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Téléchargez le e-book (pdf) - Bruno Massé

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Domaine enneigé, la nuit. La pâ<strong>le</strong>ur hiverna<strong>le</strong> s’étend sous<br />

la forêt si<strong>le</strong>ncieuse, un croissant de lune envoie quelques ombres<br />

sur la blancheur du jardin endormi. Ses parfums éteints, une<br />

certaine pénombre recouvre toute cha<strong>le</strong>ur, étouffe tout son,<br />

retient <strong>le</strong> temps de s’écou<strong>le</strong>r… l’heure n’existe pas, sauf à<br />

l’intérieur de ces murs, au détour d’un autel poussiéreux, d’un<br />

atelier vide, de feuil<strong>le</strong>s de thé séchées, et là, au coin, une vive<br />

lumière jaillit, et devant el<strong>le</strong> une femme : c’est la dernière<br />

ondine d’une cour désenchantée qui repose de sombres<br />

réf<strong>le</strong>xions sur son royaume déchu.<br />

Nonchalamment, el<strong>le</strong> balance une autre bûche dans <strong>le</strong> foyer.<br />

Cel<strong>le</strong>–ci percute la braise, crépite, soulève une rafa<strong>le</strong> de tisons,<br />

et <strong>le</strong> feu, gronde, rugit, envoie une bouffée de cha<strong>le</strong>ur sur son<br />

visage. Une lumière si vive, presque insoutenab<strong>le</strong>, qui se mue,<br />

se brouil<strong>le</strong>, s’agite au-devant et monte tout haut, lèche la pierre<br />

et consume <strong>le</strong> bois.<br />

El<strong>le</strong> se tient, nue, défiante contre la danse ambrée. Devant<br />

l’enclave lumineuse, une simp<strong>le</strong> silhouette. Sur sa peau, des<br />

goutte<strong>le</strong>ttes d’eau miroitent <strong>le</strong>s flammes et per<strong>le</strong>nt doucement,<br />

s’évaporant d’une tel<strong>le</strong> délicatesse qu’el<strong>le</strong>s l’eff<strong>le</strong>urent à peine au<br />

passage. Ses longs cheveux d’écorce sont collés à sa peau, <strong>le</strong>s<br />

mèches s’écou<strong>le</strong>nt sur ses épau<strong>le</strong>s, sa nuque, ses seins, jusqu’à<br />

son ventre et ses hanches. Mains derrière <strong>le</strong> dos, el<strong>le</strong> médite et<br />

se laisse bercer aux faveurs de la cha<strong>le</strong>ur immense.<br />

Mais des visions l’assail<strong>le</strong>nt dans son effort de pureté;<br />

images percutantes, voire vio<strong>le</strong>ntes. Les planches qui<br />

recouvraient une fenêtre du salon. Comment el<strong>le</strong> <strong>le</strong>s a<br />

arrachées. D’une pierre, fracassé la vitre. Comment el<strong>le</strong> s’est<br />

jetée au sol, triomphante et brisée, la frénétique impatience avec<br />

laquel<strong>le</strong> el<strong>le</strong> a réactivé l’eau et <strong>le</strong> gaz, foutu un feux maladroit<br />

dans <strong>le</strong> foyer, et surtout, surtout, comment el<strong>le</strong> a lancé au loin<br />

ses vêtements puants de mort aux quatre coins de la sal<strong>le</strong> de<br />

bain, pour se vautrer sous <strong>le</strong>s eaux tièdes de la résurrection.<br />

Lorsqu’el<strong>le</strong> s’est lavée, el<strong>le</strong> aurait voulu tout en<strong>le</strong>ver, sa<strong>le</strong>té,<br />

sueur, remords et souvenirs, laisser cou<strong>le</strong>r de sa chair toute trace<br />

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