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38 .<br />
Hommage<br />
Bernard Giraudeau<br />
Avec son regard bleu plein de tous les océans qu’il<br />
avait eu l’audace de découvrir à l’âge de 16 ans,<br />
avec sa belle voix qui pouvait aussi bien lire du<br />
Saint-Exupéry ou du Luis Sepúlveda, avec la<br />
passion qui lui permettait d’interpréter sur scène le<br />
Prince de Hombourg ou Richard III aussi bien que<br />
Valmont, avec cette dégaine de mauvais garçon<br />
qui le rendaient crédible à l’écran dans du<br />
Giovanni ou de Béhat, et qu’il contrebalançait par<br />
cette élégance de "jeune premier" qu’il promena<br />
au long d’une cinquantaine de films, avec cette<br />
autorité jamais arrogante qu’il déploya en<br />
réalisant son propre film dont le titre, à lui seul,<br />
aurait pu définir sa vie ("Les caprices d’un fleuve"),<br />
Bernard Giraudeau aura traversé le monde du<br />
cinéma, et, de façon plus vaste, le monde du<br />
spectacle, et de façon plus vaste encore, celui des<br />
lettres, comme aucun autre, sans doute, de sa<br />
génération. Sa trace est très forte, autant qu’est<br />
remarquable son exemple.<br />
L’exceptionnel ne signifie pas l’inaccessible. Dix<br />
années de découverte, puis de connaissance, puis<br />
d’acceptation, d’un cancer avaient transformé cet<br />
artiste si doué. Depuis ce tournant d’existence, il<br />
avait acquis en sagesse, intelligence, philosophie<br />
et, surtout, gagné une faculté d’empathie,<br />
compassion et solidarité, une dimension qui<br />
accentua non seulement l’amour et l’amitié que lui<br />
portaient lecteurs et spectateurs, mais ajouta en<br />
estime et en admiration. Loin de le détacher ou<br />
l’isoler, la maladie et ses conséquences, le savoir<br />
qu’il sut dispenser, l’avaient rendu plus proche<br />
encore, plus émouvant et palpable.<br />
Aussi bien, l’opinion publique ne le regardait ou ne<br />
l’écoutait plus tellement comme un comédien<br />
sensible, un producteur avisé, un écrivain de talent<br />
et à succès, mais comme le membre d’une famille<br />
immense et indéfinie, celle de la souffrance<br />
partagée, l’épreuve de la douleur, l’approche de la<br />
mort – la famille humaine.<br />
Sa disparition, le 17 juillet 2010, à l’âge de 63 ans,<br />
nous a laissés sans voix et nous a privés d’une<br />
présence singulière. Créateur multidisciplinaire,<br />
Bernard Giraudeau n’a jamais recherché les<br />
honneurs, les médailles, la gloriole de la fausse<br />
gloire, car il possédait cette qualité primordiale : le<br />
sens du naturel, de l’authenticité. Il était vrai. Que<br />
les <strong>César</strong> lui rendent hommage n’ajoutera rien à sa<br />
légende, mais il était évident que l’Académie se<br />
devait de saluer le matelot au grand cœur,<br />
l’exigeant aventurier du spectacle, le lumineux<br />
auteur de "Cher amour", le fraternel combattant<br />
dont l’image demeure, pour toujours, sur l’écran de<br />
notre mémoire.<br />
Philippe Labro<br />
Avec son regard bleu plein de tous les océans,<br />
Bernard Giraudeau aura traversé le monde du cinéma,<br />
et, de façon plus vaste, le monde du spectacle,<br />
et de façon plus vaste encore, celui des lettres ...<br />
©Franck Seguin-Line / Starface