L'Aiguille creuse
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44e marche. Et maintenant, je fais jouer le clou de fer. Et la bobinette<br />
cherra… Sans quoi j’y perds mon latin…<br />
La lourde porte en effet tourna sur ses gonds. Une caverne assez spacieuse<br />
s’offrit à leurs regards.<br />
– Nous devons être exactement sous le fort de Fréfossé, dit Beautrelet.<br />
Maintenant les couches de terre sont traversées. C’est fini de la brique.<br />
Nous sommes en pleine masse calcaire.<br />
La salle était confusément éclairée par un jet de lumière qui provenait<br />
de l’autre extrémité. En s’approchant ils virent que c’était une fissure de<br />
la falaise, pratiquée dans un ressaut de la paroi, et qui formait comme<br />
une sorte d’observatoire. En face d’eux, à cinquante mètres, surgissait<br />
des flots le bloc impressionnant de l’Aiguille. À droite, tout près, c’était<br />
l’arc-boutant de la porte d’Aval, à gauche, très loin, fermant la courbe<br />
harmonieuse d’une vaste crique, une autre arche, plus imposante encore,<br />
se découpait dans la falaise, la Manneporte (magna porta), si grande,<br />
qu’un navire y aurait trouvé passage, ses mâts dressés et toutes voiles<br />
dehors. Au fond, partout, la mer.<br />
– Je ne vois pas notre flottille, dit Beautrelet.<br />
– Impossible, fit Ganimard, la porte d’Aval nous cache toute la côte<br />
d’Étretat et d’Yport. Mais tenez, là-bas, au large, cette ligne noire, au ras<br />
de l’eau…<br />
– Eh bien ?…<br />
– Eh bien, c’est notre flotte de guerre, le torpilleur n° 25. Avec ça, Lupin<br />
peut s’évader… s’il veut connaître les paysages sous-marins.<br />
Une rampe marquait l’orifice de l’escalier, près de la fissure. Ils s’y engagèrent.<br />
De temps à autre, une petite fenêtre trouait la paroi, et chaque<br />
fois ils apercevaient l’Aiguille, dont la masse leur semblait de plus en<br />
plus colossale. Un peu avant d’arriver au niveau de l’eau, les fenêtres<br />
cessèrent, et ce fut l’obscurité.<br />
Isidore comptait les marches à haute voix. À la trois cent cinquantehuitième,<br />
ils débouchèrent dans un couloir plus large que barrait encore<br />
une porte en fer, renforcée de plaques et de clous.<br />
– Nous connaissons ça, dit Beautrelet. Le document nous donne le<br />
nombre 357 et un triangle pointé à droite. Nous n’avons qu’à recommencer<br />
l’opération.<br />
La seconde porte obéit comme la première. Un long, très long tunnel<br />
se présenta, éclairé de place en place par la lueur vive de lanternes, suspendues<br />
à la voûte. Les murs suintaient, et des gouttes d’eau tombaient<br />
sur le sol, de sorte que, d’un bout à l’autre, on avait disposé pour faciliter<br />
la marche, un véritable trottoir en planches.<br />
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