L'Aiguille creuse
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– Ah oui, je sais, vous n’avez écrit à ce propos, monsieur Massiban. Il<br />
s’agit, n’est-ce pas, d’un livre où il est question d’une Aiguille, et qui me<br />
viendrait d’un ancêtre ?<br />
– En effet.<br />
– Je vous dirai que mes ancêtres et moi nous sommes brouillés. On<br />
avait de drôles d’idées en ce temps-là. Moi, je suis de mon époque. J’ai<br />
rompu avec le passé.<br />
– Oui, objecta Beautrelet, impatienté, mais n’avez-vous aucun souvenir<br />
d’avoir vu ce livre ?<br />
– Mais si ! je vois l’ai télégraphié, s’écria-t-il en s’adressant à Massiban,<br />
qui, agacé, allait et venait dans la pièce et regardait par les autres fenêtres,<br />
mais si !… ou du moins il semblait à ma fille qu’elle avait vu ce<br />
titre parmi les quelques milliers de bouquins qui encombrent la bibliothèque.<br />
Car, pour moi, messieurs, la lecture… Je ne lis même pas les journaux…<br />
Ma fille quelquefois, et encore ! pourvu que son petit Georges, le<br />
fils qui lui reste, se porte bien ! et pourvu, moi, que mes fermages<br />
rentrent, que mes baux soient en règle !… Vous voyez mes registres… je<br />
vis là-dedans, messieurs… et j’avoue que j’ignore absolument le premier<br />
mot de cette histoire, dont vous m’avez entretenu par lettre, monsieur<br />
Massiban…<br />
Isidore Beautrelet, horripilé par ce bavardage, l’interrompit<br />
brusquement :<br />
– Pardon, Monsieur, mais alors ce livre…<br />
– Ma fille l’a cherché. Elle le cherche depuis hier.<br />
– Eh bien ?<br />
– Eh bien elle l’a retrouvé, elle l’a retrouvé il y a une heure ou deux.<br />
Quand vous êtes arrivés…<br />
– Et où est-il ?<br />
– Où il est ? Mais elle l’a posé sur cette table… tenez… là-bas…<br />
Isidore bondit. Au bout de la table, sur un fouillis de paperasses, il y<br />
avait un petit livre recouvert de maroquin rouge. Il y appliqua son poing<br />
violemment, comme s’il défendait que personne au monde y touchât…<br />
et un peu aussi comme si lui-même n’osait le prendre.<br />
– Eh bien, s’écria Massiban, tout ému.<br />
– Je l’ai… le voilà… maintenant, ça y est…<br />
– Mais le titre… êtes-vous sûr !<br />
– Eh parbleu ! tenez.<br />
Il montra les lettres d’or gravées dans le maroquin « Le mystère de<br />
l’Aiguille <strong>creuse</strong> ».<br />
– Êtes-vous convaincu ? Sommes-nous enfin les maîtres du secret ?<br />
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