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« T’en es où? »
Malik trempe ses lèvres dans le porto et entame la lecture de
ses notes.
À la fin de la lecture, Erynie s’esclaffe.
« Si Prospero et Moreau t’entendaient, ils auraient ta tête
sur la place publique. »
Malik, considérant l’intervention avec le plus grand sérieux,
lui rétorque : « Ce serait une belle mort. »
Yano se moque encore. Elle se relève doucement et lui tend
la main, qu’il baise délicatement. « J’aime ta tête là où elle est. »
Il y réfléchit un instant avant de répondre.
« Moi aussi. »
Puis, Erynie se retourne vers les musiciens. Cybèle au chant
et Henrik à la guitare. En parfaite harmonie, comme toujours.
Henrik est un grand homme aux cheveux de blé ébouriffés,
le coeur bon, fort comme deux. À travers ses mèches
entremêlées, on retrouve un visage aux traits paisibles, d’une
bonhomie touchante, sinon naïve. Ses doigts s’agitent
bravement sur sa création, lui, luthier de profession.
Cybèle, son amante, appelée Muírrean par les natifs,
demeure près de lui, et elle chante d’une voix sereine,
spontanée, ses cheveux couleur d’écorce, longs jusqu’à la taille,
retombent sans retenue sur ses pommettes amusées. Ses lèvres
se courbent sans effort sur des paroles insensées, en accord avec
les mouvements de la passion, et donc, de la musique. Son
charme allège les cœurs. Cybèle est heureuse, et sa voix porte
son bonheur avec majesté.
Dès la fin de leur improvisation, Erynie se lève et les
applaudit. Les musiciens s’écroulent de rire sur scène.
Elle et Malik les observent, fascinés.
Ils ne partageront jamais cette simplicité.
Et ils le savent.
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