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photsoc Junior sarcelles - La Revue des Ressources

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bonjour, bonsoir, merci d’être venu, bon débarras, vous n’êtes pas le seul à être seul, c’est comme<br />

ça monsieur, c’est la loi, c’est la même pour tout le monde. ah.<br />

dès maintenant, il est tenu de se rendre de son plein gré aux autorités compétentes qui passeront<br />

ensuite la main à d’autres. Pas concernés, chacun sa merde et tu iras chier ailleurs, et avec<br />

le sourire s’il-te-plaît, nous on t’a assez vu.<br />

si Pierre refuse de collaborer, il est passible d’une peine de prison assortie d’une amende qui<br />

excède de loin ce qu’il a pu gagner ces six derniers mois.<br />

la perte de son emploi lui ôte de plein droit l’autorisation de résider sur le sol français qu’il se<br />

représentait pourtant comme une terre d’accueil.<br />

rayé de la carte. « se prendre en charge et pas charger l’etat » chante sardou sur toutes les<br />

chaînes.<br />

ils peuvent danser sur leur tête. Pierre ne rendra pas les armes aussi facilement. Privé de travail<br />

et de domicile, il est désormais considéré comme un hors-la-loi. son crime ? disposer de papiers<br />

qui ne sont jamais les bons. Pierre a épuisé tous les recours possibles. les témoignages de sa<br />

voisine et de son ancien employeur attestant tous deux de son comportement irréprochable<br />

n’ont pas fait le poids.<br />

le préfet est resté sourd à ses coups de fil, refusant de le recevoir dans son bureau et la cimade<br />

s’est essoufflée, sans succès, à lui obtenir gain de cause. si la société refuse de le garder entre<br />

ses murs, il ne lui reste à présent que l’exil.<br />

une vie passée à tutoyer la précarité, une existence linéaire faite de métro-boulot-dodo comme<br />

le commun <strong>des</strong> mortels, à quelques variantes près.<br />

Puisque rien ne sert de cirer les pompes <strong>des</strong> pouvoirs publics, il fera la manche de rame en rame,<br />

guettant les mines renfrognées <strong>des</strong> navetteurs dans l’espoir d’une petite pièce et d’un « salut ».<br />

il se débrouillera pour se nourrir en catimini à l’arrière <strong>des</strong> restaurants ou aux abords <strong>des</strong> commerces<br />

après la fermeture et la sortie <strong>des</strong> poubelles.<br />

il travaillera à sa seule survie, de son propre chef.<br />

mis au ban de la société, il habitera l’éphémère, investissant les lieux de passage pour se prémunir<br />

du froid.<br />

le froid. son ennemi le plus redoutable. Peut-être ne passera-t-il même pas l’hiver. la saison<br />

serait moins rude à bakassa, mais aussi beaucoup plus courte.<br />

la liberté, c’est ça, sa place au soleil.<br />

Pour l’heure, il est devenu persona non grata. Personne. ce mot qui curieusement désigne à la<br />

fois l’individu et l’absent.<br />

Pas d’adieux à ce décor de carton pâte. Pierre referme doucement la porte sans retirer les clés<br />

de la serrure, emprunte silencieusement les quelques marches qui le séparent de la porte principale<br />

et sort nonchalamment.<br />

l’horloge de la pharmacie indique 1h17 ainsi qu’une température extérieure de 3°c. vu l’heure,<br />

Pierre sait qu’aucun centre d’accueil ne sera en mesure de lui offrir le gîte pour la nuit. ces<br />

choses-là se planifient. il lui faudra faire la queue le lendemain dès 18h avec les autres. mais ce<br />

soir, Pierre veut savoir ce qui l’attend concrètement, au cas où il serait recherché par la police et<br />

se verrait contraint de dormir dehors pour échapper à une arrestation.<br />

il y a trois jours, il a localisé une cabane jouxtant une balançoire située dans un parc public à<br />

deux kilomètres. ce sera parfait pour s’acclimater.<br />

Plongé dans le silence de la nuit, il presse le pas tout en veillant à ce que son rythme ne paraisse<br />

pas suspect aux yeux <strong>des</strong> quelques passants rencontrés.<br />

le ciel libère soudainement une neige qui semble déterminée à re<strong>des</strong>siner les contours de la<br />

ville.<br />

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