinalis Valériane <strong>of</strong>ficinale<br />

Viscum aldum Gui de chêne<br />

Lipodium serratum Lipodium serratum, Ji-Bu-Huan<br />

Ephedra Éphèdre, Épitonin, Ma-Huang<br />

Herbes chinoises : Dai-Saiko-To, Syo-Sailo-To<br />

Vitamine A<br />

Cartilage de requin<br />

TABLEAU 7. Drogues illicites et substances d’abus pouvant causer une élévation des<br />

aminotransférases<br />

• Cocaïne<br />

• Ecstasy (MDMA, 5-méthoxy-3,4-méthylènedioxymétamphétamine)<br />

• Phencyclidine (PCP)<br />

• Stéroïdes anabolisants<br />

• Colles et solvants (toluène, trichloroéthylène, chlor<strong>of</strong>orme)<br />

les statines et le méthotrexate. Pour établir une relation de cause à effet entre<br />

un médicament et une élévation des aminotransférases, il convient d’utiliser<br />

trois critères : la relation temporelle (début de la prise du médicament<br />

quelques semaines ou quelques mois avant l’élévation des aminotransférases


584 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

et résolution des anomalies après l’arrêt du médicament), l’existence de cas<br />

antérieurs d’hépatite induite par le médicament soupçonné et la récidive de<br />

l’élévation des aminotransférases à la reprise accidentelle ou volontaire<br />

du médicament.<br />

Outre les médicaments, les préparations à base de plantes médicinales et les<br />

drogues illicites ou les substances d’abus peuvent aussi causer une élévation<br />

des enzymes hépatiques (tableaux 6 et 7). Il convient donc de s’informer<br />

spécifiquement sur leur utilisation au cours de l’interrogatoire.<br />

3.1.7 HÉPATITE AUTO-IMMUNE<br />

L’hépatite auto-immune affecte surtout des femmes jeunes ou d’âge moyen et<br />

s’accompagne souvent d’autres maladies auto-immunes, dont la thyroïdite.<br />

L’hépatite auto-immune est caractérisée par une hypergammaglobulinémie<br />

polyclonale et par la présence d’anticorps anti-muscle lisse et/ou antinucléaires<br />

ou, plus rarement, d’anticorps antimicrosomes de foie et de rein (anti-LKM).<br />

Une biopsie hépatique est essentielle pour confirmer le diagnostic et établir le<br />

stade de la maladie.<br />

3.1.8 HÉMOCHROMATOSE GÉNÉTIQUE<br />

On doit soupçonner une hémochromatose, qui est un trouble génétique<br />

fréquent, chez les patients qui présentent une élévation des aminotransférases<br />

combinée à une élévation de la ferritine et de la saturation de la transferrine.<br />

Toutefois, toutes les causes de lésions cellulaires hépatiques (en particulier,<br />

l’hépatopathie alcoolique, la stéato-hépatite non alcoolique et l’hépatite C<br />

chronique) peuvent produire une élévation de la ferritine et de la saturation de<br />

la transferrine parce qu’une nécrose cellulaire hépatique libère du fer dans la<br />

circulation. Autrefois, il fallait une biopsie hépatique pour établir le diagnostic<br />

d’hémochromatose génétique, mais les tests génétiques actuels permettent<br />

d’identifier la mutation dans le gène de l’hémochromatose (HFE) qui cause la<br />

maladie chez la majorité des patients d’ascendance nord européenne.<br />

3.1.9 MALADIE DE WILSON<br />

La maladie de Wilson est un trouble génétique de l’excrétion biliaire du cuivre.<br />

Bien que rare, il est nécessaire de l’envisager chez les jeunes présentant une<br />

élévation inexpliquée des aminotransférases. La maladie est caractérisée par un<br />

taux de céruloplasmine faible et/ou par la présence d’un anneau de Kayser-<br />

Fleischer à l’examen ophtalmologique.<br />

3.1.10 DÉFICIT EN ALPHA1-ANTITRYPSINE<br />

Un déficit en 1-antitrypsine peut-être décelé par l’absence d’un pic 1globulines<br />

à l’électrophorèse des protéine sériques, du fait que l’ 1-antitrypsine


Le foie 585<br />

représente 90 % des 1-globulines du sérum. La diminution du taux sérique<br />

d’ 1-antitrypsine démontrée par le dosage spécifique et un test génétique<br />

établissent le diagnostic. Les patients souffrant d’une lésion hépatique due à<br />

un déficit en 1-antitrypsine ne présentent pas habituellement la maladie<br />

pulmonaire (emphysème) observée chez d’autres présentant un tel déficit.<br />

3.1.11 MALADIE CŒLIAQUE<br />

Une maladie cœliaque asymptomatique peut être la cause d’une élévation<br />

chronique inexpliquée des aminotransférases. La présence d’anticorps antigliadine<br />

et antitransglutaminase suggère ce diagnostic, qui peut être confirmé par<br />

une biopsie duodénale. Les taux d’aminotransférases élevés se normalisent après<br />

un régime sans gluten.<br />

3.1.12 MALADIES MUSCULAIRES<br />

Les maladies musculaires (myopathies congénitales infracliniques ou<br />

polymyosite) et les exercices épuisants peuvent causer une élévation des<br />

aminotransférases (surtout l’ASAT) du fait de leur concentration élevée dans<br />

les muscles striés (figure 7). Une élévation importante de la créatine kinase et<br />

de l’aldolase permet d’aboutir au diagnostic.<br />

3.1.13 AUTRES CAUSES<br />

Parmi les autres causes rares d’élévation des aminotransférases, il faut citer la<br />

maladie de Cushing, la maladie d’Addison, les troubles de la thyroïde et la<br />

présence de macro-enzymes. Il est recommandé de procéder à une biopsie du<br />

foie lorsque l’élévation des aminotransférases dépasse deux fois la limite<br />

normale supérieure sans qu’on puisse en trouver la cause malgré un examen<br />

appr<strong>of</strong>ondi. Si l’élévation des aminotransférases est inférieure à deux fois la<br />

limite supérieure de la normale, la mise en observation est une stratégie<br />

raisonnable. Chez un petit nombre de patients seulement (entre 2 et 10 % des cas,<br />

selon diverses études), la cause de l’élévation des aminotransférases reste inconnue.<br />

3.2 Causes d’élévation des aminotransférases avec cholestase<br />

Certaines hépatopathies peuvent causer une élévation des aminotransférases<br />

avec ou sans cholestase (lésions hépatiques dues à des médicaments,<br />

hépatopathie alcoolique, hépatite auto-immune). Toutefois, une élévation de<br />

la phosphatase alcaline combinée à une élévation des aminotransférases<br />

suggère habituellement une catégorie de diagnostics différents de ceux<br />

caractérisant l’élévation sans cholestase (tableau 4).<br />

Les élévations de la phosphatase alcaline ont pour origine le foie, les reins,<br />

les os ou le placenta chez la femme enceinte. Une élévation de la GGT aide à<br />

confirmer l’origine hépatique de l’élévation de la phosphatase alcaline. Si


586 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

l’origine hépatique est confirmée et si l’élévation se maintient au cours du<br />

temps, il est justifié de rechercher une cholestase chronique ou une<br />

hépatopathie infiltrante chronique. Il convient d’envisager d’abord une<br />

obstruction partielle des canaux biliaires ou la présence de tumeurs hépatiques<br />

primitives ou métastatiques. L’échographie abdominale fait alors partie de<br />

l’évaluation initiale du patient présentant une cholestase. Elle permet d’évaluer<br />

l’existence d’une dilatation canalaire biliaire ou de tumeurs hépatiques. La<br />

présence d’anticorps antimitochondriaux (AAM) est un signe quasi<br />

pathogneumonique de cirrhose biliaire primitive. La cholangite auto-immune<br />

est une variante de la cirrhose biliaire primitive, caractérisée par la présence<br />

d’anticorps antinucléaires au lieu d’AAM.<br />

Si le test sérologique des AAM est négatif et si l’échographie ne révèle<br />

aucune anomalie, il convient de procéder à une biopsie hépatique et/ou à une<br />

imagerie des voies biliaires chez les patients présentant une cholestase (c’està-dire<br />

une phosphatase alcaline plus du double de la limite supérieure de la<br />

normale). L’imagerie biliaire utilisant la cholangiographie endoscopique<br />

rétrograde ou la cholangio-pancréatographie à résonance magnétique permet<br />

d’identifier les cas de cholangite sclérosante, alors qu’une biopsie hépatique<br />

peut diagnostiquer une sarcoïdose, une hépatite granulomateuse ou une<br />

ductopénie idiopathique. La ductopénie idiopathique est une hépatopathie<br />

cholestatique chronique d’origine inconnue, caractérisée par la disparition<br />

progressive des canaux biliaires interobulaires. En présence d’une cholestase<br />

légère (phosphatase alcaline plus du double de la limite supérieure de la<br />

normale) chez un patient asymptomatique dont l’échographie est normale, on<br />

recommande la mise en observation seule.<br />

3.3 Résumé<br />

Il est fréquent de rencontrer des taux élevés d’aminotransférases sériques lors<br />

d’un dépistage systématique. La première chose à faire lorsque le patient est<br />

asymptomatique est de répéter le test pour confirmer que les aminotransférases<br />

sériques sont élevées. Si l’élévation persiste, il y a lieu de poursuivre l’investigation.<br />

Il est pratique de faire la distinction entre les élévations des aminotransférases<br />

avec cholestase et sans cholestase (c’est-à-dire une phosphatase alcaline<br />

supérieure ou inférieure au double de la limite supérieure de la normale), car le<br />

diagnostic différentiel est différent. Les maladies musculaires constituent la<br />

principale cause non hépatique d’élévation des aminotransférases. Parmi les<br />

causes hépatiques sans cholestase, citons l’hépatite B et l’hépatite C,<br />

l’alcoolisme, la stéato-hépatite non alcoolique, les drogues, toxines et produits<br />

à base de plantes médicinales, l’hépatite auto-immune, l’hémochromatose, le<br />

déficit en 1-antitrypsine, la maladie de Wilson, la maladie cœliaque, les troubles<br />

de la thyroïde, la maladie d’Addison et la maladie de Cushing. Les causes


FIGURE 8. Élimination des médicaments par le foie.<br />

Le foie 587<br />

hépatiques d’élévation des aminotransférases avec cholestase comprennent :<br />

obstruction des canaux biliaires, tumeurs hépatiques, cirrhose biliaire primitive,<br />

cholangite sclérosante, hépatite auto-immune et syndromes de chevauchement,<br />

alcoolisme, stéato-hépatite non alcoolique, médicaments, toxines et produits à<br />

base de plantes médicinales, sarcoïdose, hépatite granulomateuse et ductopénie<br />

idiopathique de l’adulte. Chez un petit nombre de sujets (entre 2 et 10 % selon<br />

les séries), la cause d’élévation des aminotransférases demeure inconnue malgré<br />

une investigation appr<strong>of</strong>ondie.<br />

4. LE FOIE ET L’ÉLIMINATION DES MÉDICAMENTS / P. Paré et<br />

J.P. Villeneuve<br />

Le foie joue un rôle majeur dans l’élimination des médicaments liposolubles.<br />

Grâce à leur solubilité dans les lipides, les médicaments passent par diffusion<br />

passive à travers les membranes cellulaires de l’épithélium intestinal. Ils sont<br />

ensuite modifiés dans les voies métaboliques et transformés en composés<br />

hydrosolubles qui sont excrétés dans l’urine ou la bile (figure 8).<br />

La clairance hépatique des médicaments dépend du flux sanguin hépatique,<br />

de l’efficacité des enzymes métaboliques et du degré de liaison des médicaments<br />

aux protéines du plasma. Lorsqu’un médicament a un coefficient d’extraction<br />

hépatique élevé (forte extraction au premier passage), sa clairance est limitée<br />

par le captage hépatique et donc par le flux sanguin hépatique en contact avec<br />

les hépatocytes (ou les cellules de Kupffer pour les substances inertes utilisées<br />

lors d’une scintigraphie radio-isotopique du foie et de la rate). En présence


588 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 8. Élimination des médicaments et hépatopathie chronique<br />

Coefficient d’extraction Médicament Effet clinique en cas<br />

hépatique d’hépatopathie chronique<br />

Forte extraction Labétolol Accru<br />

Propranolol<br />

Lidocaïne<br />

Morphine<br />

Pentazocine<br />

Vérapamil<br />

Faible extraction Chlordiazépoxide Accru<br />

Métabolisme de phase 1 Diazépam<br />

Diphénylhydantoïne<br />

Indométhacine<br />

Rifampicine<br />

Tolbutamide<br />

Warfarine<br />

Faible extraction Lorazépam Inchangé<br />

Métabolisme de phase 2 Oxazépam<br />

Extraction intermédiaire Acétaminophène Accru<br />

Chlorpromazine<br />

Isoniazide<br />

Métoprolol<br />

Nortriptyline<br />

Quinidine<br />

d’une hépatopathie chronique, les sinusoïdes fortement poreux sont progressivement<br />

capillarisés du fait des dépôts de collagène dans l’espace de Disse,<br />

limitant le transport des médicaments jusqu’aux hépatocytes. Par conséquent,<br />

en cas d’hépatopathie chronique, la capillarisation et les anastomoses intra et<br />

extra hépatiques ont pour effet d’augmenter la biodisponibilité générale des<br />

médicaments qui ont normalement un taux d’extraction élevé au premier<br />

passage, avec un potentiel d’effets cliniques accrus. Par contre, certains<br />

médicaments présentent un coefficient d’extraction hépatique bas, de sorte<br />

que leur clairance ne dépend pas du flux sanguin, mais des enzymes. Le<br />

vieillissement et la progression de l’hépatopathie en insuffisance hépatique<br />

diminuent notablement la quantité et l’activité de ces enzymes. Habituellement,<br />

les patients présentant une hépatopathie légère éliminent les médicaments<br />

presque normalement.


Le foie 589<br />

Les réactions hépatiques métabolisant les médicaments sont de deux types.<br />

Dans la phase 1 (par l’intermédiaire des enzymes du cytochrome P-450), les<br />

médicaments sont habituellement hydroxylés pour former des métabolites<br />

intermédiaires ou inactifs. Dans la phase 2, les métabolites résultants sont<br />

rendus polaires et hydrosolubles par conjugaison avec l’acide glucuronique,<br />

un sulfate ou le glutathion. Souvent, les médicaments passent d’abord par la<br />

phase 1, puis par la phase 2. En cas d’hépatopathie chronique et du fait du<br />

vieillissement, la quantité et l’activité des enzymes de la phase 1 diminuent<br />

parallèlement au dysfonctionnement progressif du foie, réduisant les effets<br />

cliniques des médicaments dépendant des enzymes. Certains médicaments ne<br />

passent pas par le métabolisme de la phase 1 et dépendent directement du<br />

métabolisme de la phase 2. L’activité des enzymes de la phase 2 est moins<br />

affectée par une hépatopathie chronique. Par exemple, lorsqu’on doit utiliser<br />

une benzodiazépine chez un patient souffrant d’une maladie hépatique<br />

avancée, il est préférable d’utiliser une préparation à action courte passant par<br />

le métabolisme de phase 2 qu’un médicament à action longue passant par le<br />

métabolisme de phase 1 (tableau 8). L’alcool et certains médicaments peuvent<br />

déclencher l’activité des enzymes du cytochrome P-450, ce qui peut se<br />

traduire par une augmentation de leur clairance et une diminution de leurs<br />

effets cliniques.<br />

4.1 Métabolisme enzymatique<br />

Le système enzymatique du cytochrome P-450 (CYP) est le principal intervenant<br />

dans le métabolisme de phase 1. Plus de 20 isoenzymes CYP ont été<br />

identifiées dans le foie humain. Ces enzymes sont réparties sélectivement<br />

dans le lobule hépatique, la plupart étant concentrées davantage dans la zone<br />

périportale, certaines autour de la veinule hépatique. La localisation des<br />

enzymes CYP explique en partie la distribution des lésions hépatiques<br />

produites par les médicaments et toxines transformés en métaboliques réactifs<br />

intermédiaires, tels l’acétaminophène et le tétrachlorure de carbone. Les<br />

enzymes CYP sont des oxydases microsomales. D’autres systèmes enzymatiques<br />

(estérases et hydroxylases) interviennent aussi dans le métabolisme de<br />

la phase 1.<br />

Les enzymes CYP sont des hémoprotéines situées dans le réticulum<br />

endoplasmique. Chez l’humain, les CYP qui métabolisent les médicaments<br />

relèvent de trois familles de gènes (CYP1, CYP2, CYP3). Dans chaque<br />

famille, les sous-familles sont identifiées par des lettres majuscules (p. ex. 3A,<br />

2C, 1A) et les membres de ces sous-familles par des chiffres (3A4, 2C9, 1A2).<br />

Chaque enzyme CYP peut métaboliser de nombreux médicaments. Les<br />

enzymes CYP3A4 et CYP3A5 interviennent dans le métabolisme de près de<br />

50 % des médicaments (figure 9). Ce sont les enzymes de ce système


590 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 9. Distribution des isoenzymes du cytochrome P450 dans le foie humain.<br />

enzymatique les plus abondantes dans le foie humain. Certaines sont moins<br />

abondantes et leur activité est influencée par un polymorphisme génétique (2C9,<br />

2C19, 2D6). Il en résulte des phénotypes dotés d’activité métabolique lente,<br />

intermédiaire, rapide et ultra rapide. Ces variantes dépendent souvent de<br />

l’ascendance raciale. L’enzyme CYP2C9 métabolise des médicaments d’usage<br />

courant, en particulier la warfarine et la phénytoïne, qui ont toutes deux une<br />

fenêtre thérapeutique étroite. Les mutations hétérozygotes et homozygotes de<br />

l’enzyme CYP2C9 s’accompagnent d’une réduction marquée de l’activité<br />

(12 % et 5 %) de l’enzyme. Il en résulte que l’établissement d’un traitement par<br />

la warfarine ou la phénytoïne chez les personnes présentant ces mutations est<br />

plus difficile, car il les expose à des concentrations supra thérapeutiques ou<br />

toxiques du médicament dans le sang. Il existe également avec CYP2C19 un<br />

polymorphisme génétique (3 % des Blancs et jusqu’à 23 % des Asiatiques sont<br />

des métaboliseurs lents). L’enzyme CYP3A montre une variabilité marquée<br />

d’une personne à une autre, sans polymorphisme fonctionnel notable. Le tableau<br />

9 donne des exemples de substrats de certains cytochromes P-450.<br />

Pour les enzymes de la phase 2 de conjugaison, le polymorphisme<br />

génétique de la thiopurine méthyltransférase est d’une importance critique<br />

pour le métabolisme de la 6-mercaptopurine et de l’azathioprine : 0,3 % de la<br />

population est homozygote pour une mutation conférant une activité enzymatique<br />

nulle ou minimale et 10 % est hétérozygote, avec une diminution marquée de<br />

l’activité enzymatique.


TABLEAU 9. Substrats de certaines enzymes du cytochrome P-450<br />

CYP Substrats<br />

1A2 Caféine<br />

Théophylline<br />

2A6 Nicotine<br />

2C9 Warfarine<br />

Phénytoïne<br />

AAS et la plupart des AINS<br />

2C19 Diazépam<br />

Antidépresseurs tricycliques (ATC)<br />

Oméprazole<br />

Tolbutamide<br />

2D6 Antidépresseurs tricycliques (ATC)<br />

Inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine<br />

Bêta-bloquants<br />

Codéine<br />

2E1 Acétaminophène<br />

Éthanol<br />

3A4 Érythromycine, clarithromycine<br />

Cyclosporine, tacrolimus<br />

Inhibiteurs calciques (sauf diltiazem)<br />

Diverses statines (lova., simv., atorva.)<br />

Inhibiteurs de la protéase du VIH<br />

Œstrogènes<br />

Corticostéroïdes<br />

Le foie 591<br />

Dans le cas de la cirrhose, le métabolisme des médicaments par l’intermédiaire<br />

des enzymes CYP est plus affecté que la réaction de conjugaison. Le<br />

contenu et l’activité des CYP1A, 2C19 et 3A sont particulièrement influencés<br />

par la sévérité de l’hépatopathie. En outre, un certain nombre de médicaments<br />

et/ou de substances environnementales peuvent agir comme déclencheurs,<br />

compétiteurs ou inhibiteurs puissants de certains CYP. Des médicaments et<br />

des substances alimentaires sont reconnus comme inhibiteurs forts de certains<br />

CYP, exposant les patients avec ou sans hépatopathie à un risque de complications<br />

cliniques (tableau 10). Le jus de pamplemousse exerce probablement


592 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 10. Puissants inhibiteurs de certains CYP<br />

CYP Inhibiteur<br />

3A4 Jus de pamplemousse<br />

Thé vert<br />

Kétoconazole et autres azoles<br />

Érythromycine et clarithromycine<br />

2C9 Fluconazole<br />

Fluvoxamine<br />

Fluoxétine<br />

2C19 Fluconazole<br />

1A2 Fluconazole<br />

Fluoroquinolones<br />

son effet sur les médicaments administrés par voie orale en inhibant le<br />

CYP3A4, réparti largement dans le tractus intestinal (ainsi que dans le foie).<br />

L’élimination des médicaments est une considération clinique importante<br />

quand on soigne des patients atteints d’une hépatopathie chronique. On doit<br />

évaluer la voie de métabolisme et les caractéristiques pharmacocinétiques du<br />

médicament utilisé en fonction de la gravité de l’insuffisance hépatique pour<br />

pouvoir obtenir la réponse clinique recherchée. Des événements indésirables<br />

se produisent plus fréquemment que chez les personnes en bonne santé si des<br />

précautions ne sont pas prises.<br />

5. HYPERBILIRUBINÉMIES CONGÉNITALES / P. Paré<br />

Il est important de reconnaître une hyperbilirubinémie congénitale ne seraitce<br />

que pour la distinguer des autres maladies hépato-biliaires plus graves. À<br />

l’exception du syndrome de Crigler-Najjar, les hyperbilirubinémies congénitales<br />

ne compromettent ni la qualité ni l’espérance de vie des sujets affectés. Par<br />

définition, chez les patients présentant une hyperbilirubinémie familiale, les<br />

tests standard de la fonction hépatique sont normaux. De même, l’histologie<br />

du foie est normale (à part l’accumulation de pigments, dans le syndrome de<br />

Dubin-Johnson). À part la cholémie simple familiale, ces syndromes sont peu<br />

fréquents et se divisent en deux groupes selon le type de l’hyperbilirubinémie<br />

sérique (tableau 11).


TABLEAU 11. Syndromes congénitaux d’hyperbilirubinémie<br />

Gilbert Crigler-Najjar type I Crigler-Najjar type II Dubin-Johnson Rotor<br />

Prévalence 7% de la population Très rare Peu fréquent Peu fréquent Rare<br />

Transmission Dominante Récessive Dominante Récessive Récessive<br />

(autosomique)<br />

Concentration < 100 > 400 < 400 < 100 < 100<br />

sérique de bilirubine (non conjuguée) (non conjuguée) (non conjuguée) (environ à moitié (environ à moitié<br />

(mol/L) conjuguée) conjuguée)<br />

Éléments Concentration de Aucune réponse Concentration de Excrétion urinaire Visualisation normale<br />

du diagnostic bilirubine à jeun au phénobarbital bilirubine avec caractéristique de de la vésicule biliaire –<br />

avec le phénobarbital le phénobarbital coproporphyrine cholécystographie orale<br />

(>80% isomère 1)<br />

Pigment dans<br />

les hépatocytes<br />

centro-lobulaires<br />

Pronostic Normal Décès précoce dû Habituellement Normal Normal<br />

au kernictère normal<br />

Traitement Aucun nécessaire Greffe de foie Phénobarbital Éviter les œstrogènes Il n’en existe aucun<br />

Le foie 593


594 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

5.1 Hyperbilirubinémie non conjuguée<br />

5.1.1 MALADIE DE GILBERT<br />

La maladie de Gilbert, ou cholémie simple familiale, est le syndrome d’hyperbilirubinémie<br />

congénitale le plus fréquent, touchant environ 5 % des personnes<br />

de race blanche. Elle est probablement transmise selon un mode autosomique<br />

dominant. Sa pathogenèse est reliée à un déficit partiel en UDP-glucuronyltransférase<br />

hépatique, l’enzyme responsable de la glucuronidation de la bilirubine.<br />

En outre, chez certains patients, le captage de la bilirubine par les hépatocytes<br />

est réduit, comme on le montre avec certaines substances diagnostiques<br />

(brome-sulfone-phtaléine, vert d’indocyanine) et médicaments (tolbutamide).<br />

La cholémie est habituellement décelée chez les adolescents ou les jeunes<br />

adultes; le plus souvent de sexe masculin. La grande différence entre les sexes<br />

peut s’expliquer par le fait que l’action de l’UDP-glucuronyl-transférase est<br />

inhibée par la testostérone alors qu’elle est stimulée par les œstrogènes et la<br />

progestérone. Les manifestations amenant à poser le diagnostic de cholémie<br />

sont variées et non spécifiques : fatigue, nausées, malaise abdominal vague.<br />

La cholémie peut s’accompagner d’un ictère scléral fluctuant, mais l’examen<br />

physique reste par ailleurs normal. Les tests de la fonction hépatique et<br />

l’hémogramme (pour exclure une hémolyse) sont normaux, à l’exception de<br />

la bilirubine sérique non conjuguée, qui est élevée, entre 20 et 100 mmol/L,<br />

alors que la bilirubinémie conjuguée est souvent faible et non mesurable.<br />

Il existe des tests diagnostiques, qui ne sont pas généralement nécessaires :<br />

un jeûne de deux jours ou l’administration intraveineuse d’acide nicotinique<br />

augmentent notablement la bilirubine sérique non conjuguée, alors que le<br />

phénobarbital la réduit fortement. Aucun traitement n’est requis. Le pronostic<br />

est excellent.<br />

5.1.2 SYNDROME DE CRIGLER-NAJJAR<br />

Il existe deux types d’ictère familial congénital (ou syndrome) de Crigler-Najjar.<br />

Le type I, très rare et grave, est caractérisé par une hyperbilirubinémie non<br />

conjuguée dépassant souvent 400 à 500 mmol/L. Il est dû à un déficit total<br />

d’UDP-glucuronyl-transférase. L’ictère apparaît presque immédiatement<br />

après la naissance et peut aboutir à un kernictère, avec les lésions neurologiques<br />

et le retard mental qui en sont la conséquence. Le kernictère est une atteinte<br />

aux noyaux gris centraux et au cortex cérébral due à des dépôts de bilirubine<br />

non conjuguée, laquelle peut traverser la barrière hémato-encéphalique immature<br />

du nourrisson. Le syndrome, héréditaire, se transmet selon le mode autosomique<br />

récessif, souvent avec des antécédents familiaux de consanguinité. Le traitement<br />

par le phénobarbital est incapable de déclencher l’activité de l’UDP-glucuronyltransférase.<br />

La mort survient à brève échéance. Le traitement de choix semble<br />

être la greffe de foie.


Le foie 595<br />

Le type II est une affection beaucoup plus bénigne, où l’hyperbilirubinémie<br />

non conjuguée ne dépasse pas 400 mmol/L. Le kernictère est rare (sauf en<br />

cas de jeûne prolongé, durant lequel la bilirubine sérique peut augmenter).<br />

L’activité de l’UDP-glucuronyl-transférase est très faible ou indécelable, mais<br />

l’administration de phénobarbital réduit la bilirubine sérique. (Le phénobarbital<br />

semble capable d’induire l’activité de cette enzyme, même à ce taux très bas.)<br />

Le pronostic est très bon, bien que l’hyperbilirubinémie non conjuguée<br />

persiste toute la vie.<br />

5.2 Hyperbilirubinémie conjuguée<br />

Deux syndromes sont caractérisés par une hyperbilirubinémie conjuguée congénitale<br />

sans cholestase. Tous deux sont transmis selon le mode autosomique<br />

récessif. Ce sont des troubles peu fréquents qui semblent résulter d’anomalies<br />

spécifiques de l’excrétion hépato-biliaire de la bilirubine. Ils sont bénins et un<br />

diagnostic exact permet de rassurer le patient. Le taux de bilirubine plasmatique<br />

s’établit habituellement entre 35 et 85 mmol/L. Il peut encore augmenter en<br />

cas d’infection intercurrente, de grossesse ou d’utilisation d’un contraceptif<br />

oral. Il n’y a pas de prurit et les taux sériques d’acides biliaires sont normaux,<br />

ainsi que les résultats des tests biologiques courants de la fonction hépatique,<br />

à l’exception de la bilirubine sérique. Il y a habituellement une bilirubinurie.<br />

Aucun traitement n’est nécessaire.<br />

Des caractéristiques distinctives permettent un diagnostic différentiel entre<br />

les deux syndromes.<br />

5.2.1 MALADIE DE DUBIN-JOHNSON<br />

Le foie des patients atteints de la maladie de Dubin-Johnson est noir, résultat<br />

de l’accumulation d’un pigment similaire à la mélanine dans les lysosomes.<br />

La visualisation de la vésicule biliaire durant une cholécystographie orale est<br />

habituellement retardée ou absente. L’excrétion urinaire de coproporphyrine<br />

totale est normale, alors que la proportion de l’isomère 1 est supérieure à ce<br />

qu’on observe chez les témoins normaux (plus de 80 %). Enfin, le test de<br />

rétention plasmatique de la BSP (brome-sulfone-phtaléine) est normal durant<br />

la phase initiale, mais on note une augmentation secondaire du taux plasmatique<br />

de BSP à 90 minutes causée par le reflux dans le plasma de la BSP retenue<br />

par les hépatocytes.<br />

5.2.2 SYNDROME DE ROTOR<br />

Dans le syndrome de Rotor, l’aspect et l’histologie du foie sont normaux. La<br />

cholécystographie orale permet habituellement de visualiser la vésicule biliaire.<br />

L’excrétion de la coproporphyrine totale est supérieure à la normale, comme<br />

c’est le cas pour d’autres troubles hépato-biliaires, et la proportion d’isomère


596 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 12. Causes de l’hépatite aiguë<br />

Causes Éléments du diagnostic<br />

Virus<br />

Hépatite A IgM anti-VHA<br />

Hépatite B HBsAg, IgM anti-HBc<br />

Hépatite C anti-VHC, ARN du VHC<br />

Hépatite D anti-VHD<br />

Hépatite E anti-VHE<br />

Herpès simplex sérologie antivirale<br />

Cytomégalovirus<br />

Epstein-Barr<br />

Adénovirus<br />

Virus exotiques<br />

Médicaments exposition compatible<br />

Toxines exposition compatible<br />

Alcool exposition; rapport ASAT/ALAT >2<br />

Ischémie hypotension<br />

Maladie de Wilson céruloplasmine sérique,<br />

cuivre des urines de 24 heures,<br />

anneaux de Kayser Fleischer<br />

Autres<br />

1 est plus faible (moins de 80 %) que dans la maladie de Dubin-Johnson.<br />

L’élimination plasmatique de la BSP injectée est retardée; on ne note aucune<br />

augmentation secondaire.<br />

6. HÉPATITE VIRALE AIGUË / P.T. Grover et M. Ma<br />

Le terme « hépatite » désigne tout processus inflammatoire causant une lésion<br />

hépatocellulaire. Au plan clinique, on distingue l’hépatite aiguë, qui est une<br />

maladie autolimitée, de l’hépatite chronique, dans laquelle l’inflammation<br />

persiste au-delà de six mois. L’étiologie la plus fréquente de l’hépatite aiguë<br />

est l’infection par un virus (tableau 12). Les virus de l’hépatite A, B et C sont<br />

les causes les plus communes d’hépatite virale en Amérique du Nord.<br />

D’autres virus (virus Epstein-Barr (VEB), cytomégalovirus (CMV),


Le foie 597<br />

adénovirus, virus de l’herpès simplex et virus Coxsackie) peuvent causer une<br />

hépatite, mais le tableau clinique est dominé, non par l’hépatite, mais par les<br />

caractéristiques de la maladie virale.<br />

La plupart des infections virales causent des symptômes très légers et non<br />

spécifiques. Lorsque l’hépatite est sévère, les symptômes initiaux sont un<br />

malaise, des nausées, des vomissements, de la fatigue et une température<br />

subfébrile. Dans les cas d’hépatite aiguë, on note fréquemment une gêne dans<br />

l’hypocondre droit, mais une douleur abdominale intense ne fait pas partie du<br />

tableau clinique. Dans de rares cas graves, il existe un risque d’insuffisance<br />

hépatique fulminante nécessitant une greffe de foie. Les patients souffrant<br />

d’hépatite sévère présentent une élévation notable des aminotransférases<br />

sériques (ALAT et ASAT) et des anomalies de la fonction de synthèse du foie,<br />

en particulier une élévation de l’INR et de la bilirubine.<br />

Au cours de la dernière décennie, le traitement de l’hépatite virale aiguë n’a<br />

pas progressé aussi rapidement que notre compréhension de l’épidémiologie<br />

et de la biologie moléculaire des virus. Les soins de soutien restent l’élément<br />

principal du traitement. La convalescence dure habituellement 7 à 10 jours, la<br />

maladie elle-même durant au total 2 à 6 semaines. La prévention de l’infection<br />

et la prophylaxie post-exposition sont des éléments importants du traitement<br />

de ces hépatites virales.<br />

6.1 Virus de l’hépatite A (VHA)<br />

6.1.1 ÉPIDÉMIOLOGIE ET FACTEURS DE RISQUE<br />

Précédemment dénommée « hépatite infectieuse », l’hépatite A est causée par<br />

un virus à ARN de la famille des entérovirus. Cette infection par un virus<br />

entérique est fréquente dans le monde et tend à causer une maladie légère,<br />

autolimitée. Toutefois, on a signalé des cas d’hépatite et d’insuffisance hépatique<br />

graves. Dans de nombreux pays en développement et dans certaines<br />

communautés des pays développés, une mauvaise hygiène publique favorise<br />

la prolifération fécale/orale du virus de l’hépatite A (VHA). L’anticorps anti-<br />

VHA peut être décelé dans 90 % de la population des pays en développement<br />

et dans 30 à 40 % de la population des pays développés.<br />

Étant donné la globalisation de la distribution alimentaire et du tourisme, le<br />

VHA n’est plus limité aux pays en développement comme cause de maladie.<br />

La contamination des produits alimentaires et de l’eau peut aboutir à des<br />

flambées épidémiques. Des flambées récentes en Amérique du Nord étaient<br />

associées à l’ingestion de fraises contaminées provenant de pays développés<br />

et de moules et d’huîtres crues pêchées en eau polluée. La propagation de<br />

personne à personne se traduit par des cas sporadiques. La transmission<br />

parentérale est aussi possible, en particulier par les utilisateurs de drogues


598 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 10. Caractéristiques cliniques et sérologiques types de l’hépatite A aiguë.<br />

injectables, mais elle est moins fréquente. Les personnes voyageant dans les<br />

régions endémiques, les enfants des garderies, les pr<strong>of</strong>essionnels de la santé<br />

et les hommes homosexuels sont exposés à un risque accru d’hépatite A.<br />

6.1.2 ÉVOLUTION CLINIQUE<br />

Le VHA est transmis par la voie fécale/orale. L’intensité des symptômes est<br />

corrélée avec l’âge au moment de l’infection par le VHA. Dans les pays en<br />

développement, l’infection se produit durant l’enfance et la plupart des enfants<br />

ont donc été exposés au virus. Les infections durant l’enfance s’accompagnent<br />

de symptômes très légers et les enfants acquièrent une immunité contre le VHA<br />

qui dure toute leur vie. Dans les pays développés bénéficiant d’une bonne<br />

hygiène, l’immunité de la population à l’hépatite A est faible chez les jeunes<br />

adultes. Peu d’entre eux ont été exposés au virus durant leur enfance. L’infection<br />

par le VHA affecte donc des adultes et la maladie tend à être symptomatique.<br />

L’infection par le virus cause habituellement chez des adultes une hépatite<br />

aiguë légère à modérée. La période d’incubation est de quatre semaines environ<br />

et la maladie aiguë dure deux à trois semaines. Le virus est présent dans les<br />

selles des patients, depuis la phrase prémonitoire ou préictérique jusqu’à deux<br />

semaines après le début de l’ictère. La propagation orale/fécale de personne à


Le foie 599<br />

personne peut se produire durant cette phase. Il y a une brève période de<br />

virémie durant la phase aiguë de l’infection et la transmission parentérale peut<br />

donc se produire chez les utilisateurs de drogues injectables qui utilisent la<br />

même aiguille. Durant l’infection aiguë, les patients présentent des symptômes<br />

de type grippal, par exemple un malaise, de la fatigue, une anorexie et de la<br />

fièvre. On peut habituellement déceler un ictère léger à modéré. Les enzymes<br />

hépatiques ASAT et ALAT sont modérément élevées.<br />

On a observé chez des personnes âgées et chez des patients ayant une<br />

hépatopathie chronique sous-jacente une insuffisance hépatique fulminante<br />

causant la mort ou nécessitant une greffe de foie. Ces patients doivent être<br />

hospitalisés pour recevoir des soins de soutien et les préparer à une éventuelle<br />

greffe de foie. Le taux de mortalité due à une hépatite fulminante est très<br />

faible (0,1 %) et la greffe de foie est rarement nécessaire. La guérison fait<br />

suite à l’hépatite aiguë et les patients ont acquis une immunité au VHA qui<br />

dure toute leur vie. Rien ne permet de penser qu’il existe un état de porteur<br />

chronique ou de maladie hépatique chronique.<br />

6.1.3 DIAGNOSTIC<br />

Les cas d’infection par le VHA s’accompagnent de la production d’anticorps<br />

IgM et IgG anti-VHA. La présence d’un taux élevé d’anticorps IgM indique<br />

une infection récente et c’est le test utilisé pour diagnostiquer une infection<br />

aiguë. La réponse IgM devient habituellement indécelable à six mois, mais la<br />

réponse IgG persiste toute la vie (figure 10).<br />

6.1.4 TRAITEMENT<br />

La plupart des patients se portent raisonnablement bien et peuvent poursuivre<br />

leurs activités quotidiennes, bien que certains aient des nausées et des vomissements<br />

suffisamment intenses pour nécessiter un apport hydrique par voie<br />

intraveineuse. La maladie est habituellement autolimitée et il n’y a pas de<br />

traitement antiviral spécifique pour l’hépatite A. Le traitement de la maladie<br />

active est un traitement de soutien. La plupart des cas peuvent être traités en<br />

externe. L’alitement n’est pas nécessaire. Les patients peuvent entreprendre<br />

toute activité qui n’exacerbe pas les symptômes. Les efforts intenses n’ont pas<br />

d’effets indésirables quand l’infection aiguë par le VHA est légère à modérée.<br />

L’alimentation peut être libérale, avec une incitation à choisir des plats<br />

caloriques, mais en excluant l’alcool. Les aliments gras sont mal tolérés et il<br />

convient donc de les éviter. Tous les médicaments inutiles, en particulier les<br />

tranquillisants et les sédatifs, devraient être évités. Le retour au travail et<br />

l’activité physique devraient reposer sur les symptômes du patient. En informant<br />

le patient, on peut soulager son anxiété. Il n’est pas nécessaire en général<br />

d’adresser le patient à un spécialiste (tableau 13).


TABLEAU 13. Prévention et traitement de l’hépatite virale aiguë<br />

Hépatite A Hépatite B Hépatite C<br />

600 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Généralités • Nécessité d’une bonne hygiène. • Vaccin synthétisé par une<br />

• Une infection par le VHA confère technique recombinante<br />

une immunité à vie. • Effets secondaires minimes<br />

• Confère la protection contre le VHD<br />

Indication de • Exposition pr<strong>of</strong>essionnelle (travailleurs • Vaccination universelle au Canada • Pas de vaccin<br />

vaccination de garderie, personnel militaire,<br />

pr<strong>of</strong>essionnels de la santé, égoutiers)<br />

• Hommes homosexuels<br />

• Résidents et personnel d’unité de maladies<br />

chroniques, prisons<br />

• Voyageurs en régions endémiques<br />

• Utilisateurs de drogues injectables<br />

• Enfants de 2 ans et plus des communautés<br />

à taux élevé d’hépatite A<br />

• Hépatopathies chroniques<br />

Prophylaxie à • Tous les contacts familiaux et sexuels • Piqûre accidentelle, contacts familiaux • Piqûres accidentelles<br />

l’exposition • Immunoglobuline sérique 0,02 mL/kg par et sexuels Test pour ARN du VHC, ASAT,<br />

voie i.m. si exposition antérieure à 2 semaines • Si séronégatif, administrer GIHB + bilirubine à la base, 4 et 12 semaines ;<br />

• Vaccin commencer une série de vaccins anti-VHB si positif, traiter avec PEG-IFN<br />

• Aucun traitement pour les contacts • Prénatal et la ribavirine<br />

occasionnels à l’école ou au travail, Dépistage prénatal systématique avec AgHBs. • Transmission périnatale<br />

sauf si une épidémie est identifiée Dans les 24 à 48 h de l’accouchement, GIHB + rare; plus probable si la<br />

commencer une série de vaccins anti-VHB mère est immunodéprimée<br />

• Tester le nourrisson avec l’ARN du VHC<br />

• Transmission sexuelle rare<br />

Condoms conseillés avec des partenaires<br />

sexuels multiples, durant les rapports<br />

anaux et lors des menstruations<br />

Traitement • Soins de soutien. La plupart des cas se résolvent spontanément. Hospitalisation rarement • Outre les soins de soutien, si le<br />

nécessaire. La prophylaxie et la prévention de la propagation secondaire est patient ne s’est pas spontanément<br />

probablement l’aspect le plus important du traitement débarrassé du virus à la semaine 12,<br />

• Activité – Retour au travail guidé par les symptômes; pas de limitation d’activité commencer un traitement antiviral.<br />

• Alimentation – aliments gras mal tolérés, exclure l’alcool, pas d’autre restriction Études avec interféron seulement.<br />

• Médicaments– aucun rôle pour les corticostéroïdes – peut augmenter le risque<br />

d’état de porteur chronique; éviter les sédatifs, les tranquillisants


Le foie 601<br />

6.1.5 PRÉVENTION<br />

Dans la communauté, la prévention de l’hépatite A dépend d’une bonne<br />

hygiène et de bonnes conditions sanitaires. Lors d’une flambée d’hépatite A,<br />

il convient d’informer les membres de la famille ou les personnes en contact<br />

étroit avec la personne infectée des mesures d’hygiène et de l’immunoprophylaxie.<br />

Cette intervention de santé publique est importante pour prévenir la<br />

dissémination de l’hépatite A. L’immunoglobuline sérique et le vaccin de<br />

l’hépatite A sont les deux agents biologiques utilisés pour la prévention de<br />

la maladie.<br />

On a démontré qu’une préparation d’immunoglobuline ordinaire était efficace<br />

dans la prévention de l’hépatite A et on l’a utilisée en immuno-prophylaxie<br />

passive. La préparation comprend des anticorps concentrés provenant d’un<br />

pool de plasma humain. Elle a une efficacité de 80 à 90 % lorsqu’elle est<br />

administrée avant ou immédiatement après l’exposition. On peut l’utiliser en<br />

prophylaxie avant l’exposition chez les voyageurs se rendant dans des pays<br />

endémiques qui ont besoin d’une protection immédiate, de courte durée. On<br />

l’utilise aussi en prophylaxie après exposition, lors des contacts familiaux ou<br />

sexuels avec la personne infectée. La préparation est d’un emploi sécuritaire<br />

pour la prophylaxie de courte durée chez les enfants de moins de deux ans et<br />

chez les femmes enceintes voyageant dans des régions endémiques. La dose<br />

recommandée actuellement est de 0,02 mL/kg par voie i.m. dans les deux<br />

semaines de l’exposition.<br />

Le vaccin de l’hépatite A contient le virus vivant atténué, d’emploi sécuritaire,<br />

pour déclencher l’immunité au virus. Les vaccins actuels sont administrés en<br />

deux doses. La vaccination est recommandée pour les personnes de plus de<br />

2 ans vivant dans des collectivités où le taux d’hépatite A est élevé, aux<br />

personnes exposées pr<strong>of</strong>essionnellement ou à celles qui voyagent dans des<br />

pays endémiques. Elle est également recommandée aux utilisateurs de<br />

drogues injectables, aux personnes qui vivent en institutions ou qui présentent<br />

une maladie hépatique chronique ou une hémophilie (tableau 13). Étant donné<br />

la grande efficacité du vaccin, il n’est pas nécessaire de tester systématiquement<br />

après un traitement visant à former des anticorps. Bien que le vaccin soit très<br />

sécuritaire, on ne dispose d’aucune donnée concernant son innocuité chez<br />

les enfants de moins de deux ans ou chez les femmes enceintes. L’effet<br />

secondaire le plus fréquent est une douleur au point d’injection (18 à 39 %).<br />

L’immunoglobuline et le vaccin peuvent être administrés ensemble. Dans<br />

cette situation, il y a une légère inhibition de la production d’anticorps. Mais<br />

le titre d’anticorps anti-VHA produit est plus qu’adéquat pour prévenir une<br />

infection par le VHA.


602 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 14. Facteurs de risque associés à des cas signalés d’infection aiguë par le VHB aux<br />

É.-U. Source : Données des Centers for Disease Control and Prevention, 1992<br />

Facteurs de risque Pourcentage (%)<br />

Activité hétérosexuelle 48<br />

Usage de drogues injectables 11<br />

Activité homosexuelle 7<br />

Emploi en soins de santé 2<br />

Contacts familiaux 1<br />

Transfusion, dialyse 1<br />

Inconnu 30<br />

TABLEAU 15. Risque d’infection transmise par transfusion. Source : Données du CMAJ – Base<br />

de données de la Société canadienne du sang, 1990-2000<br />

Hépatite B 1/72 000<br />

Hépatite C 1/3 million<br />

VIH 1/10 million<br />

HTLV 1/1,1 million<br />

6.2 Virus de l’hépatite B (VHB)<br />

6.2.1 ÉPIDÉMIOLOGIE ET FACTEURS DE RISQUE<br />

Le VHB est un virus à ADN unique qui se réplique par transcription inverse<br />

de son ARNm. Il se comporte plus comme un rétrovirus que comme un virus<br />

à ADN. Il est responsable de 40 % des hépatites virales aiguës aux États-Unis.<br />

En Amérique du Nord, l’infection par le VHB se produit surtout chez les<br />

adolescents et adultes qui sont sexuellement actifs ou qui utilisent des drogues<br />

injectables (tableau 14). Dans les pays endémiques, le VHB infecte fréquemment<br />

les nourrissons et les enfants par transmission maternelle ou, d’un enfant<br />

à un autre, du fait de l’utilisation d’une aiguille de vaccination contaminée. La<br />

transmission verticale du VHB (de la mère au nouveau-né) est à l’origine de<br />

la vaste majorité des porteurs chroniques dans le monde. Les infections par le<br />

VHB dues à une transfusion sanguine ont énormément diminué depuis la mise<br />

en œuvre du dépistage systématique et du recours aux donneurs de sang<br />

bénévoles, bien qu’elles représentent toujours le risque le plus élevé d’infection<br />

transmise par transfusion sanguine, soit 1 sur 72 000 unités de sang transfusées<br />

(tableau 15).<br />

6.2.2 ÉVOLUTION CLINIQUE<br />

Le VHB est un virus extrêmement infectieux. La présence d’antigènes AgHBe


Le foie 603<br />

FIGURE 11. Caractéristiques cliniques et sérologiques types d’une infection aiguë par le VHB.<br />

ou d’ADN du VHB dans le sang indique une infection virale active et une<br />

infectivité élevée. L’exposition au sang ou aux liquides corporels infectés par<br />

la voie percutanée ou par les muqueuses se traduit par une infection aiguë.<br />

La présentation clinique de l’hépatite B aiguë va de l’infection infraclinique<br />

à de rares cas d’hépatite fulminante (0,1 à 0,5 %). La période d’incubation est<br />

comprise entre 60 et 110 jours. Au début de l’hépatite aiguë, l’ictère se produit<br />

chez 30 % environ des patients à la présentation. Durant la maladie aiguë, les<br />

patients peuvent être fiévreux et anorexiques, ressentir un malaise et de la<br />

fatigue, avec une élévation des enzymes hépatiques. Fréquemment, l’issue et<br />

l’évolution de l’hépatite B chronique dépendent de l’âge. Si l’infection concerne<br />

un adulte, elle est habituellement autolimitée et moins de 5 % des patients<br />

atteignent le stade de l’hépatite chronique (présence persistante du virus après<br />

six mois d’infection). La transmission périnatale est associée à un taux de<br />

90 % d’infection chronique. Le taux de clairance virale est également plus<br />

faible chez les patients immunodéprimés.<br />

6.2.3 DIAGNOSTIC<br />

La figure 11 illustre l’évolution typique d’une infection par le VHB, l’apparition<br />

des antigènes viraux et la réponse immunitaire de l’hôte. Pour comprendre les<br />

multiples tests sérologiques concernant le VHB, il est important d’apprendre<br />

comment évolue cliniquement une infection par le VHB et quelles sont les


604 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 16. Interprétation des marqueurs de l’hépatite B<br />

Marqueur Interprétation<br />

AgHBs Infection par le VHB; peut être aiguë ou chronique<br />

Anti-HBs Immunité au VHB; peut être naturelle ou acquise par vaccination<br />

IgM anti-HBc Infection aiguë par le VHB (les résultats de dosages plus récents ou plus<br />

sensibles peuvent également être positifs durant la réactivation d’une<br />

infection chronique)<br />

AgHBe Réplication virale active et infectivité élevée<br />

Anti-HBe Infectivité faible ou nulle; à ne mesurer qu’en cas d’infection chronique<br />

par le VHB<br />

ADN du VHB Mesure directe de l’infectivité ou de l’état de réplication;<br />

accessible par la technique PCR<br />

composantes du VHB. Le VHB est constitué d’une nucléocapside ou core<br />

central de 28 nm contenant le génome de l’ADN (une molécule unique<br />

d’ADN, dont une partie seulement est à double brin) et l’ADN polymérase<br />

virale. On trouve fréquemment le core central du VHB dans les noyaux des<br />

hépatocytes infectés. En tant qu’antigène, le core du VHB est distinct de<br />

l’AgHBs qui l’enveloppe. On trouve l’anticorps anti-core (anti-HBc) et<br />

l’anticorps de surface (anti-HBs) chez les patients qui se sont rétablis après<br />

une infection. Un autre antigène viral, appelé AgHBe, peut être décelé dans le<br />

sérum. L’antigène AgHBe est une sous-unité de l’antigène AgHBc. Sa<br />

présence indique une réplication virale et une infectivité élevée. Certains<br />

mutants ne produisent pas d’antigène AgHBe. Ces « mutants pré-core » peuvent<br />

causer une hépatite grave. Lors d’une infection aiguë, on peut déceler dans le<br />

sang les antigènes AgHBs et AgHBe et l’ADN du VHB. L’anticorps IgM<br />

spécifique anti-core de l’hépatite B apparaît tôt et constitue un marqueur<br />

d’infection aiguë. Quand l’hépatite aiguë se résout, l’AgHBs est éliminé et<br />

l’anticorps anti-HBs devient décelable. Le tableau 16 et le tableau 21 de la<br />

section 7 résument l’importance des marqueurs du VHB et leur interprétation.<br />

6.2.4 TRAITEMENT<br />

Durant une maladie aiguë, le traitement consiste à apporter des soins de soutien.<br />

Un traitement antiviral serait inutile, car la plupart des infections aiguës se<br />

résolvent complètement. Dans les rares cas d’insuffisance hépatique fulminante,<br />

le patient devrait être traité par une greffe de foie. Pour les patients qui présentent<br />

une infection chronique grave à VHB, il importe d’adopter un traitement<br />

antiviral par l’interféron ou la lamivudine pour prévenir l’évolution de la maladie<br />

en cirrhose et en insuffisance hépatique.


6.2.5 PRÉVENTION<br />

Il existe des méthodes d’immunisation passives et actives contre le VHB. Une<br />

préparation d’immunoglobuline spécifique provenant d’un pool de plasma<br />

humain a un titre élevé d’anticorps anti-antigène de surface du VHB (anti-HBs).<br />

Cette immunoglobuline anti-hépatite B (IgHB) peut <strong>of</strong>frir une protection contre<br />

l’infection après une exposition au VHB. Elle doit être administrée dans les<br />

12 heures si l’exposition est incontestable, par exemple en cas de piqûre<br />

accidentelle par une aiguille ou de contact sexuel. Elle est souvent administrée<br />

en association avec le vaccin de l’hépatite B. Elle est aussi administrée en<br />

association avec le vaccin dans les 24 à 48 heures de la naissance aux nouveaunés<br />

dont la mère présente une hépatite B aiguë ou chronique, pour prévenir la<br />

transmission verticale du virus, c’est-à-dire de la mère à l’enfant. Le dépistage<br />

prénatal systématique de l’AgHBs est recommandé pour identifier les femmes<br />

enceintes qui risquent de transmettre l’infection à leur enfant.<br />

Le vaccin de l’hépatite B contenant des AgHBs, fabriqué à l’origine à partir<br />

de sérum d’un pool de sang de donneurs, est maintenant synthétisé selon une<br />

technique de l’ADN recombinant. Il existe à l’heure actuelle plusieurs vaccins<br />

commercialisés. Ces vaccins sont sécuritaires et efficaces. Après un programme<br />

complet de vaccination, 95 à 99 % des personnes immunocompétentes produisent<br />

des anticorps capables d’empêcher l’infection. Ces vaccins donnent<br />

un titre élevé d’anticorps anti-HBs. Les effets secondaires sont minimums. De<br />

nombreux pays ont adopté un programme de vaccination universelle pour les<br />

nourrissons et les enfants. La vaccination est recommandée pour les membres<br />

des groupes à haut risque, tels les travailleurs de la santé, les homosexuels,<br />

les utilisateurs de drogues injectables, les familles de porteurs chroniques, les<br />

patients dépendant de transfusions chroniques et les patients dialysés.<br />

L’objectif est d’éliminer totalement l’hépatite B par un programme de vaccination<br />

mondial efficace.<br />

6.3 Virus de l’hépatite C (VHC)<br />

Le foie 605<br />

6.3.1 ÉPIDÉMIOLOGIE ET FACTEURS DE RISQUE<br />

Le virus de l’hépatite C a été découvert en 1989. Il s’agit d’un virus à ARN à<br />

simple brin, de diamètre inférieur à 80 nm, appartenant à la famille des<br />

flavivirus. Il en existe différents génotypes. On le trouve dans le monde entier<br />

et c’est une cause importante d’hépatite chronique. En Amérique du Nord, la<br />

plupart des infections sont dues aux génotypes 1, 2 et 3. La prévalence des<br />

infections par le VHC va de 1 % de la population générale à 90 % des<br />

hémophiles qui ont reçu un concentré de facteur. Le principal mode de transmission<br />

du VHC est parentéral, mais une proportion notable des patients ne<br />

présente aucun facteur de risque identifiable. L’utilisation des drogues injectables


606 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

est la principale cause d’infection par le virus de l’hépatite C dans les pays<br />

développés. Les instruments médicaux contaminés sont une source majeure<br />

de prolifération de l’hépatite C dans de nombreux pays en développement.<br />

Chez les travailleurs des soins de santé, l’infection par le VHC due à une aiguille<br />

contaminée est inférieure à 5 %. Les cas reliés aux transfusions représentent<br />

10 % du total. Le taux actuel de transmission de l’hépatite C par transfusion<br />

n’est que d’un cas pour 3 millions d’unités environ (tableau 15). Il y a des cas<br />

documentés d’infection par contact sexuel ou de transmission de la mère au<br />

nouveau-né, mais le taux est faible.<br />

6.3.2 ÉVOLUTION CLINIQUE<br />

La période d’incubation est de 5 à 10 semaines (moyenne de 7 semaines).<br />

La phase aiguë est cliniquement légère et la majorité des patients sont anictériques.<br />

Étant donné que la maladie aiguë peut être très légère, la détection<br />

d’une infection aiguë est difficile. Beaucoup de patients ignorent qu’ils ont<br />

une infection aiguë par le VHC. Ceux qui présentent une inflammation aiguë<br />

symptomatique sont plus susceptibles d’éliminer le virus. L’infection devient<br />

chronique chez 70 à 80 % des patients et, chez ceux-ci, il y a un risque notable<br />

de cirrhose et d’insuffisance hépatique chronique dans l’avenir lointain.<br />

6.3.3 DIAGNOSTIC<br />

Le dépistage du VHC comprend d’une part des tests sérologiques de détection<br />

des anticorps (ELISA) et d’autre part des tests moléculaires de détection<br />

du virus (amplification PCR de l’ARN du VHC). La présence d’anticorps<br />

anti-VHC suggère une exposition virale, mais n’indique pas l’immunité. La<br />

majorité des patients qui ont été exposés au virus de l’hépatite C deviennent<br />

porteurs du virus. Pour cette raison, on a tendance à considérer la présence<br />

d’anticorps anti-VHC comme une indication d’infection chronique, ce qui<br />

n’est pas nécessairement le cas. Il est important de confirmer le diagnostic<br />

d’infection chronique par le VHC par le test d’amplification PCR.<br />

La technique ELISA (dosage immunoenzymatique) de nouvelle génération est<br />

le test de dépistage principal. Ce test identifie les anticorps visant les épitopes<br />

structurels et non structurels du virus. Le nouveau test, très sensible et spécifique,<br />

est extrêmement utile pour identifier les patients qui ont été exposés au VHC.<br />

Avec la technique ELISA, un résultat incertain doit être confirmé par détermination<br />

de l’ARN du VHC. L’hypergammaglobulinémie est une cause fréquente de<br />

faux positif avec cette technique. Un faux négatif peut se produire chez les<br />

patients immunodéprimés présentant une insuffisance rénale.<br />

Le test moléculaire à amplification PCR est celui qui confirme la virémie.<br />

C’est un test sensible, qui peut aider à déterminer le génotype du VHC et la<br />

charge virale. Ces renseignements sont utiles pour le traitement de l’hépatite<br />

C chronique, car le génotype peut aider à anticiper la réponse au traitement.


6.3.4 TRAITEMENT<br />

On peut traiter l’hépatite C aiguë si l’élimination spontanée du virus n’a pas eu<br />

lieu dans les 12 semaines. Un traitement par l’interféron peut éliminer le virus<br />

et le risque d’infection chronique chez la majorité des patients. Mais une fois<br />

qu’une infection chronique s’est établie, le traitement devient plus difficile et<br />

perd de son efficacité. L’agent antiviral de choix n’est pas encore établi. Bien<br />

que la plupart des études aient examiné une monothérapie par l’interféron, les<br />

lignes directrices 2004 de l’American <strong>Association</strong> for the Study <strong>of</strong> Liver Diseases<br />

(AASLD) suggèrent d’envisager l’interféron pégylaté et la ribavirine.<br />

6.3.5 PRÉVENTION<br />

Il n’y a ni vaccin ni immunoglobuline spécifique pour la prévention de<br />

l’hépatite C. Après une exposition à haut risque, par exemple une piqûre<br />

par une aiguille ayant servi à un cas connu d’hépatite C, il convient de suivre<br />

étroitement les enzymes hépatiques et l’ARN du VHC pour déterminer s’il<br />

s’est produit une infection aiguë. Si c’est le cas, on devrait instituer un<br />

traitement par l’interféron pour éliminer le risque de chronicité. Le risque<br />

de transmission par voie sexuelle est extrêmement faible. L’utilisation du<br />

condom n’est pas préconisée dans les relations monogames stables.<br />

6.4 Virus de l’hépatite D (VHD)<br />

Le foie 607<br />

6.4.1 ÉPIDÉMIOLOGIE ET FACTEURS DE RISQUE<br />

Le virus de l’hépatite D (VHD) est un virus à ARN défectueux, qui a besoin<br />

pour sa production de la présence de l’antigène de surface de l’hépatite B<br />

(AgHBs). Le VHD utilise comme enveloppe externe la protéine AgHBs qui<br />

l’aide à pénétrer dans les hépatocytes. L’épidémiologie du VHD est donc très<br />

similaire à celle du VHB. On trouve le VHD dans le monde entier, mais sa<br />

prévalence est la plus élevée en Italie, en Europe de l’Est, au Moyen-Orient,<br />

dans le Pacifique Sud, en Amérique du Sud et en Afrique. En Amérique du<br />

Nord, moins de 1 % des patients positifs pour l’AgHBs présentent des signes<br />

d’infection par le VHD, alors que dans certaines parties de l’Italie, entre<br />

14 et 50 % des patients positifs pour l’AgHBs sont co-infectés par le VHD.<br />

Aux États-Unis et au Canada, l’infection par le VHD se rencontre presque<br />

exclusivement chez les utilisateurs de drogues injectables et leurs partenaires<br />

sexuels.<br />

6.4.2 ÉVOLUTION CLINIQUE<br />

Une infection par le virus de l’hépatite D (VHD ou delta) est soit une<br />

co-infection avec le VHB, soit une surinfection chez un porteur chronique du<br />

VHB. La présentation aiguë est celle de l’hépatite aiguë ou d’une poussée


608 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

d’hépatite. La co-infection produit une hépatite aiguë plus sévère que celle<br />

causée par le VHB seul, mais elle est habituellement autolimitée et 2 % des<br />

patients présentent une infection chronique par le VHD. Une surinfection se<br />

traduit souvent par une hépatite chronique sévère qui aboutit à une cirrhose et<br />

à une insuffisance hépatique.<br />

6.4.3 DIAGNOSTIC<br />

L’infection par le VHD doit être envisagée si un patient a une hépatite B sévère<br />

ou si un porteur chronique de l’hépatite B présente une poussée d’hépatite. Le<br />

diagnostic d’infection par le VHD requiert la détection de l’antigène VHD, de<br />

l’anticorps anti-VHD ou de l’ARN du VHD. Le VHD circule en association<br />

avec l’antigène delta, mais tant qu’on n’aura pas mis au point une méthode de<br />

dosage plus sensible, cet antigène ne pourra être décelé que durant les<br />

premières phases de l’infection. Le marqueur sérologique d’infection aiguë et<br />

chronique par le virus de l’hépatite D est l’anticorps anti-antigène delta (anti-<br />

VHD). Il apparaît souvent tardivement au cours de l’hépatite D aiguë.<br />

6.4.4 TRAITEMENT<br />

Il n’existe pas de traitement d’efficacité démontrée pour la co-infection aiguë<br />

par le VHD et le VHB ni pour la surinfection par le VHD chez le porteur<br />

chronique de l’hépatite B. Le traitement est constitué de soins de soutien. Si<br />

une insuffisance hépatique fulminante apparaît, on doit envisager une greffe<br />

de foie.<br />

6.4.5 PRÉVENTION<br />

Les personnes à risque d’infection par le VHB sont tout aussi à risque d’infection<br />

par le VHD. La vaccination contre l’hépatite B protège à la fois contre<br />

l’hépatite B et contre l’infection par le VHD, parce que les deux virus ont le<br />

même AgHBs. Il convient de souligner aux porteurs du VHB l’importance<br />

qu’il y a d’éviter les comportements à haut risque, pour réduire le danger de<br />

surinfection par le VHD.<br />

6.5 Virus de l’hépatite E (VHE)<br />

6.5.1 ÉPIDÉMIOLOGIE ET FACTEURS DE RISQUE<br />

L’hépatite E (VHE) est causée par un virus à ARN à simple brin, de diamètre<br />

compris entre 27 et 34 nm. Elle a de nombreuses similitudes avec l’hépatite A.<br />

On trouve le virus de l’hépatite E surtout dans les pays en développement, où<br />

les conditions sanitaires sont insuffisantes. La contamination fécale des nappes<br />

d’eau a provoqué de nombreuses flambées d’hépatite dans les communautés<br />

d’Asie, d’Afrique et d’Amérique centrale. Le VHE est la principale cause


Le foie 609<br />

d’hépatite virale aiguë chez les adultes jeunes et d’âge mûr dans de nombreux<br />

pays en développement. L’hépatite tend à être légère et le taux de mortalité<br />

clinique global est similaire à celui de l’hépatite A. Toutefois, chez les femmes<br />

enceintes infectées, elle s’accompagne d’un taux de mortalité élevée (voisin de<br />

20 %) au troisième trimestre. Les rares cas observés en Amérique du Nord<br />

concernent presque toujours des personnes revenant d’une région endémique.<br />

6.5.2 ÉVOLUTION CLINIQUE<br />

La présentation clinique est similaire à celle de l’infection par le VHA. La<br />

période d’incubation est de 10 à 50 jours. L’infection par le VHE cause une<br />

hépatite autolimitée et l’évolution tend à être infraclinique ou légère. Après<br />

l’incubation, certains patients présentent un ictère durant 7 à 12 jours. Ces<br />

patients se plaignent aussi de malaise, de fièvre, de nausées et de vomissements,<br />

d’anorexie, de gêne abdominale, de maux de tête et de fatigue. Les enzymes<br />

hépatiques peuvent être élevées pendant un ou deux mois.<br />

6.5.3 DIAGNOSTIC<br />

Le diagnostic repose sur les antécédents de voyage ou d’exposition éventuelle<br />

à de l’eau ou de la nourriture contaminée et sur l’exclusion d’une infection par<br />

les VHA, VHB et VHC. Le dosage sérologique des anticorps anti-VHE et la<br />

détection par la technique PCR ne sont faits que par les laboratoires de<br />

référence.<br />

6.5.4 TRAITEMENT<br />

Le traitement de la maladie active se limite aux soins de soutien. On ignore<br />

si une infection aiguë assure une immunité à vie. Il n’y a pas d’infection<br />

chronique par le VHE.<br />

6.5.5 PRÉVENTION<br />

Il n’y a pas d’immunoprophylaxie pour le VHE. Les voyageurs se rendant dans<br />

des pays endémiques s’exposent à un risque d’hépatite E. L’immunoglobuline<br />

produite dans les pays développés est inefficace pour prévenir l’infection par le<br />

VHE, parce que la préparation ne contient que peu ou pas du tout d’anticorps<br />

anti-VHE. On ignore si une immunoglobuline provenant de pays en développement<br />

serait plus efficace. Il convient de souligner aux personnes qui voyagent<br />

dans des pays endémiques qu’elles ne devraient pas consommer d’aliments crus<br />

ni boire d’eau non traitée. Des mesures de protection simples, comme se laver les<br />

mains avant les repas et éviter de se baigner dans une eau polluée, devraient<br />

diminuer le risque d’infection par le VHE. Ces recommandations sont<br />

particulièrement importantes pour les femmes enceintes, en raison du risque<br />

d’insuffisance hépatique fulminante accompagnant une infection par le VHE.


610 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

6.6 Virus Epstein-Barr (VEB) et cytomégalovirus (CMV)<br />

Le VEB et le CMV sont des herpèsvirus capables de causer une maladie virale<br />

aiguë et une hépatite. Le VEB est très répandu : 90 à 95 % de la population<br />

est séropositive, le plus souvent après une infection infraclinique. Les infections<br />

symptomatiques avec mononucléose infectieuse sont caractérisées par de la<br />

fatigue, des maux de tête, une pharyngite, de la fièvre, une adénopathie<br />

(chaîne ganglionnaire cervicale postérieure), une splénomégalie et une lymphocytose.<br />

L’hépatite légère est fréquente, alors que l’ictère, l’hépatomégalie et<br />

l’hépatite sévère sont rares. L’infection par le CMV chez un hôte immunocompétent<br />

peut se présenter comme une élévation asymptomatique des<br />

enzymes hépatiques ALAT et ASAT. Seuls les hôtes immunodéprimés, tels les<br />

sidéens et les patients allogreffés traités contre le rejet, sont susceptibles d’une<br />

atteinte hépatique plus grave par le CMV.<br />

6.7 Autres virus<br />

On découvre constamment de nouveaux virus. Le virus de l’hépatite GB a été<br />

décrit en 1995 et porte les initiales du chirurgien qui a contracté cette infection.<br />

Il est similaire aux flavivirus et présente une homologie de 25 % avec le virus<br />

de l’hépatite C. On estime entre 2 et 5 % le taux de porteurs dans la population<br />

générale. Les observations jusqu’à présent ne permettent pas de déterminer si<br />

le virus de l’hépatite GB peut causer une hépatopathie notable. Le virus TT<br />

(transmis par transfusion) et le virus SEN sont les découvertes les plus<br />

récentes dans le domaine de l’hépatite. Rien pour le moment ne permet de relier<br />

ces virus à des hépatites aiguës ou chroniques chez des hôtes immunocompétents.<br />

Par conséquent, hors d’un cadre de recherche, des tests diagnostiques<br />

seraient injustifiés.<br />

6.8 Pathologie de l’hépatite virale aiguë<br />

L’hépatite virale aiguë provoque une inflammation du parenchyme hépatique.<br />

On observe une dégénérescence hépatocellulaire (gonflement, corps acidophiles,<br />

nécrose), une inflammation (infiltrat mononucléaire lobulaire et portal) et une<br />

régénération des hépatocytes (figure 12). Dans les cas plus graves, on<br />

distingue une nécrose en pont entre les veines centrales et les voies portes<br />

(figures 13 et 14). Il y a habituellement préservation du cadre réticulaire, de<br />

sorte que le foie se rétablit complètement par régénération des hépatocytes.<br />

Une biopsie hépatique ne permet pas en général de distinguer entre les<br />

différents types d’hépatite aiguë, dont les histologies sont très similaires.<br />

6.9 Complications de l’hépatite virale aiguë<br />

La plupart des patients atteints d’une hépatite virale se rétablissent complètement.<br />

La complication la plus importante est la chronicité qui peut faire suite à une


Le foie 611<br />

FIGURE 12. Hépatite légère. On remarque une certaine augmentation des cellules inflammatoires,<br />

mais sans nécrose hépatocellulaire évidente. P = voie portale; V = veine centrale. (Coloration au<br />

H&E, grossissement original x 92,5)<br />

hépatite B, C ou D. L’hépatite chronique est la persistance de l’activité<br />

morbide au-delà de six mois. La chronicité est assez rare chez les adultes dans<br />

le cas de hépatite B aiguë, mais on l’observe chez plus de 70 % des patients dans<br />

le cas de l’hépatite C aiguë. On peut soupçonner une hépatite chronique si les<br />

symptômes ou l’élévation des aminotransférases sériques persistent plus de six<br />

mois après l’infection. Les hépatites A et E ne deviennent pas chroniques.<br />

L’hépatite fulminante est définie comme une lésion aiguë des hépatocytes<br />

évoluant en huit semaines vers l’insuffisance hépatique et l’encéphalopathie<br />

hépatique chez un patient sans antécédent d’hépatopathie. Du point de vue<br />

clinique, l’état du patient se détériore, avec apparition d’un ictère accentué,<br />

confusion mentale et somnolence. L’encéphalopathie peut évoluer en coma<br />

pr<strong>of</strong>ond. La nécrose hépatique massive réduit la synthèse des facteurs de<br />

coagulation, ce qui se traduit par une accentuation de l’anomalie de<br />

l’INR/temps de prothrombine. À ce stade, le taux de mortalité dépasse 50 %,<br />

à moins de procéder à une greffe de foie. Le décès peut être dû à une infection,<br />

à une augmentation de la pression intracrânienne avec œdème cérébral, à une<br />

hypoglycémie ou à une insuffisance rénale. La nécrose hépatique massive<br />

provoque une contraction du foie et un affaissement structurel, révélé par<br />

l’histologie (figures 15 et 16). Malgré tout, si une régénération se produit, le<br />

rétablissement histologique est de règle. Habituellement, une biopsie hépatique


612 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 13. Hépatite grave. L’inflammation marquée a produit une nécrose hépatocellulaire<br />

confluente ou nécrose en pont (flèches arrondies) le long des voies portes (P) qui entourent un<br />

lobule hépatique résiduel (L). (Coloration au HPS, grossissement original x 92,5)<br />

FIGURE 14. Hépatite sévère. Le fort grossissement montre de nombreuses cellules inflammatoires<br />

au sein des sinusoïdes, ainsi que des foyers de nécrose hépatocellulaire (flèches). On observe des<br />

changements réactifs, en particulier une binucléation et des nucléoles proéminents dans les hépatocytes<br />

viables. (Coloration de Gomori, grossissement original x 370)


Le foie 613<br />

FIGURE 15. Nécrose submassive. On note une nécrose hépatocellulaire extensive, laissant de<br />

larges zones de tissu conjonctif autour de la veine centrale (V) et un élargissement des voies<br />

portes (P), qui ont conflué. On observe des canaux biliaires résiduels (têtes de flèche) dans les<br />

voies portes. (Coloration HPS, grossissement original x 370)<br />

FIGURE 16. Nécrose submassive. Le fort grossissement permet de voir des hépatocytes viables<br />

à gauche, un îlot de cellules dégénérescentes au centre (têtes de flèche) et des canaux biliaires<br />

résiduels (flèches) dans la voie porte élargie (Coloration HPS, grossissement original x 185)


614 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 17. Hépatite virale - aperçu<br />

Type de Transmission Incubation Diagnostic Hépatite Chronicité<br />

virus (jours) sérologique fulminante<br />

Fécale/orale<br />

VHA ARN Fécale/orale 20 à 35 IgM-VHA 0,1 à 2,0 % Non<br />

VHE ARN Fécale/orale 10 à 50 Anti-VHE 1 à 2 %<br />

Percutanée<br />

15 à 20 %<br />

(grossesse)<br />

Non<br />

VHB ADN Percutanée 60 à 110 AgHBs 0,1 à 0,5 % Adultes < 5 %<br />

Sexuelle Enfants d’âge<br />

Périnatale (Asie) préscolaire 25 %<br />

Nouveau-nés > 90 %<br />

VHC ARN Percutanée 35 à 70 Anti-VHC < 1 % > 80 %<br />

VHD ARN Percutanée Habituelle dans la<br />

Sexuelle 60 à 110 Anti-VHD surinfection; rare<br />

dans la co-infection<br />

n’est pas nécessaire; une telle intervention s’accompagne d’un risque<br />

d’hémorragie considérable, à moins d’utiliser la voie transjugulaire.<br />

Occasionnellement, l’hépatite virale aiguë présente une phase cholestatique,<br />

durant laquelle se déclarent un prurit et un ictère intenses. C’est très souvent<br />

le cas avec l’hépatite A. Les taux d’enzymes changent, avec une chute des<br />

aminotransférases et une hausse de la phosphatase alcaline. Il convient alors<br />

d’écarter une maladie des voies biliaires ou la toxicité de médicaments. La<br />

résolution est habituelle, en quelques semaines.<br />

De temps à autre, on observe une récidive d’hépatite (hépatite biphasique).<br />

Cliniquement, l’état du patient s’améliore, puis les signes et symptômes<br />

d’hépatite reparaissent. La résolution est presque toujours totale. Cette<br />

évolution est très caractéristique de l’hépatite A. Dans certains cas d’hépatite<br />

B, la deuxième phase est due en fait à une hépatite D aiguë. L’hépatite C est<br />

caractérisée par des fluctuations importantes et répétées des aminotransférases<br />

hépatiques, mais l’évolution clinique biphasique est peu fréquente.<br />

Une hépatite virale aiguë peut s’accompagner d’une maladie des complexes<br />

immuns. Ce phénomène est dû aux complexes immuns (agrégats de protéines<br />

virales et d’anticorps) circulants, avec activation du complément. Dans le cas<br />

de l’hépatite A aiguë, les manifestations extrahépatiques, peu communes,<br />

comprennent : vasculite, thrombocytopénie et anémie aplasique. En ce qui<br />

concerne l’hépatite B, quelque 5 à 10 % des cas présentent initialement un


TABLEAU 18. Le score METAVIR pour déterminer le stade d’une hépatite chronique<br />

Activité histologique *(A) Fibrose (F)<br />

0 Aucune Aucune<br />

1 Légère Fibrose portale sans septa<br />

2 Modérée Fibrose portale avec septa<br />

3 Sévère Nombreuses septa (pont) sans cirrhose<br />

4 Cirrhose<br />

*déterminée par un algorithme incorporant le degré de nécrose parcellaire et lobulaire<br />

syndrome de type maladie sérique, caractérisé par une éruption cutanée, un<br />

angio-œdème et de l’arthrite. Parmi les autres manifestations immunologiques,<br />

citons la péricardite, l’anémie aplasique et les anomalies neurologiques, tel le<br />

syndrome de Guillain-Barré. Avec l’hépatite C aiguë, 5 à 10 % des cas sont<br />

associés également à une réaction de maladie sérique. Les manifestations<br />

extra-intestinales associées à l’hépatite chronique seront examinées dans le<br />

chapitre suivant.<br />

6.10 Résumé<br />

Une hépatite virale aiguë est une maladie généralement autolimitée, qui ne<br />

requiert, dans la plupart des cas, que des soins de soutien. Pour les quelques<br />

patients qui présentent une insuffisance hépatique, la greffe de foie devient<br />

nécessaire. Une infection par le VHB, le VHC ou le VHD peut devenir<br />

chronique. Les tableaux 13 à 17 résument les principales caractéristiques des<br />

différents types d’hépatite virale.<br />

7. HÉPATITE CHRONIQUE / P.T. Grover et V. Bain<br />

Le foie 615<br />

Le terme hépatite chronique désigne une inflammation active, continue<br />

du foie, persistant depuis plus de six mois, décelable par des moyens<br />

biochimiques et histologiques. Il n’implique aucune étiologie particulière. La<br />

caractéristique biochimique fondamentale de l’hépatite chronique est l’élévation<br />

des aminotransférases (ASAT et ALAT) sériques, accompagnée d’une<br />

augmentation minime de la phosphatase alcaline. Lorsque l’inflammation est<br />

sévère et/ou prolongée, le dysfonctionnement hépatique peut se manifester par<br />

une augmentation de la bilirubine sérique et de l’INR / temps de prothrombine<br />

et par une baisse de l’albumine sérique. D’une manière générale, les tests<br />

biochimiques permettent d’identifier les cas d’hépatite chronique et de suivre<br />

l’évolution de la maladie, alors qu’une biopsie hépatique aide à définir plus


616 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

précisément la nature de l’hépatite chronique et fournit des informations utiles<br />

sur l’étendue de la lésion et son pronostic.<br />

Au plan histologique, l’hépatite chronique est caractérisée par l’infiltration<br />

des voies portes par des cellules inflammatoires. Il s’agit surtout de cellules<br />

mononucléaires, comprenant des lymphocytes, des monocytes et des plasmocytes.<br />

La biopsie hépatique est la méthode de référence pour l’évaluation du<br />

grade (degré d’inflammation) et du stade (degré de fibrose/cirrhose) de<br />

l’hépatite virale chronique. Le système de grades et de stades de l’hépatite le<br />

plus fréquemment utilisé est le système METAVIR, établi en France (tableau<br />

18). L’activité histologique ou inflammatoire (score A) est déterminée par un<br />

algorithme incorporant le degré d’inflammation et de nécrose portale et<br />

lobulaire et va de A0 à A3. Le degré de fibrose (score F) est évalué séparément<br />

pour obtenir le stade de la maladie et s’étend de F0 à F4 (figures 17A à 17D).<br />

Divers autres systèmes sont également utilisés.<br />

La cause la plus fréquente, et de loin, d’hépatite chronique est l’infection<br />

virale du foie. Il y a d’autres causes d’hépatite : hépatite auto-immune,<br />

hépatite médicamenteuse, maladie de Wilson, déficit en 1-antitrypsine et<br />

stéato-hépatite. La cirrhose biliaire primitive et la cholangite sclérosante<br />

primitive peuvent occasionnellement imiter une hépatite chronique, mais elles<br />

ne sont pas habituellement classées parmi les hépatites. Le tableau 19 résume<br />

une méthode de détermination de l’étiologie de l’hépatite chronique.<br />

7.1 Hépatite virale chronique<br />

7.1.1 OBSERVATIONS D’ORDRE GÉNÉRAL<br />

Parmi les infections hépatiques virales connues, seuls les virus de l’hépatite B<br />

(VHB), de l’hépatite C (VHC) et de l’hépatite D (VHD) peuvent causer une<br />

hépatopathie chronique. La très grande majorité des cas est due aux VHB et<br />

VHC. Il est bon de procéder à une évaluation soigneuse des facteurs de risque<br />

pour déterminer la cause d’une hépatite chronique (tableau 19). Dans la plupart<br />

des cas, des tests de laboratoire choisis permettront de confirmer le diagnostic.<br />

La présentation clinique de l’hépatite chronique peut comporter : absence<br />

de symptômes, fatigue inexpliquée ou complications de cirrhose, en particulier<br />

ascite, hémorragie due aux varices et encéphalopathie.<br />

Les aspects généraux du traitement comprennent des conseils en vue de<br />

réduire le risque de transmission, la vaccination contre les hépatites A et B, si le<br />

patient est séronégatif, et la vaccination contre les pneumocoques et la grippe en<br />

présence de cirrhose. On procède à un dépistage des complications de maladie<br />

hépatique chronique et de causes coexistantes de dysfonctionnement hépatique.<br />

Il est conseillé de s’abstenir totalement de l’alcool ou d’en consommer le<br />

moins possible, en raison du risque d’évolution accélérée de l’hépatite virale<br />

qui en résulte.


FIGURE 17A. Hépatite chronique légère.<br />

Cette voie porte contient un infiltrat inflammatoire<br />

chronique qui est confiné à l’espace<br />

porte, sans dépasser la plaque limitante<br />

(têtes de flèche).<br />

Le foie 617<br />

FIGURE 17B. Hépatite chronique modérément<br />

grave. On observe ici des cellules inflammatoires<br />

qui se sont infiltrées dans les hépatocytes<br />

périportaux (flèche), les détruisent et<br />

perturbent la plaque limitante (nécrose<br />

parcellaire) (têtes de flèche).<br />

FIGURE 17C. Système METAVIR. F1= fibrose minime sans pont; F2/3 = fibrose en pont par<br />

laquelle le tissu fibreux s’attache aux espaces se rejoignant; F4 = cirrhose. La diapositive, en bas<br />

à droite, montre une hépatite chronique et un hépatome.


618 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 17D. Système METAVIR. L’activité histologique dépend d’abord du degré de nécrose<br />

d’interface, mais la détermination du stade tient compte également des foyers nécro-inflammatoires<br />

lobulaires. En haut à gauche, nécrose d’interface légère (flèche); au-dessous, sous fort grossissement,<br />

on note la présence de corps apoptotiques. En haut à droite, nécrose d’interface circonférentielle;<br />

au-dessous, sous fort grossissement, foyer nécro-inflammatoire lobulaire.<br />

7.1.2 VIRUS DE L’HÉPATITE B<br />

7.1.2.1 Évolution vers l’hépatopathie chronique<br />

Un certain nombre de facteurs déterminent si une personne guérira d’une<br />

infection aiguë par le VHB ou deviendra porteuse chronique. Parmi ces facteurs,<br />

l’âge au moment de l’infection est le plus important. Le taux de porteurs chez<br />

les nouveau-nés infectés par leur mère est de 90 %, contre moins de 5 % chez<br />

les personnes infectées à l’âge adulte. L’état immunologique de l’hôte est également<br />

important, car les patients immunodéprimés (par exemple, infection par le<br />

VIH, insuffisance rénale, période suivant une greffe) sont plus susceptibles de<br />

devenir porteurs chroniques. On a aussi établi une corrélation entre la sévérité<br />

de la maladie aiguë et l’issue. En général, plus la maladie aiguë est légère, plus<br />

probable est sa progression en hépatopathie chronique. On peut présumer que,<br />

lorsque la maladie aiguë est légère, la réponse immunologique est sous-optimale,<br />

alors que quand elle est plus grave, la réponse immunologique contre les<br />

hépatocytes contenant des VHB est rapide et efficace.


TABLEAU 19. Rôle de l’anamnèse dans le diagnostic de l’hépatite chronique<br />

Étiologie Points saillants de l’anamnèse Tests de laboratoire utiles<br />

Le foie 619<br />

Hépatite B Histoire sexuelle (homosexualité, AgHBs - si positif, mesurer<br />

utilisation des services de prostitué(e)s, AgHBe, AcHBe et ADN du VHB<br />

promiscuité), antécédents familiaux, (si disponible)<br />

pays d’origine, drogues injectables<br />

Hépatite C Transfusions sanguines (avant 1990), Anti-VHC, ARN du VHC<br />

drogues injectables (même une fois),<br />

tatouages, perçage d’oreilles ou d’autres<br />

parties du corps, promiscuité sexuelle,<br />

partenaire positif pour le VHC,<br />

incarcération<br />

Hépatite Antécédents détaillés de tous les Aucune<br />

médicamenteuse médicaments et plantes; fréquemment<br />

en cause : isoniazide, nitr<strong>of</strong>urantoïne,<br />

AINS, antibiotiques<br />

Maladie de Antécédents familiaux, symptômes Céruloplasmine sérique, cuivre<br />

Wilson neurologiques ou psychiatriques chez urinaire de 24 heures, biopsie<br />

l’enfant ou le jeune adulte hépatique, dosage pondéral<br />

du cuivre hépatique<br />

Déficit en Antécédents familiaux de maladie Taux d’ 1-antitrypsine et typage<br />

1–antitrypsine hépatique ou pulmonaire (emphysème) des inhibiteurs de protéase<br />

Stéatohépatite Obésité, gain pondéral récent, diabète, Hyperglycémie provoquée<br />

non alcoolique corticostéroïdes, courts-circuits (voie orale), HBAlc , triglycérides,<br />

intestinaux échographie abdominale<br />

7.1.2.2 Génotypes du VHB<br />

Le VHB peut-être classé en sept génotypes (au moins) ayant une distribution<br />

géographique variée. Le génotype A est le plus fréquent chez les Blancs et les<br />

Noirs d’Amérique du Nord. Les génotypes B et C sont plus fréquemment<br />

associés à une infection acquise à la naissance et prédominent chez les personnes<br />

nées hors d’Amérique du Nord. Bien que différents génotypes puissent modifier<br />

l’histoire naturelle, l’activité de la maladie et l’efficacité de traitement, il n’y<br />

a pas en général de test de détermination du génotype.<br />

7.1.2.3 Mutations du virus de l’hépatite B<br />

Le VHB a tendance à muter, car il ne possède pas de fonction d’édition de la<br />

transcriptase inverse. On rencontre très fréquemment des variantes « pré-core ».


620 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

La région « pré-core » du VHB code pour l’AgHBe. Une mutation dans cette<br />

région crée un codon d’arrêt prématuré, interdisant la production de l’AgHBe.<br />

Au plan clinique, ce phénomène se manifeste comme une hépatite chronique<br />

sans AgHBe. Le patient présente une inflammation constante, suggérée par<br />

l’élévation des transaminases, et une virémie avec ADN du VHB détectable<br />

en l’absence d’AgHBe. La mutation est associée aux génotypes B et D et on<br />

l’observe très souvent dans les pays méditerranéens et en Asie.<br />

Le tableau 20 compare des cas avec et sans AgHBe. Au plan clinique, il<br />

peut être difficile de faire la distinction entre une hépatite chronique sans<br />

AgHBe et un porteur de VHB inactif. L’hépatite chronique sans AgHBe est<br />

suggérée par les caractéristiques d’inflammation active (élévation de l’ALAT,<br />

biopsie montrant une inflammation active) et par la présence d’une réplication<br />

virale (ADN du VHB > 10 5 copies/mL). Il est indispensable d’écarter également<br />

à ce moment-là les autres causes d’hépatite concomitante (par exemple,<br />

drogues, VHD).<br />

7.1.2.4 Présentation<br />

La majorité des patients atteints d’hépatite B sont asymptomatiques ou ne<br />

présentent qu’une légère fatigue. Ils peuvent révéler des antécédents d’exposition<br />

parentérale à du sang ou de rapports sexuels non protégés ou des antécédents<br />

familiaux d’infection par le VHB. Souvent, le médecin est amené à soupçonner<br />

une infection virale sous-jacente par la découverte inattendue d’anomalies des<br />

enzymes hépatiques. L’étude des relations familiales et des rapports sexuels<br />

des cas connus permettent souvent de découvrir d’autres cas.<br />

Assez rarement, l’hépatite B peut avoir des manifestations extrahépatiques<br />

dues à une polyartérite noueuse ou à une glomérulonéphrite membraneuse.<br />

Ces deux affections sont secondaires aux complexes immuns antigènes-anticorps<br />

circulants.<br />

7.1.2.5 Diagnostic<br />

Nous avons discuté de l’interprétation de la sérologie de l’hépatite B à la section<br />

sur l’hépatite aiguë (section 6). Le tableau 21 résume l’interprétation des<br />

marqueurs sérologiques de l’hépatite B. On dit que l’hépatite B est chronique<br />

lorsque l’AgHBs est présent depuis plus de six mois. Comme nous l’avons vu<br />

précédemment, on peut distinguer une hépatite B avec AgHBe et une hépatite B<br />

sans AgHBe. Les marqueurs viraux permettent de déterminer la phase de la<br />

maladie (figure 18). La présence dans le sérum d’AgHBe et d’ADN du VHB confirme<br />

la réplication active du VHB. Lorsque l’ADN du VHB est > 10 5 copies/mL,<br />

la charge virale est élevée et indique un haut degré d’infectivité (tous les<br />

liquides physiologiques sont potentiellement infectieux). Un test de détection<br />

de l’ADN du VHB négatif est un signe d’infectivité très faible sinon nulle,


Le foie 621<br />

TABLEAU 20. Comparaison des hépatites chroniques positive et négative pour les AgHBe<br />

Étiologie Positive pour les AgHBe Négative pour les AgHBe<br />

Épidémiologie Type le plus commun en Incidence accrue en Asie, Europe et<br />

Amérique du Nord autres pays méditerranéens<br />

Histoire naturelle Progression plus lente Progression plus rapide vers la<br />

vers la cirrhose cirrhose<br />

Réponse au Taux accru de réponse soutenue Taux moindre de réponse soutenue<br />

traitement au traitement par l’interféron au traitement par l’interféron <br />

Surveillance de la Séroconversion AgHBe/anti-HBe Normalisation des enzymes<br />

réponse au pos. Normalisation des enzymes hépatiques et réduction marquée de<br />

traitement hépatiques et réduction marquée l’ADN du VHB<br />

de l’ADN du VHB<br />

TABLEAU 21. Marqueurs sérologiques de l’infection par le VHB et de la vaccination anti-VHB<br />

Infection Infection chronique Infection Vaccination<br />

aiguë Active Inactive Mutant antérieure<br />

(Age pos.) (Abe pos.) pré-core (maintenant<br />

(Age nég.) immunisé)<br />

AgHBs + + + + - -<br />

Anti-HBs - - - - + +<br />

IgM anti-HBc + +/- - - - -<br />

IgG anti-HBc - + + + + -<br />

AgHBe + + - - - -<br />

Anti-HBe - - + + +/- -<br />

ADN du VHB + + - + - -<br />

mais la technique sensible d’amplification PCR permet quand même de<br />

détecter les virus. Si le test de détection d’AgHBe est négatif, l’infectivité est<br />

habituellement plus faible, bien que, comme nous l’avons vu, nous pourrions<br />

être en présence d’un mutant « pré-core ». La sérologie des anticorps anti-core<br />

n’est habituellement pas nécessaire dans l’évaluation systématique d’une<br />

hépatite B chronique (tableau 22).<br />

7.1.2.6 Phases et histoire naturelle<br />

Les phases d’une infection chronique par le VHB sont bien définies (figure 18).<br />

Les six premiers mois de la maladie constituent la phase hépatite aiguë de


622 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 18. Phases de l’hépatite B chronique.<br />

l’infection. Cette phase aiguë est rarement observée dans les cas d’infection<br />

chronique, quand les patients ont contracté le virus à la naissance ou durant<br />

l’enfance. L’hépatite chronique comporte trois phases : la phase réplicative, la<br />

phase inflammatoire et la phase inactive. La phase réplicative, qui est très souvent<br />

observée après la transmission périnatale du virus, est peu fréquente dans les<br />

pays occidentaux. Durant cette phase, le test d’AgHBe est positif, de même<br />

que celui de l’ADN du VHB, indiquant un haut niveau de réplication virale.<br />

Malgré cela, les aminotransférases sont normales ou quasi normales et la<br />

biopsie hépatique montre une inactivité relative. Pour des raisons inconnues,<br />

les patients peuvent alors passer dans la phase inflammatoire, durant laquelle<br />

leur système immunitaire reconnaît les hépatocytes contenant des virus et les<br />

attaque. En conséquence, les aminotransférases augmentent et la biopsie<br />

révèle une hépatite chronique, souvent sévère. Le niveau de réplication virale,<br />

mesuré par le test de l’ADN du VHB diminue alors. Si la réplication virale est<br />

arrêtée avec succès (terme relatif, indiquant une chute minimum de 2 ou<br />

3 unités logarithmiques de l’ADN du VHB), on passe à la phase inactive,<br />

caractérisée par la normalisation des aminotransférases et par une inactivité<br />

relative à la biopsie hépatique. Les AgHBe sont éliminés avec formation<br />

d’anticorps anti-HBe (séroconversion). La séroconversion s’accompagne<br />

d’une rémission histologique et biochimique chez la plupart des patients. Elle<br />

est spontanée chez 10 à 15 % des patients/an. Ce pourcentage est réduit dans<br />

le cas des infections périnatales. Les patients sans AgHBe (c.-à-d. les mutants<br />

« pré-core ») ne correspondent pas aux critères de séroconversion du fait de<br />

l’absence d’AgHBe à l’origine.


FIGURE 19. Histoire naturelle d’une infection par le VHB.<br />

Le foie 623<br />

La figure 19 décrit l’histoire naturelle de l’hépatite B. Les patients sont<br />

exposés à un risque variable de cirrhose et de cancer hépatocellulaire (CHC) :<br />

a) Cirrhose - La sévérité et la durée de la phase inflammatoire sont parmi les<br />

principaux déterminants de l’apparition d’une cirrhose. L’évolution de<br />

l’hépatite chronique en cirrhose se produit chez 20 à 30 % de tous les patients<br />

atteints d’une hépatite B chronique. Cette évolution est plus probable dans les<br />

cas de mutation « pré-core », sans AgHBe, que dans les cas d’hépatite<br />

chronique avec AgHBe.<br />

b) Cancer hépatocellulaire - Bien que les patients cirrhotiques soient exposés<br />

au plus haut risque de cancer hépatocellulaire, les patients non cirrhotiques<br />

porteurs d’AgHBs sont aussi exposés à un risque (voir au tableau 23<br />

d’autres prédicteurs de haut risque ). Le risque de cancer hépatocellulaire<br />

chez les patients chroniquement infectés est évalué à 100 fois le risque<br />

chez les non-porteurs. On estime que le taux d’évolution à 5 ans d’une<br />

cirrhose compensée en CHC est compris entre 6 et 15 %. On a recommandé<br />

de maintenir les porteurs chroniques sous surveillance par le biais<br />

d’une mesure du taux d’alpha-fœtoprotéine sérique et d’une échographie<br />

abdominale tous les 6 à 12 mois, pour déceler tout cancer hépatocellulaire.<br />

Comme le suggèrent les lignes directrices de la Conférence canadienne de<br />

consensus 2004, certains groupes à faible risque (maladie inactive, absence<br />

de cirrhose) ne requièrent pas de surveillance. Bien que largement pratiquée,<br />

la surveillance ne réduit pas la mortalité. Les données concernant le


624 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 22. Évaluation des valeurs de laboratoire avant le traitement<br />

Hépatite B Hépatite C<br />

AgHBs – si test positif, mesurer anti-VHC<br />

AgHBe et anti-HBe ARN du VHC (qualitatif +/- quantitatif)*<br />

Mesurer l’ADN du VHB si ALAT élevée Génotypage du VHC<br />

ALAT, PA, bilirubine, albumine, INR/TP ALAT, PA, bilirubine, albumine, INR/TP<br />

Hémogramme, VIH, anti-VHC AgHBs, VIH<br />

Biopsie hépatique fortement recommandée, Hémogramme, glucose, TSH, anticorps<br />

mais non obligatoire antinucléaire, anticorps anti-muscle lisse (AML),<br />

immunoglobulines quantitatives, créatinine, B-HCG<br />

Échographie abdominale<br />

ECG (après 50 ans, antécédents cardiaques)<br />

Biopsie hépatique fortement recommandée,<br />

mais non obligatoire<br />

*Pour réduire les coûts de tests, on peut conserver le sérum pour la quantification de l’ARN du<br />

VHC et ne l’utiliser qu’en fonction des besoins (voir texte).<br />

Adapté des lignes directrices de prise en charge des hépatites virales, Conférence canadienne de<br />

consensus 2004<br />

TABLEAU 23. Facteurs de risque de CHC avec infection chronique par le VHB<br />

Cirrhose<br />

Sexe masculin<br />

Antécédents familiaux de CHC<br />

Plus de 45 ans<br />

Co-infection par l’hépatite C<br />

*Risque chez les patients cirrhotiques et non cirrhotiques<br />

TABLEAU 24. Choix pour le traitement de l’hépatite B : lamivudine ou interféron<br />

En faveur de la lamivudine En faveur de l’interféron<br />

• Phobie de l’aiguille • Caractéristiques idéales pour l’interféron:<br />

• Co-infection par le VIH • ASAT >100<br />

• Autre immunodépression • Biopsie hépatique active<br />

(p. ex. greffe) • ADN du VHB sérique faible<br />

• Patients déprimés, nombre bas de • Infection récente<br />

globules blancs, de plaquettes,<br />

maladie auto-immune<br />

• Cirrhose décompensée<br />

• Transmission verticale<br />

• Préoccupation concernant le coût


Le foie 625<br />

rapport coût-avantages d’une surveillance semestrielle varie suivant le<br />

risque pour le patient et le stade de la maladie. Il faudra d’autres études<br />

pour confirmer ou infirmer les pratiques courantes.<br />

7.1.2.7 Indications de traitement<br />

Il est indiqué de traiter une hépatite B chronique quand les deux conditions<br />

suivantes sont remplies :<br />

a) Il y a une inflammation hépatique, mise en évidence par une élévation des<br />

transaminases et/ou par une inflammation active à la biopsie hépatique<br />

b) Il y a réplication virale active, mise en évidence par la présence d’AgHBe<br />

ou d’ADN du VHB > 10 5 copies/mL (ou moins, car ce point n’est pas<br />

encore bien défini). Il se peut que l’ADN du VHB augmente seul dans le<br />

cas d’une mutation « pré-core ».<br />

Selon les lignes directrices de la Conférence canadienne de consensus<br />

2004, la biopsie hépatique est fortement recommandée en cas de signes de<br />

maladie active (transaminases élevées). Si le patient ne remplit pas les critères<br />

de traitement au moment de l’évaluation (ALAT normale ou test de l’ADN du<br />

VHB négatif), il convient de vérifier les enzymes hépatiques tous les 6 à 12 mois.<br />

En cas d’élévation des enzymes hépatiques, on doit rechercher l’ADN du<br />

VHB pour confirmer la réactivation.<br />

On définit la réponse virologique complète comme l’absence soutenue de<br />

l’AgHBs. Cela se produit chez une minorité de patients et on doit donc<br />

recourir à d’autres critères pour définir la réussite du traitement (réponse<br />

virologique partielle). Ces critères sont :<br />

a) Séroconversion AgHBe (statut AgHBe positif à statut anti-HBe positif)<br />

b) Réduction marquée de l’ADN du VHB (


626 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 25. Prédicteurs de réponse au traitement d’une infection par le VHB<br />

Niveau d’ADN du VHB faible<br />

Immunocompétent<br />

Infection à l’âge adulte<br />

Maladie hépatique active – ALAT >5 fois la limite supérieure de la normale,<br />

hépatite active à la biopsie<br />

Sexe féminin<br />

Absence de co-infection par le VHD ou le VIH<br />

Statut AgHBe positif<br />

patients sans AgHBe) et la réponse au traitement est durable chez les patients<br />

avec AgHBe. Il a aussi des inconvénients : c’est un traitement plus coûteux,<br />

qui s’accompagne d’effets indésirables plus nombreux que ceux de la lamivudine<br />

et qui ne peut être administré que par la voie parentérale. La lamivudine est<br />

un analogue nucléosidique ayant une activité antivirale très puissante contre<br />

le VHB. Ce médicament est administré oralement et a moins d’effets indésirables<br />

que l’interféron . On peut même l’utiliser dans les cas de cirrhose décompensée.<br />

Par contre, on ignore quelle est la durée optimale du traitement et l’infection<br />

par le VHB peut récidiver à l’arrêt de la lamivudine. Un traitement de<br />

longue durée est limité par l’apparition de mutants résistants au médicament<br />

(20 % à un an et jusqu’à 50 % à trois ans). Il existe également un potentiel de<br />

flambée d’hépatite après le retrait de la lamivudine. À l’heure actuelle, on n’a<br />

démontré aucun avantage d’une association de la lamivudine et de l’interféron<br />

, mais des études sont en cours.<br />

L’adéfovir est le médicament le plus récent. Il s’agit d’un analogue nucléotidique<br />

phosphonate de l’AMP possédant une activité antivirale contre le<br />

VHB. Lors d’études de courte durée (48 semaines), le médicament était bien<br />

toléré, sans l’apparition de mutants résistants. Le traitement à doses élevées a<br />

soulevé des craintes de néphrotoxicité. La probabilité de séroconversion<br />

AgHBe est similaire pour les trois médicaments (interféron : 15 à 30 %;<br />

lamivudine : 15 à 20 %; adéfovir : 12 %). Le tableau 24 présente les facteurs<br />

cliniques utiles pour choisir entre la lamivudine et l’interféron .<br />

Le tableau 25 donne la liste des facteurs prédictifs de réponse au traitement.<br />

La réponse est souvent mauvaise chez les Asiatiques, probablement parce que<br />

la plupart ont été infectés à la naissance, avec des transaminases normales ou<br />

légèrement élevées.<br />

7.1.2.9 Prévention<br />

L’immunisation active est importante pour empêcher la transmission du VHB<br />

d’un porteur chronique à ses contacts familiaux et lors de rapports sexuels


TABLEAU 26. Facteurs de risque de CHC avec hépatite C<br />

Cirrhose<br />

Sexe masculin<br />

Âge mûr<br />

Co-infection par l’hépatite B<br />

Grande consommation d’alcool<br />

* Le risque n’est notable qu’en cas de cirrhose<br />

Le foie 627<br />

monogames. On recommande aux personnes ayant plusieurs partenaires<br />

sexuels l’utilisation de condoms pour éviter l’infection. L’innocuité du vaccin<br />

est bien établie. Au Canada, on recommande la vaccination universelle à la<br />

naissance, ou durant la pré-adolescence. L’objectif ultime est l’éradication<br />

totale de l’hépatite B par un programme de vaccination efficace. Il existe dans<br />

le monde de nombreux obstacles à la réalisation de cet objectif, mais la<br />

réussite aurait un effet favorable pr<strong>of</strong>ond dans de nombreux pays. Nous<br />

donnons les recommandations concernant la prophylaxie de l’hépatite B au<br />

chapitre traitant de l’hépatite aiguë.<br />

7.1.3 VIRUS DE L’HÉPATITE C<br />

Le virus de l’hépatite C est la cause d’hépatite chronique maintenant la plus<br />

fréquente dans la plupart des régions. Les cas identifiés représentent probablement<br />

la célèbre « pointe de l’iceberg », la plupart des cas n’étant pas diagnostiqués.<br />

Bon nombre de cas sont identifiés lors de l’investigation d’une élévation<br />

des enzymes hépatiques chez des personnes asymptomatiques ou lors du<br />

dépistage chez les donneurs de sang. Certains patients consultent leur médecin<br />

pour une fatigue, des malaises ou, moins fréquemment, des manifestations<br />

d’hépatopathie avancée.<br />

L’hépatite C chronique a un certain nombre de manifestations extra hépatiques :<br />

cryoglobulinémie, lymphome, porphyrie cutanée tardive, lichen plan, kératoconjonctivite<br />

sèche, thyroïdite et glomérulonéphrite membranoproliférative.<br />

Les personnes présentant une hépatite C chronique sont aussi exposées à un<br />

risque de diabète notablement accru. Le traitement d’une infection par le VHC<br />

peut se traduire par une amélioration de certaines manifestations extra hépatiques.<br />

7.1.3.1 Génotype du VHC<br />

En raison de mutations de l’ARN, le VHC a produit différents génotypes au<br />

cours du temps. On a identifié jusqu’à présent 6 génotypes du VHC et 50 soustypes.<br />

Le génotype 1 est le plus fréquent en Amérique du Nord, représentant<br />

approximativement 75 % des cas. Les génotypes 2 et 3 représentent chacun<br />

10 %. Bien que le génotype lui-même n’affecte pas la sévérité de l’infection


628 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 20. Histoire naturelle d’une infection par le VHC chez un hôte immunocompétent.<br />

par le VHC, ni son évolution, le connaître a des conséquences thérapeutiques<br />

importantes.<br />

7.1.3.2 Épidémiologie<br />

L’infection par le VHC peut être transmise de la même manière que l’infection<br />

par le VHB, mais la majorité des cas est reliée à un abus de drogues injectables<br />

(60 à 70 %). Quelque 10 % des patients ayant une infection chronique par le<br />

VHC ont reçu précédemment une transfusion de sang. Les plus à risque sont<br />

ceux qui ont reçu des produits du sang avant 1990. Étant donné le système de<br />

contrôle actuel des dons de sang, la probabilité de transmettre le VHC par<br />

transfusion sanguine n’est que de 1 sur 3 millions d’unités transfusées. Chez<br />

les autres patients, l’origine de l’infection est souvent difficile à déterminer. La<br />

transmission non parentérale, par contacts sexuels ou intimes ou de la mère à<br />

l’enfant est beaucoup moins fréquente que dans le cas du VHB. D’autres facteurs<br />

de risque s’accompagnent d’un taux de transmission faible du virus, telles les<br />

piqûres d’aiguille accidentelles et la prise intranasale de cocaïne.<br />

7.1.3.3 Histoire naturelle<br />

L’histoire naturelle d’une infection par le VHC est maintenant mieux définie<br />

grâce au test sérologique de détection des anticorps anti-VHC (figure 20).<br />

L’utilisation généralisée de ce test a montré que 60 à 85 % des infections


Le foie 629<br />

FIGURE 21. Surveillance de la réponse au traitement des patients infectés par le VHC de<br />

génotype 1 sous interféron pégylé.<br />

aiguës par le VHC deviennent chroniques. Parmi les patients présentant une<br />

hépatite chronique, 20 % deviendront cirrhotiques dans les 25 ans. Au-delà de<br />

25 ans, 1 % de ces patients deviendront cirrhotiques chaque année. On remarque<br />

une évolution accélérée dans les cas de grande consommation d’alcool,<br />

d’obésité et de co-infection par le VIH ou le VHB. Selon des études plus<br />

récentes portant sur des patients plus jeunes (moins de 40 ans), le taux de<br />

cirrhose est notablement plus faible (2 à 8 %) après 20 ans.<br />

L’hépatite C chronique est un facteur de risque de cancer hépatocellulaire.<br />

Le risque accru de cancer se limite essentiellement aux patients cirrhotiques.<br />

On l’estime compris entre 1 à 4 % par an après l’apparition de la cirrhose. Le<br />

tableau 26 établit la liste des facteurs de risque de CHC en présence du VHC.


630 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 27. Prédicteurs de RVS au traitement par l’interféron d’une infection par le VHC<br />

Génotype 2 ou 3<br />

ARN du VHC < 800 000 UI/mL<br />

Moins de 40 ans<br />

Courte durée de l’infection<br />

Absence de cirrhose<br />

Sexe féminin<br />

Les méthodes actuelles de dépistage sont l’échographie abdominale et la<br />

mesure de l’-fœtoprotéine sérique (AFP) tous les 6 à 12 mois.<br />

7.1.3.4 Traitement<br />

Avant de discuter du traitement de l’hépatite C, il faut définir deux variables :<br />

a) La réponse virologique soutenue (RVS), définie comme l’absence d’ARN<br />

du VHC 24 semaines après l’arrêt du traitement antiviral. Dans la plupart<br />

des cas, on considère cela comme une guérison, avec un taux de récidive<br />

inférieur à 2 %.<br />

b) La réponse virologique précoce (RVP), définie comme une diminution de<br />

2 unités logarithmiques de l’ARN du VHC ou l’absence d’ARN du VHC<br />

décelable après 12 semaines de traitement. Une RVP nulle est un marqueur<br />

de rechange en l’absence de RVS et justifie l’arrêt du traitement, car la<br />

poursuite du traitement ne permet d’obtenir une réponse soutenue que dans<br />

moins de 2 % des cas. Si l’ARN du VHC a diminué de 2 unités logarithmiques<br />

à 12 semaines, mais demeure décelable (20 % des patients), il convient de<br />

le mesurer de nouveau à 24 semaines. S’il est encore décelable, arrêter le<br />

traitement (figure 21). Il n’est pas nécessaire de chercher à déterminer s’il<br />

y a une RVP dans le cas des virus de génotypes 2 et 3, étant donné le taux<br />

élevé de réussite du traitement. La surveillance de ces patients durant le<br />

traitement est donc fort simplifiée.<br />

Le plus important prédicteur de réponse au traitement anti-VHC est le<br />

génotype du virus. Vient ensuite la charge virale. Les meilleurs résultats sont<br />

obtenus chez les patients dont la charge virale est inférieure à 800 000 UI/mL.<br />

Le tableau 27 liste les prédicteurs de RVS (réponse virologique soutenue).<br />

Il convient d’envisager de traiter l’hépatite C chronique dans tous les cas<br />

sans contre-indication. La décision de traitement est complexe et doit être<br />

individualisée en fonction des caractéristiques du virus et des facteurs influant<br />

sur le risque d’évolution de la maladie et la probabilité de réponse au traitement.<br />

Il est essentiel que le patient soit motivé à suivre strictement le traitement. En<br />

général, l’instauration d’un traitement requiert à la fois la présence d’une


FIGURE 22. Progrès dans le traitement des infections par le VHC.<br />

Le foie 631<br />

*Note : Il s’agit de RVS globales et il est important de tenir compte des résultats spécifiques selon le génotype<br />

(voir le texte)<br />

inflammation hépatique (transaminases élevées et inflammation active à la<br />

biopsie hépatique) et des signes virologiques d’infection (présence d’ARN du<br />

VHC). Les praticiens d’expérience peuvent aussi envisager de traiter les<br />

patients dont les enzymes hépatiques sont normales, mais qui présentent des<br />

cytopénies, une cirrhose et une co-infection par le VIH.<br />

Avant le traitement, on détermine le génotype du VHC. S’il s’agit d’un<br />

virus de génotype 1, on conserve du sérum pour la quantification de l’ARN<br />

du VHC, au cas où il serait nécessaire, à la semaine 12, de déterminer s’il y a<br />

une RVP. Les lignes directrices de la Conférence canadienne de consensus<br />

2004 précisent que la biopsie hépatique, la mesure de gravité de la maladie la<br />

plus sensible, est recommandée avant le traitement, mais qu’elle n’est pas<br />

obligatoire. Les infections par un virus de génotype 2 ou 3 ne requièrent pas<br />

nécessairement de biopsie hépatique en raison de la forte probabilité de guérison.<br />

Les agents thérapeutiques disponibles pour traiter l’hépatite C chronique<br />

ont évolué au cours des 15 dernières années. La figure 22 montre l’amélioration<br />

de RVS due aux progrès du traitement. Le traitement actuel associe un<br />

interféron pégylé et la ribavirine, un analogue nucléosidique oral. Il existe au<br />

Canada deux préparations d’interféron pégylé (PEGASYS (-2a) et<br />

PEG-INTRON (-2b)). Une étude de comparaison directe de ces deux agents<br />

est en cours. La pégylation de l’interféron a l’avantage de réduire son<br />

immunogénicité et, surtout, d’améliorer sa pharmacocinétique grâce à une<br />

demi-vie sérique beaucoup plus longue. La molécule de l’interféron -2b


632 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 28. Contre-indications au traitement d’association interféron-ribavirine<br />

Interféron Ribavirine <strong>Association</strong><br />

• Dépression, psychose, • Grossesse ou absence de • Mauvaise observance<br />

tentatives de suicide contraception fiable • Alcoolisme ou<br />

• Trouble épileptique mal contrôlé • Insuffisance rénale toxicomanie non traités<br />

• Maladies auto-immunes • Cardiopathie grave<br />

(p.ex. hépatite auto-immune) • Anémie<br />

• Cirrhose décompensée • H < 130 g/L<br />

• À la base, leucopénie (


TABLEAU 30. Traitements de l’hépatite C<br />

Durée du Interféron pégylé Interféron pégylé Ribavirine<br />

traitement -2b -2a<br />

Le foie 633<br />

Génotype 1 48 semaines 1,5 mg/kg/semaine 180 mg s.c./semaine (-2a)<br />

RVS – 1 000 mg/j (< 75 kg)<br />

42 % à 52 % 1 200 mg/j (> 75 kg)<br />

Génotype 2 ou 3<br />

RVS – 24 semaines 1,5 mg/kg/semaine 180 mg s.c./semaine 800 mg/j<br />

78 % à 82 %<br />

(-2b)<br />

≤ 64 kg – 800 mg/j<br />

64 à 84 kg – 1000 mg/j<br />

≥ 85 kg – 1200 mg/j<br />

dans le cas du génotype 2 ou 3, ils sont traités pendant 24 semaines. Le<br />

tableau 28 présente les contre-indications du traitement et le tableau 29, les<br />

effets indésirables et la surveillance du traitement. Les posologies sont<br />

indiquées dans le tableau 30.<br />

Il n’existe aucun vaccin contre le VHC, mais la recherche est active dans ce<br />

domaine. Les données dont on dispose actuellement sont insuffisantes pour<br />

recommander l’utilisation d’une immunoglobuline sérique pour prévenir<br />

l’infection par le VHC. L’utilisation d’un condom lors des rapports sexuels est<br />

recommandée durant la phase aiguë de la maladie et indéfiniment si le patient<br />

est immunodéprimé. Si un membre d’un couple est chroniquement infecté par<br />

le virus de l’hépatite C, le couple averti des risques doit décider s’il désire<br />

utiliser un condom durant les rapports. Le taux de transmission du virus à un<br />

partenaire sexuel régulier est compris entre 2 et 5 %. En pratique clinique, la<br />

plupart des couples décident de ne pas utiliser de condom. La transmission<br />

verticale du VHC, de la mère au nouveau-né, est rare, mais elle est beaucoup<br />

plus élevée en cas de co-infection par le VIH (15 %).<br />

7.1.4 VIRUS DE L’HÉPATITE D<br />

L’hépatite D chronique résulte habituellement d’une surinfection d’un porteur<br />

du VHB par le VHD. Moins fréquemment, une co-infection VHB/VHD aiguë<br />

peut évoluer en infection chronique. Quoi qu’il en soit, l’hépatite D chronique<br />

est habituellement agressive et grave, avec une évolution rapide en cirrhose.<br />

Heureusement, le VHD est rare en Amérique du Nord.


634 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Le diagnostic est déterminé par la recherche d’anticorps anti-VHD dans le<br />

sérum des patients porteurs de VHB qui présentent des facteurs de risque d’infection<br />

par le VHD. On peut aussi mesurer l’antigène VHD et l’ARN du VHD<br />

dans le sérum ou dans le foie, mais le nombre des laboratoires ayant cette<br />

capacité est limité. En Amérique du Nord, ce virus est le plus souvent transmis<br />

par l’usage des drogues injectables et peut-être même par la voie sexuelle.<br />

On a signalé dans les pays méditerranéens une transmission intrafamiliale. Le<br />

traitement des infections par le VHD par interféron s’est révélé décevant. De<br />

même, la lamivudine, seule ou en association avec un interféron, s’est montrée<br />

inefficace, bien que l’expérience de ce traitement soit encore limitée. Étant<br />

donné que le VHD dépend du VHB, la vaccination contre le VHB permet<br />

d’éviter les infections par le VHD.<br />

7.2 Hépatite chronique médicamenteuse<br />

Un grand nombre de médicaments peuvent causer une hépatite chronique. La<br />

décision d’arrêter le médicament en cause dépend jusqu’à un certain point de<br />

ce qu’on sait du médicament, s’il cause simplement des anomalies enzymatiques<br />

légères et persistantes ou s’il provoque un dysfonctionnement hépatique<br />

accompagné d’anomalies histologiques graves. Dans les cas graves, il peut en<br />

résulter une fibrose, une cirrhose et la mort par insuffisance hépatique ou par<br />

complications d’une hypertension portale. Voici des exemples de médicaments<br />

capables de causer une hépatite chronique pouvant évoluer en insuffisance<br />

hépatique et hypertension portale : oxyphénisatine, isoniazide, nitr<strong>of</strong>urantoïne,<br />

alpha méthyldopa et dantroléne. Toutefois, si un médicament est essentiel à la<br />

santé du patient et s’il n’existe aucun autre agent non apparenté qu’on puisse<br />

lui substituer, il est raisonnable de continuer le traitement, sous surveillance<br />

clinique étroite, à condition que les anomalies enzymatiques soient légères et<br />

ne s’accompagnent ni de symptômes ni de perturbations fonctionnelles (c’est-àdire<br />

que la bilirubine sérique, l’albumine sérique et l’INR/TP restent normaux).<br />

Une biopsie hépatique peut être utile pour déterminer la gravité de la lésion.<br />

7.3 Hépatite auto-immune<br />

L’hépatite auto-immune est un trouble hépatique à médiation immunologique<br />

qui affecte surtout des femmes ayant des antécédents personnels ou familiaux<br />

de maladie auto-immune. Son étiologie est inconnue. Le début peut être<br />

insidieux ou aigu. Elle peut se présenter comme une insuffisance hépatique<br />

soudaine, une hépatite chronique ou une cirrhose inactive. Les patients se<br />

plaignent le plus souvent de fatigue, d’aménorrhée, de symptômes associés<br />

à une rhumatologie concomitante, telle l’arthrite, ou à une maladie de la<br />

thyroïde. Physiquement, on peut observer un ictère (dans les cas sévères), des<br />

angiomes stellaires, un érythème palmaire ou une hépato-splénomégalie. Les


TABLEAU 31. Différences entre hépatite virale et hépatite alcoolique<br />

Hépatite virale Hépatite alcoolique<br />

Antécédents Facteurs de risque Forte consommation d’alcool<br />

Le foie 635<br />

Examen Légère hépatomégalie, stigmates Hépatomégalie modérée à marquée,<br />

physique extrahépatiques non dominants stigmates développés<br />

Analyses de ASAT variable ASAT < 300<br />

laboratoire ALAT habituellement > ASAT (souvent ASAT/ ALAT ≥ 2)<br />

Biopsie Cellules mononucléaires Cellules polynucléaires<br />

hépatique Espaces portes centrés Espaces portes péricentraux, diffus<br />

Cellules « en verre dépoli » (VHB) Corps hyalins de Mallory<br />

Colorations spéciales (VHB) Stéatose macrovésiculaire<br />

Stéatose, surtout VHC<br />

analyses de laboratoire révèlent une diminution de l’albumine sérique, une<br />

hypergammaglobulinémie accompagnée d’une forte élévation des IgG, de la<br />

présence d’anticorps antinucléaires (AAN) et anti-muscle lisse. C’est le<br />

tableau de l’hépatite auto-immune classique (ou de type 1). L’hépatite autoimmune<br />

de type 2 est caractérisée par l’absence d’anticorps anti-muscle lisse<br />

et par la présence d’anticorps anti-microsomes de foie et de rein (anti-MFR).<br />

Une biopsie hépatique est essentielle pour établir le diagnostic et déterminer<br />

la sévérité des deux types d’hépatite auto-immune, ainsi que pour écarter<br />

d’autres hépatopathies. On note une cirrhose chez plus de 50 % des hépatites<br />

auto-immunes à la biopsie initiale.<br />

Le traitement commence par l’administration de corticostéroïdes à forte<br />

dose (40 à 60 mg/jour de prednisone) pendant quatre à six semaines. La dose<br />

est ensuite réduite progressivement jusqu’à la valeur d’entretien (par exemple,<br />

5 à 10 mg/jour), suffisante pour maintenir les enzymes hépatiques dans un<br />

intervalle normal. Souvent, on utilise l’azathioprine pour son effet d’épargne<br />

des stéroïdes, soit en l’administrant d’emblée avec les stéroïdes, soit en<br />

l’ajoutant plus tard au traitement. Après l’arrêt du traitement, la plupart des<br />

patients récidivent, ce qui oblige à réinstaurer le traitement. Le but du traitement<br />

est de maintenir la maladie sous contrôle avec la dose de médicament la<br />

plus faible possible. Une hépatite auto-immune non traitée évolue rapidement<br />

vers la cirrhose (en 3 à 5 ans). Bien que les corticostéroïdes ne puissent pas<br />

prévenir la cirrhose, ils ont un effet clairement salvateur dans cette affection<br />

autrement fatale. Un ajustement soigneux du traitement permet de stabiliser<br />

l’affection chez la plupart des patients pendant des années. Pour les autres<br />

patients, la minorité, la greffe de foie est très efficace.


636 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

7.4 Hépatite alcoolique<br />

Cette affection est habituellement facile à diagnostiquer en fonction des<br />

signes cliniques (voir la section 8). Le tableau 31 compare ces caractéristiques<br />

à celles de l’hépatite virale. L’hépatite alcoolique peut être grave et mortelle.<br />

8. HÉPATOPATHIE ALCOOLIQUE / F. Wong<br />

Au Canada, l’hépatopathie est la quatrième cause de décès chez les adultes de<br />

20 à 70 ans. Dans ce pays, l’alcool demeure la cause la plus fréquente de<br />

maladie hépatique chronique. Mais la consommation d’alcool en quantités<br />

excessives ne provoque pas de lésions hépatiques dans tous les cas. L’incidence<br />

de cirrhose chez les alcooliques se situe en effet entre 10 % et 20 %. On ignore<br />

encore quel peut être le mécanisme de prédisposition à la cirrhose chez<br />

certaines personnes. Lors d’études épidémiologiques, on a montré que la<br />

quantité d’alcool consommée était le facteur principal dans le développement<br />

de la cirrhose. Une consommation quotidienne de plus de 60 g d’alcool pour<br />

les hommes et de plus de 40 g d’alcool pour les femmes pendant 10 ans<br />

augmente fortement le risque de cirrhose. Plus que le type de boisson, c’est la<br />

teneur en alcool qui importe et les épisodes isolés de beuverie sont moins<br />

nocifs pour le foie qu’une consommation quotidienne régulière. Les femmes<br />

sont plus susceptibles de lésion hépatique que les hommes. La cirrhose tend à<br />

apparaître plus tôt chez les femmes, à un stade plus avancé, et l’hépatopathie<br />

tend à être plus grave, avec plus de complications. Il se peut que la génétique<br />

intervienne dans le développement de l’hépatopathie alcoolique. Certains<br />

types de comportement alcoolique sont héréditaires. L’alcool est métabolisé<br />

en acétaldéhyde par l’alcool déshydrogénase, puis en acétate par l’acétaldéhyde<br />

déshydrogénase. Le pléomorphisme génétique de ces systèmes enzymatiques<br />

peut se traduire par un taux variable d’élimination de l’alcool et contribuer à<br />

la susceptibilité de chacun aux lésions alcooliques. On a noté lors de certaines<br />

études une fréquence accrue du gène codant pour l’alcool déshydrogénase<br />

chez les patients présentant une hépatopathie alcoolique, ce qui a pour effet<br />

d’augmenter la production d’acétaldéhyde. En outre, chez l’alcoolique présentant<br />

une activité moindre de l’acétaldéhyde déshydrogénase, l’hépatopathie<br />

alcoolique apparaît après une consommation cumulée inférieure à celle des<br />

autres. L’alcool a un effet hépatotoxique direct, qui ne nécessite pas de<br />

malnutrition préexistante. Toutefois, la malnutrition peut jouer un rôle permissif<br />

dans la promotion de l’hépatotoxicité alcoolique. Il existe un seuil de toxicité<br />

de l’alcool au-delà duquel aucun supplément diététique ne peut apporter de<br />

protection. L’obésité peut également constituer un facteur de risque indépendant<br />

d’hépatopathie alcoolique. Enfin, l’hépatite C semble jouer un rôle dans le<br />

développement d’une hépatopathie alcoolique avancée. Chez les patients qui


Le foie 637<br />

FIGURE 23. Représentation schématique des différents stades de l’hépatopathie alcoolique.<br />

combinent une hépatopathie alcoolique et une infection par le VHC, la maladie<br />

tend à apparaître à un âge plus jeune, avec des caractéristiques histologiques<br />

plus graves et un temps de survie réduit. De plus, la présence d’une hépatite C<br />

constitue un risque majeur de cancer hépatocellulaire chez les patients présentant<br />

une cirrhose alcoolique.<br />

Le spectre des hépatopathies va de la stéatose relativement bénigne à l’hépatite<br />

alcoolique et à la cirrhose, qui sont potentiellement fatales (figure 23).<br />

8.1 Stéatose hépatique alcoolique<br />

La stéatose est l’anomalie hépatique la plus fréquente chez les alcooliques.<br />

C’est une manifestation toxique d’une consommation excessive d’alcool, qui se<br />

produit dans les trois à sept jours d’un excès. Les changements métaboliques<br />

associés à l’ingestion d’alcool se traduisent par une augmentation de la synthèse<br />

des triglycérides, par une diminution de l’oxydation des lipides et par une<br />

insuffisance de sécrétion hépatique. Il en résulte une accumulation de triglycérides<br />

dans les hépatocytes, en particulier dans la zone des veinules hépatiques<br />

terminales. Dans les cas plus graves, l’altération graisseuse peut être diffuse.<br />

Les lipides peuvent prendre la forme de macrovésicules (grosses gouttes) ou de<br />

microvésicules (gouttelettes), révélant une synthèse plus active des lipides par<br />

les hépatocytes. La stéatose hépatique peut survenir seule ou faire partie d’un<br />

tableau d’hépatite ou de cirrhose alcoolique.<br />

Sur le plan clinique, le patient ne présente habituellement aucun symptôme<br />

et l’examen révèle un gros foie ferme et lisse. Occasionnellement, la stéatose


638 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 24. Photomicrographie montrant des corps de Mallory, une stéatose et des cellules<br />

inflammatoires chez un patient ayant une hépatite alcoolique aiguë.<br />

peut être si importante que le patient est anorexique et nauséeux, avec une<br />

douleur ou une gêne dans l’hypocondre droit. Ces effets font habituellement<br />

suite à un épisode prolongé de forte consommation d’alcool. Souvent, les tests<br />

de la fonction hépatique sont normaux, bien que la GGT soit invariablement<br />

élevée, avec une hausse légère des aminotransférases et de la phosphatase<br />

alcaline. On n’observe jamais d’ictère et la fonction de synthèse hépatique<br />

(albumine et temps de prothrombine) est préservée. L’échographie permet<br />

habituellement de déceler une stéatose hépatique. Le diagnostic définitif<br />

requiert une biopsie hépatique. Lorsque la stéatose n’est pas associée à une<br />

hépatite alcoolique, le pronostic est excellent. L’abstinence totale d’alcool<br />

et une alimentation nourrissante aboutissent à l’élimination de la graisse en<br />

quatre à six semaines.<br />

8.2 Hépatite alcoolique<br />

Une hépatite alcoolique peut survenir seule ou en association avec une<br />

cirrhose. Elle présente divers degrés de gravité. Cette affection est caractérisée<br />

par une nécrose des hépatocytes et par une réaction inflammatoire. Au plan<br />

histologique, les hépatocytes sont gonflés par une accumulation d’eau<br />

secondaire à une augmentation des protéines cytosoliques. On note la présence<br />

d’une stéatose, souvent de type macrovésiculaire. On observe des corps hyalins<br />

de Mallory, inclusions cytoplasmiques rouge violacé formées d’agrégats de<br />

micr<strong>of</strong>ilaments intermédiaires (figure 24). Des polynucléaires entourent les


Le foie 639<br />

cellules contenant les corps de Mallory et pénètrent dans les hépatocytes<br />

endommagés. On observe habituellement des dépôts de collagène. Ces dépôts<br />

sont maximums dans la zone 3 et sont distribués suivant un motif périsinusoïdal<br />

englobant les hépatocytes et conférant à l’ensemble un aspect grillagé. Il n’y<br />

a pas de changement apparent dans l’espace porte. Une inflammation portale<br />

marquée suggère la présence d’une hépatite virale associée, p. ex. une hépatite<br />

C, tandis qu’une fibrose évoque une hépatite chronique compliquée. Lorsque<br />

l’inflammation aiguë se calme, il reste un degré variable de fibrose, qui peut<br />

mener à une cirrhose.<br />

Sur le plan clinique, les cas légers d’hépatite alcoolique ne sont reconnus<br />

qu’à la biopsie chez les patients présentant des antécédents d’abus d’alcool et<br />

des tests anormaux de la fonction hépatique. Dans les cas de gravité modérée,<br />

les patients souffrent habituellement de malnutrition, avec des signes<br />

précurseurs, comme la fatigue, l’anorexie, les nausées et une perte pondérale<br />

pendant deux ou trois semaines. Les signes cliniques comprennent une fièvre<br />

inférieure à 40° C, un ictère et un gros foie sensible à la palpation. Dans les<br />

cas les plus graves, qui suivent en général une période de forte consommation<br />

d’alcool sans prise de nourriture, le patient est très malade, avec de la fièvre,<br />

un ictère marqué, une ascite et des signes de circulation hyperdynamique, par<br />

exemple une hypotension générale et une tachycardie. On observe un érythème<br />

palmaire et des angiomes stellaires, avec ou sans gynécomastie. Des vomissements,<br />

une diarrhée ou une infection intercurrente peuvent provoquer une<br />

décompensation hépatique aboutissant à une encéphalopathie. L’hypoglycémie<br />

est fréquente et peut déclencher un coma. Une tendance à l’hémorragie<br />

combinée à une hypertension portale se traduit souvent par une hémorragie<br />

digestive. On observe fréquemment des signes de malnutrition et des carences<br />

vitaminiques. À fortes doses, l’acétaminophène est un hépatotoxique. L’alcool<br />

rend le patient qui prend de l’acétaminophène plus susceptible de lésions<br />

hépatiques du fait de l’induction d’enzymes métabolisantes; l’administration<br />

de doses plus faibles d’acétaminophène à un alcoolique peut déclencher une<br />

insuffisance hépatique.<br />

Les anomalies biochimiques comprennent l’élévation des aminotransférases,<br />

de la bilirubine, de la phosphatase alcaline et de la GGT. Les aminotransférases<br />

dépassent rarement 300 UI/L, sauf en cas d’ingestion d’acétaminophène, avec<br />

un rapport ASAT/ALAT > 2. L’hyperbilirubinémie, qui peut être assez marquée<br />

(300 à 500 µmol/L) reflète la gravité de la maladie. L’augmentation de la GGT<br />

est proportionnellement plus importante que celle de la phosphatase alcaline.<br />

On note aussi une leucocytose, pouvant atteindre 20 à 25 x 10 9 leucocytes/L,<br />

et un allongement du temps de prothrombine ne répondant pas à la vitamine K.<br />

L’albumine sérique chute. Il se produit une hausse marquée des IgA sériques et<br />

une augmentation moindre des IgG et des IgM.


640 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Souvent, l’état des patients souffrant d’hépatite alcoolique aiguë s’aggrave<br />

durant les premières semaines d’hospitalisation, avec un taux de mortalité<br />

compris entre 20 % et 50 %. Parmi les indicateurs de pronostic sombre, il<br />

faut compter une encéphalopathie spontanée, une augmentation marquée de<br />

l’INR insensible à la vitamine K et une hyperbilirubinémie grave, dépassant<br />

350 µmol/L. Malgré l’abstinence totale, la guérison demande un à six mois.<br />

L’hépatite alcoolique évolue en cirrhose dans 40 % des épisodes cliniques.<br />

8.3 Cirrhose alcoolique<br />

La cirrhose alcoolique établie est habituellement une maladie de l’âge mûr,<br />

conséquence de nombreuses années d’abus. Il peut y avoir des antécédents<br />

d’hépatite alcoolique, mais la cirrhose peut aussi se développer chez une<br />

personne apparemment bien nourrie et asymptomatique. Occasionnellement,<br />

elle se présente comme une hépatopathie en phase terminale, avec malnutrition,<br />

ascite, encéphalopathie et tendance à l’hémorragie. L’étiologie est habituellement<br />

l’abus d’alcool. Du point de vue clinique, le patient est émacié et<br />

présente une hypertrophie parotidienne bilatérale, un érythème palmaire, une<br />

contracture de Dupuytren et de multiples angiomes stellaires. On note chez les<br />

hommes une gynécomastie et une atrophie testiculaire. L’hépatomégalie est<br />

fréquente, affectant surtout le lobe gauche en raison de l’hypertrophie marquée,<br />

accompagnée parfois de signes d’hypertension portale : splénomégalie, ascite<br />

et distension des veines de la paroi abdominale. Au stade terminal, le foie est<br />

ratatiné et impalpable. D’autres organes peuvent aussi montrer des signes de<br />

lésions d’origine alcoolique, par exemple une neuropathie périphérique et une<br />

perte de mémoire due à une atrophie cérébrale. La cirrhose alcoolique<br />

s’accompagne également de troubles rénaux graves, dont la néphropathie à<br />

IgA, l’acidose tubulaire rénale et le syndrome hépato-rénal. Il existe une<br />

corrélation entre les hépatites B et C et la cirrhose alcoolique.<br />

Du point de vue histologique, la cirrhose est micronodulaire. Le degré de<br />

stéatose est variable, mais il n’y a pas nécessairement d’hépatite alcoolique.<br />

On note une fibrose péricellulaire (autour des hépatocytes) généralisée. La<br />

fibrose portale contribue à l’apparition d’une hypertension portale. Il peut se<br />

produire un accroissement des dépôts de fer dans le parenchyme. Lorsque ces<br />

dépôts sont marqués, il est indispensable d’écarter la possibilité d’une<br />

hémochromatose génétique. Si la nécrose et la régénération cellulaires se<br />

poursuivent, la cirrhose peut devenir macronodulaire.<br />

Parmi les anomalies biochimiques, il faut souligner la baisse de l’albumine<br />

sérique et la hausse de la bilirubine et des aminotransférases. L’ASAT et<br />

l’ALAT dépassent rarement 300 UI/L et le rapport ASAT/ALAT est<br />

habituellement supérieur à 2. La GGT augmente de manière disproportionnée<br />

à la suite d’une ingestion d’alcool. On utilise donc largement la mesure de la


Le foie 641<br />

GGT pour déceler les excès d’alcool. L’aggravation de la maladie s’accompagne<br />

parfois d’un allongement du temps de prothrombine. Une hypertension<br />

portale provoque un hypersplénisme qui aboutit à une thrombocytopénie, à<br />

une anémie et à une leucopénie. Il se produit d’autres altérations sériques non<br />

spécifiques chez les alcooliques aigus ou chroniques : hausse de l’acide<br />

urique, des lactates et des triglycérides et baisse du glucose, du potassium, du<br />

phosphate et du magnésium.<br />

Le pronostic de la cirrhose alcoolique dépend de la capacité du patient à<br />

renoncer à l’alcool et, par conséquent, du soutien et des ressources financières<br />

de sa famille et de son statut socio-économique. La présence d’une hépatite<br />

assombrit aussi le pronostic. Le taux de survie à cinq ans est de 60 % à 70 %<br />

pour les patients qui renoncent à l’alcool, mais tombe à 40 % pour ceux qui<br />

continuent de consommer de l’alcool. La durée de survie est plus courte pour<br />

les femmes. D’autres indicateurs assombrissent le pronostic : albumine sérique<br />

basse, allongement du temps de prothrombine, hémoglobine basse,<br />

encéphalopathie, ictère persistant et azotémie. Une fibrose de la zone 3 et une<br />

sclérose périveinulaire sont aussi des facteurs défavorables. Il se peut que<br />

l’abstinence totale n’améliore pas le pronostic si l’hypertension portale est<br />

sévère, bien que, aux premiers stades de la cirrhose, l’abstinence puisse<br />

s’accompagner d’une chute de la pression portale. Un cancer hépatocellulaire<br />

apparaît chez 10 % des cirrhotiques stables, avec une incidence plus grande<br />

chez les patients infectés par le VHC. Le cancer apparaît habituellement après<br />

une période d’abstinence, au stade de la cirrhose macronodulaire. Détecté<br />

suffisamment tôt, il est possible d’adopter certaines stratégies de traitement<br />

(voir ci-après). Il est donc conseillé d’instaurer un suivi à long terme, avec un<br />

dépistage périodique.<br />

8.4 Traitement<br />

Il est indispensable de reconnaître l’alcoolisme au plus tôt. Un tableau<br />

d’anorexie, de nausées, de diarrhée, de sensibilité de l’hypochondre droit et<br />

d’élévation de la GGT doit éveiller immédiatement les soupçons du médecin.<br />

La mesure thérapeutique la plus importante est l’abstinence totale. La participation<br />

du patient à un groupe de soutien et un contrôle régulier peuvent aider<br />

à renforcer dans son esprit la nécessité de renoncer totalement à l’alcool. Les<br />

symptômes de privation devraient être traités par une benzodiazépine à action<br />

courte. Il convient alors d’instituer une alimentation nourrissante, bien équilibrée,<br />

avec des suppléments vitaminiques. La stéatose hépatique alcoolique<br />

répond à l’arrêt de l’alcool et à une alimentation nourrissante. Les patients<br />

présentant une hépatite alcoolique grave doivent être hospitalisés et on doit<br />

traiter de manière appropriée les complications de l’insuffisance hépatique. Le<br />

traitement spécifique de l’hépatite alcoolique comprend l’administration d’un


642 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

corticostéroïde (40 mg/jour pendant quatre semaines, suivie d’une réduction<br />

progressive). Selon de récentes méta-analyses groupant 13 études randomisées<br />

et contrôlées, les stéroïdes ont des avantages notables pour les patients souffrant<br />

d’hépatite alcoolique grave compliquée d’encéphalopathie. On observe une<br />

réduction de la mortalité à court terme dans 50 % des cas d’hépatite alcoolique<br />

grave. Une fonction discriminante (score de Maddrey) > 32 indique un<br />

pronostic sombre et une réponse favorable à la corticothérapie. Fonction<br />

discriminante = 4,6 x [temps de prothrombine - temps de prothrombine témoin]<br />

(en secondes) + bilirubine sérique (en µmol/L) / 17. On a utilisé le propylthiouracile<br />

pour freiner l’hypermétabolisme hépatique de l’hépatite<br />

alcoolique. C’est ainsi que, lors d’une étude de longue durée, randomisée et<br />

contrôlée, on a noté une réduction notable du taux de mortalité à deux ans<br />

chez des patients continuant de boire modérément, alors que les patients ayant<br />

renoncé totalement à l’alcool ne retiraient aucun avantage de l’abstinence.<br />

Toutefois, aucun autre investigateur n’a réussi à reproduire ces résultats<br />

favorables. Par conséquent, les éléments de preuve dont on dispose actuellement<br />

ne permettent pas d’appuyer l’administration systématique de propylthiouracile<br />

en cas d’hépatite alcoolique aiguë. On a aussi essayé la testostérone et des<br />

stéroïdes androgènes anaboliques, avec des résultats contradictoires. On a<br />

administré des suppléments d’acides aminés par voie intraveineuse à des<br />

patients présentant une carence sévère en protéines, avec un succès variable.<br />

On privilégie les suppléments oraux si le patient peut tolérer d’être alimenté.<br />

L’infliximab, anticorps anti-TNF- (facteur de nécrose tumorale alpha),<br />

pourrait théoriquement réduire le processus inflammatoire de l’hépatite<br />

alcoolique. Deux études récentes ont montré que les patients ayant une<br />

hépatite alcoolique qui sont traités par l’infliximab présentent davantage<br />

de complications infectieuses. L’insuline et le glucagon sont deux agents<br />

hépatotrophiques. Leur utilisation en cas d’hépatite alcoolique pourrait,<br />

théoriquement, améliorer la régénération hépatique. Toutefois, on a noté des<br />

complications et des décès dus à une hypoglycémie chez des patients traités<br />

par ces deux agents. Ceux-ci ne peuvent donc être utilisés que dans le cadre<br />

d’une étude clinique. On a montré, lors d’une étude, que la pentoxifylline,<br />

agent anti-inflammatoire ayant des propriétés anti-TNF-, réduisait l’incidence<br />

de syndrome hépato-rénal de type 1 d’apparition récente et la mortalité<br />

à un mois. La pentoxifylline est un agent sécuritaire et peu coûteux, qui pourrait<br />

être utilisé malgré l’absence d’étude de confirmation.<br />

Il convient d’évaluer les patients qui sont aussi infectés par le VHB ou le<br />

VHC pour déterminer la pertinence d’un traitement antiviral. Une hépatite<br />

virale non traitée peut certainement accélérer le processus fibrotique de la<br />

cirrhose alcoolique. On a essayé, sans grand succès, la colchicine comme<br />

antifibrotique pour réduire l’importance de la cirrhose et, par la suite, la


Le foie 643<br />

pression portale. Chez les patients atteints de cirrhose alcoolique, on devrait<br />

procéder à une évaluation des complications de l’insuffisance hépatique et de<br />

l’hypertension portale. Une telle évaluation comprend une gastroscopie de<br />

surveillance pour déterminer la présence de varices œsophagiennes et un<br />

traitement prophylactique par un bêtabloquant pour les patients qui présentent<br />

de grosses varices œsophagiennes. La nouvelle technique de dérivation<br />

intrahépatique porto-systémique transjugulaire (DIPT) a remplacé la dérivation<br />

porto-cave chirurgicale comme le traitement de choix en cas d’hémorragie<br />

non contrôlée de varices œsophagiennes, malgré le taux de mortalité très élevé<br />

chez les patients présentant une hépatite alcoolique aiguë. L’encéphalopathie<br />

hépatique demeure une complication, mais peut être habituellement contrôlée<br />

par du lactulose prophylactique. L’ascite est traitée par un régime pauvre<br />

en sodium et des diurétiques. Elle diminue fréquemment chez les patients<br />

qui s’abstiennent d’alcool pendant plus de six mois. Lorsque l’ascite devient<br />

réfractaire au traitement diurétique, il convient d’envisager une DIPT parmi<br />

les options de traitement, en particulier après plus de six mois sans alcool.<br />

Tout devrait être fait pour exclure une péritonite bactérienne spontanée et<br />

empêcher un syndrome hépato-rénal, complications dangereuses de l’ascite.<br />

On devrait procéder périodiquement à une recherche d’hépatome, car un<br />

hépatome peut être traité efficacement s’il est décelé tôt. Il convient de<br />

proposer au patient dont la cirrhose est compensée et stable, une résection<br />

chirurgicale, et au patient légèrement décompensé, une ablation locale, p. ex.<br />

par radi<strong>of</strong>réquence. La greffe de foie est aussi une option de traitement pour<br />

les patients dont la cirrhose alcoolique est terminale et constitue le traitement<br />

de choix lorsque la cirrhose alcoolique est décompensée. Les questions<br />

d’éthique concernant l’utilisation d’une ressource rare pour traiter une maladie<br />

auto-infligée restent sans réponse, en particulier lorsqu’elle concerne une<br />

greffe de foie à des patients présentant une hépatite alcoolique active. Dans les<br />

centres hospitaliers qui procèdent à des greffes pour cirrhose alcoolique, les<br />

résultats sont comparables à ceux observés chez les patients présentant<br />

d’autres formes de cirrhose.<br />

9. STÉATOPATHIE NON ALCOOLIQUE / G. Kichian et W. Wong<br />

La stéatopathie non alcoolique (SNA) est devenue une cause fréquente et<br />

potentiellement importante d’élévation des enzymes hépatiques. Fréquemment<br />

liée à l’obésité et au diabète de type 2, elle est maintenant reconnue<br />

comme contribuant de manière importante à la cirrhose cryptogénique. Étant<br />

donné que quelque 60 % de la population nord-américaine a un surpoids et<br />

que l’incidence de diabète de type 2 augmente rapidement, on s’attend à ce<br />

que la SNA devienne une cause notable de morbidité et de mortalité liées au


644 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

foie. Le présent chapitre décrit ce que l’on comprend actuellement de la SNA<br />

et propose une démarche de traitement.<br />

9.1 Définition<br />

Ludwig a inventé en 1981 le nom de stéatohépatite non alcoolique (SHNA)<br />

pour désigner une affection ressemblant à l’hépatite alcoolique, mais sans<br />

abus de l’alcool. La stéatopathie non alcoolique (SNA), elle, décrit les affections<br />

liées à une infiltration graisseuse du foie, en l’absence de toute consommation<br />

notable d’alcool (et d’autres causes connues d’hépatopathie), avec un spectre<br />

de morbidité pouvant aller de la stéatose bénigne à la cirrhose. Par conséquent,<br />

la SHNA est un sous-ensemble, avancé au plan clinique, de la SNA, avec des<br />

manifestations d’hépatite pouvant évoluer en cirrhose.<br />

9.2 Pathogenèse<br />

Les mécanismes sous-jacents de l’infiltration graisseuse ainsi que de l’inflammation<br />

et de la fibrose subséquentes, sont déduits de modèles animaux et des<br />

études d’observation des patients présentant une SNA. Ils demeurent largement<br />

spéculatifs. Un certain nombre d’études ont décrit la présence d’une résistance à<br />

l’insuline chez les patients présentant une SNA, mais il reste à déterminer si la<br />

résistance à l’insuline est la cause ou la conséquence de la maladie. La SNA est<br />

associée depuis longtemps au diabète, mais, selon des études plus récentes, la<br />

résistance à l’insuline pourrait exister sans élévation de la glycémie. Ces études<br />

ont démontré la présence d’une hyperglycémie à jeun et ont documenté la<br />

présence d’une résistance à l’insuline en utilisant la technique du clamp<br />

euglycémique. De même, chez la souris ob/ob déficiente en leptine, modèle<br />

animal accepté pour la SNA, la gravité de l’infiltration graisseuse, et de<br />

l’inflammation et de la fibrose hépatique qui en résultent, est clairement associée<br />

à une résistance à l’insuline.<br />

La présence de graisse dans le foie est relativement fréquente et n’est pas<br />

considérée, en soi, comme nocive. Néanmoins, chez une minorité de patients,<br />

l’infiltration graisseuse du foie peut s’accompagner d’une inflammation<br />

chronique aboutissant à une fibrose et à une SHNA. L’agression séquentielle<br />

subie par le foie est, pense-t-on, double, c’est à dire qu’elle fait intervenir deux<br />

éléments : la stéatose et des facteurs pro-inflammatoires, comme certaines<br />

cytokines et le stress oxydatif. Parmi les nombreuses cytokines qui semblent<br />

jouer un rôle, le facteur de nécrose des tumeurs alpha (TNF-) est le plus<br />

étudié et sa présence est clairement démontrée dans les biopsies tissulaires et<br />

dans le sérum des patients et des modèles animaux de SNA. La production de<br />

TNF- est étroitement liée à la masse élevée de tissus adipeux et peut intervenir<br />

dans la promotion de la résistance à l’insuline par régulation vers le bas<br />

du substrat 1 du récepteur de l’insuline (IRS-1). On a aussi montré que la


Le foie 645<br />

production de TNF- était secondaire à une endotoxémie due à une translocation<br />

bactérienne. Une étude récente a révélé une niveau élevé d’ARNm du TNF-<br />

dans le foie de souris ob/ob et a montré que des manipulations de la flore intestinale<br />

de ces souris par des probiotiques pouvaient faire baisser l’ARNm du<br />

TNF-. Le degré d’inflammation hépatique et la production de TNF- étaient<br />

réduits tant avec les probiotiques qu’avec les anticorps anti-TNF-.<br />

En ce qui concerne le stress oxydatif, on a identifié une multitude de<br />

sources possibles, dont le cytochrome P450, la bêta-oxydation peroxysomale,<br />

la fuite d’électrons de la chaîne mitochondriale, les produits réactifs de la<br />

peroxydation des lipides et les cellules inflammatoires mobilisées. On pense<br />

que le mécanisme des atteintes aux hépatocytes dues au stress oxydatif est<br />

secondaire au débordement des mécanismes protecteurs de gestion des excédents<br />

de lipides, dont la synthèse des triglycérides et des VLDL, l’élimination<br />

enzymatique des produits de la peroxydation lipidique et la fonction adéquate<br />

des mitochondries hépatiques. Enfin, il reste à établir si une prédisposition<br />

génétique est indispensable à l’évolution d’une stéatose en SHNA.<br />

9.3 Diagnostic<br />

Les patients chez lesquels on recherche une SNA sont généralement<br />

asymptomatiques et c’est la découverte fortuite d’une légère élévation des<br />

transaminases qui amène cette recherche. Une minorité de cas plus avancés<br />

peuvent présenter une fatigue, un malaise, une hépatomégalie et/ou une<br />

douleur dans l’hypocondre droit. Dans le pire des scénarios, la présentation<br />

initiale est celle d’une hépatopathie avancée, avec des stigmates manifestes<br />

et/ou des complications d’une hypertension portale et, à l’évaluation, la<br />

suggestion d’une SNA de longue date.<br />

Le bilan initial de recherche d’une SNA commence, comme pour toute<br />

maladie hépatique, par une anamnèse complète pour déceler les facteurs de<br />

risque associés à un dysfonctionnement hépatique. Ces facteurs sont: la<br />

consommation d’alcool, l’exposition à une activité à haut risque pouvant<br />

prédisposer à une hépatite virale, l’utilisation de médicaments (d’ordonnance,<br />

en vente libre ou à base de plantes médicinales) et les antécédents familiaux<br />

d’hépatopathie. Sachant que les données biochimiques, radiologiques et<br />

histologiques en cas de SNA sont identiques à celles d’une hépatopathie<br />

alcoolique, il est essentiel d’obtenir un historique complet de la consommation<br />

d’alcool. Il convient de déterminer la consommation d’alcool quotidienne<br />

du patient, sachant qu’une consommation supérieure à 20 g/jour est compatible<br />

avec une hépatopathie alcoolique. On doit également reconnaître le fait qu’il<br />

ne faut pas se fier aux évaluations de consommation d’alcool par les patients<br />

eux-mêmes. Par conséquent, chaque fois que possible, il convient de<br />

confirmer ce renseignement en interrogeant les membres de la famille ou


646 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

d’autres médecins. Des paramètres biochimiques (mesures d’alcoolémie au<br />

hasard, taux sérique de gamma-glutamyl-transférase (GGT), volume globulaire<br />

moyen et rapport ASAT/ALAT > 2) pourraient également aider à évaluer<br />

la consommation d’alcool en cas de doute concernant le diagnostic.<br />

Ensuite, il convient d’établir un historique des conditions associées à la SNA.<br />

Parmi celles-ci, citons le diabète de type 2, l’obésité, l’hypercholestérolémie,<br />

l’hypertriglycéridémie, l’hypertension, la nutrition parentérale totale, une perte<br />

pondérale importante et l’utilisation de médicaments associés à une stéatose, tels<br />

le tamoxifène, l’amiodarone et les corticostéroïdes. Il est également important<br />

d’obtenir les faits concernant la nutrition, en mettant l’accent sur le type et la<br />

quantité des aliments consommés couramment, ainsi que la progression du gain<br />

pondéral et/ou du régime alimentaire et la participation aux activités physiques.<br />

Enfin, des antécédents familiaux de diabète de type 2 pourraient suggérer une<br />

prédisposition génétique à la résistance à l’insuline.<br />

L’examen physique doit être complet et ne pas se limiter aux stigmates<br />

d’hépatopathie chronique. Il convient aussi de se concentrer sur des aspects<br />

importants tels que le poids et la taille (pour déterminer l’indice de masse<br />

corporelle), la mesure précise de la pression artérielle, l’évaluation endocrinienne<br />

(avec un examen thyroïdien), les signes d’hypercholestérolémie et l’évaluation<br />

soigneuse des dimensions et de la texture du foie.<br />

Les analyses de laboratoire ont pour but d’écarter les causes virales, autoimmunes<br />

et génétiques de l’hépatopathie. Le cholestérol, les triglycérides<br />

sériques et la glycémie devraient faire partie de l’évaluation initiale. Dans la<br />

SNA, l’ALAT et l’ASAT sont habituellement légèrement élevées (moins de<br />

2 fois la normale), avec un rapport ASAT/ALAT inférieur à 1. Cependant,<br />

même en l’absence d’une consommation d’alcool importante, le rapport<br />

ASAT/ALAT peut dépasser 2 et indiquer une hépatopathie avancée. Une SNA<br />

peut s’accompagner d’une légère hausse de la phosphatase alcaline. Toutefois,<br />

une augmentation notable devrait inciter à envisager un autre diagnostic. Par<br />

contre, si un taux élevé de ferritine devrait nécessiter une évaluation plus<br />

poussée de la situation du fer, un tel taux est observé fréquemment chez les<br />

patients atteints de SNA.<br />

L’échographie abdominale est la modalité radiologique la moins coûteuse<br />

et la plus accessible pour évaluer une SNA. Lorsque l’infiltration de graisse<br />

touche plus de 30 % des lobules hépatiques, l’échographie peut déceler une<br />

SNA avec une sensibilité de 83 % et une spécificité de 100 %. Les caractéristiques<br />

échographiques suggérant une infiltration graisseuse comprennent : une<br />

texture hyperéchogène diffuse, un flou vasculaire et une forte atténuation. On<br />

a aussi utilisé la tomodensitométrie et l’IRM pour évaluer une SNA et ces<br />

techniques se sont montrées plus sensibles lorsque l’infiltration graisseuse est<br />

focalisée ou par plages. Les valeurs d’atténuation à la tomodensitométrie


Le foie 647<br />

diminuent avec l’infiltration graisseuse de 1,6 unité Hounsfield environ pour<br />

chaque mg de triglycérides déposé par gramme de tissu hépatique. Les images<br />

IRM (à séquences en écho de gradient pondérées en T1 obtenues avec temps<br />

d’écho maintenant les spins eau et lipides déphasés) montrent une perte de<br />

signal hépatique avec infiltration graisseuse. Toutefois, l’utilité de toutes les<br />

modalités d’imagerie demeure limitée parce qu’elles ne permettent pas de<br />

faire la distinction entre une stéatose simple et une stéatohépatite.<br />

Bien qu’il s’agisse d’une procédure relativement invasive, la biopsie hépatique<br />

demeure la référence pour le diagnostic de la SNA et de la SHNA. C’est le<br />

seul outil diagnostique qui permette d’établir le diagnostic en toute confiance,<br />

de préciser le degré d’inflammation et de fibrose et, potentiellement, de<br />

déterminer le pronostic à long terme de la maladie. Néanmoins, la valeur<br />

d’une biopsie hépatique pour le diagnostic de SNA reste très controversée en<br />

pratique clinique courante pour les patients présentant une élévation moyenne<br />

des enzymes hépatiques. L’argument contre la biopsie universelle est que,<br />

selon toute probabilité, les données ainsi obtenues n’auront pas d’influence<br />

notable sur le plan de traitement. D’autre part, les partisans de la biopsie<br />

hépatique soulignent qu’elle permettrait d’identifier les patients à risque accru<br />

d’évolution de la maladie, auxquels on pourrait proposer un traitement<br />

expérimental. Les aspects histologiques de la SNA comprennent des lipides<br />

macrovésiculaires, des corps hyalins de Mallory, des hépatocytes gonflés, une<br />

fibrose périsinusoïdale (zone 3) et des infiltrats neutrophiles lobulaires. Bien<br />

qu’il n’y ait aucun système de gradation histologique universellement accepté<br />

pour la SNA, on a montré que les critères de gradation de Brunt, basée sur la<br />

combinaison d’une stéatose et de changements inflammatoires et d’un<br />

système de stades reposant sur le degré de fibrose étaient utiles pour prévoir<br />

l’issue clinique lors des études rétrospectives.<br />

9.4 Histoire naturelle<br />

Il est difficile d’estimer quelle est la proportion de patients présentant une<br />

élévation de l’ALAT qui sont atteints de SNA, car la majorité de ces patients<br />

ne subissent pas de biopsie hépatique. Néanmoins, on estime que 10 à 15 %<br />

des personnes normales et 70 à 80 % des personnes obèses présentent une<br />

stéatose. Mais surtout, d’après les études des victimes d’accidents automobiles<br />

et aériens qui ont subi une biopsie hépatique, il semble que 3 % des personnes<br />

normales et jusqu’à 20 % des personnes obèses présentent une stéatohépatite.<br />

Une étude récente a démontré en outre qu’une SNA pouvait être décelée chez<br />

des patients dont le taux d’ALAT est normal, suggérant que la prévalence de<br />

la SNA dans la population était probablement sous-estimée.<br />

Les études de l’histoire naturelle de la SNA sont plutôt rares, étant donné<br />

que la prévalence réelle de la maladie est inconnue et qu’il est difficile à


648 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

mener des études prospectives de grande envergure exigeant des biopsies<br />

hépatiques répétées. D’après les quelques études de faible envergure portant<br />

sur des patients dont le diagnostic ferme de SNA reposait sur une première<br />

biopsie, suivie d’une deuxième biopsie plusieurs années après, les cas de<br />

stéatose simple évoluent rarement vers une SHNA, alors que jusqu’à 20 % des<br />

cas de SHNA peuvent évoluer vers une cirrhose. À la présentation initiale,<br />

jusqu’à 30 à 40 % de patients peuvent présenter une fibrose avancée et 10 à<br />

15 % peuvent être cirrhotiques. On pense que le taux de mortalité des patients<br />

présentant une SHNA est plus élevé que celui des témoins appariés en âge.<br />

Toutefois, on ignore si le taux de mortalité accru est dû à une comorbidité<br />

associée à la SNA (par exemple, une coronaropathie, un diabète de type 2) ou<br />

à la progression de l’hépatopathie.<br />

Un certain nombre d’études rétrospectives ont analysé des patients présentant<br />

une cirrhose cryptogénique et ont identifié les manifestations cliniques<br />

typiques de la SNA chez une proportion importante d’entre eux. Toutefois, la<br />

confirmation d’une SHNA comme cause sous-jacente de la cirrhose n’était<br />

pas possible chez ces patients, parce que les biopsies ne révélaient pas de<br />

stéatose. Ce qui n’est pas totalement inattendu étant donné que la progression<br />

de la fibrose dans le foie se traduit fréquemment par la disparition de la graisse.<br />

Certaines études ont démontré la présence d’un carcinome hépatocellulaire<br />

(CHC) chez les patients présentant une cirrhose cryptogénique avec les<br />

manifestations cliniques associées à une SNA. Ensemble, ces études ont permis<br />

de présumer que la SHNA était l’étiologie sous-jacente de la majorité des<br />

cirrhoses cryptogéniques et qu’elle pouvait évoluer en CHC.<br />

9.5 Traitement<br />

Les études du traitement de la SNA souffrent des mêmes limitations et il n’y<br />

a aucune étude randomisée et contrôlée publiée qui puisse guider le traitement.<br />

La démarche actuelle est axée sur la correction des facteurs de risque connus<br />

de SNA et comprend une réduction supervisée et graduelle du poids, une<br />

augmentation de l’activité physique et un contrôle adéquat de la glycémie<br />

chez les personnes diabétiques. Il peut être utile de consulter un diététiste pour<br />

surveiller la réduction graduelle de poids, car une baisse pondérale soudaine<br />

pourrait se traduire par une stéatose aggravée. On ignore si la réduction du<br />

poids réduit réellement la stéatose, mais il semble bien qu’on puisse améliorer<br />

les taux d’enzymes hépatiques par une réduction, ne serait-ce que de 10 %, du<br />

poids. Il est donc raisonnable, comme intervention initiale, de promouvoir une<br />

réduction du poids soutenue par une augmentation de l’activité physique et<br />

par un changement de la composition et de la quantité d’aliments.<br />

Le traitement pharmacologique de la SNA s’est jusqu’à présent concentré<br />

sur les deux aspects de la pathogenèse de la maladie : la résistance à l’insuline


et le stress oxydatif. Un certain nombre de petites études ont démontré une<br />

amélioration des taux d’enzymes hépatiques lors de l’utilisation des<br />

biguanides (metformine) et des thiazolidinédiones, mais il reste à les<br />

confirmer et le suivi à long terme est inexistant. De même, un certain nombre<br />

de médicaments hépato-protecteurs, en particulier la vitamine E, l’acide<br />

ursodésoxycholique, la bétaïne, la lécithine, le -carotène et le sélénium ont<br />

montré un avantage marginal pour améliorer les enzymes hépatiques et faire<br />

rétrocéder l’inflammation, mais demeurent expérimentaux. Enfin, il peut<br />

falloir envisager une greffe de foie lorsque la maladie évolue en cirrhose et en<br />

insuffisance hépatique terminale.<br />

10. HÉPATOPATHIE MÉDICAMENTEUSE / J.B. Simon<br />

Le foie 649<br />

Les médicaments sont une cause importante et fréquente de lésion hépatique.<br />

Ce qui n’est guère étonnant sachant que le foie est l’organe principal de<br />

clairance, de biotransformation et d’excrétion des médicaments. Les lésions<br />

couvrent un large éventail, depuis les petits dérèglements non spécifiques<br />

jusqu’à la nécrose hépatique fulminante. Les deux plus fréquentes, toutefois,<br />

sont l’inflammation aiguë et la cholestase, qui peuvent ressembler fortement<br />

à l’hépatite virale et à l’obstruction biliaire, respectivement. Il existe aussi<br />

d’autres aspects aigus et chroniques (comme indiqué ci-après). L’hépatopathie<br />

médicamenteuse est donc complexe, avec des manifestations très variées, et peut<br />

stimuler de nombreux autres troubles hépatiques.<br />

La pathogenèse varie suivant l’agent déclenchant et est mal comprise dans<br />

la plupart des cas. Parfois, le médicament ou l’un de ses métabolites a un effet<br />

toxique direct sur les membranes hépatiques. Ce type de lésion est prévisible<br />

et relié à la dose, mais relativement rare. Le plus souvent, la lésion se produit<br />

de manière imprévisible chez une minuscule proportion des personnes prenant<br />

le médicament, indépendamment de la posologie. Certains de ces cas sont dus<br />

à une prédisposition génétique ou à un métabolisme idiosyncrasique du<br />

médicament. Dans de tels cas, on blâme souvent une hypersensibilité<br />

immunitaire, mais une minorité des cas seulement présente des signes<br />

concomitants de réaction allergique, par exemple une éruption, une arthralgie<br />

ou une éosinophilie. Dans bien des cas, l’hypersensibilité reconnue à un<br />

médicament serait due en réalité à des métabolites intermédiaires toxiques<br />

chez quelques rares personnes sensibles. La plupart du temps, on ignore les<br />

raisons d’une sensibilité individuelle et la pathogenèse exacte de la lésion<br />

hépatique est également obscure.<br />

Le diagnostic exige, d’abord et avant tout, un interrogatoire soigneux du<br />

patient sur les médicaments qu’il prend, qu’il s’agisse de produits en vente<br />

libre, de substances illégales ou de médicaments d’ordonnance. Dans un cas


650 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 32. Hépatopathie médicamenteuse<br />

Type et exemples Pathogenèse<br />

Lésion hépatocellulaire aiguë<br />

Nécrose toxique (p. ex. CCI4 ou Lésions membranaires, certaines dues à un<br />

acétaminophène) métabolite toxique; reliées à la dose, prévisibles<br />

Semblable à l’hépatite Idiosyncrasie; immunitaire? métabolique?<br />

(p. ex. isoniazide ou méthyldopa) imprévisible, non reliée à la dose<br />

Cholestase<br />

Inflammation (p. ex. chlorpromazine) Inconnue; imprévisible; inflammation périportale<br />

et cholestase<br />

Pure (p. ex. contraceptifs oraux) Exagération de l’effet hormonal normal sur le<br />

transport de la bile; idiosyncrasie génétique?<br />

cholestase pure, sans inflammation<br />

Divers, aigu ou subaigu Variable, habituellement inconnue<br />

Hépatopathie chronique<br />

Hépatite chronique (p. ex. isoniazide, Idiosyncrasie; immunitaire? métabolique?<br />

méthyldopa)<br />

Cholestase chronique (p. ex. chlorpromazine) Inconnue; rare<br />

Fibrose / cirrhose (p. ex. méthotrexate) Liée à la dose, dommages métaboliques<br />

toxiques insidieux<br />

Tumeurs : adénomes (contraceptifs oraux) Inconnue<br />

de dysfonctionnement aigu, il est important aussi d’établir s’il existe une<br />

relation temporelle de l’affection avec la prise d’un médicament particulier.<br />

Les lésions apparaissent en général dans les quelques jours ou les quelques<br />

semaines suivant le début de la prise du médicament ou de la substance.<br />

D’autres réactions se traduisent par des lésions chroniques insidieuses, avec<br />

une exposition prolongée au médicament. C’est le cas, par exemple, de la<br />

fibrose due au méthotrexate ou des adénomes induits par les contraceptifs<br />

oraux. La biopsie hépatique apporte parfois un indice important sur certaines<br />

lésions médicamenteuses, mais le plus souvent l’histologie n’est pas<br />

spécifique ou imite d’autres troubles hépatiques primitifs. Par conséquent,<br />

dans bien des cas, le diagnostic d’une lésion médicamenteuse demeure incertain<br />

ou non confirmé, même après une évaluation appropriée du patient.<br />

Le pronostic est variable. Une lésion aiguë se résout habituellement après<br />

le retrait du médicament en cause. Par contre, une nécrose aiguë grave peut<br />

être fatale ou se traduire par une cicatrisation post-nécrotique. En cas d’atteinte<br />

chronique, la lésion hépatocellulaire et l’inflammation cessent en général


Le foie 651<br />

FIGURE 25. Pathogenèse de l’hépatotoxicité de l’acétaminophène. La plus grande partie du<br />

médicament mère est excrétée dans l’urine sous forme de sulfoconjugués et de glycuroconjugués,<br />

des conjugués in<strong>of</strong>fensifs; mais de 5 à 10 % sont métabolisés par l’intermédiaire des microsomes<br />

hépatiques du système P-450 en un métabolite intermédiaire toxique, la N-acétyl-p-benzoquinone<br />

imine (NAPQI); l’is<strong>of</strong>orme spécifique responsable de ce phénomène est le CYP 2E1, qui est<br />

également responsable de l’oxydation de l’éthanol. Normalement, la NAPQI est détoxiquée par<br />

conjugaison avec le glutathion hépatique et transformée en produits in<strong>of</strong>fensifs qui sont alors<br />

excrétés dans l’urine. En cas d’ingestion de doses toxiques d’acétaminophène toutefois, le<br />

mécanisme faisant intervenir le glutathion est dépassé et la NAPQI résiduelle se fixe de façon<br />

covalente aux protéines des hépatocytes, entraînant la destruction cellulaire par stress oxydatif et<br />

autres mécanismes pour l’instant mal compris.<br />

On notera que des effets toxiques sont plus probables en cas d’induction du CYP 2E1, étant donné<br />

que, dans cette situation, une plus grande quantité du médicament mère est métabolisée en<br />

métabolite intermédiaire, ou quand les taux de glutathion hépatique sont réduits (par exemple, en<br />

cas de troubles de la nutrition). Comme on observe ces deux situations chez les sujets<br />

alcooliques, ces derniers sont plus sensibles aux effets hépatotoxiques de l’acétaminophène.<br />

d’empirer avec le retrait du médicament, mais toute fibrose concomitante<br />

est irréversible.<br />

Le médecin ne peut connaître tous les médicaments capables de léser le<br />

foie. Le mieux qu’il puisse faire est d’être conscient du risque, de comprendre<br />

les grands types de lésions possibles et de savoir quels sont les agents le plus<br />

souvent responsables de chacun. Le tableau 32 fournit une classification<br />

arbitraire et des exemples de lésions hépatiques médicamenteuses. Quelquesuns<br />

des principaux exemples sont décrits plus loin.<br />

10.1 Lésion hépatocellulaire aiguë<br />

Il existe au moins deux formes distinctes de lésion hépatocellulaire aiguë,<br />

toutes deux présentant des caractéristiques cliniques et biochimiques de<br />

destruction aiguë des cellules hépatiques.


652 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

10.1.1 NÉCROSE TOXIQUE<br />

La nécrose toxique est le résultat d’une attaque directe des membranes par la<br />

molécule mère ou par un métabolite toxique. Elle est donc liée à la dose et<br />

susceptible de se produire chez toute personne prenant une quantité suffisante<br />

du médicament. Parfois l’atteinte histologique est caractéristique, comme<br />

le sont, par exemple, la nécrose et la stéatose zonales dues à la toxicité du<br />

tétrachlorure de carbone. Dans les cas graves, les taux d’aminotransférases<br />

peuvent atteindre plusieurs milliers d’UI/mL. Un tel chiffre, très supérieur à<br />

ce qu’on observe généralement dans une hépatite virale aiguë, constitue un<br />

indice précieux pour le diagnostic.<br />

L’acétaminophène est l’exemple le plus important (figure 25). Cet analgésique<br />

largement utilisé est excrété en grande partie sous forme de conjugués<br />

in<strong>of</strong>fensifs, mais une partie de la dose est transformée par les microsomes<br />

hépatiques en un métabolite intermédiaire toxique. Normalement, ce métabolite<br />

est éliminé sans danger par conjugaison avec le glutathion hépatique. Mais<br />

une dose suffisamment forte d’acétaminophène épuise les réserves<br />

disponibles de glutathion. Lorsque cela se produit, il en résulte une nécrose<br />

cellulaire due à la liaison du métabolite toxique à des macromolécules du foie.<br />

La dose délétère seuil est 10 à 15 g d’acétaminophène pris en une seule fois.<br />

C’est une dose très supérieure à la dose recommandée, qui n’est ingérée en<br />

général que lors de tentatives de suicide. Les alcooliques sont sensibles à des<br />

doses nettement inférieures en raison de l’accélération des transformations<br />

microsomiques et de la déplétion du glutathion due à l’état de dénutrition. Il<br />

convient donc de soupçonner l’acétaminophène en présence de taux très<br />

élevés d’ALAT et d’ASAT chez un alcoolique, car ces taux dépassent<br />

rarement 300 UI/mL dans les cas d’hépatite alcoolique non compliqués. Autre<br />

indice de toxicité de l’acétaminophène : une augmentation disproportionnée<br />

de l’INR.<br />

En général, l’hépatotoxicité de l’acétaminophène ne devient manifeste que<br />

36 à 48 heures après l’ingestion. Il est alors trop tard pour modifier le processus.<br />

Heureusement, on parvient à arrêter l’attaque par l’administration précoce de<br />

N-acétylcystéine, qui fait remonter le taux de glutathion. Pour être efficace, ce<br />

traitement doit être administré dans les 10 à 16 heures suivant l’ingestion de<br />

l’acétaminophène, bien qu’on puisse obtenir encore un certain effet après<br />

24 à 36 heures. Des nomogrammes associant la probabilité d’une lésion hépatique<br />

au taux sanguin d’acétaminophène et au temps écoulé depuis l’ingestion<br />

permettent de guider le médecin traitant.<br />

10.1.2 HÉPATITE AIGUË<br />

Ce type de réaction ressemble étroitement à une hépatite virale aiguë aux<br />

plans clinique, biochimique et histologique. Contrairement à la nécrose toxique,


cette réaction à un médicament n’est pas prévisible, n’a aucun rapport avec la<br />

dose et n’atteint que de rares sujets exposés au médicament. Les raisons de<br />

cette idiosyncrasie sont obscures. De nombreux agents peuvent déclencher ce<br />

type de réaction, dont le méthyldopa, l’isoniazide et l’halothane sont des<br />

exemples classiques. L’halothane, un anesthésique, ne produit habituellement<br />

de lésion hépatique qu’après une exposition répétée. Entre autres exemples<br />

relativement fréquents, citons le propylthiouracile, la phénytoïne, les sulfamides<br />

et divers anti-inflammatoires non stéroïdiens. Avec l’isoniazide ou le<br />

dicl<strong>of</strong>énac, il arrive occasionnellement que l’hépatite aiguë ne se déclare<br />

qu’après plusieurs mois de traitement. Comme il s’agit d’une exception à la<br />

règle de la relation temporelle, l’association risque de passer inaperçue.<br />

10.2 Cholestase<br />

La cholestase se présente aussi sous deux formes distinctes, au moins.<br />

Le foie 653<br />

10.2.1 CHOLESTASE INFLAMMATOIRE<br />

La chlorpromazine et d’autres phénothiazines, la carbamazépine, la chlorpropamide,<br />

l’estolate d’érythromycine, l’association amoxicilline-acide<br />

clavulinique et beaucoup d’autres médicaments peuvent provoquer une réaction<br />

nécro-inflammatoire périportale aiguë. Des points de vue clinique et biochimique,<br />

cette réaction est caractérisée par un trouble cholestatique prédominant avec<br />

divers symptômes d’inflammation hépatocellulaire concomitante. Il peut falloir<br />

faire la distinction avec une obstruction biliaire extrahépatique.<br />

10.2.2 CHOLESTASE PURE<br />

Certains médicaments hormonaux stéroïdiens, en particulier les contraceptifs<br />

oraux et la méthyltestostérone, peuvent provoquer un arrêt simple de<br />

l’écoulement biliaire, avec peu ou pas du tout d’atteinte hépatocellulaire<br />

(cholestase pure). Cette cholestase semble due à une exagération idiosyncrasique<br />

de l’effet physiologique des hormones sexuelles sur le transport<br />

canaliculaire de la bile et pourrait faire intervenir des facteurs génétiques. On<br />

observe chez le patient une démangeaison progressive insidieuse, des urines<br />

foncées et un ictère sans symptômes généraux. Les tests de laboratoire montrent<br />

une élévation de la phosphatase alcaline, avec des taux d’ALAT et d’ASAT<br />

normaux ou légèrement élevés. La biopsie hépatique ne révèle aucune particularité,<br />

si ce n’est une histologie de cholestase. Les femmes qui réagissent ainsi<br />

aux contraceptifs oraux sont prédisposées à la cholestase gravidique, dont la<br />

pathogenèse semble être similaire ou identique (section 20).<br />

Il existe d’autres réactions hépato-biliaires aux contraceptifs oraux, moins<br />

fréquentes, présentées dans le tableau 33.


654 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 33. Réactions hépato-biliaires aux contraceptifs oraux<br />

Cholestase<br />

Tumeurs<br />

Adénomes<br />

Carcinome hépatocellulaire (rare)<br />

Troubles vasculaires<br />

Syndrome de Budd-Chiari (≠ d’une hypercoagulabilité)<br />

Péliose hépatique (infraclinique)<br />

Calculs biliaires (≠ du pouvoir lithogène de la bile)<br />

Mise en évidence d’autres troubles cholestatiques, p. ex. cirrhose biliaire primitive<br />

10.3 Réactions aiguës et subaiguës variées<br />

Bon nombre de réactions médicamenteuses combinent de diverses manières<br />

des insuffisances hépatocellulaire et excrétoire difficiles à placer dans l’une des<br />

catégories précédentes. Les données biochimiques et histologiques sont variables<br />

et non spécifiques. Parfois, on observe une inflammation granulomateuse (p. ex.<br />

avec les sulfamides ou la quinidine), accompagnée de symptômes généraux<br />

aigus, qui peut être difficile de distinguer d’un trouble granulomateux infectieux.<br />

Certains médicaments (p. ex. l’amiodarone) peuvent produire des symptômes<br />

semblables à ceux d’une hépatite alcoolique, y compris les caractéristiques<br />

histologiques. On a aussi décrit d’autres types de lésions hépatiques<br />

médicamenteuses inhabituelles. Une variété de remèdes à base de plantes<br />

se révèlent de plus en plus comme des causes de lésions hépatiques avec<br />

diverses manifestations dont, rarement, une hépatite fulminante. La<br />

cocaïne produit occasionnellement un type de nécrose hépatique aiguë,<br />

probablement d’origine ischémique.<br />

10.4 Hépatopathie chronique<br />

Bien que les atteintes hépatiques médicamenteuses soient, pour la plupart,<br />

aiguës ou subaiguës, il se produit dans certains cas une évolution insidieuse<br />

en maladie chronique. Ces maladies sont de plusieurs types.<br />

10.4.1 HÉPATITE CHRONIQUE<br />

Quelques agents capables de provoquer une hépatite aiguë peuvent aussi<br />

produire une inflammation chronique si le patient continue de les prendre. Le<br />

méthyldopa et l’isoniazide en sont les principaux exemples. Il peut être


Le foie 655<br />

impossible de distinguer la réaction d’une hépatite chronique idiopathique ou<br />

immunitaire du point de vue tant clinique que biochimique ou histologique. Le<br />

trouble disparaît habituellement à l’arrêt du médicament.<br />

10.4.2 CHOLESTASE CHRONIQUE<br />

Dans de rares cas, l’atteinte cholestatique due à une phénothiazine ou à un<br />

autre agent se maintient et se perpétue, malgré l’arrêt du médicament. On<br />

parle alors d’un « syndrome des canaux biliaires évanescents » d’origine<br />

médicamenteuse, qui simule une cirrhose biliaire primitive, bien qu’il lui<br />

manque les aspects immunitaires de cette dernière. Une chimiothérapie<br />

intra-artérielle hépatique par la floxuridine peut produire un tableau de type<br />

cholangite sclérosante, du fait probablement d’une atteinte ischémique des<br />

canaux biliaires.<br />

10.4.3 FIBROSE / CIRRHOSE<br />

Le méthotrexate, certains agents chimiothérapeutiques et l’ingestion<br />

chronique de composés arsenicaux ou de mégadoses de vitamine A peuvent<br />

favoriser le développement progressif et insidieux d’une fibrose hépatique et<br />

d’une cirrhose. En général, la cicatrisation est infraclinique, avec peu ou pas<br />

du tout de signes biochimiques de dysfonctionnement hépatique. La biopsie<br />

hépatique est donc le seul moyen d’établir le diagnostic. On devrait procéder<br />

à un biopsie hépatique chez les patients qui suivent un traitement prolongé du<br />

psoriasis ou de la polyarthrite rhumatoïde par le méthotrexate lorsque la dose<br />

cumulée atteint 1,5 g environ et à intervalles réguliers par la suite.<br />

10.4.4 TUMEURS<br />

L’usage prolongé des contraceptifs oraux augmente le risque d’adénomes<br />

hépatiques bénins. Ces derniers sont habituellement asymptomatiques, mais<br />

peuvent provoquer un syndrome douloureux abdominal en cas de rupture<br />

intrapéritonéale avec hémorragie. Dans de rares cas, les adénomes induits par<br />

les contraceptifs oraux évoluent vers la malignité.<br />

Il existe d’autres tumeurs hépatiques rares d’origine médicamenteuse,<br />

p. ex. l’angiosarcome, dû à une exposition chronique au chlorure de vinyle.<br />

11. HÉPATOPATHIE HÉRÉDITAIRE / E.A. Roberts et P.C. Adams<br />

11.1 Déficit en 1-antitrypsine<br />

L’ 1-antitrypsine est une glycoprotéine produite par le foie. Elle constitue<br />

la majorité des 1-globulines à l’électrophorèse des protéines sériques.<br />

Le déficit de l’ 1-antitrypsine est héréditaire et peut se traduire par<br />

un emphysème panlobulaire ou par une hépatopathie. Divers types


656 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

d’hépatopathie sont possibles, dont l’hépatite du nouveau-né, la cirrhose et<br />

le carcinome hépatocellulaire.<br />

L’ 1-antitrypsine est un inhibiteur de protéase qui inactive l’élastase<br />

leucocytaire. Sa production est contrôlée par un gène hautement polymorphe<br />

du chromosome 14. La transmission se fait selon un mode autosomique<br />

codominant. L’ 1-antitrypsine est décrite en termes de phénotype d’inhibiteur<br />

de protéase (Pi). Les personnes normales sont PiMM. Celles qui sont atteintes<br />

d’une hépatopathie sont le plus souvent PiZZ. Leur concentration sérique<br />

d’ 1-antitrypsine n’est que de 15 à 20 % de la concentration normale.<br />

Le diagnostic de déficit en 1-antitrypsine est suggéré par une concentration<br />

très faible d’ 1-globulines à l’électrophorèse des protéines sériques et par une<br />

diminution de la concentration sérique d’ 1-antitrypsine; il est confirmé<br />

par phénotypage. Les changements caractéristiques révélés par la biopsie<br />

hépatique comprennent la présence dans le cytoplasme des hépatocytes de<br />

globules positifs PAS résistants aux diastases. Ces globules sont des dépôts<br />

d’ 1-antitrypsine dans le réticulum endoplasmique. Avec l’allèle Z,<br />

l’ 1-antitrypsine nouvellement synthétisée ne peut être extraite du réticulum<br />

endoplasmique. Elle s’y accumule et est dégradée par la suite. Une cirrhose se<br />

développe chez 15 % environ des patients PiZZ. Le risque d’hépatopathie chez<br />

les hétérozygotes PiMZ est un peu augmenté. La perfusion d’ 1-antitrypsine<br />

recombinante peut être bénéfique en empêchant une maladie pulmonaire<br />

associée au déficit d’ 1-antitrypsine, mais elle est inefficace pour traiter<br />

l’hépatopathie due à un déficit d’ 1-antitrypsine. La thérapie génique est<br />

une possibilité de l’avenir. Les patients présentant une forme avancée<br />

d’hépatopathie peuvent être candidats à une greffe hépatique.<br />

11.2 Maladie de Wilson<br />

La maladie de Wilson est un trouble héréditaire caractérisé par l’accumulation<br />

de cuivre dans le foie, le système nerveux central et certains autres organes.<br />

Elle a une prévalence de 1/30 000 et se transmet selon le mode autosomique<br />

récessif . Le gène responsable (ATP7B) est situé sur le chromosome 13. Le<br />

produit du gène est une ATPase intracellulaire transportant le cuivre, exprimée<br />

surtout dans le foie. La maladie de Wilson peut se présenter comme une<br />

hépatopathie, un trouble neurologique ou des troubles psychiatriques.<br />

L’hépatopathie tend à être plus fréquente chez les enfants et les jeunes adultes.<br />

La présentation hépatique de la maladie est variable et peut inclure : insuffisance<br />

hépatique fulminante (avec hémolyse intravasculaire et insuffisance rénale),<br />

stéatose hépatique, hépatopathie similaire à l’hépatite auto-immune et<br />

cirrhose. Les dépôts de cuivre dans le système nerveux central se traduisent<br />

par des symptômes extrapyramidaux de rigidité, de mouvements choréoathétosiques<br />

et d’ataxie. Les anomalies biochimiques comportent un taux de


Le foie 657<br />

céruloplasmine bas et une excrétion de cuivre élevée dans les urines de<br />

24 heures. La biopsie hépatique n’a que peu de valeur diagnostique et la<br />

coloration par le cuivre n’est pas fiable. Il est donc souvent nécessaire de<br />

mesurer la concentration de cuivre hépatique dans le spécimen biopsique.<br />

L’anneau de Kayser-Fleischer (dépôt de cuivre dans la membrane de<br />

Descemet de la cornée) est caractéristique de la maladie de Wilson, bien qu’on<br />

le rencontre, rarement, avec des maladies cholestatiques chroniques. Toutefois,<br />

beaucoup parmi les patients les plus jeunes ne présentent pas d’anneau<br />

de Kayser-Fleischer. Lorsque l’on soupçonne une maladie de Wilson, il est<br />

recommandé de faire faire un examen soigneux à la lampe à fente par un<br />

ophtalmologiste, car les anneaux de Kayser-Fleischer ne sont presque jamais<br />

visibles à l’œil nu. Le traitement, que ce soit par la d-pénicillamine, un agent<br />

chélateur ou par tout autre médicament, pour ceux qui ne supportent pas la<br />

d-pénicillamine, devra se poursuivre toute la vie. Il existe d’autres médicaments<br />

pour ceux qui ne tolèrent pas la pénicillamine. Les patients présentant une<br />

maladie de Wilson avancée rebelle au traitement médical sont des candidats à<br />

la greffe de foie.<br />

11.3 Hémochromatose<br />

L’hémochromatose est un trouble d’accumulation du fer dû à une augmentation<br />

pathologique de l’absorption du fer dans l’intestin. Elle se traduit par des<br />

dépôts de fer dans divers organes, dont le foie, le pancréas, le cœur et<br />

l’hypophyse, finissant par provoquer leur dysfonctionnement. On privilégie<br />

le terme d’hémochromatose à l’hémochromatose génétique, en réservant<br />

l’expression explicative « avec surcharge en fer secondaire » aux autres<br />

maladies s’accompagnant d’une surcharge en fer.<br />

Le gène de l’hémochromatose (HFE) a été découvert sur le chromosome 6<br />

en 1996. La protéine HFE est similaire à une protéine CMH de classe I. Un<br />

test génétique pour l’hémochromatose a révélé que plus de 90 % des cas types<br />

d’hémochromatose s’accompagnent d’une mutation C282Y du gène HFE. La<br />

présence d’une mutation unique dans la plupart des cas contraste fortement avec<br />

d’autres maladies génétiques pour lesquelles on a découvert des mutations<br />

multiples (fibrose kystique, maladie de Wilson, déficit en 1-antitrypsine).<br />

La mutation C282Y cause un changement de conformation de la protéine<br />

HFE qui, normalement, interagit avec le récepteur de la transferrine et avec<br />

l’hepcidine pour réguler le captage du fer. Une deuxième mutation mineure,<br />

H63D, est aussi décrite dans le rapport original.<br />

L’hémochromatose est l’une des maladies génétiques les plus communes,<br />

transmise selon le mode autosomique récessif et affecte une personne sur 200<br />

dans la population blanche. Depuis l’adoption du test de dépistage génétique,<br />

on a décrit un nombre croissant d’homozygotes sans surcharge en fer. Cette


658 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLE 34. Interprétation des résultats du test génétique de dépistage de l’hémochromatose<br />

Homozygote C282Y – C’est le génotype classique de plus de 90 % des cas typiques. L’expression<br />

de la maladie va de l’absence de surcharge en fer à une surcharge massive avec dysfonctionnement<br />

de l’organe. Les frères et sœurs ont une probabilité de 25 % d’être affectés par la<br />

maladie et devraient se soumettre à un test de dépistage génétique. Pour que les enfants soient<br />

affectés, l’autre parent doit être au moins hétérozygote. Si les analyses du fer sont normales,<br />

envisager un résultat faux positif pour le test génétique ou l’absence d’expression chez un<br />

homozygote.<br />

Composé hétérozygote C282Y / H63D – Ce patient est porteur d’un exemplaire de la mutation<br />

majeure et d’un exemplaire de la mutation mineure. Pour la plupart des patients ayant ce<br />

phénotype, les valeurs pour le fer sont normales. On a constaté une surcharge en fer légère à<br />

modérée chez une faible proportion de génotypes composés hétérozygotes. Les surcharges en<br />

fer élevées sont observées habituellement avec un autre facteur de risque concomitant<br />

(alcoolisme, hépatite virale).<br />

Hétérozygote C282Y – Ce patient porte un exemplaire de la mutation majeure. Ce génotype est<br />

observé chez 10 % environ de la population blanche et associé habituellement à des valeurs<br />

normales pour le fer. Dans de rares cas, les valeurs pour le fer sont élevées, dans l’intervalle<br />

attendu pour un génotype homozygote plutôt qu’hétérozygote. Ces cas peuvent être porteurs<br />

d’une mutation inconnue de l’hémochromatose et une biopsie hépatique peut être utile pour<br />

déterminer le besoin d’un traitement par saignées.<br />

Homozygote H63D – Ce patient est porteur de deux exemplaires de la mutation mineure. Les<br />

valeurs pour le fer sont normales chez la plupart des patients ayant ce génotype. On a observé<br />

chez une faible proportion d’entre eux une surcharge en fer légère à modérée. Les surcharges en<br />

fer élevées sont observées habituellement avec un autre facteur de risque concomitant<br />

(alcoolisme, hépatite virale).<br />

Hétérozygote H63D – Ce patient est porteur d’un exemplaire de la mutation mineure. Ce génotype<br />

est observé dans 20 % de la population blanche et s’accompagne habituellement de valeurs normales<br />

pour le fer. Il est si commun dans la population en général que la présence d’une surcharge<br />

en fer peut être reliée à un autre facteur de risque. Une biopsie hépatique peut être nécessaire pour<br />

déterminer la cause de la surcharge en fer et la nécessité d’un traitement dans de tels cas.<br />

Sans mutation HFE – Selon toute probabilité, d’autres mutations génétiques d’hémochromatose<br />

restent encore à découvrir. En cas de surcharge en fer en l’absence de mutation du gène HFE,<br />

on doit procéder à un examen soigneux des antécédents pour découvrir tout autre facteur de<br />

risque. Une biopsie hépatique peut alors être utile pour déterminer la cause de la surcharge en<br />

fer et le besoin de traitement. Il s’agit de cas isolés, non familiaux, pour la plupart. Il n’y a pas<br />

de test généralement disponible pour découvrir de nouvelles mutations affectant la ferroportine,<br />

l’hepcidine ou l’hémojuveline.<br />

pénétrance incomplète du gène peut expliquer la divergence entre la prévalence<br />

élevée selon les études génétiques et l’impression clinique que l’hémochromatose<br />

est une affection rare.


Le foie 659<br />

Chez l’homozygote, le fer s’accumule sans cesse, provoquant des lésions<br />

de l’organe cible. La quantité de fer dans l’organisme est maintenue normalement<br />

entre 3 et 4 g de manière que l’absorption du fer par les muqueuses soit<br />

égale aux pertes. Dans l’hémochromatose, l’absorption de fer n’est pas reliée<br />

aux besoins et atteint ou dépasse 4 mg/jour. À un stade avancé, l’accumulation<br />

totale du fer dans l’organisme peut atteindre 40 à 60 g.<br />

La plupart des patients restent asymptomatiques jusqu’à la cinquantaine<br />

ou la soixantaine puis commencent à présenter des symptômes non<br />

spécifiques d’arthrite, de diabète, de fatigue ou d’hépatomégalie. On<br />

observe d’autres symptômes, comme la pigmentation cutanée (dépôts de<br />

mélanine), l’impuissance et une dyspnée secondaire à une insuffisance<br />

cardiaque. La triade classique de pigmentation cutanée, de diabète et<br />

d’hépatopathie (diabète bronzé) n’apparaît que chez une minorité de<br />

patients et correspond à un stade avancé de la maladie. Il est devenu difficile<br />

d’attribuer les symptômes à une hémochromatose du fait que les études utilisant<br />

des témoins sans mutation HFE ont montré chez eux une prévalence similaire de<br />

symptômes non spécifiques comme la fatigue, les arthralgies et le diabète.<br />

Lorsqu’on soupçonne une hémochromatose ou qu’on est en présence d’une<br />

hépatopathie non expliquée, on peut procéder à une mesure de la ferritinémie<br />

et du coefficient de saturation de la transferrine (sidérémie/capacité totale de<br />

fixation du fer). Ces valeurs augmentent avec l’âge et sont plus élevées chez<br />

les hommes que chez les femmes, qui sont protégées par la perte régulière de<br />

sang menstruel. La ferritinémie augmente avec les réserves de fer de l’organisme,<br />

mais elle est fréquemment élevée en cas de stéatose, de consommation quotidienne<br />

d’alcool et d’inflammation chronique. Le diagnostic était auparavant<br />

confirmé par une biopsie hépatique, qui révèle des dépôts de fer importants<br />

dans le parenchyme, avec coloration des tissus par le fer. La concentration<br />

hépatique en fer et l’index hépatique en fer (rapport de la concentration hépatique<br />

en fer à l’âge) peuvent aider à distinguer une hémochromatose primitive d’une<br />

augmentation de la surcharge en fer secondaire à d’autres hépatopathies<br />

chroniques telles l’hépatopathie alcoolique et l’hépatite C chronique. L’imagerie<br />

par résonance magnétique (IRM) peut déceler dans le foie une surcharge en<br />

fer modérée à marquée. Le test génétique a amené une réévaluation du rôle de<br />

la biopsie hépatique dans l’hémochromatose et la biopsie est passée du test<br />

diagnostique quasi systématique au test pronostique dans des cas choisis de<br />

dysfonctionnement hépatique. La biopsie hépatique n’est pas nécessaire dans<br />

le cas des jeunes adultes homozygotes C282Y sans hépatomégalie, chez<br />

lesquels on a décelé une ferritinémie < 1000 µg/L et une ASAT normale. Le<br />

test génétique est particulièrement utile pour évaluer les patients présentant<br />

d’autres facteurs de risque de surcharge en fer, telles l’hépatopathie alcoolique<br />

ou l’hépatite virale (tableau 34).


660 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Chez l’hétérozygote, le métabolisme du fer peut être normal ou présenter<br />

des dérèglements mineurs, sans importance clinique. Le patient porteur de la<br />

mutation majeure (C282Y) et de la mutation mineure (H63D) est un hétérozygote<br />

composé. De tels patients peuvent présenter une surcharge en fer légère<br />

à modérée, mais sont souvent normaux. Le traitement de l’hémochromatose<br />

consiste à éliminer l’excédent de fer de l’organisme. La meilleure manière de<br />

procéder pour extraire le fer de l’organisme est d’enlever 500 mL par<br />

phlébotomie (saignée) une ou deux fois par semaine, jusqu’à ce que les<br />

réserves de fer soient revenues dans les limites normales. La durée du traitement<br />

varie selon l’âge et le sexe, mais les hommes plus âgés peuvent avoir<br />

besoin d’une saignée hebdomadaire pendant plus de trois ans. La ferritinémie<br />

mesurée tous les trois mois renseigne sur l’évolution du traitement.<br />

Lorsqu’elle atteint la limite inférieure de la normale (50 µg/L), on ramène la<br />

fréquence des saignées à trois ou quatre fois par an. L’objectif du traitement<br />

est de prévenir l’aggravation des lésions tissulaires. Malheureusement, bon<br />

nombre de symptômes ne disparaissent pas après la déplétion du fer. Les causes<br />

de décès les plus fréquentes sont l’insuffisance hépatique et le carcinome hépatocellulaire.<br />

Les frères et les sœurs du patient atteint d’hémochromatose doivent<br />

subir, dès l’adolescence, des tests de dépistage par mesure de la ferritinémie<br />

et du coefficient de saturation de la transferrine ainsi qu’un test génétique, car<br />

ils ont une probabilité de 25 % d’être aussi atteints. Le test génétique permet<br />

maintenant d’identifier les hétérozygotes. Son utilisation chez le conjoint<br />

peut être utile pour déterminer le risque pour les enfants. Le dépistage de<br />

l’hémochromatose dans la population générale a permis de découvrir de<br />

nombreuses mutations génétiques, mais peu d’expressions cliniques. Le<br />

dépistage génétique a le potentiel d’identifier des cas à la naissance, mais<br />

soulève les problèmes éthiques de la discrimination génétique. Les agents<br />

chélateurs, telle la déferoxamine (voie parentérale), sont réservés aux patients<br />

qui présentent une surcharge en fer secondaire à une anémie sidéroblastique,<br />

telle que la thalassémie. La recherche se penche activement sur de nouveaux<br />

gènes pouvant causer une surcharge en fer ou modifier l’expression clinique<br />

de l’hémochromatose.<br />

12. CHOLESTASE / J. Heathcote<br />

La cholestase est simplement l’arrêt de l’écoulement biliaire. La cause de cet<br />

arrêt peut se trouver en n’importe quel point du système biliaire, depuis les<br />

cellules hépatiques jusqu’à l’ampoule de Vater. Au plan clinique, il est plus<br />

simple de faire la distinction entre cholestase intrahépatique et cholestase<br />

extrahépatique (tableau 35).


TABLE 35. Principales causes de la cholestase<br />

Intrahépatiques<br />

Fréquentes<br />

Médicaments<br />

Hépatite alcoolique, avec ou sans cirrhose<br />

Cirrhose biliaire primitive<br />

Hépatite virale<br />

Hépatite chronique, avec ou sans cirrhose<br />

Cholestase gravidique<br />

Moins fréquentes<br />

Septicémie, alimentation parentérale totale, etc.<br />

Extrahépatiques<br />

Fréquentes<br />

Calcul(s) dans le cholédoque<br />

Cancer du pancréas ou périampullaire<br />

Moins fréquentes<br />

Sténose biliaire bénigne<br />

Cholangite sclérosante primitive<br />

Carcinome des canaux biliaires<br />

Maladie pancréatique bénigne<br />

Compression extrinsèque des canaux biliaires<br />

Le foie 661<br />

12.1 Cholestase intrahépatique<br />

La toxicité des médicaments est la cause la plus fréquente de cholestase<br />

d’origine cellulaire. L’atteinte peut être prévisible, comme dans le cas d’un<br />

traitement œstrogénique (par exemple), ou imprévisible, comme dans la<br />

plupart des réactions idiopathiques aux médicaments. (Toutefois, à mesure<br />

que l’on comprend mieux les mécanismes intracellulaires, p. ex. la nature<br />

polymorphe des enzymes qui métabolisent les médicaments, le nombre des<br />

réactions jugées imprévisibles diminue.) Des points de vue histologique et<br />

clinique, les réactions cholestatiques aux médicaments peuvent être considérées<br />

« pures » ou « inflammatoires ». La septicémie s’accompagne souvent d’une<br />

cholestase. On a montré que les endotoxines affectaient à la fois les fonctions<br />

intracellulaires et canaliculaires. Si une septicémie vient se superposer à une<br />

cirrhose sous-jacente, la cholestase est beaucoup plus pr<strong>of</strong>onde.<br />

La plupart des hépatopathies aiguës et chroniques ont un effet cholestatique<br />

du fait qu’elles entravent les mécanismes de transport intracellulaire ou<br />

détruisent les petits canaux biliaires interlobulaires. La destruction des petits<br />

canaux biliaires n’est pas du tout inhabituelle dans l’hépatite aiguë ou


662 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 26. Lésion caractéristique des canaux biliaires portes dans la cirrhose biliaire primitive.<br />

chronique, en particulier l’hépatite C. La cholestase est aussi une manifestation<br />

fréquente des récidives d’hépatite A, sans toutefois avoir une importance<br />

particulière.<br />

Un certain nombre de maladies hépatiques chroniques visent spécifiquement<br />

les voies biliaires intrahépatiques et, parfois, extrahépatiques. Les hépatopathies<br />

qui s’accompagnent d’une paucité des canaux biliaires sont nombreuses.<br />

Les exemples les mieux connus sont la cirrhose biliaire primitive (CBP) et la<br />

cholangite sclérosante primitive (CSP). Parmi les autres affections qui détruisent<br />

les canaux biliaires, citons les réactions médicamenteuses chroniques, le rejet<br />

chronique d’une allogreffe hépatique, la maladie homologue et la sarcoïdose,<br />

pour n’en nommer que quelques-unes.<br />

Chez l’enfant, la paucité des canaux biliaires intrahépatiques peut se<br />

traduire par une manifestation syndromique (syndrome d’Alagille) ou non<br />

syndromique. La cirrhose biliaire primitive est souvent confondue avec une<br />

hépatite auto-immune du fait de l’absence d’une cholestase manifeste. La<br />

fibrose kystique peut provoquer une cirrhose biliaire focale, en raison de la<br />

présence de bile épaissie dans les canaux.<br />

Divers syndromes cholestatiques congénitaux sont désignés globalement<br />

comme « syndrome cholestatique intrahépatique familial évolutif ». Ils sont<br />

dus à des défauts de transporteurs canaliculaires, certains pour les acides<br />

biliaires et d’autres pour la phosphatidylcholine. Différentes mutations de ces


transporteurs pourraient être responsables d’une cholestase bénigne récidivante<br />

et de la cholestase gravidique.<br />

Nombre d’infiltrations peuvent causer un type biochimique similaire à la<br />

cholestase anictérique – p. ex. les lymphomes, les amyloïdes et granulomes de<br />

toute étiologie et, parfois, simplement les lipides.<br />

12.2 Cholestase extrahépatique<br />

Les maladies des voies biliaires principales sont dues généralement à des<br />

calculs, des rétrécissements ou des tumeurs. L’épidémie de sida a produit<br />

ses propres formes de problèmes cholestatiques : les cholangites virales,<br />

fongiques et à protozoaires, maintenant rarement observées du fait que le sida<br />

est devenu contrôlable. Les parasites causant des obstructions biliaires chez<br />

les personnes immunocompétentes ne sont pas rares dans le monde en<br />

développement, p. ex. l’ascaridiose. Les tumeurs malignes causant une<br />

obstruction biliaire comprennent des carcinomes des canaux pancréatiques et<br />

biliaires, ainsi que des lymphomes.<br />

12.3 Cirrhose biliaire primitive (CBP)<br />

Le foie 663<br />

12.3.1 DIAGNOSTIC<br />

Une description plus juste de cette maladie est « cholangite destructive<br />

chronique non suppurative ». La CBP atteint surtout les femmes d’âge mûr et<br />

s’accompagne fréquemment de phénomènes auto-immuns extrahépatiques<br />

(acidose tubulaire rénale, vitiligo, thyroïdite, syndrome de Gougerot-Sjögren,<br />

syndrome de Thibierge-Weissenbach (CREST), maladie cœliaque,<br />

polyarthrite rhumatoïde et, plus rarement, glomérulonéphrite et vasculite). On<br />

pense que la cirrhose biliaire primitive est aussi une maladie auto-immune,<br />

bien qu’on n’ait pas encore pu isoler l’antigène causal.<br />

Il est rare de diagnostiquer une CBP dès la première visite, car un tiers au<br />

moins des patients sont asymptomatiques. Le pr<strong>of</strong>il biochimique est typiquement<br />

cholestatique, avec une élévation de la phosphatase alcaline, de la GGT et de<br />

la 5-nucléotidase (5NT) et une légère hausse des aminotransférases. Un taux<br />

élevé de bilirubine s’accompagne d’une maladie symptomatique évolutive, au<br />

pronostic sombre. Le symptôme le plus courant de la maladie est la fatigue,<br />

très pénible pour le patient, quoique très difficile à définir. Parmi les autres<br />

symptômes, il faut citer : prurit, xanthélasma et, plus tard au cours de la<br />

maladie, ascite, ictère et encéphalopathie. L’hypertension portale, de nature<br />

présinusoïdale; survient vers le début de la maladie. L’hémorragie variqueuse<br />

peut en être une manifestation clinique. Bon nombre de patients atteints de<br />

CBP présentent des symptômes non hépatiques, en particulier la maladie de<br />

Raynaud, l’ostéoporose, le syndrome de Gougerot-Sjögren et la polyarthrite


664 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 36. Caractéristiques diagnostiques de la cirrhose biliaire primitive<br />

Présence d’anticorps antimitochondriaux<br />

Élévation de la phosphatase alcaline sérique<br />

Élévation de la cholestérolémie<br />

Histologie hépatique typique<br />

CPRE ou CPRM normale<br />

rhumatoïde. Ce qui amène parfois le diagnostic erroné de syndrome de fatigue<br />

chronique.<br />

Les signes diagnostiques cardinaux de la cirrhose biliaire primitive sont le<br />

pr<strong>of</strong>il biochimique cholestatique ci-dessus, l’élévation du cholestérol sérique<br />

et des IgM sériques et la présence d’anticorps antimitochondriaux. Lorsque<br />

tous les signes sont présents, la biopsie hépatique n’est pas essentielle, mais<br />

peut aider à établir le pronostic. La biopsie est sujette à une erreur d’échantillonnage<br />

élevée et on risque d’observer les quatre « stades » dans le même<br />

spécimen (figure 26, tableau 36).<br />

12.3.2 TRAITEMENT<br />

Le traitement de la cirrhose biliaire primitive (CBP) est symptomatique,<br />

préventif et spécifique.<br />

Il n’y a pas grand chose qu’on puisse faire contre la fatigue, mais une<br />

oreille sympathique et compréhensive peut aider le patient. Le prurit peut être<br />

généralement contrôlé par l’administration d’une résine échangeuse d’ions, la<br />

cholestyramine. Toutefois, ce médicament a des effets gastro-intestinaux<br />

indésirables chez de nombreux patients. Dans ce cas, on recommande<br />

d’essayer, à la place, la rifampine à raison de 150 mg 2 ou 3 fois/jour. Les<br />

rayons ultraviolets atténuent aussi ce symptôme, qui est moins marqué l’été.<br />

Un voyage dans un pays ensoleillé en hiver est toujours utile! Le traitement<br />

de troisième ligne est l’administration d’antagonistes des opioïdes, médicaments<br />

qui sont très efficaces, mais qui peuvent causer des symptômes de<br />

« sevrage » s’ils ne sont pas commencés à très faibles doses.<br />

Les complications d’une cholestase prolongée peuvent être prévenues pour<br />

la plupart, sauf l’ostéoporose. Lorsque la bilirubinémie est élevée, il peut se<br />

produire une stéatorrhée accompagnée d’une malabsorption des vitamines<br />

liposolubles. Tous les patients atteints de CBP devraient recevoir des suppléments<br />

de calcium et de vitamine D. Il n’est pas nécessaire de réduire l’ingestion<br />

de matières grasses, car cela n’aurait aucun effet sur le cholestérol. Malgré<br />

l’hypercholestérolémie, on n’observe aucune augmentation de l’incidence de<br />

cardiopathie ischémique chez les patients atteints de CBP. Les nouveaux


TABLEAU 37. Comparaison de la cirrhose biliaire primitive (CBP) et de la cholangite<br />

sclérosante primitive (CSP)<br />

CBP CSP<br />

Le foie 665<br />

Symptômes Souvent aucun ou prurit Souvent aucun<br />

Biochimie Élévation de la PA Élévation de la PA<br />

Bilirubinémie Hausse lente Fluctuations<br />

Ac non spécifiques d’organe + Ac antimitochondriaux – Ac antimitochondriaux<br />

Histologie hépatique Pour diagnostic et stade Pour stade<br />

CPRE Normale Anormale<br />

bisphosphonates pourraient aider à réduire l’ostéoporose, qui peut causer un<br />

tassement des vertèbres.<br />

On a essayé de nombreux traitements spécifiques pour la CBP, mais sans<br />

grand succès. Certains traitements sont nettement contre-indiqués, notamment<br />

le traitement par la prednisone, qui favorise l’ostéoporose. Le traitement par<br />

l’acide ursodésoxycholique (UDCA) est la référence de soins actuelle. Ce<br />

médicament a très peu d’effets indésirables, amène une baisse spectaculaire<br />

de tous les marqueurs biochimiques de la maladie et peut améliorer la survie<br />

des patients atteints de CBP, sans greffe de foie. En l’absence d’un traitement,<br />

la survie moyenne des patients atteints de CBP symptomatique est de 12 ans.<br />

L’administration de 13 à 15 mg/kg/jour d’UDCA réduit le taux d’insuffisance<br />

hépatique, c’est-à-dire l’ascite et l’ictère.<br />

La survie des patients atteints de CBP asymptomatique est beaucoup plus<br />

longue et, dans certains cas, la maladie n’évolue pas. L’hépatopathie est la<br />

cause du décès de moins de 50 % des patients atteints de CBP symptomatique.<br />

12.4 Cirrhose biliaire secondaire<br />

Toute maladie, non causée par une CBP, qui endommage progressivement les<br />

voies biliaires de façon permanente peut provoquer une cirrhose biliaire<br />

secondaire, parfois (quoique rarement) en l’absence d’ictère manifeste. La<br />

cause la plus évidente de maladie est l’atrésie des voies biliaires. Parmi les<br />

autres troubles affectant les enfants, citons les divers syndromes d’hypoplasie<br />

des voies biliaires et d’autres anomalies de l’arbre biliaire (tels la maladie de<br />

Caroli, les kystes du cholédoque et la cholangite sclérosante), ainsi que la<br />

fibrose kystique, qui cause une cirrhose biliaire focale. Chez l’adulte, la cause<br />

de cirrhose biliaire secondaire la plus fréquente est probablement la cholangite<br />

sclérosante primitive (CSP), même si observe aussi des sténoses iatrogènes<br />

des voies biliaires.<br />

La cholangite sclérosante primitive est donc la cause de cirrhose biliaire<br />

secondaire la plus fréquente chez l’adulte. Elle touche 10 % environ des


666 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 27. CPRE d’une cholangite sclérosante primitive (sténoses intra et extrahépatiques).<br />

patients atteints de colite ulcéreuse ou de maladie de Crohn; 30 % seulement<br />

des patients atteints de CSP n’ont pas d’antécédents de maladie inflammatoire<br />

chronique de l’intestin à la présentation. La CSP est en général asymptomatique.<br />

Comme la cirrhose biliaire primitive (CBP), elle cause une hypertension portale<br />

présinusoïdale, pouvant favoriser l’apparition précoce d’une hémorragie<br />

variqueuse, c’est-à-dire avant l’apparition de l’ictère (tableau 37). En présence<br />

de troubles hépatiques, un pr<strong>of</strong>il enzymatique de cholestase devrait soulever<br />

des soupçons de CSP. C’est la CRPE, non la biopsie hépatique, qui permet de<br />

poser le diagnostic (figure 27). La biopsie hépatique n’est utilisée que pour<br />

établir la présence ou l’absence d’une cirrhose. Si on soupçonne une CSP<br />

avant la CRPE, il convient d’administrer des antibiotiques au moment de<br />

l’examen. L’infection représente en effet la principale complication de la<br />

maladie, qu’il faut éviter si possible, car toute infection extrahépatique interdit<br />

une greffe de foie, le traitement de choix en cas de décompensation. Avant une<br />

greffe, le seul traitement disponible est symptomatique ou préventif, comme<br />

on le décrit pour la CBP. Il n’y a eu jusqu’à présent aucune étude d’envergure<br />

suffisante sur le traitement de la cholangite sclérosante primitive. On ne dispose<br />

donc d’aucune intervention thérapeutique standard, bien que l’acide<br />

ursodésoxycholique (UDCA) provoque une baisse des marqueurs sériques de<br />

la cholestase et devrait, théoriquement, améliorer l’écoulement biliaire.


12.5 Prise en charge du patient atteint de cholestase<br />

Le foie 667<br />

12.5.1 DIAGNOSTIC<br />

Les antécédents du patient sont toujours d’une très grande importance. Il est<br />

indispensable d’interroger le patient sur tous les médicaments qu’il prend, tant<br />

d’ordonnance qu’en vente libre, sans oublier les antécédents de cholécystectomie.<br />

Il n’est pas rare qu’il y ait des calculs dans le cholédoque, même en l’absence<br />

de symptôme et/ou de dilatation de canaux biliaires à l’échographie. Il convient<br />

aussi de rechercher les manifestations d’autres maladies auto-immunes. Des<br />

antécédents de frissons et de fièvre laissent soupçonner une maladie biliaire<br />

(bénigne) extrahépatique.<br />

Il convient de prendre note de la température du patient lors de l’examen.<br />

Parmi les signes de cholestase chronique, il faut noter en particulier : traces de<br />

grattage, ongles luisants, augmentation de la pigmentation cutanée, xanthélasma,<br />

neuropathie xanthomateuse et ictère qui, à un stade tardif, prend un ton verdâtre.<br />

L’hépatosplénomégalie est fréquente dans la CBP, la CSP et l’atrésie biliaire, de<br />

même qu’en présence d’infiltrations tels que le lymphome.<br />

12.5.2 CONFIRMATION DES TESTS BIOCHIMIQUES<br />

Les tests biochimiques standard sont très utiles. Lorsque la cholestase est<br />

anictérique, la fonction hépatique tend à demeurer normale pendant de<br />

longues périodes, alors que les marqueurs enzymatiques (phosphatase<br />

alcaline, GGT, 5-NT) sont constamment élevés. En cas d’ictère prolongé, on<br />

observe fréquemment des anomalies de la coagulation (qu’on peut corriger<br />

par la vitamine K). Si les résultats des tests confirment les soupçons cliniques,<br />

l’étape suivante est l’échographie, pour examiner les voies biliaires. Si l’ictère<br />

s’accompagne de fièvre ou de frissons, il faut immédiatement procéder à une<br />

échographie abdominale.<br />

12.5.3 NÉCESSITÉ D’UN TRAITEMENT<br />

La nécessité d’un traitement dépend de la présence ou non d’une dilatation de<br />

canaux biliaires (figure 28). Une intervention devient nécessaire si les canaux<br />

sont dilatés. Si les canaux ne sont pas dilatés, mais qu’on continue de<br />

soupçonner que le système biliaire extrahépatique est la cause du problème<br />

(calculs dans le cholédoque après une cholécystectomie, cholangite<br />

sclérosante primitive), une CRPE peut être quand même indiquée. Dans la<br />

plupart des cas, une CRPE est plus utile qu’une cholangiographie par<br />

résonance magnétique (CRM) pour rechercher une obstruction biliaire<br />

extrahépatique, parce qu’elle permet aussi une intervention thérapeutique. La<br />

valeur de la CRM pour établir le diagnostic est incertaine et cette technique<br />

pourrait être remplacée à l’avenir par l’échographie endoscopique (ÉE).


668 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 28. Dilatation des canaux biliaires intrahépatiques (échographie).<br />

Si l’anamnèse, l’examen physique et l’échographie indiquent tous une<br />

cholestase intrahépatique, il peut être bon de procéder à une biopsie hépatique<br />

pour confirmer le diagnostic, si celui-ci n’est pas déjà évident à l’observation<br />

(p. ex. septicémie, réactions médicamenteuses). Les réactions cholestatiques<br />

à un médicament peuvent prendre plusieurs mois pour disparaître après<br />

l’arrêt du médicament en cause. Le diagnostic clinique de CBP doit être<br />

confirmé par un résultat positif au test des anticorps antimitochondriaux, avec<br />

ou sans biopsie hépatique.<br />

Il y aura toujours des cas ne permettant pas un diagnostic immédiat. En<br />

l’absence d’ictère, le médecin a le temps d’observer l’évolution de la maladie.<br />

Les granulomes hépatiques sont la cause la plus probable de diagnostic<br />

« erroné » à la biopsie. La microscopie électronique peut être utile lorsqu’on<br />

soupçonne une réaction médicamenteuse.<br />

13. CIRRHOSE HÉPATIQUE / J. Heathcote<br />

La cirrhose hépatique est une maladie chronique diffuse, caractérisée par une<br />

fibrose et la formation de nodules (figure 29). La fibrose, pas plus que des<br />

nodules sans fibrose, n’est pas synonyme de cirrhose, car le diagnostic de


FIGURE 29. Foie cirrhotique.<br />

Le foie 669<br />

cirrhose requiert un bouleversement de l’architecture hépatique. Cette maladie<br />

est le plus souvent le résultat d’une nécrose des cellules hépatiques et de<br />

l’affaissement subséquent des lobules hépatiques attribuable à de nombreux<br />

facteurs pouvant causer une inflammation et/ou une ischémie ou des lésions<br />

toxiques (p. ex. excès de fer, de cuivre). Le rétablissement s’accompagne de<br />

la formation de cloisons fibreuses diffuses et de la régénération nodulaire des<br />

hépatocytes. Le type histologique final est donc le même, quelle que soit<br />

l’étiologie de la maladie. La nécrose hépatique est souvent absente lors<br />

de l’évaluation finale du foie par biopsie hépatique ou examen post mortem.<br />

On pensait autrefois que la cirrhose était irréversible, mais nous savons bien<br />

maintenant que si l’agent délétère est éliminé (p. ex., hépatite C, cuivre ou<br />

même hépatite B), la fibrose régresse avec le temps dans le cadre du remodelage<br />

constant caractéristique du tissu hépatique.<br />

13.1 Étiologie<br />

Les causes connues de cirrhose sont à l’origine de 90 % à 95 % des cas. Les<br />

plus fréquentes sont la consommation excessive d’alcool, l’hépatite virale<br />

chronique et la stéatohépatite non alcoolique (SHNA) (tableau 38). D’autres<br />

causes sont moins fréquentes, telles l’hémochromatose et les hépatopathies


670 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 38. Causes de cirrhose<br />

Hépatite virale Hépatite B<br />

Hépatite C<br />

Hépatite D<br />

Alcool<br />

Trouble métabolique<br />

SHNA Hémochromatose<br />

Maladie de Wilson<br />

Déficit en 1-antitrypsine<br />

Galactosémie<br />

Tyrosinémie<br />

M. auto-immune<br />

Cholangite sclérosante<br />

Cirrhose biliaire primitive<br />

Hépatite auto-immune<br />

Médicament<br />

Trouble congestif<br />

Trouble cardiaque<br />

S. de Budd-Chiari<br />

Fibrose kystique<br />

auto-immunes : hépatite auto-immune, cirrhose biliaire primitive, cholangite<br />

sclérosante et obstruction chronique des voies biliaires. Citons également le<br />

déficit en 1-antitrypsine, la maladie de Wilson et la galactosémie et la tyrosinémie.<br />

On ignore la cause des 5 % à 10 % de cirrhoses hépatiques restantes<br />

qu’on appelle « cirrhoses cryptogéniques ». Au cours des 10 dernières années,<br />

la proportion des cirrhoses cryptogéniques a chuté de 30 % jusqu’à son taux<br />

actuel. Les raisons les plus probables de cette chute sont l’existence de tests de<br />

dépistage de l’hépatite C et le fait que les signes pathologiques caractéristiques<br />

de la SHNA disparaissent souvent au stade de la cirrhose.<br />

Habituellement, on ne peut déterminer l’étiologie d’une cirrhose en se fondant<br />

sur l’aspect pathologique du foie (à de notables exceptions près, en particulier<br />

l’hémochromatose et le déficit en 1-antitrypsine).<br />

13.2 Pathologie<br />

La cirrhose micronodulaire est caractérisée par la présence de cloisons<br />

régulières et épaisses et de petits nodules de régénération de taille uniforme et<br />

par l’atteinte de tous les lobules. Elle est souvent associée à la persistance de<br />

l’agent délétère provoquant les lésions, qui peut être à l’origine d’une relative<br />

difficulté du foie à se régénérer (comme dans le cas de l’alcoolisme, du vieillissement,<br />

de l’ischémie et de la malnutrition).


Le foie 671<br />

FIGURE 30. Cirrhose mixte, macronodulaire et micronodulaire. L’architecture lobulaire hépatique<br />

normale est détruite et remplacée par des nodules de régénération dans le tissu fibreux.<br />

La cirrhose macronodulaire se caractérise par la présence de nodules de<br />

dimensions variées; les plus grands comportant d’importantes zones de<br />

parenchyme intact ou en régénération.<br />

La cirrhose mixte (macronodulaire et micronodulaire) peut être le résultat<br />

d’une régénération vigoureuse sur une cirrhose micronodulaire antérieure<br />

(figure 30).<br />

13.3 Caractéristiques cliniques<br />

Les caractéristiques cliniques de la cirrhose dépendent non seulement des<br />

particularités de la cause de la maladie, mais aussi et surtout du degré<br />

d’insuffisance hépatocellulaire, de la présence d’une hypertension portale<br />

et de la capacité des hépatocytes survivants à compenser les pertes. Les cas<br />

sont donc classés selon que la cirrhose est compensée ou décompensée,<br />

chacun avec ses propres corrélations pathologiques cliniques. Dans l’état<br />

totalement compensé, il n’y a pas de symptôme. Les soupçons peuvent être<br />

soulevés par le fait que le foie ou la rate sont hypertrophiés ou la maladie<br />

peut être découverte lors d’une intervention chirurgicale ou d’un examen<br />

radiologique de l’abdomen. À mesure que la maladie progresse, les<br />

manifestations de l’insuffisance hépatocellulaire et de l’hypertension<br />

portale se précisent.


672 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 39. Classification de Child-Pugh<br />

Paramètre 1 2 3<br />

Ascite aucune légère modérée/grave<br />

Encéphalopathie aucune légère/modérée modérée/grave<br />

(1 à 2) (3 à 4)<br />

Bilirubine < 2 2 à 3 > 3<br />

Albumine > 3,5 2,8 à 3,5 < 2,8<br />

TP 1 à 3 4 à 6 > 6<br />

Score total Classification de Child-Pugh<br />

5–6 A<br />

7–9 B<br />

10–15 C<br />

Dans le cas de l’insuffisance hépatocellulaire, les patients se plaignent de<br />

faiblesse, de fatigue, de perte pondérale et d’une détérioration générale de leur<br />

état de santé. L’examen physique peut révéler les stigmates d’une<br />

hépatopathie chronique, quoique ceux-ci sont souvent absents chez les<br />

patients atteints d’hépatite virale (voir la section 7).<br />

La facilité de diagnostic de la cirrhose dépend du degré de décompensation<br />

hépatique. Il faut être particulièrement soupçonneux étant donné que la maladie<br />

ne peut être révélée que par des antécédents de consommation excessive d’alcool<br />

et la détection d’une hépatomégalie. Il est indispensable d’étudier minutieusement<br />

tous les facteurs de risque d’hépatite virale, en particulier : transfusions<br />

sanguines, utilisation de drogues injectables (actuelle ou passée), tatouages,<br />

perçages, partenaires sexuels multiples et antécédents familiaux. Le diagnostic<br />

est très simplifié par la présence de signes de décompensation. On peut noter en<br />

particulier des signes cliniques tels que l’ascite, l’astérixis, l’hémorragie<br />

variqueuse, l’ictère et d’autres signes d’insuffisance hépatocellulaire.<br />

Les tests biochimiques ont pour but d’identifier l’étiologie de l’hépatopathie<br />

et d’évaluer le degré de dysfonctionnement hépatocellulaire. La détérioration<br />

de la fonction hépatique se traduit par une chute de l’albumine, par une hausse<br />

de la bilirubine sérique et par un allongement du INR / temps de prothrombine<br />

qui ne peut être corrigé par l’administration parentérale de vitamine K.<br />

La mesure des enzymes hépatiques, utile pour évaluer l’activité courante, ne<br />

permet guère d’évaluer la gravité du dysfonctionnement, du fait que les<br />

transaminases sériques peuvent se maintenir à un niveau normal, malgré la


Le foie 673<br />

grave hépatopathie. La phosphatase alcaline est habituellement élevée, sans<br />

que son niveau ne reflète le degré de dysfonctionnement hépatique. On<br />

observe habituellement une anémie normocytaire et normochrome, avec<br />

présence de cellules cibles dans le frottis sanguin. Occasionnellement, on note<br />

une anémie macrocytaire, mais s’il y a eu une hémorragie gastro-intestinale,<br />

l’anémie peut être microcytaire, du fait de la perte de fer. Le nombre des<br />

leucocytes et celui des plaquettes peuvent être réduits à cause d’un hypersplénisme.<br />

Souvent, l’urine contient de l’urobilinogène et de la bilirubine en<br />

présence d’un ictère. En cas d’ascite, on note une réduction marquée de<br />

l’excrétion urinaire de sodium. L’échographie de l’abdomen est la méthode<br />

d’imagerie la plus efficace et révèle un foie nodulaire non homogène si la<br />

cirrhose est avancée. Toutefois pas plus l’échographie que la tomodensitométrie<br />

ne peuvent déceler fiablement une cirrhose, que seule une biopsie<br />

hépatique avec examen histologique peut identifier de manière fiable.<br />

La biopsie hépatique peut également aider à établir l’étiologie et le degré<br />

d’activité du processus sous-jacent. En présence d’une coagulopathie ou d’une<br />

ascite persistante, la biopsie par la voie transjugulaire est indispensable.<br />

Le pronostic dépend du degré de fonctionnement hépatocellulaire et de<br />

l’étiologie. Cette dernière détermine la probabilité d’élimination de l’agent<br />

responsable. Il est clair que le pronostic s’améliore si l’alcoolique peut<br />

s’abstenir d’alcool, si le patient atteint d’hémochromatose subit des saignées<br />

pour éliminer le fer ou si on parvient à éliminer la surcharge en cuivre des<br />

patients atteints de la maladie de Wilson. De plus, il est possible de retarder<br />

ou même d’empêcher les complications en se concentrant sur des stratégies<br />

préventives. On conviendrait donc de conseiller à tous les patients cirrhotiques<br />

d’éviter l’aspirine et les AINS (qui favorisent les hémorragies gastro-intestinales<br />

et l’ascite), les antibiotiques aminosides (qui favorisent l’insuffisance rénale)<br />

et les narcotiques (qui favorisent l’encéphalopathie). Tous les épisodes<br />

d’infection devraient être traités rapidement, car une septicémie entraîne une<br />

rapide détérioration chez le patient cirrhotique. Il convient d’envisager des<br />

bêtabloquants pour la prophylaxie des hémorragies variqueuses chez tous les<br />

cirrhotiques présentant des varices de grade II ou plus. Le dépistage précoce<br />

du carcinome hépatocellulaire par échographie régulière, au moins annuelle,<br />

ne peut qu’améliorer l’issue. La greffe de foie est le premier traitement pour<br />

un petit CHC. Lorsque l’hépatopathie est décompensée (ictère, ascite, atteinte<br />

neurologique, hémorragie, coagulopathie, hyponatrémie), le pronostic est<br />

sombre et on doit envisager la greffe de foie, si c’est approprié.<br />

13.4 Traitement<br />

Il est clair qu’il convient d’<strong>of</strong>frir un traitement spécifique pour la cause sousjacente<br />

de l’hépatopathie si un tel traitement existe. Les hépatites virales B et C,


674 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

avec ou sans alcoolisme, sont les causes les plus fréquentes de cirrhose dans<br />

le monde et les traitements antiviraux ont nettement progressé avec une<br />

amélioration d’issue. Tous les patients doivent avoir une alimentation saine et<br />

suffisante et éviter l’alcool. En dehors de cela, le traitement consiste à<br />

surveiller attentivement le patient, pour déceler l’insuffisance hépatocellulaire<br />

au plus tôt. L’insuffisance hépatocellulaire ou cirrhose décompensée peut se<br />

manifester de différentes manières : coagulopathie, ictère (hépatopathie non<br />

cholestatique), encéphalopathie hépatique, hémorragie variqueuse ou ascite.<br />

La classification de Child-Pugh de la cirrhose, très utile pour aider à calculer<br />

le risque d’une intervention invasive, tient compte de ces variables et de l’état<br />

nutritionnel du patient (tableau 39). Lors de la décompensation, le traitement<br />

consiste à contrôler l’ascite, à éviter les médicaments mal métabolisés par le<br />

foie, à traiter rapidement l’infection et l’hémorragie variqueuse. La greffe de<br />

foie devient maintenant le traitement de choix pour de nombreux patients<br />

présentant une hépatopathie décompensée au stade terminal (voir section 15).<br />

On utilise maintenant le score MELD (modèle d’hépatopathie terminale) pour<br />

classer les patients sur la liste d’attente de greffe de foie.<br />

14. HYPERTENSION PORTALE / S.S. Lee et S.K. Baik<br />

On définit l’hypertension portale comme une augmentation de la pression<br />

sanguine dans la veine porte. Si on prend comme référence zéro la pression<br />

auriculaire droite, la pression normale dans la veine porte est de 4 à 8 mmHg.<br />

La veine porte est formée par la confluence des veines splénique et mésentérique<br />

supérieure. Chez la personne normale, non cirrhotique, le débit sanguin<br />

moyen dans la veine porte est de 1 à 1,2 L/min. La simple augmentation de la<br />

pression dans cette circulation veineuse a de nombreuses conséquences hémodynamiques<br />

et métaboliques, en particulier quelques-unes des complications<br />

les plus dangereuses et les plus pénibles de l’hépatopathie chronique.<br />

14.1 Étiologie<br />

Les causes de l’hypertension portale sont variées (tableau 40). La pression<br />

portale dépendant du débit sanguin portal et de la résistance intrahépatique,<br />

elle est augmentée par toute maladie causant une augmentation du débit ou de la<br />

résistance. L’exemple parfait de l’augmentation de débit « pure » est la fistule<br />

artério-veineuse splénique à la suite d’une opération ou d’un traumatisme.<br />

L’augmentation marquée de débit dans la veine splénique et, par conséquent,<br />

dans la veine porte conduit à une hypertension portale. Presque toutes les<br />

autres causes d’hypertension portale sont le résultat d’une accroissement de la<br />

résistance intrahépatique, bien que, selon les observations, la plupart des<br />

syndromes de résistance élevée s’accompagnent aussi d’un accroissement du


TABLEAU 40. Causes d’hypertension portale<br />

Préhépatiques<br />

Fistule AV splénique<br />

Thrombose de la veine splénique ou porte<br />

Splénomégalie massive<br />

Intrahépatiques<br />

Sarcoïdose<br />

Schistosomiase Présinusoïdales<br />

Hyperplasie régénérative nodulaire<br />

Fibrose hépatique congénitale<br />

Fibrose portale idiopathique<br />

Cirrhose biliaire primitive précoce<br />

Hépatite active chronique<br />

Troubles myéloprolifératifs<br />

Réaction du greffon contre l’hôte<br />

Cirrhose établie Sinusoïdales<br />

Hépatite alcoolique<br />

Sclérose hyaline terminale alcoolique<br />

Maladie veino-occlusive<br />

Posthépatiques Postsinusoïdales<br />

Syndrome de Budd-Chiari<br />

Oblitération de la VCI par un tissu membraneux<br />

Insuffisance cardiaque droite<br />

Péricardite constrictive<br />

Le foie 675<br />

débit de la veine porte. Dans beaucoup de cas, la cause de l’augmentation de<br />

la résistance est évidente : les facteurs statiques, telles l’inflammation et la<br />

fibrose, qui conduisent à une distorsion vasculaire et à une perturbation de<br />

l’architecture, avec les effets qui en résultent sur les espaces intravasculaires. Les<br />

facteurs dynamiques peuvent être tout aussi importants. Parmi ces facteurs citons<br />

l’activation de cellules étoilées (appelées aussi my<strong>of</strong>ibroblastes, lipocytes,<br />

cellules d’Ito), qui sont normalement des cellules sinusoïdales relativement<br />

quiescentes. Une fois activées, ces cellules contractent l’espace endothélial<br />

sinusoïdal, produisant une augmentation de la pression portale.<br />

Des mécanismes moins évidents prédominent dans d’autres affections. Par<br />

exemple, dans l’hépatite alcoolique aiguë, le gonflement des hépatocytes et la<br />

formation de dépôts de collagène dans l’espace de Disse ont pour effet de rétrécir<br />

et de déformer les espaces sinusoïdaux. On comprend mal pourquoi le débit<br />

sanguin dans la veine mésentérique (et dans la veine porte) augmenterait dans un


676 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

état de résistance élevée. Selon une hypothèse, un facteur humoral vasodilatateur<br />

circulant, normalement inactivé par le foie, passerait dans la circulation générale<br />

par des anastomoses ou du fait d’une insuffisance hépatocellulaire.<br />

Il existe deux systèmes de classification distincts, qui se recouvrent parfois,<br />

des causes d’hypertension portale : un système utilisant comme référence<br />

le foie, l’autre le sinusoïde hépatique. Dans le premier système, les causes<br />

d’hypertension portales sont classées comme préhépatiques, intrahépatiques<br />

et posthépatiques, tandis que dans le second, elles sont considérées comme<br />

présinusoïdales, sinusoïdales ou postsinusoïdales (tableau 40). Cependant, on<br />

a récemment remis en question le point exact d’augmentation de la résistance<br />

de nombreuses causes intrahépatiques d’hypertension portale. Il est probable<br />

que les points de résistance prédominants changent en fonction du stade de<br />

certains processus pathologiques. Par exemple, on pense qu’à ses débuts, la<br />

cirrhose biliaire primitive produit principalement une hypertension présinusoïdale,<br />

mais qu’avec l’apparition de cirrhose dense, l’hypertension sinusoïdale<br />

prend de l’importance. De même, une lésion précoce due à une hépatopathie<br />

alcoolique, la sclérose hyaline centrale ou terminale, caractérisée par une fibrose<br />

de zone 3, causerait une hypertension postsinusoïdale, avec prédominance<br />

d’hypertension sinusoïdale lorsque la cirrhose s’établit. D’un point de vue<br />

pratique, il y a de bonnes raisons de classer correctement les points de résistance.<br />

Une première raison est d’essayer de prévoir les réponses aux interventions<br />

chirurgicales de dérivation : les affections présinusoïdales préservent<br />

généralement bien la fonction hépatocellulaire et répondent donc bien au<br />

détournement de sang portal, tandis que les affections sinusoïdales et postsinusoïdales<br />

s’accompagnent généralement d’un degré variable d’insuffisance<br />

hépatique. Une autre raison est que, généralement, l’ascite ne se produit qu’en<br />

présence d’une hypertension sinusoïdale ou postsinusoïdale.<br />

14.2 Physiopathologie<br />

Il existe plusieurs méthodes pour mesurer la pression portale. Un cathéter mis<br />

en place dans une veine sus-hépatique puis bloqué fournit une bonne estimation<br />

de la pression en amont dans la veine porte, à moins que le siège de la résistance<br />

ne soit en amont de la veine porte intrahépatique (comme dans le cas de la<br />

thrombose de la veine porte, où la pression sus-hépatique bloquée est normale<br />

malgré l’hypertension portale importante). On peut obtenir une estimation<br />

fiable de la pression portale en insérant directement une aiguille de petit calibre<br />

(20 à 22) dans la rate, le foie ou la veine porte à travers la peau. La mesure de<br />

la pression portale est utilisée surtout à des fins de recherche, car c’est une<br />

technique invasive, ce qui exclut son utilisation clinique générale.<br />

L’hypertension portale a de nombreuses complications cliniques. L’ascite est<br />

directement liée à l’apparition d’une hypertension sinusoïdale ou postsinusoïdale.


TABLEAU 41. Sites courants de formation de vaisseaux collatéraux porto-systémiques<br />

Portal Systemic Clinical<br />

Location circulation circulation consequence<br />

Le foie 677<br />

Estomac proximal Veine coronaire Veine azygos Varices gastroet<br />

œsophage distal stomachique œsophagiennes<br />

sous-muqueuses<br />

Paroi abdominale Veine ombilicale du Veines épigastriques Tête de Méduse<br />

antérieure ligament falciforme de la paroi abdominale<br />

Région rétropéritonéale Branche de la veine Veine rénale gauche Habituellement aucune<br />

splénique Veines de Retzius Habituellement aucune<br />

Veines de Sappey<br />

(autour du foie et<br />

du diaphragme)<br />

Région ano-rectale Veines hémorroïdales Veines hémorroïdales Confusion possible<br />

moyennes et inférieures avec des hémorroïdes<br />

supérieures<br />

Des vaisseaux collatéraux porto-systémiques se forment pour tenter de réduire<br />

la pression portale (tableau 41). L’endroit où la formation de vaisseaux<br />

collatéraux est le plus problématique est la zone de l’estomac proximal et de<br />

l’œsophage distal (varices gastro-œsophagiennes). Le diamètre de certaines<br />

veines dilatées dépasse 2 cm (figure 31). Une hémorragie variqueuse aiguë<br />

peut donc être l’une des plus dramatiques présentations de la médecine<br />

clinique (figure 32). L’hémorragie variqueuse et l’insuffisance hépatocellulaire<br />

sont les deux causes les plus fréquentes de mortalité chez les patients<br />

cirrhotiques. En fait, le taux de mortalité due à une hémorragie variqueuse est<br />

compris entre 15 et 50 %, dépendant du degré de fonctionnement hépatique.<br />

Dans les catégories A, B et C de la classification de Child-Pugh, le taux de<br />

mortalité due à une hémorragie variqueuse est respectivement de 15 %, 20 à<br />

30 % et 40 à 50 %.<br />

Le risque d’hémorragie de varices gastro-œsophagiennes est relié à<br />

plusieurs facteurs. En premier lieu, la pression portale minimale nécessaire à<br />

la formation de varices est de 10 à 12 mmHg environ. Au-dessus de ce seuil,<br />

on ignore si la valeur absolue de la pression portale influe sur le risque<br />

d’hémorragie. Des facteurs comme le gradient de pression intrathoracique<br />

engendré par la toux, l’effort ou les éternuements et l’attaque de la paroi des<br />

varices par le reflux d’acide dans l’œsophage ne semblent pas intervenir. Les<br />

deux facteurs les plus importants pour déterminer le risque d’hémorragie sont<br />

le diamètre des varices et les caractéristiques locales de la paroi des varices.


678 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 31. Vue à l’endoscope de grosses<br />

varices œsophagiennes masquant presque<br />

complètement la lumière.<br />

FIGURE 32. Vue à l’endoscope d’une<br />

hémorragie aiguë au cours des premières<br />

secondes. La flèche pointe vers le jet de<br />

sang provenant d’une varice située à 10 h<br />

dans le champ. (Photo aimablement fournie<br />

par le docteur Atsushi Toyonaga, Hôpital<br />

Universitaire de Kurume, Japon).<br />

Un certain nombre d’études ont montré que les petites varices ne saignent<br />

presque jamais, tandis que le risque d’hémorragie pour les varices de diamètre<br />

moyen est de 10 à 15 % en deux ans et que celui des varices de gros diamètre,<br />

de 20 à 30 % pour la même période. Il est maintenant clair que certaines<br />

caractéristiques endoscopiques des varices indiquent aussi un risque élevé<br />

d’hémorragie. Il s’agit de signes de couleur rouge ou bleue. Ceux de couleur<br />

rouge sont de petits défauts localisés, des bulles ou des sacs à paroi mince, se<br />

présentant comme des points rouge cerise ou des stries rouges. Les signes<br />

de couleur bleue diffuse, prononcée, indiquent de grosses varices (veines)<br />

recouvertes d’une muqueuse tendue.<br />

Entre 30 et 50 % des épisodes d’hémorragie dans les voies digestives hautes<br />

en présence d’une hypertension portale ne sont pas d’origine variqueuse. Chez<br />

les patients atteints de cirrhose alcoolique, on observe une incidence accrue de<br />

maladie acido-peptique, surtout de gastrite érosive. Il s’agit probablement d’un<br />

effet toxique de l’alcool sur la muqueuse gastrique. On sait maintenant que la<br />

plupart des hémorragies des voies digestives hautes d’origine non variqueuse qui<br />

surviennent dans des cas de cirrhose de tout type sont dues à une forme particulière<br />

de gastropathie associée à l’hypertension portale. Un certain nombre de<br />

caractéristiques de cette gastropathie particulière la distingue de la gastrite<br />

érosive ou inflammatoire observée chez des patients non cirrhotiques (tableau<br />

42). Le principal symptôme de la gastropathie associée à l’hypertension portale<br />

est l’hémorragie. La douleur ou la dyspepsie sont rares au début de ce type de


TABLEAU 42. Comparaison de la gastropathie associée à l’hypertension portale et la<br />

gastrite inflammatoire<br />

Gastropathie avec Gastrite<br />

hypertension portale inflammatoire<br />

Aspect à l’endoscopie Aspect en mosaïque, Lésions d’érosion rouges<br />

mouchetures rouges discrètes<br />

Endroit Surtout le fond Surtout l’antre<br />

Le foie 679<br />

Histologie Infiltrat peu abondant de cellules Infiltrat abondant de cellules<br />

inflammatoires, dilatation inflammatoires, lésions de la<br />

vasculaire importante, lésions muqueuse<br />

de la muqueuse et de la<br />

sous-muqueuse<br />

Traitement Chirurgie, bêtabloquants? Suppression de la sécrétion<br />

agents cytoprotecteurs? d’acide, agents cytoprotecteurs<br />

gastropathie. On ignore quel est le traitement le plus approprié, mais le trouble<br />

répond probablement à des mesures de réduction de la pression portale, bien que<br />

les agents cytoprotecteurs puissent aussi jouer un rôle.<br />

14.3 Diagnostic<br />

Le diagnostic d’hypertension portale est habituellement facile à poser. Le<br />

patient présente souvent une ascite et une splénomégalie concomitantes, ainsi<br />

que les stigmates d’une hépatopathie chronique. Par contre, toutes les affections<br />

préhépatiques et bon nombre des maladies présinusoïdales s’accompagnent<br />

d’une bonne préservation de la fonction hépatique, sans ascite. Les vaisseaux<br />

collatéraux de la paroi abdominale rayonnent vers l’extérieur à partir de l’ombilic.<br />

Lorsqu’ils sont très saillants, on comprend à les voir pourquoi on appelle cet<br />

état « tête de Méduse », d’après la terrible créature à chevelure de serpents<br />

de la mythologie grecque. La dilatation des veines de la paroi abdominale,<br />

particulièrement dans l’abdomen supérieur, est fréquente, mais la tête de<br />

Méduse est rare. Lorsque les veines de la tête de Méduse sont si grosses qu’on<br />

peut entendre un bruit de diable à l’auscultation, on se trouve en présence du<br />

syndrome de Cruveilhier-Baumgarten. Un indice diagnostique beaucoup plus<br />

fréquent est la présence de varices ano-rectales ressemblant à des hémorroïdes.<br />

L’hémorragie d’une varice gastro-œsophagienne produit un fort jaillissement<br />

accompagné d’une hématémèse et, plus tard, d’un méléna ou d’une émission<br />

de selles sanglantes. Si la gastropathie associée à l’hypertension portale peut


680 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

aussi causer un saignement vif, habituellement on observe plutôt un suintement<br />

sanguin peu abondant, se traduisant surtout par un méléna ou par une<br />

anémie ferriprive.<br />

14.4 Traitement<br />

Le traitement d’un épisode hémorragique aigu comprend des mesures<br />

générales de réanimation, telles que le remplissage vasculaire et la transfusion<br />

sanguine, et des mesures particulières d’arrêt de l’hémorragie. On utilise pour<br />

cela divers moyens pharmacologiques, mécaniques et chirurgicaux,<br />

habituellement dans cet ordre. Les vasoconstricteurs administrés pour arrêter<br />

l’hémorragie sont la vasopressine et la somatostatine, ou leurs analogues à<br />

action plus longue, comme la terlipressine et l’octréotide. La perfusion de<br />

vasopressine provoque une constriction artériolaire et veineuse généralisée, ce<br />

qui entraîne une diminution du débit de la veine porte, donc de la pression, et<br />

l’arrêt, au moins temporaire, de l’hémorragie dans 60 à 90 % des cas. Toutefois,<br />

la vasoconstriction généralisée peut aussi, rarement, produire une<br />

ischémie vasculaire périphérique, une ischémie ou un infarctus myocardique<br />

et des lésions des tubules rénaux. La terlipressine semble avoir notablement<br />

moins de ces effets indésirables et a largement supplanté la vasopressine dans<br />

le traitement des hémorragies variqueuses aiguës.<br />

L’octréotide, dont la durée d’action est supérieure à celle de la somatostatine,<br />

est, du point de vue logistique, plus facile à administrer que la somatostatine et<br />

est donc plus en demande. Contrairement à la vasopressine et à la terlipressine,<br />

le mécanisme d’action exact de la somatostatine et de l’octréotide demeure<br />

incertain. Ces médicaments suppriment probablement la libération d’hormones<br />

vasodilatatrices, tels les glucagons, produisant un effet vasoconstricteur net.<br />

Les effets secondaires sont relativement rares et leur fréquence globale similaire<br />

à celle de la terlipressine. Objectivement parlant, la terlipressine et l’octréotide /<br />

la somatostatine sont probablement d’efficacité égale, avec les mêmes effets<br />

secondaires, de sorte qu’il est difficile d’en recommander un au détriment des<br />

autres. Quel que soit le médicament utilisé, on recommande en général de<br />

continuer le traitement pendant 72 heures et 6 à 12 heures au moins après l’arrêt<br />

de l’hémorragie initiale, pour éviter une reprise rapide de l’hémorragie.<br />

Parmi les moyens mécaniques de traitement, citons l’hémostase compressive<br />

par sonde à ballonnet. La sonde de Sengstaken-Blakemore est munie de<br />

deux ballonnets, un ballonnet œsophagien et un petit ballonnet gastrique. La<br />

sonde de Linton-Nachlas, munie d’un seul gros ballonnet gastrique, est<br />

attachée à un petit poids afin d’étancher le flot de sang variqueux en direction<br />

céphalique. L’emploi de ces deux types de sondes s’accompagne d’un taux<br />

considérable de complications (15 %), surtout par manque d’expérience. Les<br />

complications les plus courantes de l’utilisation d’une sonde à ballonnet


Le foie 681<br />

FIGURE 33. Vue à l’endoscope d’une grosse varice (flèche) ligaturée au moyen d’un élastique,<br />

visible dans la partie droite du champ.<br />

œsophagien en cas de varices sont l’aspiration, la perforation œsophagienne<br />

et la nécrose ischémique (de pression) de la muqueuse.<br />

Les traitements non chirurgicaux des varices le plus souvent utilisés sont la<br />

sclérothérapie endoscopique et la ligature élastique. La sclérothérapie consiste<br />

à injecter, en vision endoscopique directe, dans la varice hémorragique et aux<br />

alentours, des solutions très irritantes comme l’éthanolamine, le polidocanol<br />

ou même l’alcool absolu. L’inflammation qui en résulte aboutit à la thrombose<br />

et à la fibrose de la lumière de la varice. Les complications possibles sont une<br />

douleur thoracique, une dysphagie, une ulcération et un rétrécissement de<br />

l’œsophage. Du fait de ces effets indésirables, la sclérothérapie n’est<br />

pratiquement plus utilisée en pratique régulière au Canada. Elle a été remplacée<br />

par la ligature élastique à l’endoscope (figure 33), d’efficacité égale, mais<br />

s’accompagnant de beaucoup moins d’effets secondaires. C’est une méthode<br />

semblable à celle utilisée pour provoquer la transformation fibreuse des<br />

hémorroïdes ano-rectales. L’association du traitement endoscopique et de la<br />

sonde à ballonnet compressif ou du traitement médicamenteux pour arrêter<br />

une hémorragie variqueuse active réussit dans 90 à 95 % des cas.<br />

Si toutes les mesures mentionnées ci-dessus échouent, on peut tenter une<br />

chirurgie d’urgence. L’anastomose porto-cave d’urgence a été abandonnée à<br />

cause d’une mortalité opératoire de 30 à 50 %. Le choix le plus simple, et<br />

probablement le meilleur en situation d’urgence, est la transsection<br />

œsophagienne, durant laquelle on sectionne et enlève un anneau de tissu<br />

œsophagien à l’aide d’un instrument mécanique, puis on agrafe les deux<br />

extrémités de l’œsophage ensemble. Autre type de « chirurgie », la dérivation<br />

intrahépatique porto-systémique transjugulaire (DIPT) consiste à créer une<br />

anastomose intrahépatique entre branches des veines sus-hépatique et porte


682 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

par dilatation du tissu hépatique au moyen d’un ballonnet. Ensuite, on installe<br />

un extenseur métallique de 1 cm de diamètre environ dans la fistule. Cette<br />

opération peut être faite par un radiologue au moyen d’un cathéter guidé par<br />

fluoroscopie. Elle n’exige qu’une légère sédation et une anesthésie locale.<br />

Une fois l’épisode hémorragique aigu traité, comment pouvons-nous<br />

réduire le risque de récidive hémorragique à l’avenir? Avant d’envisager un<br />

autre traitement, il y a certaines mesures évidentes à prendre, fondées sur le<br />

bon sens. Par exemple, les patients présentant une cirrhose due à l’alcool (la<br />

cause de 50 % environ des cirrhoses au Canada) doivent absolument cesser de<br />

consommer de l’alcool. Le taux de récidive hémorragique et la mortalité chez<br />

les patients qui continuent à consommer de l’alcool sont beaucoup plus élevés<br />

que chez ceux qui s’abstiennent.<br />

La prévention des hémorragies comprend la prophylaxie primaire (empêcher<br />

la première hémorragie variqueuse alors que les varices n’ont pas encore<br />

saigné) et la prophylaxie secondaire (empêcher la récidive hémorragique). La<br />

littérature médicale est très contradictoire sur ces deux types de prophylaxie,<br />

mais certaines recommandations préliminaires sont cependant possibles. En<br />

premier lieu, il convient d’instaurer un traitement par un bêtabloquant chez les<br />

patients ayant de grosses varices qui n’ont jamais saigné, en administrant des<br />

doses suffisantes pour diminuer de 20 à 25 % la fréquence cardiaque au repos.<br />

Les antagonistes bêta-adrénergiques semblent produire une constriction<br />

artériolaire et veineuse et réduire notablement le débit de sang dans les<br />

vaisseaux collatéraux porto-systémiques, tout en diminuant modestement la<br />

pression portale. La sclérothérapie endoscopique / la ligature élastique, la<br />

DIPT et la chirurgie comportent des risques et sont plus coûteux. En fait, une<br />

récente analyse de coûts et d’avantages indiquent que le traitement par un<br />

bêtabloquant est nettement la stratégie la plus efficace en prophylaxie primaire.<br />

Les schémas appropriés de prophylaxie secondaire demeurent controversés.<br />

Il est probable qu’un sous-groupe minoritaire de patients répond au traitement<br />

par un bêtabloquant, mais on ne peut pas l’identifier facilement. Une manière<br />

de procéder consisterait à ligaturer les varices au cours d’un nombre suffisant<br />

de séances (habituellement 3 ou 4) pour les oblitérer ou réduire leur grosseur.<br />

Si cette approche échoue (p. ex. en cas de récidive hémorragique), on peut<br />

envisager une DIPT ou la chirurgie (anastomose porto-cave). On ne doit pas<br />

faire de décompression du système veineux porte chez des patients qui ont des<br />

antécédents d’encéphalopathie ou une encéphalopathie évolutive. Cela ne<br />

changerait que le mode de décès (encéphalopathie / insuffisance hépatique au<br />

lieu d’hémorragie variqueuse), mais pas l’issue.<br />

Les causes préhépatiques d’hypertension portale, telle la thrombose de la<br />

veine porte, répondent généralement bien à certains types de dérivation porto-


Le foie 683<br />

mésentérique, comme l’anastomose mésentérico-cave ou porto-cave. Dans<br />

ces cas, le fonctionnement hépatique normal protège contre l’apparition d’une<br />

encéphalopathie ou d’une insuffisance hépatique lorsque le sang de la veine<br />

porte est détourné du foie.<br />

Le traitement de référence pour la plupart des complications d’une<br />

hépatopathie terminale, en particulier une hémorragie digestive récidivante<br />

due à une grave hypertension portale, est la greffe de foie orthotopique. La<br />

présence d’une anastomose chirurgicale porto-cave ou mésentérico-cave<br />

complique la greffe. Il en résulte qu’on ne devrait recourir à des opérations<br />

d’anastomose importantes qu’en dernier ressort, chez le patient qui ne répond<br />

pas aux autres modes de traitement, DIPT comprise. Dans la pratique, des<br />

patients aussi résistants sont extrêmement rares.<br />

14.5 Cardiomyopathie cirrhotique<br />

L’hypertension portale s’accompagne de troubles cardio-vasculaires. La circulation<br />

devient hyperdynamique, signe d’une augmentation du débit cardiaque et<br />

d’une diminution de la pression artérielle et de la résistance vasculaire<br />

générale. Paradoxalement, malgré l’augmentation du débit cardiaque au<br />

repos, lorsque le cœur est stimulé par l’exercice, par des médicaments ou par<br />

une chirurgie majeure, la réponse contractile du ventricule est amoindrie.<br />

Lorsqu’on a identifié ce phénomène il y a trois décennies, on a simplement<br />

présumé qu’il s’agissait d’une cardiomyopathie alcoolique légère ou latente.<br />

Toutefois, les études de la cirrhose non alcoolique chez l’humain et l’animal<br />

ont largement démontré une insuffisance de la fonction cardiaque indépendamment<br />

de l’étiologie de la cirrhose. Ce syndrome particulier d’augmentation du<br />

débit cardiaque de base, avec réponse cardiaque atténuée au stimulus physiologiques,<br />

pharmacologiques ou chirurgicaux, est maintenant connu sous le<br />

nom de « cardiomyopathie cirrhotique ».<br />

On a observé un dysfonctionnement contractile du ventricule gauche tant<br />

diastolique que systolique. Par exemple, une personne normale peut facilement<br />

tripler le débit cardiaque au repos en réponse à un effort sous-maximal, alors<br />

que le patient cirrhotique ne peut que doubler le débit cardiaque. Les indices<br />

diastoliques indiquent un ventricule rigide, non compliant. Les anomalies<br />

électrophysiologiques comprennent un intervalle Q-T allongé chez 30 à 50 %<br />

des patients cirrhotiques. À l’heure actuelle, il reste encore à s’entendre sur les<br />

critères diagnostiques de référence pour la cardiomyopathie cirrhotique, bien<br />

qu’un groupe de consensus d’experts travaille actuellement dans ce but, avec<br />

des résultats qui seront publiés à la fin de 2005. Par conséquent, pour le<br />

moment, la cardiomyopathie cirrhotique veut être définie provisoirement par<br />

les critères suivants : 1) débit cardiaque de base accru, mais réponse ventriculaire


684 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

aux stimuli amoindrie, 2) dysfonctionnement systolique et/ou diastolique,<br />

3) absence d’insuffisance ventriculaire gauche patente au repos, 4) anomalies<br />

électrophysiologiques, en particulier intervalle Q-T allongé à l’ECG.<br />

Les changements historiques de la cardiomyopathie cirrhotique comprennent<br />

l’hypertrophie et la dilatation ventriculaire, la fibrose myocardique, l’œdème sousendocardique<br />

et la vacuolisation nucléaire et cytoplasmique des cardiomyocytes.<br />

La pathogenèse demeure incertaine, mais divers facteurs semblent y<br />

contribuer. Parmi ceux-ci, citons la régulation vers le bas du système des<br />

récepteurs bêta-adrénergiques cardiaques, les changements physicochimiques<br />

des membranes plasmatiques des cardiomyocytes et la suractivité des substances<br />

cardiodépressives tels l’oxyde nitrique et le monoxyde de carbone.<br />

Le traitement optimal de la cardiomyopathie cirrhotique reste incertain. La<br />

cardiomyopathie cirrhotique étant habituellement infraclinique, son importance<br />

clinique est généralement sous-évaluée. Toutefois, une insuffisance ventriculaire<br />

patente peut apparaître lors de stimulus importants comme la greffe de foie ou<br />

des interventions d’anastomose porto-systémique. Étant donné que la fonction<br />

de réserve cardiaque est à la limite chez les patients cirrhotiques, il convient<br />

de surveiller étroitement leur état cardio-vasculaire, en particulier chez les<br />

patients soumis à un stress tel qu’une opération de chirurgie hépatique. Le<br />

traitement standard en cas d’insuffisance cardiaque requiert l’apport<br />

d’oxygène d’appoint, de diurétiques et une réduction de la postcharge,<br />

lorsqu’il se produit une insuffisance ventriculaire cirrhotique manifeste.<br />

14.6 Syndrome hépato-pulmonaire et hypertension porto-pulmonaire<br />

On observe aussi souvent des anomalies pulmonaires chez les patients<br />

cirrhotiques. Il se produit fréquemment dans la circulation pulmonaire une<br />

hypoxémie artérielle systémique due à la vasodilatation pulmonaire, bien que<br />

ses manifestations cliniques ne soient pas habituellement apparentes. Le<br />

syndrome hépato-pulmonaire est défini comme la triade « hépatopathie,<br />

hypoxémie artérielle et dilatation vasculaire intrapulmonaire », en l’absence<br />

de toute cardiopathie ou maladie pulmonaire intrinsèque. Ce syndrome est<br />

considéré comme une cause importante d’hypoxémie chez les patients<br />

cirrhotiques, bien que l’hypertension pulmonaire, beaucoup plus rare, puisse<br />

également causer une hypoxémie chez ces patients.<br />

L’hypoxémie du syndrome hépato-pulmonaire est probablement associée<br />

à une dilatation vasculaire pulmonaire, qui se traduit par un déséquilibre<br />

ventilation/perfusion. La pathogenèse de la vasodilatation pulmonaire dans le<br />

syndrome hépato-pulmonaire n’est pas encore élucidée. Les observations<br />

histologiques dans les poumons de certains patients atteints du syndrome<br />

hépato-pulmonaire comprennent une dilatation précapillaire et capillaire et


Le foie 685<br />

des communications artério-veineuse anatomiques. Un déséquilibre entre les<br />

systèmes vasodilatateurs et vasoconstricteurs peut se traduire par une baisse<br />

de la résistance vasculaire dans les poumons. Cette hypothèse est renforcée<br />

par plusieurs études suggérant que la suractivité de l’oxyde nitrique joue un<br />

rôle majeur dans la vasodilatation du syndrome hépato-pulmonaire. Après une<br />

greffe de foie, il se produit une inversion de l’augmentation des nitrites et des<br />

nitrates (produits finals du métabolisme de l’oxyde nitrique) exhalés et la<br />

saturation artérielle en O 2 revient à une valeur normale. En outre, dans le modèle<br />

du rat cirrhotique, une augmentation du taux d’oxyde nitrique synthétase<br />

endothélial est corrélée avec des altérations dans les échanges gazeux. Les<br />

manifestations cliniques de la diminution de la PaO 2 sont habituellement<br />

légères, du fait que le débit cardiaque élevé au repos tend à minimiser<br />

l’apparition d’une hypoxémie artérielle grave. Toutefois, certains patients<br />

ayant un shunt intrapulmonaire important secondaire à une hypertension<br />

portale présentent une hypoxémie artérielle plus grave, avec limitation de la<br />

diffusion de O 2, qui est cliniquement plus apparente.<br />

Le syndrome hépato-pulmonaire est diagnostiqué selon les critères<br />

suivants : 1) présence d’une hépatopathie chronique, 2) hypoxémie<br />

artérielle (PaO 2 < 70 mmHg), sans lésion parenchymateuse nette dans<br />

la radiographie thoracique, 3) dilatation vasculaire pulmonaire démontrée<br />

par une échocardiographie (y compris imagerie de contraste et transœsophagienne)<br />

ou une scintigraphie pulmonaire de perfusion.<br />

Si le syndrome hépato-pulmonaire est symptomatique, on peut essayer un<br />

traitement par appoint d’oxygène. Toutefois, étant donné le déséquilibre entre<br />

la ventilation et la perfusion, un tel traitement peut être incapable d’augmenter<br />

la tension d’oxygène artérielle. On a essayé divers médicaments, dont<br />

l’aspirine, l’indométacine et le bismésylate d’almitrine oral, pour améliorer<br />

les relations entre ventilation et perfusion, mais avec un succès limité quant à<br />

l’amélioration de l’hypoxémie. La radiologie d’intervention est une option<br />

thérapeutique pour certains patients bien choisis. Ce traitement devrait être<br />

réservé aux patients chez lesquels on soupçonne un shunt artério-veineux<br />

accompagné d’une hypoxémie grave et d’une mauvaise réponse à un traitement<br />

par l’oxygène pur. Chez ces patients, l’embolisation par spirale métallique<br />

peut oblitérer les communications artério-veineuses distinctes à l’origine de<br />

l’hypoxémie en raison d’un shunt droite-gauche intrapulmonaire.<br />

On a documenté la résolution complète du syndrome après greffe de foie<br />

orthotopique, en particulier chez les enfants. Toutefois, on note chez les patients<br />

présentant un shunt intrapulmonaire important et une hypoxémie grave une<br />

augmentation de la mortalité péri-opératoire lors de la greffe de foie.


686 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Une autre conséquence vasculaire pulmonaire de la cirrhose est l’hypertension<br />

porto-pulmonaire, définie comme une hypertension artérielle pulmonaire<br />

combinée à des processus occlusifs ou constrictifs vasculaires ou microvasculaires<br />

lors d’une hépatopathie avancée. La pathogenèse n’est pas complètement<br />

élucidée, mais on pense que l’affection pourrait être secondaire à un état<br />

circulatoire hypercinétique à grand débit, à une augmentation de volume de<br />

sang central dans le poumon et à une vasoconstriction ou une oblitération<br />

pulmonaire non embolique.<br />

Chez certains patients présentant une hypertension porto-pulmonaire, la<br />

perfusion continue de prostaglandine I2 par voie intraveineuse peut améliorer<br />

l’hémodynamie pulmonaire. On observe chez les patients présentant une<br />

hypertension pulmonaire modérée à grave une augmentation de la mortalité<br />

cardio-pulmonaire à la suite d’une greffe de foie. L’importance clinique du<br />

syndrome hépato-pulmonaire et de l’hypertension porto-pulmonaire est donc<br />

maintenant reconnue du fait de la popularité croissante de la greffe de foie.<br />

15. ASCITE ET PÉRITONITE BACTÉRIENNE SPONTANÉE / F. Wong<br />

15.1 Ascite<br />

On appelle ascite une accumulation détectable de liquide libre dans la cavité<br />

péritonéale. Le risque d’ascite dans les 10 ans d’un diagnostic de cirrhose est<br />

de 50 % environ. Le taux de survie deux ans après le début d’une ascite est de<br />

50 %. Cette durée est ramenée à six mois si l’ascite est rebelle ou résistante<br />

aux diurétiques. On peut comparer cela au taux de survie de 80 % à deux ans<br />

après une greffe de foie. L’ascite prédispose également à des complications<br />

menaçant la vie du patient, tels la péritonite bactérienne spontanée (PBS) et le<br />

syndrome hépato-rénal. La présence d’une ascite est donc une indication<br />

d’orientation et d’évaluation en vue d’une greffe de foie.<br />

La pathogenèse de l’ascite dans les cas de cirrhose demeure controversée.<br />

La rétention sodée est au centre même de l’ascite. La controverse concerne<br />

l’origine de la rétention sodée dans la cirrhose. Il est bien établi maintenant<br />

que, dans le cas de la cirrhose, la rétention sodée, bien que subtile, commence<br />

avant l’apparition de l’ascite. Au stade pré-ascitique de la cirrhose, la position<br />

debout provoque une rétention sodée et, par conséquent, hydrique, par activation<br />

du système rénine-angiotensine intrarénal. Lorsque le patient s’allonge, il<br />

se produit une redistribution de volume en excédent dans le haut du corps. Il<br />

se produit une vasodilatation et la circulation devient hyperdynamique. La<br />

circulation rénale s’améliore et l’excédent de sodium est excrété.<br />

À mesure que le processus cirrhotique progresse, il se produit des changements<br />

dans la circulation. La circulation hyperdynamique, présente seulement<br />

à la position allongée au stade pré-ascitique, prend de l’ampleur et apparaît


FIGURE 34. Physiopathologie de la formation de l’ascite.<br />

Le foie 687<br />

aussi à la position debout. Ce phénomène est dû à une vasodilatation accrue<br />

tant dans la circulation splanchnique que dans la circulation générale, en<br />

raison de la présence d’un excès de vasodilatateurs. Selon l’hypothèse de la<br />

vasodilatation artérielle périphérique, la vasodilatation artérielle en cas de<br />

cirrhose se traduit par une diminution des résistances vasculaires splanchnique et<br />

systémique, avec accumulation de sang dans la circulation splanchnique qui se<br />

traduit par une diminution du volume de sang artériel efficace. Ce phénomène<br />

active divers systèmes presseurs neuro-humoraux pour augmenter la rétention<br />

hydro-sodée rénale en vue de rétablir la volémie efficace et de maintenir la<br />

pression artérielle. Toutefois, la circulation rénale est extrêmement sensible<br />

aux effets vasoconstricteurs de ces systèmes presseurs neuro-humoraux et<br />

le taux de filtration glomérulaire diminue. Cela a pour effet d’accentuer la<br />

rétention sodée par les reins. Lorsque l’augmentation de la rétention hydrosodée<br />

ne peut suivre la vasodilatation artérielle, la cascade d’activation des<br />

systèmes presseurs neuro-humoraux aboutit à une rétention hydro-sodée<br />

encore accrue. Le dysfonctionnement hépatique stimule aussi la rétention du<br />

sodium par les reins, selon un mécanisme non encore identifié, du fait que<br />

l’excrétion du sodium dépend d’un seuil de fonctionnement hépatique. En<br />

présence de l’hypertension portale sinusoïdale, une partie du liquide en excédent<br />

se localise de préférence dans la cavité péritonéale sous la forme d’une ascite<br />

(figure 34).


688 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Au plan clinique, le premier signe d’ascite est un gain de poids. Il est difficile<br />

de déceler cliniquement le liquide péritonéal lorsque le volume est < 2 L<br />

et l’échographie est utile de ce point de vue en permettant de déceler les<br />

petites quantités d’ascite. L’abdomen est distendu, souvent avec gonflement<br />

des flancs. Les flancs gonflés et leur matité à l’auscultation sont les signes<br />

physiques les plus sensibles de la présence d’une ascite, alors que la production<br />

d’une onde fluide ou la confirmation d’une matité variable sont les plus<br />

spécifiques. L’ascite et l’augmentation de la pression intra-abdominale<br />

peuvent se traduire par des complications, par exemple une hernie ombilicale.<br />

On observe un œdème du scrotum et des jambes lorsque la rétention hydrique<br />

est importante. Un épanchement pleural peut accompagner l’ascite,<br />

habituellement du côté droit. Ce phénomène est dû à la présence d’un défaut<br />

du diaphragme qui permet au liquide ascitique de passer dans la cavité pleurale.<br />

Occasionnellement, seul l’épanchement pleural est présent, sans ascite. Certains<br />

patients présentent également des signes et symptômes de circulation<br />

hyperdynamique (hypotension générale, tachycardie au repos et chaleur<br />

périphérique), ainsi que des signes d’hypertension portale, par exemple la<br />

présence de veines distendues dans la paroi abdominale irradiant au nombril.<br />

On peut observer d’autres complications de la cirrhose, tels l’ictère et la fonte<br />

musculaire, qui peuvent être très importants.<br />

L’examen du liquide ascitique par ponction exploratrice devrait avoir lieu<br />

dès les premières manifestations ou en cas d’altération de l’état clinique du<br />

patient, par exemple une augmentation soudaine de la quantité de liquide<br />

ascitique, une aggravation de l’encéphalopathie, une douleur abdominale ou<br />

une fièvre, pour écarter d’autres complications telles que la péritonite bactérienne<br />

spontanée (PBS), le carcinome hépatocellulaire ou d’autres causes non<br />

cirrhotiques d’ascite (tableau 43). L’analyse du liquide ascitique devrait comprendre<br />

le nombre total des polymorphonucléaires (PMN) et les concentrations<br />

de protéines et d’albumine, ainsi que des cultures. Ajouter exactement 10 mL<br />

de liquide ascitique directement dans des flacons d’hémoculture au chevet du<br />

malade. On peut de cette manière faire passer le rendement diagnostique de<br />

50 % à plus de 80 % lorsque le nombre de PMN est > 250 cellules/µL, ce qui<br />

permet d’établir le diagnostic de PBS. Le tableau 44 montre les variantes de PBS.<br />

Un gradient d’albumine entre sérum et liquide ascitique (GASA) > 11 g/L<br />

permet de prédire une ascite cirrhotique avec une exactitude > 97 %. De<br />

même, un GASA < 11 g/L permet d’exclure l’hypertension portale comme<br />

cause de l’ascite avec une exactitude > 97 %. Une forte concentration de<br />

protéines peut indiquer une insuffisance cardiaque congestive ou un syndrome<br />

de Budd-Chiari et on peut l’observer en cas d’ascite pancréatique. Une faible<br />

concentration de protéines dans l’ascite (< 10 g/L) expose le patient cirrhotique<br />

à un risque accru de PBS. Pour déceler l’ascite, on peut utiliser soit une


TABLEAU 43. Indications de la ponction exploratrice<br />

Nouvelle ascite<br />

Hospitalisation du patient cirrhotique<br />

Apparition de :<br />

– signes / symptômes péritonéaux – p. ex., fièvre, douleur abdominale<br />

– altérations de la motilité gastro-intestinale<br />

– encéphalopathie<br />

– insuffisance rénale<br />

Patient ascitique avec hémorragie digestive<br />

TABLEAU 44. Variantes de péritonite bactérienne spontanée (PBS)<br />

Analyse du liquide ascitique<br />

Le foie 689<br />

Neutrophiles Micro-organismes<br />

Infection spontanée<br />

Péritonite bactérienne spontanée > 250 cellules/µL un seul<br />

Bactérascite monomicrobienne sans neutrophiles < 250 cellules/µL un seul<br />

Ascite avec neutrophiles, culture négative (ANCN) > 250 cellules/µL Culture négative<br />

Infections secondaires > 250 cellules/µL plusieurs<br />

échographie abdominale, soit une tomodensitométrie de l’abdomen. En<br />

particulier, l’échographie abdominale peut déceler quelques millilitres seulement<br />

de liquide ascitique et est extrêmement sensible (> 95 %) et spécifique<br />

(> 90 %). Elle permet également de guider la ponction.<br />

Le traitement de l’ascite cirrhotique commence par le traitement des facteurs<br />

étiologiques, si possible, telle l’abstinence totale d’alcool. Les patients<br />

présentant une cirrhose décompensée due à une hépatite B devraient également<br />

être traités par un antiviral comme la lamivudine, qui inverse la décompensation.<br />

Bien que l’alitement se traduise par une redistribution des liquides corporels,<br />

il est nécessaire, pour mobiliser l’ascite, de restreindre les apports de sel et de<br />

liquide. On prescrit habituellement un régime hyposodique contenant entre<br />

44 et 66 mmol de sodium par jour, ce qui est inférieur à ce que contient un<br />

régime « sans ajout de sel ». Il est nécessaire d’<strong>of</strong>frir aux patients des conseils<br />

de diététique pr<strong>of</strong>essionnels avec des instructions précises sur les endroits où<br />

acheter les aliments hyposodiques. Les succédanés du sel sont contre-indiqués<br />

parce qu’ils contiennent souvent du chlorure de potassium et risquent donc<br />

de prédisposer à l’hyperkaliémie les patients qui prennent des diurétiques


690 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Scénario I Excrétion urinaire de Na = 100 mmol/jour<br />

Apports de Na = 44 mmol/jour<br />

Excrétion de Na = 100 mmol/jour<br />

Bilan sodique = (44 à 100) mmol/jour<br />

= –56 mmol<br />

[Na] ascitique = 130 mmol/L<br />

Donc, perte hydrique = –56 mmol / 130 mmol/L<br />

= –0,41 L<br />

Perte pondérale/jour = 0,41 kg<br />

Scénario II Excrétion urinaire de Na = 0 mmol/jour<br />

Apports de Na = 44 mmol/jour<br />

Excrétion de Na = 0 mmol/jour<br />

Bilan sodique = (44 à 0) mmol/jour<br />

= +44 mmol<br />

[Na] ascitique = 130 mmol/L<br />

Donc, perte hydrique = +44 mmol / 130 mmol/L<br />

= 0,34 L<br />

Gain pondéral/jour = 0,34 kg<br />

FIGURE 35. Prédiction du changement de poids chez des patients suivant un régime pauvre en sel<br />

(44 mmol Na/jour).<br />

d’épargne potassique. Il convient de surveiller étroitement les patients par<br />

pesée quotidienne et mesure fréquente de l’excrétion urinaire de sodium au<br />

cours de 24 heures. La créatinine urinaire est mesurée en même temps pour<br />

vérifier que la collecte des urines de 24 heures est complète. Les mesures au<br />

hasard du sodium urinaire ne sont pas fiables, car le taux d’excrétion sodium<br />

dans l’urine varie au cours de la journée. Toutefois, un rapport Na urinaire /<br />

K urinaire > 1 permet de prévoir que l’excrétion de sodium est supérieure à<br />

78 mmol/jour avec une précision de plus de 95 %. La mesure du tour de taille<br />

n’est pas fiable du fait que la distension par les gaz est fréquente. On peut<br />

utiliser le taux de gain pondéral ou de perte pondérale chez les patients ascitiques<br />

pour évaluer l’observance du régime hyposodique et l’efficacité du<br />

traitement (figure 35).<br />

À la restriction hydro-sodique, il convient d’associer un traitement diurétique<br />

chez 90 % des patients pour traiter l’ascite. La spironolactone, diurétique distal<br />

ayant une activité antialdostérone, est le diurétique de choix, parce que les<br />

patients ascitiques présentent habituellement un hyperaldostéronisme. En<br />

outre, le sodium dont la réabsorption est bloquée par un diurétique à l’anse de<br />

Henle est réabsorbé au tubule distal. La norme de soins actuelle est l’association<br />

d’un diurétique distal (épargnant potassique) et d’un diurétique de l’anse, qui


TABLEAU 45. Utilisation par paliers des diurétiques dans le traitement de l’ascite *<br />

I II III IV<br />

Spironolactone/ 100 mg 200 mg 300 mg 400 mg<br />

Amiloride 5 mg 10 mg 15 mg 20 mg<br />

Furosémide 40 mg 80 mg 120 mg 160 mg<br />

Augmenter les doses si 1. perte pondérale < 1,5 kg en 1 semaine et<br />

2. le patient observe le régime hyposodique et<br />

3. la fonction rénale est normale et<br />

4. absence d’anomalie électrolytique et d’encéphalopathie<br />

*Surveiller 1. le poids, chaque jour<br />

2. les symptômes/signes posturaux chaque semaine<br />

3. les électrolytes, la fonction rénale deux fois par semaine<br />

4. les symptômes/signes d’encéphalopathie<br />

Le foie 691<br />

agissent en deux endroits différents du néphron. La dose initiale de spironolactone<br />

est habituellement de 100 mg/jour. La spironolactone a un début et une<br />

fin d’action lents du fait de sa demi-vie atteignant 35 heures chez les patients<br />

cirrhotiques. Par conséquent, les ajustements de dose fréquents sont inutiles et<br />

il convient de maintenir la surveillance des patients même après l’arrêt de la<br />

spironolactone. L’un des effets secondaires inacceptables du médicament est<br />

une gynécomastie douloureuse. L’amiloride, autre diurétique d’épargne<br />

potassique, constitue un remplacement acceptable, bien que moins puissant.<br />

La dose initiale d’amiloride est de 5 mg/jour. On associe habituellement l’un<br />

ou l’autre de ces diurétiques d’épargne potassique à la furosémide à la dose<br />

initiale de 40 mg/jour. Les doses de l’association peuvent être augmentées par<br />

paliers (tableau 45). Les anomalies électrolytiques et le dysfonctionnement<br />

rénal sont fréquents et il convient de surveiller les patients régulièrement. On<br />

peut essayer au début le traitement en externe si le volume d’ascite est faible<br />

et en l’absence d’hémorragie digestive concomitante, d’encéphalopathie,<br />

d’infection ou d’insuffisance rénale. L’hypokaliémie et l’alcalose<br />

hypochlorémique peuvent déclencher une encéphalopathie. Une mobilisation<br />

trop rapide du liquide ascitique se traduit par une aggravation de la fonction<br />

rénale et on doit donc viser une réduction pondérale de 0,5 kg/jour. On peut<br />

mobiliser plus rapidement le liquide chez les patients qui présentent un<br />

œdème périphérique parce que le liquide de l’œdème peut être réabsorbé<br />

facilement pour rétablir le volume intravasculaire. La présence de symptômes<br />

d’encéphalopathie, une concentration sérique de sodium ≤ 125 mmol/L ou<br />

une créatinine sérique ≥ 130 mmol/L devraient limiter les doses. Il convient


692 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

au début de mesurer le poids chaque jour et les électrolytes et la fonction<br />

rénale deux fois par semaine, au moins. Pour que les patients perdent du<br />

poids, l’excrétion urinaire de sodium doit être supérieure aux apports oraux de<br />

sodium. On recommande de décourager tout perte > 0,5 kg/jour, parce que la<br />

quantité de liquide ascitique qu’on peut mobiliser par jour est ≤ 700 mL. Par<br />

conséquent, une perte pondérale > 0,5 kg/jour correspond aussi habituellement<br />

à une perte de liquide par le système circulatoire, prédisposant le patient<br />

à une insuffisance rénale.<br />

On définit l’ascite réfractaire comme une ascite qui ne répond pas à 400 mg<br />

de spironolactone ou à 30 mg d’amiloride, associés à 160 mg au maximum de<br />

furosémide par jour pendant deux semaines, alors que le patient a fidèlement<br />

observé la restriction sodique. La non-observance de la restriction sodique est<br />

une cause majeure, et souvent ignorée, d’ascite dite « réfractaire ». Voici<br />

d’autres causes d’ascite réfractaire : péritonite bactérienne spontanée, carcinome<br />

hépatocellulaire et pathologie rénale intrinsèque. L’ascite réfractaire sans cause<br />

sous-jacente s’accompagne habituellement d’un pronostic mauvais, avec<br />

seulement 50 % de survie à six mois. La ponction évacuatrice est maintenant<br />

reconnue comme un traitement sécuritaire et efficace de l’ascite réfractaire.<br />

L’évacuation du liquide ascitique sans perfusion simultanée d’un succédané du<br />

plasma est sécuritaire jusqu’à 5 litres chez les patients non œdémateux. Il est<br />

possible d’évacuer un volume plus important chez les patients œdémateux.<br />

Lors d’une étude randomisée et contrôlée de grande envergure, l’évacuation<br />

d’un volume important de liquide ascitique était plus sécuritaire et efficace qu’un<br />

traitement par des diurétiques, avec réduction de la durée d’hospitalisation. On<br />

n’a noté cependant aucun avantage de la ponction évacuatrice en terme de<br />

survie par rapport au traitement par les diurétiques. Pour les ponctions évacuatrices<br />

répétées, on recommande la perfusion d’albumine à raison de 6 à 8 g par litre<br />

de liquide ascitique évacué. En effet, le patient peut présenter un syndrome<br />

post-ponction appelé « dysfonction circulatoire ». Cette dysfonction est<br />

caractérisée par une nouvelle hausse de l’activité rénine-angiotensine et par<br />

l’apparition d’une insuffisance rénale. On ignore quels sont les facteurs de<br />

risque de dysfonction circulatoire après une ponction. Il existe une certaine<br />

controverse quant à l’utilisation d’albumine après la ponction, du fait que le<br />

taux de mortalité ne semble pas plus important chez les patients qui ne<br />

reçoivent pas d’albumine. On a utilisé d’autres succédanés du plasma, tels que<br />

Hemaccel, Dextran 70 et Pentaspan, qui se sont révélés aussi efficaces les uns<br />

que les autres. Toutefois, un groupe de Barcelone suggère que l’albumine est<br />

supérieure à tous les autres succédanés du plasma.<br />

On peut envisager une dérivation péritonéo-veineuse chez des patients<br />

sélectionnés bénéficiant d’une bonne réserve hépatique. Cette méthode peut


Le foie 693<br />

être spectaculairement efficace pour résoudre l’ascite, diminuer la fréquence<br />

d’hospitalisation et réduire les besoins de diurétiques. Toutefois, en raison de<br />

ses nombreuses complications (en particulier, thrombose de la veine cave<br />

supérieure, infection et blocage ou détachement de la dérivation), on n’utilise<br />

guère cette techniques de nos jours. En outre, il existe de meilleures options<br />

de traitement pour l’ascite et le nombre de chirurgiens actuellement capables<br />

d’effectuer cette dérivation a diminué.<br />

On a montré que la dérivation intrahépatique porto-systémique transjugulaire<br />

ou DIPT était efficace dans le traitement de l’ascite réfractaire. Elle consiste<br />

à établir entre une branche de la veine porte et une branche de la veine sushépatique<br />

une communication que l’on maintient ouverte au moyen d’un<br />

extenseur métallique. On réduit ainsi la pression portale sinusoïdale et on<br />

permet l’élimination lente mais efficace de l’ascite. Les résultats publiés de<br />

quatre études randomisées et contrôlées montrent que la DIPT est supérieure<br />

à la ponction évacuatrice dans le contrôle de l’ascite. Cependant, on ne sait<br />

pas si la DIPT a un avantage sur la ponction évacuatrice en matière de survie.<br />

Sans diurétique, l’excrétion de sodium commence après le premier mois et<br />

augmente lentement par la suite. La résolution de l’ascite est totale chez les<br />

deux tiers environ des patients et la réponse est partielle chez le reste. On<br />

reconnaît maintenant que les patients atteints d’une hépatopathie très avancée<br />

sont exposés à une morbidité et une mortalité accrues après une DIPT. Cette<br />

technique est donc déconseillée chez les patients dont le score de Child-Pugh<br />

est supérieur à 12. Les résultats sont également moins bons chez les patients<br />

âgés. Les prédicteurs de mortalité précoce sont : hémorragie active au moment<br />

de la DIPT pour l’évacuation d’ascite, antécédents d’encéphalopathie, ictère<br />

important (bilirubine > 51 mmol/L) et élévation des transaminases (ALAT ><br />

1 000 UI/L). Les contre-indications absolues de la DIPT sont, entre autres, la<br />

présence d’une encéphalopathie de haut grade, d’une cardiopathie ou d’une<br />

néphropathie intrinsèque, la non-observance de la restriction hydro-sodique et<br />

un âge avancé (> 70 ans). Les complications principales sont la sténose de la<br />

dérivation et l’encéphalopathie hépatique. Il convient donc de procéder à une<br />

évaluation régulière de la perméabilité de la dérivation par échographie<br />

Doppler et/ou par angiographie. L’utilisation prophylactique de lactulose peut<br />

réduire l’incidence d’encéphalopathie. Outre l’aggravation de la fonction<br />

hépatique, il convient d’envisager une hémolyse à la dérivation si la bilirubine<br />

sérique augmente après la DIPT. Le résultat de l’intervention peut être très<br />

gratifiant chez des patients sélectionnés, avec une amélioration de l’état nutritionnel<br />

une fois l’ascite éliminée. La greffe de foie doit toujours rester une<br />

option de traitement chez ces patients. La figure 36 présente un algorithme de<br />

traitement de l’ascite.


694 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 36. Traitement de l’ascite.<br />

15.2 Péritonite bactérienne spontanée<br />

La péritonite bactérienne spontanée est une complication fréquente, souvent<br />

fatale, de la cirrhose. Il s’agit d’un syndrome clinique au cours duquel l’ascite<br />

est infectée, en l’absence de toute cause reconnaissable de péritonite. Son<br />

incidence accrue actuellement peut s’expliquer par la meilleure connaissance<br />

qu’on en a maintenant. Le risque annuel de PBS après le début d’une ascite<br />

est de 20 à 30 %. Les facteurs de risque sont : épisode antérieur de PBS,<br />

hémorragie variqueuse récente, concentration de protéines inférieure à 10 g/L<br />

dans le liquide ascitique et ictère (bilirubine > 43 mmol/L). Dans la plupart


TABLEAU 46. Micro-organismes pouvant causer une péritonite bactérienne spontanée<br />

Bacilles Gram-négatifs Organismes Gram-positifs Anaérobies<br />

E. coli Streptococcus Bacteroides<br />

Klebsiella Streptococcus groupe D Clostridia<br />

C. freundii S. pneumoniae Lactobacillus<br />

Proteus S. aureus<br />

Enterobacter<br />

Le foie 695<br />

des cas, l’infection se produit après l’hospitalisation. Environ un tiers des cas<br />

de PBS sont asymptomatiques et le clinicien ne devrait donc pas hésiter à<br />

procéder à une ponction exploratrice. Le tableau 43 liste les indications de<br />

ponction exploratrice pour écarter un diagnostic de PBS.<br />

Une PBS peut s’accompagner d’une fièvre et/ou d’une douleur abdominale.<br />

Mais le plus souvent, la présentation est atypique, avec aggravation de<br />

l’encéphalopathie ou de la fonction rénale. La norme de référence pour le<br />

diagnostic d’une PBS est le nombre de PMN >250 cellules/µL dans le liquide<br />

ascitique. Une variante de PBS connue comme ascite « à polynucléaires<br />

neutrophiles et culture négative » englobe les cas de PBS soupçonnée à culture<br />

négative dont le nombre de PMN dans le liquide ascitique est supérieur à<br />

250 cellules/µL. L’ascite « à polynucléaires neutrophiles et culture négative »<br />

a les mêmes manifestations cliniques et le même pronostic sombre que la PBS<br />

(tableau 44). Il peut falloir 48 heures pour obtenir des résultats de culture<br />

positifs et les colorations Gram de liquide ascitique ne sont positives que chez<br />

10 à 50 % des patients infectés. Par conséquent, le traitement d’une PBS<br />

soupçonnée devrait commencer immédiatement après l’obtention du nombre<br />

de PMN établissant le diagnostic, plutôt que d’attendre des résultats de<br />

culture positifs. Une autre variante de PBS est la bactérascite monobactérienne<br />

« sans polynucléaires neutrophiles ». Dans ce scénario, le nombre de PMN dans<br />

le liquide ascitique est < 250 cellules/µL et la culture ultérieure du liquide est<br />

positive. On ignore s’il s’agit d’un stade précoce de PBS. On recommande de<br />

répéter la ponction exploratoire. Si la culture du liquide ascitique est de<br />

nouveau positive ou si le nombre de PMN est > 250 cellules/µL, le patient<br />

devrait être traité comme une PBS présumée. Les bacilles Gram négatifs sont<br />

responsables de 70 % des cas de PBS. E. coli est le pathogène le plus<br />

fréquemment isolé (tableau 46). Les micro-organismes anaérobies sont<br />

rarement la cause de PBS, parce que la tension d’oxygène dans le liquide<br />

ascitique est trop élevée pour qu’ils puissent y survivre. Parmi les anaérobies,<br />

les espèces Bacteroides semblent être plus fréquentes que les autres. La figure 37<br />

présente un algorithme de traitement de la PBS. La céfotaxime, une


696 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 37. Traitement de la péritonite bactérienne spontanée.<br />

céphalosporine à large spectre de troisième génération, est maintenant reconnue<br />

comme le médicament de choix pour le traitement de la PBS. Son spectre<br />

couvre la plupart des micro-organismes responsables de PBS et elle n’a pas<br />

d’effet neurotoxique dans sa zone thérapeutique. Un traitement de cinq jours<br />

avec administration de 2 g de céfotaxime par voie intraveineuse toutes les 8 à<br />

12 h est aussi efficace qu’un traitement de dix jours. Les autres options de<br />

traitement comprennent l’administration intraveineuse, puis orale, d’amoxicilline/<br />

acide clavulanique ou l’administration intraveineuse, puis orale, de<br />

cipr<strong>of</strong>loxacine ou l’administration orale d’<strong>of</strong>loxacine, en l’absence de choc<br />

septique, d’encéphalopathie, d’azotémie, d’hémorragie digestive ou d’iléus.<br />

Ces options explorent la possibilité d’administrer partiellement le traitement<br />

en externe, pour réduire le séjour à l’hôpital. Toutefois, il est obligatoire dans<br />

ce contexte de surveiller l’observance du traitement par le patient. Les aminoglycosides<br />

ne devraient pas être utilisés parce que les patients cirrhotiques<br />

sont particulièrement sensibles à leurs effets néphrotoxiques et que la surveillance<br />

des aminoglycosides sériques ne constitue pas une garantie contre la néphrotoxicité<br />

induite par ces médicaments. Une étude a démontré que l’utilisation<br />

concomitante d’albumine pouvait réduire le risque d’insuffisance rénale chez


Le foie 697<br />

ces patients. Toutefois, l’étude n’a pas été refaite et, par conséquent, l’utilisation<br />

systématique d’albumine dans ce contexte ne peut être recommandée.<br />

La réponse au traitement devrait être évaluée, d’une part en examinant les<br />

symptômes et signes d’infection et d’autre part en exécutant au moins une<br />

ponction de contrôle après 48 heures de traitement antibiotique. L’amélioration<br />

clinique devrait suivre la chute du nombre de PMN dans le liquide ascitique.<br />

Bien qu’on n’ait pas fixé de seuil de réduction pour le nombre de PMN, une<br />

réduction inférieure à 25 % par rapport à la valeur avant traitement est<br />

souvent considérée comme un échec de l’antibiothérapie. Une péritonite<br />

bactérienne secondaire devrait être envisagée dans les conditions suivantes :<br />

i) réponse clinique médiocre à l’antibiothérapie; ii) multiples micro-organismes<br />

présents dans le liquide ascitique; iii) concentration de protéines dans le<br />

liquide ascitique supérieure à 10 g/L ou concentration de glucose dans le<br />

liquide < 3 mmol/L; iv) nombre de PMN restant élevé malgré l’antibiothérapie.<br />

La couverture antibiotique devrait être élargie par l’addition de métronidazole et<br />

d’ampicilline. Les examens radiographiques sont nécessaires pour exclure<br />

une perforation du tube digestif, avec chirurgie d’urgence uniquement si la<br />

perforation est confirmée.<br />

Malgré le traitement réussi de la PBS, le pronostic pour ces patients reste<br />

mauvais. La probabilité de récidive de PBS à un an est de 40 à 70 % chez les<br />

patients qui ont eu des épisodes antérieurs de PBS. La décontamination<br />

intestinale sélective, systématique, par des antibiotiques oraux non<br />

absorbables s’est montrée efficace pour réduire les récidives. La norfloxacine<br />

à 400 mg par jour est le médicament de choix, ayant également l’avantage de<br />

causer rarement de résistance bactérienne et de s’accompagner d’une faible<br />

incidence d’effets secondaires lorsqu’il est administré chroniquement. La<br />

cipr<strong>of</strong>loxacine à 750 mg par semaine est également efficace. On peut utiliser<br />

en remplacement l’association triméthoprim/sulfaméthoxazole aux doses de<br />

160 mg/800 mg par jour, qui peut en outre conférer une meilleure couverture<br />

des Gram positifs. Les patients cirrhotiques avec hémorragie digestive haute<br />

sont exposés à un risque élevé d’infection bactérienne grave, y compris de<br />

PBS, au cours des premiers jours de l’épisode hémorragique. Une étude<br />

randomisée et contrôlée utilisant 400 mg de norfloxacine deux fois par jour,<br />

pendant sept jours, a montré une réduction notable, tant de la bactériémie que<br />

de la PBS. Une méta-analyse signale également que la prophylaxie antibiotique<br />

s’est montrée efficace pour améliorer la survie des patients cirrhotiques<br />

présentant une hémorragie digestive. Par conséquent, la prophylaxie à court<br />

terme en hôpital est recommandée. Toutefois, la dose optimale et la durée du<br />

traitement dans ce contexte n’ont pas été déterminées. Rien ne vient appuyer<br />

la prophylaxie primaire systématique contre la PBS chez les patients ascitiques<br />

et l’utilisation indiscriminée des antibiotiques dans les cas de cirrhose


698 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

peut aboutir à l’apparition d’une résistance aux antibiotiques. Toutefois, dans<br />

certains contextes, par exemple celui des patients présentant un ictère notable<br />

ou une ascite à faible concentration de protéines, il peut être prudent d’envisager<br />

une prophylaxie de la PBS primitive. Malgré la réduction des taux de récidive<br />

de PBS grâce aux antibiotiques prophylactiques, on n’a décelé aucune<br />

diminution de la mortalité. Pour tous les patients ayant subi une épisode de<br />

PBS, il convient d’envisager une greffe de foie.<br />

16. ENCÉPHALOPATHIE HÉPATIQUE / L.J. Worobetz<br />

L’encéphalopathie hépatique (EH), connue également sous le nom<br />

d’encéphalopathie porto-systémique, est une affection neuropsychiatrique<br />

complexe, potentiellement réversible, résultant d’une insuffisance hépatique<br />

aiguë ou chronique.<br />

La présentation clinique d’une EH est variable. Les patients atteints de cette<br />

maladie présentent habituellement des signes d’hépatopathie chronique avancée,<br />

accompagnés des stigmates physiques et biochimiques d’un dysfonctionnement<br />

hépatique grave. L’examen physique peut révéler une fonte musculaire, un<br />

ictère, une ascite, un œdème et un angiome stellaire. On peut aussi noter un<br />

fœtor hepaticus, odeur douceâtre due aux mercaptans présents dans l’haleine<br />

des patients atteints d’EH. Ces signes physiques d’hépatopathie chronique<br />

peuvent être absents chez les patients atteints d’insuffisance hépatique fulminante<br />

et d’EH. Les manifestations cliniques de ce syndrome vont des anomalies<br />

subtiles, détectables uniquement par des tests « psychomimétriques », au<br />

coma patent. L’encéphalopathie hépatique est caractérisée par un changement<br />

de personnalité, de conscience, de comportement et de fonctionnement neuromusculaire<br />

et est évaluée selon un certain nombre de systèmes (tableau 47).<br />

L’EH peut être présente chez 80 % des patients cirrhotiques. Les caractéristiques<br />

au début comprennent une inversion du rythme nycthéméral et évoluent pour<br />

inclure apathie, hypersomnie, irritabilité et négligence de soi. À un stade<br />

ultérieur, on peut observer un délire et un coma. Parmi les signes neurologiques<br />

observés, citons hyperréflexivité, rigidité et myoclonie. Il peut se produire<br />

également un astérixis (battements asymétriques des bras avec mains en<br />

dorsiflexion), qui n’établit pas cependant un diagnostic d’EH, car on peut<br />

l’observer avec d’autres causes d’encéphalopathie métabolique. Au plan<br />

clinique, différents types d’encéphalopathie peuvent aussi se produire.<br />

L’encéphalopathie hépatique, associée à l’insuffisance hépatique aiguë, se<br />

déclare et évolue rapidement et se complique presque toujours d’un œdème<br />

cérébral, qui peut provoquer des convulsions et des signes neurologiques de<br />

latéralisation. L’encéphalopathie associée à une hépatopathie chronique peut<br />

se manifester sous forme aiguë ou, moins souvent, chronique, avec évolution


TABLEAU 47. Établissement du grade d’une encéphalopathie hépatique<br />

Le foie 699<br />

Grade Niveau de Fonction Personnalité Anomalies<br />

conscience mentale Comportement neuromusculaires<br />

1 Inconscient Courte durée Euphorie Tremblement<br />

Hypersomnie d’attention Dépression Incoordination<br />

Insomnie Irritabilité Léger astérixis<br />

Inversion jour/nuit<br />

2 Léthargique Perte de la notion Disparition des Parole embarrassée<br />

de temps inhibitions Réflexe hypoactif<br />

Fortement altérée Changement de Ataxie<br />

Amnésie personnalité<br />

Anxiété/apathie<br />

3 Somnolence Perte de la notion Comportement bizarre Réflexe hyperactif<br />

Confusion d’endroit Paranoïa/colère rage Clonus<br />

Demi-stupeur Amnésie de la Rigidité<br />

signification<br />

Incapacité à calculer<br />

4 Impossible à Aucune fonction Aucune Pupilles dilatées<br />

réveiller Coma<br />

en syndromes débilitants tels que démence, paraparésie spasmodique,<br />

dégénérescence cérébelleuse et dyskinésies extrapyramidales.<br />

En abordant le cas du patient atteint d’une hépatopathie grave dont le<br />

niveau de conscience est altéré ou qui présente d’autres manifestations<br />

neurologiques, il est important d’écarter d’autres causes d’altération de l’état<br />

mental et de maladie neurologique. Il s’agit en particulier d’exclure les maladies<br />

du système nerveux telles qu’un hématome sous-dural, une tumeur ou un<br />

accident vasculaire cérébral, ainsi qu’une infection du SNC ou un surdosage<br />

de médicament. Il peut être nécessaire de faire la distinction entre les changements<br />

neurologiques fréquemment observés dans les cas de maladie<br />

alcoolique et de maladie de Wilson.<br />

Ce syndrome d’EH n’est pas une entité clinique unique. Il peut traduire une<br />

encéphalopathie métabolique réversible, une atrophie cérébrale, un œdème<br />

cérébral ou une combinaison quelconque de ces affections. Les mécanismes<br />

du dysfonctionnement cérébral apparaissant dans l’insuffisance hépatique<br />

sont mal connus. Dans le cas d’une EH avancée, il est impossible de distinguer<br />

entre les effets d’un œdème cérébral, d’une insuffisance d’irrigation cérébrale<br />

et des anomalies des systèmes neurotransmetteurs. Les facteurs importants


700 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

dans la pathogenèse de l’EH sont la dérivation du sang veineux porte à<br />

l’extérieur du foie dans la circulation générale et la présence d’un dysfonctionnement<br />

hépatocellulaire. L’encéphalopathie résulte probablement d’une<br />

variété de mécanismes faisant intervenir, entre autres, un ou plusieurs produits<br />

toxiques d’origine intestinale, normalement métabolisés par le foie, mais<br />

passant dans la circulation générale et atteignant le cerveau. Les anomalies du<br />

métabolisme de l’ammoniac sont très fréquemment impliquées dans la<br />

physiopathologie de l’EH. La flore intestinale normale produit une enzyme,<br />

l’uréase, qui sépare le groupe NH3 des protéines dans la lumière intestinale.<br />

L’ammoniac extrait par les bactéries dans le côlon et provenant de la désamination<br />

de la glutamine dans l’intestin grêle est absorbé dans la circulation<br />

porte. Le foie intact élimine pratiquement tout l’ammoniac de la veine porte,<br />

le transforme en glutamine et l’empêche de passer dans la circulation<br />

générale. Lors d’une hépatopathie grave, l’ammoniac passe dans la circulation<br />

générale en raison des shunts vasculaires spontanés établis dans les hépatocytes<br />

et autour et du fait de l’incapacité du foie à le métaboliser. Une<br />

augmentation de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique facilite<br />

probablement le passage de l’ammoniac et d’autres métabolites toxiques dans<br />

le cerveau. Il en résulte un gonflement des astrocytes et un œdème. Il y a<br />

d’autres hypothèses relatives aux toxines produites par l’intestin, en particulier<br />

celle de la production endogène de substances analogues aux benzodiazépines,<br />

activant la transmission GABAergique et la production d’acides gras<br />

neurotoxiques à courte chaîne, de phénols et de mercaptans pouvant<br />

potentialiser la toxicité de l’ammoniac. Selon une autre hypothèse, une<br />

augmentation des acides gras à courte chaîne et des acides aminés aromatiques,<br />

associée à une diminution des acides aminés à chaîne ramifiée,<br />

causerait la production de faux neurotransmetteurs. En outre, le taux du principal<br />

neurotransmetteur neuro-inhibiteur, l’acide -aminobutyrique (GABA),<br />

augmente dans l’encéphalopathie. La présence de faux neurotransmetteurs, en<br />

particulier un modulateur endogène des récepteurs du GABA, suggère que le<br />

complexe de récepteurs GABA-diazépam intervient dans la pathogenèse de<br />

l’EH. Par conséquent, l’action synergique de l’ammoniac et d’autres toxines<br />

explique les nombreuses anomalies de l’insuffisance hépatique, telles les<br />

altérations dans le transport des précurseurs des neurotransmetteurs entre le<br />

sang et le cerveau, dans le métabolisme des acides aminés neurotransmetteurs<br />

et dans l’oxydation du glucose cérébral. Ces altérations peuvent se traduire<br />

par l’activation des neurotransmetteurs inhibiteurs (GABA, sérotonine) et par<br />

le blocage des neurotransmetteurs excitateurs (glutamate, catécholamines), se<br />

traduisant par une inhibition neurale accrue et une encéphalopathie hépatique.<br />

Il n’y a pas de test diagnostique spécifique pour l’encéphalopathie hépatique.<br />

L’anamnèse et l’examen clinique, en particulier un examen de l’état mental et


Le foie 701<br />

un examen neurologique complets, sont les outils les plus importants pour<br />

diagnostiquer l’EH et la distinguer des autres causes de maladie neurologique<br />

et d’encéphalopathie. La présence d’un astérixis est utile, mais n’est pas suffisant<br />

pour établir le diagnostic d’EH. Les tests sanguins aident à vérifier la présence<br />

et la gravité de l’hépatopathie et permettent d’écarter d’autres causes<br />

d’encéphalopathie telles que l’insuffisance rénale, l’hypoxie, rétention de CO 2<br />

et le surdosage de médicaments. Les tests sanguins sont également utiles pour<br />

identifier les facteurs déclencheurs d’EH, telle que l’hypoglycémie,<br />

l’azotémie, le déséquilibre des électrolytes et l’infection. On observe souvent<br />

une concentration sérique élevée d’ammoniac, qui est mal corrélée avec le<br />

degré d’encéphalopathie et qui peut être normale dans une proportion des cas<br />

pouvant atteindre 10 %. Les études par ponction lombaire et par imagerie<br />

cérébrale (tomodensitométrie ou IRM) peuvent être nécessaires pour écarter<br />

d’autres pathologies du système nerveux central. Le liquide céphalo-rachidien<br />

est habituellement normal et peut présenter une augmentation des protéines et<br />

du GABA. L’EEG révèle, essentiellement dans les zones frontales, une activité<br />

lente triphasique qui, bien que très sensible et caractéristique de l’EH, n’est<br />

pas spécifique à cette affection. Chez les patients présentant des symptômes<br />

cliniques d’EH, les tests neuropsychiatriques ne sont pas nécessaires, mais<br />

peuvent se révéler utiles pour établir un diagnostic d’EH légère. On peut<br />

recourir à un test d’évaluation psychométrique de l’encéphalopathie hépatique<br />

qui comprend une batterie de cinq tests papier-crayon : un de traçage de<br />

lignes, un de symboles numériques, un de série de points et deux de relations<br />

entre nombres.<br />

L’encéphalopathie hépatique déclenchée par une insuffisance hépatique<br />

aiguë s’accompagne habituellement d’un œdème cérébral et d’un pronostic<br />

mauvais. À moins que le foie ne montre des signes de rétablissement spontané,<br />

on doit envisager pour ces patients une greffe de foie orthotopique. Les<br />

patients présentant une encéphalopathie de grade 3 ou 4 sont habituellement<br />

traités en soins intensifs, car l’encéphalopathie s’accompagne souvent d’une<br />

défaillance polyviscérale. Le traitement peut faire intervenir la ventilation<br />

élective, la perfusion de mannitol et la surveillance de la pression intracrânienne.<br />

Pour favoriser le rétablissement et éviter les complications chez ces patients<br />

déroutés et souvent comateux, il est important d’assurer des soins médicaux<br />

et infirmiers méticuleux.<br />

L’EH frappe en général des patients atteints d’une hépatopathie chronique et<br />

elle est déclenchée par un événement cliniquement manifeste ou par la création<br />

spontanée ou chirurgicale d’une dérivation porto-systémique (tableau 48).<br />

L’aspect le plus important du traitement est la reconnaissance et le traitement<br />

rapide de ces facteurs déclenchants. Parmi les facteurs exogènes, il faut citer<br />

l’augmentation des protéines alimentaires, la constipation, l’administration de


702 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 48. Déclencheurs courants d’encéphalopathie hépatique<br />

Augmentation de la production de l’ammoniac, de son absorption ou de son passage dans le<br />

cerveau<br />

Excès de protéines alimentaires<br />

Hémorragie digestive<br />

Trouble électrolytique (hypokaliémie)<br />

Alcalose métabolique<br />

Constipation<br />

Azotémie<br />

Péritonite bactérienne spontanée<br />

Urinaire<br />

Pulmonaire<br />

Déshydratation<br />

Vomissements<br />

Diarrhée<br />

Diurétiques<br />

Ponction évacuatrice<br />

Médicaments<br />

Narcotiques, tranquillisants, sédatifs<br />

Alcool<br />

Dérivation porto-systémique<br />

Extenseurs guidés par radiographie ou installés par chirurgie<br />

Shunts spontanés<br />

Occlusion vasculaire<br />

Thrombose de la veine porte<br />

Thrombose de la veine sus-hépatique<br />

Carcinome hépatocellulaire primitif<br />

certains médicaments (sédatifs, narcotiques), l’hémorragie digestive,<br />

l’azotémie, l’hypoxie et l’infection (urinaire, respiratoire, péritonite bactérienne<br />

spontanée). Un carcinome hépatocellulaire sous-jacent peut se manifester par<br />

une exacerbation d’EH. On doit corriger la déshydratation, l’hyponatrémie et<br />

l’alcalose, souvent le résultat d’un traitement par les diurétiques. La correction<br />

d’une hypokaliémie est essentielle, parce que l’hypokaliémie augmente la<br />

production rénale d’ammoniac.<br />

L’objectif suivant du traitement est d’abaisser le taux des substances neurotoxiques<br />

en réduisant ou en arrêtant l’apport de protéines alimentaires et en<br />

expulsant les déchets azotés de l’intestin. On peut ramener l’ingestion de protéines


Le foie 703<br />

alimentaires à 20 g/jour et l’augmenter graduellement jusqu’à ce que la<br />

tolérance aux protéines soit établie. Les protéines végétales sont beaucoup<br />

mieux tolérées et l’augmentation du rapport calorico-azoté peut améliorer la<br />

tolérance aux protéines. La constipation est évitée par l’utilisation de laxatifs<br />

et, dans les cas plus urgents, par le nettoyage de l’intestin au moyen de lavements<br />

ou d’un lavage colique. On utilise souvent comme laxatif le lactulose,<br />

un disaccharide synthétique dégradé par les bactéries intestinales en lactate et<br />

en acétate, pour produire une acidification des selles et une diarrhée osmotique.<br />

L’acidification du contenu colique réduit l’absorption d’ammoniac, en partie<br />

par piégeage des composés azotés dans la lumière. La dose quotidienne de<br />

lactulose devrait être mesurée de manière à produire deux à quatre selles<br />

molles et acides (pH < 6,0) par jour. Pour la plupart des patients, cela<br />

représente entre 15 et 30 cm 3 p.o. 1 à 4 fois/jour. Les patients comateux ou<br />

présentant un iléus de l’intestin grêle peuvent recevoir du lactulose par lavement.<br />

Les effets secondaires les plus fréquents sont : goût excessivement sucré,<br />

flatulence, diarrhée et crampes. On peut utiliser le lactilol à la place du lactulose.<br />

Une diarrhée excessive peut amener une déplétion hydro-électrolytique, avec<br />

insuffisance rénale et peut accentuer l’EH. On peut utiliser le lactulose<br />

chroniquement pour réduire la fréquence des épisodes d’encéphalopathie. Ou<br />

encore, on peut adopter des antibiotiques, tels que la néomycine et le<br />

métronidazole. Ces médicaments inhibent le clivage de l’urée et les bactéries<br />

désaminantes, réduisant la production d’ammoniac et d’autres toxines potentielles.<br />

L’utilisation de la néomycine est maintenant limitée en raison de son<br />

potentiel néphrotoxique et de ses effets secondaires ototoxiques. Étant donné<br />

leur toxicité potentielle, les antibiotiques sont déconseillés à long terme. Les<br />

données limitées appuient l’utilisation de courte durée du lactulose et des<br />

antibiotiques dans des cas sélectionnés de résistance.<br />

Il existe d’autres démarches thérapeutiques possibles, en particulier lorsque<br />

que l’EH devient réfractaire. En se fondant sur l’augmentation des acides<br />

aminés aromatiques et la diminution des acides aminés à chaîne ramifiée<br />

(AACR), observées dans les cas d’EH, et l’effet sur la synthèse des neurotransmetteurs,<br />

on recommande un soutien nutritionnel par des formulations<br />

riches en AACR et pauvres en acides aminés aromatiques. La plupart des<br />

études portant sur les formulations orales d’AACR montrent une amélioration<br />

clinique en cas d’EH de faible grade et une augmentation de la tolérance aux<br />

protéines, alors que les études portant sur des formulations d’AACR<br />

intraveineuses ont donné des résultats non concluants et contradictoires.<br />

L’administration d’aspartate d’ornithine par voie intraveineuse s’est montrée<br />

utile et l’efficacité de la formulation orale est en cours d’évaluation dans le<br />

cadre d’études contrôlées. Deux des cinq enzymes intervenant dans la transformation<br />

métabolique de l’ammoniac en urée dépendent du zinc. Pour cette


704 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

raison et étant donné l’incidence notable de déficit en zinc chez les cirrhotiques<br />

et les résultats de certaines études montrant une amélioration de l’EH sous<br />

recharge en zinc, il conviendrait de rechercher ce déficit et de le corriger,<br />

le cas échéant. On a aussi suggéré que la diminution de l’activité de neurotransmission<br />

dopaminergique jouait un rôle dans l’EH. Toutefois, les études<br />

contrôlées n’ont décelé aucun effet bénéfique de la lévodopa ni de la bromocriptine.<br />

Lors d’études contrôlées, les antagonistes des récepteurs des benzodiazépines,<br />

comme le flumazénil, n’ont obtenu qu’un succès modeste, ce qui est un<br />

argument contre le rôle majeur des benzodiazépines endogènes dans la<br />

pathogenèse de l’EH. D’autres traitements sont à l’étude, en particulier l’utilisation<br />

de probiotiques pour modifier la population de bactéries entériques et<br />

l’utilisation de benzoate de sodium pour favoriser l’élimination de l’ammoniac<br />

de l’organisme. L’EH en tant que complication d’anastomoses portosystémiques<br />

spontanées ou chirurgicales ou de dérivation intrahépatique<br />

porto-systémique transjugulaire (DIPT) est habituellement traitée avec succès<br />

par des méthodes traditionnelles. Dans le cas de l’EH réfractaire avec DIPT<br />

compliquante, on peut améliorer les choses en implantant un extenseur réducteur<br />

de manière à réduire le débit sanguin. La greffe de foie orthotopique <strong>of</strong>fre la<br />

possibilité d’une inversion totale de l’EH. Cette intervention devrait donc être<br />

envisagée pour tous les patients atteints d’EH pour lesquels l’hépatopathie est<br />

une indication de greffe de foie.<br />

17. SYNDROME HÉPATO-RÉNAL / K.M. Peltekian<br />

Un dysfonctionnement rénal, appelé « syndrome hépato-rénal » (SHR), peut<br />

apparaître chez les patients souffrant d’une hépatopathie et d’une ascite<br />

terminales, du fait de la vasoconstriction rénale. L’aspect histologique des<br />

reins reste normal en cas de SHR et la fonction rénale redevient normale, ou<br />

quasi normale, après une greffe de foie. Dans ce chapitre, nous passons en<br />

revue ce trouble physiopathologique unique, en nous concentrant sur le diagnostic<br />

de SHR, sur les manifestations cliniques et sur le traitement.<br />

17.1 Définition<br />

Selon la conférence de consensus sur le syndrome hépato-rénal de l’International<br />

Ascites Club, « le SHR est une affection clinique touchant des patients atteints<br />

d’hépatopathie chronique, d’insuffisance hépatique avancée et d’hypertension<br />

portale. Elle est caractérisée par une insuffisance rénale et par des anomalies<br />

marquées de la circulation artérielle et de l’activité des systèmes vasoactifs<br />

endogènes. Il se produit dans la circulation intrarénale une vasoconstriction<br />

marquée qui se traduit par une réduction du taux de filtration glomérulaire


Le foie 705<br />

(TFG), tandis que, dans la circulation extrarénale, une vasodilatation artérielle<br />

prédominante aboutit à une diminution de la résistance vasculaire totale et à<br />

une hypotension artérielle. »<br />

On observe un SHR dans quelque 10 % des cas d’hépatopathie et d’ascite<br />

avancées. Bien que la concentration urinaire de sodium soit < 10 mEq/L chez<br />

la plupart des patients atteints de SHR, on ne considère pas cela comme un<br />

critère diagnostique important (tableau 49).<br />

On distingue deux types cliniques différents de SHR, selon l’intensité et le<br />

début du dysfonctionnement rénal (tableau 49). Les caractéristiques dominantes<br />

du SHR de type 1 sont une insuffisance rénale marquée, avec oligurie ou<br />

anurie, accompagnée d’une augmentation de l’urée et de la créatinine<br />

sériques. Malgré la réduction extrême de la filtration glomérulaire, la créatinine<br />

sérique chez les patients atteints de SHR est habituellement inférieure à la<br />

valeur observée dans l’insuffisance rénale aiguë chez les patients sans<br />

hépatopathie. Ce fait est dû à la baisse de la production hépatique de créatine<br />

et à la diminution de la production endogène de créatinine due à la fonte de la<br />

masse musculaire chez les patients présentant une hépatopathie avancée<br />

d’origine cirrhotique. Le SHR de type 1 s’accompagne d’un taux de survie<br />

très faible, avec une survie médiane de deux semaines. Par contre, le SHR de<br />

type 2 est caractérisé par une réduction moins grave et stable de la filtration<br />

glomérulaire (tableau 49). Les patients sont dans un état clinique meilleur que<br />

ceux de type 1 et leur survie est nettement plus longue. La caractéristique<br />

clinique dominante chez ces patients est l’ascite résistant aux diurétiques du<br />

fait d’une combinaison de rétention sodique intense, de réduction de la filtration<br />

glomérulaire et de stimulation marquée des systèmes antinatriurétiques.<br />

17.2 Pathogenèse<br />

La théorie de la vasodilatation artérielle explique mieux la relation existant<br />

entre les changements dans la circulation rénale, l’activation des mécanismes<br />

vasoconstricteurs et la présence de troubles marqués de l’hémodynamie<br />

générale (figure 38). L’hypoperfusion rénale constitue une manifestation<br />

extrême d’un sous-remplissage de la circulation artérielle dû à la vasodilatation<br />

marquée du lit vasculaire splanchnique. Ce sous-remplissage artériel se<br />

traduirait par l’activation progressive des systèmes vasoconstricteurs par<br />

l’intermédiaire de barorécepteurs, en particulier le système rénine-angiotensine<br />

et le système nerveux sympathique, aboutissant à une vasoconstriction non<br />

seulement dans la circulation rénale, mais aussi dans d’autres lits vasculaires.<br />

Le facteur le plus important responsable de la vasodilatation splanchnique est<br />

l’oxyde nitrique, bien que d’autres facteurs, tels les prostaglandines et les<br />

peptides vasodilatateurs, puissent également intervenir.


706 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 38. Pathogenèse du syndrome hépato-rénal. Le processus initial dans la pathogenèse<br />

du syndrome hépato-rénal est une vasodilatation générale combinée à un suremplissage dû à<br />

une rétention rénale inappropriée de sodium et d’eau, même en l’absence d’une déplétion<br />

volumique. Avec la progression de l’hépatopathie, il se produit une séquestration inappropriée<br />

de liquide dans les canaux vasculaires splanchniques due à une hypertension portale, résultant<br />

en une diminution du volume de sang circulant efficace. La diminution apparente du volume<br />

intravasculaire et le sous-remplissage sont détectés par les reins qui y répondent par la vasoconstriction<br />

rénale et la rétention de sodium et d’eau en vue de rétablir la volémie. Des<br />

extrêmes de vasodilatation générale, de vasoconstriction rénale et de rétention de sodium<br />

aboutissent au syndrome hépato-rénal.<br />

17.3 Diagnostics différentiels<br />

On doit faire la distinction entre le syndrome hépato-rénal et les autres causes<br />

d’insuffisance rénale. Il convient d’écarter l’insuffisance rénale iatrogénique,<br />

en particulier celle d’origine médicamenteuse due aux aminosides, aux antiinflammatoires<br />

non stéroïdiens ou aux inhibiteurs de la cyclo-oxygénase 2. Il<br />

faut aussi distinguer le syndrome hépato-rénal de l’azotémie prérénale et de la<br />

nécrose tubulaire aiguë. On peut écarter l’azotémie prérénale en constatant<br />

qu’une expansion du volume intravasculaire par les colloïdes n’a aucun effet<br />

favorable soutenu. La nécrose tubulaire aiguë est caractérisée par un taux de<br />

sodium urinaire élevé.<br />

De plus, la cirrhose, en particulier la cirrhose de type alcoolique, peut<br />

s’accompagner d’une néphropathie à IgA. Les hépatites B et C peuvent provoquer<br />

une glomérulopathie, souvent associée à une protéinurie. La toxicité de l’acétaminophène<br />

peut aussi causer une insuffisance hépatique et rénale concomitante<br />

avec une forte excrétion de sodium urinaire.<br />

17.4 Traitement<br />

Le traitement d’un syndrome hépato-rénal établi est difficile et la survie est<br />

faible sans greffe de foie. On a fréquemment recours à l’hémodialyse comme


TABLEAU 49. Critère de diagnostic et classification du syndrome hépato-rénal<br />

Le foie 707<br />

Principaux critères<br />

• Insuffisance hépatique chronique ou aiguë avancée avec hypertension portale;<br />

• Créatinine sérique > 130 mmol/L ou clairance de la créatinine en 24 h < 40 mL/min;<br />

• Absence de choc, d’infection bactérienne en cours, de perte liquidienne gastro-intestinale ou<br />

rénale massive et de traitement en cours par des médicaments néphrotoxiques;<br />

• Absence d’amélioration soutenue de la fonction rénale (diminution de la créatinine sérique<br />

au-dessous de 130 mmol/L) après l’arrêt des diurétiques et un essai d’expansion plasmatique;<br />

• Absence de protéinurie (< 0,5 g/jour) et d’uropathie obstructive à l’échographie ou de maladie<br />

rénale parenchymateuse.<br />

Critères supplémentaires<br />

• Volume d’urine < 500 mL/jour;<br />

• Sodium urinaire < 10 mEq/L;<br />

• Concentration sérique de sodium < 130 mEq/L.<br />

Types de syndrome hépato-rénal<br />

Type 1<br />

Insuffisance rénale progressive définie par un doublement de la créatinine sérique initiale au<br />

dessus de 220 mmol/L en moins de deux semaines; ou<br />

Type 2<br />

Insuffisance rénale stable ou lentement progressive non conforme aux critères ci-dessus.<br />

mesure de temporisation, afin de contrôler l’azotémie et de maintenir l’équilibre<br />

des électrolytes chez les personnes en attente d’une greffe de foie. L’hém<strong>of</strong>iltration<br />

veino-veineuse continue réduit l’hypotension, qui se produit<br />

fréquemment, parfois en association avec une ischémie. Certains rapports<br />

isolés montrent une inversion du SHR à la suite d’une dérivation péritonéoveineuse,<br />

mais aucune étude contrôlée ne confirme les avantages de cette<br />

intervention en terme de survie. On utilise la dérivation intrahépatique portosystémique<br />

transjugulaire (DIPT) en traitement de remplacement lorsqu’une<br />

hémorragie de varice œsophagienne ne répond pas au traitement standard ou<br />

en cas d’ascite réfractaire. Des rapports isolés documentent le recours à la<br />

DIPT chez des patients atteints de SHR. Mais la greffe de foie reste le traitement<br />

idéal pour le SHR, parce qu’elle guérit l’hépatopathie et permet la reprise de la<br />

fonction rénale. Des médicaments ayant des effets vasoconstricteurs sur la<br />

circulation splanchnique se sont révélés prometteurs ces dernières années. Un<br />

rapport publié en Europe concerne l’association de l’octréotide et de la midodrine<br />

(agoniste alpha-adrénergique), combinée à une perfusion d’albumine dans<br />

le traitement du SHR de type 1. Les huit patients traités par la midodrine,<br />

l’octréotide et l’expansion volumique ont montré une amélioration de la fonction<br />

rénale. On n’a signalé aucun effet indésirable chez ces patients.


708 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

18. GREFFE DE FOIE / L.B. Lilly, N. Girgrah et G.A. Levy<br />

La première greffe de foie a été réalisée chez l’humain par Starzl en 1963. Il<br />

s’agissait d’un garçon de trois ans présentant une atrésie biliaire. Il a fallu<br />

attendre 1967 pour la première greffe de foie réussie, chez une petite fille de<br />

18 mois atteinte d’un carcinome hépatocellulaire. La patiente est décédée<br />

d’une récidive de tumeur 17 mois plus tard. Le taux de survie à un an durant<br />

les premières années était de 25 % à 35 %; les immunosuppresseurs utilisés<br />

étaient la méthylprednisolone et l’azathioprine. Grâce à l’arrivée de la<br />

cyclosporine au début des années 1980, la greffe de foie est devenue une réalité<br />

clinique et <strong>of</strong>fre maintenant des taux de survie à un an et à cinq ans supérieurs<br />

à 85 % et à 70 % respectivement.<br />

Avec l’amélioration spectaculaire des résultats, la greffe de foie est devenue<br />

rapidement le traitement de référence pour l’hépatopathie terminale. Le nombre<br />

des centres procédant à des greffes de foie dépasse maintenant 170 en<br />

Amérique du Nord, avec plus de 5 000 greffes de foie par an aux États-Unis<br />

seulement. Au Canada, il y a des centres actifs à Halifax (Nouvelle-Écosse),<br />

à Montréal (Québec), à Toronto et London (Ontario), à Edmonton (Alberta) et<br />

à Vancouver (Colombie-Britannique), avec près de 400 greffes de foie par an.<br />

On considère maintenant normal un taux de survie à un an compris entre<br />

80 et 90 %. Ce qui limite le recours à la greffe de foie en cas d’hépatopathie<br />

c’est la disponibilité de foies de donneur.<br />

18.1 Évaluation en vue de la greffe<br />

Un patient devrait être envisagé comme candidat à une greffe de foie lorsque<br />

trois conditions sont remplies : 1) il y a diagnostic d’hépatopathie aiguë ou<br />

chronique irréversible, pour laquelle la durée de survie est nettement<br />

inférieure à celle faisant suite à une greffe de foie; 2) il n’y a aucun autre<br />

traitement médical ou chirurgical (une DIPT pour ascite réfractaire, par exemple);<br />

3) il n’y a ni contre-indication absolue ni co-morbidité importante pouvant<br />

augmenter notablement le risque accompagnant une greffe. Dans la plupart<br />

des cas d’hépatite chronique, c’est l’apparition des complications de l’hypertension<br />

portale (ascite, hémorragie variqueuse ou encéphalopathie) qui oriente<br />

le patient vers le greffe de foie.<br />

Le tableau 50 montre les indications les plus fréquentes de la greffe de foie<br />

chez les adultes et les enfants. L’hépatopathie terminale due à une hépatite C<br />

est actuellement l’indication la plus fréquente chez les adultes, représentant<br />

près de 50 % des patients sur la liste d’attente. Dans la plupart des programmes,<br />

les patients atteints d’hépatite alcoolique représentent une proportion supplémentaire<br />

de 15 à 20 %, l’hépatite B contribuant 5 à 10 % environ. La différence<br />

est due aux hépatopathies cholestatiques (10 à 15 %) et aux cirrhoses


Le foie 709<br />

attribuables à une hémochromatose, à un déficit en alpha 1-antitrypsine ou à<br />

une hépatite auto-immune (outre les cas occasionnels d’hépatopathie<br />

polykystique et d’autres indications inhabituelles). La plupart des programmes<br />

réalisent moins de 5 % de greffe de foie pour hépatopathie fulminante.<br />

La greffe pour hépatite B devient moins controversée. Les premiers efforts<br />

étaient en effet fortement affectés par des taux de récidive élevés et des durées<br />

de survie sous-optimales, en raison de l’absence de traitement antiviral efficace,<br />

mais les stratégies actuelles, utilisant l’immunoglobuline anti-hépatite B<br />

(IgHB) en association avec la lamivudine a permis de réduire notablement la<br />

récidive, avec des taux de survie du patient et du greffon similaires à ceux des<br />

autres indications. La plupart des programmes exigent une réplication virale<br />

faible avant la greffe, pour assurer un résultat optimal.<br />

Le carcinome hépatocellulaire, en particulier chez les patients atteints<br />

d’une hépatique virale, est aujourd’hui une indication de plus en plus<br />

fréquente de greffe d’organe. À Toronto, par exemple, près d’un tiers des<br />

patients greffés en 2003 présentaient un hépatome. Les meilleurs résultats<br />

étaient obtenus dans les cas de tumeur unique de moins de 5 cm de diamètre,<br />

en l’absence de tout signe d’envahissement vasculaire ou lymphatique, et dans<br />

les cas de 3 lésions au maximum ne dépassant pas 3 cm, également en l’absence<br />

de tout signe d’envahissement ou de dissémination.<br />

Le médecin devrait connaître la politique du centre de transplantation lorsqu’il<br />

envisage de lui adresser un patient. L’exclusion de patients présentant des contreindications<br />

à la greffe de foie (tableau 51) permet d’optimiser l’utilisation d’une<br />

ressource rare tout en maximisant les avantages pour les patients.<br />

Étant donné la rareté des organes disponibles, la sélection du patient et le<br />

temps choisi pour la greffe exigent une évaluation individuelle. Le patient dont<br />

la cirrhose est décompensée ne devrait pas être mourant, car cela augmente à<br />

un degré inacceptable le risque d’échec de l’intervention, mais son état ne<br />

devrait pas être stable au point de lui permettre de vivre indépendamment sans<br />

greffe de foie.<br />

18.2 Bilan préopératoire<br />

Les principes du bilan préopératoire sont d’établir de façon certaine l’étiologie<br />

de l’hépatopathie et d’identifier les contre-indications à l’opération. Le patient<br />

est évalué par une équipe multidisciplinaire composée d’un médecin, d’un<br />

chirurgien, d’un anesthésiste, d’un radiologue, d’un travailleur social et d’un<br />

psychiatre, pour assurer le réussite de la greffe.<br />

18.3 Moment choisi pour la greffe<br />

Étant donné l’amélioration des résultats des greffes de foie, les critères de<br />

qualité de vie peuvent être pris en considération en orientant les patients vers


710 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 50. Indications de la greffe de foie<br />

Cirrhose reliée à une hépatite virale<br />

• B ± D (ADN de VHB négatif)<br />

• C<br />

• Non A–E<br />

Hépatopathie cholestatique<br />

• Cirrhose biliaire primitive<br />

• Cholangite sclérosante primitive<br />

• Atrésie biliaire<br />

• Sarcoïdose cholestatique<br />

• Maladie du greffon contre l’hôte<br />

• Rejet chronique avec ductopénie<br />

• Cholangite sclérosante secondaire<br />

• Cholestase et cirrhose biliaire d’origine médicamenteuse<br />

Cirrhose alcoolique<br />

Insuffisance hépatique fulminante (hépatite virale A–E, herpèsvirus, adénovirus, maladie de<br />

Wilson, médicaments, syndrome de Reye)<br />

Néoplasmes (hépatome, hépatoblastome, carcinome fibrolamellaire, cholangiocarcinome,<br />

hémangiosarcome)<br />

Hépatopathie métabolique (déficit en 1-antitrypsine, maladie de Wilson, hémochromatose,<br />

glycogénose de type 4, tyrosinémie, maladie de Gaucher, fibrose kystique)<br />

Maladies vasculaires (syndrome de Budd-Chiari, maladie veino-occlusive)<br />

Maladies congénitales (maladie de Caroli, kyste cholédocien, maladie polykystique, hémangiome)<br />

la greffe de foie. Toutefois, la rareté des organes disponibles ne permet<br />

d’envisager la greffe que pour les cas les plus avancés. Il est évident que la<br />

greffe de foie devrait être envisagée avant que ne surviennent des complications<br />

catastrophiques et avant qu’il ne devienne nécessaire d’assurer le maintien des<br />

fonctions vitales, bien que les listes d’attente risquent de s’allonger du fait que<br />

les patients y sont inscrits plus tôt.<br />

18.4 Modèle d’hépatopathie terminale (MELD)<br />

Le principe général à la base de l’attribution des foies de donneur est qu’on<br />

doit proposer la greffe aux receveurs potentiels les plus malades, qui sont<br />

exposés à un grand risque de décès. Au Canada, les foies sont attribués<br />

en fonction de la durée d’attente globale des receveurs potentiels, de la<br />

compatibilité des groupes sanguins ABO, ainsi que de l’état médical des<br />

receveurs. L’attribution des foies d’après l’état médical repose sur les catégories<br />

suivantes : catégorie 1 : patient chez lui attendant une greffe de foie;<br />

catégorie 2 : patient hospitalisé; catégorie 3 : patient en unité de soins courants


TABLEAU 51. Contre-indications de la greffe de foie<br />

Le foie 711<br />

1. Absolues<br />

Septicémie à l’extérieur de l’arbre biliaire<br />

Cancer extrahépatique<br />

Affection cardio-pulmonaire de stade avancé<br />

Hypertension pulmonaire grave (Pression artérielle pulmonaire 60 mmHg)<br />

Sida<br />

Abus régulier d’alcool ou de substances<br />

Incapacité à accepter l’intervention, à en comprendre la nature et à collaborer aux soins médicaux<br />

requis par la suite<br />

2. Relatives<br />

Insuffisance rénale chronique<br />

Âge<br />

Problèmes vasculaires(thrombose de la veine portale et de la veine mésentérique supérieure ou<br />

chirurgie de dérivation antérieure)<br />

Soutien psychologique inadéquate<br />

Autre(s) maladie(s) extrahépatique(s) importante(s)<br />

avec insuffisance rénale et/ou encéphalopathie; catégorie 4 : patient en unité<br />

de soins intensifs, intubé et ventilé. Au Canada, les organes sont priorisés et<br />

attribués à l’échelle nationale et régionale en fonction d’abord de la catégorie<br />

médicale, puis de la durée d’attente. Dans un pays comme le Canada, où il y<br />

a relativement peu de programmes de greffe de foie, l’algorithme d’attribution<br />

des organes a assez bien servi la population, malgré quelques insuffisances<br />

et une certaine subjectivité, en particulier en stratifiant les patients dans les<br />

catégories médicales 1 et 2.<br />

Le score MELD (Model for End-stage Liver Disease) incorpore l’INR, la<br />

bilirubine et la créatinine sérique du patient. Il a été élaboré à l’origine comme<br />

prédicteur de survie des patients atteints d’hépatopathie terminale, pour<br />

l’insertion d’une dérivation intrahépatique porto-systémique transjugulaire<br />

(DIPT). Le score est arrondi au nombre entier le plus proche et est compris<br />

entre 6 et 40. Il a été validé par la suite comme prédicteur de survie des<br />

patients de la liste d’attente. Il a de ce fait été adopté aux États-Unis par le<br />

réseau UNOS (United Network for Organ Sharing) en février 2002 comme<br />

système d’attribution des organes.<br />

Les principales caractéristiques qui distinguent le score MELD du score de<br />

Child-Turcotte-Pugh (CTP) (autre système conçu à l’origine comme prédicteur<br />

de survie des patients cirrhotiques subissant une dérivation chirurgicale et utilisé<br />

par la suite comme prédicteur de survie des patients présentant une<br />

hépatopathie avancée), sont l’absence de deux paramètres cliniques subjectifs,


712 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 52. Mortalité à 3 mois pour les receveurs potentiels de greffe de foie, basée sur le<br />

score du modèle d’hépatopathie terminale (MELD) et le score de<br />

Child-Turcotte-Pugh (CTP)<br />

MELD CTP<br />

40


Le foie 713<br />

À l’hôpital général de Toronto, près de 100 greffes de foie de donneurs<br />

vivants adultes ont été effectuées depuis avril 2000, sans décès de donneur,<br />

avec des taux de survie de receveur et de greffon similaires aux greffes de foie<br />

de donneur décédé. Étant donné la longueur des listes d’attente et la mortalité<br />

croissante des patients en attente, la plupart des receveurs se voient <strong>of</strong>frir une<br />

GFDV dans les situations où un donneur vivant convenable se présente. À<br />

l’heure actuelle, seul les receveurs candidats à une greffe de foie de donneur<br />

décédé sont envisagés pour une GFDV. Toutefois, la situation pourrait changer<br />

avec l’évolution des principes éthiques dans ce domaine. Les controverses<br />

relativement à la GFDV comprennent la récidive d’hépatite C dans une allogreffe<br />

de foie de donneur vivant, ainsi que le rôle de la GFDV chez des<br />

receveurs potentiels infectés par le HIV ou présentant un carcinome hépatocellulaire,<br />

qui sortent des lignes directrices courantes de pratique pour la<br />

greffe de foie.<br />

18.6 Modalités de l’intervention<br />

Les détails techniques de l’intervention dépassent le cadre de cette discussion.<br />

Toutefois, un certain nombre de points méritent d’être examinés. Au cours de<br />

l’opération, le foie est détaché de ses supports et l’arrivée de sang et le retour<br />

au cœur par la veine cave inférieure sont interrompus. Il peut en résulter une<br />

instabilité hémodynamique qui, si elle ne peut être corrigée, peut nécessiter<br />

une dérivation veino-veineuse (le sang de la veine cave inférieure et de la<br />

veine porte est détourné vers la veine axillaire) ou une intervention chirurgicale<br />

différente. Le foie est retiré et le greffon suturé en place. Bien que le greffon<br />

ait été abondamment rincé avant la reperfusion pour éliminer la solution de<br />

conservation riche en potassium, des anomalies cardiaques notables peuvent<br />

se produire à ce moment-là. Étant donné ces événements peropératoires<br />

possibles, il est indispensable de procéder à une évaluation complète de l’état<br />

cardiaque du patient avant l’opération.<br />

18.7 Traitement postopératoire<br />

Durant la période postopératoire, on doit rester attentif à divers aspects<br />

fonctionnels, dont l’équilibre hydro-électrolytique, la fonction respiratoire,<br />

l’état neurologique, l’immunosuppression et le fonctionnement du greffon.<br />

Dans la plupart des cas, les patients sont rapidement extubés dans les<br />

24 heures suivant l’intervention. Cependant, il peut être nécessaire d’assurer<br />

une assistance ventilatoire pendant une période prolongée, particulièrement<br />

lorsque le greffon tarde à devenir fonctionnel ou en présence d’épanchements<br />

pleuraux importants, d’infiltrats pulmonaires et/ou de dysfonction ou de<br />

paralysie du diaphragme. Si le patient était pr<strong>of</strong>ondément encéphalopathique<br />

avant la greffe, il lui faut habituellement une période prolongée d’assistance<br />

ventilatoire et de soins en unité de soins intensifs.


714 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Après la greffe, la plupart des patients sont dans un état de surcharge<br />

hydrique. La concentration sérique d’albumine est habituellement faible et les<br />

patients répondent bien à l’apport de colloïdes et aux diurétiques. L’insuffisance<br />

rénale, nécessitant occasionnellement une dialyse, n’est pas rare après<br />

l’opération, en particulier du fait que l’état des patients subissant l’opération<br />

s’est détérioré avec l’allongement de l’attente. L’insuffisance rénale peut être<br />

due à une combinaison de facteurs, par exemple une maladie rénale préexistante,<br />

un syndrome hépato-rénal, une perte de sang peropératoire et une hypotension<br />

aboutissant à une nécrose tubulaire, une néphrotoxicité médicamenteuse (en<br />

particulier avec la cyclosporine ou le tacrolimus), une mauvaise fonction<br />

hépatique et une septicémie.<br />

Le fonctionnement du greffon se rétablit presque immédiatement après<br />

la greffe. Les anomalies de coagulation sont des marqueurs sensibles de<br />

dysfonctionnement hépatique et les paramètres de coagulation devraient<br />

revenir à des valeurs normales dans les 48 heures chez la plupart des patients.<br />

Le fonctionnement retardé du greffon ou l’absence de fonctionnement<br />

primaire sont des événements rares et peuvent s’accompagner de coagulopathie,<br />

encéphalopathie, hypoglycémie, hyperkaliémie ou insuffisance rénale.<br />

L’absence de normalisation des paramètres de coagulation constitue par<br />

conséquent un signe probable d’échec de la greffe et indique la nécessité<br />

d’une nouvelle greffe.<br />

Parmi les causes de dysfonctionnement hépatique notable au cours des<br />

premières 48 heures, il faut noter le rejet cellulaire accéléré, l’absence de<br />

fonctionnement primaire ou la thrombose d’une artère hépatique. Il peut être<br />

difficile de les distinguer en se basant sur les observations cliniques et le<br />

diagnostic peut nécessiter une étude radiologique, par échographie Doppler<br />

ou angiographie.<br />

La plupart des patients se réveillent dans les quelques heures suivant la<br />

greffe, mais il peut falloir, à ceux qui présentaient une insuffisance hépatique<br />

fulminante, 1 à 3 jours pour que leur état neurologique revienne à la normale.<br />

Chez ces patients, la surveillance de la pression intracrânienne peut être utile<br />

pour la sélection et pour le traitement périopératoire. Immédiatement après<br />

l’opération, les narcotiques et les sédatifs sont maintenus au minimum. Il peut<br />

se produire une confusion et des convulsions, habituellement liées à des<br />

perturbations métaboliques (p. ex. magnésium sérique faible), qui sont des<br />

complications connues de l’utilisation de la cyclosporine et du tacrolimus. À<br />

l’Université de Toronto, tous les patients reçoivent une perfusion continue de<br />

sulfate de magnésium pendant 72 à 96 heures après l’opération, suivie de<br />

suppléments oraux pendant 3 mois.


Le foie 715<br />

18.8 Immunosuppression<br />

Cyclosporine. La cyclosporine (actuellement disponible comme formulation<br />

microémulsifiée sous le nom de Neoral ® ) est considérée comme l’un des<br />

facteurs les plus importants de l’amélioration des résultats des greffes de foie.<br />

Avec ce médicament, le taux de survie à un an des greffés de foie est passé<br />

brusquement de 30 % à plus de 70 %. La cyclosporine se lie à une protéine<br />

cellulaire spécifique, la cyclophilline, et par une série d’événements intracellulaire,<br />

empêche l’activation des lymphocytes T et la production de l’interleukine<br />

2 (IL-2). La cyclosporine est administrée de préférence par voie orale; la perfusion<br />

intraveineuse est rarement nécessaire. Sa posologie est ajustée de manière<br />

que la concentration sanguine ne descende pas au-dessous de 300 à 400 ng/mL<br />

ou, immédiatement après l’opération, au-dessous de 1 000 à 1 400 ng/mL<br />

pendant deux heures (C2). La surveillance quotidienne de la concentration de<br />

cyclosporine s’impose durant la période postopératoire, car ce médicament a<br />

un index thérapeutique étroit (de l’efficacité à la toxicité). La cyclosporine<br />

interagit avec de nombreux médicaments, en particulier avec les antibiotiques<br />

et les inhibiteurs calciques. Il convient donc d’être prudent en administrant un<br />

médicament, quel qu’il soit, à des patients traités par la cyclosporine. Les<br />

effets indésirables courants de la cyclosporine sont le dysfonctionnement<br />

rénal, les tremblements et les maux de tête.<br />

Tacrolimus (FK506; Prograf ® ). Le tacrolimus est un inhibiteur de la calcineurine<br />

qui se lie aux protéines de liaison du FK avant d’inhiber l’activation<br />

des lymphocytes T par blocage de la production d’IL-2 de manière similaire<br />

à la cyclosporine. La surveillance se fait en se basant sur la concentration<br />

minimum, avec une valeur cible de 10 à 15 ng/mL tôt après la greffe. Des<br />

études récentes suggèrent des taux de rejet similaires, entre 20 et 25 % pour<br />

les deux produits. La néphrotoxicité du tacrolimus est semblable à celle de la<br />

cyclosporine et l’hypertension est également fréquente. L’incidence de diabète<br />

et de diarrhée après la greffe pourrait être plus élevée chez les patient sous<br />

tacrolimus que chez ceux sous cyclosporine. Le tacrolimus pourrait jouer un<br />

rôle dans le traitement du rejet chronique.<br />

Corticostéroïdes. Tous les patients reçoivent de la méthylprednisolone<br />

durant la période périopératoire, souvent à la dose de 500 mg dans la salle<br />

d’opération. Par la suite, la dose est ramenée rapidement à 20 mg/jour. Les<br />

stéroïdes sont arrêtés au cours de la période des six premiers mois à un an chez<br />

la majorité des patients. Les principaux effets secondaires comprennent une<br />

hausse de l’incidence d’infections (bactériennes et fongiques), une hyperglycémie,<br />

un retard de cicatrisation, une ostéoporose et une hypercholestérolémie.<br />

Des protocoles sans stéroïde, pour les greffés atteints d’hépatite C, sont en cours<br />

d’évaluation.


716 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Mycophénolate m<strong>of</strong>étil (MMF / Cellcept ® ). Le MMF est un puissant inhibiteur<br />

non compétitif réversible de l’inosine monophosphate déshydrogénase. Il agit<br />

comme inhibiteur sélectif de la prolifération des lymphocytes T et B en<br />

bloquant la production de nucléotides (guanosine) et en interférant avec la<br />

glycosylation des molécules d’adhésion. L’effet secondaire principal du MMF<br />

est l’hypoplasie médullaire. Toutefois, le médicament n’est pas néphrotoxique<br />

et est un agent important dans les schémas médicamenteux triples, permettant<br />

de réduire la posologie et, par conséquent, la toxicité des inhibiteurs de<br />

calcineurine. Bon nombre de patients ont également des effets secondaires<br />

digestifs notables, de sorte qu’il faut fréquemment modifier la dose. La plupart<br />

des centres de transplantation ne surveillent pas la concentration du médicament.<br />

Produits antilymphocytaires. Les anticorps antilymphocytaires peuvent être<br />

monoclonaux (OKT3) ou polyclonaux (ALG, ATG, thymoglobuline). Dans<br />

les deux cas, le but du traitement est de prévenir ou de traiter le rejet du greffon<br />

par déplétion des lymphocytes. L’utilisation de ces produits s’accompagne<br />

d’une augmentation du taux d’infections virales, en particulier à cytomégalovirus<br />

(CMV), ainsi qu’à un risque accru de troubles lymphoprolifératifs.<br />

L’anticorps OKT3 s’accompagne d’effets secondaires à la libération du facteur<br />

de nécrose des tumeurs et de l’IL-1, pouvant aller de symptômes pseudogrippaux<br />

légers à un œdème pulmonaire et un collapsus cardio-vasculaire<br />

menaçant le pronostic vital. Dans la greffe de foie, l’utilisation de ces médicaments<br />

est généralement limitée à l’induction de l’immunosuppression en cas<br />

d’insuffisance rénale ou de dysfonctionnement neurologique notable (pour<br />

épargner les inhibiteurs de calcineurine) et dans le traitement du rejet résistant<br />

aux stéroïdes.<br />

Rapamycine (Rapamune ® ). Ce métabolite macrolide secondaire a un mécanisme<br />

d’action nettement différent de celui des inhibiteurs de calcineurine. Il se<br />

fixe aux protéines de liaison du FK et inhibe la prolifération dépendant du<br />

facteur de croissance des cellules hématopoïétiques et non hématopoïétiques, de<br />

la phase G1 à la phase S, par l’intermédiaire de signaux indépendants du calcium.<br />

On a montré qu’il empêchait efficacement le rejet des allogreffes et qu’il<br />

inversait le rejet en cours dans des modèles animaux. Il est largement utilisé<br />

dans les greffes de rein humain. On n’a observé aucun effet secondaire majeur<br />

sur d’autres organes. On a noté, lors des premiers essais cliniques dans des<br />

greffes de foie, un risque accru de thrombose au début de la période postgreffe.<br />

Cet agent est toujours à l’étude au Canada.<br />

RAD (Everolimus ® ). Similaire à la rapamycine, ce composé fait actuellement<br />

l’objet d’études cliniques lors de greffes de foie humain. Des études récentes ont<br />

établi l’intérêt de son utilisation lors des greffes de cœur, où son emploi s’est<br />

traduit par une diminution de la vasculopathie chronique des allogreffes.


Le foie 717<br />

Antagonistes du récepteur de l’IL-2. Le basiliximab (Simulect ® ) et le<br />

daclizumab (Zenapax ® ) sont des anticorps monoclonaux spécifiques aux<br />

récepteurs d’IL-2, qui inhibent la prolifération des lymphocytes T en se liant<br />

à la chaîne alpha du complexe récepteur de l’IL-2 des lymphocytes T activés.<br />

On a montré que ces composés réduisaient l’incidence de rejet aigu d’allogreffe<br />

lors des greffes de rein et amélioraient la survie à un an du greffon et du<br />

patient. Le rôle de ces agents dans la greffe de foie, en particulier dans les<br />

protocoles d’épargne des calcineurines ou des stéroïdes, reste incertain.<br />

Campath-1H. Campath-1H est un anticorps monoclonal humanisé contre la<br />

protéine CD52 qui se trouve à la surface des lymphocytes et d’autres cellules<br />

du système immunitaire. Cet agent a été testé largement contre les malignités<br />

lymphoïdes, lors des maladies auto-immunes (dont la polyarthrite rhumatoïde)<br />

et dans les greffes d’organe. À l’heure actuelle, des études évaluent plus en<br />

pr<strong>of</strong>ondeur l’innocuité et l’efficacité de cet agent dans les greffes d’organe<br />

plein. La déplétion des cellules immunitaires à l’aide de Campath-1H semble<br />

être particulièrement utile dans les greffes d’organe parce qu’il réduit la<br />

dose d’entretien d’immunosuppresseurs, une caractéristique que l’on pense<br />

importante pour induire la tolérance.<br />

18.9 Complications postopératoires<br />

Les complications communes à toute intervention chirurgicale peuvent<br />

survenir au cours d’une greffe de foie. Toutefois, un certain nombre d’effets<br />

indésirables sont particuliers à cette intervention. La plus inquiétante des<br />

complications postopératoires est le non-fonctionnement primitif (NFP) de<br />

l’organe greffé. L’incidence de NFP est compris entre 2 et 10 % et le NFP se<br />

manifeste par une aggravation des paramètres de coagulation qu’il est impossible<br />

à corriger, par une acidose croissante, par une insuffisance rénale et par la<br />

détérioration de l’état mental du patient. L’étiologie du NFP n’est pas claire et<br />

le traitement requiert une nouvelle greffe d’urgence. Un dysfonctionnement<br />

primaire moins grave de l’organe greffé est traité avec un certain succès par<br />

l’administration de prostaglandine E-1 et/ou de N-acétylcystéine.<br />

Les thromboses vasculaires qui se produisent tôt après la greffe sont<br />

généralement de nature technique. Bien que la thrombectomie de la veine<br />

porte et de l’artère hépatique ait connu un certain succès, une nouvelle greffe<br />

est habituellement nécessaire en cas de thrombose de ces vaisseaux.<br />

Le canal biliaire est le « talon d’Achille » de la greffe de foie. Des problèmes<br />

surviennent dans 10 à 20 % des cas. Des fuites précoces se produisent à la<br />

suite d’une ischémie, d’une septicémie ou d’un rejet grave. Le canal biliaire<br />

peut être irréversiblement endommagé en cas de thrombose de l’artère hépatique<br />

immédiatement après la greffe.


718 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

On observe un rejet aigu d’allogreffe chez 20 à 30 % des greffés,<br />

habituellement au cours des trois mois suivant l’intervention. On soupçonne<br />

un rejet lorsque le patient présente une élévation des enzymes hépatiques.<br />

L’élévation peut être de type hépatocellulaire (élévation de l’ASAT) ou<br />

cholestatique (élévation de la bilirubine et de la phosphatase alcaline). Une<br />

fièvre, des malaises et une gêne dans l’hypocondre droit sont des signes tardifs<br />

de rejet et ne devraient pas être nécessaires au diagnostic. Le diagnostic de rejet<br />

est confirmé par une biopsie hépatique. Les observations histologiques<br />

comprennent une inflammation périportale avec cellules mononucléaires et<br />

éosinophiles, une lésion des canaux biliaires et une endophlébite. Les épisodes<br />

de rejet cellulaire répondent habituellement à l’administration de doses élevées<br />

de stéroïdes. Les patients dont le rejet ne répond pas aux stéroïdes sont traités<br />

habituellement par une globuline antithymocyte (monoclonale ou polyclonale)<br />

pendant 7 à 14 jours. Le tacrolimus pourrait jouer un rôle dans le traitement des<br />

rejets réfractaires aux stéroïdes ou à l’anticorps OKT3. L’absence de réponse<br />

au traitement immunosuppresseur peut entraîner un rejet chronique dû à une<br />

ductopénie aboutissant à une cirrhose biliaire, ce qui peut nécessiter une<br />

nouvelle greffe chez 2 à 5 % de tous les patients greffés.<br />

La principale cause de décès à la suite d’une greffe de foie est l’infection.<br />

Les trois principaux déterminants du risque d’infection après une greffe<br />

d’organe sont reliés à des problèmes chirurgicaux, à l’état d’immunosuppression<br />

et à l’exposition à l’environnement. Les conditions d’infections sont similaires<br />

pour tous les types de greffe d’organe. Les patients immunodéprimés sont<br />

exposés à un risque d’infections bactériennes, virales et fongiques. On<br />

observe habituellement les infections bactériennes par des micro-organismes<br />

non opportunistes au début de la période postopératoire. Les infections<br />

bactériennes par des micro-organismes opportunistes apparaissent un ou deux<br />

mois ou plus après la greffe. Les infections virales sont fréquentes chez les<br />

patients immunodéprimés et surviennent habituellement à partir de la sixième<br />

semaine. Le pathogène le plus important affectant les patients greffés est le<br />

cytomégalovirus (CMV), qui a des effets directs, en particulier des lésions<br />

tissulaires et des maladies cliniques, et un variété d’effets indirects. Les<br />

receveurs séronégatifs d’un organe de donneur séropositif sont exposés à un<br />

risque supérieur à 50 % de maladie symptomatique en l’absence de prophylaxie.<br />

Le diagnostic de maladie due au CMV est déterminé par la présence<br />

démontrée d’une virémie ou d’un envahissement des tissus. Par conséquent,<br />

les patients mal appariés ou qui reçoivent des produits anti-leucocytaires sont<br />

généralement traités de manière préventive par le ganciclovir ou par le<br />

valganciclovir, souvent pendant trois mois après la prise de la greffe. Parmi les<br />

autres infections virales observées chez les greffés figurent l’herpèssimplex,<br />

les infections causées par le virus Epstein-Barr, par le virus varicelle-zona


TABLEAU 53. Résultats des greffes de foie par causes d’insuffisance hépatique<br />

Résultat Cause d’insuffisance hépatique Commentaires<br />

Excellent Hépatopathie cholestatique Taux de récidive faible<br />

Hépatite auto-immune<br />

Cirrhose alcoolique<br />

Maladie métabolique<br />

Maladie congénitale<br />

Bon VHC Taux de récidive modéré<br />

VHB<br />

CHC (petites tumeurs)<br />

Le foie 719<br />

Moyen Insuffisance hépatique fulminante Résultat dépendant de l’état pré-greffe du patient<br />

Nouvelle greffe<br />

Atrésie biliaire<br />

Mauvais Grosses tumeurs Taux de récidive élevé<br />

Cholangiocarcinome<br />

et par l’adénovirus. On diagnostique des infections fongiques chez quelque<br />

20 % des patients, avec un taux de mortalité important. Les infections sont<br />

généralement proportionnelles au degré d’immunosuppression.<br />

18.10 Résultats des greffes de foie<br />

Plus de 85 % des patients ayant reçu une greffe de foie survivent un an ou<br />

plus. La plupart des décès ont lieu dans les 90 premiers jours et sont souvent<br />

reliés à la débilité préopératoire du patient. Après un an, les pertes de patients<br />

ou de greffons sont rares. En outre, 60 % des patients retournent au travail,<br />

montrant que l’intervention est avantageuse, non seulement pour le patient,<br />

mais aussi pour la société en général. Bien que les rapports de rentabilité<br />

soient rares, des chercheurs de Pittsburgh ont démontré qu’une greffe de foie<br />

coûtait moins cher que les soins nécessaires en cas de complication de cirrhose.<br />

Le pronostic à long terme est excellent (taux de survie à cinq ans supérieur<br />

à 80 %, voir tableau 53) pour les patients atteints de maladies qui, comme<br />

l’hépatopathie cholestatique, n’ont pas tendance en général à récidiver après<br />

une greffe de foie. Par contre, le pronostic à long terme est plus sombre pour<br />

les patients ayant reçu une greffe de foie en raison d’une hépatite C, à cause<br />

du problème de récidive de la maladie : 95 % au moins de récidive virologique<br />

et 20 % au moins d’évolution en cirrhose dans les cinq ans. Une concentration<br />

élevée d’ARN de VHC avant la greffe et un rejet nécessitant le recours aux


720 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

stéroïdes sont probablement les déterminants les plus importants de la<br />

récidive et de la survie après la greffe. Le rôle des schémas à base d’interféron<br />

actuellement disponibles pour le traitement de l’hépatite C récidivante après<br />

la greffe fait l’objet d’une étude appr<strong>of</strong>ondie. La survie du patient et du greffon<br />

est médiocre en cas d’une nouvelle greffe chez les patients perdant leur<br />

greffon du fait de l’hépatite C.<br />

18.11 Progrès récents et orientations pour l’avenir<br />

Grâce à la disponibilité de nouveaux agents immunosuppresseurs ciblant<br />

différent endroits de la cascade immunologique, il est possible d’individualiser<br />

le traitement pour les patients recevant une greffe. Par exemple, dans le cas<br />

des patients atteints d’une ostéopathie métabolique, il est maintenant possible<br />

de procéder à la greffe en évitant les stéroïdes et en utilisant une association<br />

de rapamycine, CellCept ® et de faibles doses d’inhibiteurs de calcineurine<br />

(ICN). De même, dans le cas des patients recevant une greffe pour carcinome<br />

hépatocellulaire, il est possible d’améliorer l’issue à long terme en utilisant le<br />

sirolimus et en évitant les ICN.<br />

Les greffes d’hépatocytes isolés pourraient présenter un certain intérêt pour<br />

le traitement des hépatopathies métaboliques et elles ont donné de bons résultats<br />

en laboratoire. Des systèmes d’assistance hépatique artificielle ont donné de<br />

premiers résultats prometteurs dans l’insuffisance hépatique fulminante et<br />

pourraient diminuer la nécessité d’une greffe.<br />

Le but difficile à obtenir de la tolérance a été atteint dans des modèles animaux.<br />

Si la tolérance pouvait être induite chez l’humain, l’immunosuppression<br />

deviendrait inutile et ses complications disparaîtraient. L’hétérogreffe est une<br />

possibilité lointaine et l’utilisation d’animaux transgéniques pourrait un jour<br />

<strong>of</strong>frir une solution à la pénurie d’organes de donneur et permettre une plus<br />

large utilisation de la greffe de foie dans les cas d’hépatopathie.<br />

19. NÉOPLASMES HÉPATIQUES / L.J. Worobetz<br />

On peut diviser les néoplasmes hépatiques en tumeurs bénignes et tumeurs<br />

malignes. Les tumeurs malignes sont primitives ou sont issues de métastases<br />

d’un cancer primitif situé ailleurs. Les métastases proviennent souvent d’un<br />

cancer du poumon, du côlon, du pancréas, du sein, de l’estomac ou de<br />

l’ovaire. Les néoplasmes hépatiques primitifs sont rares en Amérique du Nord,<br />

mais les tumeurs métastatiques y sont fréquentes, alors qu’ailleurs dans le<br />

monde, dans les régions d’Extrême-Orient par exemple, les carcinomes hépatocellulaires<br />

(CHC) sont bien plus répandus que les cancers métastatiques.


Le foie 721<br />

19.1 Tumeurs bénignes du foie<br />

Les tumeurs bénignes du foie sont décelées plus souvent qu’auparavant, en<br />

partie du fait de l’utilisation accrue des examens utilisant les techniques<br />

d’imagerie, telles l’échographie et la tomodensitométrie, ordonnés pour<br />

d’autres raisons. Les tumeurs bénignes appartiennent à trois catégories : tumeurs<br />

hépatocellulaires, tumeurs cholangiocellulaires et tumeurs non épithéliales.<br />

19.1.1 ADÉNOME HÉPATOCELLURAIRE<br />

Un adénome hépatocellulaire est une masse intrahépatique caractérisée par la<br />

prolifération bénigne d’hépatocytes. Ce type de tumeur est observé surtout<br />

chez les femmes dans la trentaine ou la quarantaine. Sa prévalence augmente<br />

parallèlement à l’utilisation des contraceptifs oraux, ce qui suggère une<br />

pathogenèse à composante hormonale. Le risque estimatif pour les femmes<br />

prenant un contraceptif oral est 5 fois le risque normal après sept ans d’utilisation<br />

et 25 fois le risque normal après neuf ans. Les tumeurs se trouvent<br />

habituellement dans le lobe droit et peuvent atteindre plus de 10 cm de<br />

diamètre. Plus rarement, elles peuvent être multiples. Le tableau clinique<br />

comprend une présentation asymptomatique, une douleur dans l’hypochondre<br />

droit ou une masse palpable. Le signe le plus alarmant est l’hémopéritoine<br />

aigu après rupture de l’adénome, qui s’accompagne d’une mortalité appréciable.<br />

Les enzymes hépatiques et les tests de la fonction hépatique sont habituellement<br />

normaux. Le diagnostic est établi en général à l’aide de techniques<br />

d’imagerie, dont l’échographie et la tomodensitométrie. La scintigraphie aux<br />

radiocolloïdes peut révéler une absence caractéristique de captage des colloïdes<br />

due à l’absence de cellules de Kuppfer dans l’adénome. L’artériographie hépatique<br />

est utile au diagnostic, car près de 50 % des adénomes sont avasculaires et<br />

la lésion est entourée d’artères hépatiques; le reste étant hypervasculaire. La<br />

biopsie hépatique est d’utilité limitée pour le diagnostic étant donné que les<br />

adénomes simulent les tissus hépatiques normaux. Le risque de malignité<br />

atteint 10 %, plus important dans le cas des tumeurs multiples les plus grosses.<br />

Le traitement consiste à arrêter le contraceptif oral et à réséquer les grosses<br />

tumeurs symptomatiques.<br />

19.1.2 HYPERPLASIE NODULAIRE FOCALE<br />

L’hyperplasie nodulaire focale (HNF) est un trouble bénin, caractérisé par une<br />

lésion hépatique de type hyperplasie nodulaire en foyer. C’est une lésion<br />

fréquente, touchant 3 % de la population, rencontrée le plus souvent chez les<br />

femmes de 30 à 50 ans. Bien qu’elles puissent être multiples, ces lésions sont<br />

solitaires chez la plupart des patients (80 %), de diamètre pouvant aller de 1 mm<br />

à 19 cm, mais habituellement compris entre 3 et 5 cm. Au plan histologique,


722 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

on observe une cicatrice centrale avec tissu conjonctif fibreux rayonnant dans<br />

les nodules, des nodules sans l’architecture lobulaire normale, avec absence<br />

de veine centrale et de voie portale et présence de cellules de Kuppfer, et<br />

hypervascularité.<br />

La lésion est habituellement asymptomatique et peut être découverte lors<br />

d’un examen par imagerie ordonné pour toute autre raison. Les enzymes<br />

hépatiques sont habituellement normales, avec une élévation occasionnelle de<br />

la gamma-glutamyl transpeptidase (GGT). Ces lésions, qui ont habituellement<br />

une densité voisine de celle des tissus environnants, ne sont en général pas<br />

décelées à l’échographie. Les examens Doppler peuvent déceler l’augmentation<br />

de vascularité souvent présente. La tomodensitométrie est l’examen le plus<br />

utile au diagnostic du fait que la phase artérielle est hyperdense par rapport à<br />

l’hypervascularité et que la phase portale montre une isodensité et une<br />

conservation de l’hypodensité de la cicatrice centrale. La scintigraphie avec<br />

colloïde de soufre marqué au technétium montre un captage normal ou accru<br />

dans la lésion en rapport avec la présence de cellules de Kuppfer dans la<br />

lésion. Aucun traitement n’est nécessaire si le patient est asymptomatique, ce<br />

qui est habituellement le cas. Ces lésions se rompent rarement. Il subsiste une<br />

controverse quant au rôle des contraceptifs oraux dans l’amorce et la promotion<br />

de ces lésions.<br />

19.1.3 HYPERPLASIE NODULAIRE RÉGÉNÉRATIVE<br />

L’hyperplasie nodulaire régénérative (HNR) est un processus prolifératif<br />

bénin au cours duquel l’architecture hépatique normale est entièrement<br />

remplacée par des nodules diffus de régénération d’hépatocytes. La HNR est<br />

relativement fréquente, observée dans 3 % des autopsies. Elle touche surtout<br />

des patients âgés et s’accompagne d’autres affections pouvant contribuer à sa<br />

formation. Ces affections sont classées comme lymphoprolifératives, rhumatologiques<br />

(polyarthrite rhumatoïde, amyloïdose, vasculite, collagénoses vasculaires)<br />

et autres (médicaments, toxines, stéroïdes anabolisants). L’examen<br />

global du foie révèle un parenchyme hépatique entièrement remplacé par des<br />

nodules de dimensions variables, allant de 0,1 à 4 cm. Au plan histologique,<br />

on observe la régénération nodulaire avec compression curvilinéaire du lobe<br />

central et absence de la cicatrice fibreuse qui distingue cette affection de la<br />

cirrhose. La présentation clinique chez les patients atteints de HNR peut varier.<br />

Habituellement, l’affection associée prédomine et la découverte de la HNR<br />

peut être fortuite. Les enzymes hépatiques sont normales ou légèrement<br />

élevées, avec une fonction hépatique normale. Les observations physiques<br />

sont variables et peuvent comprendre une hépatomégalie et une splénomégalie<br />

avec signes d’hypertension portale. Le diagnostic de HNR soupçonnée peut<br />

être difficile chez les patients au foie nodulaire présentant des signes


d’hypertension portale, avec tests fonctionnels hépatiques normaux. Les examens<br />

du foie par imagerie montrent des nodules isoéchoïques qui peuvent causer<br />

une confusion avec une cirrhose. Dans la majorité des cas, le traitement vise<br />

d’abord la maladie prédisposante primitive, avec rassurance du patient relativement<br />

à l’hépatopathie sous-jacente. En de rares occasions, des symptômes<br />

d’hypertension portale dominent et imposent le traitement.<br />

19.1.4 HÉMANGIOME CAVERNEUX<br />

L’hémangiome est la tumeur hépatique bénigne la plus fréquente, qu’on<br />

observe chez 0,5 à 7 % de la population. On décèle habituellement les hémangiomes<br />

lors d’examens par imagerie ordonnés pour d’autres raisons. Ce type<br />

de lésion vasculaire est généralement asymptomatique et plus fréquent chez<br />

les femmes. Les hémangiomes se produisent à tous les âges, mais sont très<br />

fréquents de la trentaine à la cinquantaine. Les lésions de plus de 4 cm sont<br />

appelés hémangiomes caverneux géants. Un hémangiome symptomatique se<br />

manifeste le plus souvent par la douleur. Le seul signe physique peut être un<br />

foie gonflé avec un bruit artériel au-dessus de la lésion. À l’échographie, on<br />

observe une lésion échogène et le diagnostic est confirmé par scintigraphie<br />

aux globules rouges marqués, tomodensitométrie avec injection en bolus,<br />

IRM ou, au besoin, angiographie. La lésion ne requiert aucun traitement, car<br />

il n’y a aucune malignité potentielle et l’hémorragie est rare.<br />

19.1.5 KYSTE SOLITAIRE DU FOIE<br />

Le kyste solitaire du foie est relativement fréquent et habituellement asymptomatique.<br />

On le découvre habituellement par hasard, lors d’une l’évaluation<br />

échographique de l’abdomen réalisée pour une toute autre raison. On découvre<br />

un kyste solitaire du foie chez 3,5 % de la population, plus souvent chez les<br />

femmes et généralement dans le lobe droit du foie. Il peut être symptomatique<br />

s’il est assez volumineux, avec une douleur localisée dans l’hypochondre<br />

droit. En de rares occasions, le kyste peut être le siège d’une hémorragie,<br />

d’une infection ou, plus rarement, d’une malignité. Un traitement est rarement<br />

nécessaire. Lorsque la lésion est symptomatique, il peut falloir procéder à un<br />

drainage percutané par sclérothérapie à l’alcool ou à la doxycycline ou par<br />

fenestration chirurgicale.<br />

19.2 Tumeurs malignes du foie<br />

Le foie 723<br />

19.2.1 CARCINOME HÉPATOCELLULAIRE PRIMITIF<br />

Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est un néoplasme d’incidence croissante<br />

dans le monde, représentant 5 % de tous les cancers. En Afrique, le CHC<br />

représente 50 % de toutes les tumeurs malignes et affecte surtout les hommes,


724 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

plus particulièrement les jeunes adultes. En Amérique du Nord, le CHC ne<br />

représentent que 1 ou 2 % des tumeurs malignes.<br />

Bien que de nombreux facteurs puissent favoriser un CHC, la maladie est<br />

habituellement limitée aux personnes ayant une hépatopathie préexistante. En<br />

Amérique du Nord, quelque 60 à 80 % des patients présentant un CHC sont<br />

aussi cirrhotiques et le CHC se développe chez plus de 10 % des personnes<br />

cirrhotiques. La cirrhose hépatique, quelle que soit son étiologie, est le facteur<br />

de risque de CHC le plus important, mais le risque est particulièrement élevé<br />

quand la cirrhose est reliée à une hépatite virale, à l’alcoolisme ou à une<br />

hémochromatose. Il est clair qu’il existe un lien étroit entre le virus de<br />

l’hépatite B et le CHC, une tumeur apparaissant 22 fois plus souvent chez les<br />

porteurs de l’antigène de surface de l’hépatite B que dans la population en<br />

général. On a identifié des séquences d’ADN du VHB intégrées dans le<br />

génome de cellules tumorales et dans celui d’hépatocytes normaux chez les<br />

patients présentant un CHC, suggérant une intégration virale avant la tumeur.<br />

L’hépatite C semble également être un agent étiologique du CHC. On retrouve<br />

des anticorps anti-VHC dans plus de 50 % des cas de CHC sans trace<br />

d’infection par le VHB. Le VHC ne semble pas s’intégrer au génome de hôte,<br />

de sorte que le mécanisme d’hépatocarcinogenèse reste obscur. Parmi les<br />

causes non cirrhotiques du CHC, il faut mentionner l’ingestion d’aflatoxines<br />

(métabolites de la moisissure Aspergillus flavus) et de suppléments hormonaux,<br />

en particulier de contraceptifs oraux et d’androgènes exogènes.<br />

La reconnaissance clinique du CHC peut être difficile, du fait que la tumeur<br />

apparaît souvent chez les patients atteints d’une cirrhose et que les signes<br />

et symptômes peuvent simplement indiquer une évolution de l’hépatopathie.<br />

La détection peut être également le résultat d’une échographie de surveillance<br />

chez des patients cirrhotiques exposés au CHC. La caractéristique prédominante<br />

est l’apparition d’une masse douloureuse dans l’hypocondre droit accompagnée<br />

de symptômes généraux d’anorexie et de perte pondérale. Chez les patients<br />

cirrhotiques, les manifestations peuvent comprendre l’apparition d’une ascite,<br />

une encéphalopathie ou une détérioration clinique soudaine. On peut entendre<br />

un frottement ou un bruit hépatique au-dessus de la lésion. Les patients<br />

peuvent présenter l’un des nombreux syndromes paranéoplasiques, dont<br />

l’érythrocytose, l’hypercalcémie, la dysprotéinémie ou l’hypoglycémie. Les<br />

tests sanguins courants, en particulier les tests de la fonction hépatique,<br />

reflètent l’hépatopathie chronique sous-jacente. Des taux d’enzymes hépatiques<br />

normaux n’excluent pas un CHC. La concentration sérique d’antigène<br />

1-fœtoprotéine (AFP) est habituellement élevée, dépassant 500 µg/L dans<br />

70 à 80 % des cas. Les critères diagnostiques d’un CHC comprennent la<br />

démonstration de l’hypervascularité artérielle caractéristique d’une lésion


Le foie 725<br />

focale supérieure à 2 cm par deux techniques d’imagerie (échographie de<br />

contraste, tomodensitométrie, IRM ou angiographie) et ou la présence d’une<br />

hypervascularité par une technique d’imagerie et un taux d’AFP > 200 µg/mL.<br />

Les lésions de plus de 2 cm exigent souvent une ponction percutanée pour<br />

établir un diagnostic histologique, car les techniques d’imagerie diagnostique<br />

sont moins utiles dans ce cas. Le stade de la tumeur doit être déterminé par<br />

échographie et tomodensitométrie hélicoïdale.<br />

En général, le pronostic pour les patients atteints d’un CHC est très mauvais,<br />

la survie moyenne des patients en Amérique du Nord n’atteignant que 6 à<br />

20 mois. Le pronostic dépend : (a) du stade, de l’agressivité et de la vitesse de<br />

croissance de la tumeur; (b) de l’état de santé général du patient; (c) de la<br />

fonction hépatique du patient. Jusqu’à 70 % des patients présentent une<br />

maladie métastatique au moment du diagnostic. Dans le cas d’une maladie<br />

localisée non invasive, les options possibles sont la résection chirurgicale, la<br />

greffe de foie et les techniques percutanées. Ces dernières devraient être<br />

envisagées chez les patients présentant une tumeur de moins de 5 cm ou trois<br />

nodules de moins de 3 cm, sans signe de métastase. Pour les patients dont la<br />

fonction hépatique est conservée (Child A), on peut envisager une résection,<br />

bien que le taux de récidive à trois ans dépasse 50 %. Pour les patients dont<br />

la fonction hépatique est mauvaise (Child B et C), on devrait envisager<br />

une greffe de foie. Les résultats de l’intervention chirurgicale sont souvent<br />

compliqués par la présence d’une cirrhose sous-jacente, par la nature multicentrique<br />

occasionnelle de la tumeur et par la présence de micrométastases.<br />

Les techniques non chirurgicales en cas de maladie localisée comprennent une<br />

injection d’éthanol percutanée se traduisant par un taux de rémission de 80 %<br />

pour les lésions localisées de moins de 3 cm. Parmi les autres techniques<br />

d’ablation à l’étude, citons l’application de radi<strong>of</strong>réquences ou de micro-ondes,<br />

la cryothérapie, le traitement laser et l’embolisation artérielle. Pour les<br />

patients présentant un CHC intermédiaire à avancé, qui ne sont pas candidats<br />

à une chirurgie curative, la survie à trois ans est de 10 à 50 %; la survie est le<br />

mieux corrélée avec la gravité de l’hépatopathie sous-jacente. On peut<br />

envisager pour ces patients une embolisation transartérielle. L’effet d’une<br />

chimiothérapie générale est discutable. Nous attendons avec impatience<br />

l’arrivée de nouvelles thérapies associant les anticorps monoclonaux à la<br />

chimiothérapie et la thérapie génique aux agents cytotoxiques.<br />

Les stratégies de dépistage du CHC chez les patients ayant une cirrhose<br />

connue, en particulier secondaire à une hépatite virale chronique, comprennent<br />

l’échographie et la mesure de l’AFP tous les 6 à 12 mois. La sensibilité du test<br />

de l’AFP pour le dépistage est comprise entre 39 de 64 %, sa spécificité, entre<br />

76 et 91 % et sa valeur prédictive positive, entre 9 et 32 %. L’échographie est


726 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

un meilleur outil, avec une sensibilité de 71 % et une spécificité de 93 %, mais<br />

sa valeur prédictive positive n’est que de 14 %. Cette démarche permet<br />

d’identifier les tumeurs à un stade plus précoce, mais on n’a pas encore pu<br />

montrer qu’elle diminuait le taux de morbidité ou le taux de mortalité.<br />

19.2.2 HÉPATOBLASTOME<br />

L’hépatoblastome est une tumeur maligne qui se développe chez des enfants<br />

de moins de cinq ans, dans plus de 50 % des cas avant l’âge de deux ans. Dans<br />

près d’un tiers des cas, un hépatoblastome est accompagné de malformations<br />

congénitales des autres organes. On peut observer chez ces patients une<br />

absence de développement pondéro-statural normal, une perte de poids ou une<br />

masse hépatique en croissance rapide. Les tumeurs sont constituées d’hépatocytes<br />

immatures et, occasionnellement, d’une composante mésenchymateuse<br />

(p. ex. osseuse), avec la possibilité d’atteindre une grande taille. Le traitement<br />

consiste en une résection chirurgicale, suivie d’une radiothérapie et d’une<br />

chimiothérapie. La survie à cinq ans est comprise entre 15 et 35 %.<br />

19.2.3 TUMEURS MÉTASTATIQUES<br />

En Amérique du Nord, la tumeur hépatique maligne la plus fréquente est la<br />

métastase d’un cancer primitif situé ailleurs. Les sources communes de<br />

métastases sont les cancers du sein, du poumon, colorectaux et génitourinaires,<br />

ainsi que les tumeurs neuro-endocriniennes. Il est parfois difficile<br />

de faire la distinction entre cancers hépatiques primitifs et métastatiques. Les<br />

métastases sont souvent multiples, avec des lésions plus petites, alors que le<br />

CHC a en général une masse plus importante. Dans la plupart des cas, les<br />

métastases sont faciles à mettre en évidence par l’échographie, la tomodensitométrie<br />

ou l’IRM. Le diagnostic est habituellement confirmé par une biopsie à<br />

l’aiguille. Parfois, les métastases ont des caractéristiques histologiques ou<br />

immuno-histochimiques suggérant le site du cancer primitif.<br />

Dans la plupart des cas, un cancer métastatique est synonyme de maladie<br />

évoluée avec un pronostic mauvais et peu d’options thérapeutiques. Les<br />

exceptions sont le carcinome colorectal métastatique et les tumeurs neuroendocriniennes.<br />

La résection chirurgicale d’un carcinome colorectal métastatique<br />

en foyer, confiné au foie, peut augmenter à 40 % le taux de survie à cinq<br />

ans. Dans le cas les cancers colorectaux non résécables, la cryothérapie et<br />

la chimiothérapie peuvent prolonger la survie. La résection de tumeurs neuroendocriniennes<br />

localisées et le traitement médicamenteux (interféron,<br />

octréotide) pour les maladies plus avancées peuvent aider à prolonger la<br />

survie et à réduire les symptômes dus à la libération d’hormone (syndrome<br />

carcinoïde, syndrome de Zollinger-Ellison).


FIGURE 39. Investigation d’une masse chez un patient asymptomatique.<br />

Le foie 727<br />

19.3 Investigation de la lésion solitaire du foie<br />

La découverte d’une masse hépatique se produit habituellement dans l’une<br />

des deux circonstances suivantes. Ou bien la masse est découverte fortuitement<br />

lors d’un examen par imagerie effectué pour d’autres raisons, chez un patient<br />

ayant ou non des symptômes, ou bien elle est découverte dans le cadre d’une<br />

surveillance systématique pour dépister un carcinome hépatocellulaire.<br />

L’évaluation qui suit est différente suivant le cas.<br />

Une lésion pleine peut être découverte chez un patient sans hépatopathie<br />

chronique, en la présence ou en l’absence de symptômes. La lésion la plus<br />

fréquente est l’hémangiome. Si elle semble typique à l’échographie chez un<br />

patient exempt de facteur de risque d’hépatopathie, ni traitement ni suivi ne<br />

sont nécessaires. Si elle n’est pas typique, il est indiqué de procéder à une<br />

scintigraphie aux globules rouges marqués, à une tomodensitométrie, de<br />

préférence en étude triphasique, ou à une échographie à contraste. Une mesure<br />

de l’AFP devrait être demandée s’il y a des facteurs de risque de CHC,<br />

car l’élévation de l’AFP chez un patient sans hépatopathie préexistante amène<br />

à soupçonner fortement un CHC. Des lésions non typiques pour le CHC<br />

ou l’hémangiome peuvent être évaluées par d’autres techniques d’imagerie<br />

(scintigraphie aux radiocolloïdes, IMR) et, s’il n’est pas possible de poser


728 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

FIGURE 40. Masse découverte lors d’un examen de dépistage de carcinome hépatocellulaire (CHC).<br />

un diagnostic, le patient doit passer des examens de contrôle utilisant ces techniques<br />

pendant deux ans. La biopsie hépatique joue un rôle moins important du<br />

fait qu’on peut habituellement établir la nature des lésions les plus grosses par<br />

l’imagerie diagnostique. Lorsque les lésions ne sont pas diagnostiquées de cette<br />

manière, on peut envisager de recourir à une biopsie ou un aspirat, mais cette<br />

technique est souvent peu précise en raison de la difficulté de l’insertion précise<br />

de l’aiguille et de la différenciation histologique d’un CHC bien différencié, du<br />

foie normal et d’une dysplasie de haut grade (figure 39).<br />

Chez le patient cirrhotique, qui passe régulièrement un test de dépistage du<br />

CHC, les mesures prises à la détection d’une lésion à l’échographie dépendent<br />

de la taille de la lésion. Si la tumeur a un diamètre inférieur à 1 cm et si le taux<br />

d’AFP est normal, il faut refaire l’échographie trois mois plus tard. Si la lésion<br />

est supérieure à 2 cm, le taux d’AFP sérique supérieur à 200 ng/mL et<br />

la démonstration de l’hypervascularité caractéristique par une technique<br />

d’imagerie (tomodensitométrie/IRM/angiographie), le diagnostic de CHC est<br />

établi. Les lésions entre 1 et 2 cm peuvent être mieux définies par tomodensitométrie<br />

(qui est capable de décrire l’hypervascularité d’un CHC) et peuvent<br />

nécessiter une ponction par aiguille fine pour établir le diagnostic histologique<br />

du CHC (figure 40).


20. HÉPATOPATHIE DURANT LA GROSSESSE / R.P. Myers et<br />

E.A. Shaffer<br />

Le foie 729<br />

20.1 Grossesse normale<br />

La grossesse est un état physiologique modifié, quoique normal. Bien que les<br />

complications hépatiques soient rares durant la grossesse, il est essentiel de<br />

procéder au plus tôt à un diagnostic et à un traitement de toute complication<br />

pour minimiser des effets indésirables pour la mère et pour le fœtus. Les<br />

changements anatomiques et physiologiques qui accompagnent la grossesse<br />

peuvent modifier les résultats de l’examen physique et la biochimie hépatique,<br />

mais une grossesse normale n’affecte notablement ni le métabolisme ni le<br />

fonctionnement du foie. L’état de grossesse est légèrement cholestatique sous<br />

l’effet de l’augmentation des œstrogènes endogènes. Au cours du troisième<br />

trimestre, la phosphatase alcaline sérique est nettement plus élevée que<br />

dans l’état antérieur et peut demeurer élevée jusqu’à six semaines après<br />

l’accouchement. Par contre, la grossesse ne modifie notablement ni les taux<br />

de bilirubine sérique, d’aminotransférase, de -glutamyl-transpeptidase<br />

(GGT) et de 5-nucléotidase ni le temps de prothrombine/INR (reflétant les<br />

facteurs de coagulation synthétisés par le foie). Durant la grossesse, l’expansion<br />

de la volémie cause une dilution et une baisse de l’albumine sérique et des<br />

protéines totales, alors que les globulines sériques, le cholestérol total et les<br />

triglycérides augmentent.<br />

La grossesse ne modifie pas la taille du foie. Durant le troisième trimestre,<br />

l’utérus, dont le volume augmente, déplace le foie vers le haut et vers l’arrière.<br />

Un foie palpable suggère alors une hépatomégalie notable et une hépatopathie<br />

sous-jacente. On observe aussi fréquemment un léger œdème périphérique<br />

pendant la grossesse (du fait de l’hypoalbuminémie et de la compression des<br />

veines du bassin par l’utérus en expansion), de même que certains résultats<br />

d’examen, normalement indicateurs d’hépatopathie chronique (angiomes<br />

stellaires ou érythème palmaire, par exemple) résultant de la concentration<br />

élevée d’œstrogènes circulants.<br />

Les hépatopathies durant la grossesse peuvent se diviser en trois catégories :<br />

1) l’hépatopathie aiguë qui coïncide avec la grossesse; 2) l’hépatopathie<br />

chronique déjà présente au moment de la grossesse; 3) l’hépatopathie particulière<br />

à la grossesse (tableau 54).<br />

20.2 Hépatopathie aiguë qui coïncide avec la grossesse<br />

Toutes les hépatopathies susceptibles d’affecter une jeune femme peuvent se<br />

produire durant la grossesse. Parmi celles-ci, l’infection aiguë par un virus<br />

hépatotrophique est la cause la plus commune d’ictère durant la grossesse. En<br />

général, la grossesse ne modifie pas l’évolution d’une hépatite virale, sauf


730 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 54. Diagnostic différentiel des hépatopathies majeures durant la grossesse<br />

Cholestase Stéatose hépatique Pré-éclampsie / Hépatite<br />

intrahépatique aiguë syndrome HELLP virale<br />

gravidique gravidique de la grossesse<br />

Caractéristiques cliniques<br />

Début (trimestre) 3 3 2-3 1, 2, 3<br />

Antécédents familiaux + – – –<br />

Prurit + – – –<br />

Douleur abdominale – + + –<br />

Nausées et vomissements – + + +<br />

Présence d’éclampsisme – + + –<br />

Hépatomégalie sensible – ± + +<br />

Biochimie<br />

Cholestase + – – –<br />

Aminotransférases Normales ≈ 300 ≈ 250 > 1 000<br />

(< 250) (< 1 000) (70-6 000)<br />

Sérologie de l’hépatite - - - +<br />

CIVD / thrombocytopénie - + + -<br />

Hypoglycémie - + + -<br />

Autre PA ∞(4x) >> GB ∞; PLT ∞<br />

GGT ∞ Bilirubine INR/TP ∞; LDH > 600<br />

normale puis ∞ acide urique ∞<br />

Pré-éclampsie/éclampsie – + ++ –<br />

Pronostic TM fœtal bas (1-2 %) – TM fœtal 35% TM fœtal haut ~ 35 %<br />

prématurité TM maternel bas TM maternel moins<br />

TM maternel rare < 3 % avec accouch Récidive ~ 25 %<br />

Récidive 60-70 % et soins précoces<br />

dans le cas du virus de l’hépatite E (VHE), qui se trouve surtout dans les pays<br />

en développement. Bien qu’habituellement légère et auto-limitée, l’infection<br />

par le VHE durant la grossesse peut s’accompagner d’un taux élevé d’insuffisance<br />

hépatique (jusqu’à 58 %) et d’une forte mortalité maternelle : 1,5 %,<br />

8,5 % et 21 % respectivement durant le premier, le deuxième et le troisième<br />

trimestre de la gestation. Une infection par le VHE durant le troisième trimestre<br />

s’accompagne de complications fœtales croissantes, y compris la mort.<br />

Bien que rare, l’infection par le virus de l’herpès simplex (VHS) pose<br />

un risque considérable d’hépatite fulminante chez les femmes enceintes.<br />

On note habituellement chez les femmes infectées une élévation marquée<br />

des aminotransférases (souvent > 1 000 UI/L), une coagulopathie et une<br />

encéphalopathie, mais sans ictère. Le diagnostic est confirmé par une éruption


Le foie 731<br />

vésiculaire de la vulve ou du col utérin et par les tests sérologiques appropriés.<br />

La biopsie hépatique révèle une nécrose étendue des hépatocytes et des inclusions<br />

virales intranucléaires. Les femmes infectées répondent rapidement à l’acyclovir<br />

intraveineux et l’accouchement n’est pas nécessaire pour améliorer leur état.<br />

Des altérations de la motilité de la vésicule biliaire et des changements dans la<br />

composition des lipides biliaires produisent un état lithogène durant la grossesse.<br />

Bien que les calculs (et la boue biliaire) soient fréquemment identifiés chez les<br />

femmes enceintes, les symptômes sont rares. En fait, la boue biliaire disparaît<br />

souvent dans le post-partum. Chez les femmes symptomatiques, on recommande<br />

en général un traitement médical conservateur jusque dans le post-partum. On<br />

peut cependant effectuer au besoin une cholangiopancréatographie rétrograde<br />

endoscopique (CPRE) et/ou une cholécystectomie (par exemple, chez les<br />

femmes présentant une lithiase cholédocienne symptomatique évoluant vers<br />

une cholécystite aiguë ou une pancréatite).<br />

La grossesse étant un état hypercoagulable, les femmes ayant tendance à<br />

la thrombophilie (p. ex. déficit en protéines C et S ou présence d’anticorps<br />

antiphospholipide) sont exposées à un risque accru de complications<br />

thrombotiques. Celles-ci peuvent prendre la forme d’un syndrome de<br />

Budd-Chiari avec hépatomégalie douloureuse, insuffisance hépatique et<br />

ascite. Enfin, les adénopathies répondant aux œstrogènes, il peut se<br />

produire durant la grossesse un grossissement des tumeurs et, en de rares<br />

occasions, une rupture hépatique.<br />

20.3 Hépatopathie chronique déjà présente au moment de la grossesse<br />

Il est rare que des femmes atteintes d’hépatopathie chronique grave soient<br />

enceintes, parce que leur maladie est une cause d’anovulation et d’infertilité.<br />

Mais grâce aux progrès dans les modalités de traitement et à l’amélioration<br />

des soins, beaucoup de femmes ayant une hépatite virale chronique ou traitées<br />

avec succès pour d’autres hépatopathies chroniques (par exemple, une immunosuppression<br />

pour hépatite auto-immune) peuvent maintenant concevoir. Le degré<br />

d’insuffisance hépatique et d’hypertension portale détermine le risque pour la<br />

femme durant la grossesse. La complication la plus importante chez les<br />

femmes cirrhotiques est l’hémorragie de varices œsophagiennes, très souvent<br />

au deuxième trimestre ou durant le travail. L’hémorragie variqueuse est due à<br />

l’augmentation de volume plasmatique associée à la grossesse et au débit<br />

accru dans le système azygos. Parmi les autres complications, on peut citer<br />

l’insuffisance hépatique, l’hémorragie du post-partum (due à une coagulopathie)<br />

et, plus fréquemment, une restriction de la croissance fœtale et la perte du fœtus.<br />

Bien que l’impact de la grossesse sur les femmes aux premiers stades d’une<br />

hépatite B ou C semble minime, ces infections peuvent être transmises au<br />

fœtus. L’infection par le virus de l’hépatite B (VHB) pose un risque élevé de


732 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

transmission néonatale, en particulier pour les femmes testées positives pour<br />

l’AgHBe (antigène de l’hépatite B) pour lesquelles ce risque est voisin de 90 %.<br />

Il en résulte qu’on procède maintenant au dépistage de l’antigène de surface<br />

de l’hépatite B (AgHBs) chez toutes les femmes enceintes. Si le test est positif,<br />

le nouveau-né doit recevoir une immunoprophylaxie par une globuline hyperimmune<br />

et un vaccin antihépatite B pour prévenir l’infection. Le risque de<br />

transmission du virus de l’hépatite C (VHC) est bien inférieur (5 % environ)<br />

et dépend de la virémie chez la mère. Une co-infection par le VIH, qui amplifie<br />

la réplication du VHC, augmente d’un facteur 4 ou 5 le risque de transmission.<br />

Malheureusement, il n’y a pas d’immunoprophylaxie possible. L’allaitement<br />

est sécuritaire pour les enfants des femmes atteintes d’hépatite B (après une<br />

immunisation appropriée) ou d’hépatite C chroniques.<br />

Les patientes stabilisées après une greffe de foie peuvent concevoir et<br />

accoucher d’un enfant normal, tout en suivant un traitement immunosuppresseur.<br />

Après une greffe de foie, il convient d’attendre au moins six mois avant de<br />

concevoir, en raison du risque de rejet aigu et d’infection par le cytomégalovirus<br />

durant la période suivant immédiatement la greffe. Bien que les issues soient<br />

généralement bonnes, une porteuse de virus ayant reçu une greffe est exposée<br />

à un risque élevé de pré-éclampsie et d’accentuation d’hypertension. Le risque<br />

peut être réduit par l’immunosuppression basée sur le tacrolimus. Les<br />

patientes atteintes d’hépatopathie chronique ont besoin des soins d’une équipe<br />

pluridisciplinaire comprenant un obstétricien, un spécialiste en périnatologie<br />

et un pathologiste.<br />

20.4 Hépatopathie particulière à la grossesse<br />

Le stade gestationnel de la grossesse est un guide pratique du diagnostic<br />

différentiel des hépatopathies chez la femme enceinte, lorsqu’une<br />

hépatopathie aiguë coïncide avec la grossesse, après avoir écarté les affections<br />

hépatiques préexistantes. Alors que les vomissements de la grossesse commencent<br />

en général au premier trimestre, la cholestase gravidique se produit<br />

habituellement au deuxième ou au troisième trimestre et les troubles associés<br />

à la pré-éclampsie, au troisième trimestre.<br />

20.4.1 VOMISSEMENTS DE LA GROSSESSE<br />

Les nausées et les vomissements sont fréquents en début de grossesse, affectant<br />

50 à 90 % des femmes. Sous une forme extrême, les symptômes rebelles mènent<br />

à la déshydratation et à la cétose, nécessitant une hospitalisation. C’est le<br />

syndrome dit hyperemesis gravidarum, dont l’étiologie est inconnue. Les symptômes<br />

commencent habituellement durant le premier trimestre et ont disparu à<br />

la 20 e semaines. Une atteinte hépatique se produit chez environ 50 % des<br />

patientes. Les aminotransférases sont habituellement inférieures à 1 000 UI/L


Le foie 733<br />

et l’ictère est rare. La biopsie hépatique, rarement nécessaire en raison des<br />

manifestations caractéristiques, donne des résultats non spécifiques, en particulier<br />

de stéatose. Le traitement, de soutien, vise à soulager les vomissements<br />

et à corriger toute anomalie hydro-électrolytique. Les issues sont excellentes<br />

pour la mère et le fœtus.<br />

20.4.2 CHOLESTASE GRAVIDIQUE<br />

La cholestase gravidique représente 20 à 25 % des cas d’ictère durant la<br />

grossesse. Son étiologie est inconnue. Il existe une nette prédisposition génétique,<br />

se transmettant probablement sur le mode autosomique dominant, à<br />

cette maladie dont la fréquence est plus élevée chez les femmes d’ascendance<br />

scandinave ou chilienne. La cholestase est probablement une réponse<br />

exagérée du foie à l’augmentation normale des œstrogènes endogènes durant<br />

la grossesse. L’augmentation de sensibilité des femmes affectées et de leur<br />

parenté (y compris les hommes) aux effets cholestatiques des œstrogènes<br />

exogènes renforce cette théorie. On est identifié récemment des effets spécifiques<br />

sur le transport hépatique chez des femmes qui, par la suite, ont présenté<br />

une cholestase durant une grossesse.<br />

Un prurit débutant à la fin du deuxième trimestre ou au troisième trimestre<br />

est la marque caractéristique de la cholestase gravidique. Le prurit est très<br />

intense la nuit et affecte particulièrement la paume des mains et la plante des<br />

pieds. Il est suivi d’un ictère chez la moitié des patientes. Parmi les autres<br />

manifestations cholestatiques, citons les urines foncées et, occasionnellement,<br />

les selles acholiques (décolorées). Par ailleurs, les femmes se sentent<br />

généralement bien, sans nausées, vomissements ni douleurs abdominales. Les<br />

tests de laboratoire révèlent une élévation de la phosphatase alcaline sérique,<br />

des acides biliaires et du cholestérol, mais la GGT est souvent normale ou<br />

légèrement élevée. Les aminotransférases (ASAT, ALAT) sont habituellement<br />

peu élevés, mais peuvent approcher 1 000 UI/L, rendant occasionnellement<br />

difficile la distinction avec l’hépatite aiguë. L’évaluation de la femme enceinte<br />

présentant une cholestase nécessite d’exclure au préalable d’autres causes<br />

d’ictère et de prurit, en particulier l’hépatite virale, la cirrhose biliaire primitive<br />

(qui peut être révélée par l’état œstrogénique) et une maladie des voies<br />

biliaires, par les examens de laboratoire et d’imagerie appropriées.<br />

L’échographie et la cholangiographie sont normales. Une biopsie hépatique est<br />

rarement nécessaire, ne révélant qu’une cholestase simple, sans inflammation.<br />

Bien qu’il s’agisse d’une affection bénigne pour la mère (à part l’inexorable<br />

prurit), la cholestase gravidique s’accompagne d’une augmentation du risque de<br />

résorption du fœtus et de prématurité. Le traitement est surtout symptomatique.<br />

L’acide ursodésoxycholique à la dose de 13 à 15 mg/kg/jour semble améliorer la<br />

biochimie hépatique, les symptômes et l’issue fœtale. Les agents liant les sels


734 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

TABLEAU 55. Interruption de grossesse<br />

Indiquée<br />

Stéatose hépatique aiguë gravidique (PA)<br />

Pré-éclampsie grave<br />

Rupture spontanée du foie<br />

Non nécessaire<br />

Hépatite virale<br />

Cholestase intrahépatique gravidique<br />

Hyperbilirubinémies congénitales<br />

La plupart des hépatopathies chroniques<br />

biliaires, telle la cholestyramine, peuvent réduire le prurit, mais aggravent<br />

la malabsorption des graisses associées à la maladie, nécessitant souvent<br />

l’administration de suppléments de vitamine K par voie parentérale. La<br />

S-adénosylméthionine, la rifampine, les stéroïdes et le phénobarbital donnent<br />

des résultats incertains. L’accouchement devrait avoir lieu aussitôt que les<br />

poumons sont matures, pour réduire le risque de mortinatalité.<br />

Les symptômes s’atténuent habituellement dans les deux semaines de<br />

l’accouchement, parfois au début du travail, avec la chute présumée des<br />

œstrogènes. Il y a une forte probabilité de récidive lors des grossesses<br />

ultérieures et en cas d’utilisation d’œstrogènes exogènes, en particulier de<br />

contraceptifs oraux. Enfin les femmes affectées sont exposées à un risque<br />

accru de calculs biliaires, reflétant peut-être le défaut de transport hépatique.<br />

20.4.3 STÉATOSE HÉPATIQUE AIGUË GRAVIDIQUE<br />

La stéatose hépatique aiguë gravidique (SHAG) est rare (1 cas sur 13 000<br />

accouchements), mais a de graves conséquences pour la mère et pour le fœtus.<br />

La SHAG apparaît presque invariablement durant le troisième trimestre de la<br />

grossesse et sa fréquence maximale se situe autour de la 36 e ou 37 e semaine<br />

de gestation. Parfois, elle ne devient apparente qu’après l’accouchement. Il<br />

semble y avoir un lien entre cette maladie et la nulliparité, les grossesses<br />

gémellaires et les grossesses à fœtus masculin. L’éclampsisme est présent<br />

dans 50 % des cas. Ses manifestations peuvent aller de symptômes non<br />

spécifiques à une insuffisance hépatique aiguë avec coagulopathie pr<strong>of</strong>onde,<br />

ictère, encéphalopathie et hypoglycémie. Les nausées et les vomissements,<br />

avec ou sans douleur abdominale, sont fréquents. Le prurit est rare et devrait<br />

évoquer la possibilité d’un tout autre diagnostic hépatique, telle la cholestase<br />

gravidique. Les cas graves connaissent une détérioration progressive inexorable,


Le foie 735<br />

à moins que le fœtus ne soit expulsé. Même dans ces conditions, la détérioration<br />

peut se poursuivre pendant 48 à 72 heures. Le traitement consiste en soins de<br />

soutien énergiques. Le seul traitement curatif est l’accouchement rapide<br />

(tableau 55).<br />

Les résultats des tests de laboratoire montrent une élévation modérée des<br />

aminotransférases, habituellement vers 300 UI/L, mais pouvant aller de la<br />

normale à 1 000 UI/L. L’ictère est fréquent, mais variable. Le temps de<br />

prothrombine/INR est allongé et le taux de fibrinogène est réduit. La biopsie<br />

hépatique, que peut être réalisée par la voie transjugulaire en raison de la<br />

coagulopathie, révèle une stéatose microvésiculaire (le noyau est situé au<br />

centre de la cellule avec de minuscules gouttelettes de lipides dispersées dans<br />

l’ensemble du cytoplasme). Les changements sont plus importants dans la<br />

zone centrale, tout en épargnant les hépatocytes périportaux.<br />

Le diagnostic requiert un fort degré de suspicion, car les manifestations sont<br />

souvent non spécifiques. Il convient d’envisager la possibilité d’une SHAG<br />

chaque fois que des nausées et des vomissements marqués apparaissent pendant<br />

le troisième trimestre de la grossesse. L’échographie, la tomodensitométrie ou<br />

l’IRM peuvent suggérer une stéatose hépatique et aider à écarter la possibilité<br />

de complications telles qu’un hématome sous-capsulaire ou une entité comme<br />

une cholédocholithiase. Il convient d’écarter une hépatite virale aiguë par des tests<br />

sérologiques appropriés. La biopsie hépatique permet d’établir le diagnostic et<br />

devrait être faite si ses résultats peuvent affecter le traitement. Par exemple, il<br />

est important de différencier une SHAG d’une hépatite virale aiguë afin de<br />

déterminer si un accouchement rapide est indiqué, car l’accouchement peut<br />

sauver la vie de la patiente atteinte de SHAG.<br />

L’étiologie de la SHAG représente probablement un défaut dans le métabolisme<br />

intermédiaire des graisses dû à un dysfonctionnement mitochondrial.<br />

Les enfants nés des grossesses affectées peuvent être déficients en l’une des<br />

enzymes de la bêta-oxydation des acides gras dans les mitochondries, la<br />

3-hydroxyl-acyl Co-A déshydrogénase à longue chaîne (LCHAD). Certaines<br />

femmes touchées sont des hétérozygotes déficientes en LCHAD; de sorte<br />

qu’une déficience partielle héréditaire de la bêta-oxydation des acides gras<br />

peut être découverte chez les femmes sensibles du fait d’un fœtus présentant<br />

une déficience totale. En raison de l’association entre la SHAG et le déficit en<br />

LCHAD, il convient de tester la mère et l’enfant pour rechercher une déficience<br />

en LCHAD, lorsque les tests sont accessibles. Le risque de SHAG ne<br />

semble pas augmenter lors des grossesses ultérieures.<br />

20.4.4 HÉPATOPATHIE DE PRÉ-ÉCLAMPSIE<br />

La pré-éclampsie est une maladie d’étiologie incertaine, caractérisée par une<br />

hypertension et une protéinurie soutenues après la 20 e semaine de gestation.


736 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

L’atteinte hépatique, typiquement sous la forme du syndrome HELLP (hémolyse,<br />

élévation des enzymes hépatiques, plaquettes basses), apparaît chez 20 %<br />

environ des femmes présentant une pré-éclampsie grave, habituellement au<br />

troisième trimestre. Bons nombres de patientes sont asymptomatiques et le<br />

diagnostic est posé lors de tests de laboratoire systématiques dans le cadre de<br />

la pré-éclampsie. Jusqu’à 30 % des cas sont diagnostiqués dans le postpartum;<br />

certains ne s’accompagnent ni d’hypertension ni de protéinurie au<br />

moment de la présentation. Les patientes peuvent souffrir des nausées, des<br />

vomissements, des douleurs abdominales et des symptômes typiques de la<br />

pré-éclampsie (c’est-à-dire, maux de tête et vision trouble). L’ictère est rare.<br />

Le diagnostic demeure clinique. Les aminotransférases sont élevées, mais<br />

variables. Selon une étude, l’ASAT moyenne est de 250 UI/L pour un intervalle<br />

de 70 à plus de 6 000 UI/L. L’hémolyse est modeste, détectée par frottis de<br />

sang périphérique et un taux élevé de lactate déshydrogénase. La thrombocytopénie<br />

peut être modeste à très grave; on doit envisager un purpura thrombocytopénique<br />

idiopathique dans le diagnostic différentiel. La biopsie hépatique<br />

révèle une hémorragie périportale et des dépôts de fibrine avec nécrose des<br />

hépatocytes périportaux. La biopsie est rarement nécessaire et devrait être<br />

faite avec précaution en raison du risque d’hématome sous-capsulaire et de<br />

rupture hépatique associée à cette affection. L’infarctus hépatique est une<br />

complication supplémentaire de la pré-éclampsie. Les femmes affectées ont<br />

de la fièvre, une élévation marquée des aminotransférases, de l’anémie et une<br />

leucocytose. Le trouble peut se résoudre spontanément ou provoquer le décès<br />

par insuffisance d’organes multiples.<br />

Le traitement de la pré-éclampsie et du syndrome HELLP est essentiellement<br />

obstétrical, comprenant une surveillance fœtale attentive et un accouchement<br />

rapide. Bien que le syndrome HELLP puisse récidiver lors de grossesses<br />

ultérieures, on n’observe de séquelle hépatique indésirable à long terme ni<br />

chez la mère ni chez l’enfant.<br />

21. TROUBLES VASCULAIRES HÉPATIQUES / L.J. Worobetz<br />

L’anomalie circulatoire qui affecte le foie le plus souvent est l’insuffisance<br />

cardiaque, qui entraîne une diminution de la sortie sanguine du foie. Il existe<br />

d’autres causes de congestion hépatique, en particulier la péricardite constrictive,<br />

l’obstruction de la veine cave inférieure et des veines sus-hépatiques (syndrome<br />

de Budd-Chiari) et l’occlusion des petites veines hépatiques (maladie veinoocclusive).<br />

L’augmentation de la résistance à la sortie veineuse se traduit par<br />

une hépatomégalie congestive, une dilatation des veinules hépatiques et des<br />

sinusoïdes et une hypoxie. L’hypoxie se traduit par des lésions hépatocytaires<br />

avec risque de fibrose et de cirrhose dite « cardiaque ». En cas de d’hypotension


FIGURE 41. Schéma de la circulation intrahépatique.<br />

Le foie 737<br />

artérielle soudaine, lors d’un infarctus myocardique, par exemple, la baisse<br />

brutale d’entrée de sang dans le foie peut aboutir à une hépatite ischémique<br />

(Figure 41).<br />

21.1 Hépatite ischémique<br />

L’hépatite ischémique est une situation d’insuffisance circulatoire aiguë avec<br />

hypoperfusion hépatique résultante causant une atteinte hépatocytaire aiguë.<br />

Une hépatite ischémique peut résulter de toute hypotension artérielle aiguë,<br />

mais on l’observe le plus souvent dans les cas de cardiopathie aiguë due, par<br />

exemple, à un infarctus du myocarde aigu. Les patients présentant une<br />

hépatopathie préexistante, en particulier alcoolique, sont particulièrement<br />

susceptibles d’une telle atteinte. Les signes cliniques d’insuffisance hépatique<br />

sont habituellement absents. Le tableau biochimique est similaire à celui<br />

d’une hépatite virale aiguë, avec une augmentation rapide des aminotransférases<br />

sériques, jusqu’à 8 à 10 fois la normale. De manière caractéristique, les<br />

enzymes hépatiques reviennent rapidement à la normale, dans les sept jours,<br />

si la cause sous-jacente de l’hypotension est corrigée. La bilirubine sérique et<br />

la phosphatase alcaline peuvent augmenter légèrement, parfois même à<br />

retardement, simulant un tableau cholestatique. Dans les cas où le diagnostic


738 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

est difficile, la biopsie hépatique peut montrer une atteinte caractéristique de<br />

la zone 3. Souvent, on note des signes additionnels d’hypoperfusion dans un<br />

organe terminal, en particulier, une atteinte rénale aiguë. Le but du traitement<br />

est de rétablir le débit cardiaque et d’inverser la cause sous-jacente d’instabilité<br />

hémodynamique. Il n’existe aucun traitement médicamenteux spécifique à<br />

l’heure actuelle pour l’atteinte hépatique, l’issue dépendant entièrement de<br />

l’état cardio-vasculaire du patient.<br />

21.2 Insuffisance cardiaque congestive<br />

Chez les patients présentant une insuffisance cardiaque congestive, aiguë ou<br />

chronique, on observe fréquemment les particularités biochimique et cliniques<br />

d’une hépatopathie reflétant une congestion hépatique passive. Toutefois, ces<br />

particularités caractérisent souvent l’effet sur le foie de la combinaison de<br />

congestion passive et de réduction du débit cardiaque. Les manifestations<br />

cliniques de la congestion hépatique incluent fréquemment une hépatomégalie<br />

sensible à la palpation et une douleur abdominale générale. On n’observe pas<br />

habituellement les aspects classiques de l’hépatopathie chronique. Une insuffisance<br />

cardiaque droite peut s’accompagner d’une augmentation de la pression<br />

dans les veines jugulaires et un reflux hépato-jugulaire. Dans l’insuffisance<br />

tricuspidienne, le foie peut être pulsatile. L’ascite, qui peut être présente, a<br />

souvent une concentration élevée en protéines. Les anomalies biochimiques<br />

caractéristiques comprennent une élévation modérée des aminotransférases<br />

(< 300 UI/L) et une légère élévation de la phosphatase alcaline, en particulier<br />

en cas de congestion aiguë qui peut s’accompagner aussi d’une agression<br />

ischémique. Le degré d’élévation de la bilirubine est bien corrélé au degré<br />

d’insuffisance cardiaque et peut être disproportionné par rapport aux enzymes<br />

hépatiques. Les tests de laboratoire et les examens par imagerie sont par<br />

ailleurs destinés à évaluer et à surveiller la gravité de l’hépatopathie (albumine,<br />

INR) et à écarter d’autres causes d’hépatopathie. Dans les cas de diagnostic<br />

difficile, une biopsie hépatique révèle des altérations classiques de la zone 3,<br />

avec dilatation des veines centrales et sinusoïdales et hémorragie. Dans les cas<br />

chroniques, on peut voir apparaître des altérations fibreuses caractéristiques,<br />

avec possibilité de cirrhose. Le pronostic est directement lié à la gravité de<br />

l’insuffisance cardiaque et à la réponse de l’insuffisance cardiaque au traitement.<br />

21.3 Syndrome de Budd-Chiari<br />

Le syndrome de Budd-Chiari est un processus physiopathologique produisant<br />

une interruption ou une diminution du débit sanguin normal à la sortie du foie.<br />

Il implique une thrombose des veines sus-hépatiques et/ou de la veine cave<br />

inférieure sus-hépatique. On le distingue de deux autres causes de réduction


Le foie 739<br />

de sortie sanguine du foie, la maladie hépatique veino-occlusive et l’insuffisance<br />

cardiaque droite. Le syndrome de Budd-Chiari est un trouble d’étiologie<br />

variée, dont la cause sous-jacente peut être identifiée dans plus de 80 % des<br />

cas. Jusqu’à 50 % des patients présentent un trouble myéloprolifératif<br />

chronique sous-jacent (polyglobulie essentielle, thrombocytose essentielle,<br />

métaplasie myéloïde), avec l’état d’hypercoagulabilité associé. D’autres états<br />

d’hypercoagulabilité prédisposent à ce syndrome : hémoglobinurie nocturne<br />

paroxysmique et déficit en protéines C et S, ainsi que l’utilisation des<br />

contraceptifs oraux et la grossesse. Parmi les autres causes, on peut citer les<br />

infections et les lésions mécaniques obstructives telles les tumeurs et les<br />

membranes vasculaires.<br />

Le syndrome de Budd-Chiari est plus fréquent chez la femme et apparaît<br />

habituellement dans la trentaine ou la quarantaine. Le syndrome peut être<br />

fulminant, aigu, subaigu ou chronique. Les manifestations cliniques dépendent<br />

du degré et de la rapidité de l’occlusion vasculaire. Dans la maladie aiguë, les<br />

patients présentent une hépatomégalie sensible à la palpation en développement<br />

rapide et une ascite accentuée aboutissant à une insuffisance hépatique avec<br />

ictère, possibilité d’hémorragie variqueuse et coma. Les tests biochimiques<br />

sont anormaux, avec élévation de l’ASAT et de l’ALAT, reflétant le degré de<br />

congestion vasculaire et la lésion hépatocellulaire ischémique résultante. La<br />

fonction hépatique peut se détériorer rapidement avec une hyperbilirubinémie<br />

progressive et une augmentation de l’INR. Le gradient d’albumine entre<br />

sérum et liquide ascitique est élevé, avec une concentration des protéines dans<br />

le liquide ascitique > 2,5 g/dL. Les manifestations subaiguës et chroniques,<br />

présentes depuis plusieurs semaines (jusqu’à plus de six mois), peuvent avoir<br />

des particularité de l’ascite ou de l’hémorragie variqueuse : la biopsie hépatique<br />

révèle d’importantes zones hémorragiques avec congestion, atrophie et<br />

nécrose autour du centre du lobule. Le degré de nécrose et la présence d’une<br />

fibrose aident à déterminer l’urgence de la décompression ou même de la<br />

greffe de foie. L’échographie Doppler est maintenant la méthode diagnostique<br />

de choix, avec une sensibilité et une spécificité de 85 %. L’examen<br />

échographique type révèle une incapacité à visualiser les raccordements<br />

normaux à la veine cave et l’absence de toute forme d’onde progressive dans<br />

la veine sus-hépatique. Dans les cas difficiles à diagnostiquer, la tomodensitométrie<br />

de contraste, l’IMR ou la phlébographie hépatique de la veine cave<br />

inférieure peuvent aider à établir le diagnostic et à écarter toutes les causes<br />

anatomiques de thrombose. La décision concernant le traitement dépend de<br />

l’étiologie, de l’anatomie et de l’acuité de la maladie. Les principes du traitement<br />

comprennent : le soutien médical et le déblocage de la sortie veineuse du foie<br />

pour prévenir une nécrose hépatique. Le traitement traditionnel comprenant


740 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

des diurétiques n’inverse pas la congestion hépatique, mais aide à gérer les<br />

conséquences de l’hypertension portale et de l’ascite. L’héparine est souvent<br />

utilisée aux premiers stades du traitement. Dans certains cas, on a utilisé avec<br />

succès un traitement thrombolytique par l’urokinase ou par un activateur du<br />

plasminogène tissulaire. L’installation d’une DIPT réduit la pression dans le<br />

système porte et aide à stabiliser l’état du patient (surtout en cas d’échec des<br />

thrombolytiques) et permet d’envisager une greffe de foie. Une autre solution<br />

est l’installation d’une dérivation chirurgicale. Les patients présentant une<br />

forme fulminante d’insuffisance hépatique devraient être considérés comme<br />

candidats à une greffe de foie.<br />

21.4 Maladie veino-occlusive<br />

Par maladie veino-occlusive (MVO), on entend une obstruction des petites et<br />

moyennes veines intrahépatiques, de plus en plus désignée par l’expression de<br />

« syndrome d’obstruction sinusoïsale » (SOS). Cette tendance reflète le fait<br />

que l’obstruction commence habituellement dans le sinusoïde. Parmi les<br />

facteurs étiologiques, on peut citer les alcaloïdes de type pyrrolizidine, l’irradiation<br />

hépatique, l’azathioprine et la réaction du greffon contre l’hôte après<br />

une greffe de moelle osseuse. Les manifestations de la maladie veino-occlusive<br />

ressemblent à celles du syndrome de Budd-Chiari. Dans la forme aiguë, les<br />

manifestations peuvent comprendre une hépatomégalie, une ascite et une<br />

hyperbilirubinémie. La forme chronique aboutit à une cirrhose et à une<br />

hypertension portale avec varices œsophagiennes. De manière caractéristique,<br />

la biopsie hépatique montre une congestion intense autour des veinules<br />

hépatiques, avec épaississement des veines hépatiques obstruées. Il n’y a pas<br />

de traitement efficace. Il s’agit essentiellement d’un traitement de soutien,<br />

étant donné que 70 à 85 % des patients se rétablissent spontanément. Il peut<br />

être nécessaire de combattre l’ascite par une restriction sodique et par l’utilisation<br />

de diurétiques. Une DIPT peut contrôler une ascite réfractaire, mais ne<br />

semble pas prolonger la survie. La greffe de foie peut être le seul espoir dans<br />

beaucoup de cas.<br />

21.5 Thrombose de la veine porte (TVP)<br />

Chez les enfants, la thrombose de la veine porte (TVP) est due le plus souvent<br />

à une infection, par contamination du cordon ombilical du nouveau-né dans<br />

25 % des cas. Chez les adultes, la cirrhose est une cause majeure de thrombose,<br />

représentant 15 à 30 % des cas. Parmi les autres causes, on peut citer un<br />

traumatisme, une affection inflammatoire locale (pancréatite), une néoplasie<br />

(hépatome), un état d’hypercoagulabilité ou une cause idiopathique. Les<br />

patients présentent habituellement une hématémèse massive provenant d’une<br />

hémorragie récidivante de varices œsophagiennes. On note la présence d’une


Le foie 741<br />

splénomégalie. On peut aussi observer une TVP chronique avec une ascite.<br />

Les tests biochimiques hépatiques sont normaux ou légèrement élevés. La<br />

fonction hépatique est habituellement préservée, de sorte que<br />

l’encéphalopathie est rare et que les épisodes hémorragiques sont mieux<br />

tolérés. Le diagnostic peut être confirmé par échographie Doppler de la veine<br />

porte ou par la phase veineuse d’une angiographie hépatique. Le traitement<br />

vise habituellement à définir la cause de la thrombose et à contrôler le<br />

saignement des varices œsophagiennes. Pour prévenir d’autres épisodes<br />

hémorragiques, on peut envisager la ligature des varices ou l’utilisation de<br />

bêtabloquants. Bien que cela soit plus difficile au plan technique, l’installation<br />

d’une dérivation intrahépatique porto-systémique transjugulaire (DIPT) peut<br />

se révéler nécessaire. Le parenchyme hépatique étant normal, on peut envisager<br />

des techniques chirurgicales, telle l’anastomose mésentéricocave, qui sont<br />

généralement mieux tolérées que dans les cas d’hépatopathie chronique.<br />

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744 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Section 11 Hépatopathie héréditaire<br />

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high prevalence and low morbidity in an unselected population <strong>of</strong> 65,238 persons.<br />

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Section 12 Cholestase<br />

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32(Suppl. 1):129-140.<br />

Section 13 Cirrhose hépatique<br />

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(Suppl. 1):2-13.<br />

Section 14 Hypertension portale<br />

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842-847.


Le foie 745<br />

Section 15 Ascite et péritonite bactérienne spontanée<br />

Arroyo V, Gines P, Gerbes AL, et al. Definition and diagnostic criteria <strong>of</strong> refractory<br />

ascites and hepatorenal syndrome in cirrhosis. Hepatology 1996; 23:164-176.<br />

Moore KP, Wong F, Gines P, et al. <strong>The</strong> management <strong>of</strong> ascites: report on the consensus<br />

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Section 16 Encéphalopathie hépatique<br />

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Section 17 Syndrome hépato-rénal<br />

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Section 18 Greffe de foie<br />

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746 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

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Section 19 Néoplasmes hépatiques<br />

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Section 20 Hépatopathie durant la grossesse<br />

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Section 21 Troubles vasculaires hépatiques<br />

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350:578-585.<br />

OBJECTIFS<br />

Section 1. Structure et fonction du foie<br />

1. Décrire les caractéristiques morphologiques du foie normal.<br />

2. Connaître son réseau d’approvisionnement sanguin.<br />

3. Décrire le système biliaire.<br />

4. Définir les fonctions métaboliques du foie.<br />

5. Reconnaître les moyens par lesquels le foie élimine les médicaments et<br />

les agents xénobiotiques.<br />

6. Connaître les éléments de la formation de la bile et de la circulation<br />

entérohépatique des sels biliaires.<br />

7. Reconnaître l’importance des pompes d’exportation canaliculaires pour<br />

la formation de la bile.<br />

8. Reconnaître les fonctions des voies biliaires.


Le foie 747<br />

Section 2. Approche des hépatopathies<br />

1. Décrire les principales manifestations cliniques d’une hépatopathie.<br />

2. Qu’est-ce qu’un ictère? Donner un bref résumé du métabolisme de la<br />

bilirubine.<br />

3. Lister les principaux tests biochimiques pour l’évaluation d’une<br />

hépatopathie.<br />

4. Quelles sont les techniques d’imagerie utilisées fréquemment dans la<br />

maladie hépatobiliaire?<br />

5. Lister les indications de la biopsie hépatique.<br />

6. Examiner l’approche clinique de l’ictère.<br />

Section 3. Évaluation des anomalies des enzymes hépatiques chez<br />

les patients asymptomatiques<br />

1. Reconnaître les causes d’élévation des enzymes hépatiques.<br />

2. Faire la différence entre les causes de l’élévation des enzymes hépatiques<br />

avec et sans cholestase.<br />

3. Établir un plan d’investigation.<br />

Section 4. Le foie et l’élimination des médicaments<br />

1. Reconnaître que le débit sanguin hépatique et les enzymes du métabolisme<br />

sont les deux déterminants de l’élimination des médicaments.<br />

2. Comprendre les voies métaboliques aboutissant à l’excrétion des médicaments<br />

hors de l’organisme.<br />

3. Connaître la participation différentielle des enzymes du cytochrome P450<br />

dans le métabolisme des médicaments.<br />

Section 5. Hyperbilirubinémies congénitales<br />

1. Reconnaître les différentes causes de l’hyperbilirubinémie congénitale.<br />

2. Procédez au diagnostic différentiel d’une hyperbilirubinémie non conjuguée.<br />

Section 6. Hépatite virale aiguë<br />

1. Comprendre les modes de transmissions principaux de l’hépatite A-E.<br />

2. Discuter des manifestations cliniques et de l’histoire naturelle de<br />

l’hépatite aiguë.<br />

3. Connaître les tests sérologiques utilisés pour poser le diagnostic<br />

d’hépatite aiguë A-E.<br />

4. Discuter des options de prévention et de traitement <strong>of</strong>fertes pour l’hépatite<br />

aiguë A-E.<br />

5. Reconnaître les complications de l’hépatite aiguë.


748 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Section 7. Hépatite chronique<br />

1. Définir l’hépatite virale chronique et lister les caractéristiques histologiques<br />

de la maladie.<br />

2. Comprendre l’histoire naturelle, les marqueurs sérologiques et les indications<br />

de traitement de l’hépatite B.<br />

3. Comprendre l’histoire naturelle, les indications de traitement et l’importance<br />

du génotype de l’hépatite C.<br />

4. Définir la réponse virologique précoce et la réponse sérologique soutenue<br />

de l’hépatite C.<br />

5. Lister les options thérapeutiques de l’hépatite B et de l’hépatite C, leurs<br />

effets secondaires et leurs contre-indications.<br />

Section 8. Hépatopathie alcoolique<br />

1. Comprendre la pathogenèse et les manifestations des différents syndromes<br />

cliniques associés à l’hépatopathie alcoolique.<br />

2. Apprendre les problèmes de traitement des différents syndromes<br />

alcooliques.<br />

Section 9. Stéatopathie non alcoolique<br />

1. Comprendre les différences entre la SNA et la SHNA et les facteurs de<br />

risque associés.<br />

2. Reconnaître que l’on ne dispose que de peu de données concernant l’histoire<br />

naturelle de la maladie et élaborer une stratégie d’évaluation des patients<br />

atteints de SHA.<br />

3. Reconnaître qu’il n’y a pas de traitement d’efficacité démontrée à l’heure<br />

actuelle pour la SHA.<br />

Section 10. Hépatopathie médicamenteuse<br />

1. Faire une classification simple des lésions hépatiques médicamenteuses.<br />

2. Quels sont les formes de nécrose hépatique aiguë produites par des<br />

médicaments?<br />

3. Quelles sont les variantes de cholestase produites par des médicaments?<br />

4. Quel est le mécanisme de nécrose hépatique induite par l’acétaminophène?<br />

5. Lister les réactions hépatiques aux contraceptifs oraux.<br />

6. Quels sont les formes d’hépatopathie chronique que peuvent produire les<br />

médicaments?<br />

Section 11. Hépatopathie héréditaire<br />

1. Décrire les mécanismes morbides et les manifestations cliniques de<br />

l’hépatopathie associée au déficit de 1-antitrypsine et à la maladie de<br />

Wilson.


Le foie 749<br />

2. Élaborer une démarche de diagnostic clinique de l’hémochromatose.<br />

3. Interpréter les tests génétiques de l’hémochromatose.<br />

Section 12. Cholestase<br />

1. Comprendre qu’une cholestase peut être intrahépatique et/ou extrahépatique.<br />

2. Comprendre que le type biochimique de la maladie est similaire à celui<br />

des infiltrations.<br />

3. Apprendre que la biopsie hépatique peut aider dans le cas d’une<br />

cholestase intrahépatique.<br />

4. Comprendre qu’on utilise la technique d’imagerie par résonance magnétique<br />

et/ou l’échographie endoscopique pour étudier la cholestase extrahépatique.<br />

Section 13. Cirrhose hépatique<br />

Comprendre que :<br />

1. la cirrhose reste fréquemment non identifiée et que seule une biopsie<br />

hépatique permet de la diagnostiquer avec certitude.<br />

2. l’obésité est maintenant l’une des causes les plus fréquentes de cirrhose<br />

en Amérique du Nord.<br />

3. la cirrhose est réversible si la cause est annulée.<br />

4. un hépatome complique toutes les cirrhoses et devrait faire l’objet d’un<br />

dépistage.<br />

5. une cirrhose décompensée nécessite une greffe de foie.<br />

Section 14. Hypertension portale<br />

1. Décrire la physiopathologie de l’hypertension portale.<br />

2. Classer les causes d’hypertension portale en catégories.<br />

3. Comprendre la physiopathologie, l’anatomie et le traitement d’urgence et<br />

la prophylaxie de l’hémorragie variqueuse.<br />

4. Comprendre la pathogenèse, les caractéristiques cliniques et les options<br />

de traitement de la cardiomyopathie cirrhotique et des complications<br />

pulmonaires de la cirrhose.<br />

Section 15. Ascite<br />

1. Poser un diagnostic d’ascite cirrhotique ou d’ascite non cirrhotique; faire<br />

la distinction entre les différents stades de l’ascite cirrhotique.<br />

2. Comprendre la physiopathologie fondamentale de la formation d’une ascite.<br />

3. Comprendre les derniers progrès dans le traitement de l’ascite.<br />

4. Reconnaître la péritonite bactérienne spontanée.<br />

5. Se mettre à jour sur les derniers progrès dans le traitement de la péritonite<br />

bactérienne spontanée.


750 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Section 16. Encéphalopathie hépatique<br />

1. Savoir reconnaître les manifestations cliniques de l’encéphalopathie<br />

hépatique dans les différents grades de 1 à 4.<br />

2. Savoir établir un diagnostic différentiel des facteurs déclenchants possibles<br />

de l’encéphalopathie hépatique.<br />

3. Discuter des principes thérapeutiques appliqués au traitement de<br />

l’encéphalopathie hépatique, y compris les mécanismes d’action du lactulose.<br />

Section 17. Syndrome hépato-rénal<br />

1. Distinguer le syndrome hépato-rénal des autres causes d’insuffisance<br />

rénale chez des patients présentant une hépatopathie avancée.<br />

2. Expliquer la pathogenèse du syndrome hépato-rénal.<br />

3. Traiter des patients présentant un syndrome hépato-rénal.<br />

Section 18. Greffe de foie<br />

Examiner :<br />

1. qui est candidat à une greffe de foie.<br />

2. ce qu’est une greffe de foie de donneur vivant.<br />

3. ce qu’on appelle le score MELD et comment on peut l’utiliser pour<br />

mieux attribuer les organes.<br />

4. les résultats d’une greffe de foie.<br />

5. comment on peut adapter l’utilisation des agents immunosuppresseurs<br />

pour individualiser le traitement.<br />

Section 19. Néoplasmes hépatiques<br />

1. Savoir quels sont les examens requis en cas de découverte d’une lésion<br />

hépatique asymptomatique.<br />

2. Être au courant du besoin de dépistage du carcinome hépatocellulaire<br />

chez les patients atteints de cirrhose et des examens requis en cas de<br />

découverte d’une lésion hépatique chez un patient cirrhotique.<br />

Section 20. Hépatopathie durant la grossesse<br />

1. Identifier les changements qui se produisent normalement dans le foie<br />

durant la grossesse.<br />

2. Reconnaître une classification des hépatopathies durant la grossesse :<br />

hépatopathie qui se développe de durant la grossesse; hépatopathie<br />

chronique déjà présente au moment de la grossesse; hépatopathie intercurrente<br />

durant la grossesse.<br />

3. Savoir utiliser l’âge gestationnel de la grossesse comme excellent guide<br />

de diagnostic différentiel de l’hépatopathie chez la femme enceinte.


4. Savoir traiter les formes communes d’hépatopathie qui se produisent<br />

durant la grossesse.<br />

5. Lister les affections pour lesquelles l’arrêt de la grossesse est indispensable<br />

ou n’est pas nécessaire.<br />

Section 21. Troubles vasculaires hépatiques<br />

1. Apprécier les manières par lesquelles les anomalies du système circulatoire<br />

peuvent affecter le foie.<br />

2. Pouvoir reconnaître les anomalies cliniques et biochimiques observées<br />

dans les cas d’hépatite ischémique et d’insuffisance cardiaque congestive.<br />

POINTS DE PRATIQUE<br />

Le foie 751<br />

Section 1. Structure et fonction du foie<br />

1. Le foie est un organe complexe au plan métabolique, intervenant dans le<br />

métabolisme des protéines, des graisses et des glucides, dans l’élimination<br />

des médicaments et des toxines et dans la formation de la bile. Des<br />

études récentes concernant les mécanismes de formation de la bile<br />

démontrent le rôle vital joué par une variété de transporteurs, dont la<br />

pompe d’exportation des sels biliaires (BSEP), et par les protéines associées<br />

à la multirésistance. Le réseau sanguin abondant du foie est à la<br />

base de sa segmentation fonctionnelle (segments de Couinaud) qui<br />

permet de planifier les résections chirurgicales.<br />

Section 2. Approche des hépatopathies<br />

1. Une hépatopathie peut se manifester par des symptômes généraux non<br />

spécifiques.<br />

2. Les outils diagnostiques les plus importants pour déterminer la cause<br />

d’une hépatopathie sont l’anamnèse attentive et l’examen physique.<br />

3. La consistance du foie au toucher est aussi importante que sa taille pour<br />

le diagnostic.<br />

4. Le fractionnement de la bilirubine n’a habituellement que peu de valeur<br />

chez les patients présentant un ictère.<br />

5. Une élévation disproportionnée des aminotransférases favorise un trouble<br />

inflammatoire hépatocellulaire ; une élévation disproportionnée de la<br />

phosphatase alcaline favorise un trouble cholestatique ou infiltrant.<br />

6. L’échographie abdominale peut souvent faire la distinction entre la<br />

cholestase intrahépatique et la cholestase extrahépatique.<br />

7. Les frissons chez le patient atteint d’un ictère suggèrent une cholangite<br />

aiguë plutôt qu’un trouble hépatique.


752 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Section 3. Évaluation des anomalies des enzymes hépatiques chez<br />

les patients asymptomatiques<br />

1. La première étape dans l’étude d’une élévation des enzymes hépatiques<br />

chez des patients asymptomatiques consiste à répéter le test. Si les<br />

anomalies persistent, il convient de rechercher la cause de l’élévation<br />

des enzymes hépatiques.<br />

2. Il est utile de distinguer une élévation des aminotransférases isolée d’une<br />

élévation avec cholestase, parce que les causes sont différentes.<br />

3. La stéatohépatite non alcoolique est une cause fréquente d’élévation des<br />

enzymes hépatiques.<br />

Section 4. Le foie et l’élimination des médicaments<br />

1. Dans l’hépatopathie chronique, la clairance des médicaments dépendant<br />

du débit hépatique et/ou du métabolisme de phase 1 (enzymes du<br />

cytochrome P450) est réduite.<br />

2. Dans l’hépatopathie chronique, les médicaments métabolisés par<br />

les enzymes de phase 2 (surtout par conjugaison) sont éliminés<br />

essentiellement sans changement.<br />

3. Dans le foie sain ou malade, des substances et des médicaments peuvent<br />

inhiber fortement le métabolisme de certains médicaments.<br />

Section 5. Hyperbilirubinémies congénitales<br />

1. Une hyperbilirubinémie non conjuguée en l’absence d’hémolyse est<br />

habituellement secondaire à un défaut congénital de la glucuronidation de<br />

la bilirubine.<br />

2. À l’exception du syndrome de Crigler-Najjar type I, l’hyperbilirubinémie<br />

congénitale n’a d’effet ni sur l’espérance de vie ni sur la qualité de vie des<br />

personnes affectées.<br />

Section 6. Hépatite virale aiguë<br />

1. Les causes d’hépatite virale aiguë ont des manifestations non spécifiques<br />

similaires (légère fièvre, nausées, douleur dans l’hypocondre, fatigue).<br />

2. Les modes de transmission vont de surtout fécale/orale (hépatites A et E)<br />

à parentérale, sexuelle ou périnatale (hépatite B-D).<br />

3. Une hépatite virale aiguë est généralement légère et auto-limitée. Les<br />

anomalies de la fonction de synthèse (INR, bilirubine, albumine) suggèrent<br />

une atteinte hépatique plus grave.<br />

4. Le traitement de l’hépatite virale aiguë est centrée sur la prévention de la<br />

transmission des virus et sur les soins de soutien. Il existe des vaccins<br />

contre l’hépatite A et l’hépatite B. On a recours à un traitement antiviral<br />

pour l’hépatite C aiguë.


Le foie 753<br />

5. Les complications de l’hépatite virale aiguë comprennent l’insuffisance<br />

hépatique fulminante, l’hépatite chronique et les manifestations extrahépatiques<br />

(médiation par le complexe immun).<br />

Section 7. Hépatite chronique<br />

1. L’hépatite virale chronique est définie comme une inflammation hépatique<br />

persistant pendant plus de 6 mois. Les caractéristiques histologiques<br />

peuvent être classées en utilisant le système de classification METAVIR.<br />

2. Hépatite B : l’inflammation hépatique active est suggérée par l’élévation des<br />

transaminases. La réplication virale active est confirmée par l’élévation de<br />

l’ADN de VHB. La sérologie permet de faire la différence entre l’hépatite<br />

avec AgBe et l’hépatite sans AgBe, qui ont chacune des caractéristiques<br />

cliniques distinctes.<br />

3. Hépatite C : les concepts de réponse virologique soutenue et de réponse<br />

virologique précoce sont importants pour la surveillance de la réponse au<br />

traitement. Le génotype du VHC est le prédicteur de réponse au traitement<br />

antiviral le plus important.<br />

4. Le traitement de l’hépatique B et de l’hépatite C est clairement indiqué, avec<br />

des signes d’inflammation et de réplication virale actives.<br />

5. Les patients atteints d’hépatite B ou C chronique sont exposés à un risque<br />

de cirrhose et de carcinome hépatocellulaire. Pour dépister le carcinome<br />

hépatocellulaire, effectuer une échographie et une mesure de l’alfafœtoprotéine<br />

sérique aux 6 à 12 mois chez les patients atteints d’hépatite<br />

B chronique ou d’une cirrhose (hépatite B ou C).<br />

Section 8. Hépatopathie alcoolique<br />

1. L’hépatopathie alcoolique est relativement fréquente et, dans le cadre<br />

clinique correct, devrait être considérée comme un diagnostic plausible.<br />

2. La stéatopathie associée à une consommation excessive d’alcool est une<br />

affection réversible si le patient peut s’abstenir totalement de l’alcool.<br />

3. L’hépatite alcoolique aiguë peut aboutir à une insuffisance hépatique, avec<br />

un taux de mortalité élevée. Étant donné que la greffe de foie n’est pas une<br />

option pour les patients présentant une hépatite alcoolique, de nouveaux<br />

traitements sont constamment à l’étude.<br />

4. La cirrhose alcoolique coexiste souvent avec une hépatite virale B ou C,<br />

qui peut amener une progression rapide de la cirrhose. Le traitement de<br />

l’hépatique virale et l’abstinence de l’alcool sont deux facteurs pouvant<br />

améliorer notablement le pronostic.<br />

5. Les patients présentant une cirrhose alcoolique devraient être contrôlés<br />

régulièrement pour déceler les complications de la cirrhose, y compris les<br />

hépatomes.


754 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Section 9. Stéatopathie non alcoolique<br />

1. Bien que la plupart des cas de SNA soient associées à une obésité, la<br />

stéatopathie non alcoolique peuvent se produire chez les patients sans<br />

facteur de risque évident.<br />

2. Un IMC élevé associé à un diabète de type 2 et un rapport ASAT/ALAT<br />

> 1 exposent les patients atteint de SNA à un risque de SHNA.<br />

3. Bien qu’il n’y ait à l’heure actuelle aucune intervention médicale efficace<br />

pour la SNA, un contrôle des facteurs métaboliques tels que l’hyperglycémie,<br />

l’hyperlipidémie et la perte de poids peuvent améliorer les<br />

enzymes hépatiques et, peut-être même, pr<strong>of</strong>iter aux patients présentant<br />

un risque de progression en cirrhose.<br />

Section 10. Hépatopathie médicamenteuse<br />

1. Les médicaments sont une cause fréquente de lésion hépatique.<br />

2. L’indice le plus important pour le diagnostic d’une hépatotoxicité<br />

médicamenteuse est l’anamnèse détaillée.<br />

3. L’hépatopathie médicamenteuse peut prendre de nombreuses formes et<br />

peut imiter une grande variété d’autres troubles hépatiques.<br />

4. L’arrêt de l’agent nocif inverse habituellement l’atteinte hépatique.<br />

Section 11. Hépatopathie héréditaire<br />

1. Un déficit en 1-antitrypsine est une cause génétique importante<br />

d’hépatopathie infantile.<br />

2. Les adultes hétérozygotes pour un déficit en 1-antitrypsine peuvent<br />

présenter une hépatopathie cliniquement importante (avec fibrose ou<br />

cirrhose) plus tard dans la vie.<br />

3. La maladie de Wilson peut se présenter comme une maladie hépatique,<br />

neurologique ou neuropsychiatrique, combinée à d’autres troubles<br />

(arthrite, maladie rénale, avortements spontanés répétés).<br />

4. On diagnostique aussi la maladie de Wilson chez des adultes d’un certain<br />

âge et il convient donc d’envisager cette maladie en cas d’hépatopathie<br />

inexpliquée, indépendamment de l’âge du patient.<br />

5. L’arrêt du traitement chez un patient stable présentant une maladie de<br />

Wilson peut se traduire par une décompensation sévère, souvent impossible<br />

à corriger; l’observation de nouveaux symptômes neurologiques est possible<br />

chez les tous patients n’observant pas leur traitement. Ce traitement est maintenu<br />

pendant toute la vie et les patients doivent être contrôlés régulièrement.<br />

6. Étant donné qu’une seule mutation (C282Y) du gène de l’hémochromatose<br />

(HFE) explique plus de 90 % des cas atypiques, le test génétique est un test<br />

sanguin diagnostique très utile.<br />

7. La stéatopathie et la consommation quotidienne d’alcool sont les deux<br />

causes les plus fréquentes de l’élévation de la ferritine.


Le foie 755<br />

8. Il est rare qu’un patient ayant une hémochromatose présente une lésion<br />

d’organe quand la ferritine sérique est inférieure à 1 000 µg/L.<br />

Section 12. Cholestase<br />

1. Une cholestase chronique s’accompagne en général de prurit, mais sans ictère.<br />

2. Déterminer si la cholestase est intrahépatique ou extrahépatique.<br />

3. Les calculs dans les voies biliaires principales peuvent être indolores.<br />

4. Les réactions cholestatiques médicamenteuses peuvent faire suite à une<br />

seule exposition et durer (plus de 6 mois).<br />

5. Une septicémie dans l’arbre biliaire est rapidement fatale.<br />

Section 13. Cirrhose hépatique<br />

1. Soupçonner une cirrhose lorsque les plaquettes sont inférieures à 150 x 10 9 /L<br />

et/ou une gammapathie polyclonale.<br />

2. Éviter toute intervention / opération chirurgicale invasive non nécessaire<br />

chez les cirrhotiques.<br />

3. Éduquer les patients cirrhotiques sur l’importance de la surveillance<br />

à long terme (dépistage échographique du CHC) et des stratégies de<br />

prévention (vaccination contre l’hépatite virale, médicaments à éviter).<br />

Section 14. Hypertension portale<br />

1. L’hypertension portale est définie comme une augmentation de la pression<br />

dans la veine porte; elle est causée par différentes affections qu’on peut<br />

classer en fonction du siège de résistance principale à l’écoulement portal.<br />

2. La principale complication est l’hémorragie de varices gastro-œsophagiennes;<br />

il se produit une hémorragie chez près d’un tiers des patients ayant de<br />

grosses varices dans les 2 ans suivant la découverte.<br />

3. Différents médicaments et traitements non chirurgicaux, telle la ligature<br />

par élastique à l’endoscope, sont les moyens de traitement de base de<br />

l’hémorragie aiguë.<br />

4. Entre 30 et 50 % de toutes les hémorragies digestives hautes chez les<br />

patients cirrhotiques proviennent d’une gastropathie associée à l’hypertension<br />

portale. Le traitement d’une telle gastropathie fait intervenir des<br />

mesures de réduction de la pression portale.<br />

5. On définit une cardiomyopathie cirrhotique comme une réponse contractile<br />

amoindrie du ventricule à des stimulus stressants, face à une augmentation<br />

du débit cardiaque au repos.<br />

6. Le syndrome hépatopulmonaire est défini comme une hypoxémie<br />

artérielle chez les patients cirrhotiques en l’absence d’un trouble<br />

pulmonaire primaire.<br />

7. L’hypertension porto-pulmonaire est une hypertension artérielle pulmonaire<br />

chez des patients atteints d’une hypertension portale.


756 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

Section 15. Ascite<br />

1. La première étape dans le traitement de l’ascite est l’ajustement soigneux<br />

des apports de sodium en fonction de l’excrétion de sodium, pour atteindre<br />

un bilan sodique négatif.<br />

2. Il convient d’utiliser les diurétiques en appoint de la restriction de sodium<br />

dans l’alimentation.<br />

3. La ponction évacuatrice et la DIPT sont les éléments de base du traitement<br />

de l’ascite réfractaire.<br />

4. La greffe de foie devrait être envisagée pour tous les patients présentant<br />

une ascite.<br />

5. Sans traitement, la péritonite bactérienne spontanée s’accompagne d’un<br />

taux de mortalité élevé. Un traitement empirique devrait donc être<br />

commencé dès qu’on soupçonne une péritonite.<br />

6. Une prophylaxie secondaire est indispensable chez les patients qui se<br />

sont rétablis après une péritonite bactérienne spontanée. Il n’existe aucune<br />

donnée à l’appui de l’utilisation d’une prophylaxie primaire contre le<br />

premier épisode de péritonite bactérienne.<br />

7. Il convient de décourager l’utilisation indiscriminée des antibiotiques chez<br />

les patients cirrhotiques, pour éviter une augmentation de la résistance<br />

aux antibiotiques.<br />

Section 16. Encéphalopathie hépatique<br />

1. On peut identifier un facteur déclenchant chez la plupart des patients<br />

atteints d’une hépatopathie chronique qui présentent une encéphalopathie<br />

hépatique.<br />

2. La dérivation du sang à l’extérieur du foie, dans la circulation générale,<br />

et un dysfonctionnement hépatocellulaire sont les éléments importants de<br />

la pathogenèse de l’encéphalopathie hépatique.<br />

Section 17. Syndrome hépato-rénal<br />

1. Il convient d’éviter les agents néphrotoxiques en raison du risque de<br />

syndrome hépato-rénal. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les<br />

inhibiteurs de la cyclo-oxygénase 2, l’aspirine, les aminoglycosides et les<br />

agents de contraste contenant de l’iode sont fréquemment associés à un<br />

syndrome hépato-rénal chez les patients cirrhotiques.<br />

2. On devrait envisager une ponction diagnostique chez tous les patients<br />

cirrhotiques présentant une ascite chez lesquels se développe un<br />

syndrome hépato-rénal, pour écarter la présence d’une péritonite bactérienne<br />

spontanée. L’utilisation empirique d’antibiotiques n’est pas justifiée<br />

dans cette situation.


Le foie 757<br />

3. On ne peut pas présumer un syndrome hépato-rénal chez tous les patients<br />

cirrhotiques présentant une insuffisance rénale. On doit tenir compte des<br />

autres causes possibles d’insuffisance rénale dans le diagnostic différentiel.<br />

4. Chez les patients cirrhotiques dont la cirrhose est décompensée, il convient<br />

de procéder à une évaluation de la possibilité d’une greffe de foie avant<br />

l’apparition d’un syndrome hépato-rénal. Cette démarche aide les médecins<br />

à décider du degré d’agressivité du traitement lors de l’apparition d’un<br />

syndrome hépato-rénal. Étant donné le nombre limité de donneurs d’organes<br />

pleins, il peut être déjà trop tard si on attend pour faire une telle évaluation<br />

que le patient soit hospitalisé avec un syndrome hépato-rénal de type 1.<br />

Section 18. Greffe de foie<br />

1. La greffe de foie est la forme de traitement la plus efficace pour une<br />

hépatopathie terminale. Les résultats des greffes se sont améliorés au<br />

cours des 10 dernières années et la survie du greffon et du patient à un an<br />

approche ou dépasse 90 %.<br />

2. Notre compréhension croissante des événements moléculaires intervenant<br />

dans l’activation des lymphocytes a permis l’adoption d’un certain nombre<br />

d’agents nouveaux qui permettent de personnaliser le traitement pour<br />

mieux répondre aux besoins du patient.<br />

3. La pénurie d’organes humains se traduit par des listes d’attente d’une<br />

longueur inacceptable, avec un taux de mortalité élevé. Cela a amené les<br />

centres de transplantation à envisager l’utilisation de greffons hépatiques<br />

prélevés chez des membres adultes vivants de la parenté.<br />

Section 19. Néoplasmes hépatiques<br />

1. Les lésions hépatiques bénignes les plus communes sont le kyste solitaire<br />

du foie et l’hémangiome.<br />

2. Le carcinome hépatocellulaire est la tumeur la plus fréquemment<br />

observée chez les patients présentant une hépatopathie préexistante, en<br />

particulier une cirrhose.<br />

3. Le dépistage du CHC chez les patients cirrhotiques peut comprendre<br />

une échographie hépatique et la mesure de l’alpha-fœtoprotéine tous<br />

les 6 à 12 mois.<br />

Section 20. Hépatopathie durant la grossesse<br />

1. Les complications hépatiques sont rares durant la grossesse; de telles<br />

complications peuvent s’accompagner, pour la mère et pour le fœtus,<br />

d’issues indésirables nécessitant un accouchement immédiat. Il est donc<br />

nécessaire d’adopter une démarche rationnelle pour les diagnostiquer.


758 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

2. Il convient de tenir compte des affections hépatiques préexistantes et de<br />

l’âge gestationnel de la grossesse pour établir un diagnostic différentiel.<br />

On doit tenir compte de tous les stades, des maladies sans lien avec la<br />

grossesse, y compris l’hépatite virale et la cholélithiase.<br />

3. Les complications hépatiques particulières à la grossesse comprennent<br />

les vomissements de la grossesse (généralement au premier trimestre), la<br />

cholestase gravidique (généralement au deuxième ou troisième trimestre)<br />

et les troubles associés à la pré-éclampsie (p. ex., la SHAG et le syndrome<br />

HELLP; habituellement au troisième trimestre).<br />

Section 21. Troubles vasculaires hépatiques<br />

1. L’insuffisance cardiaque congestive est l’anomalie circulatoire affectant le<br />

foie la plus fréquente.<br />

RECHERCHE<br />

Section 1. Structure et fonction du foie<br />

1. D’autres études devraient se concentrer sur le rôle des transporteurs<br />

connus des sels biliaires et sur l’identification des transporteurs encore<br />

inconnus. De tels travaux pourraient aider à élucider les mécanismes de<br />

la cholestase et les cibles thérapeutiques potentielles pour les affections<br />

hépatiques cholestatiques.<br />

Section 2. Approche des hépatopathies<br />

1. Rechercher les marqueurs de la fibrose hépatique.<br />

Section 3. Évaluation des anomalies des enzymes hépatiques chez<br />

les patients asymptomatiques<br />

1. Élaborer des tests non invasifs permettant d’évaluer le degré de fibrose<br />

hépatique, sans biopsie hépatique, chez les patients présentant une<br />

hépatopathie chronique.<br />

2. Élucider la pathogenèse de la stéatohépatite non alcoolique et élaborer<br />

un traitement efficace.<br />

Section 4. Le foie et l’élimination des médicaments<br />

1. Découvrir des indices précis permettant de prévoir une insuffisance de la<br />

clairance des médicaments lors des hépatopathies chroniques.<br />

2. Tenter de mieux comprendre l’effet d’un dysfonctionnement hépatique<br />

ou d’une hépatopathie sur l’activité des enzymes de métabolisation.


Le foie 759<br />

Section 5. Hyperbilirubinémies congénitales<br />

1. Explorer la thérapie génique du syndrome de Criggler -Najjar type I.<br />

Section 6. Hépatite virale aiguë<br />

1. Élaborer un vaccin injectable pour la prévention de l’hépatite C, ce qui<br />

reste un défi biologique.<br />

2. Appr<strong>of</strong>ondir le traitement de soutien des patients présentant une hépatite<br />

aiguë fulminante.<br />

Section 7. Hépatite chronique<br />

1. Déterminer les génotypes de l’hépatique B et les conséquences pour la<br />

réussite du traitement et le pronostic.<br />

2. Tester des associations d’antiviraux pour augmenter l’efficacité de traitement<br />

et réduire la résistance virale.<br />

3. Résultats d’un essai comparatif direct de l’interféron pégylé -2a et de<br />

l’interféron pégylé -2b.<br />

4. Élaborer un vaccin contre l’hépatite C.<br />

Section 8. Hépatopathie alcoolique<br />

1. Progrès dans le domaine du traitement de l’hépatite alcoolique aiguë, en<br />

particulier concernant des anti-cytokines pour neutraliser les effets<br />

délétère des cytokines inflammatoires.<br />

Section 9. Stéatopathie non alcoolique<br />

Dans le domaine de la SNA, on devrait poursuivre les recherches pour :<br />

1. comprendre la physiopathologie;<br />

2. comprendre l’histoire naturelle et le risque d’hépatopathie avancée;<br />

3. améliorer le traitement.<br />

Section 10. Hépatopathie médicamenteuse<br />

1. Les domaines de recherche actuelles comprennent la pathogenèse<br />

moléculaire de diverses formes de lésions hépatiques médicamenteuses et<br />

l’importance croissante des remèdes à base de plantes et relevant de la<br />

naturopathie comme causes de lésion hépatique.<br />

Section 11. Hépatopathie héréditaire<br />

1. Déterminer le fondement de la variabilité clinique de ces hépatopathies<br />

génétiques : pourquoi certaines personnes ayant un déficit en 1antitrypsine<br />

sont atteintes d’une hépatopathie et pourquoi certaines<br />

personnes atteintes de la maladie de Wilson présentent surtout une<br />

hépatopathie alors que d’autres présentent surtout une maladie neurologique.


760 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />

2. Élaborer de nouveaux traitements à mesure que les mécanismes de la<br />

maladie sont mieux compris.<br />

Section 12. Cholestase<br />

1. Meilleures stratégies de traitement du prurit.<br />

2. Pathogenèse des troubles biliaires auto-immuns (cirrhose biliaire primitive<br />

et cholangite sclérosante primitive).<br />

3. Techniques d’échographie endoscopique et d’IRM dans le diagnostic et<br />

le traitement d’une maladie biliaire extrahépatique.<br />

Section 13. Cirrhose du foie<br />

1. Tests non invasifs sensibles et spécifiques pour mesurer le degré de<br />

fibrose hépatique.<br />

2. Identification des clones malins des hépatocytes à leur début.<br />

3. Rôle des infections bactériennes dans le déclenchement d’une décompensation<br />

hépatique.<br />

Section 14. Hypertension portale<br />

1. Éclaircir davantage les mécanismes cellulaires fondamentaux de<br />

pathogenèse dans la circulation hépatique et intestinale, en insistant sur<br />

les facteurs dynamiques.<br />

2. Des études cliniques sont nécessaires pour mieux prévoir les hémorragies<br />

variqueuses; on a aussi besoin d’élaborer des méthodes pharmacologiques,<br />

endoscopiques et chirurgicales optimales pour prévenir ou traiter ces<br />

hémorragies.<br />

3. Élucider les mécanismes intervenant dans la vasodilatation pulmonaire<br />

de la cirrhose.<br />

4. Des études sont nécessaires pour améliorer les stratégies de traitement du<br />

syndrome hépato-pulmonaire et de l’hypertension pulmonaire.<br />

Section 15. Ascite<br />

1. Des agents aquarétiques sont mis au point actuellement pour le traitement<br />

de l’hyponatrémie et la réduction de l’ascite.<br />

Section 16. Encéphalopathie hépatique<br />

1. Appr<strong>of</strong>ondir la physiopathologie de l’encéphalopathie hépatique.<br />

2. Découvrir de nouvelles démarches thérapeutiques pour l’encéphalopathie<br />

hépatique.


Le foie 761<br />

Section 17. Syndrome hépato-rénal<br />

1. De nombreux chercheurs travaillent à la caractérisation de la voie oxyde<br />

nitrique/arginine et sur son rôle dans le syndrome hépato-rénal. Une<br />

meilleure compréhension et les démarches thérapeutiques récemment<br />

identifiées apportent une note d’optimisme au traitement futur d’un<br />

syndrome si souvent incompatible avec la guérison.<br />

Section 18. Greffe de foie<br />

1. Les résultats des greffes pour infection par le virus de l’hépatite C ont<br />

empiré au cours des dernières années, obligeant les investigateurs à se<br />

demander si des changements dans l’immunosuppression ou dans la<br />

sélection des donneurs auraient pu contribuer au déclin.<br />

2. En outre, avec la récurrence universelle du VHC, il existe un besoin de<br />

recherche pour mettre au point des antiviraux capables d’améliorer les<br />

résultats à long terme, de manière similaire à ce que l’on observe dans le<br />

cas des infections par le VHB.<br />

Section 19. Néoplasmes hépatiques<br />

1. Mieux comprendre l’histoire naturelle du petit carcinome hépatocellulaire.<br />

2. Améliorer les méthodes permettant de diagnostiquer un carcinome hépatocellulaire<br />

tôt et avec précision en présence d’une hépatopathie chronique.<br />

Section 20. Hépatopathie durant la grossesse<br />

1. Des études récentes destinées à élucider les mécanismes de formation de<br />

la bile ont permis d’améliorer notre compréhension des mécanismes de la<br />

cholestase gravidique. Par exemple, on a identifié plusieurs mutations du<br />

gène de la protéine 3 liée à la multirésistance médicamenteuse (MDR3)<br />

chez des patientes isolées. De même, on a signalé des défauts génétiques<br />

dans la bêta-oxydation des acides gras au niveau des mitochondries chez<br />

des femmes et leurs enfants atteints de SHAG.<br />

2. D’autres recherches sont nécessaires pour identifier d’autres défauts<br />

génétiques, tant connus qu’inconnus, affectant la formation de la bile et<br />

la fonction des mitochondries chez les patientes présentant ces troubles,<br />

de manière à pouvoir élaborer des stratégies thérapeutiques rationnelles.<br />

Section 21. Troubles vasculaires hépatiques<br />

1. Mieux comprendre les voies métaboliques aboutissant aux atteintes et à<br />

la mort cellulaires en cas de réduction des apports sanguins au foie.

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