Un matin d'hiver… - Mairie de Ballainvilliers
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Culture, La Vie du Sports, Village Loisirs<br />
Ma jeunesse sous la botte alleman<strong>de</strong><br />
Dans la 1 ère partie, vous avez pu lire le récit du périple du tout jeune<br />
homme qu’était Monsieur Berthy en 1940 au moment où les Allemands<br />
2 e partie : L’occupation<br />
<strong>Un</strong> soir je pars faire un tour dans la<br />
Ville-du-Bois espérant avoir <strong>de</strong>s<br />
nouvelles. Il n'y a toujours personne<br />
<strong>de</strong> retour. Je me suis attardé chez un<br />
copain et je pars après le couvre-feu.<br />
Je longe les murs. Arrivé <strong>de</strong>vant le<br />
portail je me baisse pour prendre la<br />
clé que l'on cache toujours <strong>de</strong>rrière<br />
la borne. La clé est là mais je butte<br />
dans une cartouchière qui y a été<br />
cachée. Je la rentre doucement ainsi<br />
qu'une baïonnette. Rien ne se passe.<br />
Je <strong>de</strong>viens plus hardi et rentre les<br />
2 fusils Lebel. Devant la porte, il y<br />
en a plusieurs dont la crosse a été<br />
cassée par les soldats français<br />
lorsque ceux-ci ont été faits<br />
prisonniers. <strong>Un</strong> seul est intact, je le<br />
rentre avec les autres. Les munitions,<br />
je les laisse dans les WC qui, à<br />
l'époque, étaient un cabanon dans la<br />
cour. Le len<strong>de</strong>main je monte tout<br />
cacher dans le foin au grenier avec<br />
un drapeau que mon père accrochait<br />
le 14 juillet et le 11 novembre pour<br />
pavoiser.<br />
arrivent dans notre région et poursuivent leur marche vers le sud.<br />
Parti rejoindre sa fiancée plus au sud, il se voit<br />
contraint <strong>de</strong> revenir à La-Ville-du-Bois. De retour<br />
chez lui, il découvre la maison <strong>de</strong> ses parents vi<strong>de</strong>…<br />
Je viens, sans le savoir vraiment, <strong>de</strong><br />
faire mon premier acte <strong>de</strong> résistance !<br />
Mes parents ne reviendront que<br />
plusieurs semaines après, <strong>de</strong><br />
Nogent-le-Rotrou, à pied, avec Finette<br />
notre petite chienne. Mon père avait<br />
acheté une brouette pour mettre les<br />
valises. Lorsqu’ils arrivent, mes<br />
parents sont fatigués et ont les traits<br />
tirés. Notre petite chienne est<br />
heureuse <strong>de</strong> se retrouver avec nous<br />
trois à la maison.<br />
D’Yvonne je n'ai pas <strong>de</strong> nouvelles.<br />
La poste ne marche pas et<br />
les jours passent bien<br />
tristement. <strong>Un</strong> peu<br />
chaque jour, <strong>de</strong>s<br />
réfugiés du pays<br />
reviennent. Il n'y a<br />
plus rien dans les<br />
épiceries. Elles ont<br />
été pillées et aucun<br />
ravitaillement n’arrive. On<br />
a reçu les premiers tickets<br />
<strong>de</strong> pain.<br />
Je cherche du travail et suis<br />
embauché chez Baige à Montlhéry<br />
pour refaire le goudronnage dans le<br />
département. Des routes sont<br />
détruites partiellement par les obus,<br />
le goudron manque et on nous<br />
envoie travailler au camp <strong>de</strong> Brétigny.<br />
74<br />
On a reçu les<br />
premiers tickets<br />
<strong>de</strong> pain<br />
Je le quitte pour aller chez Drouard<br />
refaire les voies ferrées. Là, le travail<br />
est très dur et dangereux. Il ne se<br />
passe pas une semaine sans qu'un<br />
ouvrier, au moins, soit envoyé à<br />
l'hôpital. <strong>Un</strong> copain me fait<br />
embaucher chez Bi<strong>de</strong>au Elionne.<br />
C'est une fon<strong>de</strong>rie à Vitry.<br />
Les mois passent. Yvonne est <strong>de</strong><br />
retour et on va se marier.<br />
Malheureusement elle est Alsacienne<br />
et ses papiers nous arrivent écrits en<br />
allemand. Il faut aller à Paris trouver<br />
un traducteur officiel. Moi, je suis<br />
né à Châteauroux en “zone<br />
libre” ce qui veut dire :<br />
pas <strong>de</strong> correspondance.<br />
Nous partons, mes<br />
parents, Yvonne et moi<br />
pour aller à pied <strong>de</strong> la<br />
Grange-aux-Cercles à<br />
Palaiseau. Là, <strong>de</strong>vant le<br />
juge <strong>de</strong> paix, <strong>de</strong>ux témoins<br />
(qui ne m'ont jamais vu) jurent<br />
que je suis bien le fils <strong>de</strong> mon père.<br />
Tout ça constituera un vrai dossier qui<br />
rendra possible notre mariage. Le<br />
repas <strong>de</strong> noce sera digne, grâce à un<br />
lapin que mon père a sacrifié.<br />
A l'usine je travaille pour faire le gaz<br />
qui servira pour les fours et laminoirs<br />
que l'on chauffe pour que le métal<br />
puisse être travaillé. Je suis <strong>de</strong><br />
l'équipe <strong>de</strong> nuit. Cela me fait<br />
10 francs <strong>de</strong> plus par jour et me<br />
permet <strong>de</strong> travailler aux champs<br />
dans la journée.<br />
<strong>Un</strong> jour, alors que les Allemands<br />
ont fait charger tout le cuivre dans<br />
les wagons qui doivent partir le<br />
len<strong>de</strong>main, ces <strong>de</strong>rniers se retrouvent<br />
avec un grand V et un grand B tracés<br />
avec <strong>de</strong> la peinture prise au magasin.<br />
Avec le compagnon qui fait équipe<br />
avec moi, on a écrit “Victoire<br />
Britannique”.<br />
Nous apprendrons qu’en cours <strong>de</strong><br />
route le train a été arrêté et les<br />
inscriptions effacées.<br />
A la suite <strong>de</strong> cet inci<strong>de</strong>nt, une<br />
délégation d'officiers allemands fait<br />
rassembler le personnel et menace<br />
<strong>de</strong> représailles si <strong>de</strong>s faits<br />
semblables se reproduisent.<br />
Je ne suis pas là au moment où cela<br />
se passe car je suis <strong>de</strong> l'équipe <strong>de</strong><br />
nuit.<br />
Or, j’ignorais qu’il y avait dans<br />
l'usine un groupe <strong>de</strong> résistants.<br />
Ces <strong>de</strong>rniers interrogent mon équipier,<br />
un espagnol qui avait fui le régime<br />
<strong>de</strong> Franco et qui avoue.<br />
Toujours à cette époque, un soir que<br />
je prenais mon service, un ouvrier me<br />
dit “Tu passes avec le train à Juvisy,<br />
… les jours passent, tristes ;<br />
on a faim et froid…<br />
tu voudrais bien jeter dans la gare <strong>de</strong><br />
triage <strong>de</strong>s tracts aux soldats<br />
allemands ? Il n'y a aucun risque, le<br />
train roule. Je sais, camara<strong>de</strong>, que tu<br />
peux le faire. Demain tu auras les<br />
papiers. D'accord ?” Je reçois une<br />
poignée <strong>de</strong> tracts écrits en allemand.<br />
J'en laisse un dans mon vestiaire et<br />
comme d’habitu<strong>de</strong>, je quitte l'usine au<br />
<strong>matin</strong> après mon travail.<br />
Je dois longer la Seine sur 2 km<br />
avant d’arriver à la gare <strong>de</strong> Choisy-le-<br />
Roi. Lorsque je quitte les quais pour<br />
monter vers la station, je vois un<br />
ouvrier avec casquette et foulard :<br />
il est assis sur une borne et lit un<br />
journal <strong>de</strong> l'occupation. Il ne lève pas<br />
la tête mais dit lorsque je passe :<br />
“Attention la police et les Allemands<br />
fouillent à la gare !” Je le remercie<br />
rapi<strong>de</strong>ment et rentre dans un<br />
café qui était en contrebas et qui<br />
s'appelait “Aux marches”.<br />
Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> un café (en fait <strong>de</strong> l'orge<br />
grillé) et <strong>de</strong> la saccharine (en guise<br />
<strong>de</strong> sucre !). J'en bois un peu, puis je<br />
vais aux WC où je fais disparaître<br />
tous les papiers. Comme prévu, à la<br />
gare je suis fouillé mais je prends le<br />
train sans problème : ouf, je suis<br />
75<br />
La Vie du Village<br />
passé près ! Les tracts <strong>de</strong>mandaient<br />
aux soldats allemands <strong>de</strong> déserter,<br />
<strong>de</strong> ne pas combattre. C'était signé<br />
“leurs frères ouvriers” car nous<br />
sommes tous frères… tu parles !<br />
C’est aussi sous l’occupation en<br />
1941 que notre fille est née. <strong>Un</strong><br />
officier allemand ayant été abattu,<br />
trois jours <strong>de</strong> couvre feu avaient été<br />
décrétés (<strong>de</strong> 6 heures du soir à<br />
6 heures du <strong>matin</strong>). C'est pendant<br />
une <strong>de</strong> ces trois nuits qu’Yvonne a<br />
accouché au n° 45 <strong>de</strong> la route<br />
d'Orléans à la Grange aux cercles.<br />
<strong>Un</strong>e voisine téméraire, avec en poche<br />
un “drapeau” blanc et un mot écrit<br />
par Yvonne en Allemand, a dû aller<br />
chercher la sage femme à Montlhéry.<br />
Minces protections puisqu’il était<br />
prévu que les Allemands tireraient<br />
sans sommation : à plusieurs reprises<br />
cette brave femme s'est jetée dans le<br />
fossé pour ne pas courir <strong>de</strong> risques<br />
inutiles !<br />
Malgré cet heureux événement, les<br />
jours passent, tristes ; on a faim et<br />
froid. Il est question que le personnel<br />
qualifié parte en Allemagne. Je fais<br />
valoir par le docteur que je suis<br />
mala<strong>de</strong> par intoxication du gaz