photographie Dominique Boniface - Visuelimage
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verso<br />
arts et lettres<br />
28<br />
Éloge de la mémoire<br />
Flammarion poursuit la publication<br />
des monographies d’artistes du<br />
passé dans la collection baptisée « Les<br />
Classiques de l’art ». On y trouvera un<br />
«Les Classiques de l’art»,<br />
Flammarion,<br />
192 p., 9,95 €<br />
Piero della Francesca, présenté par<br />
Pietro Allegretti, un Titien, introduit par<br />
Sylvie Béguin, Caravage, qui offre une<br />
surprise : c’est le peintre Renato Guttuso<br />
apôtre du réalisme dans l’Italie de<br />
l’après guerre, qui est l’auteur de la préface.<br />
Enfin, un Cézanne est doté d’un<br />
très beau texte du poète Alfonso Gatto.<br />
Sans doute cette collection ne peut pas<br />
remplacer les « Classiques de l’art »<br />
qu’avait créés Rizzoli, que Flammarion<br />
avait repris, et qui se singularisaient par<br />
d’excellents et utiles catalogues raisonnés<br />
en fin de volume. Mais elle offre un<br />
ensemble de monographies soignées,<br />
intelligentes, offrant l’essentiel des<br />
informations utiles à la découverte de<br />
ces artistes.<br />
La série de vingt-cinq émissions que le<br />
regretté Daniel Arasse avait réalisée<br />
pour France Culture vient d’être rééditée<br />
en livre de poche. C’est sans doute l’une<br />
Histoires de peintures,<br />
Daniel Arasse,<br />
«Folio essais», Gallimard<br />
des meilleures initiations que l’on<br />
puisse trouver à la peinture ancienne :<br />
Arasse était non seulement un historien<br />
d’art compétent, mais aussi un narrateur<br />
hors pair. On y retrouve des considérations<br />
sur la relation entre Manet et<br />
le Titien, une histoire raccourcie mais<br />
révélatrice du maniérisme, une digression<br />
sur le rapport paradoxal de Léonard<br />
de Vinci avec la perspective, un commentaire<br />
sur l’interprétation des<br />
Ménines de Vélasquez par Michel<br />
Chroniques des lettres<br />
Chroniques<br />
de l’an VI (3)<br />
Par Gérard-Georges Lemaire<br />
Foucault, etc. En dehors de sa valeur<br />
pédagogique, ce livre est aussi un plaidoyer<br />
en faveur d’une histoire de l’art<br />
débarrassée de toute sortes de préjugés<br />
et de médiocrités.<br />
Toujours chez Flammarion, il faut<br />
signaler la réédition de l’excellente<br />
Invention du corps de Nadeije Laneyre-<br />
Dagen. Cette étude très poussée traite de<br />
L’Invention du corps,<br />
Nadeije Laneyre-Dagen,<br />
«Tout l’art», Flammarion<br />
nombreuses questions que pose la<br />
représentation de la figure humaine<br />
dans l’art occidental. Le premier chapitre<br />
est déterminant dans cette optique<br />
car il traite de l’introduction de l’ombre,<br />
ce qui ne correspond pas seulement à un<br />
problème technique, mais à une conception<br />
de la corporéité. Si le sujet n’est pas<br />
épuisé (comment le serait-il), l’ouvrage a<br />
le mérite de délimiter un vaste champ<br />
d’investigation, de l’expression des émotions<br />
à la figuration de la finitude. En<br />
somme, il doit faire partie de la bibliothèque<br />
de tout honnête homme.<br />
Hautes et basses<br />
modernités<br />
Catherine Millet est bien décidée à<br />
nous enseigner la vérité sur l’art<br />
contemporain. L’ouvrage qu’elle vient<br />
de rééditer, passablement augmenté, est<br />
L’Art contemporain,<br />
histoire et géographie,<br />
«Champs», Flammarion<br />
d’ailleurs tout à fait recevable et représente<br />
une excellente introduction à la<br />
question. Mais elle évite bien de<br />
répondre à la question fondamentale, la<br />
notion d’ « art contemporain » peut-elle<br />
perdurer indéfiniment ? La notion d’art<br />
moderne a duré bien trop elle aussi.<br />
Mais elle avait une excuse historique<br />
sous la forme d’un précédent – la moder-<br />
nité est une attitude par rapport à la<br />
revendication d’un modèle classique (il<br />
y a en fait eu plusieurs querelles des<br />
anciens et des modernes, le romantisme<br />
étant l’une de ses dernières manifestations.<br />
Mais dans le cas présent, le qualificatif<br />
de « contemporain » évite de devoir<br />
cataloguer ce qu’on ne peut cataloguer.<br />
En réalité, la perte du principe d’œuvre<br />
d’art (sauf, étrangement, dans la sphère<br />
de la spéculation) et même de l’existence<br />
de l’art empêche toute possibilité de<br />
trouver de nouveaux termes. Et si l’art<br />
contemporain donne le sentiment de<br />
« coller » à la réalité, il échoue à s’y inscrire.<br />
Avec Millet, ne sommes-nous pas<br />
en train d’assister à l’heure vespérale de<br />
cette idéologie vieillissante dans un<br />
recueillement religieux et inquiet.<br />
L’<br />
heure semble être aux comparaisons,<br />
aux bilans, aux mises en<br />
perspective. Le catalogue de l’exposition<br />
Le Mouvement des images qui s’est tenue<br />
Le Mouvement des images,<br />
Philippe Alain Michaud,<br />
Centre Georges Pompidou<br />
aux Centre Georges Pompidou en est<br />
bien la confirmation. Ce que Philippe<br />
Alain Michaud a entendu démontrer<br />
m’échappe un peu et je n’éprouve guère<br />
l’envie de le découvrir. Je me contente<br />
de constater que les œuvres d’art servant<br />
à sa démonstration sont réduites à<br />
la dimension réductrice de l’image. Il est<br />
vrai que Warhol est parti de clichés – il<br />
n’est que trop logique que ses œuvres<br />
retournent à leur origine. En dehors de<br />
cela, l’intérêt de cette publication est de<br />
comprendre comment le mouvement<br />
(celui des corps, mais aussi celui de l’esprit<br />
et de la narration) s’est traduit dans<br />
les arts plastiques. Mais là, je dois dire<br />
que l’absence des futuristes italiens est<br />
consternant : toute leur révolution esthétique<br />
reposait sur le dynamisme plastique…