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Regard sur la peine de mort

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Et dans <strong>la</strong> presse<br />

Le 18 septembre 2011, le Dauphiné Libéré publie un article <strong>de</strong> Gilles<br />

Debernardi :<br />

En ce temps-là, le co<strong>de</strong> pénal s’ornait d’un article aujourd’hui disparu :<br />

« Tout condamné à <strong>mort</strong> aura <strong>la</strong> tête tranchée. » C’est le sort promis à<br />

Philippe Maurice, le 28 octobre 1980, lorsque <strong>la</strong> cour d’assises <strong>de</strong> Paris lui<br />

inflige <strong>la</strong> <strong>peine</strong> capitale. Et les gens qui criaient, aux marches du pa<strong>la</strong>is :<br />

« À l’échafaud ! »<br />

Au procès, on a raconté sa brève existence. Il a grandi en banlieue, dans<br />

une famille mo<strong>de</strong>ste, entre <strong>de</strong>ux parents divorcés. Le père, inspecteur <strong>de</strong><br />

police qui <strong>de</strong>viendra commissaire, n’a pu empêcher <strong>la</strong> dérive <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux<br />

garçons. [...] Le pire ne tar<strong>de</strong>ra pas pour ce gamin rempli <strong>de</strong> colères. En<br />

1979, pris dans une fusil<strong>la</strong><strong>de</strong> au quartier Latin, il abat un gardien <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

paix : « J’ai tiré, et j’ai tué sans le vouloir, par peur… »<br />

À vingt-quatre ans, face aux jurés, le « tueur <strong>de</strong> flic » ne trouve pas les mots.<br />

Ni le moyen d’exprimer <strong>de</strong>s regrets : « Que dire à cette veuve et à ses enfants,<br />

moi qui avais causé leur malheur définitif ? Rien. Mes excuses auraient été<br />

dérisoires et offensantes. Le silence seul me semb<strong>la</strong>it acceptable. » Voici<br />

donc un criminel « irrécupérable », parole <strong>de</strong> procureur, que <strong>la</strong> société doit<br />

vite éliminer. Son pourvoi en cassation échoue, sa tentative d’évasion aussi,<br />

on va lui couper le cou. Le 10 mai 1981, Mitterrand ou <strong>la</strong> <strong>mort</strong>…<br />

[...] Libéré en 2000, on le cite en modèle <strong>de</strong> réhabilitation, parfait contreexemple<br />

d’un Patrick Henry. Désormais spécialiste du Moyen-Âge, Philippe<br />

Maurice anime un séminaire à l’École <strong>de</strong>s Hautes étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Paris. La<br />

violence <strong>de</strong> l’univers carcéral, qu’il ne cesse <strong>de</strong> dénoncer, n’a pas eu sa<br />

peau. Par quel miracle ? « J’ai décidé, un jour, <strong>de</strong> ne plus me <strong>la</strong>isser porter<br />

par <strong>la</strong> haine. » Se cultiver, en purgeant sa longue <strong>peine</strong>, au lieu <strong>de</strong> cogner<br />

les poings contre les murs : « J’ai découvert <strong>la</strong> joie d’apprendre. »<br />

Malgré les railleries et brima<strong>de</strong>s d’un entourage hostile, le tau<strong>la</strong>rd se met<br />

à étudier. [...] À fréquenter ainsi le temps <strong>de</strong>s cathédrales, il finit par bâtir<br />

<strong>la</strong> sienne : une thèse <strong>de</strong> 1200 pages <strong>sur</strong> La famille en Gévaudan au XV ème<br />

siècle. En 1998, [...] il ira <strong>la</strong> soutenir - sous escorte - à l’université <strong>de</strong> Tours.<br />

Et « l’irrécupérable » <strong>de</strong>vient docteur en Histoire médiévale, félicitations<br />

unanimes du jury. Avec ce compliment, jamais oublié, d’un professeur <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> Sorbonne : « Merci, vous m’avez rendu plus intelligent. »<br />

Un condamné à <strong>mort</strong> touché par <strong>la</strong> grâce ? Uniquement <strong>sur</strong> le p<strong>la</strong>n juridique,<br />

alors. Parce que Dieu ne lui parle guère et l’angélisme non plus : « Ce<br />

n’est pas le système pénitentiaire, parfaitement <strong>de</strong>structeur, qui a permis<br />

ma réinsertion. Plutôt <strong>la</strong> main tendue par <strong>de</strong> rares individus, dont <strong>de</strong>ux<br />

sous-directeurs <strong>de</strong> maison d’arrêt… » À cinquante-cinq ans - intellectuel<br />

reconnu par ses pairs, heureux papa d’une fillette - le rescapé voit le<br />

mon<strong>de</strong> sous un nouveau jour. « J’ai même quelques amis magistrats »,<br />

admet-il dans un sourire. On le sent luci<strong>de</strong>, apaisé, prêt à affronter <strong>de</strong>s<br />

bonheurs ordinaires… Son édifiant parcours, pourtant, lui impose <strong>de</strong>s<br />

obligations : « On me sollicite beaucoup, je milite au sein d’une association<br />

pour l’abolition universelle. C’est bien le moins… »<br />

40 <strong>Regard</strong> <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>peine</strong> <strong>de</strong> <strong>mort</strong><br />

Extraits <strong>de</strong> « Maurice, <strong>la</strong> tête <strong>sur</strong> les épaules »<br />

Pour et contre<br />

<strong>la</strong> <strong>peine</strong> <strong>de</strong> <strong>mort</strong><br />

Tu as volé mon enfant,<br />

Versé le sang <strong>de</strong> mon sang.<br />

Aucun Dieu ne m’apaisera.<br />

J’aurai ta peau. Tu périras.<br />

Tu m’as retiré du cœur<br />

Et <strong>la</strong> pitié et <strong>la</strong> peur.<br />

Tu n’as plus besoin d’avocat.<br />

J’aurai ta peau. Tu périras.<br />

Tu as tué l’enfant d’un amour.<br />

Je veux ta <strong>mort</strong>.<br />

Je suis pour.<br />

Michel Sardou - 1975<br />

Ma Loulou est partie pour le<br />

pays <strong>de</strong> l’envers du décor,<br />

un homme lui a donné neuf<br />

coups <strong>de</strong> poignard dans sa<br />

peau douce. C’est <strong>la</strong> société<br />

qui est ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, il nous faut <strong>la</strong><br />

remettre d’aplomb et d’équerre<br />

par l’amour et l’amitié et <strong>la</strong><br />

persuasion.<br />

En attendant, à vous autres,<br />

mes amis <strong>de</strong> l’ici-bas, face à<br />

ce qui m’arrive, je prends <strong>la</strong><br />

liberté, moi qui ne suis qu’un<br />

histrion, qu’un batteur <strong>de</strong><br />

p<strong>la</strong>nches, qu’un comédien<br />

qui fait du rêve avec du vent,<br />

je prends <strong>la</strong> liberté <strong>de</strong> vous<br />

écrire pour vous dire ce à quoi<br />

je pense aujourd’hui : je pense<br />

<strong>de</strong> toutes mes forces qu’il faut<br />

s’aimer à tort et à travers.<br />

Julos Beaucarne - 1975<br />

Après le meurtre <strong>de</strong> sa femme

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