Article en pdf - France Shotokan Ryu Kase-Ha
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Baroux (Note: Patrick Baroux était<br />
champion d’Europe de karaté dans les<br />
années 1960). Je l’aimais bi<strong>en</strong> et fus très<br />
ému par sa mort. De plus, c’était un<br />
grand champion. Il s’<strong>en</strong>traînait avec moi.<br />
Un jour, <strong>en</strong> r<strong>en</strong>trant des championnats<br />
d’Europe où il avait gagné le titre, il me<br />
dit: “Tu sais, je crois que je peux battre<br />
S<strong>en</strong>seï <strong>Kase</strong>. J’aimerai essayer.” Je le<br />
transmis à <strong>Kase</strong>, qui me dit simplem<strong>en</strong>t<br />
“Pas de problème, quand il veut.” La<br />
séance se passa au dojo, près de l’<strong>en</strong>trée.<br />
Il laissa Baroux faire deux ou trois techniques,<br />
puis il accéléra la cad<strong>en</strong>ce. Il n’<strong>en</strong><br />
fit qu’une bouchée. Plus tard Baroux me<br />
dit: “Je ne l’aurais jamais cru. Quel<br />
homme!”<br />
Quand son contrat avec H<strong>en</strong>ry Plee se<br />
termina, <strong>Kase</strong> se lança seul et donna des<br />
stages a travers l’Europe. Il était toujours<br />
avec la JKA et resta avec eux jusqu’aux<br />
problèmes politiques des années 1980,<br />
quand il partit pour créer sa propre organisation.<br />
Comme le dit H<strong>en</strong>ry Plee, Taiji<br />
<strong>Kase</strong> n’a jamais été un politici<strong>en</strong> ou un<br />
comploteur. Il voulait juste faire du<br />
Karate et la scission lui permit de le faire<br />
de la façon qu’il voulait.<br />
<strong>Kase</strong> n’a pas eu de dojo perman<strong>en</strong>t<br />
depuis des années. Il préfère voyager<br />
à travers l’Europe ou ailleurs, et donner<br />
des stages surtout pour ceintures noires.<br />
Même à soixante dix ans, il y passait<br />
<strong>en</strong>core la plupart de ces week-<strong>en</strong>ds,<br />
jusqu’à ce qu’il fasse une crise cardiaque<br />
l’année dernière. Bi<strong>en</strong> sûr, cela ral<strong>en</strong>tit<br />
les choses, mais <strong>en</strong>fin, après <strong>en</strong>viron neuf<br />
mois, il donna un stage de retour à Paris,<br />
<strong>en</strong> Février, auquel assistèr<strong>en</strong>t 200 ceintures<br />
noires. Il y eut, quelques mois plus<br />
tard, le stage d’<strong>Ha</strong>sselt où nous nous<br />
sommes r<strong>en</strong>contrés.<br />
Je vis S<strong>en</strong>seï <strong>Kase</strong> <strong>en</strong>seigner<br />
pour la première fois à Londres <strong>en</strong> 1981,<br />
à un stage pour L’Union de Karate de<br />
Grande-Bretagne. Le thème du cours<br />
était le kata et il était intéressant de voir<br />
comm<strong>en</strong>t il déconditionnait la forme et<br />
démontrait des choses, comme le meilleur<br />
positionnem<strong>en</strong>t du corps par rapport<br />
à l’adversaire. A <strong>Ha</strong>sselt, le cours se composa<br />
de techniques de kumite et de combinaisons<br />
d’attaque pré-arrangées, mais<br />
surtout <strong>Kase</strong> se conc<strong>en</strong>tra sur les notions<br />
de base, positions, respiration, techniques<br />
de déf<strong>en</strong>se et de blocage. Il comm<strong>en</strong>ça la<br />
première séance par la pratique des mouvem<strong>en</strong>ts<br />
d’ouverture du kata Sochin, <strong>en</strong><br />
travaillant sur le kime et <strong>en</strong> s’<strong>en</strong>racinant<br />
au sol. Il expliqua que dans une telle<br />
position, on devrait “avoir l’impression<br />
de peser deux-c<strong>en</strong>t kilos.” Le cours porta<br />
<strong>en</strong>suite sur une séqu<strong>en</strong>ce de mains ouvertes<br />
(shuto), d’abord effectuée l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t,<br />
<strong>en</strong> coordination avec la respiration (cela<br />
ressemble à la pratique du Goyu <strong>Ryu</strong>) et<br />
<strong>en</strong>suite vite, avec kime pénétrant. Quand<br />
il travailla sur les techniques de blocages,<br />
<strong>Kase</strong> fit d’abord pratiquer les blocages<br />
aux élèves avec la trajectoire complète et<br />
maximum de puissance. Mais <strong>en</strong>suite le<br />
mouvem<strong>en</strong>t fut réduit, d’abord à une<br />
semi-trajectoire et <strong>en</strong>fin juste à quelques<br />
c<strong>en</strong>timètres tout <strong>en</strong> gardant la même<br />
puissance. En combat, on n’aurait pas le<br />
temps d’effectuer un blocage avec sa trajectoire<br />
complète, mais même avec des<br />
blocages à trajectoire courte, on devrait<br />
pouvoir blesser le membre de l’adversaire<br />
qui attaque, ou faire reculer l’adversaire<br />
avec la force du blocage. <strong>Kase</strong> dit<br />
aux élèves que c’était un “karaté vitesse<br />
plus puissance”, et il expliqua égalem<strong>en</strong>t<br />
qu’<strong>en</strong> kumite on devait être capable d’aller<br />
“de zéro à c<strong>en</strong>t pour c<strong>en</strong>t” <strong>en</strong> un instant.<br />
<strong>Kase</strong> insista égalem<strong>en</strong>t auprès<br />
de ses élèves sur le fait que leur karaté<br />
était un “Budo Karate.” Et, <strong>en</strong> lui parlant<br />
plus tard, je fus impressionné par ses<br />
connaissances concernant un grand nombre<br />
de Budo japonais. Il parla de k<strong>en</strong>do,<br />
de judo, et aussi de célèbres judokas<br />
comme Kyuzo Mifume et Masahiko<br />
Kimura qu’il avait connus, tous deux personnellem<strong>en</strong>t.<br />
Egalem<strong>en</strong>t de Morihei<br />
Uyeshiba et d’aïkido (qu’il résuma<br />
comme du “Daito-<strong>Ryu</strong> plus du shintoisme”),<br />
de personnages comme<br />
Yukiyoshi Sagawa, le vieil expert de<br />
Daito-ryu, âgé de quatre-vingt-dix ans<br />
<strong>en</strong>viron, décédé quelques années auparavant,<br />
et dont certains p<strong>en</strong>sai<strong>en</strong>t qu’il était<br />
meilleur que Uyeshiba (“certains disai<strong>en</strong>t<br />
deuxième après Takeda”, m<strong>en</strong>tionna<br />
<strong>Kase</strong>). Quand son élève haut-gradé Dirk<br />
He<strong>en</strong>e m<strong>en</strong>tionna un ami qui pratiquait le<br />
ju-jutsu <strong>Ha</strong>kko-<strong>Ryu</strong>, <strong>Kase</strong> put expliquer<br />
les origines du <strong>Ha</strong>kko-ryu. Bi<strong>en</strong> sûr, il<br />
connaissait bi<strong>en</strong> les autres styles de<br />
karaté japonais, et connaissait beaucoup<br />
des figures de proue du monde du karaté<br />
japonais. Oyama par exemple, qu’il avait<br />
connu il y a très longtemps dans les<br />
années après-guerre, quand il s’était<br />
<strong>en</strong>traîné brièvem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>sembles <strong>en</strong> judo.<br />
P<strong>en</strong>dant son cours, <strong>Kase</strong> était<br />
affable et pati<strong>en</strong>t. Bi<strong>en</strong> évidemm<strong>en</strong>t, il ne<br />
s’exerçait pas trop, mais quand il démontrait<br />
quelques techniques, il était étonne-<br />
m<strong>en</strong>t vif, surtout pour un homme de<br />
soixante et onze ans, sortant d’une crise<br />
cardiaque. Les cours étai<strong>en</strong>t seulem<strong>en</strong>t<br />
pour ceintures noires, beaucoup de participants<br />
ayant plus de vingt ou tr<strong>en</strong>te ans<br />
de pratique. Certains avai<strong>en</strong>t changé<br />
d’organisation, souv<strong>en</strong>t à la fin de leur<br />
carrière <strong>en</strong> compétition, lorsqu’ils se r<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t<br />
compte d’un manque de profondeur<br />
ou de direction dans leur <strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t.<br />
Avec <strong>Kase</strong>, certains me dir<strong>en</strong>t avoir<br />
trouvé une nouvelle voie.<br />
Je ne pratique pas le <strong>Shotokan</strong> et je ne<br />
peux porter aucun jugem<strong>en</strong>t sur les différ<strong>en</strong>tes<br />
organisations qui l’<strong>en</strong>seign<strong>en</strong>t,<br />
mais le groupe de <strong>Kase</strong> semble très loyal<br />
et l’influ<strong>en</strong>ce de Taiji <strong>Kase</strong> bi<strong>en</strong>veillante.<br />
Après l’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t et les passages de<br />
grades, et une journée longue et active<br />
pour S<strong>en</strong>seï <strong>Kase</strong>, il y eut un dîner et ce<br />
fut à ce mom<strong>en</strong>t que je pus lui parler p<strong>en</strong>dant<br />
quelques heures et lui poser toutes<br />
mes questions. Il fut direct et aimable,<br />
jovial même. Quand le dîner fut terminé,<br />
Dirk He<strong>en</strong>e me reconduit ainsi que<br />
S<strong>en</strong>seï <strong>Kase</strong> et son épouse à nos hôtels<br />
respectifs. Un peu avant d’arriver à mon<br />
hôtel, <strong>Kase</strong> me demanda des nouvelles<br />
des karatékas anglais qu’il avait connus<br />
dans les années 1960. Bob Poynton,<br />
Andy Sherry, Terry O’Neill, Frank<br />
Br<strong>en</strong>nan. S’<strong>en</strong>traînai<strong>en</strong>t–ils toujours?<br />
Oui, lui répondis-je, toujours. C’est bi<strong>en</strong>,<br />
dit-il. Ils étai<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant séparés dans<br />
différ<strong>en</strong>tes organisations, mais ils formai<strong>en</strong>t<br />
toujours une famille <strong>Shotokan</strong>, et<br />
on devrait toujours garder son karaté fort.<br />
On était arrivé à mon hôtel, et je<br />
me rappelle des derniers mots de S<strong>en</strong>seï<br />
<strong>Kase</strong> quand je desc<strong>en</strong>dis de voiture et dis<br />
au revoir : “Rappelez-vous, dit-il,<br />
si vous les voyez, dites-leur de continuer<br />
à s’<strong>en</strong>traîner!”.<br />
-14- FSK-HA MAGAZINE N°2 - Mars 2006