Article en pdf - France Shotokan Ryu Kase-Ha
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Notes de conversations avec SENSEÏ KASE<br />
SENSEÏ KASE<br />
PREND LA PAROLE<br />
Notes De Conversations avec<br />
Taïji <strong>Kase</strong> à <strong>Ha</strong>sselt <strong>en</strong><br />
Belgique, <strong>en</strong> Avril 2000.<br />
de Graham Nobel<br />
En fait, j’ai fait la connaissance de Taiji<br />
<strong>Kase</strong> il y a vingt ans quand j’ai eu l’occasion<br />
de discuter avec lui du développem<strong>en</strong>t<br />
du karaté <strong>Shotokan</strong>. Ce fut une<br />
conversation fascinante pour moi, qui<br />
malheureusem<strong>en</strong>t ne dura qu’une vingtaine<br />
de minutes. Et depuis, j’ai toujours<br />
eu <strong>en</strong>vie de le r<strong>en</strong>contrer à nouveau, car<br />
S<strong>en</strong>seï <strong>Kase</strong> a quasim<strong>en</strong>t tout vu : Gichin<br />
Funakoshi et son tal<strong>en</strong>tueux fils<br />
Yoshitaka, le vieux dojo <strong>Shotokan</strong>, les<br />
années après-guerre, la compétition <strong>en</strong>tre<br />
les styles, la création de la JKA… Plus de<br />
60 ans d’expéri<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> karaté et budo.<br />
Et bi<strong>en</strong>, cela prit longtemps, et je p<strong>en</strong>sais<br />
que la crise cardiaque réc<strong>en</strong>te du Maître<br />
aurait pu empêcher cette r<strong>en</strong>contre, mais<br />
quand il donna un stage où il effectuait<br />
son retour <strong>en</strong> Mai 2000 <strong>en</strong> Belgique, je<br />
pris mes dispositions pour le r<strong>en</strong>contrer,<br />
et ce qui suit est un résumé de notre<br />
conversation.<br />
Taiji <strong>Kase</strong> naquit <strong>en</strong> 1927 et débuta les<br />
arts martiaux par le Judo à l’age de six<br />
ans. Mais par la suite, alors qu’il était<br />
Cadet dans la Marine, à l’age de quinze<br />
ans, il découvrit le livre de Gichin<br />
Funakoshi, Karate-do Kyohan, et cela<br />
éveilla chez lui un intérêt pour le karaté<br />
qui ne l’a jamais quitté. Il alla alors à la<br />
section Meijiro de Tokyo pour s’inscrire<br />
au dojo <strong>Shotokan</strong> de Funakoshi, et<br />
<strong>en</strong>suite, lorsqu’il vit Yoshitaka Funakoshi<br />
pratiquer des techniques de pieds, <strong>Kase</strong><br />
s’exprima par gestes, “Maegeri-<br />
Mawashigeri-Yokogeri – Whoosh!<br />
Whoosh! Whoosh!”, il fut impressionné<br />
et même <strong>en</strong>core plus déterminé à appr<strong>en</strong>dre<br />
un art de combat aussi fort.<br />
A cette époque, Gichin Funakoshi s’était<br />
retiré de l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et avait passé la<br />
direction du <strong>Shotokan</strong> à Yoshitaka, son<br />
troisième fils, à qui fut apparemm<strong>en</strong>t<br />
Graham Nobel<br />
donné un sceau afin de reconnaître son<br />
autorité. Il se peut que malgré tout que<br />
Maître Gichin ait donné quelques cours<br />
ici et là, puisque <strong>Kase</strong> se souvi<strong>en</strong>t d’une<br />
fois où le vieux Maître lui montra comm<strong>en</strong>t<br />
fermer le poing. Ceci faisait partie<br />
de la forme démontrée dans les premiers<br />
livres de Gichin Funakoshi, mais alors<br />
plus ou moins obsolète, où l’index n’est<br />
pas <strong>en</strong>roulé dans le poing mais ét<strong>en</strong>du de<br />
façon à reposer sur la paume à la base du<br />
pouce. A la séance d’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t suivante,<br />
Yoshitaka le remarqua et demanda<br />
à <strong>Kase</strong>: “Qui t’a appris à fermer le poing<br />
de cette façon?” Quoiqu’un peu hésitant,<br />
le jeune <strong>Kase</strong> répondit que c’était son<br />
père. “Mon père t’a appris ça?” dit<br />
Yoshitaka, avant de corriger le poing de<br />
<strong>Kase</strong> et de dire que cette vieille méthode<br />
était un “karaté de fermier”… Mais il dit<br />
tout ça avec un humour bon-<strong>en</strong>fant.<br />
Yoshitaka était le chef instructeur du<br />
FSK-HA MAGAZINE N°2 - Mars 2006 -9-<br />
<strong>Shotokan</strong> mais était assisté par les hautgrades<br />
G<strong>en</strong>shin Hironishi (r<strong>en</strong>tré du front<br />
Chinois quelques années auparavant),<br />
Yoshiaki <strong>Ha</strong>yashi (modèle pour le T<strong>en</strong>-<br />
No Kata dans le Karate Nyumon de<br />
1943), et Wado Uemura. Shingeru<br />
Egami, une autre des principales figures<br />
<strong>en</strong> karate <strong>Shotokan</strong>, de retour à Kyushu<br />
et s’occupait de l’<strong>en</strong>treprise familiale.<br />
Malgré les difficultés r<strong>en</strong>contrées après<br />
la guerre, durant les années de guerre,<br />
c’était une affaire d’une certaine taille<br />
qui employait c<strong>en</strong>t personnes, et Egami<br />
était un homme plutôt fortuné. En tout<br />
cas, Egami dut rester à Kyushu ; malgré<br />
cela <strong>Kase</strong> p<strong>en</strong>se qu’il v<strong>en</strong>ait de temps <strong>en</strong><br />
temps à Tokyo pour s’<strong>en</strong>traîner avec<br />
Yoshitaka pour de courtes périodes.<br />
Il y a une série de photographies très<br />
connues, d’Egami & Yoshitaka prises à la<br />
fin des années 1930. Je montrai certaines<br />
d’<strong>en</strong>tre elles a S<strong>en</strong>seï <strong>Kase</strong> et il com-
m<strong>en</strong>ta qu’elles fur<strong>en</strong>t prises quelques<br />
temps avant qu’il ne comm<strong>en</strong>ce au<br />
<strong>Shotokan</strong>. Quand il fit la connaissance de<br />
Yoshitaka, il avait pris un peu plus de<br />
poids et avait un estomac qui se remarquait.<br />
Il n’était pas gros ou musculeux<br />
mais avait une puissance utilisant tout le<br />
corps, ce qui r<strong>en</strong>dait son karaté très puissant.<br />
Le style de Yoshitaka, dit <strong>Kase</strong>, était<br />
un Karate intégrant vitesse et puissance.<br />
Dojo <strong>Shotokan</strong><br />
Et cep<strong>en</strong>dant, bi<strong>en</strong> que<br />
Yoshitaka apparut être <strong>en</strong> bonne santé et<br />
fort <strong>en</strong> surface, il souffrait de tuberculose<br />
depuis son <strong>en</strong>fance. En fait dit <strong>Kase</strong>, on<br />
avait dit à Yoshitaka à l’age de sept ans,<br />
qu’il n’atteindrait pas les vingt ans. Et<br />
donc lorsqu’il eut vingt ans, puis vingt et<br />
un ans… vingt-deux, il fut surpris, et il se<br />
peut qu’il ait attribué sa survie, <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t<br />
ou <strong>en</strong> partie, à son <strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
karaté.<br />
<strong>Kase</strong> p<strong>en</strong>sait cep<strong>en</strong>dant, qu’il se<br />
peut que Yoshitaka ait eu une sorte de<br />
complexe par rapport à tout cela,<br />
puisqu’il savait qu’à n’importe quel<br />
mom<strong>en</strong>t, il pouvait tomber gravem<strong>en</strong>t<br />
malade et mourir. Bi<strong>en</strong> que Yoshitaka ait<br />
<strong>en</strong>seigné au <strong>Shotokan</strong> dans ces dernières<br />
années, G<strong>en</strong>shin Hironishi dit à <strong>Kase</strong> que<br />
Yoshitaka devait dormir ou se reposer au<br />
lit toute la journée pour conserver ses forces<br />
pour ses séances d’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t du<br />
soir.<br />
Taïji <strong>Kase</strong> avait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du quelques-unes<br />
unes des histoires concernant<br />
Yoshitaka. Il y eut celle du célèbre instructeur<br />
Shito-<strong>Ryu</strong> qui, apparemm<strong>en</strong>t,<br />
avait “une technique spéciale”, qui lui<br />
donnait toujours la victoire. Quand il<br />
essaya celle-ci contre Yoshitaka cep<strong>en</strong>dant,<br />
il fut contré et r<strong>en</strong>voyé plusieurs<br />
mètres <strong>en</strong> arrière, à travers le dojo. Un<br />
autre professeur très connu, il s’agit de<br />
Kank<strong>en</strong> Toyama, dit <strong>Kase</strong>, était supposé<br />
avoir une technique secrète pour “déchirer<br />
la chair”. Yoshitaka dit à Toyama<br />
d’essayer cette technique sur les muscles<br />
de sa cuisse. Toyama saisit la cuisse de<br />
Yoshitaka mais ri<strong>en</strong> ne se passa.<br />
Yoshitaka lui dit d’essayer avec plus de<br />
force… sans résultat. <strong>Kase</strong> riait <strong>en</strong> racontant<br />
ces histoires.<br />
L’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t au <strong>Shotokan</strong><br />
était-il difficile à cette époque? Oui, car<br />
c’était la guerre, et l’attitude à l’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t<br />
était très sérieuse. On pratiquait<br />
beaucoup de kumite, gohon et sambon<br />
kumite, et jyu-ippon, où l’on faisait tous<br />
les efforts possibles pour frapper l’adversaire<br />
avec l’attaque. Il y avait une sorte<br />
de sambon kumite effectué de manière<br />
“plus rapide” où l’on essayait d’atteindre<br />
son part<strong>en</strong>aire. Les g<strong>en</strong>s se faisai<strong>en</strong>t-ils<br />
mal où se blessai<strong>en</strong>t-ils à l’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t?<br />
Oh oui, quelquefois les étudiants d’université<br />
v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t au dojo, et, comme ils<br />
avai<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t plus d’expéri<strong>en</strong>ce, de<br />
vitesse et de force, on avait beaucoup<br />
d’appréh<strong>en</strong>sion à l’idée de leur faire face<br />
<strong>en</strong> kumite.<br />
En 1945, le <strong>Shotokan</strong> fut détruit<br />
dans un bombardem<strong>en</strong>t aéri<strong>en</strong>, <strong>en</strong>suite<br />
arriva la reddition du Japon, puis le décès<br />
de Yoshitaka. Tout cela <strong>en</strong> quelques mois.<br />
La pratique du karaté s’arrêta quelques<br />
temps, mais <strong>en</strong>suite finit par repr<strong>en</strong>dre<br />
petit à petit. Des 1947, dans le magazine<br />
Life, il y eut un article de 2 pages sur la<br />
pratique du karaté au Japon. Et quand je<br />
montrai cela à <strong>Kase</strong> S<strong>en</strong>seï, il id<strong>en</strong>tifia<br />
immédiatem<strong>en</strong>t les 2 personnalités du<br />
Karate sur la photo principale comme<br />
étant Hiroshi Kamata et Gojuru <strong>Ha</strong>rada.<br />
Le Karate eut de la chance, <strong>en</strong> fait,<br />
d’échapper à l’interdiction des forces<br />
Americaines qui affectai<strong>en</strong>t à cette époque<br />
le judo et le K<strong>en</strong>do. <strong>Kase</strong> expliqua<br />
que c’était parce que les groupes de<br />
karaté décrivai<strong>en</strong>t leur art comme étant «<br />
d’origine chinoise” plutôt que japonaise<br />
et les Américains les laissèr<strong>en</strong>t tranquilles.<br />
Après la guerre, Taiji <strong>Kase</strong><br />
s’inscrit à l’université de S<strong>en</strong>shu où il<br />
continua à s’<strong>en</strong>traîner et devint le capitaine<br />
de l’équipe de karaté. Le s<strong>en</strong>seï de<br />
l’université était G<strong>en</strong>shin Hironishi, et<br />
l’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t était dur. Ensuite <strong>Kase</strong> eut<br />
v<strong>en</strong>t que Shigeru Egami <strong>en</strong>seignait à<br />
l’université de Chuo. Il alla donc égalem<strong>en</strong>t<br />
à Chuo s’<strong>en</strong>traîner avec Egami<br />
(“une technique très pointue”). En fait le<br />
jeune <strong>Kase</strong> était passionné par le Karate.<br />
Et quand je lui montrai une photo de<br />
groupe prise <strong>en</strong> 1951, il désigna<br />
quelqu’un au premier rang (je ne compris<br />
pas bi<strong>en</strong> le nom) et me dit que le célèbre<br />
Tadao Okuyama logeait dans la maison<br />
de cet homme. <strong>Kase</strong> prit donc contact<br />
avec cette personne car il voulait appr<strong>en</strong>dre<br />
de l’énigmatique Okuyama.<br />
Il y a ici une anecdote de karaté presque<br />
oubliée. Quand nous discutions du<br />
<strong>Shotokan</strong> p<strong>en</strong>dant la guerre, <strong>Kase</strong> S<strong>en</strong>seï<br />
m<strong>en</strong>tionna que le groupe de Yoshitaka<br />
était impliqué dans la formation des<br />
ag<strong>en</strong>ts secrets. “L’école Nakado?”,<br />
demandai-je et <strong>Kase</strong> répondit oui. Et il<br />
souligna que les autorités avai<strong>en</strong>t<br />
contacté Yoshitaka et lui avai<strong>en</strong>t<br />
demandé d’y <strong>en</strong>seigner. Mais il ajouta<br />
que certains des élèves de Yoshitaka lui<br />
conseillèr<strong>en</strong>t de ne pas s’impliquer directem<strong>en</strong>t.<br />
Ce fut donc Tadao Okuyama qui<br />
fut finalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>voyé. Yoshitaka<br />
Funakoshi était officiellem<strong>en</strong>t l’instructeur,<br />
et il se peut qu’il y soit allé quelques<br />
fois, mais c’est Okuyama qui effectua la<br />
plupart de l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t.<br />
“Qu’<strong>en</strong>seignait-il?” demandai-je. “Des<br />
techniques pour tuer!” répondit <strong>Kase</strong>.<br />
De toute façon, il est clair que<br />
<strong>Kase</strong> étudia avec Tadao Okuyama dans la<br />
période après-guerre et me dit que<br />
Okuyama avait “une technique très spéciale”.<br />
Quand je lui demandai des précisions,<br />
il secoua simplem<strong>en</strong>t la tête et sourit.<br />
Okuyama était <strong>en</strong> effet spécial, et <strong>en</strong><br />
regardant <strong>en</strong>core une fois cette vieille<br />
photo, avec tous les différ<strong>en</strong>ts haut-gra-<br />
S<strong>en</strong>seï OKUYAMA<br />
OKUYAMA<br />
-10- FSK-HA MAGAZINE N°2 - Mars 2006
dés <strong>Shotokan</strong>, <strong>Kase</strong> dit qu’il p<strong>en</strong>sait que<br />
de toute cette génération, Okuyama avait<br />
le niveau “le plus élevé”. A un certain<br />
mom<strong>en</strong>t, il partit s’<strong>en</strong>traîner dans les<br />
montagnes et <strong>en</strong>suite, plus tard, devint<br />
impliqué dans la secte Shintoiste<br />
Omotokyo, la même secte Shintoiste qui<br />
avait <strong>en</strong> fait influ<strong>en</strong>cé Morihei Uyeshiba.<br />
Okuyama devint le garde du corps du<br />
chef de Omotokyo et vécut au quartier<br />
général du groupe, ce qui le r<strong>en</strong>dit quelque<br />
peu difficile à contacter.<br />
L’idée de Yoshitaka Funakoshi<br />
était que le Karate devait se développer<br />
continuellem<strong>en</strong>t et Okuyama avait am<strong>en</strong>é<br />
cette idée à son pot<strong>en</strong>tiel complet. “<br />
Développer, développer, développer” dit<br />
<strong>Kase</strong>. Il ne croyait pas <strong>en</strong> des c<strong>en</strong>taines<br />
de répétitions mécaniques, mais cherchait<br />
toujours la technique juste. Et <strong>Kase</strong><br />
dit qu’Okuyama avait “une sorte de puissance<br />
particulière, ne prov<strong>en</strong>ant pas des<br />
muscles, pas du kime, quelque chose<br />
d’autre”. Un aparté intéressant par rapport<br />
à tout cela est que <strong>Kase</strong> p<strong>en</strong>sait qu’il<br />
se pourrait que les idées plus tardives de<br />
Shigeru Egami soi<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>ues<br />
d’Okuyama. “Pas copie” dit-il, “mais<br />
comprit l’idée.”<br />
P<strong>en</strong>dant ces années aprèsguerre,<br />
les différ<strong>en</strong>ts groupes de Karate<br />
se réunissai<strong>en</strong>t quelques fois pour s’<strong>en</strong>traîner<br />
<strong>en</strong>semble (kokan geiko) et se souvi<strong>en</strong>t<br />
que ces séances dev<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t très<br />
physiques, surtout quand il y avait égalem<strong>en</strong>t<br />
rivalité de style. <strong>Kase</strong> S<strong>en</strong>seï se<br />
souvi<strong>en</strong>t de cette fois, <strong>en</strong> 1949, quand les<br />
universités <strong>Shotokan</strong> de l’est du Japon<br />
desc<strong>en</strong>dir<strong>en</strong>t à Kyoto pour r<strong>en</strong>contrer les<br />
universités de l’ouest, Ritsumeikan,<br />
Doishisha, Kansoi et coetera, des groupes<br />
Goju-ryu pour la plupart, avec peutêtre<br />
quelques Shito-ryu. <strong>Kase</strong> se rappelle<br />
que, avant que ne début<strong>en</strong>t les séances de<br />
kumite, les hauts-grades <strong>Shotokan</strong> dir<strong>en</strong>t<br />
aux étudiants que cela devait se passer<br />
“sans contact!”. Mais ils voulai<strong>en</strong>t qu’il<br />
soit clairem<strong>en</strong>t compris que quand ils<br />
disai<strong>en</strong>t “sans contact!”, ils voulai<strong>en</strong>t<br />
réellem<strong>en</strong>t dire “contact!” Comme les<br />
hauts grades du Goju-ryu donnèr<strong>en</strong>t un<br />
discours similaire à leurs étudiants, le<br />
kumite se transforma rapidem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> une<br />
sorte de bain de sang, avec beaucoup de<br />
participants mis KO ou perdant connaissance,<br />
ou se faisant casser les d<strong>en</strong>ts.<br />
Une réunion fut décidée, afin de<br />
déterminer si on devait arrêter le kumite,<br />
compte t<strong>en</strong>u des blessures provoquées.<br />
Certaines personnes voulai<strong>en</strong>t l’arrêter,<br />
mais Taiji <strong>Kase</strong> dit que tant qu’ils pouvai<strong>en</strong>t<br />
t<strong>en</strong>ir debout, ils devrai<strong>en</strong>t combattre.<br />
En tout cas, il fut décidé que les capitaines<br />
devai<strong>en</strong>t combattre et <strong>Kase</strong> fit face<br />
au capitaine de Ritsumeikan, qu’il réussit<br />
à mettre KO. Fut-il blessé? demandai-je.<br />
Non, il eut de la chance, bi<strong>en</strong> qu’il parvint<br />
tout juste à éviter le haito de<br />
l’homme de Ritsumeikan, qui passa près<br />
de sa tête. <strong>Kase</strong> se le rappelle traversant<br />
ses cheveux.<br />
<strong>Kase</strong> se rappelait les g<strong>en</strong>s du Goju-ryu<br />
comme étant durs, bi<strong>en</strong> que le style<br />
<strong>Shotokan</strong>, avec son yokogeri longue portée<br />
et ses attaques <strong>en</strong> mawashigeri, fonctionnai<strong>en</strong>t<br />
bi<strong>en</strong> contre eux. Le Goju-ryu<br />
était plutôt un style de combat rapproche,<br />
et, à ce mom<strong>en</strong>t-là, le karaté Goju-ryu<br />
n’utilisait pas ces techniques de jambes.<br />
C’est d’ailleurs plus ou moins à partir de<br />
ce mom<strong>en</strong>t-là que ces techniques ont<br />
comm<strong>en</strong>cé à se développer <strong>en</strong> Goju-ryu.<br />
Le karaté <strong>Shotokan</strong> n’était pas<br />
FSK-HA MAGAZINE N°2 - Mars 2006 -11-<br />
très organisé à l’époque, mais les différ<strong>en</strong>ts<br />
groupes ou factions, les groupes<br />
basés dans les universités de Keio, Hosei,<br />
Waseda, Taushoku, Chuo et S<strong>en</strong>shu parv<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t<br />
tous à travailler <strong>en</strong>semble.<br />
Quand <strong>Kase</strong> passa son 3e dan <strong>en</strong> 1949, il<br />
le fit devant un panel composé de hauts<br />
grades de toutes les universités, et il<br />
passa <strong>en</strong> même temps que Jotaro Tagaki<br />
de Chuo et Shimamura de Takushoku.<br />
Les choses semblai<strong>en</strong>t aller assez bi<strong>en</strong>,<br />
mais bi<strong>en</strong> sûr, il y avait des différ<strong>en</strong>ces<br />
techniques <strong>en</strong>tre les groupes, et aussi<br />
<strong>en</strong>tre ceux qui étai<strong>en</strong>t restés au Japon<br />
durant les années 1930 et 1940, et ceux<br />
qui étai<strong>en</strong>t partis servir <strong>en</strong> Chine, <strong>en</strong><br />
Mandchourie et autres parties de l’empire<br />
japonais. En 1981 par exemple, <strong>Kase</strong><br />
m’avait dit que quand Masatoshi<br />
Nakayama r<strong>en</strong>tra au Japon après la<br />
guerre, il vit les étudiants plus jeunes pratiquer<br />
yokogeri, mawashigeri et dit : “Ce<br />
n’est pas du karate <strong>Shotokan</strong>!” En<br />
S<strong>en</strong>seï Yoshitaka FUNAKOSHI
Belgique <strong>Kase</strong> S<strong>en</strong>seï confirma cette histoire,<br />
expliquant que Nakayama avait dit<br />
“Ne pas accepter, ne pas accepter”. Bi<strong>en</strong><br />
sûr, déjà à ce mom<strong>en</strong>t-là, ces techniques<br />
étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> train de bi<strong>en</strong> s’établir, et pas si<br />
longtemps après, Nakayama lui-même<br />
incluait ces techniques dans ses démonstrations.<br />
Dans les années 1950, les différ<strong>en</strong>tes factions<br />
<strong>Shotokan</strong> comm<strong>en</strong>cèr<strong>en</strong>t à s’éloigner<br />
les unes des autres et Taiji <strong>Kase</strong><br />
rejoignit la JKA comme l’un de ses membres<br />
hauts gradés. La façon dont cela<br />
s’est passé… <strong>Kase</strong> avait quitte l’université<br />
et vivait dans la banlieue de Tokyo.<br />
Hidetaka Nishiyama, qui vivait tout près,<br />
essayait régulièrem<strong>en</strong>t de convaincre<br />
<strong>Kase</strong> de r<strong>en</strong>trer dans le groupe JKA.<br />
<strong>Kase</strong> n’était pas certain de le vouloir,<br />
comme il avait comm<strong>en</strong>cé avec le groupe<br />
de Yoshitaka Funakoshi. Et il me dit<br />
qu’<strong>en</strong> fait, beaucoup d’étudiants<br />
d’Hironishi essayèr<strong>en</strong>t de le persuader<br />
d’avoir un dojo perman<strong>en</strong>t où ils pourrai<strong>en</strong>t<br />
établir une association pour s’<strong>en</strong>traîner<br />
et <strong>en</strong>seigner le Karate. Mais cela<br />
n’arriva jamais, et donc <strong>Kase</strong> rejoignit la<br />
JKA, et cela lui donna la vie <strong>en</strong> karaté<br />
qu’il voulait.<br />
Je fis la remarque à S<strong>en</strong>seï <strong>Kase</strong><br />
que la JKA de cette époque, l’organisation<br />
du dojo Yotsuya, était dirigé majoritairem<strong>en</strong>t<br />
par des hommes de Takushoku,<br />
cela lui posa-t-il des problèmes du fait<br />
qu’il v<strong>en</strong>ait de S<strong>en</strong>shu? Non, dit-il et cela<br />
était dû <strong>en</strong> grande partie à Masatoshi<br />
Nakayama. Nakayama avait bon cœur et<br />
voulait que tout le monde travaille<br />
<strong>en</strong>semble. Il n’y avait donc pas de problèmes.<br />
En fait, Taiji <strong>Kase</strong> était un membre<br />
très important de la JKA. Il était l’un<br />
de ses dirigeants. Il fut implique dans la<br />
formation de ses premières règles de<br />
compétition, et était un instructeur hautgradé,<br />
ce qui signifie qu’il fut responsable<br />
de l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de cette première<br />
génération d’instructeurs internationaux,<br />
avec des noms tels que Hirokazu<br />
Kanazawa, Keinosuke Enoeda et Hiroshi<br />
Shirai. Ces trois champions JKA effectuèr<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong> fait un tour du monde avec<br />
<strong>Kase</strong> <strong>en</strong> 1965, donnant des démonstrations<br />
partout où ils allai<strong>en</strong>t. Terry<br />
O’Neill, anci<strong>en</strong> capitaine de l’équipe de<br />
karaté britannique, assista à l’une de ces<br />
premières démonstrations, et me dit que<br />
<strong>Kase</strong> était clairem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> charge, demandant<br />
souv<strong>en</strong>t à l’un d’<strong>en</strong>tre eux de se<br />
lever pour travailler avec lui, et de temps<br />
<strong>en</strong> temps les bousculant un peu durem<strong>en</strong>t.<br />
“Ils s’inclinai<strong>en</strong>t donc devant <strong>Kase</strong><br />
comme étant le haut-gradé?” demandaije<br />
à Terry. “Oh oui”, répondit-il, “Sans<br />
aucun doute.”<br />
La JKA comm<strong>en</strong>ça à <strong>en</strong>voyer<br />
des instructeurs à l’étranger vers 1960, et<br />
<strong>Kase</strong> lui-même s’associa à cet exode<br />
quelques années plus tard. Il <strong>en</strong>seigna <strong>en</strong><br />
Afrique du Sud p<strong>en</strong>dant un temps, puis il<br />
s’installa avec sa femme et ses filles <strong>en</strong><br />
<strong>France</strong>, où il vit depuis les tr<strong>en</strong>te dernières<br />
années.<br />
Ce fut H<strong>en</strong>ry Plee, le fondateur<br />
du karaté français, qui le fit v<strong>en</strong>ir, et il y<br />
eut dans tout cela une part de chance.<br />
Plee avait organisé un stage d’été à Saint<br />
Raphaël avec comme <strong>en</strong>seignant Hiroshi<br />
Shirai. Mais Shirai ne put pas v<strong>en</strong>ir et fit<br />
<strong>en</strong> sorte que quelqu’un puisse le remplacer.<br />
Et, quand Plee vit qu’il s’agissait de<br />
<strong>Kase</strong>… En fait, il se s<strong>en</strong>tit déçu. Plee<br />
n’avait jamais r<strong>en</strong>contré <strong>Kase</strong>, mais avait<br />
vu des photos de lui dans « Karate », un<br />
livre de poche de la vieille série<br />
Marabout Flash, et n’avait pas formé une<br />
bonne opinion de sa technique.<br />
Mais il se résigna au changem<strong>en</strong>t<br />
d’instructeur et puis, quand le stage<br />
comm<strong>en</strong>ça, son opinion comm<strong>en</strong>ça rapidem<strong>en</strong>t<br />
à changer. <strong>Kase</strong> avait un bon rapport<br />
avec les étudiants et <strong>en</strong> terme de<br />
Karate, “une technique formidable”. A la<br />
fin du stage, il fut décidé que <strong>Kase</strong> vi<strong>en</strong>drait<br />
<strong>en</strong>seigner au célèbre dojo d’H<strong>en</strong>ry<br />
Plee dans le 5e Arrondissem<strong>en</strong>t de<br />
Paris…. Et Plee écrivit un article, pour<br />
son Budo Magazine Europe, intitule<br />
“Dangers sur les interprétations des photos<br />
de Karate”.<br />
En fait, Taiji <strong>Kase</strong> était strict<br />
quant à l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t du kihon et du<br />
kata, mais <strong>en</strong> kumite sa technique était<br />
beaucoup plus libre. L’important dans ce<br />
-12- FSK-HA MAGAZINE N°2 - Mars 2006
cas était le timing, le mouvem<strong>en</strong>t, et mettre<br />
de la puissance au bon mom<strong>en</strong>t.<br />
Tommy Morris, le fameux karatéka écossais,<br />
qui s’<strong>en</strong>traînait au dojo de Plee, me<br />
dit qu’<strong>en</strong> kumite, <strong>Kase</strong> “savait vraim<strong>en</strong>t<br />
bouger”. Malheureusem<strong>en</strong>t il ne semble<br />
pas y avoir beaucoup de films de lui de<br />
cette époque. J’ai une courte vidéo de lui<br />
se déf<strong>en</strong>dant contre deux attaquants, p<strong>en</strong>dant<br />
une démonstration, à un championnat<br />
anglais, où il semble les remuer facilem<strong>en</strong>t,<br />
et une exécution du kata Meikyo<br />
p<strong>en</strong>dant un championnat IAKF, quelques<br />
années plus tard. Contrairem<strong>en</strong>t aux<br />
katas que l’on voit aujourd’hui, le<br />
Meikyo de <strong>Kase</strong> n’est ni exagèré, ni théâtral.<br />
La technique y est économique mais<br />
forte, et le mouvem<strong>en</strong>t est harmonieux,<br />
que ce se soit sur le tapis ou dans les transitions<br />
d’une technique à une autre. Le<br />
kata d’un karatéka mûr, pourrait on dire.<br />
J’ai correspondu avec H<strong>en</strong>ry<br />
Plee p<strong>en</strong>dant des années, et, lorsque<br />
j’étais à Paris il y a quelques années, on<br />
avait discuté des différ<strong>en</strong>ts s<strong>en</strong>seïs japonais<br />
qu’il avait invités pour <strong>en</strong>seigner à<br />
son dojo dans les années 1950-1960,<br />
Hiroo Machizuki, Tetsuji Murakami,<br />
Tsutomu Oshima, Mitsusuke <strong>Ha</strong>rada,<br />
Taiji <strong>Kase</strong>. H<strong>en</strong>ry raconta qu’il testait<br />
souv<strong>en</strong>t la compét<strong>en</strong>ce de ces instructeurs<br />
<strong>en</strong> les combattant, peu après leur<br />
arrivée. Par exemple, il avait frappé<br />
Murakami avec un coup de poing, laissant<br />
une bosse sur son front de la taille<br />
d’un petit oeuf. Avait-il fait du kumite<br />
avec <strong>Kase</strong>? Oh oui, H<strong>en</strong>ry avait plusieurs<br />
années de pratique de judo derrière lui, et<br />
donc, après quelques instants, il r<strong>en</strong>tra et<br />
t<strong>en</strong>ta une projection de judo. Mais <strong>Kase</strong><br />
ne bougea pas. “Il était comme un roc”.<br />
Et puis quand H<strong>en</strong>ry lâcha prise et essaya<br />
de reculer, il fut percuté par coup de pied<br />
de côté de <strong>Kase</strong> qui le plia <strong>en</strong> deux.<br />
FSK-HA MAGAZINE N°2 - Mars 2006 -13-<br />
“Okay” dit-il à <strong>Kase</strong>, “maint<strong>en</strong>ant, je sais<br />
qui est le plus fort!”<br />
Je posai la question à S<strong>en</strong>seï <strong>Kase</strong><br />
concernant cette anecdote, et il se mit à<br />
rire. Oui, c’était bi<strong>en</strong> arrivé. Plee avait<br />
fait du Judo, mais lui était égalem<strong>en</strong>t un<br />
judoka d’expéri<strong>en</strong>ce et “le niveau du<br />
Judo japonais est très élèvé.”<br />
Plee dit au magazine français Bushido:<br />
“<strong>Kase</strong> S<strong>en</strong>sei est seulem<strong>en</strong>t un homme de<br />
petite taille mais il maîtrise le s<strong>en</strong>s du<br />
combat. Son exceptionnelle valeur réside<br />
dans la pratique de deux formes de<br />
karaté. L’une basée sur le combat, et l’autre<br />
sur une stratégie simple: il s’adapte à<br />
son adversaire. Il voit l’ouverture, et aidé<br />
par son s<strong>en</strong>s du timing, il r<strong>en</strong>tre. Ce qui<br />
rajoute à son niveau est son expéri<strong>en</strong>ce<br />
<strong>en</strong> combat réel. En voici un exemple: j’ai<br />
plusieurs fois été témoin des séances<br />
d’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t, spéciales <strong>en</strong>tre lui, Shirai<br />
et Enoeda, p<strong>en</strong>dant lesquelles ils travaillai<strong>en</strong>t<br />
le combat. Si l’allonge et la vitesse<br />
des deux autres leur permettai<strong>en</strong>t de le<br />
devancer, <strong>Kase</strong> S<strong>en</strong>seï accélérait immédiatem<strong>en</strong>t<br />
et ils n’insistai<strong>en</strong>t pas. Ces<br />
<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>ts croyez-moi, étai<strong>en</strong>t quelque<br />
chose! Cela m’aida à compr<strong>en</strong>dre ce<br />
qu’est le combat <strong>en</strong> karaté et le combat<br />
réel, même si les règles sont <strong>en</strong>core respectées.<br />
De plus, il me semble que son<br />
expéri<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> judo l’aide. Il a bi<strong>en</strong> compris<br />
de quelle façon le poids du corps se<br />
déplace. Il sait quand l’adversaire peut ou<br />
ne peut pas attaquer, c’est-à-dire que<br />
quand l’adversaire est <strong>en</strong> train de transférer<br />
le poids du corps, et bi<strong>en</strong> il ne peut<br />
pas attaquer. C’est à ce mom<strong>en</strong>t que <strong>Kase</strong><br />
S<strong>en</strong>seï lance sa célèbre attaque profonde.<br />
Je crois que le judo est prés<strong>en</strong>t dans sa<br />
méthode de combat. Je me rappelle que<br />
quand il est arrive <strong>en</strong> <strong>France</strong>, les karatékas<br />
français étai<strong>en</strong>t influ<strong>en</strong>cés par le style<br />
Shukokai, avec une posture de combat où<br />
le poids du corps était résolum<strong>en</strong>t sur la<br />
jambe avant, et bi<strong>en</strong> sûr, cela l’amusait de<br />
balayer ces malchanceux. Mais n’essayez<br />
pas de faire la même chose avec lui. On<br />
ne peut pas le déraciner. De temps <strong>en</strong><br />
temps, je m’<strong>en</strong>traînais avec les différ<strong>en</strong>ts<br />
experts que j’invitais à mon dojo. Ayant<br />
quelque expéri<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> Judo, je les surpr<strong>en</strong>ais<br />
des fois <strong>en</strong> les projetant. Mais je<br />
n’ai jamais réussi avec lui. Il est comme<br />
du béton. Pour moi c’est le meilleur combattant<br />
que j’ai r<strong>en</strong>contré. Il adore le<br />
combat et ne refuse jamais un combat.<br />
Voici une autre histoire: je ne sais pas si<br />
les karatékas français se rappell<strong>en</strong>t de
Baroux (Note: Patrick Baroux était<br />
champion d’Europe de karaté dans les<br />
années 1960). Je l’aimais bi<strong>en</strong> et fus très<br />
ému par sa mort. De plus, c’était un<br />
grand champion. Il s’<strong>en</strong>traînait avec moi.<br />
Un jour, <strong>en</strong> r<strong>en</strong>trant des championnats<br />
d’Europe où il avait gagné le titre, il me<br />
dit: “Tu sais, je crois que je peux battre<br />
S<strong>en</strong>seï <strong>Kase</strong>. J’aimerai essayer.” Je le<br />
transmis à <strong>Kase</strong>, qui me dit simplem<strong>en</strong>t<br />
“Pas de problème, quand il veut.” La<br />
séance se passa au dojo, près de l’<strong>en</strong>trée.<br />
Il laissa Baroux faire deux ou trois techniques,<br />
puis il accéléra la cad<strong>en</strong>ce. Il n’<strong>en</strong><br />
fit qu’une bouchée. Plus tard Baroux me<br />
dit: “Je ne l’aurais jamais cru. Quel<br />
homme!”<br />
Quand son contrat avec H<strong>en</strong>ry Plee se<br />
termina, <strong>Kase</strong> se lança seul et donna des<br />
stages a travers l’Europe. Il était toujours<br />
avec la JKA et resta avec eux jusqu’aux<br />
problèmes politiques des années 1980,<br />
quand il partit pour créer sa propre organisation.<br />
Comme le dit H<strong>en</strong>ry Plee, Taiji<br />
<strong>Kase</strong> n’a jamais été un politici<strong>en</strong> ou un<br />
comploteur. Il voulait juste faire du<br />
Karate et la scission lui permit de le faire<br />
de la façon qu’il voulait.<br />
<strong>Kase</strong> n’a pas eu de dojo perman<strong>en</strong>t<br />
depuis des années. Il préfère voyager<br />
à travers l’Europe ou ailleurs, et donner<br />
des stages surtout pour ceintures noires.<br />
Même à soixante dix ans, il y passait<br />
<strong>en</strong>core la plupart de ces week-<strong>en</strong>ds,<br />
jusqu’à ce qu’il fasse une crise cardiaque<br />
l’année dernière. Bi<strong>en</strong> sûr, cela ral<strong>en</strong>tit<br />
les choses, mais <strong>en</strong>fin, après <strong>en</strong>viron neuf<br />
mois, il donna un stage de retour à Paris,<br />
<strong>en</strong> Février, auquel assistèr<strong>en</strong>t 200 ceintures<br />
noires. Il y eut, quelques mois plus<br />
tard, le stage d’<strong>Ha</strong>sselt où nous nous<br />
sommes r<strong>en</strong>contrés.<br />
Je vis S<strong>en</strong>seï <strong>Kase</strong> <strong>en</strong>seigner<br />
pour la première fois à Londres <strong>en</strong> 1981,<br />
à un stage pour L’Union de Karate de<br />
Grande-Bretagne. Le thème du cours<br />
était le kata et il était intéressant de voir<br />
comm<strong>en</strong>t il déconditionnait la forme et<br />
démontrait des choses, comme le meilleur<br />
positionnem<strong>en</strong>t du corps par rapport<br />
à l’adversaire. A <strong>Ha</strong>sselt, le cours se composa<br />
de techniques de kumite et de combinaisons<br />
d’attaque pré-arrangées, mais<br />
surtout <strong>Kase</strong> se conc<strong>en</strong>tra sur les notions<br />
de base, positions, respiration, techniques<br />
de déf<strong>en</strong>se et de blocage. Il comm<strong>en</strong>ça la<br />
première séance par la pratique des mouvem<strong>en</strong>ts<br />
d’ouverture du kata Sochin, <strong>en</strong><br />
travaillant sur le kime et <strong>en</strong> s’<strong>en</strong>racinant<br />
au sol. Il expliqua que dans une telle<br />
position, on devrait “avoir l’impression<br />
de peser deux-c<strong>en</strong>t kilos.” Le cours porta<br />
<strong>en</strong>suite sur une séqu<strong>en</strong>ce de mains ouvertes<br />
(shuto), d’abord effectuée l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t,<br />
<strong>en</strong> coordination avec la respiration (cela<br />
ressemble à la pratique du Goyu <strong>Ryu</strong>) et<br />
<strong>en</strong>suite vite, avec kime pénétrant. Quand<br />
il travailla sur les techniques de blocages,<br />
<strong>Kase</strong> fit d’abord pratiquer les blocages<br />
aux élèves avec la trajectoire complète et<br />
maximum de puissance. Mais <strong>en</strong>suite le<br />
mouvem<strong>en</strong>t fut réduit, d’abord à une<br />
semi-trajectoire et <strong>en</strong>fin juste à quelques<br />
c<strong>en</strong>timètres tout <strong>en</strong> gardant la même<br />
puissance. En combat, on n’aurait pas le<br />
temps d’effectuer un blocage avec sa trajectoire<br />
complète, mais même avec des<br />
blocages à trajectoire courte, on devrait<br />
pouvoir blesser le membre de l’adversaire<br />
qui attaque, ou faire reculer l’adversaire<br />
avec la force du blocage. <strong>Kase</strong> dit<br />
aux élèves que c’était un “karaté vitesse<br />
plus puissance”, et il expliqua égalem<strong>en</strong>t<br />
qu’<strong>en</strong> kumite on devait être capable d’aller<br />
“de zéro à c<strong>en</strong>t pour c<strong>en</strong>t” <strong>en</strong> un instant.<br />
<strong>Kase</strong> insista égalem<strong>en</strong>t auprès<br />
de ses élèves sur le fait que leur karaté<br />
était un “Budo Karate.” Et, <strong>en</strong> lui parlant<br />
plus tard, je fus impressionné par ses<br />
connaissances concernant un grand nombre<br />
de Budo japonais. Il parla de k<strong>en</strong>do,<br />
de judo, et aussi de célèbres judokas<br />
comme Kyuzo Mifume et Masahiko<br />
Kimura qu’il avait connus, tous deux personnellem<strong>en</strong>t.<br />
Egalem<strong>en</strong>t de Morihei<br />
Uyeshiba et d’aïkido (qu’il résuma<br />
comme du “Daito-<strong>Ryu</strong> plus du shintoisme”),<br />
de personnages comme<br />
Yukiyoshi Sagawa, le vieil expert de<br />
Daito-ryu, âgé de quatre-vingt-dix ans<br />
<strong>en</strong>viron, décédé quelques années auparavant,<br />
et dont certains p<strong>en</strong>sai<strong>en</strong>t qu’il était<br />
meilleur que Uyeshiba (“certains disai<strong>en</strong>t<br />
deuxième après Takeda”, m<strong>en</strong>tionna<br />
<strong>Kase</strong>). Quand son élève haut-gradé Dirk<br />
He<strong>en</strong>e m<strong>en</strong>tionna un ami qui pratiquait le<br />
ju-jutsu <strong>Ha</strong>kko-<strong>Ryu</strong>, <strong>Kase</strong> put expliquer<br />
les origines du <strong>Ha</strong>kko-ryu. Bi<strong>en</strong> sûr, il<br />
connaissait bi<strong>en</strong> les autres styles de<br />
karaté japonais, et connaissait beaucoup<br />
des figures de proue du monde du karaté<br />
japonais. Oyama par exemple, qu’il avait<br />
connu il y a très longtemps dans les<br />
années après-guerre, quand il s’était<br />
<strong>en</strong>traîné brièvem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>sembles <strong>en</strong> judo.<br />
P<strong>en</strong>dant son cours, <strong>Kase</strong> était<br />
affable et pati<strong>en</strong>t. Bi<strong>en</strong> évidemm<strong>en</strong>t, il ne<br />
s’exerçait pas trop, mais quand il démontrait<br />
quelques techniques, il était étonne-<br />
m<strong>en</strong>t vif, surtout pour un homme de<br />
soixante et onze ans, sortant d’une crise<br />
cardiaque. Les cours étai<strong>en</strong>t seulem<strong>en</strong>t<br />
pour ceintures noires, beaucoup de participants<br />
ayant plus de vingt ou tr<strong>en</strong>te ans<br />
de pratique. Certains avai<strong>en</strong>t changé<br />
d’organisation, souv<strong>en</strong>t à la fin de leur<br />
carrière <strong>en</strong> compétition, lorsqu’ils se r<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t<br />
compte d’un manque de profondeur<br />
ou de direction dans leur <strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t.<br />
Avec <strong>Kase</strong>, certains me dir<strong>en</strong>t avoir<br />
trouvé une nouvelle voie.<br />
Je ne pratique pas le <strong>Shotokan</strong> et je ne<br />
peux porter aucun jugem<strong>en</strong>t sur les différ<strong>en</strong>tes<br />
organisations qui l’<strong>en</strong>seign<strong>en</strong>t,<br />
mais le groupe de <strong>Kase</strong> semble très loyal<br />
et l’influ<strong>en</strong>ce de Taiji <strong>Kase</strong> bi<strong>en</strong>veillante.<br />
Après l’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t et les passages de<br />
grades, et une journée longue et active<br />
pour S<strong>en</strong>seï <strong>Kase</strong>, il y eut un dîner et ce<br />
fut à ce mom<strong>en</strong>t que je pus lui parler p<strong>en</strong>dant<br />
quelques heures et lui poser toutes<br />
mes questions. Il fut direct et aimable,<br />
jovial même. Quand le dîner fut terminé,<br />
Dirk He<strong>en</strong>e me reconduit ainsi que<br />
S<strong>en</strong>seï <strong>Kase</strong> et son épouse à nos hôtels<br />
respectifs. Un peu avant d’arriver à mon<br />
hôtel, <strong>Kase</strong> me demanda des nouvelles<br />
des karatékas anglais qu’il avait connus<br />
dans les années 1960. Bob Poynton,<br />
Andy Sherry, Terry O’Neill, Frank<br />
Br<strong>en</strong>nan. S’<strong>en</strong>traînai<strong>en</strong>t–ils toujours?<br />
Oui, lui répondis-je, toujours. C’est bi<strong>en</strong>,<br />
dit-il. Ils étai<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant séparés dans<br />
différ<strong>en</strong>tes organisations, mais ils formai<strong>en</strong>t<br />
toujours une famille <strong>Shotokan</strong>, et<br />
on devrait toujours garder son karaté fort.<br />
On était arrivé à mon hôtel, et je<br />
me rappelle des derniers mots de S<strong>en</strong>seï<br />
<strong>Kase</strong> quand je desc<strong>en</strong>dis de voiture et dis<br />
au revoir : “Rappelez-vous, dit-il,<br />
si vous les voyez, dites-leur de continuer<br />
à s’<strong>en</strong>traîner!”.<br />
-14- FSK-HA MAGAZINE N°2 - Mars 2006