photographie Dominique Boniface - Visuelimage
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Ereinté par la presse<br />
américaine pour la<br />
nullité de son propos,<br />
la pédanterie de sa<br />
démarche et l’imposture qui<br />
le caractérise, voire le constitue,<br />
un soi-disant philosophe<br />
français a, une fois encore,<br />
fait honneur aux tartes à la<br />
crème de mon ami Le<br />
Gloupier. À deux reprises au<br />
dernier Salon du Livre de<br />
Paris, BHV* a reçu une tarte à<br />
la crème sur sa tronche permanentée!<br />
Bien fait, bravo! Et<br />
il s’était changé après la première,<br />
le con! Il faut relater ce<br />
fait parce que l’influence de<br />
l’intéressé avait réussi à<br />
l’écarter des infos. Son cher<br />
ami, qui vend plus du tiers<br />
des «livres» de France aujourd’hui,<br />
entre autres, avait<br />
même réussi à bloquer l’excellent<br />
« Une Imposture<br />
Française » de ses rayons,<br />
parce que le permanenté<br />
décolleté y était quelque peu<br />
malmené. Voilà la vraie censure<br />
aujourd’hui, celle du fric,<br />
de l’influence, des réseaux.<br />
J’aimerais tant parfois, moi<br />
aussi, balancer une tarte à la<br />
crème lorsque je suis<br />
contraint de participer à un<br />
dîner ou déjeuner dit<br />
« social », même si j’ai réussi<br />
à limiter à l’extrême ces<br />
pertes de temps, et je compte<br />
bien les supprimer définitivement.<br />
Il y a peu, une<br />
femme (c’eût pu être un<br />
homme), à la mention d’un<br />
philosophe contemporain<br />
que je ne cite pas mais dont<br />
le travail représente une<br />
trentaine de livres, a osé parler<br />
« de philosophie à la petite<br />
semaine », sans avoir même<br />
jamais lu un seul des<br />
ouvrages en question. Cette<br />
suffisance me consterne. Elle<br />
a eu de la chance que je sois<br />
gourmand et préfère manger<br />
verso<br />
Les livres noirs arts et lettres<br />
41<br />
Du détournement intelligent<br />
de l’usage d’ingrédients de pâtisserie<br />
mon dessert que de le lui<br />
foutre dans la gueule. J’ai été<br />
élevé avec le respect de la<br />
nourriture : ça ne se gaspille<br />
pas. Mais j’ai eu envie quand<br />
même, très envie.<br />
Quand les libraires seront<br />
morts, ou plus exactement<br />
reconnaîtront qu’ils le sont<br />
déjà – ils ne lisent plus, trop<br />
occupés à renvoyer les<br />
offices – et qu’ils ne servent<br />
plus que de bouches d’égout<br />
aux éditeurs et diffuseurs,<br />
alors Pinault aura, définitivement<br />
et avec l’aide de<br />
Lagardère (Hachette, une<br />
douzaine de maisons d’éditions<br />
de livres, le 1 er réseau<br />
de diffusion et leurs bouches<br />
d’égout, Relay et Virgin) et<br />
d’un ou deux autres prédateurs,<br />
tué LE livre dans notre<br />
pays. Je voulais offrir au fils<br />
d’une amie l’autobiographie<br />
de Charlie Chaplin et l’ai<br />
cherchée, dans une FNAC de<br />
province, Rouen. Encore une<br />
FNAC qui a tué les libraires<br />
du centre ville. Et bien non,<br />
ce livre n’était pas en rayon.<br />
Mais il y avait le dernier produit<br />
dérivé d’un film merdique,<br />
américain, et autres<br />
conneries au rayon cinéma.<br />
Qui veut lire l’autobiographie<br />
de Chaplin aujourd’hui ? On<br />
m’a regardé comme si j’étais<br />
un dinosaure. Je suis sorti<br />
avec l’envie de vomir sur les<br />
beaux gilets verts de ces<br />
pauvres employés sous-payés<br />
qui passent cette merde à la<br />
douchette des codes barres.<br />
Il est temps de boycotter activement<br />
ces supermarchés de<br />
la sous culture et de rendre<br />
hommage aux libraires<br />
encore en activité, avant<br />
qu’ils soient écrasés par ces<br />
mastodontes, comme c’est<br />
déjà le cas aux USA et en<br />
Grande-Bretagne.<br />
Par Simon<br />
Le Disciple du Mal<br />
Juliette Manet,<br />
Albin Michel<br />
Être témoin de la naissance<br />
et de la maturation d’un<br />
auteur est un de ces privilèges<br />
que la fonction, je n’ose<br />
dire « métier », de critique littéraire<br />
offre et qui est magnifique,<br />
une véritable récompense<br />
de cette si dure vie<br />
consistant à lire des livres en<br />
général de bonne, voire de<br />
très bonne qualité, envoyés<br />
gratuitement par des éditeurs<br />
charmants qui, contrairement<br />
à vous, j’ai vérifié,<br />
lisent ces lignes !<br />
Dès les deux premiers<br />
ouvrages de Juliette Manet,<br />
j’avais découvert une sensibilité<br />
à fleur de peau, une intelligence<br />
étonnante et une<br />
grande souffrance, vaincue<br />
par l’écriture. Il ne s’agissait<br />
déjà pas d’écriture «pour être<br />
publié », mais de littérature,<br />
de création, d’art. Le genre<br />
choisi par Manet est le polar,<br />
dur, terrible, mais n’ai-je pas<br />
souvent écrit que ce type de<br />
littérature est aujourd’hui,<br />
selon moi, la véritable littérature,<br />
pas celle que le cher<br />
Poirot-Delpech (mais que faitil<br />
à l’Académie Française<br />
avec tous ces vieillards tremblotants<br />
et gâteux?) assimilait<br />
à « la caresse de son stylo »,<br />
pas de ces essais sans le<br />
moindre intérêt qui bousillent<br />
les arbres.<br />
Loin des impostures à la<br />
Houelleberck (c’est exprès !)<br />
ou des « produits » à la Dan<br />
Brown, ce livre, encore<br />
mieux que les deux premiers<br />
(Plon éditeur), emmène le<br />
lecteur de la première à la<br />
dernière phrase sans qu’il<br />
puisse s’arrêter, sur un<br />
rythme infernal. C’est en fin<br />
de matinée que le coursier<br />
me l’a porté. En fin d’aprèsmidi,<br />
je le refermai en me<br />
promettant de le relire, plus<br />
calmement, plus tard.<br />
Une utilisation intelligente de<br />
l’Internet, et Manet est une<br />
virtuose de la recherche d’informations<br />
précises quand<br />
elle ne connaît pas un<br />
domaine, peut apporter des<br />
milliers de détails à un<br />
romancier qui n’aura ainsi<br />
pas besoin d’avoir mis les<br />
pieds dans une ville pour en<br />
connaître le plan précis et qui<br />
pourra parler, avec compétence,<br />
de l’escalade sans<br />
jamais avoir grimpé plus<br />
haut que sur une taupinière.<br />
Mais seule une profonde et<br />
très réfléchie connaissance<br />
de la vie dans ce qu’elle a de<br />
plus tragique et de l’être<br />
humain dans ce qu’il peut<br />
avoir de plus secret, permet<br />
d’écrire, si talent il y a, de<br />
tels livres. Il faut avoir été<br />
très seul, avoir vécu et aimé,<br />
donc souffert comme seul<br />
l’amour sait faire souffrir,<br />
pour écrire comme ça. Il faut<br />
avoir côtoyé la mort, de très<br />
près, et pas une seule fois,<br />
pour pondre cette littérature.<br />
Il faut aussi, et c’est aussi<br />
important que le fond, savoir<br />
très bien écrire.<br />
Manet possède tout ça.<br />
L’expérience de la vie, donc<br />
de la mort et le talent d’écriture.<br />
Une immense intelligence,<br />
impressionnante,<br />
c’est si rare aujourd’hui, un<br />
magnifique talent et une sensibilité<br />
désarmante sont<br />
quelques-uns des atouts qui<br />
font de Juliette Manet un<br />
écrivain dont j’attends, déjà,<br />
le prochain livre avec impatience.<br />
Pour celui-ci, âmes sensibles<br />
s’abstenir. L’homme peut<br />
être encore plus sombre que<br />
dans vos cauchemars les plus …/…