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Du Fabliau à la Farce: encore la question performancielle?

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96 Brian J. Levy<br />

Il nous reste <strong>à</strong> chercher des liens entre ce récit et <strong>la</strong> farce. Dans une notule<br />

sur Le Prestre crucefié, Jaap van Os avance l’hypothèse très tentative<br />

de l’influence sur ce texte du drame religieux: il se peut que l’auteur se soit<br />

inspiré d’une vraie représentation liturgique de <strong>la</strong> Passion (d’après les indications<br />

scéniques de quelques-unes de ces pièces, plus tardives, un crucifix<br />

aurait été dressé sur scène, <strong>à</strong> l’image du Christ détachable pour faire effet). 37<br />

L’idée de cette interaction socio-littéraire séduit, même si l’état présent de<br />

nos recherches va toujours dans l’autre sens, vers l’influence de notre texte<br />

sur le théâtre comique du moyen âge finissant, et pour les raisons suivantes.<br />

Primo: il est de fait que ce texte du Prestre crucefié a survécu jusqu’<strong>à</strong><br />

<strong>la</strong> seconde moitié du 15 e siècle, car il compte parmi les cinq fabliaux conservés<br />

dans le MS Coligny-Genève, Bodmer 113, qui date de cette époque. 38<br />

Secundo (et surtout): le professeur Graham Runnalls, grand spécialiste du<br />

théâtre religieux, a tout récemmment publié un texte qu’il avait trouvé<br />

quelques années auparavant, parmi <strong>la</strong> centaine de fragments dramatiques<br />

conservés dans les archives de Fribourg: c’est en effet une ‘<strong>Farce</strong> du Prêtre<br />

crucifié’. 39 Pour être plus exact, il s’agit de deux fragments en papier (<strong>à</strong> dater<br />

c. 1490–1520) d’un rollet: autrement dit, du rôle d’un des personnages<br />

de <strong>la</strong> farce, ponctué (pour des raisons mnémoniques, comme une ‘réplique’<br />

au théâtre) des derniers mots du texte précédant. Or ce rôle, qui seul survit<br />

d’une farce disparue, c’est celui du Prêtre. Graham Runnalls a eu le très<br />

grand mérite de reconnaître les liens entre cette farce et notre fabliau, mais<br />

il ne connaît pas <strong>à</strong> fond ce dernier (qu’il juge dépourvu d’éléments dramatiques).<br />

D’ailleurs – et tout naturellement – il n’a pour but que d’établir<br />

l’editio princeps de sa découverte. Il <strong>la</strong>isse donc <strong>à</strong> autrui l’étude comparée<br />

des deux pièces.<br />

Malgré ses <strong>la</strong>cunes, l’action de <strong>la</strong> farce se <strong>la</strong>isse bien suivre par le rollet<br />

qui survit. Première scène: Le prêtre rend visite <strong>à</strong> l’imagier, pour lui commander<br />

un crucifix grandeur nature (on suppose pour l’église). L’artisan<br />

semble accepter <strong>la</strong> commission, dès qu’il sera revenu du marché (dernier<br />

mot du texte attribuable <strong>à</strong> ce personnage). L’accord conclu, le prêtre s’en<br />

va: il repassera plus tard.<br />

Scène II : Monologue du prêtre seul sur scène: il souffre de tous les maux<br />

d’amour, car voici trois jours qu’il n’a pas vu celle qu’il adore (il s’agit, bien<br />

nous rappelle l’imprudence de <strong>la</strong> malmariée, comme celles des <strong>la</strong>is de Yonec ou de Laüstic<br />

de Marie de France).<br />

37 J. van Os, ‘Le fabliau du Prestre crucefié et le problème du crucifix vivant’, Marche<br />

Romane 28 (1978), pp. 181–83.<br />

38 Le scribe de ce manuscrit l a, de surcroît, très fidèlement recopié le texte de ces<br />

fabliaux du MS K (Paris, BnF., fr. 2173).<br />

39 G.A. Runnalls, ‘The Medieval Actors’ Rôles found in the Fribourg Archives’, Pluteus<br />

4–5 (1986–87 [1998]), pp. 5–67 (‘Rôle A: La <strong>Farce</strong> du Prêtre Crucifié’, pp. 12–16).

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