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Présidente Jodie Foster
de la Cérémonie
Chère Jodie Foster,
Je ne vais pas dire que vous êtes une bonne actrice.
Tout le monde le sait, vous allez être gênée et on ne
sera pas beaucoup plus avancés.
Non. Je vais essayer de dire ici pourquoi vous êtes
un peu plus qu'une bonne actrice et surtout de
définir ce "un peu plus".
Ici en France on vous aime.
A la soirée des César, les gens vont vous regarder
avec ce sourire d’admiration et d’indulgence
auquel peu d’américains ont droit, juste parce que
les gens vont se dire… "Wouah dis donc elle parle
vachement bien le français… dis donc…"
Eh oui, vos parents ont eu la bonne idée de vous
mettre au lycée français de Los Angeles. C’est peutêtre
un détail pour vous, mais pour nous, en France,
ça veut dire beaucoup.
Mais ce serait malhonnête de vous dire qu’on vous
aime juste parce que vous parlez bien notre langue.
Accessoirement vous avez joué, produit, et réalisé
pas mal de films importants.
A 13 ans vous avez déjà une longue carrière
derrière vous et vous êtes une très jeune prostituée
au côté de Robert de Niro dans Taxi driver et la
même année, Tallulah, une fille de cabaret dans
Bugsy Malone. Vous démarrez donc très jeune,
avec une dose élevée de vitriol et avec une force
d’attraction qui pourrait faire perdre le nord à
n’importe quelle boussole.
Votre carrière est extrêmement variée et éclectique.
Mais si je fais le bilan, dans tous ces films, vous avez
fouillé ce que signifie étymologiquement le mot
"incarner". Ce n’est pas juste "personnifier", donner
un corps à un personnage fictionnel. Vous, vous
mettez littéralement votre corps, votre chair au
service d’idées qui en valent la peine. C’est ça qui
reste et qui est fort.
Vous avez une façon d’inverser les notions du bien
et du mal, ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas.
Ça devrait être ça le métier d’acteur. Aller chercher
toujours plus loin les limites de ce qui fait l’être
humain et de ses capacités à créer du correct et de
l’incorrect.
Si je dois résumer ce "un peu plus" en fait… vous
êtes comme Michael Jackson, Jodie, "you're bad!".
Avec vous, on voyage avec délice jusqu’aux
frontières de l’inhumain, du glauque, du pervers et
vous… jeune fille éternelle, vous traversez ces
marécages avec la même noblesse, le même
sourire. Après avoir mis vos mains dans le
cambouis, vous sortez de là indemne, toute belle et
pure et on se demande "mais comment elle fait"?
N’étant pas mystique, je ne me dis pas "elle a la
grâce". Non, je me dis "elle a la rage". Vous aimez
dénoncer ce qui vous révolte.
Loin d’être une sainte, vous êtes "rock and roll" et…
c’est peut être un détail pour vous, mais pour nous
en France, ça veut dire beaucoup…
Jodie, vous êtes une "bad" actrice !
Cédric Klapisch