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Le visage de la peur

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faire remarquer. Quelques arbres p<strong>la</strong>ntés au ras du trottoir<br />

faisaient <strong>de</strong> leur mieux pour vivoter – p<strong>la</strong>tanes, érables et<br />

bouleaux rachitiques, tout ce que <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> New York pouvait se<br />

glorifier d’entretenir comme végétation en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s parcs<br />

publics, rien que <strong>de</strong>s arbres rabougris, squelettiques, dont les<br />

branches, tels <strong>de</strong>s ossements calcinés, se dressaient vers le ciel<br />

noir. <strong>Le</strong> vent léger mais g<strong>la</strong>cé – on était en janvier – faisait<br />

tourbillonner <strong>de</strong>s papiers dans le caniveau et à chaque rafale<br />

plus forte, les branches se tordaient en grinçant, comme si<br />

quelque garnement se fût amusé à taper sur <strong>de</strong>s grilles avec un<br />

bâton. <strong>Le</strong>s voitures garées le long <strong>de</strong>s trottoirs évoquaient <strong>de</strong>s<br />

bêtes ramassées sur elles-mêmes pour se protéger du froid.<br />

Toutes étaient vi<strong>de</strong>s. D’un bout à l’autre du bloc, il n’y avait âme<br />

qui vive, ni d’un côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> chaussée ni <strong>de</strong> l’autre.<br />

Bollinger mit pied à terre, traversa d’un pas vif et esca<strong>la</strong>da le<br />

perron <strong>de</strong> l’immeuble rési<strong>de</strong>ntiel <strong>de</strong>vant lequel il s’était arrêté.<br />

L’entrée bril<strong>la</strong>mment éc<strong>la</strong>irée était d’une netteté<br />

irréprochable. Sa mosaïque compliquée – une guir<strong>la</strong>n<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

roses fanées sur fond beige – luisait comme un miroir et pas un<br />

seul <strong>de</strong>s carreaux qui <strong>la</strong> composaient ne manquait à l’appel. La<br />

porte intérieure était fermée. Elle ne s’ouvrait qu’avec une clé, à<br />

moins qu’un <strong>de</strong>s locataires n’actionnât <strong>la</strong> comman<strong>de</strong><br />

individuelle.<br />

Il y avait trois appartements au second, trois au premier et<br />

<strong>de</strong>ux au rez-<strong>de</strong>-chaussée. L’appartement 1A était celui <strong>de</strong> M. et<br />

<strong>de</strong> Mme Harold Nagly, les propriétaires : ils faisaient en ce<br />

moment leur pèlerinage annuel à Miami Beach. Celui du<br />

rez-<strong>de</strong>-chaussée, tout au fond, était occupé par Edna Mowry, et<br />

Bollinger avait tout lieu <strong>de</strong> supposer qu’à l’heure qu’il était Edna<br />

mangeait un morceau ou buvait un verre bien mérité pour se<br />

détendre après une longue soirée <strong>de</strong> travail.<br />

C’était pour Edna qu’il était venu. Il savait qu’elle serait chez<br />

elle : il <strong>la</strong> fi<strong>la</strong>it <strong>de</strong>puis six jours exactement. Il savait aussi qu’elle<br />

menait une vie strictement réglée – beaucoup trop rangée pour<br />

une aussi séduisante jeune femme. Elle rentrait à minuit pile et<br />

il était rare qu’elle eût plus <strong>de</strong> cinq minutes <strong>de</strong> retard.<br />

Jolie petite Edna, songea-t-il. Quelles longues jambes<br />

ravissantes tu peux avoir !<br />

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