03.07.2013 Views

Cent ans d'histoire sociale, syndicale et pédagogique - Émancipation

Cent ans d'histoire sociale, syndicale et pédagogique - Émancipation

Cent ans d'histoire sociale, syndicale et pédagogique - Émancipation

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

N<br />

Le présent dossier revêt une importance particulière d<strong>ans</strong> la suite<br />

des articles que notre revue - L'<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong><br />

<strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - a choisi de consacrer au centenaire de<br />

L'École Émancipée dont elle est issue : il y a cent <strong>ans</strong> jour pour<br />

jour, était publié le numéro 1 de la revue du même nom. Un<br />

dossier important, mais pas un point d'orgue : d'autres éléments<br />

seront publiés d<strong>ans</strong> nos prochains numéros.<br />

Et pas non plus un simple coup de chapeau : outre le fait qu'il<br />

résulte d'un travail entamé depuis un an, rythmé par différentes<br />

publications <strong>et</strong> un stage syndical national, il ne vise pas à une<br />

commémoration historique, bien que c<strong>et</strong>te dimension ne soit pas<br />

absente : ce sont presque tous les historiens actuels du syndicalisme<br />

révolutionnaire d<strong>ans</strong> l'éducation qui ont écrit d<strong>ans</strong> nos<br />

colonnes, pas forcément d'ailleurs pour développer des aspects<br />

glorieux de ce courant ou pour l'encenser de manière a-critique<br />

(un autre aspect qui nous distingue des hagiographes !).<br />

Cependant, tous en conviennent, ces réflexions <strong>et</strong> débats ne<br />

prennent tout leur sens que s'ils s'articulent avec une dimension<br />

militante, autrement dit ils doivent être reliés aux questions<br />

posées de manière très pratique, d<strong>ans</strong> la lutte de classe<br />

concrète. À c<strong>et</strong> égard, nous ne cherchons pas à construire le mythe<br />

du courant pur <strong>et</strong> invariant depuis 1910 jusqu'à nos jours.<br />

l'articulation entre permanence des lignes directrices<br />

<strong>et</strong> évolution des revendications concrètes<br />

En revanche, trois éléments nous semblent centraux au vu de<br />

tous ces textes. Tout d'abord, l'articulation entre permanence<br />

des lignes directrices <strong>et</strong> évolution des revendications concrètes<br />

Au sommaire<br />

Édito p. I<br />

Le socle des revendications p. III<br />

Manifeste des Amis de l'École Émancipée (1954) p. VI<br />

L’après 68 : Une démocratie <strong>syndicale</strong> qui a permis<br />

de gérer des débats politiques extrêmement tendus p. VIII<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

De LL’’ÉÉccoollee ÉÉmmaanncciippééee à LL’’ÉÉmmaanncciippaattiioonn<br />

<strong>Cent</strong> <strong>ans</strong> <strong>d'histoire</strong><br />

<strong>sociale</strong>, <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong><br />

du syndicaliste révolutionnaire d<strong>ans</strong> l'éducation… dont la<br />

revue L'École Émancipée resta longtemps le vecteur principal<br />

d<strong>ans</strong> la FEN en lien étroit avec la tendance du même nom.<br />

Aujourd'hui, les syndicalistes révolutionnaires se r<strong>et</strong>rouvent<br />

d<strong>ans</strong> un large éventail d'organisations : ÉMANCIPATION,<br />

SUD, CNT, UDAS…<br />

Prenons le cas de la laïcité, un des piliers idéologiques mais<br />

aussi militants d'École Émancipée (notamment par l'appartenance<br />

aux mouvements laïques sous toutes leurs formes : œuvres<br />

post-scolaires, colonies de vacances, mouvement librepenseur…).<br />

Les positions des syndicalistes révolutionnaires ont<br />

pu varier sur la question du monopole public de l'enseignement,<br />

ce que nous nommons la "nationalisation laïque" de l'enseignement<br />

privé. Combattue à l'origine par la Fédération Unitaire de<br />

l'Enseignement, elle est devenue par la suite <strong>et</strong> jusqu'à nos<br />

jours un axe central en matière de laïcité. Mais, en tout état de<br />

cause, la défense de la laïcité (donc les lois de 1881 sur l’école<br />

<strong>et</strong> celle 1905) ainsi que des écoles normales (cf. article de Jean<br />

Mourot <strong>et</strong> Jean-François Chalot), est une constante quelles<br />

que soient les critiques - justifiées - formulées à l'égard de<br />

l'école "réellement existante". Et ce à l'inverse des diverses<br />

fantaisies autour de la laïcité "ouverte", "positive", "plurielle",<br />

<strong>et</strong>c. qui marquent un recul d'organisations laïques face aux forces<br />

cléricales (anciennes ou nouvelles) <strong>et</strong> à l'illusion du relativisme<br />

culturel.<br />

Autre exemple, la question de la hiérarchie. Encore un aspect<br />

central : les premières sections de "L'<strong>Émancipation</strong>" n'ontelles<br />

pas été constituées avant tout pour organiser les instituteurs<br />

<strong>et</strong> institutrices "adjointEs" face aux directeurs pourvus d'une<br />

L'École Émancipée après 1945 : l'exemple du Var p. XI<br />

Florentin Honoré Alziary ou le refus de parvenir p. XV<br />

Fred Rospars, Un parcours syndical <strong>et</strong> politique<br />

au milieu du XXème siècle p. XVII<br />

1968 : un bilan à approfondir p. XVIII<br />

L'École Émancipée <strong>et</strong> la défense des Écoles normales p. XX<br />

Georges Fontenis <strong>et</strong> L'École Émancipée p. XXIII<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010 I


N<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

autorité hiérarchique ? Là encore, les revendications concrètes<br />

ne sont pas les mêmes suivant les époques : m<strong>et</strong>tre fin à la direction<br />

d'école comme échelon hiérarchique contrôlant y compris la<br />

vie privée (début 20 e siècle), "traitement unique" (années<br />

1920), refus d'inspection (années 1970)… mais le fil directeur<br />

demeure : le refus des hiérarchies administratives <strong>et</strong> corporatives<br />

(que le Manifeste des Amis de L'École Émancipée de 1954<br />

expose de manière systématique). Avec son corollaire : la lutte<br />

contre la répression administrative (comme le signale Loïc Le Bars<br />

en conclusion de son article). D'ailleurs certaines de ces revendications<br />

continuent de figurer d<strong>ans</strong> notre corpus revendicatif :<br />

les augmentations uniformes (conçues comme étape vers le<br />

traitement unique). De même, la lutte contre la mise en place<br />

des "EPEP" renommés "E2P" s'inscrit d<strong>ans</strong> c<strong>et</strong>te lignée.<br />

II<br />

c<strong>et</strong>te continuité des thématiques s'explique par la<br />

persistance de l'inspiration syndicaliste révolutionnaire<br />

Comme l'avait mis en évidence Loïc le Bars, la "culture"<br />

syndicaliste révolutionnaire, avec des variations idéologiques,<br />

imprègne les militantEs liéEs à L'École Émancipée, y compris<br />

quand ils/elles adhèrent au PCF d<strong>ans</strong> l'entre-deux-guerres.<br />

C<strong>et</strong>te inspiration sous-tend aussi, au moins en "creux", un<br />

proj<strong>et</strong> de société.<br />

Deuxième élément central : le syndicalisme révolutionnaire<br />

d<strong>ans</strong> l'éducation n'est pas coupé du monde, de la société <strong>et</strong><br />

en particulier du mouvement ouvrier de son époque, même<br />

quand il est marginalisé. Les grandes mutations du mouvement<br />

ouvrier constituent autant de jalons pour l'histoire de l'EE.<br />

Ainsi la fédération enseignante de la CGT laisse la place d<strong>ans</strong><br />

les années 1920 à la Fédération Unitaire de l'Enseignement de la<br />

CGTU (opposante à la direction stalinienne) face à la fédération<br />

réformiste <strong>et</strong> majoritaire de la CGT. Autre tournant, la réunification<br />

<strong>syndicale</strong> provisoire lors du Front Populaire : ce processus<br />

d<strong>ans</strong> l'enseignement voit l'apparition de la tendance des "Amis<br />

de L'École Émancipée", structurée autour de la revue éponyme.<br />

Revue qui renaît en 1945 à la Libération après son interdiction<br />

sous Vichy (voir le témoignage de Georges Fontenis).<br />

L'aspiration à l'unification <strong>syndicale</strong> (avec droit de tendance)<br />

conduit l'EE à être, en 1946, cofondatrice de la FEN par la<br />

motion Bonissel-Valière. La montée des luttes des années<br />

1970 entraîne des tr<strong>ans</strong>formations profondes de la tendance<br />

(ainsi que le détaille l'article de Clément Talleu) après une<br />

première scission importante dont Serge Goudard, Jean-<br />

François Chalot <strong>et</strong> Jean Mourot nous donnent des<br />

éléments d'analyse.<br />

Les années 1990-2000 représentent un nouveau tournant :<br />

scission de la FEN, intégration renforcée du syndicalisme d<strong>ans</strong><br />

l'appareil d'État sous la forme du "dialogue social" <strong>et</strong> autres<br />

"réforme de l'État" à tous les niveaux y compris européen (la CES)<br />

<strong>et</strong> international (la CSI)… La tendance École Émancipée le ressent,<br />

puisqu'elle scissionne ! Avec le recul il apparaît que d<strong>ans</strong> un<br />

syndicalisme accentuant ses tendances bureaucratiques <strong>et</strong><br />

marqué par un renforcement du poids de l'appareil, l'équipe<br />

de direction de l'actuelle EE/FSU choisit de s'intégrer d<strong>ans</strong><br />

l'appareil de la FSU, jugé par certainEs "nouveau <strong>et</strong> combatif".<br />

Les ennemis de tout appareil devenant eux-mêmes un appareil,<br />

les jeux sont faits… Une anecdote donnera la mesure de<br />

l'involution d'un syndicalisme ne pouvant se concevoir s<strong>ans</strong><br />

permanentEs <strong>et</strong> s<strong>ans</strong> déchargéEs syndicaux de toutes sortes :<br />

jusqu'en 1954, les dirigeantEs du SNI, qui regroupait pas<br />

moins de 130 000 membres, maintiennent que "Nul ne<br />

pourra exercer de fonction de permanence pendant plus de trois<br />

mandats consécutifs" (6 <strong>ans</strong> donc). Pour revenir aux dernières<br />

années, nous sommes d<strong>ans</strong> une période où le droit de<br />

tendance, s'il ne recouvre pas une co-gestion des structures<br />

<strong>syndicale</strong>s au plus haut niveau, est en rétraction. Quelque part<br />

le stalinisme <strong>et</strong> les courants bureaucratiques remportent une<br />

victoire provisoire.<br />

Dernier élément, <strong>et</strong> pas le moindre : l'histoire du syndicalisme<br />

révolutionnaire d<strong>ans</strong> l'enseignement est avant tout,<br />

avant même un discours idéologique, l'histoire de groupes<br />

militants. Et de groupes de taille modeste : il est frappant<br />

qu'une tradition idéologique séculaire repose finalement sur<br />

un nombre très réduit de militantEs à certaines époques. Ces<br />

collectifs militants, leur vie est aussi liée aux tr<strong>ans</strong>formations<br />

sociologiques <strong>et</strong> du monde éducatif, <strong>et</strong> pas seulement aux<br />

grandes scissions ou regroupements du mouvement ouvrier à<br />

l'échelon national. Elle est articulée à un investissement d<strong>ans</strong><br />

le mouvement ouvrier, mais aussi d<strong>ans</strong> le mouvement<br />

<strong>pédagogique</strong> : colonies de vacances <strong>et</strong> défense du camp laïque,<br />

pédagogie coopérative (notamment l'ICEM). Il est logique<br />

que les animateurs <strong>et</strong> animatrices des GD (groupes<br />

départementaux) soient souvent considéréEs comme de<br />

fortes personnalités. D<strong>ans</strong> leurs textes respectifs, les camarades<br />

du GD 83, Paul Dagorn d<strong>ans</strong> le Finistère <strong>et</strong> Jean Michel<br />

Bavard pour l'Oise en donnent un aperçu, l'Oise <strong>et</strong> le GD 83<br />

soulignant également la place des femmes d<strong>ans</strong> ce militantisme<br />

de terrain.<br />

Car l'histoire de ces groupes départementaux m<strong>et</strong> aussi en évidence<br />

le rôle moteur des femmes d<strong>ans</strong> l'histoire du syndicalisme<br />

enseignant, rôle traité à la marge - voire occulté - par toute la<br />

génération d'historiens hommes de l'histoire du mouvement<br />

ouvrier - qui partageaient la mentalité patriarcale du<br />

syndicalisme de leur temps où les hommes monopolisaient<br />

les places de leaders. De ce point de vue, les institutrices des<br />

premiers syndicats "d'institutrices <strong>et</strong> d'instituteurs" ont été les<br />

pionnières du combat féministe, luttant dès le début pour<br />

l'égalité des salaires hommes/femmes, qu'elles ont fini par<br />

obtenir (voir l'article de Loïc Le Bars). Nous avons cherché à<br />

réparer c<strong>et</strong>te inégalité de traitement choquante en introduisant<br />

systématiquement un article sur les militantes, les groupes<br />

femmes <strong>et</strong> la revendication féministe d<strong>ans</strong> les articles que la<br />

Revue a consacrés à la construction de L'École Émancipée de<br />

1910 à 1945.<br />

une tradition idéologique ne vaut, quand elle se<br />

réclame d'une perspective révolutionnaire, que par les<br />

faits <strong>et</strong> les actes<br />

C'est s<strong>ans</strong> doute au final le plus important. Faits <strong>et</strong> actes qui en<br />

l'espèce nécessitent des positions de classe face aux tenants du<br />

pouvoir capitaliste, mais aussi face aux appareils bureaucratisés.<br />

Ce qui nous renvoie à la question de l'indépendance de classe.<br />

Depuis quelques années, d'aucuns ont abandonné d<strong>ans</strong> les<br />

faits c<strong>et</strong>te tradition pour des pratiques peu glorieuses, pour<br />

des motifs extérieurs aux nécessités du syndicalisme <strong>et</strong> des<br />

perspectives (illusoires) de pouvoir d<strong>ans</strong> la hiérarchie<br />

<strong>syndicale</strong>. Quant à nous, notre pari est de conserver la boussole de<br />

la lutte des classes <strong>et</strong> de l'indépendance <strong>syndicale</strong>.<br />

Travail collectif <strong>et</strong> continuité d<strong>ans</strong> la perspective militante<br />

illustrés par les signataires de c<strong>et</strong> édito qui, au sein des "équipes<br />

revue", ont contribué - ou contribuent actuellement - à la<br />

parution de chaque numéro en assurant le secrétariat de la<br />

rédaction de L'École Émancipée puis de L'<strong>Émancipation</strong> des<br />

vingt dernières années.<br />

Jean Mourot, Catherine Dumont,<br />

Quentin Dauphiné, Nicole Desautels ❏<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010


N<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

Le socle des revendications<br />

Nous reproduisons ici, avec leur aimable autorisation, les interventions de Loïc Le Bars <strong>et</strong><br />

Clément Talleu à l'occasion du stage national d'<strong>Émancipation</strong> de mai 2010 : "100 <strong>ans</strong><br />

de syndicalisme révolutionnaire d<strong>ans</strong> l'éducation : Histoires - actualités - perspectives".<br />

L'intervention de Loïc le Bars portait sur le socle <strong>et</strong> les thèmes revendicatifs du syndicalisme<br />

révolutionnaire, jusqu'à la réunification <strong>syndicale</strong> de 1936.<br />

action revendicative de la FUE (1) entre 1919 <strong>et</strong><br />

L'1935 reprend <strong>et</strong> approfondit les thèmes que la<br />

FNSI (2) avait développés au début du 20ème siècle.<br />

La fidélité aux principes fondateurs<br />

du syndicalisme révolutionnaire<br />

On y r<strong>et</strong>rouve le même attachement, la même fidélité à<br />

quelques grands principes qui caractérisent le syndicalisme<br />

révolutionnaire d<strong>ans</strong> l'enseignement dès son<br />

apparition :<br />

- le syndicat n'est pas seulement un organe de<br />

"défense des intérêts matériels <strong>et</strong> moraux" de la classe<br />

ouvrière ou d'une autre catégorie de salariés. Car c'est<br />

lui qui impulsera la grève générale prélude à la tr<strong>ans</strong>formation<br />

révolutionnaire de la société. C'est encore à<br />

partir de lui que se constituera la société en marche vers<br />

le socialisme : "Les syndicats doivent se préparer à constituer<br />

les cadres des futures organisations autonomes auxquelles<br />

l'État devra rem<strong>et</strong>tre le soin d'assurer sous son contrôle <strong>et</strong><br />

sous leur contrôle les services progressivement socialisés"<br />

(Manifeste des instituteurs syndicalistes, 1905). Les<br />

revendications défendues par le syndicat doivent donc<br />

anticiper, annoncer la future société socialiste : "Nos<br />

revendications sont un flambeau vers lequel les autres lèvent<br />

leurs regards", a pu ainsi affirmé Maurice Dommang<strong>et</strong><br />

en rappelant que les "pionniers du syndicalisme enseignant"<br />

ne s'intéressaient aux traitements qu'en vue de la bataille<br />

<strong>sociale</strong> ou pour des objectifs sociaux plus précisément égalitaires"<br />

(l<strong>et</strong>tre à Max Ferré, auteur d'une thèse sur Le syndicalisme<br />

révolutionnaire d<strong>ans</strong> l'enseignement primaire, des<br />

origines à 1921, 1954).<br />

- d<strong>ans</strong> un milieu aussi "p<strong>et</strong>it-bourgeois" que celui<br />

des enseignants du primaire, seule une p<strong>et</strong>ite avantgarde,<br />

<strong>et</strong> quelques très rares professeurs du secondaire <strong>et</strong> du<br />

supérieur, peuvent partager c<strong>et</strong>te conception du syndicalisme.<br />

C<strong>et</strong>te conviction s'accompagne chez la plupart<br />

de ces instituteurs <strong>et</strong> institutrices syndicalistes révolutionnaires<br />

d'une certaine condescendance, pour ne pas<br />

dire plus, envers la "masse" incapable de se hisser à leur<br />

niveau de conscience. Le syndicalisme universitaire ne<br />

peut être que minoritaire, <strong>et</strong> il est condamné à le<br />

demeurer encore longtemps.<br />

- les premiers syndicats d'instituteurs sont issus<br />

des "<strong>Émancipation</strong>s", ces amicales qui avaient la<br />

particularité d'avoir été créées par des adjoint-e-s pour<br />

lutter contre "la tyrannie" des directeurs <strong>et</strong> des<br />

directrices qui dirigeaient les amicales "généralistes". Les<br />

"<strong>Émancipation</strong>s" regroupaient la fraction la plus jeune,<br />

la plus dynamique de la profession, celle surtout qui<br />

était parvenue à la conscience politique à travers<br />

l'Affaire Dreyfus. C'est c<strong>et</strong>te rupture de l'unité corporative<br />

qui a préparé <strong>et</strong> permis la fondation de syndicats dès le<br />

début du siècle, contrairement à ce qui s'est passé d<strong>ans</strong> la<br />

plupart des autres administrations où le syndicalisme ne<br />

s'est imposé qu'après la Première Guerre mondiale.<br />

D<strong>ans</strong> l'enseignement primaire, les syndicats ont d'abord<br />

lutté pour l'indépendance des instituteurs, contre la<br />

direction d'école, <strong>et</strong> pas seulement contre les<br />

directeurs/directrices qui abusaient de leurs prérogatives,<br />

contre l'autoritarisme de l'administration <strong>et</strong> les<br />

"déplacements d'office" auxquels elle n'hésitait pas à<br />

recourir contre les "fortes têtes", contre l'ingérence des<br />

hommes <strong>et</strong> des autorités politiques locales.<br />

Les militants qui ont animé la FNSI puis la FUE ont toujours<br />

élaboré leurs revendications avec la volonté de rester<br />

fidèles à ces principes fondateurs. Il en est ainsi particulièrement<br />

d<strong>ans</strong> deux domaines : la lutte contre la direction<br />

d'école <strong>et</strong> le combat pour le "traitement unique".<br />

Pour la suppression<br />

de la direction d'école<br />

Les instituteurs syndicalistes révolutionnaires ne se sont<br />

pas contentés de défendre leurs collègues victimes de<br />

brimades, de réclamer la disparition des "règlements<br />

dictatoriaux" que certains directeurs imposaient parfois à<br />

leurs adjoints, <strong>et</strong> le respect de l'indépendance <strong>pédagogique</strong>.<br />

Ils voulaient combattre le mal à la racine <strong>et</strong> demandaient<br />

la suppression pure <strong>et</strong> simple de la direction d'école<br />

ainsi que le tr<strong>ans</strong>fert de ses attributions au conseil des<br />

maîtres. En 1905, ils réussirent à faire voter par le<br />

congrès des amicales un vœu qui reprenait <strong>et</strong> précisait<br />

c<strong>et</strong>te revendication : "D<strong>ans</strong> chaque école à plusieurs classes,<br />

un maître ou une maîtresse sera chaque année délégué(e)<br />

par ses collègues pour la besogne administrative. L'ancien<br />

régime monarchique de la direction sera remplacé par le<br />

conseil des maîtres, régime de liberté, le seul propre au<br />

personnel enseignant d'une démocratie". Il s'agissait donc<br />

de substituer à la hiérarchie administrative, <strong>et</strong> pas seulement<br />

à l'échelon local, le "self-government", l'autogestion<br />

qui devait préfigurer ce qu'aurait dû être la société<br />

socialiste qu'ils voulaient contribuer à bâtir.<br />

L'adoption de ce vœu illustre aussi la complexité<br />

des relations entre les syndicats <strong>et</strong> les amicales. À sa<br />

fondation, en juill<strong>et</strong> 1905, la FNSI ne compte que<br />

quelques centaines d'adhérents alors que les amicales<br />

en regroupaient plus de 85 000, soit la grande majorité<br />

de la profession. Ses effectifs ne progressèrent que très<br />

modérément par la suite : en 1914, les 46 syndicats de<br />

la FNSI revendiquaient un p<strong>et</strong>it millier de membres<br />

adhérents. Comment, d<strong>ans</strong> ces conditions, les syndiqués<br />

pouvaient-ils agir sinon au sein même des amicales ?<br />

Beaucoup d'entre eux se firent donc élire délégués la<br />

même année au congrès amicaliste au cours duquel ils<br />

(1) FUE :<br />

Fédération<br />

Unitaire de<br />

l'Enseignement,<br />

affiliée à la<br />

CGT-U.<br />

(2) FNSI :<br />

Fédération<br />

Nationale des<br />

Syndicats<br />

d'Instituteurs<br />

<strong>et</strong> Institutrices<br />

publics de<br />

France <strong>et</strong> des<br />

Colonies,<br />

ancêtre de la<br />

FUE…<br />

III


N<br />

(3) SNI :<br />

Syndicat<br />

National des<br />

Instituteurs,<br />

issu de la<br />

"syndicalisation"<br />

des Amicales<br />

au sein de la<br />

CGT réformiste.<br />

Ancêtre du<br />

SNI-PEGC…<br />

IV<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

se réunirent en "fraction" pour élaborer le vœu qui fut<br />

finalement adopté s<strong>ans</strong> réelle opposition. Par la suite, si<br />

la Fédération des amicales demanda effectivement la<br />

création des conseils des maîtres, elle se garda bien en<br />

revanche de préconiser la suppression de la direction<br />

d'école ! C<strong>et</strong>te exigence ne fut formulée que par la FNSI.<br />

Les instituteurs syndicalistes n'en<br />

continuèrent pas moins à rester<br />

membres des amicales <strong>et</strong> à y<br />

intervenir, <strong>et</strong> cela même d<strong>ans</strong> les<br />

syndicats, comme celui du<br />

Maine-<strong>et</strong>-Loire dirigé par Louis<br />

<strong>et</strong> Gabrielle Bouët, les plus<br />

hostiles à l'amicalisme. Leurs AG<br />

avaient lieu le même jour que<br />

celles des amicales de leurs<br />

départements, <strong>et</strong> elles discutaient<br />

principalement des positions que<br />

les syndiqués allaient y défendre.<br />

Des syndicalistes connus comme<br />

tels, étaient souvent élus d<strong>ans</strong><br />

les instances délibératives des<br />

amicales, mais beaucoup, privilégiant<br />

leur militantisme syndical,<br />

refusaient de participer à leur<br />

direction. D'autres, au contraire,<br />

estimaient qu'ils devaient en priorité<br />

se consacrer à leur intervention d<strong>ans</strong> le<br />

mouvement amicaliste pour le<br />

gagner le plus rapidement possible<br />

au syndicalisme. C'est ainsi<br />

qu'Émile Glay <strong>et</strong> Louis Roussel,<br />

syndicalistes de la première heure, se r<strong>et</strong>rouvèrent en 1909<br />

à la tête de la Fédération des amicales. Leur désignation<br />

provoqua d'ailleurs de sérieux remous d<strong>ans</strong> la<br />

Fédération. C<strong>et</strong>te question ressurgit avec une toute<br />

autre ampleur quand, en 1919, s'amorça la syndicalisation<br />

des amicales <strong>et</strong> que se posa le problème de leur fusion<br />

avec les anciens syndicats.<br />

La circulaire ministérielle du 15 janvier 1908 qui instituait<br />

les conseils de maîtres ne répondait que très partiellement<br />

au vœu voté par le congrès des amicales trois <strong>ans</strong> auparavant.<br />

D'abord, ils n'étaient pas obligatoires <strong>et</strong> surtout<br />

les prérogatives des directeurs n'étaient nullement remises<br />

en cause. La FNSI continua donc sa propagande contre la<br />

direction d'école <strong>et</strong> préconisa la suppression de l'indemnité<br />

accordée à ceux qui exerçaient c<strong>et</strong>te fonction.<br />

Progrès <strong>et</strong> difficultés de<br />

la lutte anti-hiérarchique<br />

La FUE reprit à son compte ce combat. Son premier<br />

congrès décida que ses syndicats refuseraient les demandes<br />

d'adhésion émanant des directeurs déchargés de classe.<br />

Elle défendit elle aussi des revendications tendant à limiter<br />

le rôle de ces derniers. Elle demanda que l'inspection<br />

des instituteurs, qu'elle ne rem<strong>et</strong>tait pas en cause, se<br />

déroulât hors de la présence des directeurs <strong>et</strong> que les<br />

rapports qui en résultaient fussent tr<strong>ans</strong>mis directement<br />

aux intéressés <strong>et</strong> non plus par leur intermédiaire.<br />

Elle obtint satisfaction d<strong>ans</strong> quelques départements<br />

comme l'Ardèche, où son influence était prépondérante<br />

parmi le personnel de l'enseignement primaire. Ailleurs,<br />

quelques syndicats incitèrent leurs adhérents inspectés à<br />

refuser la présence de leur directeur. Plusieurs d'entre<br />

eux furent sanctionnés ou menacés de l'être. Aussi, la<br />

Fédération lança-t-elle en 1929 un mot d'ordre national<br />

de refus de l'inspection en présence du directeur. Mais<br />

elle dut y renoncer au bout de quelques mois : une<br />

grande partie de ses adhérents,<br />

instituteurs d<strong>ans</strong> une école à<br />

classe unique ou à deux classes,<br />

n'étaient pas concernés par ce<br />

problème, <strong>et</strong> les autres devaient<br />

agir individuellement, s'exposant<br />

ainsi à la répression. De plus, le<br />

SNI (3) refusait toute perspective<br />

d'action commune. Il faut dire<br />

aussi que les relations entre<br />

directeurs <strong>et</strong> adjoints s'étaient<br />

sensiblement améliorés depuis<br />

le début du siècle. Les menaces<br />

de sanction se multiplièrent. La<br />

Fédération fut donc contrainte de<br />

lever son mot d'ordre moins d'un<br />

an après son lancement.<br />

Mais la suppression de la direction<br />

continua à figurer parmi ses revendications,<br />

de même que celle de<br />

l'indemnité à laquelle elle donnait<br />

droit. Ce n'était pas d'ailleurs la<br />

seule que la Fédération voulait<br />

voir supprimer en application de<br />

son proj<strong>et</strong> de "traitement unique"<br />

qui devint très rapidement son<br />

principal cheval de bataille.<br />

Le principe du traitement unique<br />

En matière de rémunérations, les syndicats, avant 1912,<br />

soutenaient l'action des amicales en faveur de la<br />

"péréquation" du traitement des instituteurs avec<br />

ceux des contrôleurs des contributions indirectes <strong>et</strong> des<br />

inspecteurs des PTT. Il faut dire qu'à c<strong>et</strong>te époque<br />

n'existait pas encore de grille unique pour l'ensemble<br />

de la fonction publique <strong>et</strong> que chaque catégorie de<br />

fonctionnaires entendait "maintenir son rang" <strong>et</strong> donc<br />

ne pas se laisser distancer d<strong>ans</strong> ce domaine par celles qui<br />

occupaient une place jugée analogue d<strong>ans</strong> la hiérarchie<br />

administrative. La FNSI appuya également la campagne<br />

de protestation menée par la Fédération des amicales à<br />

l'annonce par le ministère de l'Instruction publique, en<br />

avril 1910, qu'il se voyait contraint, faute de crédits,<br />

d'interrompre les liquidations des r<strong>et</strong>raites des instituteurs<br />

pour une durée indéterminée. C<strong>et</strong>te mesure suscita un<br />

tollé général d<strong>ans</strong> la profession. La Fédération des<br />

amicales lança un appel à l'opinion publique <strong>et</strong> organisa de<br />

grandes réunions publiques, auxquelles les syndicalistes<br />

furent bien souvent appelés à prendre la parole, pour<br />

protester contre c<strong>et</strong>te iniquité. Le ministère ne tarda pas<br />

à trouver les crédits nécessaires <strong>et</strong> les instituteurs purent<br />

de nouveau partir à la r<strong>et</strong>raite.<br />

Mais en 1913 la hausse des prix <strong>et</strong> la perte de pouvoir<br />

d'achat qui en résulte, amènent le congrès de la<br />

FNSI à se préoccuper d'un peu plus près au problème<br />

des traitements. Les congressistes presque unanimes<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010


N<br />

se prononcent pour l'égalité des traitements entre<br />

les instituteurs <strong>et</strong> les institutrices, égalité qui sera obtenue<br />

en 1919. Quelques-uns d'entre eux défendent aussi le<br />

principe du "traitement unique" pour tous les instituteurs,<br />

du début à la fin de leur carrière. Ils affirment qu' "on<br />

n'enseigne pas forcément mieux quand on est âgé", car<br />

"l'expérience peut s'enliser d<strong>ans</strong> la routine". Ils font aussi<br />

remarquer que c'est quand on est jeune qu'on a le plus de<br />

besoins. Ils proposent donc que l'échelle des traitements<br />

soit réduite à deux classes, une pour les stagiaires, l'autre<br />

pour tous les titulaires. Leur proj<strong>et</strong> suscite de nombreuses<br />

oppositions, <strong>et</strong> le congrès se contente de le m<strong>et</strong>tre à<br />

l'étude pour que tous les syndiqués puissent en discuter.<br />

Le traitement unique<br />

devient une revendication<br />

Ses promoteurs ont conscience que ce proj<strong>et</strong> heurte de<br />

plein fou<strong>et</strong> bien des "préjugés" répandus d<strong>ans</strong> la profession.<br />

Ils n'en font donc pas une revendication immédiatement<br />

réalisable ; ils le présentent comme un objectif qui<br />

détermine la nature des revendications <strong>et</strong> qui a le mérite<br />

de préfigurer ce que sera la société égalitaire qu'ils appellent<br />

de leurs vœux. Les syndiqués se montrent de plus en<br />

plus sensibles à leurs arguments, <strong>et</strong> en 1917, la FNSI<br />

adopte le principe du traitement unique. Deux <strong>ans</strong> plus<br />

tard, la FSMEL - appelée plus communément FUE - fait de<br />

même <strong>et</strong> affirme vouloir étendre son champ d'application à<br />

toutes les catégories d'enseignants. Dès lors, le "TU" va<br />

devenir la revendication emblématique du syndicalisme<br />

révolutionnaire d<strong>ans</strong> l'enseignement. La Fédération, ses<br />

syndicats <strong>et</strong> ses "groupes de jeunes" entreprennent une<br />

très active propagande en sa faveur <strong>et</strong> se battent pour<br />

des revendications qui, à l'exemple de l'exigence d'une<br />

augmentation ou d'une indemnité de vie chère uniforme<br />

pour tous, peut perm<strong>et</strong>tre de s'en rapprocher. Mais<br />

c<strong>et</strong>te orientation va se révéler difficile à m<strong>et</strong>tre en œuvre<br />

d<strong>ans</strong> c<strong>et</strong>te période d'après-guerre caractérisée par une<br />

inflation qui ne cesse de réduire le pouvoir d'achat des<br />

salariés. C<strong>et</strong>te situation exacerbe les conflits entre les<br />

organisations <strong>syndicale</strong>s des différentes catégories de<br />

fonctionnaires. C'est par exemple le cas du SNI qui<br />

consacre beaucoup de temps <strong>et</strong> d'énergie à combattre<br />

les "prétentions de Fédération postale de la CGT".<br />

La FSMEL continue, elle, à revendiquer en priorité le<br />

relèvement de traitement des débutants. En 1925-<br />

1926, elle précise <strong>et</strong> complète son proj<strong>et</strong> de "TU" : il<br />

s'agirait de prendre l'ensemble des masses salariales, la<br />

plupart des indemnités comprises, attribuées aux<br />

stagiaires <strong>et</strong> aux titulaires <strong>et</strong> de diviser chacune d'elles<br />

par le nombre d'instituteurs concernés. Seules seraient<br />

maintenues les indemnités liées à la situation familiale<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

Les traitements des instituteurs <strong>et</strong> institutrices en 1905 (source INRP)<br />

ainsi que celle que la FUE voudrait voir attribuée aux<br />

titulaires des "postes déshérités" (écoles de hameaux,<br />

régions particulièrement isolées <strong>et</strong> difficiles d'accès). Le<br />

proj<strong>et</strong> prévoit aussi une "péréquation interne" qui étend<br />

le principe du TU à toutes les catégories d'enseignants.<br />

Pour tenir compte des "préjugés", particulièrement<br />

tenaces, liés à la possession de diplômes ou de titres<br />

considérés comme plus prestigieux que d'autres <strong>et</strong> à la<br />

durée des études nécessaires pour les obtenir, la FUE ne<br />

demande pas le même traitement pour toutes les<br />

catégories mais revendique l'instauration d'une échelle<br />

allant de un pour les instituteurs à trois pour les<br />

professeurs des facultés parisiennes.<br />

Ce proj<strong>et</strong> rencontre un certain écho parmi les instituteurs<br />

ruraux <strong>et</strong> plus encore parmi les jeunes, ces deux catégories<br />

ayant d'ailleurs tendance à se confondre. À tel point que<br />

le SNI se voit obligé de le m<strong>et</strong>tre à l'ordre du jour<br />

de plusieurs de ses congrès. L'un d'eux adopte même<br />

le principe du TU mais il ne l'intègre pas d<strong>ans</strong> son<br />

programme revendicatif pour ne pas entraver l'action<br />

commune avec les autres fédérations de fonctionnaires.<br />

La même chose se passe d<strong>ans</strong> la Fédération autonome<br />

des fonctionnaires (4).<br />

Cependant la propagande de la FUE en faveur du TU <strong>et</strong><br />

l'intérêt qu'elle suscite obligent le SNI à mieux prendre<br />

en compte les revendications des jeunes instituteurs, ce qui<br />

aboutira à un resserrement de l'échelle des traitements.<br />

De même, l'organisation confédérée reprend à son<br />

compte la demande d'une indemnité spécifique<br />

pour les postes déshérités, que d'assez nombreux<br />

départements finiront par accorder.<br />

Mais la FUE, de par sa faiblesse numérique <strong>et</strong> son<br />

absence d'implantation d<strong>ans</strong> un bon quart des départements<br />

métropolitains, est obligée de se rallier bon gré mal gré<br />

aux actions décidées s<strong>ans</strong> concertation par le SNI sur ses<br />

revendications. C'est ce qui arrivera le 20 février1933<br />

quand ce syndicat lancera un mot d'ordre de grève, limitée<br />

à une demi-heure, pour protester contre un décr<strong>et</strong>-loi<br />

faisant passer la r<strong>et</strong>raite des instituteurs de 55 à 60 <strong>ans</strong>, <strong>et</strong><br />

surtout le 12 février 1934 quand les enseignants du primaire<br />

participèrent en masse à la grève générale appelée par la<br />

CGT puis la CGTU en riposte aux émeutes du 6 février.<br />

L'École Émancipée resta fidèle après la réunification<br />

<strong>syndicale</strong> de 1935/1936 à ces principes constitutifs du<br />

syndicalisme révolutionnaire d<strong>ans</strong> l'enseignement. Elle<br />

continua donc à privilégier les revendications qui, comme<br />

les augmentations uniformes pour tous, tendaient à<br />

réduire l'échelle des rémunérations, <strong>et</strong> à relayer celles<br />

qui émanaient des catégories les plus défavorisées <strong>et</strong><br />

surtout les plus soumises à la précarité.<br />

Loïc Le Bars ❏<br />

(4) Fédération<br />

autonome des<br />

fonctionnaires :<br />

affiliée ni à la<br />

CGT ni à la<br />

CGT-U, elle<br />

militait pour<br />

leur unité <strong>et</strong> leur<br />

réunification.<br />

V


N<br />

VI<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

Manifeste des Amis de<br />

l'École Émancipée (1954)<br />

Ce texte, comme il l'indique lui-même, vise à présenter de manière organisée <strong>et</strong> synthétique le<br />

système revendicatif de l'ÉÉ au début des années 1950. Texte à certains égards fondateur, <strong>et</strong> dont les<br />

thématiques montrent une grande continuité - mais aussi des évolutions - entre la FUE <strong>et</strong> la tendance<br />

des années 1970.<br />

Le texte suivant qui définit d<strong>ans</strong> ses grandes lignes notre<br />

courant syndicaliste, nous a souvent été demandé. Les<br />

enseignants venus à l'action <strong>syndicale</strong> depuis la Libération<br />

<strong>et</strong> peu informés des luttes d'avant-guerre se sont souvent<br />

plaints à nous de mal connaître l'École émancipée, ce qui la<br />

caractérise, ce qui l'oppose au courant réformiste <strong>et</strong> au courant<br />

stalinien. Une lecture suivie de notre revue perm<strong>et</strong> d<strong>ans</strong> une<br />

très large mesure de se faire une idée précise de ce que nous<br />

sommes, de ce que nous voulons. Mais nos camarades souhaitent,<br />

pour les aider à voir clair, un exposé de nos principes. Ils le<br />

souhaitent également pour les aider d<strong>ans</strong> la propagande qu'ils<br />

mènent autour d'eux. Ils le trouveront ci-après tel qu'il résulte<br />

d'un travail collectif.<br />

Conceptions <strong>syndicale</strong>s de L'École Émancipée<br />

L'École Émancipée se réclame, d<strong>ans</strong> le mouvement syndical<br />

universitaire, de la tendance syndicaliste révolutionnaire. En ce<br />

sens, elle soutient un certain nombre de principes concernant<br />

la nature <strong>et</strong> le rôle du syndicalisme en général.<br />

A) Le syndicalisme révolutionnaire<br />

<strong>et</strong> la lutte des classes<br />

1) Le syndicalisme révolutionnaire reconnaît l'existence de<br />

l'exploitation du travail <strong>et</strong> la division de la société en classes<br />

antagonistes : les classes dominantes <strong>et</strong> les classes exploitées,<br />

d'où l'existence de la lutte des classes.<br />

2) En c<strong>et</strong>te lutte, le syndicaliste révolutionnaire prend<br />

le parti des exploités contre les exploiteurs d'une manière<br />

inconditionnelle <strong>et</strong> permanente.<br />

3) II dénonce les efforts des classes dominantes, s'appuyant<br />

sur le progrès technique, pour établir une hiérarchisation au<br />

sein des classes exploitées par une catégorisation qui devient un<br />

instrument de division <strong>et</strong> de discorde favorable à la domination<br />

de classe. D'où l'opposition irréductible du syndicalisme révolutionnaire<br />

à l'ouverture de l'éventail des salaires, à la création<br />

factice de fonctions <strong>et</strong> de titres, à la formation de pseudoélites<br />

économiques, tous moyens qui aboutissent à atténuer<br />

l'opposition de classe à la bourgeoisie <strong>et</strong> à l'État qui l'incarne.<br />

D<strong>ans</strong> tous les cas, le syndicaliste se situe aux côtés des<br />

travailleurs les plus exploités.<br />

4) Le syndicaliste révolutionnaire œuvre au triomphe de la<br />

révolution <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> du socialisme démocratique par la gestion<br />

ouvrière des instruments de travail, de production <strong>et</strong> d'échange, la<br />

disparition des classes, comme fin normale de la lutte des classes.<br />

5) En ce sens, le syndicaliste révolutionnaire est solidaire des<br />

travailleurs du monde entier. Il pratique un internationalisme<br />

intr<strong>ans</strong>igeant : l'internationalisme prolétarien, qui se manifeste<br />

en particulier à l'égard des travailleurs des colonies métropolitaines<br />

contre la bourgeoisie de sa propre nation.<br />

6) L'internationalisme prolétarien interdit au travailleur de<br />

se solidariser avec un État quelconque - y compris les États dits<br />

"socialistes".<br />

7) II exige par conséquent de ses partis<strong>ans</strong> une opposition<br />

irréductible à la guerre <strong>et</strong> sa préparation, c'est-à-dire à l'armée,<br />

la police, le service militaire, la préparation militaire, <strong>et</strong>c. Il ne<br />

fait aucune concession au chauvinisme sous quelque forme<br />

qu'il se présente, y compris les formes réformistes <strong>et</strong> staliniennes.<br />

En cas de guerre interimpérialiste, le syndicaliste révolutionnaire<br />

prend le parti des classes ouvrières entraînées d<strong>ans</strong> le conflit.<br />

B) Nature <strong>et</strong> buts du syndicat<br />

comme organisation de classe<br />

1) Le syndicat est l'organisation naturelle qui, sur le plan<br />

économique, rassemble les travailleurs d'une même profession,<br />

s<strong>ans</strong> distinction d'origine, d'opinions politiques, philosophiques<br />

ou confessionnelles. Il est l'instrument de la lutte, de la défense<br />

<strong>et</strong> de l'éducation des travailleurs, <strong>et</strong> il le reste sous tous les régimes,<br />

même après la révolution sous un régime tr<strong>ans</strong>itoire.<br />

2) En tant qu'organisation communautaire, le syndicat fait<br />

prédominer constamment l'intérêt commun de tous les syndiqués<br />

sur les intérêts de catégorie.<br />

3) Le syndicat est indépendant. Il répudie tout lien avec les<br />

partis politiques, l'État ou les Églises <strong>et</strong> d'une manière générale<br />

tout groupement extérieur. C<strong>et</strong>te règle n'exclut nullement la<br />

possibilité d'accords circonstanciels avec d'autres organisations<br />

non <strong>syndicale</strong>s en vue de lutter contre l'ennemi de classe commun.<br />

Ces accords - toujours révocables - sont déterminés surtout par<br />

la conjoncture historique, non par des principes d'action. En<br />

résumé, aucune pression étrangère ne peut être tolérée.<br />

4) Le souci d'indépendance détermine quelques principes<br />

organisationnels valables en toutes circonstances :<br />

- interdiction du cumul des mandats politiques <strong>et</strong> syndicaux ;<br />

- homogénéité des organes exécutifs ;<br />

- renouvellement des responsables syndicaux après un certain<br />

nombre de mandats consécutifs.<br />

5) L'orientation <strong>syndicale</strong> est déterminée par des congrès<br />

ou des assemblées générales démocratiquement organisés <strong>et</strong><br />

réguliers. La démocratie est assurée par une conception n<strong>et</strong>te<br />

des droits <strong>et</strong> des devoirs des syndiqués.<br />

Parmi ces droits <strong>et</strong> ces devoirs, il en est qui sont stricts.<br />

Essentiellement : le droit de défendre son point de vue au sein<br />

de l'organisation, d<strong>ans</strong> les réunions, les congrès <strong>et</strong> la presse, par la<br />

parole <strong>et</strong> par l'écrit, d<strong>ans</strong> l'exercice d'une liberté statutairement<br />

<strong>et</strong> pratiquement assurée ; le devoir de participer aux assemblées<br />

générales ; celui de s'incliner, pour les décisions d'action,<br />

devant une majorité régulièrement dégagée d<strong>ans</strong> les assises<br />

<strong>syndicale</strong>s.<br />

C) Le syndicalisme révolutionnaire <strong>et</strong> l'administration<br />

Sur le plan de la fonction publique, le syndicalisme révolutionnaire<br />

établit une discrimination nécessaire entre fonctionnaires<br />

d'exécution <strong>et</strong> fonctionnaires d'autorité.<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010


N<br />

1) Par fonctionnaires d'autorité, nous entendons les<br />

fonctionnaires qui ne sont pas les simples agents salariés<br />

de l'État, mais ses représentants directs. Les rapports des<br />

fonctionnaires d'exécution avec l'État sont des rapports<br />

analogues à ceux des ouvriers <strong>et</strong> des patrons ; les fonctionnaires<br />

d'autorité sont l'État incarné, matérialisé.<br />

2) En ce sens, la lutte contre les classes dominantes se<br />

trouve tr<strong>ans</strong>posée sur le plan administratif sous la forme d'une<br />

lutte contre l'autorité.<br />

3) En toutes occasions, le syndicaliste révolutionnaire<br />

dénonce les abus, les injustices, les pressions administratives <strong>et</strong><br />

plus généralement la "raison d'État". Il se solidarise avec tous<br />

les camarades brimés par les chefs.<br />

4) II n'y a entre l'autorité <strong>et</strong> le syndicat aucune collaboration<br />

confiante. Il y a antagonisme <strong>et</strong> lutte.<br />

Le syndicat œuvre d<strong>ans</strong> le sens de l'affaiblissement de l'autorité.<br />

Il se prononce contre le choix, les notes plus ou moins<br />

confidentielles, l'arbitraire d<strong>ans</strong> les systèmes d'avancement <strong>et</strong><br />

de mutations, <strong>et</strong>c.; il combat tout ce qui peut renforcer la<br />

puissance de l'autorité <strong>et</strong> diviser le personnel : récompenses<br />

honorifiques, décorations, primes au rendement, <strong>et</strong>c. La lutte<br />

contre l'autorité fait partie de l'apprentissage de la gestion<br />

directe.<br />

L'ÉÉ comme tendance<br />

d<strong>ans</strong> le syndicalisme universitaire<br />

1) L'attitude révolutionnaire affirmée sur le plan social doit<br />

avoir son r<strong>et</strong>entissement sur la fonction enseignante, car la<br />

libération <strong>sociale</strong> ne se sépare pas de la liberté de la pensée. Il<br />

s'agit moins pour nous d'inculquer un programme que de<br />

former des hommes. C<strong>et</strong>te formation ne se conçoit pas s<strong>ans</strong> le<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

A) Principes généraux<br />

1) L'École Émancipée est une tendance <strong>syndicale</strong> organisée.<br />

Ce n'est pas une fraction politique. Elle ne représente aucun<br />

groupement extérieur au syndicat d<strong>ans</strong> la Fédération de<br />

l'Éducation Nationale.<br />

2) Elle défend publiquement ses principes au sein de son<br />

organisation. Elle élabore une orientation conforme à ses<br />

principes. Elle présente d<strong>ans</strong> les diverses assises <strong>syndicale</strong>s sa<br />

motion d'orientation, qui ENGAGE SUR LE PLAN SYNDICAL<br />

les militants qui se réclament d'elle.<br />

3) Totalement indépendante, L'École Émancipée lutte<br />

contre les deux blocs : aussi bien contre le bloc représenté par<br />

le capitalisme national <strong>et</strong> international, que contre le bloc des<br />

États dits "socialistes".<br />

4) Elle affirme en outre l'incompatibilité entre l'appartenance<br />

à une organisation confessionnelle quelconque <strong>et</strong><br />

l'appartenance à la tendance.<br />

5) En se définissant comme branche universitaire du<br />

syndicalisme révolutionnaire, L'École Émancipée n'entend<br />

nullement se replier d<strong>ans</strong> un égoïsme corporatif. Au contraire.<br />

Elle se doit de répandre ses principes généraux hors de la F.E.N.<br />

En ce sens elle fait un devoir à ses militants de s'intéresser<br />

activement à la vie des autres syndicats, de se lier aux travailleurs<br />

qui manifestent leur accord avec ses principes, de rechercher<br />

toutes occasions de liaisons extérieures à l'enseignement.<br />

6) Elle collabore à tout effort sérieux de réunification<br />

<strong>syndicale</strong> en s'efforçant de faire triompher les perspectives du<br />

syndicalisme révolutionnaire.<br />

B) L'École Émancipée <strong>et</strong> la fonction enseignante<br />

respect total de l'enfant qui nous est confié <strong>et</strong> la certitude que<br />

la suprême valeur pour l'homme, c'est l'homme lui-même,<br />

d<strong>ans</strong> son irréductible individualité. De là un certain nombre de<br />

principes <strong>pédagogique</strong>s, aussi essentiels pour nous que les<br />

exigences de l'action syndicaliste.<br />

2) Le premier devoir de l'éducateur est la formation de<br />

l'esprit critique de l'enfant. Il assure l'apprentissage du jugement<br />

personnel.<br />

De là le rej<strong>et</strong> de toutes les méthodes dites "d'autorité",<br />

sous quelque forme qu'elles se présentent, la probité <strong>et</strong><br />

l'objectivité de l'enseignement, le refus du "bourrage de<br />

crâne", les "rabâchages" <strong>et</strong> d'une manière générale tous les<br />

procédés d'abrutissement, fondés sur une mémorisation<br />

inintelligente.<br />

3) L'éducateur révolutionnaire lutte contre la signification<br />

réactionnaire des programmes <strong>et</strong> les propagandes insidieuses<br />

développées à l'occasion des matières enseignées. Il est<br />

particulièrement vigilant sur la déformation des faits historiques<br />

<strong>et</strong> le choix des textes littéraires, ainsi que sur les fausses valeurs<br />

mises en lumière par les ouvrages de morale.<br />

4) II lutte contre l'imbécillité des programmes mal élaborés<br />

<strong>et</strong> mal conçus, les procédés stérilisants, par exemple, les études<br />

purement livresques.<br />

5) En développant l'esprit critique, l'éducateur s'efforce de<br />

développer l'esprit de recherche, la curiosité <strong>et</strong> le souci du<br />

contrôle. Il reprend à son compte le grand principe cartésien :<br />

"N'accepter aucune chose pour vraie, qu'on ne la connaisse<br />

évidemment être telle".<br />

6) En un mot, sur le plan <strong>pédagogique</strong>, l'éducateur<br />

s'efforce d'assurer une lucidité intellectuelle, une maîtrise de la<br />

pensée, qui ne fait aucune concession à toutes les entreprises<br />

de mutilation morale des enfants qui lui sont confiés.<br />

CONCLUSION<br />

D<strong>ans</strong> le monde actuel, <strong>et</strong> spécialement en France, il n'y a guère que<br />

trois courants syndicaux qui s'offrent au choix des travailleurs.<br />

On a le choix entre :<br />

- Le courant réformiste, qui se caractérise par une perspective<br />

faite de réformes successives <strong>et</strong> légales dont il attend une<br />

amélioration progressive <strong>et</strong> paisible du sort de la classe<br />

ouvrière. Le résultat immédiat de c<strong>et</strong>te conception idéaliste est<br />

la mutilation de l'action ouvrière, qui trouve ses limites<br />

conscientes ou non d<strong>ans</strong> le souci de maintenir la légalité <strong>et</strong><br />

l'ordre établi.<br />

- Le courant stalinien, qui se caractérise avant tout, par une<br />

soumission inconditionnée aux exigences de la politique<br />

soviétique. Avec lui la notion de classe est complètement<br />

tr<strong>ans</strong>formée. Le clan ennemi comprend tous ceux, capitalistes<br />

ou ouvriers, qui sont hostiles à l'U.R.S.S. ; le clan ami, tous<br />

ceux, ouvriers ou bourgeois, qui sont sur un plan quelconque<br />

favorables à l'U.R.S.S. L'action <strong>syndicale</strong>, de ce fait, n'est jamais<br />

déterminée selon les besoins spécifiques des travailleurs, mais<br />

exclusivement selon les intérêts de la politique extérieure russe.<br />

- Enfin, le courant révolutionnaire, qui ne néglige nullement<br />

les réformes, lorsque l'occasion se présente de les obtenir, mais<br />

qui n'y voit pas la fin de l'action ouvrière. Le but final, c'est<br />

la révolution socialiste <strong>et</strong> la gestion directe par les travailleurs<br />

après la disparition de l'exploitation du travail. Contre le<br />

stalinisme, il affirme le droit du monde du travail à se déterminer<br />

lui-même <strong>et</strong> à rester le maître de son action libératrice, s<strong>ans</strong><br />

souci des intérêts qui lui restent étrangers.<br />

L'É.É. 6 mars 1954.<br />

VII


N<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

Après la seconde guerre mondiale, le syndicalisme révolutionnaire<br />

est en recomposition <strong>et</strong> aussi en dispersion,<br />

avec par exemple la création de la CNT… la plupart de<br />

ces syndicalistes révolutionnaires vont se r<strong>et</strong>rouver dès 1948<br />

<strong>et</strong> ensuite au sein d'École Émancipée. Je vais rester cadré<br />

essentiellement sur la période qui va de 1968 <strong>et</strong> un peu avant,<br />

jusqu'à 1981 <strong>et</strong> un peu après.<br />

Un climat politique <strong>et</strong> social<br />

qui affecte l'ÉÉ<br />

C'est une période qui présente pas mal de particularités : elle<br />

est particulièrement riche en luttes ouvrières (c'est l'après 68,<br />

ce sont aussi les grandes grèves de la métallurgie, les LIP…). On<br />

a aussi affaire à un climat politique, économique <strong>et</strong> social très<br />

chargé au niveau international : c'est le début des guerillas en<br />

Amérique du Sud, la lutte anti-franquiste en Espagne <strong>et</strong> la lutte<br />

anti-fasciste au Portugal, <strong>et</strong>c… en France se m<strong>et</strong>tent en place<br />

l'union de la gauche <strong>et</strong> le programme commun.<br />

Pour l'ÉÉ c'est aussi une période qui est importante, puisqu'il<br />

y a une vraie recomposition de la tendance : c'est ce qu'on<br />

disait hier par exemple concernant la place de la pédagogie<br />

d<strong>ans</strong> L'École Émancipée. Après guerre, la place de la pédagogie<br />

devient de moins en moins importante, <strong>et</strong> d<strong>ans</strong> les années<br />

1970, on voit clairement la différence : les articles <strong>pédagogique</strong>s<br />

prennent moins d'un cinquième de la place d<strong>ans</strong> la revue.<br />

Je l'explique par le fait que la tendance, qui auparavant était<br />

pleinement inscrite d<strong>ans</strong> le mouvement <strong>pédagogique</strong> <strong>et</strong> d<strong>ans</strong><br />

le mouvement syndical comme l'a expliqué Loïc Le Bars, va se<br />

r<strong>et</strong>rouver plutôt d<strong>ans</strong> l'éventail, la kyrielle des organisations<br />

d'extrême gauche françaises. Ce phénomène provient de la<br />

multiplication des mouvements d'extrême gauche justement.<br />

Ainsi, la IVe Internationale - Secrétariat Unifié se développe de<br />

nouveau avec la Ligue Communiste, avec un certain nombre<br />

de militants (toute la clique de l'époque de Krivine) issus de la<br />

JCR qui deviennent enseignants au début des années 1970 <strong>et</strong><br />

qui adhérent à l'ÉÉ : d<strong>ans</strong> les "thèses" du secteur enseignement<br />

de la LCR, ils invitent leurs militants de l'Éducation nationale à<br />

appartenir à la tendance ÉÉ, en se syndiquant avant d<strong>ans</strong> la<br />

FEN pour ensuite adhérer à la tendance ÉÉ.<br />

L'activité de la tendance atteste le fait qu'elle devient beaucoup<br />

plus "branchée" sur les thèmes syndicaux, politiques, chers à toute<br />

l'extrême gauche française, que sur les questions <strong>syndicale</strong>s qui<br />

prennent une part moindre d<strong>ans</strong> le mouvement.<br />

Examinons maintenant quelques-unes des principales revendications<br />

de l'ÉE à c<strong>et</strong>te période-là.<br />

Revendications "politiques"<br />

<strong>et</strong> <strong>syndicale</strong>s<br />

L’après 68<br />

Une démocratie <strong>syndicale</strong> qui a permis de gérer<br />

des débats politiques extrêmement tendus<br />

Ci-dessous l'intervention de Clément Talleu lors du Stage national <strong>Émancipation</strong> de mai 2010 (cf.p.III)<br />

à propos de thèmes <strong>et</strong> revendications du syndicalisme révolutionnaire d<strong>ans</strong> l'éducation entre 1968 <strong>et</strong> 1981.<br />

En gros, comme avant <strong>et</strong> comme aujourd'hui d'ailleurs, il y a deux<br />

grands types de revendications. Il y a celles qui recoupent le champ<br />

politique au sens large : l'anti-impérialisme, l'anti-fascisme,<br />

VIII<br />

l'internationalisme prolétarien, le féminisme, l'antimilitarisme,<br />

<strong>et</strong>c. sur lesquelles je reviendrai. Et parallèlement il y a toutes les<br />

autres problématiques de prédilection de la tendance <strong>syndicale</strong>,<br />

qui sont celles concernant l'Éducation nationale, l'actualité<br />

<strong>syndicale</strong> du pays, la FEN <strong>et</strong> ses contradictions internes…<br />

"L'autogestion, de la vraie<br />

<strong>et</strong> de la fausse"<br />

Les syndicalistes révolutionnaires de l'ÉÉ vont revendiquer, déjà<br />

auparavant <strong>et</strong> particulièrement à ce moment-là, l'autogestion<br />

révolutionnaire contre les bureaucraties notamment celle de la<br />

FEN : voici une des premières revendications que je vais aborder.<br />

C'est la question de l'autogestion, puisque d<strong>ans</strong> la période des années<br />

1970-1980, l'autogestion devient le mot d'ordre de rassemblement<br />

de toute la gauche française : le PS s'y m<strong>et</strong> <strong>et</strong> en fait un de ses<br />

thèmes de prédilection (il faut quand même attendre le<br />

congrès de Rennes de 1990 pour que le PS efface de ses statuts<br />

la notion de socialisme autogestionnaire). L'autogestion, on la<br />

trouve partout durant ces années : le PCF <strong>et</strong> Marchais en font<br />

leur thème de campagne en 1981, la CGT s'y m<strong>et</strong>, le PSU surfe<br />

complètement sur la vague de l'autogestion. Toute la gauche<br />

prise donc ce thème qui est très cher aux militants après 1968.<br />

C<strong>et</strong>te situation va profondément irriter l'ÉÉ, puisqu'eux<br />

considèrent que l'autogestion, la seule, la vraie <strong>et</strong> l'unique, ce<br />

sont les syndicalistes révolutionnaires qui la détiennent… <strong>et</strong><br />

donc ils vont se prononcer vraiment contre les "falsificateurs" des<br />

thèmes autogestionnaires. En 1975, il y a ainsi d<strong>ans</strong> la Revue<br />

un article sur "L'autogestion, de la vraie <strong>et</strong> de la fausse", qui va<br />

s'en prendre de manière virulent au PSU <strong>et</strong> à la CFDT en<br />

considérant que ces organisations qui refusent constamment<br />

toute référence à la lutte des classes, qui refusent toute<br />

notion d'affrontement direct avec la bourgeoisie, se réclament<br />

frauduleusement de l'autogestion.<br />

Cela se r<strong>et</strong>rouve aussi d<strong>ans</strong> le bouquin de Gabriel Mollier,<br />

Brève histoire du syndicalisme enseignant <strong>et</strong> de L'École<br />

Émancipée, qui va parler de c<strong>et</strong>te gauche "recomposée" autour<br />

de l'idée d'autogestion, en soulignant le fait tout de même que<br />

l'autogestion est surtout un faire-valoir pour la gauche française à<br />

ce moment-là.<br />

Sur les autres socles revendicatifs, il y en a un que je ne vais pas<br />

aborder mais que j'annonce rapidement, puisque hier Gaëtan<br />

Le Porho en a bien traité : les questions <strong>pédagogique</strong>s. L'ÉÉ, à<br />

ce moment-là va refuser de cantonner sa lutte <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong><br />

<strong>pédagogique</strong> à la simple défense de l'école publique gratuite,<br />

laïque <strong>et</strong> obligatoire.<br />

Pourquoi préciser cela ? C<strong>et</strong>te idée semble évidente en tout cas<br />

aujourd'hui : ne pas seulement défendre le système actuel.<br />

Mais rappelons-nous qu'après la scission de 1969, l'ÉÉ-FUO (1)<br />

va considérer que les attaques des gouvernements sur le service<br />

public, le r<strong>et</strong>our en force du cléricalisme, <strong>et</strong> encore d'autres<br />

(1) ÉÉ-FUO : ÉÉ pour le Front Unique Ouvrier.<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010


N<br />

agressions… font que le fait de continuer à avoir un<br />

discours de destruction de l'école, de rem<strong>et</strong>tre en cause<br />

l'école du Capital <strong>et</strong> de la bourgeoisie, c'est faire le jeu<br />

du patronat. Pour lui, nous sommes d<strong>ans</strong> une période<br />

où il faut essentiellement défendre les acquis : la laïcité, la<br />

gratuité, l'école publique… voici pourquoi je souligne<br />

quand même ce passage, parce qu'à l'époque ce n'est<br />

pas évident pour tout le monde.<br />

Revendications sociétales :<br />

les limites de l'ÉÉ<br />

Comme je le disais tout à l'heure, je vais m'étendre sur<br />

les revendications sociétales <strong>et</strong> politiques larges. L'ÉÉ à<br />

l'époque va s'investir sur la question des femmes, en faisant<br />

plus ou moins siennes les revendications du MLF d'accès<br />

libre <strong>et</strong> gratuit à l'avortement <strong>et</strong> à la contraception.<br />

L'ÉÉ cherche notamment - c'est là que c'est vraiment<br />

intéressant - à introduire réellement ces questions<br />

d<strong>ans</strong> les réflexions <strong>pédagogique</strong>s <strong>et</strong> d<strong>ans</strong> l'école. Il y aura<br />

donc un certain nombre de dossiers de L'École Émancipée,<br />

de numéros spéciaux, sur la question de la femme, sur<br />

le refus de l'éducation genrée, sur la sexualité à l'école,<br />

sur la répression sexiste de certaines militantes <strong>et</strong> de<br />

certaines enseignantes. Parallèlement l'ÉÉ va soutenir<br />

tous les mouvements révolutionnaires d<strong>ans</strong> le monde, <strong>et</strong>c.<br />

Ce qu'il est aussi important de r<strong>et</strong>enir sur toutes ces<br />

questions "politiques", c'est que l'ÉÉ va très rarement<br />

impulser un combat à ce suj<strong>et</strong>, en général la tendance<br />

va être signataire d'un appel, va appeler à soutenir<br />

tel rassemblement ou telle manifestation, mais va très<br />

rarement en être à l'initiative. L'exemple le plus frappant<br />

est celui de l'antimilitarisme avec les comités de soldats ;<br />

l'ÉÉ va diffuser largement les appels des comités de soldats,<br />

plus globalement les appels <strong>et</strong> la propagande antimilitaristes,<br />

mais on ne peut pas dire qu'elle ait été une<br />

seule fois à l'origine d'une vraie mobilisation sur c<strong>et</strong>te<br />

question. Ça s'explique par ce que je disais tout à<br />

l'heure : le fait que l'ÉÉ se restructure notamment parce<br />

qu'il y a énormément de militants d'organisations politiques<br />

qui commencent à prendre beaucoup d'importance<br />

d<strong>ans</strong> la tendance, donc essentiellement jusqu'en 1969<br />

des militants de l'OCI (2), <strong>et</strong> après 1969 de nombreux<br />

militants de la Ligue Communiste puis de la LCR. Un<br />

grand nombre de ces militants vont chercher à impulser<br />

des combats, notamment lors de l'affaire des comités de<br />

soldats, au sein de leur organisation politique (donc la<br />

Ligue, qui va être très très investie sur l'antimilitarisme)…<br />

<strong>et</strong> qui du coup vont, au sein de leur<br />

tendance <strong>syndicale</strong>, réinvestir ou tout au moins<br />

tr<strong>ans</strong>m<strong>et</strong>tre le combat qu'ils mènent au sein de leur<br />

organisation politique.<br />

Une thématique renouvelée :<br />

la précarité<br />

Après, sur les questions de l'école, relevons que la précarité<br />

était un des thèmes de prédilection, une des revendications<br />

favorites de l'ÉÉ au sein de l'Éducation Nationale. Lors<br />

des années 1970, la précarité est très prégnante, avec<br />

une question qui présente des ressemblances avec<br />

l'actualité - c'est vraiment frappant -, à savoir la lutte contre<br />

l'auxiliariat. Aujourd'hui ce sont les contractuels, les TZR,<br />

<strong>et</strong>c… D<strong>ans</strong> les années 1970, à chaque rentrée, les<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

rectorats font appel à un certain nombre de maîtres<br />

auxiliaires pour, en gros, "boucher les trous" : ce sont des<br />

services compl<strong>et</strong>s ou incompl<strong>et</strong>s, des services de<br />

suppléances qui sont très précaires, <strong>et</strong> en général les<br />

auxiliaires sont les premiers à "sauter", quand il va y<br />

avoir le dégonflement des classes au cours des années<br />

1970. Là encore, l'ÉE va s'investir sur c<strong>et</strong>te question par<br />

le biais de collectifs ou de comités : les comités de défense<br />

des auxiliaires, qui vont se multiplier partout en France,<br />

qui vont se faire à la fois parce qu'un certain nombre de<br />

maîtres auxiliaires vont plus ou moins placer leur<br />

syndicalisme contre les structures <strong>syndicale</strong>s classiques, <strong>et</strong><br />

surtout parce que la FEN est complètement absente de ces<br />

questions de précarité : elle passe son temps - UA<br />

comme UID - à dire que les négociations perm<strong>et</strong>tent un<br />

certain nombre de victoires <strong>et</strong> d'avancées, <strong>et</strong>c… concrètement<br />

la FEN refuse d'engager le combat. Ce qui choque ces<br />

enseignants. En plus ces jeunes profs sortis de l'école<br />

normale ne sont pas particulièrement proches de la<br />

majorité, <strong>et</strong> de toute façon ne le seront pas forcément,<br />

donc il n'y a pas du tout de soutien de la part de la<br />

direction de la FEN.<br />

Défense <strong>et</strong> illustration de<br />

la "fédération d'industrie"<br />

Une autre revendication qui est importante d<strong>ans</strong> la FEN<br />

pour l'ÉÉ : la question de la "fédération d'industrie". La<br />

fédération d'industrie est une revendication permanente<br />

qui revient à chaque congrès au sein des motions<br />

d'orientation de l'ÉÉ. La fédération d'industrie perm<strong>et</strong>trait<br />

- je cite - "l'unité des personnels, mais encore une perception<br />

des problèmes d<strong>ans</strong> leur globalité, n'exclue nullement<br />

l'intervention spécifique sur les problèmes propres à<br />

chacune des catégories" (motion de l'ÉÉ au congrès du<br />

SNI de 1976), <strong>et</strong> le slogan qui revient à chaque fois c'est<br />

"Un patron, un syndicat, tous d<strong>ans</strong> un syndicat unique"<br />

qui perm<strong>et</strong>trait selon l'ÉÉ de briser les cloisons catégorielles<br />

en développant des commissions propres à chaque<br />

question particulière pour délibérer, prendre position <strong>et</strong><br />

pouvoir agir collectivement.<br />

À l'époque, l'ÉÉ déclare même que la FEN, est seulement<br />

"autonome" du reste du mouvement ouvrier, <strong>et</strong> qu'elle<br />

propose donc c<strong>et</strong>te tr<strong>ans</strong>formation en fédération<br />

d'industrie. Même si l'ÉÉ va d<strong>ans</strong> les congrès en général<br />

graviter entre 5% <strong>et</strong> 10% d<strong>ans</strong> la période, avec un meilleur<br />

moment à 8-9% pour ensuite reculer, le proj<strong>et</strong> de<br />

fédération va recueillir, par exemple d<strong>ans</strong> le congrès du<br />

SNI, jusqu'à 20% des suffrages au moment du vote des<br />

motions d'orientation. La tendance envisage c<strong>et</strong>te création<br />

d'un "syndicat unique, démocratique sur une ligne de lutte<br />

des classes <strong>et</strong> pour le socialisme autogestionnaire, le<br />

socialisme des conseils ouvriers". Ça c'est la motion qui<br />

m<strong>et</strong> tout le monde d'accord sur le moment. Je m'y<br />

arrête brièvement parce qu'à l'époque Henri Arvon écrit<br />

un "Que sais-je ?" sur le "gauchisme" en 1974, qui va présenter<br />

des organisations comme le PSU ou la CFDT comme des<br />

organisations où a pu s'exprimer la synthèse entre<br />

l'anarchisme <strong>et</strong> le communisme, où a pu s'exprimer enfin<br />

l'unité tant attendue du mouvement révolutionnaire.<br />

C'est pour ça que je me suis arrêté sur c<strong>et</strong>te phrase<br />

de l'ÉÉ, "pour le socialisme autogestionnaire, pour le<br />

socialisme des conseils ouvriers", parce que la durée de vie<br />

du PSU <strong>et</strong> l'orientation réformiste de la CFDT vont rapidement<br />

(2) OCI :<br />

Organisation<br />

Communiste<br />

Internationaliste,<br />

trotskystes<br />

"lambertistes".<br />

IX


N<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

(3) Union des<br />

Travailleurs<br />

Communistes<br />

Libertaires,<br />

future<br />

"Alternative<br />

Libertaire".<br />

X<br />

nous prouver que la "synthèse" n'est pas vraiment effective<br />

<strong>et</strong> qu'on ne peut pas parler d'unité anarcho-communiste.<br />

Mais je pense que l'ÉÉ est justement une tendance qui<br />

a été intéressante à ce moment-là, puisque même s'il<br />

n'y aura jamais de réconciliation théorique entre anarchistes <strong>et</strong><br />

communistes - d'ailleurs ce n'est pas ce que la tendance<br />

cherche à faire - d<strong>ans</strong> la pratique <strong>syndicale</strong> il va y avoir<br />

non pas une synthèse politique, mais une conciliation<br />

des contradictions qui est vraiment intéressante. L'étude<br />

de la Revue d<strong>ans</strong> les années 1970 est très originale, parce<br />

que la revue se prend comme une tribune libre, où certes<br />

elle précise dès le départ que seuls les articles signés<br />

"École Émancipée" engagent toute la tendance, <strong>et</strong> donc<br />

on va avoir une gestion des conflits entre les différentes<br />

tendances politiques à l'intérieur de la tendance qui est<br />

très originale. Il y aura ainsi des textes d<strong>ans</strong> L'École<br />

Émancipée d'un numéro à l'autre qui se répondent : ça<br />

ne va pas jusqu'à l'insulte, mais il y a vraiment des<br />

débats contradictoires très durs. Ainsi sur le mouvement<br />

maoïste, sur les vieux radotages autour de Cronstadt,<br />

sur Léon Trotsky… donc des conflits qui sont très forts politiquement,<br />

avec des clivages vraiment importants entre<br />

des anarchistes, des maoïstes, des trotskystes <strong>et</strong> qui vont<br />

se gérer collectivement de manière au final assez saine au<br />

sein de la revue <strong>et</strong> au sein des débats internes à la tendance.<br />

C<strong>et</strong> aspect est important à expliquer, il y a une démocratie<br />

<strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> une reconnaissance des sensibilités.<br />

L'indépendance <strong>syndicale</strong><br />

Historiquement, les syndicalistes révolutionnaires se<br />

battent depuis 1906 sur la question de l'indépendance<br />

<strong>syndicale</strong> qui leur est vraiment chère, <strong>et</strong> donc l'ÉÉ va<br />

continuer à combattre pour l'indépendance <strong>syndicale</strong><br />

au sein de la FEN. Notamment lorsque UID se rapproche<br />

de François Mitterrand pendant les années 1970. Par<br />

exemple en 1974 le fichier d'envoi de L'École Libératrice<br />

est utilisé par la majorité pour un envoi, un appel de<br />

souscription financière pour la campagne de François<br />

Mitterrand ! Ainsi le combat pour l'indépendance <strong>syndicale</strong><br />

est remis au goût du jour d<strong>ans</strong> les années 1970, parce<br />

que l'unité entre UID <strong>et</strong> l'ÉÉ d<strong>ans</strong> les années<br />

40-50 - enfin plus ou moins une sorte d'alliance antistalinienne<br />

- va disparaître avec les progrès <strong>et</strong> les avancées<br />

du PS d'après le congrès d'Épinay (1971), <strong>et</strong> le rapprochement<br />

entre UID <strong>et</strong> le PS qui en résulte.<br />

L'ÉÉ, sur ce problème de l'indépendance <strong>syndicale</strong> est<br />

assez intéressante puisque - je crois que c'est encore le<br />

cas aujourd'hui d<strong>ans</strong> L'<strong>Émancipation</strong> - d<strong>ans</strong> la revue il<br />

ne va pas y avoir de problèmes à publier des p<strong>et</strong>ites<br />

publicités pour Le Monde Libertaire, notamment lors<br />

de la création du journal, des appels à soutien pour la<br />

CNT, le dernier bouquin des militants de l'UTCL (3), de<br />

LO, des trucs de la Ligue… il ne va pas y avoir forcément<br />

de problème à r<strong>et</strong>r<strong>ans</strong>crire un certain nombre d'appels<br />

d'autres organisations politiques, pour autant l'ÉÉ<br />

refuse catégoriquement toute affiliation. D'ailleurs c'est<br />

aussi à mon avis, une des raisons qui est à l'origine de<br />

la scission de 1969 avec le FUO. Par rapport au fait que,<br />

d<strong>ans</strong> les années 1960, on ait souvent considéré à gauche<br />

<strong>et</strong> à l'extrême gauche que l'ÉÉ c'est la tendance de<br />

l'OCI, la scission de 1969 donne justement une leçon :<br />

elle constitue une démonstration pour tout le mouvement<br />

de l'ÉÉ, puisque après c<strong>et</strong> épisode les dirigeants de l'ÉÉ<br />

vont toujours chercher justement à dire en substance<br />

"on est contrôlés par personne, mais on n'a pas à avoir de<br />

complexes vis-à-vis du fait qu'il y ait des gens de tous les<br />

horizons d<strong>ans</strong> notre organisation, mais s<strong>ans</strong> qu'aucune des<br />

organisations ne nous contrôle". À la présentation de la<br />

Semaine ÉÉ de l'été, ils est indiqué que c'est un rassemblement<br />

d'anars, de maos, de trotskystes, <strong>et</strong>c… <strong>et</strong> je<br />

trouve que c'est une gestion des sensibilités, des contradictions<br />

qui est vraiment très saine, puisqu'on ne cache<br />

pas les divergences.<br />

Concernant la question de l'indépendance, la majorité<br />

s'en réclame aussi : UID, sur laquelle vitupère à longueur<br />

de Semaine l'ÉÉ à l'époque, <strong>et</strong> souvent à juste titre<br />

(problèmes de l'inaction de la FEN, de la fin de l'unité<br />

<strong>syndicale</strong>, de la répression vis-à-vis du droit de tendance,…),<br />

UID d<strong>ans</strong> ses motions d'orientation va continuer à<br />

défendre en réalité l'indépendance <strong>syndicale</strong>. Ainsi une<br />

motion d'orientation en 1972 déclare que "l'indépendance<br />

<strong>syndicale</strong> n'est pas l'apolitisme, un syndicat authentique<br />

ne saurait être indifférent à l'orientation politique du<br />

pouvoir ni aux structures économiques <strong>et</strong> <strong>sociale</strong>s". Donc c'est<br />

l'excuse que va trouver la majorité fédérale pour justifier son<br />

soutien au candidat unique, à François Mitterrand, <strong>et</strong>c.<br />

à savoir qu'au moment du "programme commun", la<br />

FEN se positionne favorablement face au programme<br />

commun, <strong>et</strong> le secrétaire fédéral va déclarer qu'il est<br />

content des "convergences" qui apparaissent au sein de<br />

la gauche ; mais la FEN ne va pas soutenir le<br />

programme commun contrairement à ce qu'aurait souhaité<br />

UA. Et par conséquent la FEN - cela va vous faire rire -<br />

"rappelle le principe fondamental de l'indépendance <strong>syndicale</strong>,<br />

la nécessité de conserver son potentiel de lutte <strong>et</strong> sa force de<br />

contestation"… quand on voit ce qu'elle en fait à ce<br />

moment-là, "force de contestation" c'est pas très sérieux.<br />

La question de la hiérarchie<br />

Je vais finir sur la question de la hiérarchie, puisqu'a été<br />

abordée la question notamment des conflits avec les<br />

directeurs d'école lors de la formation des premiers<br />

syndicats d'instituteurs. L'ÉÉ va n'adm<strong>et</strong>tre - que ce soit<br />

concernant la pédagogie ou l'échelle des salaires -<br />

aucune hiérarchie quelle qu'elle soit, encore<br />

aujourd'hui je crois d'ailleurs, <strong>et</strong> ça va être une grosse<br />

source de conflits avec le PCF, la CGT <strong>et</strong> UA. Puisque<br />

selon l'ÉÉ les positions par rapport à la hiérarchie de la<br />

tendance UA participent du dévoiement du PCF,<br />

qui rej<strong>et</strong>te en bloc ce qu'il appelle à un moment<br />

"l'égalitarisme primaire". De fait, un certain nombre de<br />

déclarations du PCF <strong>et</strong> de la CGT vont plus ou moins<br />

défendre une certaine hiérarchie. Notamment quand<br />

René le Guen, qui était membre du Bureau Politique du<br />

PCF pendant longtemps <strong>et</strong> fondateur de la CGT à EDF,<br />

va déclarer : "La hiérarchie est une forme de lutte des classes<br />

d<strong>ans</strong> la mesure où les salaires les plus élevés contribuent à<br />

restreindre les profits des capitalistes" (rires d<strong>ans</strong> la salle).<br />

D<strong>ans</strong> la FEN, l'ÉÉ va vraiment se battre justement<br />

contre le syndicat des directeurs d'écoles, contre la<br />

présence à la FEN du SNIDEN, le syndicat des inspecteurs<br />

de l'Éducation nationale. Non pas se battre contre<br />

ces syndicats, mais contester leur existence, <strong>et</strong> donc contester<br />

vraiment toutes les questions de hiérarchie d<strong>ans</strong><br />

l'éducation nationale.<br />

Clément Talleu ❏<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010


N<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

L'École Émancipée après 1945 :<br />

l'exemple du Var<br />

De l'après guerre aux années soixante-dix, l'École Émancipée d<strong>ans</strong> le Var présente un visage<br />

assez classique. En ce sens, elle constitue un refl<strong>et</strong> des évolutions de la tendance, elles-mêmes<br />

liées aux évolutions <strong>sociale</strong>s de l'après-guerre : urbanisation <strong>et</strong> recul du monde rural, combats<br />

politiques <strong>et</strong> sociaux de la 4 e <strong>et</strong> de la 5 e République (guerre froide, décolonisation, mai 68…).<br />

S<strong>ans</strong> vouloir réaliser une œuvre scientifique, c<strong>et</strong> article - issu de la réunion de trois<br />

générations de responsables au domicile du plus ancien, toujours adhérent <strong>et</strong> abonné - entend<br />

tracer un tableau de ce que signifie le "militantisme École Émancipée" d'avant la scission de la<br />

FEN.<br />

Étudier le militantisme École Émancipée nécessite<br />

de se replacer d<strong>ans</strong> la situation <strong>sociale</strong> de l'époque.<br />

Ainsi, après la guerre, les instituteurs ont un faible<br />

niveau de vie, les militants interrogés font remarquer<br />

qu'il est fréquent pour eux d'être d<strong>ans</strong> la difficulté<br />

financière dès le 15 du mois.<br />

Le militantisme École Émancipée<br />

Le militantisme de l'ÉÉ comporte<br />

une dimension fondamentale :<br />

il est structuré par des principes<br />

qui ne se limitent pas à une<br />

conception du syndicalisme.<br />

Et notamment, au cœur de<br />

l'action militante il y a la notion<br />

d' "exemplarité" : le militant de<br />

l'ÉÉ doit à la fois être un militant<br />

syndical, <strong>et</strong> incarner des principes<br />

liés à la conception éducative<br />

de l'ÉÉ… ce qui a des conséquences<br />

sur le plan syndical : la représentativité<br />

de l'ÉÉ d<strong>ans</strong> la FEN<br />

est, de l'avis général, très liée<br />

aux individus qui l'animent.<br />

Cela amène Raymond Jardin à<br />

faire l'analyse : "Nous ne concevions<br />

pas notre travail en tant que « travail<br />

École Émancipée », mais en tant<br />

que travail <strong>pédagogique</strong> <strong>et</strong> de<br />

coopération qui dépasse le cadre<br />

syndical". Dès lors, le militantisme<br />

ÉÉ ne peut se penser s<strong>ans</strong> intégrer<br />

la dimension éducative, qui<br />

revêt plusieurs aspects :<br />

- une conception commune<br />

de l'enseignement, qui est considérée comme indispensable.<br />

Ainsi il y a de l'avis général une quasi-fusion entre<br />

l'ICEM-Frein<strong>et</strong> <strong>et</strong> l'ÉÉ : presque tous les membres de<br />

l'ÉÉ sont à l'ICEM <strong>et</strong> les camarades vont jusqu'à dire<br />

qu'il y a un aspect fusionnel des relations. Par exemple<br />

lorsque les militants ÉÉ interviennent d<strong>ans</strong> les écoles<br />

normales, ils le font en tant que militants syndicaux,<br />

mais aussi fréquemment en tant que membres de<br />

l'ICEM.<br />

Les colonies de vacances constituent un autre aspect<br />

important de c<strong>et</strong>te activité éducative, elles sont incon-<br />

Les camps de vacances laïques<br />

varois, créés <strong>et</strong> animés par les instits<br />

du GD 83 d<strong>ans</strong> les années 30<br />

tournables pour l'ensemble des militants, à tel point<br />

qu'on peut parler de "mentalité colo" : non seulement<br />

"Il faut s'occuper des gosses d'où des colonies de vacances"<br />

(Raymond Jardin), mais de plus "la colo" est aussi un<br />

choix <strong>et</strong> un état d'esprit. Ainsi le militant René Teisseire<br />

fait passer tout son salaire d<strong>ans</strong> les camps de vacances,<br />

c'est le salaire de sa compagne qui fait vivre le foyer !<br />

(René Teisseire est d'ailleurs un des fondateurs des<br />

colonies de vacances d<strong>ans</strong> le<br />

Var en 1934 avec d'autres<br />

militants ÉÉ : Pastorello,<br />

René Pichot, Mitkevitch...).<br />

D<strong>ans</strong> les colonies de vacances,<br />

les instituteurs de l'ÉÉ veillent à<br />

m<strong>et</strong>tre en place des activités<br />

enrichissantes : pratique de la<br />

peinture, de l'aéromodélisme. Là<br />

aussi, la précarité matérielle est<br />

de règle : Roger Bozane rappelle<br />

même qu'une année, "nous<br />

n'étions pas sûrs d'avoir les<br />

moyens pour payer la colo"… en<br />

tout cas, les militants ÉÉ sont<br />

souvent des moniteurs de colonies<br />

de vacances. Il faut prendre en<br />

compte le fait que pour des<br />

enfants de classes populaires, la<br />

"colo" perm<strong>et</strong> y compris d<strong>ans</strong><br />

certains cas d'échapper à la faim<br />

(comme par exemple lors de<br />

"colos" organisées pendant la<br />

Seconde guerre mondiale en<br />

zone toulonnaise).<br />

- bien entendu, il y a aussi<br />

l'encadrement hors du temps<br />

scolaire d'activités sportives <strong>et</strong> culturelles comme le<br />

bask<strong>et</strong>-ball <strong>et</strong> le volley-ball, ou encore en faisant<br />

venir des instituteurs d<strong>ans</strong> les différentes écoles : des cours<br />

de saxophone à St Julien… À noter que les instituteurs<br />

de l'ÉÉ utilisent le cinéma à des fins éducatives par<br />

exemple en faisant circuler un appareil de cinéma entre<br />

5-6 villages de l'Ouest du Haut-Var, C'est d'ailleurs<br />

Florentin Alziary (voir article suivant) qui avait<br />

développé d<strong>ans</strong> le Var l'Office du cinéma éducatif en<br />

relation avec Frein<strong>et</strong>.<br />

XI


N<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

De plus, les militants ÉÉ<br />

participent à la vie de la<br />

MGEN, certains sont même<br />

membres de la direction de la<br />

MGEN. Par exemple, Eugène<br />

Ronsoux est à la fois sympathisant<br />

de l'ÉÉ <strong>et</strong> responsable<br />

départemental de la MGEN.<br />

L'activité <strong>syndicale</strong><br />

de l'École Émancipée<br />

D<strong>ans</strong> l'immédiat après-guerre,<br />

la situation <strong>syndicale</strong> de l'ÉÉ<br />

est un peu particulière : c'est<br />

un militant de l'ÉÉ qui devient<br />

responsable départemental<br />

du SNI en 1946, en fait par<br />

un concours de circonstances<br />

<strong>et</strong> du fait de la mentalité des<br />

extrait du n°1 de l'EE reparue en<br />

militants à la sortie de la<br />

1945 (archives <strong>Émancipation</strong>)<br />

guerre : c'est donc le militant<br />

de l'ÉÉ Alziary (aussi membre de l'ICEM <strong>et</strong> en contact<br />

permanent avec Frein<strong>et</strong>) qui est élu secrétaire<br />

départemental. Ensuite René Teisseire, lui aussi militant<br />

de l'ÉÉ <strong>et</strong> un des fondateurs des colonies de vacances<br />

avec plusieurs autres membres, sera quelques<br />

temps secrétaire départemental. Mais cela lui est difficile<br />

en étant instituteur d<strong>ans</strong> le Haut-Var, du fait<br />

des déplacements très nombreux à Toulon que<br />

c<strong>et</strong>te responsabilité impose.<br />

Son successeur sera Robert Jourdan, un socialiste. À<br />

c<strong>et</strong>te époque il y a en eff<strong>et</strong> un rapprochement entre l'ÉÉ<br />

<strong>et</strong> les socialistes (la future tendance UID). Ainsi au<br />

début l'ÉÉ accepte la proposition de liste unique aux<br />

élections internes du SNI. Il faut cependant préciser que<br />

la liste unique n'a pas duré.<br />

D<strong>ans</strong> le Var c'est vers 1956-1957 que se forment des listes<br />

séparées, l'ÉÉ avait dix représentants au conseil<br />

départemental du SNI. On se r<strong>et</strong>rouve rapidement avec<br />

deux cas de figure : d<strong>ans</strong> la circonscription toulonnaise<br />

il y a une liste unique, d<strong>ans</strong> les cantons il y a toujours<br />

une, deux ou trois listes bien identifiées. L'influence<br />

de la tendance se stabilise avec deux mandats au conseil<br />

syndical du SNI, puis deux mandats à la CA de la FEN<br />

d'où l'ÉÉ fut d'abord absente. L'implantation électorale<br />

d<strong>ans</strong> le SNI est d'environ 10%. L'ÉÉ présente des listes<br />

régulièrement aux élections internes du SNI, au début<br />

assez fournies (jusqu'à une quarantaine de personnes,<br />

<strong>et</strong> en général l'ÉÉ ne présente pas les conjoints<br />

des militants sur les listes) ; c'est en 1986 que<br />

l'ÉÉ présente pour la dernière fois une liste d<strong>ans</strong> le<br />

SNI-PEGC.<br />

Idéologiquement, comment peut se définir l'ÉÉ ? Elle ne se<br />

revendique pas d'une idéologie particulière, mais elle<br />

est considérée comme plus ou moins anarcho-syndicaliste.<br />

En tout cas, les militants de l'ÉÉ ne se sentent pas plus<br />

proches des communistes que des socialistes à c<strong>et</strong>te<br />

époque.<br />

Les grands thèmes de l'intervention <strong>syndicale</strong> de l'ÉÉ<br />

recoupent très largement ceux des années 1990 :<br />

l'enseignement moderne ; la formation des maîtres ; les<br />

XII<br />

augmentations uniformes de salaires ; à travail égal,<br />

salaire égal ; la laïcité (avec la revendication constante<br />

de la nationalisation laïque) ; la défense de la fédération<br />

d'industrie ; le refus d'inspection n'est venu que plus<br />

tard, la revendication anti-hiérarchie centrale étant<br />

l'augmentation uniforme des salaires.<br />

D<strong>ans</strong> l'activité <strong>syndicale</strong>, le souci très affirmé des militants<br />

de l'ÉÉ est de mener des batailles compréhensibles pour<br />

tous les instituteurs, comme par exemple l'augmentation<br />

uniforme des salaires.<br />

Et d<strong>ans</strong> le second degré ? D<strong>ans</strong> les années 70 en zone<br />

toulonnaise, l'ÉÉ est essentiellement composée<br />

d'instituteurs <strong>et</strong> il y a très peu de profs du secondaire (le<br />

premier CES d<strong>ans</strong> le Var ne se m<strong>et</strong> en place qu'en 1964).<br />

L'ÉÉ connaît deux grands moments d'intervention d<strong>ans</strong><br />

c<strong>et</strong>te période : l'Algérie <strong>et</strong> mai 68. Sur l'Algérie, l'ÉÉ a<br />

été à l'origine de plusieurs actions (manifestations<br />

parfois violemment réprimées, <strong>et</strong>c). Quand elle souhaite<br />

une action, elle menace le syndicat de la faire elle-même<br />

si celui-ci reste attentiste. Elle réussit ainsi plusieurs fois<br />

à entraîner la FEN d<strong>ans</strong> l'action. Ce qui n'empêche<br />

d'ailleurs pas l'ÉÉ d'intervenir de manière autonome.<br />

Elle sort ainsi des tracts contre la guerre, son activité vaut<br />

d'ailleurs à certains militants de l'ÉÉ de subir des ennuis<br />

pendant leur service militaire.<br />

Quelques responsables de l'ÉÉ…<br />

Raymond Jardin<br />

Instituteur en 1945, en fait de la promotion de l'École<br />

Normale 1940-1943 (Draguignan), mais il n'entre pas<br />

tout de suite en fonction car les Allemands avaient<br />

enlevé le sursis <strong>et</strong> les Écoles normales avaient<br />

été supprimées (recrutement au bac s<strong>ans</strong> formation).<br />

Son stage de formation professionnelle a eu donc lieu<br />

en 1944-1945 à Nice. Nommé ensuite en 1946 à<br />

Cotignac, puis à Tavernes (deux <strong>ans</strong>), à Saint-Julien le<br />

Montagné (12 <strong>ans</strong>) puis Toulon (20 <strong>ans</strong>).<br />

Ses engagements personnels ? Il y a bien entendu<br />

l'ICEM. Raymond Jardin joue un temps le rôle de<br />

commissaire aux comptes de la CEL (Coopérative de<br />

l'Enseignement Laïque) avec d'autres Varois (Pastorello<br />

<strong>et</strong> Simian) ; il est bien placé pour témoigner de ses<br />

difficultés financières permanentes (Frein<strong>et</strong> doit<br />

même emprunter à ses beaux-frères devant le<br />

manque chronique d'argent). Problèmes financiers,<br />

mais aussi politiques : quand Frein<strong>et</strong> <strong>et</strong> ses camarades<br />

s'écartent du PCF, ils ont à faire face à une grève des<br />

ouvriers de la CEL !<br />

Il pratique logiquement la pédagogie de l'école<br />

moderne d<strong>ans</strong> ses classes, ce qui lui vaut d'être en<br />

butte avec l'Inspection : ainsi une inspectrice arrive <strong>et</strong><br />

lui fait un très mauvais rapport, l'IA refuse c<strong>et</strong>te note<br />

donc elle doit revenir.<br />

Outre l'ICEM, Raymond a été délégué syndical<br />

de la sous-section du SNI de Barjols, a pratiqué<br />

activement les colonies de vacances d<strong>ans</strong> le cadre des<br />

CCVLV (Colonies de Vacances Laïques du Var)… <strong>et</strong><br />

"secondairement" 10 <strong>ans</strong> d'adhésion au PSU.<br />

Ses engagements sont partagés par sa femme,<br />

Lucienne, qui avait commencé sa carrière comme<br />

institutrice d<strong>ans</strong> la Drôme.<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010


N<br />

En 1968, bien entendu les militants de l'ÉÉ sont en<br />

grève pendant tout le mois de mai, <strong>et</strong> ne se limitent<br />

d'ailleurs pas à cela : ainsi certains tiennent des réunions<br />

avec les parents (parfois plus de 400 personnes présentes !).<br />

Au collège Pierre Pug<strong>et</strong>, la grève est tellement puissante<br />

qu'il y a seulement 10 élèves au collège… le principal du<br />

collège donne même à Roger Bozane son bureau, son<br />

téléphone, le secrétariat… <strong>et</strong> vient aux réunions ! Roger<br />

Bozane, toujours lui, fait le tour de la ville en cyclo pour<br />

informer les autres militants de ce qui se passe.<br />

D<strong>ans</strong> le Var des comités de grève se m<strong>et</strong>tent en place.<br />

D<strong>ans</strong> le second degré, les conditions d'intervention de<br />

l'ÉÉ sont toutefois différentes : il y a l'élément constitué<br />

par la présence des comités d'action lycéens, mais aussi<br />

une très forte présence de militants du PCF (par exemple<br />

lorsque des militants ÉÉ viennent distribuer des tracts<br />

ÉÉ au lycée, il y a une confrontation parfois physique<br />

avec le PCF).<br />

En tout cas, en mai 68, au sein de la FEN, c'est l'ÉÉ qui<br />

a mené le combat contre le régime beaucoup plus que<br />

le courant lié au PS. Quant à la sensibilité <strong>syndicale</strong> portée<br />

par l'OCI, elle apparaît à ce moment-là d<strong>ans</strong> le Var.<br />

L'École Émancipée, son fonctionnement<br />

Le groupe départemental varois de l'ÉÉ avait des réunions<br />

régulières : l'ÉÉ se réunit en moyenne une fois par mois<br />

durant ces années à la Bourse du Travail de Toulon, les<br />

réunions regroupent entre 7 <strong>et</strong> 10 personnes, la réunion<br />

de fin d'année se clôt par des festivités <strong>et</strong> une sortie<br />

ensemble souvent au Prad<strong>et</strong>. Le groupe départemental<br />

fonctionne avec un secrétaire (à l'époque les militants<br />

Pastorello ou Jardin), qui est responsable de la sortie<br />

du bull<strong>et</strong>in départemental. La sortie du bull<strong>et</strong>in<br />

départemental est assurée notamment par des<br />

cotisations départementales.<br />

Un trait domine la nature de la tendance pour tous :<br />

l'absence de centralisation <strong>et</strong> le caractère finalement<br />

assez informel. Les liens avec la tendance nationale sont<br />

très lâches, <strong>et</strong> de toutes les façons avant les années 1960<br />

le fonctionnement de l'ÉÉ s'organise beaucoup plus<br />

au niveau départemental ou régional, qu'au niveau<br />

national. Ainsi, deux ou trois fois par an il y a des<br />

réunions régionales, annoncées d<strong>ans</strong> la revue. Toutefois,<br />

on notera que le Bull<strong>et</strong>in Intérieur existait déjà. Il est<br />

remarquable aussi que la haute figure de Valière, élu au<br />

BN du SNI à l'époque des listes communes, est reconnue<br />

par tous les militants.<br />

La rencontre avec la tendance nationale peut s'effectuer<br />

aussi lors des congrès syndicaux nationaux, mais même<br />

c<strong>et</strong>te rencontre est rare ; Roger Bozane devenu<br />

secrétaire de l'ÉÉ monte une fois au congrès national du<br />

SNI… <strong>et</strong> il n'en garde pas un souvenir très positif : il<br />

arrive la veille, lors de la réunion de tendance du soir<br />

(entre 10 <strong>et</strong> 20 délégués) on distribue les interventions<br />

de manière assez administrative. Les responsables de la<br />

tendance de c<strong>et</strong>te époque ne lui laissent pas le souvenir<br />

d'un fonctionnement très démocratique. Même sensation pour<br />

Raymond Jardin, délégué au congrès national du SNI.<br />

Pour les militants de c<strong>et</strong>te époque, l'ÉÉ c'est en fin de<br />

compte d'abord la Revue (elle compte environ 25 abonnés<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

au moment où Roger Bozane est secrétaire du GD) ; c<strong>et</strong><br />

état de fait semble avoir duré assez longtemps, puisque<br />

Nicole Desautels qui arrive au militantisme ÉÉ d<strong>ans</strong> les<br />

années 1970 affirme que "Quand je suis arrivée, la boussole<br />

pour moi c'est la revue".<br />

La revue de l'ÉÉ, qui occupe donc une place importante,<br />

se caractérise par le grand rôle de la partie <strong>pédagogique</strong>.<br />

Mais il faut remarquer que c<strong>et</strong>te préoccupation<br />

<strong>pédagogique</strong> est beaucoup plus tournée vers la pratique<br />

que vers les spéculations abstraites. La revue contient<br />

par exemple des articles expliquant comment réaliser<br />

une balance (<strong>et</strong> compenser ainsi l'absence de moyens<br />

pour le matériel <strong>pédagogique</strong>)… elle contient beaucoup<br />

de "rec<strong>et</strong>tes", de "trucs" pratiques. On notera que le Var<br />

n'est pas absent de l'animation de la revue, par exemple<br />

Raymond Jardin anime la rubrique <strong>pédagogique</strong> pendant<br />

un an. Ce choix est notamment lié au fait qu'il pratiquait<br />

les techniques Frein<strong>et</strong>.<br />

Le fonctionnement de l'ÉÉ semble avoir changé au cours<br />

des années 1960. Sous l'impulsion des tr<strong>ans</strong>formations<br />

sociologiques locales en premier lieu : le département<br />

est d'abord peu urbanisé, puis l'urbanisation entraîne<br />

une activité <strong>syndicale</strong> plus structurée. Les tendances<br />

s'individualisent plus n<strong>et</strong>tement, la liste commune<br />

avec le courant socialisant devient de l'histoire<br />

ancienne.<br />

Quelques responsables de l'ÉÉ…<br />

Roger Bozane<br />

Arrivé à l'École Normale à Draguignan en 1949,<br />

première promotion après la guerre puisque Pétain<br />

avait supprimé les Écoles Normales. Les élèves sont<br />

tous internes, à l'époque c'est une obligation. Les classes<br />

de normaliens ne sont pas mixtes même si certains<br />

cours ont lieu à l'école normale de filles : la mixité<br />

commence à peine. La vie en École normale est très<br />

austère : ainsi Roger relate que les élèves ont une seule<br />

couverture sur le lit, d<strong>ans</strong> un dortoir pas chauffé !<br />

La quatrième année était l'année de formation<br />

professionnelle. Il arrive rapidement à l'ICEM <strong>et</strong> à l'ÉÉ.<br />

À Toulon, il bénéficie de la présence d'un "poste d'action<br />

laïque" : il est nommé à Toulon sur ce poste à condition<br />

de faire du "patronage" le jeudi : pour l'USEP le matin,<br />

pour les FRANCAS l'après-midi (on se rappellera qu'à<br />

c<strong>et</strong>te époque le jeudi était traditionnellement un jour<br />

de repos). L'existence de ce type de poste, surprenante<br />

aujourd'hui, résultait d'une entente entre l'Inspection<br />

d'Académie <strong>et</strong> la FOL. Ce sont des postes dont la<br />

durée est limitée à deux <strong>ans</strong>, il y en a six ou sept d<strong>ans</strong><br />

le Var à l'époque.<br />

Il s'intéresse de près au mouvement Frein<strong>et</strong>, <strong>et</strong> notamment<br />

à la Coopérative de l'Enseignement Laïque. Celle-ci<br />

publie La Gerbe, un recueil de textes pour les cours de<br />

CP très utilisé par les militants varois de l'ÉÉ.<br />

Pour Roger, il ne faut pas perdre de vue l'importance<br />

du travail collectif, de tous les camarades qui ne<br />

sont pas mentionnés, mais aussi le rôle déterminant<br />

<strong>et</strong> injustement passé sous silence des femmes des<br />

militants École Émancipée de ces années-là.<br />

XIII


N<br />

XIV<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

Quelques responsables de l'ÉÉ…<br />

Nicole Desautels<br />

IPESienne issue du CPR d'Aix-Marseille, elle est arrivée<br />

à l'ÉÉ d<strong>ans</strong> les années 1970, jamais syndiquée jusque<br />

là, au départ elle se r<strong>et</strong>rouve sur une liste menée par le<br />

FUO ("Front Unique Ouvrier", tendance animée<br />

notamment par les militants de l'OCI mais dont elle<br />

ignore totalement les attaches politiques). Puis elle s'en<br />

éloigne rapidement, <strong>et</strong> anime le travail de l'ÉÉ d<strong>ans</strong> le<br />

SNES au niveau du département <strong>et</strong> très vite pour<br />

l'Académie de Nice où elle sera élue s<strong>ans</strong> discontinuer<br />

jusqu'à sa r<strong>et</strong>raite (congrès nationaux compris).<br />

Comme elle le dit, "une fille toute seule est amenée à<br />

prendre rapidement des responsabilités". À c<strong>et</strong>te<br />

époque en eff<strong>et</strong>, L'ÉÉ d<strong>ans</strong> le SNES varois est animée<br />

pendant plusieurs années uniquement par des femmes<br />

(Héliane Longères Luciani à Nice, <strong>et</strong> à Toulon Luce<br />

Hacquard, Nicole Desautels <strong>et</strong> Agnès Baravalle).<br />

Intéressée par la pédagogie <strong>et</strong> le mouvement Frein<strong>et</strong> -<br />

elle note des tensions d<strong>ans</strong> l'ICEM de l'époque, avec<br />

Au plan national ensuite. Ainsi le SNI se structure<br />

beaucoup plus à partir des années 1960, d<strong>ans</strong> le cadre de la<br />

montée du phénomène de bureaucratisation qui<br />

l'entraînera vers un syndicalisme dont un élu ÉÉ du<br />

SNI (Georges Pug<strong>et</strong>) dira plus tard à la tribune que<br />

"ce n'est plus un syndicalisme de masse, mais un<br />

syndicalisme de li-maces" !<br />

L'ÉÉ est elle aussi amenée à se structurer plus<br />

rigoureusement : c'est au début des années 1960 que<br />

le Collège national de l'ÉÉ se m<strong>et</strong> en place. À partir de<br />

là les débats d<strong>ans</strong> l'ÉÉ sont devenus plus politiques, ce qui<br />

a amené à se structurer davantage <strong>et</strong> également entraîné<br />

des évolutions d<strong>ans</strong> la Revue qui s'éloigne des pratiques<br />

avec des classes.<br />

Toutefois, les liens de l'ÉÉ varoise restent très lâches avec<br />

la tendance nationale : elle n'envoie presque personne aux<br />

Collèges ou aux Semaines. Par exemple, le secrétaire de<br />

l'ÉÉ Roger Bozane n'allait pas au Collège… montait au<br />

Collège qui voulait, mais il faut préciser que cela ne<br />

constituait pas un périple de tout repos : il fallait 10 heures<br />

de voiture pour y arriver, d<strong>ans</strong> ce cas les militants varois<br />

campaient à Ivry. Et ce n'est qu'en 1974 que les deux<br />

militantes varoises en charge du SNES décident d'aller à<br />

la Semaine d’Enveigt… où personne quasiment ne leur<br />

prêtera une quelconque attention !<br />

Les années 1970 connaissent aussi une autre tr<strong>ans</strong>formation<br />

: l'apparition qui devient plus soutenue d<strong>ans</strong> le<br />

SNES alors qu'au départ les enseignants du second<br />

degré sont très peu nombreux d<strong>ans</strong> le Groupe<br />

Départemental. L'ÉÉ d<strong>ans</strong> le SNES avait déjà du monde<br />

d<strong>ans</strong> les années 1970, en moyenne il y avait deux militants<br />

du SNES au Groupe Départemental. Pour les militants<br />

du SNES, le GD a aussi un rôle de préparation des<br />

instances <strong>syndicale</strong>s, en commun avec les instituteurs.<br />

La réciproque est aussi vraie, l'ensemble des militants se<br />

réunissent par exemple pour préparer les congrès du<br />

SNI. C<strong>et</strong>te particularité donne à l'intervention de l'ÉÉ<br />

en particulier d<strong>ans</strong> les congrès de la FEN un poids<br />

des conflits qui existaient déjà en 1968 - avant même<br />

de rejoindre les listes de l'ÉÉ, elle vient aux réunions<br />

du groupe Frein<strong>et</strong> de Toulon. Elle essaie un travail<br />

<strong>pédagogique</strong> en français fondé sur le "texte libre" au<br />

collège Pierre Pug<strong>et</strong>. Cela a d'ailleurs des conséquences<br />

sur les rapports de l'Inspection, qui la m<strong>et</strong>tent en<br />

porte-à-faux. Plus tard elle fait partie des militants qui<br />

rédigent une l<strong>et</strong>tre à l'inspecteur pour affirmer leur<br />

position concernant le rôle rétrograde de l'Inspection.<br />

Prenant ses distances avec la pédagogie Frein<strong>et</strong>, elle<br />

rejoindra ensuite les groupes d'enseignants pionniers<br />

de la fin des années 70 pour un travail expérimental<br />

avec l'image <strong>et</strong> l'audiovisuel (ICAV) qui débouchera<br />

plus tard d<strong>ans</strong> les années 80 à une époque où le<br />

ministère encourage le travail <strong>pédagogique</strong> en classe<br />

avec la presse <strong>et</strong> les médias. Elle implantera ainsi le<br />

CLEMI, dont elle deviendra coordonnatrice d<strong>ans</strong><br />

l'académie de Nice où elle m<strong>et</strong>tra en place les premiers<br />

pl<strong>ans</strong> de formation d'enseignantEs <strong>et</strong> la première<br />

Semaine de la presse d<strong>ans</strong> l'École.<br />

bien au-delà de ses seuls effectifs face aux deux tendances<br />

majoritaires rivales des premier <strong>et</strong> second degrés.<br />

Il faut dire que les années 1970 voient la fin du système<br />

des Collèges d'Enseignement Général, au profit des CES<br />

qui contiennent à la fois des enseignants du premier <strong>et</strong><br />

du second degré. Nous ne disposons pas d'éléments sur<br />

l'influence électorale de l'ÉÉ d<strong>ans</strong> le SNES, il semble<br />

qu'elle était faible : "soit les gens n'étaient rien du tout,<br />

soit ils étaient PCF <strong>et</strong> UA" (Nicole Desautels).<br />

Au milieu des années 70 le groupe varois accueillera deux<br />

universitaires : André Chervel (qui à l'époque accumule la<br />

documentation en préparation de son Histoire de la<br />

grammaire française… <strong>et</strong> il fallut apprendre à écrire à<br />

tous les p<strong>et</strong>its français <strong>et</strong> qui est r<strong>et</strong>ourné enseigner en<br />

collège) puis Gérard Février professeur de chimie à<br />

la toute nouvelle université de la Garde dont il sera un<br />

temps le président élu !<br />

Des militants du GD 83 :<br />

Roger Bozane, Quentin Dauphiné, Nicole<br />

Desautels, Lucienne <strong>et</strong> Raymond Jardin ❏<br />

Et aussi…<br />

Roger Chabot qui d<strong>ans</strong> un passage difficile a porté à<br />

lui seul toute la responsabilité départementale de la<br />

tendance <strong>et</strong> cela pendant un temps assez long.<br />

Ajoutons qu'il fut un membre important des CCVLV<br />

("Colonies <strong>et</strong> Camps de Vacances Laïques varois").<br />

Georges Pug<strong>et</strong> fut un combattant efficace pour la<br />

propagation de la tendance d<strong>ans</strong> le Var. Il fut aussi un<br />

membre important des CCVLV d<strong>ans</strong> leurs implantations<br />

à l'extérieur du Var <strong>et</strong> particulièrement en Forêt-Noire.<br />

François Simian qui fut un membre important des<br />

CCVLV applique les techniques Frein<strong>et</strong> en ville<br />

(Brignoles) ce qui est un travail délicat <strong>et</strong> difficile.<br />

De plus il fut un vérificateur aux comptes de la<br />

coopérative de l'enseignement laïque (Frein<strong>et</strong>).<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010


N<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

Florentin Honoré Alziary<br />

ou le refus de parvenir<br />

(1898-1989)<br />

Impossible d'évoquer l'histoire du groupe départemental varois de l'École Émancipée s<strong>ans</strong><br />

s'arrêter sur le parcours de ce fils de prolétaires admis à l'École normale de Draguignan en<br />

1917, unanimement reconnu de ses pairs <strong>et</strong> encore aujourd'hui. Déterminant pour<br />

l'École Émancipée varoise dont il a été longtemps le correspondant départemental, il<br />

constitue un condensé exemplaire de choix militants courageux <strong>et</strong> déterminés sous le signe<br />

de l'indépendance <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> des luttes concrètes. *<br />

Dès le début la carrière d'Alziary est marquée par<br />

ce "refus de parvenir" qui l'amena à décliner à la<br />

sortie de l'École Normale une proposition de<br />

poste en cours complémentaire à l'issue d'un remplacement<br />

d<strong>ans</strong> la ville préfecture pour exercer d<strong>ans</strong> des écoles de<br />

village (Tourtour, Bras - où il s'engagera d<strong>ans</strong> une loge<br />

de la franc-maçonnerie de Brignoles qu'il cessera<br />

ensuite de fréquenter, Tourves, Pierrefeu…). Marié en<br />

1932 à une institutrice qui pratiquait l'imprimerie à<br />

l'école de Frein<strong>et</strong>, il exerça ensuite en poste double au<br />

Thoron<strong>et</strong> puis à La Seyne à partir de 1938 à l'école<br />

Martini où il choisira ensuite d'exercer d<strong>ans</strong> une<br />

classe de perfectionnement, appelée plus communément<br />

à c<strong>et</strong>te époque classe de "r<strong>et</strong>ardés scolaires" -<br />

surnommés "les anormaux" - jusqu'à sa r<strong>et</strong>raite en 1954.<br />

Attaché à l'indépendance<br />

du syndicalisme enseignant<br />

À sa sortie de l'École normale,<br />

Alziary avait adhéré au Syndicat des<br />

membres de l'enseignement de la<br />

région du sud-est, devenu au début<br />

de 1921, Syndicat des membres de<br />

l'enseignement des Bouches-du-<br />

Rhône <strong>et</strong> du Var. Comme les autres<br />

syndicats départementaux, celui-ci<br />

fut dissout par décision de justice<br />

au début de 1922. Quand se posa la<br />

question de l'adhésion à la CGTU<br />

de ses membres, en mai 1922, la<br />

majorité de ses camarades choisirent<br />

la neutralité. Un an plus tard, tous<br />

se r<strong>et</strong>rouvèrent d<strong>ans</strong> l'Union générale<br />

des membres de l'enseignement<br />

public du Var. L'assemblée générale<br />

de Toulon, le 26 novembre 1925<br />

décida d'adhérer au Syndicat national,<br />

<strong>et</strong> donc à la CGT <strong>et</strong> Alziary fut<br />

d'ailleurs désigné au Conseil<br />

d'administration. Mais il s'était<br />

prononcé pour rester membre de la Fédération <strong>et</strong><br />

de la CGTU. Et tout en étant membre du Syndicat<br />

national, il continuera à adhérer à la Fédération CGTU<br />

de l'enseignement jusqu'à la fusion de 1935 (voir les<br />

articles <strong>Cent</strong>enaire de L'<strong>Émancipation</strong> n° 6 à 10, février<br />

à juin 2010).<br />

Source : Thierry Flammant L'École<br />

Émancipée une contre-culture de la<br />

belle époque. Les Monédières 1982<br />

Ceci explique que désigné comme délégué suppléant<br />

du Var, le 22 juill<strong>et</strong> 1927, pour participer au congrès du<br />

Syndicat National, il préférera se rendre à Grenoble<br />

pour participer au congrès de la Fédération CGTU de<br />

l'enseignement. C<strong>et</strong>te décision lui valut d'importantes critiques.<br />

Toujours secrétaire adjoint de la section du SN, il<br />

participa à nouveau au congrès de la Fédération CGTU<br />

à Besançon en août 1929 <strong>et</strong> en fit un long compterendu,<br />

critique à l'égard des communistes, d<strong>ans</strong> le<br />

bull<strong>et</strong>in de l'Union générale. En 1931, élu secrétaire<br />

général, il présenta une motion, adoptée à l'unanimité,<br />

qui proposait l'exclusion du syndicat des collègues qui<br />

n'avaient pas suivi le mot d'ordre de grève des jurys<br />

d'examen des bourses. Les effectifs baissèrent (un quart<br />

des adhérents varois exclus) alors d<strong>ans</strong> le Var comme en<br />

France. Délégué pour le congrès national de Paris de<br />

1931, ses votes s'y distinguèrent souvent de ceux de<br />

l'autre délégué du Var, Maurel : blâme pour Jouhaux,<br />

contre la nécessité de réunir les<br />

deux-tiers des mandats d'un<br />

congrès pour décider une action,<br />

contre la suspension de l'abstention<br />

des jurys comme forme de lutte<br />

pour les traitements, pour la<br />

motion d'orientation 3...<br />

D<strong>ans</strong> le compte rendu qu'il fit du<br />

congrès d<strong>ans</strong> le Bull<strong>et</strong>in, il écrivit<br />

notamment : "Un autre détail nous<br />

fut agréable : l'absence de tricolore<br />

d<strong>ans</strong> la décoration de la tribune de la<br />

salle, c'est peut-être seulement fortuit.<br />

D<strong>ans</strong> certains congrès, le bleu, blanc,<br />

rouge nous offusque passablement<br />

pour que nous manquions l'occasion<br />

de signaler ce signe matériel de l'indépendance<br />

du syndicalisme", ce qui<br />

lui valut d'être traduit par le Préf<strong>et</strong><br />

devant le Conseil départemental.<br />

Une motion de solidarité fut votée<br />

par le conseil syndical unanime ; de<br />

nombreux enseignants protestèrent d<strong>ans</strong> la presse.<br />

Finalement, la réunion du CD conclut contre toute<br />

sanction sous réserve d'une déclaration d'Alziary.<br />

D<strong>ans</strong> la presse parut alors le communiqué suivant :<br />

"Le secrétaire général du Syndicat traduit devant le CD<br />

pour une phrase du compte-rendu du Congrès de Paris,<br />

déclare qu'il n'a jamais été d<strong>ans</strong> sa pensée d'attaquer ou<br />

d'offenser le drapeau national".<br />

XV


N<br />

XVI<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

… vis à vis de l'administration,<br />

des élus <strong>et</strong> des partis<br />

Après le refus par l'assemblée générale du 21 juill<strong>et</strong> 1932<br />

de sa motion sur la collaboration avec l'administration,<br />

Alziary démissionna de sa responsabilité de secrétaire<br />

général <strong>et</strong> se vit confier la responsabilité du bull<strong>et</strong>in<br />

départemental d<strong>ans</strong> lequel il se distingua par<br />

deux interventions importantes : après avoir reçu des<br />

réponses au questionnaire paru d<strong>ans</strong> le Bull<strong>et</strong>in en mars<br />

1933, publication d<strong>ans</strong> le Bull<strong>et</strong>in, en juin 1933, d'un<br />

proj<strong>et</strong> de réorganisation du conseil syndical sur la base des<br />

sections cantonales <strong>et</strong> de nouveaux statuts, adopté le<br />

20 juill<strong>et</strong> 1933, puis publication, en mai 1935 d'un<br />

rapport sur "l'état matériel de l'école" d<strong>ans</strong> le département,<br />

synthèse sur la situation de l'école primaire. En septembre<br />

1936 il participa au Rassemblement universel de la Paix<br />

à Bruxelles <strong>et</strong> en fit le compte rendu d<strong>ans</strong> le bull<strong>et</strong>in.<br />

Comme beaucoup de militants des "Amis de l'École<br />

Émancipée" en train de se constituer, <strong>et</strong> dont Alziary<br />

animait le mouvement d<strong>ans</strong> le département, il marqua<br />

des distances à l'égard du syndicat d<strong>ans</strong> le Front<br />

populaire. D<strong>ans</strong> une l<strong>et</strong>tre d'avril 1937 il écrivait : "Je<br />

nourris à l'égard de la politique une aversion complète <strong>et</strong><br />

foncière. Adhérer à un Parti de gauche serait accepter le<br />

confusionnisme presque fatal qui conduirait rapidement à<br />

des expressions ou à des actes en total désaccord avec ma<br />

sincère pensée".<br />

Pendant la seconde guerre mondiale, Alziary, gréviste le<br />

30 novembre <strong>et</strong> non mobilisé, fut suspendu, en octobre<br />

1941, en application des mesures contre les officiers de<br />

loges maçonniques alors qu'il ne fréquentait plus de<br />

loge depuis une dizaine d'années. Il ne perçut aucun<br />

salaire pendant une année puis seulement 500 francs<br />

par mois. Il loua des terres pour les cultiver. Sa femme,<br />

à la suite d'une longue maladie, mourut en janvier<br />

1944. Il entra alors comme secrétaire comptable à la<br />

caisse d'assurances <strong>sociale</strong>s "Le Travail", dirigée par des<br />

syndicalistes <strong>et</strong> dont les locaux abritaient les réunions<br />

clandestines de mouvements de résistance <strong>et</strong> de tr<strong>ans</strong>ferts<br />

de fonds auxquels il fut associé. À la Libération, il fut<br />

réintégré d<strong>ans</strong> l'enseignement <strong>et</strong> r<strong>et</strong>rouva sa place d<strong>ans</strong><br />

le conseil syndical où il demeura jusqu'en 1952.<br />

Membre de la commission des affaires administratives,<br />

il fut délégué au congrès du SNI de Grenoble en 1946.<br />

En décembre 1945, Alziary fut désigné pour siéger au<br />

Conseil départemental de l'enseignement primaire avec<br />

267 voix sur 291 votants, mandat renouvelé en 1951,<br />

avec 313 voix sur 333 votants. Démissionnaire avec ses<br />

camarades à la fin de 1953, il fut réélu le 21 janvier<br />

1954 avec 289 voix sur 331 votants. Continuant à<br />

animer le groupe varois des militants de l'École Émancipée,<br />

il siégea à la Commission administrative permanente<br />

(1948-1954) <strong>et</strong> au Comité technique paritaire (1948-<br />

1950). Il vota notamment en mai 1948 une motion<br />

favorable à la mise en demeure d'avoir à abandonner<br />

pour tous les syndiqués leurs responsabilités à la<br />

FEN-CGT, <strong>et</strong> en juin 1949 une motion revendiquant<br />

l'autonomie <strong>et</strong> demandant "la reconstruction d'une CGT<br />

démocratique". Pour l'élection au conseil syndical en<br />

novembre 1949, il figurait à la fois sur la liste "pour un<br />

syndicalisme indépendant <strong>et</strong> constructif" <strong>et</strong> sur la liste<br />

présentée par "les amis de l'École Émancipée". Délégué du SNI<br />

à La Seyne, il entra en conflit en 1951 avec la municipalité<br />

communiste, dirigée par un ami, l'ancien instituteur<br />

syndicaliste Toussaint Merle, à propos de l'indemnité<br />

de logement des enseignants. Il restera pendant<br />

quelques années membre du conseil syndical au titre de<br />

responsable de la commission des r<strong>et</strong>raités.<br />

Un engagement <strong>pédagogique</strong><br />

<strong>et</strong> mutualiste s<strong>ans</strong> concession<br />

Après une visite à Célestin Frein<strong>et</strong>, à Bar-sur-Loup, en<br />

mai 1926, des contacts permanents entre Alziary <strong>et</strong><br />

Frein<strong>et</strong> s'étaient établis. Alziary s'inspira des méthodes<br />

nouvelles (textes libres, correspondances). Il ach<strong>et</strong>a une<br />

presse à imprimer puis fabriqua une presse à rouleau. Il<br />

fut un des collaborateurs réguliers du journal<br />

L'Imprimerie à l'école <strong>et</strong> participa au développement de<br />

l'Office du cinéma éducateur <strong>et</strong> à la Fédération varoise des<br />

coopératives scolaires. Il dirigea le service des correspondances<br />

scolaires pendant une trentaine d'années, prit<br />

part à tous les congrès, aux travaux des équipes de<br />

travail. En 1932, alors que se déroulaient des attaques<br />

contre Frein<strong>et</strong> d<strong>ans</strong> les Alpes-Maritimes, relayées<br />

par les milieux de droite d<strong>ans</strong> tout le pays, il s'associa à<br />

la campagne de soutien lancée d<strong>ans</strong> L'Éducateur<br />

prolétarien, figurant avec un autre instituteur varois,<br />

Bourguignon, d<strong>ans</strong> le bureau du comité. En réaction à<br />

un article de Levasseur sur Frein<strong>et</strong>, il envoya à L'École<br />

libératrice, organe du SNI, un article dont la direction<br />

nationale du syndicat refusa l'insertion. C<strong>et</strong> article fut<br />

alors publié d<strong>ans</strong> le Bull<strong>et</strong>in du syndicat varois, dont il<br />

animait la rubrique <strong>pédagogique</strong>, en janvier 1933 <strong>et</strong><br />

d<strong>ans</strong> d'autres bull<strong>et</strong>ins départementaux.<br />

Alziary eut aussi une activité mutualiste. Il représentait<br />

la société de secours mutuels de l'enseignement public<br />

du Var au congrès de naissance de la Mutuelle générale<br />

de l'éducation nationale, MGEN du 8 décembre 1946.<br />

Membre du conseil d'administration, il devint archiviste<br />

de la caisse varoise, dès sa création, en mars 1947 <strong>et</strong><br />

le demeura jusque d<strong>ans</strong> les années 1960. R<strong>et</strong>raité, il<br />

s'occupa du lancement d'une maison pour handicapés<br />

d<strong>ans</strong> le quartier de Tamaris à La Seyne. Son fils Jean-Luc,<br />

collègue de Roger Bozane <strong>et</strong> de Nicole Desautels au<br />

collège Pierre Pug<strong>et</strong> à Toulon figura de 1961 à 1971<br />

sur les listes du Conseil syndical des amis de l'École<br />

Émancipée. Il a déposé les archives très importantes de<br />

son père d<strong>ans</strong> différents centres : Paris-Sorbonne, INRP<br />

Rouen <strong>et</strong> CIRA à Marseille.<br />

* c<strong>et</strong>te biographie est issue de la notice bibliographique<br />

de plusieurs pages d<strong>ans</strong> le Maitron rédigée par<br />

l'universitaire Jacques Girault, auteur d'une thèse de<br />

doctorat d'État sur Le Var rouge.<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010


Finistère<br />

N<br />

Les sociétés conservatrices contiennent toujours en leur<br />

sein des éléments qui les rem<strong>et</strong>tent en cause. Longtemps<br />

ancré à droite, le Finistère a toujours eu des îlots de<br />

contestation. D<strong>ans</strong> l'entre-deux- guerres, on parlait de "Brest<br />

la Rouge", où mon grand-père, cheminot anarchisant, avait<br />

amené ses deux fils (futurs instituteurs militants de l'ÉÉ) à<br />

une conférence de Sébastien Faure. Au début des années 20,<br />

Douarnenez se donne un maire communiste qui soutient la<br />

grande grève des "sardinières" de 1924-25 avec l'appui de<br />

Charles Tillon.<br />

Des instituteurs issus du peuple<br />

<strong>et</strong> avides de changer la société<br />

C'est d<strong>ans</strong> ce contexte que des militantEs d'origine populaire<br />

s'investissent à la fois d<strong>ans</strong> l'action <strong>syndicale</strong> (dès sa première<br />

année comme instituteur suppléant, mon père fait sa première<br />

grève à Daoulas avec Jean <strong>et</strong> Jos<strong>et</strong>te Cornec <strong>et</strong> s'inscrit à l'ÉÉ),<br />

<strong>et</strong> d<strong>ans</strong> l'action <strong>pédagogique</strong> (à Quimper, René Daniel<br />

devient le premier correspondant de Frein<strong>et</strong>).<br />

Après la guerre, ces militantEs participent activement au combat<br />

laïque contre la loi Barangé d'aide aux écoles privées (1951)<br />

<strong>et</strong> contre la loi Debré (1960) qui la renforce. Ils/elles mènent<br />

également la lutte contre le colonialisme français <strong>et</strong> la guerre<br />

d'Algérie : en mai 1958, mon père devient président du<br />

Comité anti-fasciste de Morlaix au moment du putsch<br />

d'Alger. C'est enfin la lutte contre l'hégémonie gaulliste : en 1967,<br />

Roger Prat, militant EE <strong>et</strong> PSU (d<strong>ans</strong> le sillage de Tanguy-<br />

Prigent) arrache le siège de député de la circonscription de<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

Fred Rospars<br />

Un parcours syndical <strong>et</strong> politique au milieu du XX ème siècle<br />

Fondateur du festival "Étonnants voyageurs" à Saint-Malo,<br />

Michel Le Bris a été durant quatre <strong>ans</strong> l'élève de Fred.<br />

C'est avec émotion qu'il fit son éloge funèbre au<br />

funérarium de Brest, en février 2009. Les deux hommes<br />

s'étaient r<strong>et</strong>rouvés après 1968 quand Fred, de r<strong>et</strong>our<br />

d'Algérie, avait rendu visite à son ancien élève, alors<br />

emprisonné pour subersion politique en tant que<br />

directeur du journal maoïste La Cause du Peuple. Avec<br />

humour, Fred lui avait dit : "c'est quand même un comble<br />

qu'un trotskyste vienne soutenir un maoïste". Ce fut le début<br />

d'une longue amitié…<br />

"J'ai eu l'extraordinaire chance d'un maître qui m'a accompagné,<br />

guidé pendant les quatre années passées au cours complémentaire<br />

de Plougasnou, de la 6ème à la 3ème… Et ce maître auquel je dois<br />

tout, c'est Fred Rospars - pardon, "monsieur Rospars", car cela se<br />

passait en un temps où les maîtres n'étaient pas des copains que<br />

nous appelions par leurs prénoms…<br />

Il n'était pas de ces enseignants qui font de leurs cours une tribune.<br />

Mais il me répondait : « Tu dois te battre pour tes idées. Et n'en<br />

changer que si l'on te démontre que tu as eu tort ». J'ai - je crois<br />

- r<strong>et</strong>enu la leçon… Fred Rospars m'a ouvert toutes grandes les<br />

portes de la littérature <strong>et</strong> fait de moi à jamais un rebelle. Et pour<br />

cela aussi je voulais ici lui dire une fois encore <strong>et</strong> ce ne sera la<br />

dernière : merci".<br />

Michel Le Bris ❏<br />

Morlaix à Pierre Lelong, un<br />

conseiller de Pompidou, le privant<br />

ainsi du poste de ministre qui lui<br />

était promis. Siège cependant<br />

perdu après la "vague bleue"<br />

d'après mai 1968.<br />

Fred Rospars, un militant enseignant,<br />

trotskiste <strong>et</strong> internationaliste<br />

Plus jeune d'une quinzaine d'années, Fred Rospars a rejoint<br />

ces militantEs par la précocité de son engagement, en pleine<br />

guerre mondiale. Élève de l'École Normale de Quimper en<br />

1943, il découvre à l'âge de 17 <strong>ans</strong> le marxisme, le trotskysme<br />

<strong>et</strong> la Résistance. Il adhère à un groupe de résistantEs trotskystes<br />

qui parvient à recruter des soldats allemands antinazis à<br />

Quimper <strong>et</strong> à l'Arsenal de Brest, obtenant ainsi des faux<br />

papiers <strong>et</strong> laissez-passer qui leur perm<strong>et</strong>tront de tr<strong>ans</strong>m<strong>et</strong>tre à<br />

Londres les pl<strong>ans</strong> de l'Arsenal. Mais le groupe est repéré <strong>et</strong> Fred<br />

ne doit qu'à sa rigoureuse ponctualité d'échapper à la rafle.<br />

Après la guerre, membre du PCI réunifié, il mène de front activité<br />

<strong>syndicale</strong> d<strong>ans</strong> le cadre de l'ÉÉ <strong>et</strong> activité politique, en faisant<br />

notamment partie en 1951, avec son épouse Yolande, des<br />

Brigades Internationales de travail d<strong>ans</strong> la Yougoslavie de Tito,<br />

qui représentait alors l'espoir d'un renouveau communiste.<br />

Surtout, dès l'éclatement de l'insurrection algérienne, il<br />

s'investira d<strong>ans</strong> le soutien à la Fédération de France du FLN.<br />

À la fin de la guerre, il participe à une commission chargée de<br />

régler le contentieux franco-algérien pour l'enseignement,<br />

avant d'enseigner avec Yolande en Algérie de 1936 à 1968.<br />

Son militantisme politique le conduit à adhérer à la tendance<br />

"pabliste" (de Michel Raptis, dit Pablo), qui influence fortement<br />

le gouvernement de Ben Bella, qui se prétend alors socialiste<br />

autogestionnaire. Surpris par le coup d'État de Boumedienne en<br />

juin 1965, il parvient à soustraire des documents <strong>et</strong> à sauver des<br />

militants, s<strong>ans</strong> se faire repérer, grâce une fois de plus à sa<br />

ponctualité.<br />

Après 1968, son internationalisme le conduit en Côte<br />

d'Ivoire, où il contribue à l'élaboration d'ouvrages <strong>pédagogique</strong>s<br />

pour l'enseignement du Français. Puis, à son r<strong>et</strong>our en France, il<br />

continue à militer d<strong>ans</strong> le courant pabliste devenu l'Alliance<br />

Marxiste Révolutionnaire (AMR) qui se maintient jusqu'en 1988.<br />

Un militant exemplaire<br />

Il ne s'agit pas pour nous de faire de nos militantEs des héros<br />

ou héroïnes. Mais ils peuvent être des exemples. Par son<br />

engagement <strong>et</strong> la rigueur de sa pensée, Fred, décédé en février<br />

2008, a influencé ceux qui l'ont connu, notamment sa fille<br />

Françoise, membre en 1968 de la JCR <strong>et</strong> arrêtée à ce titre avec<br />

Claude Léaustic (future présidente de France-Palestine).<br />

Remarquable conteur, il a également marqué fortement<br />

l'écrivain Michel Le Bris (voir encadré), qui fut son élève<br />

pendant quatre <strong>ans</strong>.<br />

Paul Dagorn ❏<br />

XVII


N<br />

XVIII<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

1968 : un bilan à approfondir<br />

Un précédent article ("1968 : la révolution manquée", L'<strong>Émancipation</strong> de mai 2010) évoque la<br />

grave crise que connaît alors l'École Émancipée. C<strong>et</strong> article est, pour l'essentiel, un extrait<br />

du travail réalisé par Gabriel Mollier. Il s'en dégage l'idée - incontestable - que l'École<br />

Émancipée, en tant que courant organisé, passa à côté de la grève générale de 1968 <strong>et</strong> ne<br />

sut pas répondre aux questions politiques majeures qui se posaient alors.<br />

Pour un courant qui se réclamait de la révolution,<br />

c'était désastreux. Pour justifier c<strong>et</strong> état de fait,<br />

l'article m<strong>et</strong> en avant la crise qui touchait alors<br />

l'École Émancipée, crise imputable "à la tentative de<br />

prise de contrôle" de la tendance par l'OCI (groupe<br />

Lambert) "qui sera bientôt exclue".<br />

Quarante années plus tard - les passions étant calmées -<br />

on peut penser qu'il serait utile <strong>et</strong> nécessaire de faire de<br />

c<strong>et</strong>te crise une analyse plus approfondie, <strong>et</strong> de tenter de<br />

répondre à quelques questions : la quasi inexistence de<br />

l'École Émancipée en 1968 est-elle due à l'OPA tentée<br />

par l'OCI, ou bien à ses propres faiblesses ? Pourquoi<br />

l'accord entre les différentes sensibilités (syndicalistes<br />

révolutionnaires <strong>et</strong> trotskystes notamment) prit-il fin<br />

après plus de quinze années de travail en commun ? En<br />

quoi la situation nouvelle des années 65-70, le surgissement<br />

de nouveaux groupes <strong>et</strong> courants politiques ont-ils pesé<br />

d<strong>ans</strong> l'École Émancipée ? Quels furent les désaccords en<br />

termes d'orientation?<br />

Les lignes qui suivent visent seulement à ouvrir des pistes<br />

de réflexion.<br />

Rappelons brièvement (cf. L'<strong>Émancipation</strong> n°8 <strong>et</strong> 9) que<br />

la tendance ÉÉ fut reconstruite par l'activité commune<br />

des syndicalistes révolutionnaires <strong>et</strong> des trotskystes, <strong>et</strong><br />

que l'accord politique passé entre ces sensibilités<br />

différentes se traduisit ensuite par la proposition de la<br />

motion Bonnissel-Valière (1948), dont plusieurs articles<br />

ont rappelé le rôle historiquement décisif.<br />

Et ensuite ? D<strong>ans</strong> la FEN devenue autonome, l'activité<br />

de la tendance végéta : la situation politique des années<br />

cinquante, difficile, pesait lourdement. L'ÉÉ devint peu<br />

à peu l'"opposition de sa majesté". Les trotskystes euxmêmes<br />

étaient touchés de plein fou<strong>et</strong> par la dislocation<br />

de la Quatrième internationale : tandis qu'une partie<br />

d'entre eux se noyait à l'intérieur du PCF, les effectifs<br />

du groupe français subsistant (<strong>et</strong> dont Lambert allait<br />

prendre la direction) s'effondraient.<br />

Premières failles<br />

La situation se modifie au début des années soixante :<br />

les mobilisations contre la guerre d'Algérie, puis la grève<br />

générale des mineurs en 1963 qui m<strong>et</strong> De Gaulle en<br />

échec, contribuent à l'émergence d'une nouvelle<br />

génération qui s'engage ensuite d<strong>ans</strong> la mobilisation<br />

contre l'intervention américaine au Vi<strong>et</strong> Nam. Alors que<br />

de nouveaux groupes politiques apparaissent, le groupe<br />

trotskyste (l'OCI) renaît de ses cendres. Et sa direction<br />

rem<strong>et</strong> en cause la politique suivie par ses militants d<strong>ans</strong><br />

le syndicalisme enseignant.<br />

Le premier heurt a lieu en 1964, à l'occasion du<br />

Congrès du SNI à Lille, épisode que l'on appela "l'acte<br />

de Lille". Considérant que la réforme administrative<br />

imposée par le gouvernement conduit à intégrer le syndicat à<br />

l'appareil d'État, l'École Émancipée, à juste titre, se<br />

prononce pour que les élus du SNI refusent de siéger<br />

d<strong>ans</strong> les instances de participation. Mais la direction de<br />

l'OCI exige de ses militants que l'ÉÉ aille plus loin qu'une<br />

simple déclaration <strong>et</strong> démissionne du bureau national du<br />

SNI. L'ÉÉ se soum<strong>et</strong>, mais cela provoque une première<br />

crise d<strong>ans</strong> la tendance.<br />

La crise touche également la fraction trotskyste qui,<br />

pour une grande part, est rétive à briser le fonctionnement<br />

consensuel qui prévaut au sein de la tendance.<br />

Les plaies sont ravivées lorsqu'est connu en 1967 un<br />

document interne de l'OCI qui affirme que la fraction<br />

enseignante (de l'OCI) devra contrôler "nos représentants<br />

d<strong>ans</strong> les instances <strong>syndicale</strong>s".<br />

1967 : Rien n'est encore joué<br />

L'activité militante conjointe ne s'en poursuit pas<br />

moins, <strong>et</strong> peut s'avérer fructueuse.<br />

En témoigne la mobilisation en défense des Écoles normales<br />

durant l'année 1966-1967. En toile de fond, il y a le<br />

combat des étudiants contre la réforme Fouch<strong>et</strong>.<br />

Pour les Écoles normales d'instituteurs <strong>et</strong> d'institutrices,<br />

c<strong>et</strong>te réforme constitue un pas décisif vers leur liquidation.<br />

Déjà, en 1966, tous les maîtres ne sont plus recrutés à<br />

la fin de la classe de Troisième <strong>et</strong> le recrutement après le<br />

baccalauréat se développe. Néanmoins subsiste un fort<br />

contingent de "normaliens" qui préparent le bac au sein des<br />

EN. Le gouvernement veut en finir avec c<strong>et</strong>te formation <strong>et</strong><br />

disperse alors ces normaliens parmi les élèves de lycées.<br />

À l'initiative de jeunes trotskystes est lancé un appel des<br />

normaliens d'Auteuil devenus lycéens à Turgot. Un<br />

comité est constitué, dont on ne peut pas dire qu'il soit un<br />

doublon de l'École Émancipée puisqu'il vise à regrouper<br />

enseignants, étudiants <strong>et</strong> parents d'élèves. C'est le point<br />

de départ d'une importante mobilisation qui se tourne<br />

vers les directions <strong>syndicale</strong>s. Mais les dirigeants du SNI<br />

ont décidé de laisser passer le plan gouvernemental.<br />

Ce combat est aussi celui de l'École Émancipée. Ainsi<br />

Julien Desachy intervient-il lors du congrès national du<br />

SNI en reprenant à son compte l'appel des normaliens<br />

d'Auteuil pour "la tenue d'une conférence pour la défense<br />

des E.N. où tous ceux que ce problème touche (normaliens,<br />

instituteurs, professeurs, parents) chercheraient les voies <strong>et</strong><br />

les moyens de la défense des EN".<br />

S<strong>ans</strong> revenir ici sur les développements ultérieurs, on<br />

peut dire que l'École Émancipée tire alors profit de ce<br />

combat.<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010


N<br />

L'École Émancipée d<strong>ans</strong><br />

la Grève générale de 1968<br />

C'est d<strong>ans</strong> c<strong>et</strong>te "ambiance" qu'éclate la grève générale<br />

de 1968, au cours de laquelle l'ÉÉ comme telle reste sur<br />

le bord de la route, ses adhérents agissant à titre individuel<br />

ou en relation avec leur appartenance politique.<br />

C'est à la fin de la grève générale qu'a lieu l'épisode de<br />

l'occupation des bureaux du SNI par des enseignants<br />

réunis en AG après avoir appris que le SNI appelait à<br />

reprendre le travail. Les militants trotskystes présents<br />

appellent à l'occupation des locaux syndicaux désertés.<br />

Le temps d'instaurer un comité de grève provisoire pour<br />

relancer la grève, <strong>et</strong> l'occupation cesse au bout de<br />

quelques heures. La campagne haineuse des bureaucrates<br />

syndicaux contre les initiateurs (<strong>et</strong> contre l'École<br />

Émancipée) sera à la hauteur de leur trahison. Mais la<br />

réponse de l'ÉÉ, qui n'y est effectivement pour rien, n'a<br />

rien de glorieux, "comprenant la colère de nos camarades"<br />

mais déclarant "regr<strong>et</strong>table" c<strong>et</strong>te occupation.<br />

C<strong>et</strong> épisode aurait néanmoins pu être surmonté (en<br />

Grèce il y a peu, l'occupation des locaux syndicaux par<br />

des anarchistes, justifiée ou pas, n'a pas été désavouée<br />

par les autres courants radicaux). Mais dès la rentrée de<br />

septembre 1968, tout devient prétexte à affrontement :<br />

l'hebdomadaire des trotskystes s'en prend durement à<br />

certains animateurs de la tendance (sur leur refus<br />

supposé d'un comité central de grève en mai-juin) <strong>et</strong> les<br />

autres sensibilités déclarent incompatibles le fait d'être<br />

membre de l'ÉÉ <strong>et</strong> d'être membre d'un CAOTE (1). Or,<br />

il s'agit là de comités politiques initiés par les trotskystes.<br />

Mais ils sont perçus comme "doublant" l'École Émancipée.<br />

En décembre, la rupture est consommée.<br />

Rétrospectivement, il semble que ce furent là des prétextes,<br />

qui ont masqué les faiblesses des uns <strong>et</strong> des autres<br />

durant la grève de mai-juin, <strong>et</strong> ont permis alors aux uns<br />

<strong>et</strong> aux autres de ne pas faire de vrai bilan critique sur les<br />

orientations mises en œuvre. Par exemple : alors que le<br />

10 mai 68 surgit d<strong>ans</strong> les manifestations le mot d'ordre<br />

"10 <strong>ans</strong>, ça suffit !", la question centrale du combat pour<br />

chasser De Gaulle est totalement ignorée par la direction<br />

de l'OCI de même que par les autres composantes de l'ÉÉ.<br />

Les conséquences de c<strong>et</strong>te absence de bilan serein sont<br />

exacerbées par le fait que l'École Émancipée agrège<br />

désormais de nombreuses (<strong>et</strong> conflictuelles) "sensibilités"<br />

politiques qui fleurissent à c<strong>et</strong>te époque.<br />

D<strong>ans</strong> c<strong>et</strong>te situation, l'École Émancipée devient un<br />

enjeu pour beaucoup de groupes.<br />

La rupture<br />

On ne peut en particulier, aujourd'hui, passer sous<br />

silence l'arrivée des militants de la Jeunesse communiste<br />

révolutionnaire (le groupe Krivine est issu de l'UEC <strong>et</strong><br />

du PCF en 1966 ; la Ligue communiste est fondée en<br />

1969). Les premiers d'entre eux sont présents dès les<br />

années 66-68 avec un objectif : tr<strong>ans</strong>former l'ÉÉ en<br />

"fraction communiste" sous leur contrôle. Les bull<strong>et</strong>ins<br />

intérieurs de la Ligue de l'époque en témoignent. Ce<br />

groupe a intérêt à la rupture entre les trotskystes de<br />

l'OCI <strong>et</strong> les syndicalistes révolutionnaires. D'autant plus<br />

qu'il existe entre l'OCI <strong>et</strong> la Ligue une profonde hostilité.<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

C'est ainsi que l'OCI s'isole au sein de la tendance, face<br />

à un bloc fort disparate mais provisoirement soudé.<br />

Après l'exclusion des militants de l'OCI, l'ÉÉ va, par crises<br />

successives, passer peu à peu sous le contrôle croissant<br />

de la Ligue. Avec les conséquences ultérieures que l'on<br />

connaît.<br />

Célébre affiche de mai 68<br />

Faut-il en conclure que la racine des difficultés se trouverait<br />

inévitablement d<strong>ans</strong> la présence, au sein de la tendance<br />

comme au sein des syndicats, de groupes politiques faisant<br />

prévaloir leur politique ? Répondre ainsi reviendrait à<br />

faire passer au second plan les questions d'orientation,<br />

dont on est en droit de penser qu'elles sont décisives. Et<br />

les militants, qu'ils soient ou non politiquement organisés,<br />

sont à chaque moment confrontés aux mêmes questions<br />

politiques. Par exemple, il conviendrait de revenir avec<br />

précision sur les difficultés de l'École Émancipée, au<br />

printemps 1969, à apporter une réponse claire à la question<br />

du référendum gaulliste. Disons simplement que ces<br />

"difficultés" (fallait-il appeler au boycott ? Ou appeler à<br />

voter non ? Ou bien encore ne pas répondre directement ?)<br />

furent autant le fait des militants organisés de la Ligue<br />

que des autres militants de la tendance.<br />

L'un des enseignements que l'on peut tirer de c<strong>et</strong>te époque,<br />

c'est que la première condition pour que soit préservé<br />

un cadre commun de discussion <strong>et</strong> de combat, c'est que<br />

les difficultés d'orientation soient clairement discutées,<br />

<strong>et</strong> que les bil<strong>ans</strong> ne soient pas esquivés. De tels bil<strong>ans</strong><br />

sont, en tout état de cause, nécessaires pour les combats<br />

présents <strong>et</strong> à venir.<br />

Serge Goudard ❏<br />

(1) Comité<br />

d'Alliance<br />

Ouvrière des<br />

Travailleurs de<br />

l'Éducation.<br />

XIX


N<br />

(1) Il faut<br />

rappeler que<br />

Vichy avait, dès<br />

1941, remplacé<br />

les EN par des<br />

Instituts de<br />

Formation<br />

Professionnelle<br />

ne recrutant que<br />

des bacheliers<br />

formés en lycée.<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

(2) On<br />

n'atteignait<br />

alors la majorité<br />

qu'à 21 <strong>ans</strong>.<br />

(3) Il éditait de<br />

temps en temps<br />

un supplément<br />

spécifique à<br />

L'École<br />

Libératrice :<br />

Jeunes du SNI-<br />

EN de France.<br />

(4) Exclusion<br />

de la fille <strong>et</strong> du<br />

garçon.<br />

(5) J.Mourot,<br />

À l'école des<br />

hussards noirs,<br />

BOD 2010.<br />

(6) Union de<br />

la jeunesse<br />

républicaine de<br />

France, avatar<br />

des Jeunesses<br />

Communistes.<br />

XX<br />

L'École Émancipée<br />

<strong>et</strong> la défense des Écoles normales<br />

La loi du 28 juin 1833 imposa à chaque département<br />

l'obligation d'entr<strong>et</strong>enir une école normale primaire<br />

de garçons mais il fallut attendre la loi du 9 août 1879<br />

pour que soit créée une école normale de filles par<br />

département <strong>et</strong> que la volonté du législateur soit respectée.<br />

L'École Émancipée dès sa première parution en 1910<br />

s'est adressée aux normaliens <strong>et</strong> normaliennes pour<br />

qu'informés <strong>et</strong> formés ils prennent part au combat pour<br />

l'émancipation <strong>syndicale</strong>, <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong>.<br />

Mais les circonstances de son intervention ont bien évolué<br />

d<strong>ans</strong> le temps. Il n'était pas question pour les jeunes élèves<br />

préparant à l'origine le Brev<strong>et</strong> Supérieur puis, à partir de<br />

1945 (1), le baccalauréat, mineurs confiés à la responsabilité<br />

du directeur ou de la directrice (2), d'avoir une activité<br />

politique ou <strong>syndicale</strong>. Le droit syndical, très encadré,<br />

ne sera reconnu qu'aux élèves-maîtres de troisième puis<br />

de quatrième année au cours des années 50. L'attention<br />

portée aux normaliens <strong>et</strong> normaliennes visait essentiellement<br />

à l'amélioration de leurs conditions de vie <strong>et</strong> à la<br />

défense individuelle contre un excès de rigueur voire<br />

contre l'arbitraire administratif. Jusque 1968, le Syndicat<br />

national des instituteurs (SNI) assurait mollement ce<br />

rôle (3). Cela n'empêchait pas les exclusions pour<br />

manque de résultats, pour mauvaise conduite, ou,<br />

comme ce fut le cas à Avignon d<strong>ans</strong> les années 60, pour<br />

grossesse (4), ou encore à Rouen pour propagande politique<br />

: ce fut "l'affaire Ganne" de 1951 (ce militant communiste<br />

fut exclu pour avoir introduit du matériel de<br />

propagande du PCF d<strong>ans</strong> l'établissement) (5). Mis à<br />

part d<strong>ans</strong> quelques départements (Oise, Hérault…) où<br />

l'ÉÉ était influente, les propagandistes les mieux<br />

implantés étaient ceux du PCF par le biais de l'UJRF (6).<br />

De leur côté, les catholiques (de gauche) faisaient de<br />

l'entrisme avec les Paroisses enseignantes.<br />

La radicalisation<br />

Les écoles normales d'instituteurs<br />

<strong>et</strong> d'institutrices, ces<br />

"séminaires laïques" d'autrefois,<br />

malgré leurs imperfections <strong>et</strong><br />

le régime quasi militaire<br />

imposé aux élèves dès leur<br />

entrée en première année,<br />

étaient à la fois une occasion<br />

de promotion <strong>sociale</strong> pour les<br />

enfants du peuple <strong>et</strong> un<br />

espace de préparation effective<br />

au métier d'instituteur. Elles<br />

ont constitué de tous temps<br />

un vivier potentiel de syndicalistes<br />

<strong>et</strong> l'ÉÉ s'y est toujours<br />

intéressée.<br />

La crise de mai allait modifier radicalement la situation.<br />

Travaillés depuis quelque temps par les trotskistes de la<br />

LCR à partir de 1970 <strong>et</strong> de l'OCI dès avant 1968 (entre<br />

autres activités fractionnelles, l'OCI a créé vers 1965 des<br />

"Comités de défense des Écoles normales" en dehors de<br />

l'ÉÉ dont ses militants étaient pourtant partie prenante),<br />

les normaliens vont se radicaliser <strong>et</strong> l'ÉÉ va profiter des<br />

circonstances. C'est à partir des écoles normales en lutte<br />

qu'elle va connaître une nouvelle jeunesse d<strong>ans</strong><br />

l'enseignement primaire. La revue va se faire l'écho de<br />

leurs luttes, relayées plus ou moins mécaniquement par<br />

la Tendance, <strong>et</strong> publiera même assez régulièrement un<br />

supplément spécifique, le Maître-étalon.<br />

Les revendications ne se bornent plus à un aménagement<br />

des conditions de vie ou de travail des élèves-maîtres ;<br />

elles portent désormais sur le contenu, les formes <strong>et</strong> la<br />

structure même de la formation. Les normaliens,<br />

inqui<strong>et</strong>s pour l'avenir des ÉN se mobilisent un peu partout<br />

<strong>et</strong> se coordonnent, organisant même une grève touchant<br />

de nombreux établissements durant plus de 10 jours en<br />

mars 1969. En eff<strong>et</strong>, le pouvoir gaulliste, appliqué à<br />

réduire les coûts, rentabiliser l'école <strong>et</strong> favoriser le secteur<br />

privé aux dépens du service public, ne voyait que des<br />

avantages à la disparition de ces foyers laïques <strong>et</strong> anticléricaux<br />

que constituaient encore les Écoles normales,<br />

menacées par des groupes de travail mis en place par le<br />

ministre de l'Éducation nationale Alain Peyrefitte en mai 67<br />

<strong>et</strong> qui prévoyaient la suppression des ÉN avec leurs<br />

classes "pré-bac" pour les remplacer par "des instituts<br />

universitaires de pédagogie, situés au chef-lieu d'académie près de<br />

l'université, ouverts par concours ou sur dossier à tous les<br />

bacheliers, <strong>et</strong> comportant deux années de préparation<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010


N<br />

La motion sur la formation des maîtres présentée par<br />

l'ÉÉ pour le congrès de Nice du SNI de novembre 1968<br />

rappelle que "depuis 1945 le problème des Écoles normales<br />

est posé de la façon suivante :<br />

- Les uns veulent la tr<strong>ans</strong>formation des Écoles<br />

Normales en Instituts de formation professionnelle. Pour<br />

aboutir à cela ils estiment qu'il suffit de laisser mourir les<br />

Écoles Normales en leur refusant les crédits indispensables<br />

à leur extension ou à leur reconstruction.<br />

- Les autres déclarent être pour le maintien du<br />

recrutement à la fin de la 3ème, mais n'ont jamais engagé<br />

la lutte sur ce plan avec la vigueur indispensable.<br />

D'autre part l'augmentation des effectifs élèves a amené<br />

un recrutement massif de nouveaux instituteurs dont la<br />

grande majorité n'a jamais reçu de véritable formation<br />

professionnelle.<br />

Ainsi les Écoles Normales apparaissent comme des<br />

établissements vieillots aux structures quelque peu dépassées<br />

formant une minorité d'instituteurs <strong>et</strong> d'institutrices.<br />

Les Écoles Normales restent encore pour de nombreux<br />

réactionnaires ou cléricaux des foyers de l'idéal laïque qu'il<br />

faut fermer au plus tôt.<br />

Constatons enfin que les traitements de débuts insuffisants<br />

des maîtres attirent un nombre trop faible de candidats<br />

notamment d<strong>ans</strong> les Écoles Normales d'instituteurs. C'est<br />

partant de ces considérations que nous présentons la<br />

motion suivante :<br />

Le congrès du SNI<br />

- rappelle que : le plan Langevin-Wallon prévoyait une<br />

formation commune de tous les maîtres accueillant les<br />

élèves de 2 à 18 <strong>ans</strong> comportant 2 années d<strong>ans</strong> les Écoles<br />

Normales suivies par la préparation d'une licence en 2 <strong>ans</strong><br />

à l'Université.<br />

- constate que ce Plan d<strong>ans</strong> sa conception d'une véritable<br />

réforme de l'enseignement n'a jamais été appliqué, ne<br />

peut être appliqué que d<strong>ans</strong> le cadre d'une réforme<br />

fondamentale des structures de la société capitaliste d<strong>ans</strong><br />

laquelle s'intègrerait la réforme de l'Université.<br />

- Souligne :<br />

- que la démocratisation de l'enseignement fait bien peu<br />

de progrès ; que les discriminations <strong>sociale</strong>s continuent à<br />

jouer au détriment des enfants des classes laborieuses ;<br />

que les Écoles Normales datent presque toutes de la<br />

période 1880-1900, que leur capacité d'accueil ne<br />

correspond absolument plus aux besoins de l'enseignement<br />

en 1968 ; que le recrutement parallèle (remplaçants) est<br />

professionnelle <strong>et</strong> d'enseignement de la pédagogie", reprenant<br />

ainsi en les dénaturant les dispositions du fameux "Plan<br />

Langevin-Vallon", référence constante de la Gauche<br />

depuis 1945. Déjà, depuis les années 50, on recrutait<br />

des promotions de bacheliers formés en deux <strong>ans</strong> au<br />

métier, parallèlement aux promotions traditionnelles de<br />

formation en quatre <strong>ans</strong> depuis la classe de seconde…<br />

Bien que s<strong>ans</strong> illusions sur le contenu idéologique de<br />

l'enseignement dispensé <strong>et</strong> sur le rôle d'inculcation<br />

dévolu aux professeurs, les militants de l'ÉÉ ont longtemps<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

Défendre <strong>et</strong> promouvoir les Écoles Normales<br />

beaucoup plus important que le recrutement normalien ;<br />

que les remplaçants ne reçoivent pas de véritable formation<br />

professionnelle ; qu'un traitement de début de l'ordre de<br />

900 F par mois est insuffisant pour attirer les jeunes d<strong>ans</strong><br />

la fonction enseignante.<br />

- Fixe ainsi la position du S.N.I. d<strong>ans</strong> les circonstances<br />

présentes :<br />

1) Tous les futurs instituteurs doivent passer par l'École<br />

Normale (ce qui nécessite l'établissement d'un cadre de<br />

titulaires remplaçants).<br />

2) Un plan de reconstruction ou de construction (région<br />

parisienne) des Écoles Normales doit être établi avec des<br />

échéances les plus proches possible.<br />

3) Le cadre départemental des instituteurs doit être<br />

maintenu.<br />

4) Comme l'a affirmé le Congrès des normaliens réuni à<br />

Tours les 4 <strong>et</strong> 5 juin 1968 le maintien d<strong>ans</strong> les Écoles<br />

Normales des classes de second cycle est nécessaire jusqu'à<br />

démocratisation effective de l'enseignement sur le plan<br />

national.<br />

5) La formation professionnelle doit être étendue à 2 <strong>ans</strong><br />

d<strong>ans</strong> toutes les Écoles Normales.<br />

6) Les élèves-maîtres sont considérés dès leur entrée à<br />

l'École Normale comme de futurs instituteurs (conséquences<br />

sur la vie interne des Écoles Normales, sur le contenu de<br />

l'enseignement, fin du paternalisme à leur égard).<br />

7) Le bureau du S.N.I. prendra contact avec les normaliens<br />

eux-mêmes pour déterminer les modifications d<strong>ans</strong> le<br />

statut des Écoles Normales telles que les ont prévues les<br />

commissions normaliennes au cours de la période<br />

mai-juin 1968.<br />

8) Un resserrement de l'écart indiciaire début-fin de<br />

carrière des instituteurs perm<strong>et</strong>tra l'obtention d'un<br />

traitement de début de 1.200 F par mois.<br />

Une fois ces premières mesures appliquées, une fois<br />

assurée la formation professionnelle de tous les futurs<br />

instituteurs, pourront être envisagées de nouvelles mesures<br />

tendant à élever le niveau de formation des maîtres ayant<br />

pour aboutissement la licence prévue par le Plan<br />

Langevin-Wallon.<br />

LE CONGRÈS mandate le bureau pour populariser les<br />

prises de position ci-dessus, lancer avec les autres syndicats<br />

intéressés de la F.E.N., avec les normaliens, avec les<br />

parents d'élèves, d<strong>ans</strong> le cadre du C.N.A.L. une campagne<br />

vigoureuse de défense des Écoles Normales avec des<br />

manifestations aux échelons départemental <strong>et</strong> national'.<br />

défendu les Écoles normales telles qu'elles avaient été<br />

conçues sous la Troisième République. Elles avaient le<br />

mérite de perm<strong>et</strong>tre aux fils du peuple, enfants d'ouvriers<br />

<strong>et</strong> de pays<strong>ans</strong> d'accéder aux études secondaires s<strong>ans</strong><br />

bourse délier, même si cela se payait d'un engagement<br />

de dix <strong>ans</strong> à servir l'État. Les ÉN étaient une occasion -<br />

la seule pour beaucoup - de promotion <strong>sociale</strong>. La<br />

relative démocratisation de l'enseignement <strong>et</strong> la<br />

nécessité de doubler le recrutement normal des instituteurs<br />

<strong>et</strong> institutrices par un recrutement sauvage de bacheliers<br />

XXI


N<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

(7) L'École<br />

Émancipée<br />

n°14 du<br />

20.04.80.<br />

(8) Front<br />

Unique<br />

Ouvrier, l'avatar<br />

du moment de<br />

l'OCI.<br />

XXII<br />

(voire parfois de titulaires d'un simple BEPC !)<br />

lâchés s<strong>ans</strong> aucune formation d<strong>ans</strong> les classes en tant<br />

qu' "instituteurs remplaçants" vont modifier c<strong>et</strong> état de fait,<br />

le recrutement des ÉN concernant autant les classes<br />

moyennes que les classes populaires, la profession<br />

d'instituteur <strong>et</strong> surtout d'institutrice constituant tantôt<br />

un pis-aller pour des exclus de l'Université, tantôt<br />

l'occasion d'un "salaire d'appoint".<br />

Dès juill<strong>et</strong> 1968, Edgar Faure avait exprimé "son<br />

inclination" à en faire des instituts de formation<br />

<strong>pédagogique</strong> recrutant après le bac ; la circulaire ministérielle<br />

du 2 janvier 1969 était explicite : "Au budg<strong>et</strong> de 1969 sont<br />

essentiellement prévus des emplois pour les nouveaux<br />

centres régionaux qui ouvriront à la prochaine rentrée".<br />

Si l'OCI <strong>et</strong> l'AJS (Alliance des Jeunes pour le<br />

Socialisme), ancêtres du POI actuel ont dirigé de main<br />

de maitre des comités de grève, les militants non<br />

"lambertistes" de l'École Émancipée, ont participé<br />

activement à l'action pour défendre les ÉN, mais aussi<br />

pour exiger que des droits d'expression <strong>et</strong> d'organisation<br />

soient enfin reconnus aux futurs instituteurs qu'étaient<br />

les "élèves-maîtres". Quand Julien Desachy, élu ÉÉ au<br />

Bureau National du SNI prit la parole lors d'un me<strong>et</strong>ing<br />

parisien regroupant plus de 200 enseignants <strong>et</strong> normaliens,<br />

pour la plupart militants ou sympathisants de l'OCI,<br />

l'atmosphère était lourde, électrique même. Il n'était<br />

pas le bienvenu d<strong>ans</strong> c<strong>et</strong>te période où l'ÉÉ en crise allait<br />

vers une scission... Ce fut pourtant un tonnerre<br />

d'applaudissements qui conclut son intervention.<br />

Alors que la direction réformiste UID du SNI, soutenu<br />

par la minorité Unité <strong>et</strong> Action (cégétistes, proches ou<br />

militants du PCF) acceptait le leurre du troc : suppression<br />

des classes pré-bac contre deux années de formation<br />

professionnelle, d<strong>ans</strong> son numéro spécial de mars 1969,<br />

consacré à mai-juin 1968, l'ÉÉ ironisait sur ceux qui<br />

croyaient au père Noël.<br />

"La chute va être rude :<br />

- Tous les élèves-maîtres feront deux <strong>ans</strong> de formation<br />

professionnelle au lieu d'un an. D<strong>ans</strong> quelles conditions ?<br />

- Un peu partout, l'Enseignement supérieur se déclare<br />

incapable, faute de moyens, de participer à c<strong>et</strong>te formation.<br />

- Les remplaçants continueront à être pris au niveau du<br />

bac, s<strong>ans</strong> formation professionnelle.<br />

- La première année de normaliens entrant au niveau<br />

de la seconde, à la rentrée 1969, ne trouvera pas<br />

place d<strong>ans</strong> les Écoles Normales. Ces élèvesmaîtres<br />

resteront d<strong>ans</strong> leurs lycées d'origine.<br />

C'est la première étape décisive vers la disparition<br />

des Écoles normales <strong>et</strong> vers leur tr<strong>ans</strong>formation en<br />

Instituts de formation professionnelle en deux <strong>ans</strong>.<br />

Naturellement, on ne construira, ni ne reconstruira<br />

pas les Écoles normales, dont la plupart datent de<br />

1880 à 1900.<br />

Majoritaires <strong>et</strong> cégétistes unis annonçaient une<br />

victoire. Non seulement il n'y a pas victoire, ni<br />

même respect du statu quo. Ce que Pétain avait<br />

fait dès 1940, le Gouvernement va le réussir en<br />

1969 ou 1970".<br />

L'époque des coordinations<br />

Les luttes normaliennes, notamment celles de<br />

1977-78, qui donneront lieu à des coordinations<br />

boudées par le SNI - <strong>et</strong> dont le SGEN tentera de<br />

tirer les ficelles - auront le soutien s<strong>ans</strong> réserve<br />

de l'ÉÉ. Elles auront pour objectif d'améliorer<br />

la condition des élèves-maîtres, de faciliter<br />

l'obtention du CFEN ou tout au moins les<br />

redoublements en cas d'échec <strong>et</strong> d'éviter à la<br />

sortie les nominations trop problématiques<br />

pour des débutants.<br />

En 1979, le SNI remportait une nouvelle "grande<br />

victoire" : la formation initiale était portée à trois<br />

<strong>ans</strong>, organisée en unités de formation, avec stages en<br />

responsabilité d<strong>ans</strong> les classes ainsi que stages en entreprise<br />

<strong>et</strong> de moniteur de colonie de vacances pendant les congés,<br />

le tout sanctionnée par un DEUG spécifique. Pour l'ÉÉ, c<strong>et</strong>te<br />

réforme était "réactionnaire" <strong>et</strong> devait "être combattue<br />

comme telle" (7). Elle allait perm<strong>et</strong>tre des suppressions<br />

d'établissements <strong>et</strong> de postes de profs d'ÉN, elle allait<br />

diviser le corps des instits, elle était normalisatrice, liquidait<br />

"toutes les recherches sur l'évaluation normative", favorisait<br />

l'individualisme <strong>et</strong> le bachotage, <strong>et</strong>c. D'où de nouvelles<br />

mobilisations avec coordination nationale <strong>et</strong> appels à la<br />

grève générale qui furent une nouvelle fois l'occasion<br />

pour le FUO (8) de tenter de manipuler le mouvement<br />

alors que l'ÉÉ, contrairement au SGEN ou à U&A qui<br />

cherchaient à tirer la couverture à eux, se m<strong>et</strong>tait au<br />

service des normaliens en lutte…<br />

Les Écoles normales perdureront encore quelques<br />

années jusqu'à ce qu'en 1989 un gouvernement de gauche<br />

les remplace par les Instituts Universitaires de<br />

Formation des Maîtres, censés donner une formation<br />

unique à tous les enseignants de la Maternelle à la<br />

Terminale. La page des Écoles normales était définitivement<br />

tournée.<br />

Jean-François Chalot & Jean Mourot,<br />

Août 2010 ❏<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010


N<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

Georges Fontenis<br />

<strong>et</strong> L'École Émancipée<br />

Deux entr<strong>et</strong>iens avec Georges Fontenis qui nous a quittés il y a quelques mois (1) réalisés à plus<br />

de dix <strong>ans</strong> d'intervalle par des camarades d'<strong>Émancipation</strong> (Gilbert Estève puis Jean-François<br />

Pelé) perm<strong>et</strong>tent de revenir sur des années partagées importantes pour la vie de la tendance<br />

<strong>et</strong> de la Revue : le contexte de l'É.É après la Libération, avec le redémarrage de la Revue<br />

auquel il a été associé, <strong>et</strong> aussi l'évolution des rapports avec les libertaires confrontés à<br />

l'arrivée de différents groupes trotskistes.<br />

❒ Un "autre" communisme<br />

propos recueillis par Gilbert Estève,<br />

extraits d'un article publié d<strong>ans</strong> L'École<br />

Émancipée n°9 du 20 janvier 1991, pp. 30-33.<br />

(…) L'É.É : Tu as été l'un des réorganisateurs de l'École<br />

Émancipée à la Libération. Succinctement pourrais-tu nous<br />

rappeler la situation de l'époque <strong>et</strong> la part, parmi d'autres,<br />

qui fut la tienne d<strong>ans</strong> le redémarrage de la tendance <strong>et</strong> de<br />

la revue ?<br />

G.F : À l'époque, à la "Libération", il y a hégémonie<br />

stalinienne, avec un caractère de violence aujourd'hui<br />

inimaginable. Mais tout un pan de la population ne<br />

marche ni d<strong>ans</strong> le délire PCF ni d<strong>ans</strong> le délire cocardier<br />

des gaullistes. L'atmosphère étant au changement, à la<br />

rupture, les opposants se portent vers l'aile révolutionnaire,<br />

les trotskistes, les anarchistes, les Jeunesses socialistes<br />

(très à gauche de la SFIO). Cela explique l'essor du<br />

Libertaire : en ce qui regarde le milieu syndical, c<strong>et</strong>te<br />

frange d'opposants, appuyés par ceux qui ont survécu à<br />

la tourmente, physiquement <strong>et</strong> politiquement, va<br />

redonner vie, s<strong>ans</strong> délai, au syndicalisme révolutionnaire,<br />

<strong>et</strong>, pour les enseignants, à l'École Émancipée. C'est au<br />

cours des premières réunions à la Bourse du Travail de<br />

Paris que des affinités apparaissent. Ceux qui se distinguent<br />

à la fois des réformistes <strong>et</strong> des staliniens sont traités<br />

d'hitléro-trotzko-anarchistes <strong>et</strong> sont parfois physiquement<br />

agressés.<br />

J'apprends que des anciens vont relancer L'École<br />

Émancipée <strong>et</strong> je participe aux premières réunions, avec<br />

Penn<strong>et</strong>ier, Galienne, Guilloré, <strong>et</strong> sur le plan national<br />

avec Valière <strong>et</strong> Sarda : nous sommes une bonne quinzaine<br />

pour commencer. Solange Dumont que je rencontre d<strong>ans</strong><br />

ces réunions sera ma première liaison avec le mouvement<br />

libertaire qui se reconstitue. C'est alors que nous proj<strong>et</strong>ons<br />

de publier la Revue, Marcel Penn<strong>et</strong>ier <strong>et</strong> moi nous chargeons<br />

de la partie imprimerie (le premier numéro imprimé<br />

- bien modeste - sera confectionné chez un artisan<br />

imprimeur que je connais par voisinage d<strong>ans</strong> mon quartier<br />

du Haut Belleville). Mon intervention d<strong>ans</strong> la tendance<br />

prend d'autant plus de poids que je suis élu secrétaire de la<br />

Commission des jeunes de la section de la Seine du SNI.<br />

L'É.É : Durant la période de l'après Mai 68, l'École<br />

Émancipée a subi le départ par vagues successives<br />

de nombreux militants libertaires. Le courant libertaire<br />

aujourd'hui (2) d<strong>ans</strong> l'ÉÉ en est quasiment réduit à des<br />

individus isolés qui, pour la plupart, se r<strong>et</strong>ranchent derrière<br />

une filiation syndicaliste révolutionnaire style Charte<br />

d'Amiens - plutôt éloignée à bien des égards de la<br />

référence au courant antiautoritaire de la 1ère Internationale.<br />

Toi qui as côtoyé les divers groupes libertaires, quelle<br />

explication proposes-tu de c<strong>et</strong>te évolution ?<br />

G.F : Le départ de nombreux<br />

militants libertaires de l'ÉÉ<br />

après 68 a eu pour première<br />

raison la tentative de main-mise<br />

par les militants du PCI. Il y a<br />

aussi, il faut le reconnaître, un<br />

penchant chez beaucoup de<br />

libertaires à renoncer au<br />

travail difficile <strong>et</strong> patient.<br />

Plus près de nous, il y a eu de<br />

nouveau des crises avec des<br />

"prises de pouvoir" de certains<br />

éléments de la LCR (je dis<br />

bien "certains" car tous n'ont<br />

pas le virus du noyautage<br />

léniniste qui n'apporte d'ailleurs<br />

que des succès passagers <strong>et</strong><br />

apparents). Il n'empêche que<br />

quitter une structure parce que quelques-uns essaient<br />

de la dominer n'est pas une bonne attitude.<br />

C'est laisser la place à des magouilleurs (qui ne savent<br />

pas qu'ils sont des fossoyeurs) <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tre d<strong>ans</strong> l'embarras<br />

les militants courageux qui restent pour résister <strong>et</strong> sauver<br />

si possible l'ouverture de la tendance. Tendance qui est<br />

unique puisque toutes les sensibilités peuvent encore<br />

coexister. Mais il faut se battre pied à pied. J'en suis à<br />

me poser c<strong>et</strong>te question : est-ce qu'une certaine<br />

manière d'être libertaire ne s'accompagne pas, très<br />

souvent, de quelques dil<strong>et</strong>tantisme ? Et puis, ces dernières<br />

années, pas mal de jeunes enseignants ont rejoint le<br />

SGEN... cela n'a pas été favorable à l'ÉÉ.<br />

L'É.É : Comment analyses-tu la situation actuelle (2) qui<br />

prévaut à l'ÉÉ ? Quelles impressions r<strong>et</strong>ires-tu à la lecture<br />

de la revue ?<br />

G.F : En dépit des luttes internes qui perdurent, la situation<br />

actuelle me paraît bonne : la revue est solide, riche<br />

(riche aussi des différences qui s'y expriment), variée, <strong>et</strong><br />

elle reste un espace de liberté <strong>et</strong> de libre expression.<br />

C'est plus que rare. Il me paraît donc qu'il faut tout faire<br />

pour préserver l'existence de l'ÉÉ, tout faire y compris la<br />

critique interne. Par exemple, contre un certain ron-ron<br />

corporatiste <strong>et</strong> aussi contre la longueur de certains articles.<br />

Je serais tenté d'inviter certains collaborateurs à s'exercer<br />

à la "contraction de textes" ! (…)<br />

(1) voir<br />

L'<strong>Émancipation</strong><br />

n°1 septembre<br />

2010 page 31/III<br />

(2) rappel de la<br />

revue : interview<br />

réalisée <strong>et</strong><br />

publiée en 1991<br />

XXIII


N<br />

otre centenaire 1910-2010<br />

(1) Note de<br />

l'auteur :<br />

compte rendu<br />

rédigé "à ma<br />

manière" sauf<br />

pour quelques<br />

formules que<br />

j'ai notées<br />

pendant la<br />

conversation.<br />

(JFP)<br />

(2) GF trouvait<br />

ce camarade<br />

très intéressant<br />

<strong>et</strong> semble avoir<br />

gardé beaucoup<br />

d'estime pour<br />

lui.<br />

(3) "Lili <strong>et</strong><br />

Volo" figures<br />

militantes de la<br />

tendance <strong>et</strong> de<br />

l'EDMP que<br />

les usagerEs du<br />

local de la rue<br />

Crozatier<br />

connaissent<br />

depuis des<br />

décennies !<br />

❒ Un entr<strong>et</strong>ien téléphonique<br />

de Jean-François Pelé avec<br />

G. Fontenis, le mercredi 18 février 2004<br />

La question que je lui posais, assez globalement : Lors du<br />

passage de l'Occupation à la Libération, comment s'est<br />

reconstituée l'ÉÉ ? (il serait également intéressant<br />

d'évaluer ce qui s'est passé sous l'Occupation allemande,<br />

cela dût-il donner une image mitigée de l'ÉÉ…) (1)<br />

La plupart des camarades qui ont participé à c<strong>et</strong>te<br />

période ont disparu, <strong>et</strong> la mémoire n'est plus assez<br />

précise… Fontenis cite Penn<strong>et</strong>ier, Galienne, (quelqu'un<br />

dont je n'ai pas saisi le nom). Également Guilloré, "de<br />

r<strong>et</strong>our de son aventure pétainiste"… L'ÉÉ s'est recréée à<br />

partir du lien entre le groupe parisien (Paris/banlieue),<br />

dont Penn<strong>et</strong>ier (2) <strong>et</strong> Fontenis étaient les chevilles<br />

ouvrières, <strong>et</strong> les militants du Sud, surtout Valière <strong>et</strong><br />

Féraud. Quand j'évoque Henri Sarda, il s'en souvient<br />

comme ayant été là dès les premiers contacts. Les "vieux<br />

camarades de l'ÉÉ", comme les Bouët ne sont réapparus<br />

que plus tard. G. F. croit se souvenir d'une réunion en<br />

45-46 avec des camarades - dont les Bouët. Les camarades<br />

de l'Oise ne sont réapparus que plus tard encore.<br />

À Paris, ils s'étaient r<strong>et</strong>rouvés d<strong>ans</strong> le syndicat CGT<br />

reconstitué clandestinement. Dès la Libération, ils ont<br />

pris les premiers contacts. Il était très difficile sinon<br />

impossible de r<strong>et</strong>rouver les listes des camarades qu'on<br />

avait côtoyés avant la guerre. Avec le groupe parisien,<br />

Fontenis se souvient d'avoir rédigé quelques articles, <strong>et</strong><br />

d'avoir trouvé un imprimeur pour les premiers numéros<br />

d<strong>ans</strong> son quartier, d<strong>ans</strong> le 19ème . Ce n'étaient que des<br />

"bull<strong>et</strong>ins intérieurs", <strong>et</strong> pas des publications ayant<br />

pignon sur rue… Mais G. F. n'a gardé aucun numéro de<br />

l'ÉÉ publié à c<strong>et</strong>te époque.<br />

On a peine à imaginer comment le PC se comportait,<br />

avec les trotskystes plus particulièrement. Fontenis<br />

n'avait pas de passé comme syndicaliste instit avant la<br />

guerre puisqu'il est devenu instit au moment de la<br />

guerre. Comme il était le "secrétaire jeunes" du SNI<br />

clandestin à la Libération, on le ménageait un peu.<br />

Bonissel "l'avait plutôt à la bonne". À c<strong>et</strong>te époque,<br />

Fontenis a connu Lili Zyromski, que les staliniens<br />

prenaient à partie, <strong>et</strong> il l'a même aidée à quitter une<br />

réunion où elle était en danger de se faire frapper. C'est<br />

aussi à c<strong>et</strong>te époque qu'il a contribué à amener à l'ÉÉ Jo<br />

Volovitch, qui avait été suspendu par le régime de<br />

Vichy, comme juif (3)…<br />

G. F. se souvient de réunions ÉÉ d<strong>ans</strong> un café d<strong>ans</strong> le<br />

quartier de l'Hôtel de Ville acceptant d'accueillir le<br />

groupe parisien pour ses réunions. Il était bien entendu<br />

impensable de se réunir à la Bourse du Travail, les<br />

staliniens ne l'auraient jamais permis. G. F. consacrait<br />

l'essentiel de son énergie à reconstituer le mouvement<br />

libertaire, auquel il avait participé avant-guerre, <strong>et</strong> il<br />

s'agissait surtout de militants ouvriers du livre, des<br />

usines Renault, Citroën, Alsthom…<br />

Documents tr<strong>ans</strong>mis par Gilbert Estève ❏<br />

Oise : Jeanne Berthelot a fini son Chahut !<br />

Jeanne Berthelot était née en 1925. Sa santé fragile nous avait si souvent fait craindre le pire. Mais toujours elle remontait la pente<br />

pour r<strong>et</strong>rouver une vitalité <strong>et</strong> un amour de la vie qui nous stupéfiaient. Jeanne nous a quittéEs le mardi 8 juin 2010. Altruiste<br />

jusqu'au dernier moment, elle n'a souhaité aucune cérémonie: simplement donner son corps à la science pour être utile, une<br />

dernière fois. Tout juste un "p<strong>et</strong>it papier" d<strong>ans</strong> Le Chahut (1), c'est tout ce qu'elle m'avait concédé.<br />

Jeanne était avant tout une femme libre. Les chats, Georges Brassens, le philosophe Michel Onfray... étaient ses plus grandes<br />

passions. En plus de son handicap de naissance, la maladie la cloua trop vite d<strong>ans</strong> un fauteuil roulant. Je ne l'ai jamais entendue<br />

se plaindre. Même au bout de la fatigue, même souffrant le martyr, elle te parlait des autres, de la marche du monde qui<br />

l'inquiétait tant avec ce sentiment si douloureux que nos idéaux foutaient le camp peu à peu. D'où sa fidélité absolue <strong>et</strong><br />

déterminée à <strong>Émancipation</strong>, au Chahut, à l'idéal laïque, au féminisme, au mouvement ouvrier. Elle a d'ailleurs écrit<br />

régulièrement pour Le Chahut. La fidélité, le refus des compromissions... elle n'accordait son estime qu'à ce prix. Qu'il fut cruel<br />

le moment où il m'a fallu l'effacer du fichier de nos abonnéEs!<br />

J'ai connu Jeanne à la fin des années 70. J'avais écrit un article qu'elle avait apprécié. Heureuse qu'un jeune "reprenne le<br />

flambeau", elle m'avait fait savoir qu'elle aurait bien aimé me rencontrer. Je suis passé la voir, d<strong>ans</strong> sa maison de Margny-lès-<br />

Compiègne, après une manif du 1er mai à Compiègne. Ce fut le début d'une amitié <strong>et</strong> d'une tendresse qui ne connurent aucun<br />

accroc. C'est aussi à Margny qu'elle prit sa r<strong>et</strong>raite d'Institutrice publique <strong>et</strong> LAÏQUE. Le bonheur d'apprendre la lecture à un<br />

gamin lui avait fait choisir la classe du C.P. S<strong>ans</strong> doute ne fut-elle pas une pédagogue en rupture mais, là encore, elle fut fidèle à<br />

ses idéaux. Ainsi, par exemple, résista-t-elle à son Inspecteur - son refus de la hiérarchie <strong>et</strong> de la soumission était viscéral - à certains<br />

parents pour faire découvrir coûte que coûte Brassens à ses élèves quand le poète chanteur était encore interdit à la radio.<br />

Jeanne est restée militante jusqu'au bout interpellant par de très nombreuses l<strong>et</strong>tres toutes les personnalités qui bafouaient les<br />

principes d'honnêt<strong>et</strong>é, de justice ou d'égalité, <strong>et</strong> plus encore les élus de gauche dès qu'ils prenaient des positions qu'elle estimait<br />

contraires aux devoirs exigeants <strong>et</strong> fidèles inhérents aux idéaux progressistes. L'une de ses dernières grandes colères fut s<strong>ans</strong> doute<br />

en réaction à la décision du NPA d'O. Besancenot de présenter une femme voilée aux dernières élections régionales.<br />

Jeanne, j'ai les yeux qui pleurent : un Chahut que tu ne liras pas. Le premier. Je ne vais pas te raconter que tu le découvriras de<br />

là où tu es car je sais que tu m'engueulerais, toi qui riais de la naïv<strong>et</strong>é de ceux qui croient en l'au-delà. "Toi berceur d'illusions,<br />

profiteur de naïfs, obscurantiste... Ô! non, pas toi Jean Michel, ne me déçois pas."… Allez, Jeanne, assez de larmes, au boulot, on<br />

va continuer la grande lutte pour l'émancipation.<br />

J. M. Bavard, G.D de l’Oise ❏<br />

(1) Le Chahut, journal édité par les militants <strong>Émancipation</strong> de l'Oise<br />

XXIV<br />

L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!