Cent ans d'histoire sociale, syndicale et pédagogique - Émancipation
Cent ans d'histoire sociale, syndicale et pédagogique - Émancipation
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N<br />
Le présent dossier revêt une importance particulière d<strong>ans</strong> la suite<br />
des articles que notre revue - L'<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong><br />
<strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - a choisi de consacrer au centenaire de<br />
L'École Émancipée dont elle est issue : il y a cent <strong>ans</strong> jour pour<br />
jour, était publié le numéro 1 de la revue du même nom. Un<br />
dossier important, mais pas un point d'orgue : d'autres éléments<br />
seront publiés d<strong>ans</strong> nos prochains numéros.<br />
Et pas non plus un simple coup de chapeau : outre le fait qu'il<br />
résulte d'un travail entamé depuis un an, rythmé par différentes<br />
publications <strong>et</strong> un stage syndical national, il ne vise pas à une<br />
commémoration historique, bien que c<strong>et</strong>te dimension ne soit pas<br />
absente : ce sont presque tous les historiens actuels du syndicalisme<br />
révolutionnaire d<strong>ans</strong> l'éducation qui ont écrit d<strong>ans</strong> nos<br />
colonnes, pas forcément d'ailleurs pour développer des aspects<br />
glorieux de ce courant ou pour l'encenser de manière a-critique<br />
(un autre aspect qui nous distingue des hagiographes !).<br />
Cependant, tous en conviennent, ces réflexions <strong>et</strong> débats ne<br />
prennent tout leur sens que s'ils s'articulent avec une dimension<br />
militante, autrement dit ils doivent être reliés aux questions<br />
posées de manière très pratique, d<strong>ans</strong> la lutte de classe<br />
concrète. À c<strong>et</strong> égard, nous ne cherchons pas à construire le mythe<br />
du courant pur <strong>et</strong> invariant depuis 1910 jusqu'à nos jours.<br />
l'articulation entre permanence des lignes directrices<br />
<strong>et</strong> évolution des revendications concrètes<br />
En revanche, trois éléments nous semblent centraux au vu de<br />
tous ces textes. Tout d'abord, l'articulation entre permanence<br />
des lignes directrices <strong>et</strong> évolution des revendications concrètes<br />
Au sommaire<br />
Édito p. I<br />
Le socle des revendications p. III<br />
Manifeste des Amis de l'École Émancipée (1954) p. VI<br />
L’après 68 : Une démocratie <strong>syndicale</strong> qui a permis<br />
de gérer des débats politiques extrêmement tendus p. VIII<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
De LL’’ÉÉccoollee ÉÉmmaanncciippééee à LL’’ÉÉmmaanncciippaattiioonn<br />
<strong>Cent</strong> <strong>ans</strong> <strong>d'histoire</strong><br />
<strong>sociale</strong>, <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong><br />
du syndicaliste révolutionnaire d<strong>ans</strong> l'éducation… dont la<br />
revue L'École Émancipée resta longtemps le vecteur principal<br />
d<strong>ans</strong> la FEN en lien étroit avec la tendance du même nom.<br />
Aujourd'hui, les syndicalistes révolutionnaires se r<strong>et</strong>rouvent<br />
d<strong>ans</strong> un large éventail d'organisations : ÉMANCIPATION,<br />
SUD, CNT, UDAS…<br />
Prenons le cas de la laïcité, un des piliers idéologiques mais<br />
aussi militants d'École Émancipée (notamment par l'appartenance<br />
aux mouvements laïques sous toutes leurs formes : œuvres<br />
post-scolaires, colonies de vacances, mouvement librepenseur…).<br />
Les positions des syndicalistes révolutionnaires ont<br />
pu varier sur la question du monopole public de l'enseignement,<br />
ce que nous nommons la "nationalisation laïque" de l'enseignement<br />
privé. Combattue à l'origine par la Fédération Unitaire de<br />
l'Enseignement, elle est devenue par la suite <strong>et</strong> jusqu'à nos<br />
jours un axe central en matière de laïcité. Mais, en tout état de<br />
cause, la défense de la laïcité (donc les lois de 1881 sur l’école<br />
<strong>et</strong> celle 1905) ainsi que des écoles normales (cf. article de Jean<br />
Mourot <strong>et</strong> Jean-François Chalot), est une constante quelles<br />
que soient les critiques - justifiées - formulées à l'égard de<br />
l'école "réellement existante". Et ce à l'inverse des diverses<br />
fantaisies autour de la laïcité "ouverte", "positive", "plurielle",<br />
<strong>et</strong>c. qui marquent un recul d'organisations laïques face aux forces<br />
cléricales (anciennes ou nouvelles) <strong>et</strong> à l'illusion du relativisme<br />
culturel.<br />
Autre exemple, la question de la hiérarchie. Encore un aspect<br />
central : les premières sections de "L'<strong>Émancipation</strong>" n'ontelles<br />
pas été constituées avant tout pour organiser les instituteurs<br />
<strong>et</strong> institutrices "adjointEs" face aux directeurs pourvus d'une<br />
L'École Émancipée après 1945 : l'exemple du Var p. XI<br />
Florentin Honoré Alziary ou le refus de parvenir p. XV<br />
Fred Rospars, Un parcours syndical <strong>et</strong> politique<br />
au milieu du XXème siècle p. XVII<br />
1968 : un bilan à approfondir p. XVIII<br />
L'École Émancipée <strong>et</strong> la défense des Écoles normales p. XX<br />
Georges Fontenis <strong>et</strong> L'École Émancipée p. XXIII<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010 I
N<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
autorité hiérarchique ? Là encore, les revendications concrètes<br />
ne sont pas les mêmes suivant les époques : m<strong>et</strong>tre fin à la direction<br />
d'école comme échelon hiérarchique contrôlant y compris la<br />
vie privée (début 20 e siècle), "traitement unique" (années<br />
1920), refus d'inspection (années 1970)… mais le fil directeur<br />
demeure : le refus des hiérarchies administratives <strong>et</strong> corporatives<br />
(que le Manifeste des Amis de L'École Émancipée de 1954<br />
expose de manière systématique). Avec son corollaire : la lutte<br />
contre la répression administrative (comme le signale Loïc Le Bars<br />
en conclusion de son article). D'ailleurs certaines de ces revendications<br />
continuent de figurer d<strong>ans</strong> notre corpus revendicatif :<br />
les augmentations uniformes (conçues comme étape vers le<br />
traitement unique). De même, la lutte contre la mise en place<br />
des "EPEP" renommés "E2P" s'inscrit d<strong>ans</strong> c<strong>et</strong>te lignée.<br />
II<br />
c<strong>et</strong>te continuité des thématiques s'explique par la<br />
persistance de l'inspiration syndicaliste révolutionnaire<br />
Comme l'avait mis en évidence Loïc le Bars, la "culture"<br />
syndicaliste révolutionnaire, avec des variations idéologiques,<br />
imprègne les militantEs liéEs à L'École Émancipée, y compris<br />
quand ils/elles adhèrent au PCF d<strong>ans</strong> l'entre-deux-guerres.<br />
C<strong>et</strong>te inspiration sous-tend aussi, au moins en "creux", un<br />
proj<strong>et</strong> de société.<br />
Deuxième élément central : le syndicalisme révolutionnaire<br />
d<strong>ans</strong> l'éducation n'est pas coupé du monde, de la société <strong>et</strong><br />
en particulier du mouvement ouvrier de son époque, même<br />
quand il est marginalisé. Les grandes mutations du mouvement<br />
ouvrier constituent autant de jalons pour l'histoire de l'EE.<br />
Ainsi la fédération enseignante de la CGT laisse la place d<strong>ans</strong><br />
les années 1920 à la Fédération Unitaire de l'Enseignement de la<br />
CGTU (opposante à la direction stalinienne) face à la fédération<br />
réformiste <strong>et</strong> majoritaire de la CGT. Autre tournant, la réunification<br />
<strong>syndicale</strong> provisoire lors du Front Populaire : ce processus<br />
d<strong>ans</strong> l'enseignement voit l'apparition de la tendance des "Amis<br />
de L'École Émancipée", structurée autour de la revue éponyme.<br />
Revue qui renaît en 1945 à la Libération après son interdiction<br />
sous Vichy (voir le témoignage de Georges Fontenis).<br />
L'aspiration à l'unification <strong>syndicale</strong> (avec droit de tendance)<br />
conduit l'EE à être, en 1946, cofondatrice de la FEN par la<br />
motion Bonissel-Valière. La montée des luttes des années<br />
1970 entraîne des tr<strong>ans</strong>formations profondes de la tendance<br />
(ainsi que le détaille l'article de Clément Talleu) après une<br />
première scission importante dont Serge Goudard, Jean-<br />
François Chalot <strong>et</strong> Jean Mourot nous donnent des<br />
éléments d'analyse.<br />
Les années 1990-2000 représentent un nouveau tournant :<br />
scission de la FEN, intégration renforcée du syndicalisme d<strong>ans</strong><br />
l'appareil d'État sous la forme du "dialogue social" <strong>et</strong> autres<br />
"réforme de l'État" à tous les niveaux y compris européen (la CES)<br />
<strong>et</strong> international (la CSI)… La tendance École Émancipée le ressent,<br />
puisqu'elle scissionne ! Avec le recul il apparaît que d<strong>ans</strong> un<br />
syndicalisme accentuant ses tendances bureaucratiques <strong>et</strong><br />
marqué par un renforcement du poids de l'appareil, l'équipe<br />
de direction de l'actuelle EE/FSU choisit de s'intégrer d<strong>ans</strong><br />
l'appareil de la FSU, jugé par certainEs "nouveau <strong>et</strong> combatif".<br />
Les ennemis de tout appareil devenant eux-mêmes un appareil,<br />
les jeux sont faits… Une anecdote donnera la mesure de<br />
l'involution d'un syndicalisme ne pouvant se concevoir s<strong>ans</strong><br />
permanentEs <strong>et</strong> s<strong>ans</strong> déchargéEs syndicaux de toutes sortes :<br />
jusqu'en 1954, les dirigeantEs du SNI, qui regroupait pas<br />
moins de 130 000 membres, maintiennent que "Nul ne<br />
pourra exercer de fonction de permanence pendant plus de trois<br />
mandats consécutifs" (6 <strong>ans</strong> donc). Pour revenir aux dernières<br />
années, nous sommes d<strong>ans</strong> une période où le droit de<br />
tendance, s'il ne recouvre pas une co-gestion des structures<br />
<strong>syndicale</strong>s au plus haut niveau, est en rétraction. Quelque part<br />
le stalinisme <strong>et</strong> les courants bureaucratiques remportent une<br />
victoire provisoire.<br />
Dernier élément, <strong>et</strong> pas le moindre : l'histoire du syndicalisme<br />
révolutionnaire d<strong>ans</strong> l'enseignement est avant tout,<br />
avant même un discours idéologique, l'histoire de groupes<br />
militants. Et de groupes de taille modeste : il est frappant<br />
qu'une tradition idéologique séculaire repose finalement sur<br />
un nombre très réduit de militantEs à certaines époques. Ces<br />
collectifs militants, leur vie est aussi liée aux tr<strong>ans</strong>formations<br />
sociologiques <strong>et</strong> du monde éducatif, <strong>et</strong> pas seulement aux<br />
grandes scissions ou regroupements du mouvement ouvrier à<br />
l'échelon national. Elle est articulée à un investissement d<strong>ans</strong><br />
le mouvement ouvrier, mais aussi d<strong>ans</strong> le mouvement<br />
<strong>pédagogique</strong> : colonies de vacances <strong>et</strong> défense du camp laïque,<br />
pédagogie coopérative (notamment l'ICEM). Il est logique<br />
que les animateurs <strong>et</strong> animatrices des GD (groupes<br />
départementaux) soient souvent considéréEs comme de<br />
fortes personnalités. D<strong>ans</strong> leurs textes respectifs, les camarades<br />
du GD 83, Paul Dagorn d<strong>ans</strong> le Finistère <strong>et</strong> Jean Michel<br />
Bavard pour l'Oise en donnent un aperçu, l'Oise <strong>et</strong> le GD 83<br />
soulignant également la place des femmes d<strong>ans</strong> ce militantisme<br />
de terrain.<br />
Car l'histoire de ces groupes départementaux m<strong>et</strong> aussi en évidence<br />
le rôle moteur des femmes d<strong>ans</strong> l'histoire du syndicalisme<br />
enseignant, rôle traité à la marge - voire occulté - par toute la<br />
génération d'historiens hommes de l'histoire du mouvement<br />
ouvrier - qui partageaient la mentalité patriarcale du<br />
syndicalisme de leur temps où les hommes monopolisaient<br />
les places de leaders. De ce point de vue, les institutrices des<br />
premiers syndicats "d'institutrices <strong>et</strong> d'instituteurs" ont été les<br />
pionnières du combat féministe, luttant dès le début pour<br />
l'égalité des salaires hommes/femmes, qu'elles ont fini par<br />
obtenir (voir l'article de Loïc Le Bars). Nous avons cherché à<br />
réparer c<strong>et</strong>te inégalité de traitement choquante en introduisant<br />
systématiquement un article sur les militantes, les groupes<br />
femmes <strong>et</strong> la revendication féministe d<strong>ans</strong> les articles que la<br />
Revue a consacrés à la construction de L'École Émancipée de<br />
1910 à 1945.<br />
une tradition idéologique ne vaut, quand elle se<br />
réclame d'une perspective révolutionnaire, que par les<br />
faits <strong>et</strong> les actes<br />
C'est s<strong>ans</strong> doute au final le plus important. Faits <strong>et</strong> actes qui en<br />
l'espèce nécessitent des positions de classe face aux tenants du<br />
pouvoir capitaliste, mais aussi face aux appareils bureaucratisés.<br />
Ce qui nous renvoie à la question de l'indépendance de classe.<br />
Depuis quelques années, d'aucuns ont abandonné d<strong>ans</strong> les<br />
faits c<strong>et</strong>te tradition pour des pratiques peu glorieuses, pour<br />
des motifs extérieurs aux nécessités du syndicalisme <strong>et</strong> des<br />
perspectives (illusoires) de pouvoir d<strong>ans</strong> la hiérarchie<br />
<strong>syndicale</strong>. Quant à nous, notre pari est de conserver la boussole de<br />
la lutte des classes <strong>et</strong> de l'indépendance <strong>syndicale</strong>.<br />
Travail collectif <strong>et</strong> continuité d<strong>ans</strong> la perspective militante<br />
illustrés par les signataires de c<strong>et</strong> édito qui, au sein des "équipes<br />
revue", ont contribué - ou contribuent actuellement - à la<br />
parution de chaque numéro en assurant le secrétariat de la<br />
rédaction de L'École Émancipée puis de L'<strong>Émancipation</strong> des<br />
vingt dernières années.<br />
Jean Mourot, Catherine Dumont,<br />
Quentin Dauphiné, Nicole Desautels ❏<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010
N<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
Le socle des revendications<br />
Nous reproduisons ici, avec leur aimable autorisation, les interventions de Loïc Le Bars <strong>et</strong><br />
Clément Talleu à l'occasion du stage national d'<strong>Émancipation</strong> de mai 2010 : "100 <strong>ans</strong><br />
de syndicalisme révolutionnaire d<strong>ans</strong> l'éducation : Histoires - actualités - perspectives".<br />
L'intervention de Loïc le Bars portait sur le socle <strong>et</strong> les thèmes revendicatifs du syndicalisme<br />
révolutionnaire, jusqu'à la réunification <strong>syndicale</strong> de 1936.<br />
action revendicative de la FUE (1) entre 1919 <strong>et</strong><br />
L'1935 reprend <strong>et</strong> approfondit les thèmes que la<br />
FNSI (2) avait développés au début du 20ème siècle.<br />
La fidélité aux principes fondateurs<br />
du syndicalisme révolutionnaire<br />
On y r<strong>et</strong>rouve le même attachement, la même fidélité à<br />
quelques grands principes qui caractérisent le syndicalisme<br />
révolutionnaire d<strong>ans</strong> l'enseignement dès son<br />
apparition :<br />
- le syndicat n'est pas seulement un organe de<br />
"défense des intérêts matériels <strong>et</strong> moraux" de la classe<br />
ouvrière ou d'une autre catégorie de salariés. Car c'est<br />
lui qui impulsera la grève générale prélude à la tr<strong>ans</strong>formation<br />
révolutionnaire de la société. C'est encore à<br />
partir de lui que se constituera la société en marche vers<br />
le socialisme : "Les syndicats doivent se préparer à constituer<br />
les cadres des futures organisations autonomes auxquelles<br />
l'État devra rem<strong>et</strong>tre le soin d'assurer sous son contrôle <strong>et</strong><br />
sous leur contrôle les services progressivement socialisés"<br />
(Manifeste des instituteurs syndicalistes, 1905). Les<br />
revendications défendues par le syndicat doivent donc<br />
anticiper, annoncer la future société socialiste : "Nos<br />
revendications sont un flambeau vers lequel les autres lèvent<br />
leurs regards", a pu ainsi affirmé Maurice Dommang<strong>et</strong><br />
en rappelant que les "pionniers du syndicalisme enseignant"<br />
ne s'intéressaient aux traitements qu'en vue de la bataille<br />
<strong>sociale</strong> ou pour des objectifs sociaux plus précisément égalitaires"<br />
(l<strong>et</strong>tre à Max Ferré, auteur d'une thèse sur Le syndicalisme<br />
révolutionnaire d<strong>ans</strong> l'enseignement primaire, des<br />
origines à 1921, 1954).<br />
- d<strong>ans</strong> un milieu aussi "p<strong>et</strong>it-bourgeois" que celui<br />
des enseignants du primaire, seule une p<strong>et</strong>ite avantgarde,<br />
<strong>et</strong> quelques très rares professeurs du secondaire <strong>et</strong> du<br />
supérieur, peuvent partager c<strong>et</strong>te conception du syndicalisme.<br />
C<strong>et</strong>te conviction s'accompagne chez la plupart<br />
de ces instituteurs <strong>et</strong> institutrices syndicalistes révolutionnaires<br />
d'une certaine condescendance, pour ne pas<br />
dire plus, envers la "masse" incapable de se hisser à leur<br />
niveau de conscience. Le syndicalisme universitaire ne<br />
peut être que minoritaire, <strong>et</strong> il est condamné à le<br />
demeurer encore longtemps.<br />
- les premiers syndicats d'instituteurs sont issus<br />
des "<strong>Émancipation</strong>s", ces amicales qui avaient la<br />
particularité d'avoir été créées par des adjoint-e-s pour<br />
lutter contre "la tyrannie" des directeurs <strong>et</strong> des<br />
directrices qui dirigeaient les amicales "généralistes". Les<br />
"<strong>Émancipation</strong>s" regroupaient la fraction la plus jeune,<br />
la plus dynamique de la profession, celle surtout qui<br />
était parvenue à la conscience politique à travers<br />
l'Affaire Dreyfus. C'est c<strong>et</strong>te rupture de l'unité corporative<br />
qui a préparé <strong>et</strong> permis la fondation de syndicats dès le<br />
début du siècle, contrairement à ce qui s'est passé d<strong>ans</strong> la<br />
plupart des autres administrations où le syndicalisme ne<br />
s'est imposé qu'après la Première Guerre mondiale.<br />
D<strong>ans</strong> l'enseignement primaire, les syndicats ont d'abord<br />
lutté pour l'indépendance des instituteurs, contre la<br />
direction d'école, <strong>et</strong> pas seulement contre les<br />
directeurs/directrices qui abusaient de leurs prérogatives,<br />
contre l'autoritarisme de l'administration <strong>et</strong> les<br />
"déplacements d'office" auxquels elle n'hésitait pas à<br />
recourir contre les "fortes têtes", contre l'ingérence des<br />
hommes <strong>et</strong> des autorités politiques locales.<br />
Les militants qui ont animé la FNSI puis la FUE ont toujours<br />
élaboré leurs revendications avec la volonté de rester<br />
fidèles à ces principes fondateurs. Il en est ainsi particulièrement<br />
d<strong>ans</strong> deux domaines : la lutte contre la direction<br />
d'école <strong>et</strong> le combat pour le "traitement unique".<br />
Pour la suppression<br />
de la direction d'école<br />
Les instituteurs syndicalistes révolutionnaires ne se sont<br />
pas contentés de défendre leurs collègues victimes de<br />
brimades, de réclamer la disparition des "règlements<br />
dictatoriaux" que certains directeurs imposaient parfois à<br />
leurs adjoints, <strong>et</strong> le respect de l'indépendance <strong>pédagogique</strong>.<br />
Ils voulaient combattre le mal à la racine <strong>et</strong> demandaient<br />
la suppression pure <strong>et</strong> simple de la direction d'école<br />
ainsi que le tr<strong>ans</strong>fert de ses attributions au conseil des<br />
maîtres. En 1905, ils réussirent à faire voter par le<br />
congrès des amicales un vœu qui reprenait <strong>et</strong> précisait<br />
c<strong>et</strong>te revendication : "D<strong>ans</strong> chaque école à plusieurs classes,<br />
un maître ou une maîtresse sera chaque année délégué(e)<br />
par ses collègues pour la besogne administrative. L'ancien<br />
régime monarchique de la direction sera remplacé par le<br />
conseil des maîtres, régime de liberté, le seul propre au<br />
personnel enseignant d'une démocratie". Il s'agissait donc<br />
de substituer à la hiérarchie administrative, <strong>et</strong> pas seulement<br />
à l'échelon local, le "self-government", l'autogestion<br />
qui devait préfigurer ce qu'aurait dû être la société<br />
socialiste qu'ils voulaient contribuer à bâtir.<br />
L'adoption de ce vœu illustre aussi la complexité<br />
des relations entre les syndicats <strong>et</strong> les amicales. À sa<br />
fondation, en juill<strong>et</strong> 1905, la FNSI ne compte que<br />
quelques centaines d'adhérents alors que les amicales<br />
en regroupaient plus de 85 000, soit la grande majorité<br />
de la profession. Ses effectifs ne progressèrent que très<br />
modérément par la suite : en 1914, les 46 syndicats de<br />
la FNSI revendiquaient un p<strong>et</strong>it millier de membres<br />
adhérents. Comment, d<strong>ans</strong> ces conditions, les syndiqués<br />
pouvaient-ils agir sinon au sein même des amicales ?<br />
Beaucoup d'entre eux se firent donc élire délégués la<br />
même année au congrès amicaliste au cours duquel ils<br />
(1) FUE :<br />
Fédération<br />
Unitaire de<br />
l'Enseignement,<br />
affiliée à la<br />
CGT-U.<br />
(2) FNSI :<br />
Fédération<br />
Nationale des<br />
Syndicats<br />
d'Instituteurs<br />
<strong>et</strong> Institutrices<br />
publics de<br />
France <strong>et</strong> des<br />
Colonies,<br />
ancêtre de la<br />
FUE…<br />
III
N<br />
(3) SNI :<br />
Syndicat<br />
National des<br />
Instituteurs,<br />
issu de la<br />
"syndicalisation"<br />
des Amicales<br />
au sein de la<br />
CGT réformiste.<br />
Ancêtre du<br />
SNI-PEGC…<br />
IV<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
se réunirent en "fraction" pour élaborer le vœu qui fut<br />
finalement adopté s<strong>ans</strong> réelle opposition. Par la suite, si<br />
la Fédération des amicales demanda effectivement la<br />
création des conseils des maîtres, elle se garda bien en<br />
revanche de préconiser la suppression de la direction<br />
d'école ! C<strong>et</strong>te exigence ne fut formulée que par la FNSI.<br />
Les instituteurs syndicalistes n'en<br />
continuèrent pas moins à rester<br />
membres des amicales <strong>et</strong> à y<br />
intervenir, <strong>et</strong> cela même d<strong>ans</strong> les<br />
syndicats, comme celui du<br />
Maine-<strong>et</strong>-Loire dirigé par Louis<br />
<strong>et</strong> Gabrielle Bouët, les plus<br />
hostiles à l'amicalisme. Leurs AG<br />
avaient lieu le même jour que<br />
celles des amicales de leurs<br />
départements, <strong>et</strong> elles discutaient<br />
principalement des positions que<br />
les syndiqués allaient y défendre.<br />
Des syndicalistes connus comme<br />
tels, étaient souvent élus d<strong>ans</strong><br />
les instances délibératives des<br />
amicales, mais beaucoup, privilégiant<br />
leur militantisme syndical,<br />
refusaient de participer à leur<br />
direction. D'autres, au contraire,<br />
estimaient qu'ils devaient en priorité<br />
se consacrer à leur intervention d<strong>ans</strong> le<br />
mouvement amicaliste pour le<br />
gagner le plus rapidement possible<br />
au syndicalisme. C'est ainsi<br />
qu'Émile Glay <strong>et</strong> Louis Roussel,<br />
syndicalistes de la première heure, se r<strong>et</strong>rouvèrent en 1909<br />
à la tête de la Fédération des amicales. Leur désignation<br />
provoqua d'ailleurs de sérieux remous d<strong>ans</strong> la<br />
Fédération. C<strong>et</strong>te question ressurgit avec une toute<br />
autre ampleur quand, en 1919, s'amorça la syndicalisation<br />
des amicales <strong>et</strong> que se posa le problème de leur fusion<br />
avec les anciens syndicats.<br />
La circulaire ministérielle du 15 janvier 1908 qui instituait<br />
les conseils de maîtres ne répondait que très partiellement<br />
au vœu voté par le congrès des amicales trois <strong>ans</strong> auparavant.<br />
D'abord, ils n'étaient pas obligatoires <strong>et</strong> surtout<br />
les prérogatives des directeurs n'étaient nullement remises<br />
en cause. La FNSI continua donc sa propagande contre la<br />
direction d'école <strong>et</strong> préconisa la suppression de l'indemnité<br />
accordée à ceux qui exerçaient c<strong>et</strong>te fonction.<br />
Progrès <strong>et</strong> difficultés de<br />
la lutte anti-hiérarchique<br />
La FUE reprit à son compte ce combat. Son premier<br />
congrès décida que ses syndicats refuseraient les demandes<br />
d'adhésion émanant des directeurs déchargés de classe.<br />
Elle défendit elle aussi des revendications tendant à limiter<br />
le rôle de ces derniers. Elle demanda que l'inspection<br />
des instituteurs, qu'elle ne rem<strong>et</strong>tait pas en cause, se<br />
déroulât hors de la présence des directeurs <strong>et</strong> que les<br />
rapports qui en résultaient fussent tr<strong>ans</strong>mis directement<br />
aux intéressés <strong>et</strong> non plus par leur intermédiaire.<br />
Elle obtint satisfaction d<strong>ans</strong> quelques départements<br />
comme l'Ardèche, où son influence était prépondérante<br />
parmi le personnel de l'enseignement primaire. Ailleurs,<br />
quelques syndicats incitèrent leurs adhérents inspectés à<br />
refuser la présence de leur directeur. Plusieurs d'entre<br />
eux furent sanctionnés ou menacés de l'être. Aussi, la<br />
Fédération lança-t-elle en 1929 un mot d'ordre national<br />
de refus de l'inspection en présence du directeur. Mais<br />
elle dut y renoncer au bout de quelques mois : une<br />
grande partie de ses adhérents,<br />
instituteurs d<strong>ans</strong> une école à<br />
classe unique ou à deux classes,<br />
n'étaient pas concernés par ce<br />
problème, <strong>et</strong> les autres devaient<br />
agir individuellement, s'exposant<br />
ainsi à la répression. De plus, le<br />
SNI (3) refusait toute perspective<br />
d'action commune. Il faut dire<br />
aussi que les relations entre<br />
directeurs <strong>et</strong> adjoints s'étaient<br />
sensiblement améliorés depuis<br />
le début du siècle. Les menaces<br />
de sanction se multiplièrent. La<br />
Fédération fut donc contrainte de<br />
lever son mot d'ordre moins d'un<br />
an après son lancement.<br />
Mais la suppression de la direction<br />
continua à figurer parmi ses revendications,<br />
de même que celle de<br />
l'indemnité à laquelle elle donnait<br />
droit. Ce n'était pas d'ailleurs la<br />
seule que la Fédération voulait<br />
voir supprimer en application de<br />
son proj<strong>et</strong> de "traitement unique"<br />
qui devint très rapidement son<br />
principal cheval de bataille.<br />
Le principe du traitement unique<br />
En matière de rémunérations, les syndicats, avant 1912,<br />
soutenaient l'action des amicales en faveur de la<br />
"péréquation" du traitement des instituteurs avec<br />
ceux des contrôleurs des contributions indirectes <strong>et</strong> des<br />
inspecteurs des PTT. Il faut dire qu'à c<strong>et</strong>te époque<br />
n'existait pas encore de grille unique pour l'ensemble<br />
de la fonction publique <strong>et</strong> que chaque catégorie de<br />
fonctionnaires entendait "maintenir son rang" <strong>et</strong> donc<br />
ne pas se laisser distancer d<strong>ans</strong> ce domaine par celles qui<br />
occupaient une place jugée analogue d<strong>ans</strong> la hiérarchie<br />
administrative. La FNSI appuya également la campagne<br />
de protestation menée par la Fédération des amicales à<br />
l'annonce par le ministère de l'Instruction publique, en<br />
avril 1910, qu'il se voyait contraint, faute de crédits,<br />
d'interrompre les liquidations des r<strong>et</strong>raites des instituteurs<br />
pour une durée indéterminée. C<strong>et</strong>te mesure suscita un<br />
tollé général d<strong>ans</strong> la profession. La Fédération des<br />
amicales lança un appel à l'opinion publique <strong>et</strong> organisa de<br />
grandes réunions publiques, auxquelles les syndicalistes<br />
furent bien souvent appelés à prendre la parole, pour<br />
protester contre c<strong>et</strong>te iniquité. Le ministère ne tarda pas<br />
à trouver les crédits nécessaires <strong>et</strong> les instituteurs purent<br />
de nouveau partir à la r<strong>et</strong>raite.<br />
Mais en 1913 la hausse des prix <strong>et</strong> la perte de pouvoir<br />
d'achat qui en résulte, amènent le congrès de la<br />
FNSI à se préoccuper d'un peu plus près au problème<br />
des traitements. Les congressistes presque unanimes<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010
N<br />
se prononcent pour l'égalité des traitements entre<br />
les instituteurs <strong>et</strong> les institutrices, égalité qui sera obtenue<br />
en 1919. Quelques-uns d'entre eux défendent aussi le<br />
principe du "traitement unique" pour tous les instituteurs,<br />
du début à la fin de leur carrière. Ils affirment qu' "on<br />
n'enseigne pas forcément mieux quand on est âgé", car<br />
"l'expérience peut s'enliser d<strong>ans</strong> la routine". Ils font aussi<br />
remarquer que c'est quand on est jeune qu'on a le plus de<br />
besoins. Ils proposent donc que l'échelle des traitements<br />
soit réduite à deux classes, une pour les stagiaires, l'autre<br />
pour tous les titulaires. Leur proj<strong>et</strong> suscite de nombreuses<br />
oppositions, <strong>et</strong> le congrès se contente de le m<strong>et</strong>tre à<br />
l'étude pour que tous les syndiqués puissent en discuter.<br />
Le traitement unique<br />
devient une revendication<br />
Ses promoteurs ont conscience que ce proj<strong>et</strong> heurte de<br />
plein fou<strong>et</strong> bien des "préjugés" répandus d<strong>ans</strong> la profession.<br />
Ils n'en font donc pas une revendication immédiatement<br />
réalisable ; ils le présentent comme un objectif qui<br />
détermine la nature des revendications <strong>et</strong> qui a le mérite<br />
de préfigurer ce que sera la société égalitaire qu'ils appellent<br />
de leurs vœux. Les syndiqués se montrent de plus en<br />
plus sensibles à leurs arguments, <strong>et</strong> en 1917, la FNSI<br />
adopte le principe du traitement unique. Deux <strong>ans</strong> plus<br />
tard, la FSMEL - appelée plus communément FUE - fait de<br />
même <strong>et</strong> affirme vouloir étendre son champ d'application à<br />
toutes les catégories d'enseignants. Dès lors, le "TU" va<br />
devenir la revendication emblématique du syndicalisme<br />
révolutionnaire d<strong>ans</strong> l'enseignement. La Fédération, ses<br />
syndicats <strong>et</strong> ses "groupes de jeunes" entreprennent une<br />
très active propagande en sa faveur <strong>et</strong> se battent pour<br />
des revendications qui, à l'exemple de l'exigence d'une<br />
augmentation ou d'une indemnité de vie chère uniforme<br />
pour tous, peut perm<strong>et</strong>tre de s'en rapprocher. Mais<br />
c<strong>et</strong>te orientation va se révéler difficile à m<strong>et</strong>tre en œuvre<br />
d<strong>ans</strong> c<strong>et</strong>te période d'après-guerre caractérisée par une<br />
inflation qui ne cesse de réduire le pouvoir d'achat des<br />
salariés. C<strong>et</strong>te situation exacerbe les conflits entre les<br />
organisations <strong>syndicale</strong>s des différentes catégories de<br />
fonctionnaires. C'est par exemple le cas du SNI qui<br />
consacre beaucoup de temps <strong>et</strong> d'énergie à combattre<br />
les "prétentions de Fédération postale de la CGT".<br />
La FSMEL continue, elle, à revendiquer en priorité le<br />
relèvement de traitement des débutants. En 1925-<br />
1926, elle précise <strong>et</strong> complète son proj<strong>et</strong> de "TU" : il<br />
s'agirait de prendre l'ensemble des masses salariales, la<br />
plupart des indemnités comprises, attribuées aux<br />
stagiaires <strong>et</strong> aux titulaires <strong>et</strong> de diviser chacune d'elles<br />
par le nombre d'instituteurs concernés. Seules seraient<br />
maintenues les indemnités liées à la situation familiale<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
Les traitements des instituteurs <strong>et</strong> institutrices en 1905 (source INRP)<br />
ainsi que celle que la FUE voudrait voir attribuée aux<br />
titulaires des "postes déshérités" (écoles de hameaux,<br />
régions particulièrement isolées <strong>et</strong> difficiles d'accès). Le<br />
proj<strong>et</strong> prévoit aussi une "péréquation interne" qui étend<br />
le principe du TU à toutes les catégories d'enseignants.<br />
Pour tenir compte des "préjugés", particulièrement<br />
tenaces, liés à la possession de diplômes ou de titres<br />
considérés comme plus prestigieux que d'autres <strong>et</strong> à la<br />
durée des études nécessaires pour les obtenir, la FUE ne<br />
demande pas le même traitement pour toutes les<br />
catégories mais revendique l'instauration d'une échelle<br />
allant de un pour les instituteurs à trois pour les<br />
professeurs des facultés parisiennes.<br />
Ce proj<strong>et</strong> rencontre un certain écho parmi les instituteurs<br />
ruraux <strong>et</strong> plus encore parmi les jeunes, ces deux catégories<br />
ayant d'ailleurs tendance à se confondre. À tel point que<br />
le SNI se voit obligé de le m<strong>et</strong>tre à l'ordre du jour<br />
de plusieurs de ses congrès. L'un d'eux adopte même<br />
le principe du TU mais il ne l'intègre pas d<strong>ans</strong> son<br />
programme revendicatif pour ne pas entraver l'action<br />
commune avec les autres fédérations de fonctionnaires.<br />
La même chose se passe d<strong>ans</strong> la Fédération autonome<br />
des fonctionnaires (4).<br />
Cependant la propagande de la FUE en faveur du TU <strong>et</strong><br />
l'intérêt qu'elle suscite obligent le SNI à mieux prendre<br />
en compte les revendications des jeunes instituteurs, ce qui<br />
aboutira à un resserrement de l'échelle des traitements.<br />
De même, l'organisation confédérée reprend à son<br />
compte la demande d'une indemnité spécifique<br />
pour les postes déshérités, que d'assez nombreux<br />
départements finiront par accorder.<br />
Mais la FUE, de par sa faiblesse numérique <strong>et</strong> son<br />
absence d'implantation d<strong>ans</strong> un bon quart des départements<br />
métropolitains, est obligée de se rallier bon gré mal gré<br />
aux actions décidées s<strong>ans</strong> concertation par le SNI sur ses<br />
revendications. C'est ce qui arrivera le 20 février1933<br />
quand ce syndicat lancera un mot d'ordre de grève, limitée<br />
à une demi-heure, pour protester contre un décr<strong>et</strong>-loi<br />
faisant passer la r<strong>et</strong>raite des instituteurs de 55 à 60 <strong>ans</strong>, <strong>et</strong><br />
surtout le 12 février 1934 quand les enseignants du primaire<br />
participèrent en masse à la grève générale appelée par la<br />
CGT puis la CGTU en riposte aux émeutes du 6 février.<br />
L'École Émancipée resta fidèle après la réunification<br />
<strong>syndicale</strong> de 1935/1936 à ces principes constitutifs du<br />
syndicalisme révolutionnaire d<strong>ans</strong> l'enseignement. Elle<br />
continua donc à privilégier les revendications qui, comme<br />
les augmentations uniformes pour tous, tendaient à<br />
réduire l'échelle des rémunérations, <strong>et</strong> à relayer celles<br />
qui émanaient des catégories les plus défavorisées <strong>et</strong><br />
surtout les plus soumises à la précarité.<br />
Loïc Le Bars ❏<br />
(4) Fédération<br />
autonome des<br />
fonctionnaires :<br />
affiliée ni à la<br />
CGT ni à la<br />
CGT-U, elle<br />
militait pour<br />
leur unité <strong>et</strong> leur<br />
réunification.<br />
V
N<br />
VI<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
Manifeste des Amis de<br />
l'École Émancipée (1954)<br />
Ce texte, comme il l'indique lui-même, vise à présenter de manière organisée <strong>et</strong> synthétique le<br />
système revendicatif de l'ÉÉ au début des années 1950. Texte à certains égards fondateur, <strong>et</strong> dont les<br />
thématiques montrent une grande continuité - mais aussi des évolutions - entre la FUE <strong>et</strong> la tendance<br />
des années 1970.<br />
Le texte suivant qui définit d<strong>ans</strong> ses grandes lignes notre<br />
courant syndicaliste, nous a souvent été demandé. Les<br />
enseignants venus à l'action <strong>syndicale</strong> depuis la Libération<br />
<strong>et</strong> peu informés des luttes d'avant-guerre se sont souvent<br />
plaints à nous de mal connaître l'École émancipée, ce qui la<br />
caractérise, ce qui l'oppose au courant réformiste <strong>et</strong> au courant<br />
stalinien. Une lecture suivie de notre revue perm<strong>et</strong> d<strong>ans</strong> une<br />
très large mesure de se faire une idée précise de ce que nous<br />
sommes, de ce que nous voulons. Mais nos camarades souhaitent,<br />
pour les aider à voir clair, un exposé de nos principes. Ils le<br />
souhaitent également pour les aider d<strong>ans</strong> la propagande qu'ils<br />
mènent autour d'eux. Ils le trouveront ci-après tel qu'il résulte<br />
d'un travail collectif.<br />
Conceptions <strong>syndicale</strong>s de L'École Émancipée<br />
L'École Émancipée se réclame, d<strong>ans</strong> le mouvement syndical<br />
universitaire, de la tendance syndicaliste révolutionnaire. En ce<br />
sens, elle soutient un certain nombre de principes concernant<br />
la nature <strong>et</strong> le rôle du syndicalisme en général.<br />
A) Le syndicalisme révolutionnaire<br />
<strong>et</strong> la lutte des classes<br />
1) Le syndicalisme révolutionnaire reconnaît l'existence de<br />
l'exploitation du travail <strong>et</strong> la division de la société en classes<br />
antagonistes : les classes dominantes <strong>et</strong> les classes exploitées,<br />
d'où l'existence de la lutte des classes.<br />
2) En c<strong>et</strong>te lutte, le syndicaliste révolutionnaire prend<br />
le parti des exploités contre les exploiteurs d'une manière<br />
inconditionnelle <strong>et</strong> permanente.<br />
3) II dénonce les efforts des classes dominantes, s'appuyant<br />
sur le progrès technique, pour établir une hiérarchisation au<br />
sein des classes exploitées par une catégorisation qui devient un<br />
instrument de division <strong>et</strong> de discorde favorable à la domination<br />
de classe. D'où l'opposition irréductible du syndicalisme révolutionnaire<br />
à l'ouverture de l'éventail des salaires, à la création<br />
factice de fonctions <strong>et</strong> de titres, à la formation de pseudoélites<br />
économiques, tous moyens qui aboutissent à atténuer<br />
l'opposition de classe à la bourgeoisie <strong>et</strong> à l'État qui l'incarne.<br />
D<strong>ans</strong> tous les cas, le syndicaliste se situe aux côtés des<br />
travailleurs les plus exploités.<br />
4) Le syndicaliste révolutionnaire œuvre au triomphe de la<br />
révolution <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> du socialisme démocratique par la gestion<br />
ouvrière des instruments de travail, de production <strong>et</strong> d'échange, la<br />
disparition des classes, comme fin normale de la lutte des classes.<br />
5) En ce sens, le syndicaliste révolutionnaire est solidaire des<br />
travailleurs du monde entier. Il pratique un internationalisme<br />
intr<strong>ans</strong>igeant : l'internationalisme prolétarien, qui se manifeste<br />
en particulier à l'égard des travailleurs des colonies métropolitaines<br />
contre la bourgeoisie de sa propre nation.<br />
6) L'internationalisme prolétarien interdit au travailleur de<br />
se solidariser avec un État quelconque - y compris les États dits<br />
"socialistes".<br />
7) II exige par conséquent de ses partis<strong>ans</strong> une opposition<br />
irréductible à la guerre <strong>et</strong> sa préparation, c'est-à-dire à l'armée,<br />
la police, le service militaire, la préparation militaire, <strong>et</strong>c. Il ne<br />
fait aucune concession au chauvinisme sous quelque forme<br />
qu'il se présente, y compris les formes réformistes <strong>et</strong> staliniennes.<br />
En cas de guerre interimpérialiste, le syndicaliste révolutionnaire<br />
prend le parti des classes ouvrières entraînées d<strong>ans</strong> le conflit.<br />
B) Nature <strong>et</strong> buts du syndicat<br />
comme organisation de classe<br />
1) Le syndicat est l'organisation naturelle qui, sur le plan<br />
économique, rassemble les travailleurs d'une même profession,<br />
s<strong>ans</strong> distinction d'origine, d'opinions politiques, philosophiques<br />
ou confessionnelles. Il est l'instrument de la lutte, de la défense<br />
<strong>et</strong> de l'éducation des travailleurs, <strong>et</strong> il le reste sous tous les régimes,<br />
même après la révolution sous un régime tr<strong>ans</strong>itoire.<br />
2) En tant qu'organisation communautaire, le syndicat fait<br />
prédominer constamment l'intérêt commun de tous les syndiqués<br />
sur les intérêts de catégorie.<br />
3) Le syndicat est indépendant. Il répudie tout lien avec les<br />
partis politiques, l'État ou les Églises <strong>et</strong> d'une manière générale<br />
tout groupement extérieur. C<strong>et</strong>te règle n'exclut nullement la<br />
possibilité d'accords circonstanciels avec d'autres organisations<br />
non <strong>syndicale</strong>s en vue de lutter contre l'ennemi de classe commun.<br />
Ces accords - toujours révocables - sont déterminés surtout par<br />
la conjoncture historique, non par des principes d'action. En<br />
résumé, aucune pression étrangère ne peut être tolérée.<br />
4) Le souci d'indépendance détermine quelques principes<br />
organisationnels valables en toutes circonstances :<br />
- interdiction du cumul des mandats politiques <strong>et</strong> syndicaux ;<br />
- homogénéité des organes exécutifs ;<br />
- renouvellement des responsables syndicaux après un certain<br />
nombre de mandats consécutifs.<br />
5) L'orientation <strong>syndicale</strong> est déterminée par des congrès<br />
ou des assemblées générales démocratiquement organisés <strong>et</strong><br />
réguliers. La démocratie est assurée par une conception n<strong>et</strong>te<br />
des droits <strong>et</strong> des devoirs des syndiqués.<br />
Parmi ces droits <strong>et</strong> ces devoirs, il en est qui sont stricts.<br />
Essentiellement : le droit de défendre son point de vue au sein<br />
de l'organisation, d<strong>ans</strong> les réunions, les congrès <strong>et</strong> la presse, par la<br />
parole <strong>et</strong> par l'écrit, d<strong>ans</strong> l'exercice d'une liberté statutairement<br />
<strong>et</strong> pratiquement assurée ; le devoir de participer aux assemblées<br />
générales ; celui de s'incliner, pour les décisions d'action,<br />
devant une majorité régulièrement dégagée d<strong>ans</strong> les assises<br />
<strong>syndicale</strong>s.<br />
C) Le syndicalisme révolutionnaire <strong>et</strong> l'administration<br />
Sur le plan de la fonction publique, le syndicalisme révolutionnaire<br />
établit une discrimination nécessaire entre fonctionnaires<br />
d'exécution <strong>et</strong> fonctionnaires d'autorité.<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010
N<br />
1) Par fonctionnaires d'autorité, nous entendons les<br />
fonctionnaires qui ne sont pas les simples agents salariés<br />
de l'État, mais ses représentants directs. Les rapports des<br />
fonctionnaires d'exécution avec l'État sont des rapports<br />
analogues à ceux des ouvriers <strong>et</strong> des patrons ; les fonctionnaires<br />
d'autorité sont l'État incarné, matérialisé.<br />
2) En ce sens, la lutte contre les classes dominantes se<br />
trouve tr<strong>ans</strong>posée sur le plan administratif sous la forme d'une<br />
lutte contre l'autorité.<br />
3) En toutes occasions, le syndicaliste révolutionnaire<br />
dénonce les abus, les injustices, les pressions administratives <strong>et</strong><br />
plus généralement la "raison d'État". Il se solidarise avec tous<br />
les camarades brimés par les chefs.<br />
4) II n'y a entre l'autorité <strong>et</strong> le syndicat aucune collaboration<br />
confiante. Il y a antagonisme <strong>et</strong> lutte.<br />
Le syndicat œuvre d<strong>ans</strong> le sens de l'affaiblissement de l'autorité.<br />
Il se prononce contre le choix, les notes plus ou moins<br />
confidentielles, l'arbitraire d<strong>ans</strong> les systèmes d'avancement <strong>et</strong><br />
de mutations, <strong>et</strong>c.; il combat tout ce qui peut renforcer la<br />
puissance de l'autorité <strong>et</strong> diviser le personnel : récompenses<br />
honorifiques, décorations, primes au rendement, <strong>et</strong>c. La lutte<br />
contre l'autorité fait partie de l'apprentissage de la gestion<br />
directe.<br />
L'ÉÉ comme tendance<br />
d<strong>ans</strong> le syndicalisme universitaire<br />
1) L'attitude révolutionnaire affirmée sur le plan social doit<br />
avoir son r<strong>et</strong>entissement sur la fonction enseignante, car la<br />
libération <strong>sociale</strong> ne se sépare pas de la liberté de la pensée. Il<br />
s'agit moins pour nous d'inculquer un programme que de<br />
former des hommes. C<strong>et</strong>te formation ne se conçoit pas s<strong>ans</strong> le<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
A) Principes généraux<br />
1) L'École Émancipée est une tendance <strong>syndicale</strong> organisée.<br />
Ce n'est pas une fraction politique. Elle ne représente aucun<br />
groupement extérieur au syndicat d<strong>ans</strong> la Fédération de<br />
l'Éducation Nationale.<br />
2) Elle défend publiquement ses principes au sein de son<br />
organisation. Elle élabore une orientation conforme à ses<br />
principes. Elle présente d<strong>ans</strong> les diverses assises <strong>syndicale</strong>s sa<br />
motion d'orientation, qui ENGAGE SUR LE PLAN SYNDICAL<br />
les militants qui se réclament d'elle.<br />
3) Totalement indépendante, L'École Émancipée lutte<br />
contre les deux blocs : aussi bien contre le bloc représenté par<br />
le capitalisme national <strong>et</strong> international, que contre le bloc des<br />
États dits "socialistes".<br />
4) Elle affirme en outre l'incompatibilité entre l'appartenance<br />
à une organisation confessionnelle quelconque <strong>et</strong><br />
l'appartenance à la tendance.<br />
5) En se définissant comme branche universitaire du<br />
syndicalisme révolutionnaire, L'École Émancipée n'entend<br />
nullement se replier d<strong>ans</strong> un égoïsme corporatif. Au contraire.<br />
Elle se doit de répandre ses principes généraux hors de la F.E.N.<br />
En ce sens elle fait un devoir à ses militants de s'intéresser<br />
activement à la vie des autres syndicats, de se lier aux travailleurs<br />
qui manifestent leur accord avec ses principes, de rechercher<br />
toutes occasions de liaisons extérieures à l'enseignement.<br />
6) Elle collabore à tout effort sérieux de réunification<br />
<strong>syndicale</strong> en s'efforçant de faire triompher les perspectives du<br />
syndicalisme révolutionnaire.<br />
B) L'École Émancipée <strong>et</strong> la fonction enseignante<br />
respect total de l'enfant qui nous est confié <strong>et</strong> la certitude que<br />
la suprême valeur pour l'homme, c'est l'homme lui-même,<br />
d<strong>ans</strong> son irréductible individualité. De là un certain nombre de<br />
principes <strong>pédagogique</strong>s, aussi essentiels pour nous que les<br />
exigences de l'action syndicaliste.<br />
2) Le premier devoir de l'éducateur est la formation de<br />
l'esprit critique de l'enfant. Il assure l'apprentissage du jugement<br />
personnel.<br />
De là le rej<strong>et</strong> de toutes les méthodes dites "d'autorité",<br />
sous quelque forme qu'elles se présentent, la probité <strong>et</strong><br />
l'objectivité de l'enseignement, le refus du "bourrage de<br />
crâne", les "rabâchages" <strong>et</strong> d'une manière générale tous les<br />
procédés d'abrutissement, fondés sur une mémorisation<br />
inintelligente.<br />
3) L'éducateur révolutionnaire lutte contre la signification<br />
réactionnaire des programmes <strong>et</strong> les propagandes insidieuses<br />
développées à l'occasion des matières enseignées. Il est<br />
particulièrement vigilant sur la déformation des faits historiques<br />
<strong>et</strong> le choix des textes littéraires, ainsi que sur les fausses valeurs<br />
mises en lumière par les ouvrages de morale.<br />
4) II lutte contre l'imbécillité des programmes mal élaborés<br />
<strong>et</strong> mal conçus, les procédés stérilisants, par exemple, les études<br />
purement livresques.<br />
5) En développant l'esprit critique, l'éducateur s'efforce de<br />
développer l'esprit de recherche, la curiosité <strong>et</strong> le souci du<br />
contrôle. Il reprend à son compte le grand principe cartésien :<br />
"N'accepter aucune chose pour vraie, qu'on ne la connaisse<br />
évidemment être telle".<br />
6) En un mot, sur le plan <strong>pédagogique</strong>, l'éducateur<br />
s'efforce d'assurer une lucidité intellectuelle, une maîtrise de la<br />
pensée, qui ne fait aucune concession à toutes les entreprises<br />
de mutilation morale des enfants qui lui sont confiés.<br />
CONCLUSION<br />
D<strong>ans</strong> le monde actuel, <strong>et</strong> spécialement en France, il n'y a guère que<br />
trois courants syndicaux qui s'offrent au choix des travailleurs.<br />
On a le choix entre :<br />
- Le courant réformiste, qui se caractérise par une perspective<br />
faite de réformes successives <strong>et</strong> légales dont il attend une<br />
amélioration progressive <strong>et</strong> paisible du sort de la classe<br />
ouvrière. Le résultat immédiat de c<strong>et</strong>te conception idéaliste est<br />
la mutilation de l'action ouvrière, qui trouve ses limites<br />
conscientes ou non d<strong>ans</strong> le souci de maintenir la légalité <strong>et</strong><br />
l'ordre établi.<br />
- Le courant stalinien, qui se caractérise avant tout, par une<br />
soumission inconditionnée aux exigences de la politique<br />
soviétique. Avec lui la notion de classe est complètement<br />
tr<strong>ans</strong>formée. Le clan ennemi comprend tous ceux, capitalistes<br />
ou ouvriers, qui sont hostiles à l'U.R.S.S. ; le clan ami, tous<br />
ceux, ouvriers ou bourgeois, qui sont sur un plan quelconque<br />
favorables à l'U.R.S.S. L'action <strong>syndicale</strong>, de ce fait, n'est jamais<br />
déterminée selon les besoins spécifiques des travailleurs, mais<br />
exclusivement selon les intérêts de la politique extérieure russe.<br />
- Enfin, le courant révolutionnaire, qui ne néglige nullement<br />
les réformes, lorsque l'occasion se présente de les obtenir, mais<br />
qui n'y voit pas la fin de l'action ouvrière. Le but final, c'est<br />
la révolution socialiste <strong>et</strong> la gestion directe par les travailleurs<br />
après la disparition de l'exploitation du travail. Contre le<br />
stalinisme, il affirme le droit du monde du travail à se déterminer<br />
lui-même <strong>et</strong> à rester le maître de son action libératrice, s<strong>ans</strong><br />
souci des intérêts qui lui restent étrangers.<br />
L'É.É. 6 mars 1954.<br />
VII
N<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
Après la seconde guerre mondiale, le syndicalisme révolutionnaire<br />
est en recomposition <strong>et</strong> aussi en dispersion,<br />
avec par exemple la création de la CNT… la plupart de<br />
ces syndicalistes révolutionnaires vont se r<strong>et</strong>rouver dès 1948<br />
<strong>et</strong> ensuite au sein d'École Émancipée. Je vais rester cadré<br />
essentiellement sur la période qui va de 1968 <strong>et</strong> un peu avant,<br />
jusqu'à 1981 <strong>et</strong> un peu après.<br />
Un climat politique <strong>et</strong> social<br />
qui affecte l'ÉÉ<br />
C'est une période qui présente pas mal de particularités : elle<br />
est particulièrement riche en luttes ouvrières (c'est l'après 68,<br />
ce sont aussi les grandes grèves de la métallurgie, les LIP…). On<br />
a aussi affaire à un climat politique, économique <strong>et</strong> social très<br />
chargé au niveau international : c'est le début des guerillas en<br />
Amérique du Sud, la lutte anti-franquiste en Espagne <strong>et</strong> la lutte<br />
anti-fasciste au Portugal, <strong>et</strong>c… en France se m<strong>et</strong>tent en place<br />
l'union de la gauche <strong>et</strong> le programme commun.<br />
Pour l'ÉÉ c'est aussi une période qui est importante, puisqu'il<br />
y a une vraie recomposition de la tendance : c'est ce qu'on<br />
disait hier par exemple concernant la place de la pédagogie<br />
d<strong>ans</strong> L'École Émancipée. Après guerre, la place de la pédagogie<br />
devient de moins en moins importante, <strong>et</strong> d<strong>ans</strong> les années<br />
1970, on voit clairement la différence : les articles <strong>pédagogique</strong>s<br />
prennent moins d'un cinquième de la place d<strong>ans</strong> la revue.<br />
Je l'explique par le fait que la tendance, qui auparavant était<br />
pleinement inscrite d<strong>ans</strong> le mouvement <strong>pédagogique</strong> <strong>et</strong> d<strong>ans</strong><br />
le mouvement syndical comme l'a expliqué Loïc Le Bars, va se<br />
r<strong>et</strong>rouver plutôt d<strong>ans</strong> l'éventail, la kyrielle des organisations<br />
d'extrême gauche françaises. Ce phénomène provient de la<br />
multiplication des mouvements d'extrême gauche justement.<br />
Ainsi, la IVe Internationale - Secrétariat Unifié se développe de<br />
nouveau avec la Ligue Communiste, avec un certain nombre<br />
de militants (toute la clique de l'époque de Krivine) issus de la<br />
JCR qui deviennent enseignants au début des années 1970 <strong>et</strong><br />
qui adhérent à l'ÉÉ : d<strong>ans</strong> les "thèses" du secteur enseignement<br />
de la LCR, ils invitent leurs militants de l'Éducation nationale à<br />
appartenir à la tendance ÉÉ, en se syndiquant avant d<strong>ans</strong> la<br />
FEN pour ensuite adhérer à la tendance ÉÉ.<br />
L'activité de la tendance atteste le fait qu'elle devient beaucoup<br />
plus "branchée" sur les thèmes syndicaux, politiques, chers à toute<br />
l'extrême gauche française, que sur les questions <strong>syndicale</strong>s qui<br />
prennent une part moindre d<strong>ans</strong> le mouvement.<br />
Examinons maintenant quelques-unes des principales revendications<br />
de l'ÉE à c<strong>et</strong>te période-là.<br />
Revendications "politiques"<br />
<strong>et</strong> <strong>syndicale</strong>s<br />
L’après 68<br />
Une démocratie <strong>syndicale</strong> qui a permis de gérer<br />
des débats politiques extrêmement tendus<br />
Ci-dessous l'intervention de Clément Talleu lors du Stage national <strong>Émancipation</strong> de mai 2010 (cf.p.III)<br />
à propos de thèmes <strong>et</strong> revendications du syndicalisme révolutionnaire d<strong>ans</strong> l'éducation entre 1968 <strong>et</strong> 1981.<br />
En gros, comme avant <strong>et</strong> comme aujourd'hui d'ailleurs, il y a deux<br />
grands types de revendications. Il y a celles qui recoupent le champ<br />
politique au sens large : l'anti-impérialisme, l'anti-fascisme,<br />
VIII<br />
l'internationalisme prolétarien, le féminisme, l'antimilitarisme,<br />
<strong>et</strong>c. sur lesquelles je reviendrai. Et parallèlement il y a toutes les<br />
autres problématiques de prédilection de la tendance <strong>syndicale</strong>,<br />
qui sont celles concernant l'Éducation nationale, l'actualité<br />
<strong>syndicale</strong> du pays, la FEN <strong>et</strong> ses contradictions internes…<br />
"L'autogestion, de la vraie<br />
<strong>et</strong> de la fausse"<br />
Les syndicalistes révolutionnaires de l'ÉÉ vont revendiquer, déjà<br />
auparavant <strong>et</strong> particulièrement à ce moment-là, l'autogestion<br />
révolutionnaire contre les bureaucraties notamment celle de la<br />
FEN : voici une des premières revendications que je vais aborder.<br />
C'est la question de l'autogestion, puisque d<strong>ans</strong> la période des années<br />
1970-1980, l'autogestion devient le mot d'ordre de rassemblement<br />
de toute la gauche française : le PS s'y m<strong>et</strong> <strong>et</strong> en fait un de ses<br />
thèmes de prédilection (il faut quand même attendre le<br />
congrès de Rennes de 1990 pour que le PS efface de ses statuts<br />
la notion de socialisme autogestionnaire). L'autogestion, on la<br />
trouve partout durant ces années : le PCF <strong>et</strong> Marchais en font<br />
leur thème de campagne en 1981, la CGT s'y m<strong>et</strong>, le PSU surfe<br />
complètement sur la vague de l'autogestion. Toute la gauche<br />
prise donc ce thème qui est très cher aux militants après 1968.<br />
C<strong>et</strong>te situation va profondément irriter l'ÉÉ, puisqu'eux<br />
considèrent que l'autogestion, la seule, la vraie <strong>et</strong> l'unique, ce<br />
sont les syndicalistes révolutionnaires qui la détiennent… <strong>et</strong><br />
donc ils vont se prononcer vraiment contre les "falsificateurs" des<br />
thèmes autogestionnaires. En 1975, il y a ainsi d<strong>ans</strong> la Revue<br />
un article sur "L'autogestion, de la vraie <strong>et</strong> de la fausse", qui va<br />
s'en prendre de manière virulent au PSU <strong>et</strong> à la CFDT en<br />
considérant que ces organisations qui refusent constamment<br />
toute référence à la lutte des classes, qui refusent toute<br />
notion d'affrontement direct avec la bourgeoisie, se réclament<br />
frauduleusement de l'autogestion.<br />
Cela se r<strong>et</strong>rouve aussi d<strong>ans</strong> le bouquin de Gabriel Mollier,<br />
Brève histoire du syndicalisme enseignant <strong>et</strong> de L'École<br />
Émancipée, qui va parler de c<strong>et</strong>te gauche "recomposée" autour<br />
de l'idée d'autogestion, en soulignant le fait tout de même que<br />
l'autogestion est surtout un faire-valoir pour la gauche française à<br />
ce moment-là.<br />
Sur les autres socles revendicatifs, il y en a un que je ne vais pas<br />
aborder mais que j'annonce rapidement, puisque hier Gaëtan<br />
Le Porho en a bien traité : les questions <strong>pédagogique</strong>s. L'ÉÉ, à<br />
ce moment-là va refuser de cantonner sa lutte <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong><br />
<strong>pédagogique</strong> à la simple défense de l'école publique gratuite,<br />
laïque <strong>et</strong> obligatoire.<br />
Pourquoi préciser cela ? C<strong>et</strong>te idée semble évidente en tout cas<br />
aujourd'hui : ne pas seulement défendre le système actuel.<br />
Mais rappelons-nous qu'après la scission de 1969, l'ÉÉ-FUO (1)<br />
va considérer que les attaques des gouvernements sur le service<br />
public, le r<strong>et</strong>our en force du cléricalisme, <strong>et</strong> encore d'autres<br />
(1) ÉÉ-FUO : ÉÉ pour le Front Unique Ouvrier.<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010
N<br />
agressions… font que le fait de continuer à avoir un<br />
discours de destruction de l'école, de rem<strong>et</strong>tre en cause<br />
l'école du Capital <strong>et</strong> de la bourgeoisie, c'est faire le jeu<br />
du patronat. Pour lui, nous sommes d<strong>ans</strong> une période<br />
où il faut essentiellement défendre les acquis : la laïcité, la<br />
gratuité, l'école publique… voici pourquoi je souligne<br />
quand même ce passage, parce qu'à l'époque ce n'est<br />
pas évident pour tout le monde.<br />
Revendications sociétales :<br />
les limites de l'ÉÉ<br />
Comme je le disais tout à l'heure, je vais m'étendre sur<br />
les revendications sociétales <strong>et</strong> politiques larges. L'ÉÉ à<br />
l'époque va s'investir sur la question des femmes, en faisant<br />
plus ou moins siennes les revendications du MLF d'accès<br />
libre <strong>et</strong> gratuit à l'avortement <strong>et</strong> à la contraception.<br />
L'ÉÉ cherche notamment - c'est là que c'est vraiment<br />
intéressant - à introduire réellement ces questions<br />
d<strong>ans</strong> les réflexions <strong>pédagogique</strong>s <strong>et</strong> d<strong>ans</strong> l'école. Il y aura<br />
donc un certain nombre de dossiers de L'École Émancipée,<br />
de numéros spéciaux, sur la question de la femme, sur<br />
le refus de l'éducation genrée, sur la sexualité à l'école,<br />
sur la répression sexiste de certaines militantes <strong>et</strong> de<br />
certaines enseignantes. Parallèlement l'ÉÉ va soutenir<br />
tous les mouvements révolutionnaires d<strong>ans</strong> le monde, <strong>et</strong>c.<br />
Ce qu'il est aussi important de r<strong>et</strong>enir sur toutes ces<br />
questions "politiques", c'est que l'ÉÉ va très rarement<br />
impulser un combat à ce suj<strong>et</strong>, en général la tendance<br />
va être signataire d'un appel, va appeler à soutenir<br />
tel rassemblement ou telle manifestation, mais va très<br />
rarement en être à l'initiative. L'exemple le plus frappant<br />
est celui de l'antimilitarisme avec les comités de soldats ;<br />
l'ÉÉ va diffuser largement les appels des comités de soldats,<br />
plus globalement les appels <strong>et</strong> la propagande antimilitaristes,<br />
mais on ne peut pas dire qu'elle ait été une<br />
seule fois à l'origine d'une vraie mobilisation sur c<strong>et</strong>te<br />
question. Ça s'explique par ce que je disais tout à<br />
l'heure : le fait que l'ÉÉ se restructure notamment parce<br />
qu'il y a énormément de militants d'organisations politiques<br />
qui commencent à prendre beaucoup d'importance<br />
d<strong>ans</strong> la tendance, donc essentiellement jusqu'en 1969<br />
des militants de l'OCI (2), <strong>et</strong> après 1969 de nombreux<br />
militants de la Ligue Communiste puis de la LCR. Un<br />
grand nombre de ces militants vont chercher à impulser<br />
des combats, notamment lors de l'affaire des comités de<br />
soldats, au sein de leur organisation politique (donc la<br />
Ligue, qui va être très très investie sur l'antimilitarisme)…<br />
<strong>et</strong> qui du coup vont, au sein de leur<br />
tendance <strong>syndicale</strong>, réinvestir ou tout au moins<br />
tr<strong>ans</strong>m<strong>et</strong>tre le combat qu'ils mènent au sein de leur<br />
organisation politique.<br />
Une thématique renouvelée :<br />
la précarité<br />
Après, sur les questions de l'école, relevons que la précarité<br />
était un des thèmes de prédilection, une des revendications<br />
favorites de l'ÉÉ au sein de l'Éducation Nationale. Lors<br />
des années 1970, la précarité est très prégnante, avec<br />
une question qui présente des ressemblances avec<br />
l'actualité - c'est vraiment frappant -, à savoir la lutte contre<br />
l'auxiliariat. Aujourd'hui ce sont les contractuels, les TZR,<br />
<strong>et</strong>c… D<strong>ans</strong> les années 1970, à chaque rentrée, les<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
rectorats font appel à un certain nombre de maîtres<br />
auxiliaires pour, en gros, "boucher les trous" : ce sont des<br />
services compl<strong>et</strong>s ou incompl<strong>et</strong>s, des services de<br />
suppléances qui sont très précaires, <strong>et</strong> en général les<br />
auxiliaires sont les premiers à "sauter", quand il va y<br />
avoir le dégonflement des classes au cours des années<br />
1970. Là encore, l'ÉE va s'investir sur c<strong>et</strong>te question par<br />
le biais de collectifs ou de comités : les comités de défense<br />
des auxiliaires, qui vont se multiplier partout en France,<br />
qui vont se faire à la fois parce qu'un certain nombre de<br />
maîtres auxiliaires vont plus ou moins placer leur<br />
syndicalisme contre les structures <strong>syndicale</strong>s classiques, <strong>et</strong><br />
surtout parce que la FEN est complètement absente de ces<br />
questions de précarité : elle passe son temps - UA<br />
comme UID - à dire que les négociations perm<strong>et</strong>tent un<br />
certain nombre de victoires <strong>et</strong> d'avancées, <strong>et</strong>c… concrètement<br />
la FEN refuse d'engager le combat. Ce qui choque ces<br />
enseignants. En plus ces jeunes profs sortis de l'école<br />
normale ne sont pas particulièrement proches de la<br />
majorité, <strong>et</strong> de toute façon ne le seront pas forcément,<br />
donc il n'y a pas du tout de soutien de la part de la<br />
direction de la FEN.<br />
Défense <strong>et</strong> illustration de<br />
la "fédération d'industrie"<br />
Une autre revendication qui est importante d<strong>ans</strong> la FEN<br />
pour l'ÉÉ : la question de la "fédération d'industrie". La<br />
fédération d'industrie est une revendication permanente<br />
qui revient à chaque congrès au sein des motions<br />
d'orientation de l'ÉÉ. La fédération d'industrie perm<strong>et</strong>trait<br />
- je cite - "l'unité des personnels, mais encore une perception<br />
des problèmes d<strong>ans</strong> leur globalité, n'exclue nullement<br />
l'intervention spécifique sur les problèmes propres à<br />
chacune des catégories" (motion de l'ÉÉ au congrès du<br />
SNI de 1976), <strong>et</strong> le slogan qui revient à chaque fois c'est<br />
"Un patron, un syndicat, tous d<strong>ans</strong> un syndicat unique"<br />
qui perm<strong>et</strong>trait selon l'ÉÉ de briser les cloisons catégorielles<br />
en développant des commissions propres à chaque<br />
question particulière pour délibérer, prendre position <strong>et</strong><br />
pouvoir agir collectivement.<br />
À l'époque, l'ÉÉ déclare même que la FEN, est seulement<br />
"autonome" du reste du mouvement ouvrier, <strong>et</strong> qu'elle<br />
propose donc c<strong>et</strong>te tr<strong>ans</strong>formation en fédération<br />
d'industrie. Même si l'ÉÉ va d<strong>ans</strong> les congrès en général<br />
graviter entre 5% <strong>et</strong> 10% d<strong>ans</strong> la période, avec un meilleur<br />
moment à 8-9% pour ensuite reculer, le proj<strong>et</strong> de<br />
fédération va recueillir, par exemple d<strong>ans</strong> le congrès du<br />
SNI, jusqu'à 20% des suffrages au moment du vote des<br />
motions d'orientation. La tendance envisage c<strong>et</strong>te création<br />
d'un "syndicat unique, démocratique sur une ligne de lutte<br />
des classes <strong>et</strong> pour le socialisme autogestionnaire, le<br />
socialisme des conseils ouvriers". Ça c'est la motion qui<br />
m<strong>et</strong> tout le monde d'accord sur le moment. Je m'y<br />
arrête brièvement parce qu'à l'époque Henri Arvon écrit<br />
un "Que sais-je ?" sur le "gauchisme" en 1974, qui va présenter<br />
des organisations comme le PSU ou la CFDT comme des<br />
organisations où a pu s'exprimer la synthèse entre<br />
l'anarchisme <strong>et</strong> le communisme, où a pu s'exprimer enfin<br />
l'unité tant attendue du mouvement révolutionnaire.<br />
C'est pour ça que je me suis arrêté sur c<strong>et</strong>te phrase<br />
de l'ÉÉ, "pour le socialisme autogestionnaire, pour le<br />
socialisme des conseils ouvriers", parce que la durée de vie<br />
du PSU <strong>et</strong> l'orientation réformiste de la CFDT vont rapidement<br />
(2) OCI :<br />
Organisation<br />
Communiste<br />
Internationaliste,<br />
trotskystes<br />
"lambertistes".<br />
IX
N<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
(3) Union des<br />
Travailleurs<br />
Communistes<br />
Libertaires,<br />
future<br />
"Alternative<br />
Libertaire".<br />
X<br />
nous prouver que la "synthèse" n'est pas vraiment effective<br />
<strong>et</strong> qu'on ne peut pas parler d'unité anarcho-communiste.<br />
Mais je pense que l'ÉÉ est justement une tendance qui<br />
a été intéressante à ce moment-là, puisque même s'il<br />
n'y aura jamais de réconciliation théorique entre anarchistes <strong>et</strong><br />
communistes - d'ailleurs ce n'est pas ce que la tendance<br />
cherche à faire - d<strong>ans</strong> la pratique <strong>syndicale</strong> il va y avoir<br />
non pas une synthèse politique, mais une conciliation<br />
des contradictions qui est vraiment intéressante. L'étude<br />
de la Revue d<strong>ans</strong> les années 1970 est très originale, parce<br />
que la revue se prend comme une tribune libre, où certes<br />
elle précise dès le départ que seuls les articles signés<br />
"École Émancipée" engagent toute la tendance, <strong>et</strong> donc<br />
on va avoir une gestion des conflits entre les différentes<br />
tendances politiques à l'intérieur de la tendance qui est<br />
très originale. Il y aura ainsi des textes d<strong>ans</strong> L'École<br />
Émancipée d'un numéro à l'autre qui se répondent : ça<br />
ne va pas jusqu'à l'insulte, mais il y a vraiment des<br />
débats contradictoires très durs. Ainsi sur le mouvement<br />
maoïste, sur les vieux radotages autour de Cronstadt,<br />
sur Léon Trotsky… donc des conflits qui sont très forts politiquement,<br />
avec des clivages vraiment importants entre<br />
des anarchistes, des maoïstes, des trotskystes <strong>et</strong> qui vont<br />
se gérer collectivement de manière au final assez saine au<br />
sein de la revue <strong>et</strong> au sein des débats internes à la tendance.<br />
C<strong>et</strong> aspect est important à expliquer, il y a une démocratie<br />
<strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> une reconnaissance des sensibilités.<br />
L'indépendance <strong>syndicale</strong><br />
Historiquement, les syndicalistes révolutionnaires se<br />
battent depuis 1906 sur la question de l'indépendance<br />
<strong>syndicale</strong> qui leur est vraiment chère, <strong>et</strong> donc l'ÉÉ va<br />
continuer à combattre pour l'indépendance <strong>syndicale</strong><br />
au sein de la FEN. Notamment lorsque UID se rapproche<br />
de François Mitterrand pendant les années 1970. Par<br />
exemple en 1974 le fichier d'envoi de L'École Libératrice<br />
est utilisé par la majorité pour un envoi, un appel de<br />
souscription financière pour la campagne de François<br />
Mitterrand ! Ainsi le combat pour l'indépendance <strong>syndicale</strong><br />
est remis au goût du jour d<strong>ans</strong> les années 1970, parce<br />
que l'unité entre UID <strong>et</strong> l'ÉÉ d<strong>ans</strong> les années<br />
40-50 - enfin plus ou moins une sorte d'alliance antistalinienne<br />
- va disparaître avec les progrès <strong>et</strong> les avancées<br />
du PS d'après le congrès d'Épinay (1971), <strong>et</strong> le rapprochement<br />
entre UID <strong>et</strong> le PS qui en résulte.<br />
L'ÉÉ, sur ce problème de l'indépendance <strong>syndicale</strong> est<br />
assez intéressante puisque - je crois que c'est encore le<br />
cas aujourd'hui d<strong>ans</strong> L'<strong>Émancipation</strong> - d<strong>ans</strong> la revue il<br />
ne va pas y avoir de problèmes à publier des p<strong>et</strong>ites<br />
publicités pour Le Monde Libertaire, notamment lors<br />
de la création du journal, des appels à soutien pour la<br />
CNT, le dernier bouquin des militants de l'UTCL (3), de<br />
LO, des trucs de la Ligue… il ne va pas y avoir forcément<br />
de problème à r<strong>et</strong>r<strong>ans</strong>crire un certain nombre d'appels<br />
d'autres organisations politiques, pour autant l'ÉÉ<br />
refuse catégoriquement toute affiliation. D'ailleurs c'est<br />
aussi à mon avis, une des raisons qui est à l'origine de<br />
la scission de 1969 avec le FUO. Par rapport au fait que,<br />
d<strong>ans</strong> les années 1960, on ait souvent considéré à gauche<br />
<strong>et</strong> à l'extrême gauche que l'ÉÉ c'est la tendance de<br />
l'OCI, la scission de 1969 donne justement une leçon :<br />
elle constitue une démonstration pour tout le mouvement<br />
de l'ÉÉ, puisque après c<strong>et</strong> épisode les dirigeants de l'ÉÉ<br />
vont toujours chercher justement à dire en substance<br />
"on est contrôlés par personne, mais on n'a pas à avoir de<br />
complexes vis-à-vis du fait qu'il y ait des gens de tous les<br />
horizons d<strong>ans</strong> notre organisation, mais s<strong>ans</strong> qu'aucune des<br />
organisations ne nous contrôle". À la présentation de la<br />
Semaine ÉÉ de l'été, ils est indiqué que c'est un rassemblement<br />
d'anars, de maos, de trotskystes, <strong>et</strong>c… <strong>et</strong> je<br />
trouve que c'est une gestion des sensibilités, des contradictions<br />
qui est vraiment très saine, puisqu'on ne cache<br />
pas les divergences.<br />
Concernant la question de l'indépendance, la majorité<br />
s'en réclame aussi : UID, sur laquelle vitupère à longueur<br />
de Semaine l'ÉÉ à l'époque, <strong>et</strong> souvent à juste titre<br />
(problèmes de l'inaction de la FEN, de la fin de l'unité<br />
<strong>syndicale</strong>, de la répression vis-à-vis du droit de tendance,…),<br />
UID d<strong>ans</strong> ses motions d'orientation va continuer à<br />
défendre en réalité l'indépendance <strong>syndicale</strong>. Ainsi une<br />
motion d'orientation en 1972 déclare que "l'indépendance<br />
<strong>syndicale</strong> n'est pas l'apolitisme, un syndicat authentique<br />
ne saurait être indifférent à l'orientation politique du<br />
pouvoir ni aux structures économiques <strong>et</strong> <strong>sociale</strong>s". Donc c'est<br />
l'excuse que va trouver la majorité fédérale pour justifier son<br />
soutien au candidat unique, à François Mitterrand, <strong>et</strong>c.<br />
à savoir qu'au moment du "programme commun", la<br />
FEN se positionne favorablement face au programme<br />
commun, <strong>et</strong> le secrétaire fédéral va déclarer qu'il est<br />
content des "convergences" qui apparaissent au sein de<br />
la gauche ; mais la FEN ne va pas soutenir le<br />
programme commun contrairement à ce qu'aurait souhaité<br />
UA. Et par conséquent la FEN - cela va vous faire rire -<br />
"rappelle le principe fondamental de l'indépendance <strong>syndicale</strong>,<br />
la nécessité de conserver son potentiel de lutte <strong>et</strong> sa force de<br />
contestation"… quand on voit ce qu'elle en fait à ce<br />
moment-là, "force de contestation" c'est pas très sérieux.<br />
La question de la hiérarchie<br />
Je vais finir sur la question de la hiérarchie, puisqu'a été<br />
abordée la question notamment des conflits avec les<br />
directeurs d'école lors de la formation des premiers<br />
syndicats d'instituteurs. L'ÉÉ va n'adm<strong>et</strong>tre - que ce soit<br />
concernant la pédagogie ou l'échelle des salaires -<br />
aucune hiérarchie quelle qu'elle soit, encore<br />
aujourd'hui je crois d'ailleurs, <strong>et</strong> ça va être une grosse<br />
source de conflits avec le PCF, la CGT <strong>et</strong> UA. Puisque<br />
selon l'ÉÉ les positions par rapport à la hiérarchie de la<br />
tendance UA participent du dévoiement du PCF,<br />
qui rej<strong>et</strong>te en bloc ce qu'il appelle à un moment<br />
"l'égalitarisme primaire". De fait, un certain nombre de<br />
déclarations du PCF <strong>et</strong> de la CGT vont plus ou moins<br />
défendre une certaine hiérarchie. Notamment quand<br />
René le Guen, qui était membre du Bureau Politique du<br />
PCF pendant longtemps <strong>et</strong> fondateur de la CGT à EDF,<br />
va déclarer : "La hiérarchie est une forme de lutte des classes<br />
d<strong>ans</strong> la mesure où les salaires les plus élevés contribuent à<br />
restreindre les profits des capitalistes" (rires d<strong>ans</strong> la salle).<br />
D<strong>ans</strong> la FEN, l'ÉÉ va vraiment se battre justement<br />
contre le syndicat des directeurs d'écoles, contre la<br />
présence à la FEN du SNIDEN, le syndicat des inspecteurs<br />
de l'Éducation nationale. Non pas se battre contre<br />
ces syndicats, mais contester leur existence, <strong>et</strong> donc contester<br />
vraiment toutes les questions de hiérarchie d<strong>ans</strong><br />
l'éducation nationale.<br />
Clément Talleu ❏<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010
N<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
L'École Émancipée après 1945 :<br />
l'exemple du Var<br />
De l'après guerre aux années soixante-dix, l'École Émancipée d<strong>ans</strong> le Var présente un visage<br />
assez classique. En ce sens, elle constitue un refl<strong>et</strong> des évolutions de la tendance, elles-mêmes<br />
liées aux évolutions <strong>sociale</strong>s de l'après-guerre : urbanisation <strong>et</strong> recul du monde rural, combats<br />
politiques <strong>et</strong> sociaux de la 4 e <strong>et</strong> de la 5 e République (guerre froide, décolonisation, mai 68…).<br />
S<strong>ans</strong> vouloir réaliser une œuvre scientifique, c<strong>et</strong> article - issu de la réunion de trois<br />
générations de responsables au domicile du plus ancien, toujours adhérent <strong>et</strong> abonné - entend<br />
tracer un tableau de ce que signifie le "militantisme École Émancipée" d'avant la scission de la<br />
FEN.<br />
Étudier le militantisme École Émancipée nécessite<br />
de se replacer d<strong>ans</strong> la situation <strong>sociale</strong> de l'époque.<br />
Ainsi, après la guerre, les instituteurs ont un faible<br />
niveau de vie, les militants interrogés font remarquer<br />
qu'il est fréquent pour eux d'être d<strong>ans</strong> la difficulté<br />
financière dès le 15 du mois.<br />
Le militantisme École Émancipée<br />
Le militantisme de l'ÉÉ comporte<br />
une dimension fondamentale :<br />
il est structuré par des principes<br />
qui ne se limitent pas à une<br />
conception du syndicalisme.<br />
Et notamment, au cœur de<br />
l'action militante il y a la notion<br />
d' "exemplarité" : le militant de<br />
l'ÉÉ doit à la fois être un militant<br />
syndical, <strong>et</strong> incarner des principes<br />
liés à la conception éducative<br />
de l'ÉÉ… ce qui a des conséquences<br />
sur le plan syndical : la représentativité<br />
de l'ÉÉ d<strong>ans</strong> la FEN<br />
est, de l'avis général, très liée<br />
aux individus qui l'animent.<br />
Cela amène Raymond Jardin à<br />
faire l'analyse : "Nous ne concevions<br />
pas notre travail en tant que « travail<br />
École Émancipée », mais en tant<br />
que travail <strong>pédagogique</strong> <strong>et</strong> de<br />
coopération qui dépasse le cadre<br />
syndical". Dès lors, le militantisme<br />
ÉÉ ne peut se penser s<strong>ans</strong> intégrer<br />
la dimension éducative, qui<br />
revêt plusieurs aspects :<br />
- une conception commune<br />
de l'enseignement, qui est considérée comme indispensable.<br />
Ainsi il y a de l'avis général une quasi-fusion entre<br />
l'ICEM-Frein<strong>et</strong> <strong>et</strong> l'ÉÉ : presque tous les membres de<br />
l'ÉÉ sont à l'ICEM <strong>et</strong> les camarades vont jusqu'à dire<br />
qu'il y a un aspect fusionnel des relations. Par exemple<br />
lorsque les militants ÉÉ interviennent d<strong>ans</strong> les écoles<br />
normales, ils le font en tant que militants syndicaux,<br />
mais aussi fréquemment en tant que membres de<br />
l'ICEM.<br />
Les colonies de vacances constituent un autre aspect<br />
important de c<strong>et</strong>te activité éducative, elles sont incon-<br />
Les camps de vacances laïques<br />
varois, créés <strong>et</strong> animés par les instits<br />
du GD 83 d<strong>ans</strong> les années 30<br />
tournables pour l'ensemble des militants, à tel point<br />
qu'on peut parler de "mentalité colo" : non seulement<br />
"Il faut s'occuper des gosses d'où des colonies de vacances"<br />
(Raymond Jardin), mais de plus "la colo" est aussi un<br />
choix <strong>et</strong> un état d'esprit. Ainsi le militant René Teisseire<br />
fait passer tout son salaire d<strong>ans</strong> les camps de vacances,<br />
c'est le salaire de sa compagne qui fait vivre le foyer !<br />
(René Teisseire est d'ailleurs un des fondateurs des<br />
colonies de vacances d<strong>ans</strong> le<br />
Var en 1934 avec d'autres<br />
militants ÉÉ : Pastorello,<br />
René Pichot, Mitkevitch...).<br />
D<strong>ans</strong> les colonies de vacances,<br />
les instituteurs de l'ÉÉ veillent à<br />
m<strong>et</strong>tre en place des activités<br />
enrichissantes : pratique de la<br />
peinture, de l'aéromodélisme. Là<br />
aussi, la précarité matérielle est<br />
de règle : Roger Bozane rappelle<br />
même qu'une année, "nous<br />
n'étions pas sûrs d'avoir les<br />
moyens pour payer la colo"… en<br />
tout cas, les militants ÉÉ sont<br />
souvent des moniteurs de colonies<br />
de vacances. Il faut prendre en<br />
compte le fait que pour des<br />
enfants de classes populaires, la<br />
"colo" perm<strong>et</strong> y compris d<strong>ans</strong><br />
certains cas d'échapper à la faim<br />
(comme par exemple lors de<br />
"colos" organisées pendant la<br />
Seconde guerre mondiale en<br />
zone toulonnaise).<br />
- bien entendu, il y a aussi<br />
l'encadrement hors du temps<br />
scolaire d'activités sportives <strong>et</strong> culturelles comme le<br />
bask<strong>et</strong>-ball <strong>et</strong> le volley-ball, ou encore en faisant<br />
venir des instituteurs d<strong>ans</strong> les différentes écoles : des cours<br />
de saxophone à St Julien… À noter que les instituteurs<br />
de l'ÉÉ utilisent le cinéma à des fins éducatives par<br />
exemple en faisant circuler un appareil de cinéma entre<br />
5-6 villages de l'Ouest du Haut-Var, C'est d'ailleurs<br />
Florentin Alziary (voir article suivant) qui avait<br />
développé d<strong>ans</strong> le Var l'Office du cinéma éducatif en<br />
relation avec Frein<strong>et</strong>.<br />
XI
N<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
De plus, les militants ÉÉ<br />
participent à la vie de la<br />
MGEN, certains sont même<br />
membres de la direction de la<br />
MGEN. Par exemple, Eugène<br />
Ronsoux est à la fois sympathisant<br />
de l'ÉÉ <strong>et</strong> responsable<br />
départemental de la MGEN.<br />
L'activité <strong>syndicale</strong><br />
de l'École Émancipée<br />
D<strong>ans</strong> l'immédiat après-guerre,<br />
la situation <strong>syndicale</strong> de l'ÉÉ<br />
est un peu particulière : c'est<br />
un militant de l'ÉÉ qui devient<br />
responsable départemental<br />
du SNI en 1946, en fait par<br />
un concours de circonstances<br />
<strong>et</strong> du fait de la mentalité des<br />
extrait du n°1 de l'EE reparue en<br />
militants à la sortie de la<br />
1945 (archives <strong>Émancipation</strong>)<br />
guerre : c'est donc le militant<br />
de l'ÉÉ Alziary (aussi membre de l'ICEM <strong>et</strong> en contact<br />
permanent avec Frein<strong>et</strong>) qui est élu secrétaire<br />
départemental. Ensuite René Teisseire, lui aussi militant<br />
de l'ÉÉ <strong>et</strong> un des fondateurs des colonies de vacances<br />
avec plusieurs autres membres, sera quelques<br />
temps secrétaire départemental. Mais cela lui est difficile<br />
en étant instituteur d<strong>ans</strong> le Haut-Var, du fait<br />
des déplacements très nombreux à Toulon que<br />
c<strong>et</strong>te responsabilité impose.<br />
Son successeur sera Robert Jourdan, un socialiste. À<br />
c<strong>et</strong>te époque il y a en eff<strong>et</strong> un rapprochement entre l'ÉÉ<br />
<strong>et</strong> les socialistes (la future tendance UID). Ainsi au<br />
début l'ÉÉ accepte la proposition de liste unique aux<br />
élections internes du SNI. Il faut cependant préciser que<br />
la liste unique n'a pas duré.<br />
D<strong>ans</strong> le Var c'est vers 1956-1957 que se forment des listes<br />
séparées, l'ÉÉ avait dix représentants au conseil<br />
départemental du SNI. On se r<strong>et</strong>rouve rapidement avec<br />
deux cas de figure : d<strong>ans</strong> la circonscription toulonnaise<br />
il y a une liste unique, d<strong>ans</strong> les cantons il y a toujours<br />
une, deux ou trois listes bien identifiées. L'influence<br />
de la tendance se stabilise avec deux mandats au conseil<br />
syndical du SNI, puis deux mandats à la CA de la FEN<br />
d'où l'ÉÉ fut d'abord absente. L'implantation électorale<br />
d<strong>ans</strong> le SNI est d'environ 10%. L'ÉÉ présente des listes<br />
régulièrement aux élections internes du SNI, au début<br />
assez fournies (jusqu'à une quarantaine de personnes,<br />
<strong>et</strong> en général l'ÉÉ ne présente pas les conjoints<br />
des militants sur les listes) ; c'est en 1986 que<br />
l'ÉÉ présente pour la dernière fois une liste d<strong>ans</strong> le<br />
SNI-PEGC.<br />
Idéologiquement, comment peut se définir l'ÉÉ ? Elle ne se<br />
revendique pas d'une idéologie particulière, mais elle<br />
est considérée comme plus ou moins anarcho-syndicaliste.<br />
En tout cas, les militants de l'ÉÉ ne se sentent pas plus<br />
proches des communistes que des socialistes à c<strong>et</strong>te<br />
époque.<br />
Les grands thèmes de l'intervention <strong>syndicale</strong> de l'ÉÉ<br />
recoupent très largement ceux des années 1990 :<br />
l'enseignement moderne ; la formation des maîtres ; les<br />
XII<br />
augmentations uniformes de salaires ; à travail égal,<br />
salaire égal ; la laïcité (avec la revendication constante<br />
de la nationalisation laïque) ; la défense de la fédération<br />
d'industrie ; le refus d'inspection n'est venu que plus<br />
tard, la revendication anti-hiérarchie centrale étant<br />
l'augmentation uniforme des salaires.<br />
D<strong>ans</strong> l'activité <strong>syndicale</strong>, le souci très affirmé des militants<br />
de l'ÉÉ est de mener des batailles compréhensibles pour<br />
tous les instituteurs, comme par exemple l'augmentation<br />
uniforme des salaires.<br />
Et d<strong>ans</strong> le second degré ? D<strong>ans</strong> les années 70 en zone<br />
toulonnaise, l'ÉÉ est essentiellement composée<br />
d'instituteurs <strong>et</strong> il y a très peu de profs du secondaire (le<br />
premier CES d<strong>ans</strong> le Var ne se m<strong>et</strong> en place qu'en 1964).<br />
L'ÉÉ connaît deux grands moments d'intervention d<strong>ans</strong><br />
c<strong>et</strong>te période : l'Algérie <strong>et</strong> mai 68. Sur l'Algérie, l'ÉÉ a<br />
été à l'origine de plusieurs actions (manifestations<br />
parfois violemment réprimées, <strong>et</strong>c). Quand elle souhaite<br />
une action, elle menace le syndicat de la faire elle-même<br />
si celui-ci reste attentiste. Elle réussit ainsi plusieurs fois<br />
à entraîner la FEN d<strong>ans</strong> l'action. Ce qui n'empêche<br />
d'ailleurs pas l'ÉÉ d'intervenir de manière autonome.<br />
Elle sort ainsi des tracts contre la guerre, son activité vaut<br />
d'ailleurs à certains militants de l'ÉÉ de subir des ennuis<br />
pendant leur service militaire.<br />
Quelques responsables de l'ÉÉ…<br />
Raymond Jardin<br />
Instituteur en 1945, en fait de la promotion de l'École<br />
Normale 1940-1943 (Draguignan), mais il n'entre pas<br />
tout de suite en fonction car les Allemands avaient<br />
enlevé le sursis <strong>et</strong> les Écoles normales avaient<br />
été supprimées (recrutement au bac s<strong>ans</strong> formation).<br />
Son stage de formation professionnelle a eu donc lieu<br />
en 1944-1945 à Nice. Nommé ensuite en 1946 à<br />
Cotignac, puis à Tavernes (deux <strong>ans</strong>), à Saint-Julien le<br />
Montagné (12 <strong>ans</strong>) puis Toulon (20 <strong>ans</strong>).<br />
Ses engagements personnels ? Il y a bien entendu<br />
l'ICEM. Raymond Jardin joue un temps le rôle de<br />
commissaire aux comptes de la CEL (Coopérative de<br />
l'Enseignement Laïque) avec d'autres Varois (Pastorello<br />
<strong>et</strong> Simian) ; il est bien placé pour témoigner de ses<br />
difficultés financières permanentes (Frein<strong>et</strong> doit<br />
même emprunter à ses beaux-frères devant le<br />
manque chronique d'argent). Problèmes financiers,<br />
mais aussi politiques : quand Frein<strong>et</strong> <strong>et</strong> ses camarades<br />
s'écartent du PCF, ils ont à faire face à une grève des<br />
ouvriers de la CEL !<br />
Il pratique logiquement la pédagogie de l'école<br />
moderne d<strong>ans</strong> ses classes, ce qui lui vaut d'être en<br />
butte avec l'Inspection : ainsi une inspectrice arrive <strong>et</strong><br />
lui fait un très mauvais rapport, l'IA refuse c<strong>et</strong>te note<br />
donc elle doit revenir.<br />
Outre l'ICEM, Raymond a été délégué syndical<br />
de la sous-section du SNI de Barjols, a pratiqué<br />
activement les colonies de vacances d<strong>ans</strong> le cadre des<br />
CCVLV (Colonies de Vacances Laïques du Var)… <strong>et</strong><br />
"secondairement" 10 <strong>ans</strong> d'adhésion au PSU.<br />
Ses engagements sont partagés par sa femme,<br />
Lucienne, qui avait commencé sa carrière comme<br />
institutrice d<strong>ans</strong> la Drôme.<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010
N<br />
En 1968, bien entendu les militants de l'ÉÉ sont en<br />
grève pendant tout le mois de mai, <strong>et</strong> ne se limitent<br />
d'ailleurs pas à cela : ainsi certains tiennent des réunions<br />
avec les parents (parfois plus de 400 personnes présentes !).<br />
Au collège Pierre Pug<strong>et</strong>, la grève est tellement puissante<br />
qu'il y a seulement 10 élèves au collège… le principal du<br />
collège donne même à Roger Bozane son bureau, son<br />
téléphone, le secrétariat… <strong>et</strong> vient aux réunions ! Roger<br />
Bozane, toujours lui, fait le tour de la ville en cyclo pour<br />
informer les autres militants de ce qui se passe.<br />
D<strong>ans</strong> le Var des comités de grève se m<strong>et</strong>tent en place.<br />
D<strong>ans</strong> le second degré, les conditions d'intervention de<br />
l'ÉÉ sont toutefois différentes : il y a l'élément constitué<br />
par la présence des comités d'action lycéens, mais aussi<br />
une très forte présence de militants du PCF (par exemple<br />
lorsque des militants ÉÉ viennent distribuer des tracts<br />
ÉÉ au lycée, il y a une confrontation parfois physique<br />
avec le PCF).<br />
En tout cas, en mai 68, au sein de la FEN, c'est l'ÉÉ qui<br />
a mené le combat contre le régime beaucoup plus que<br />
le courant lié au PS. Quant à la sensibilité <strong>syndicale</strong> portée<br />
par l'OCI, elle apparaît à ce moment-là d<strong>ans</strong> le Var.<br />
L'École Émancipée, son fonctionnement<br />
Le groupe départemental varois de l'ÉÉ avait des réunions<br />
régulières : l'ÉÉ se réunit en moyenne une fois par mois<br />
durant ces années à la Bourse du Travail de Toulon, les<br />
réunions regroupent entre 7 <strong>et</strong> 10 personnes, la réunion<br />
de fin d'année se clôt par des festivités <strong>et</strong> une sortie<br />
ensemble souvent au Prad<strong>et</strong>. Le groupe départemental<br />
fonctionne avec un secrétaire (à l'époque les militants<br />
Pastorello ou Jardin), qui est responsable de la sortie<br />
du bull<strong>et</strong>in départemental. La sortie du bull<strong>et</strong>in<br />
départemental est assurée notamment par des<br />
cotisations départementales.<br />
Un trait domine la nature de la tendance pour tous :<br />
l'absence de centralisation <strong>et</strong> le caractère finalement<br />
assez informel. Les liens avec la tendance nationale sont<br />
très lâches, <strong>et</strong> de toutes les façons avant les années 1960<br />
le fonctionnement de l'ÉÉ s'organise beaucoup plus<br />
au niveau départemental ou régional, qu'au niveau<br />
national. Ainsi, deux ou trois fois par an il y a des<br />
réunions régionales, annoncées d<strong>ans</strong> la revue. Toutefois,<br />
on notera que le Bull<strong>et</strong>in Intérieur existait déjà. Il est<br />
remarquable aussi que la haute figure de Valière, élu au<br />
BN du SNI à l'époque des listes communes, est reconnue<br />
par tous les militants.<br />
La rencontre avec la tendance nationale peut s'effectuer<br />
aussi lors des congrès syndicaux nationaux, mais même<br />
c<strong>et</strong>te rencontre est rare ; Roger Bozane devenu<br />
secrétaire de l'ÉÉ monte une fois au congrès national du<br />
SNI… <strong>et</strong> il n'en garde pas un souvenir très positif : il<br />
arrive la veille, lors de la réunion de tendance du soir<br />
(entre 10 <strong>et</strong> 20 délégués) on distribue les interventions<br />
de manière assez administrative. Les responsables de la<br />
tendance de c<strong>et</strong>te époque ne lui laissent pas le souvenir<br />
d'un fonctionnement très démocratique. Même sensation pour<br />
Raymond Jardin, délégué au congrès national du SNI.<br />
Pour les militants de c<strong>et</strong>te époque, l'ÉÉ c'est en fin de<br />
compte d'abord la Revue (elle compte environ 25 abonnés<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
au moment où Roger Bozane est secrétaire du GD) ; c<strong>et</strong><br />
état de fait semble avoir duré assez longtemps, puisque<br />
Nicole Desautels qui arrive au militantisme ÉÉ d<strong>ans</strong> les<br />
années 1970 affirme que "Quand je suis arrivée, la boussole<br />
pour moi c'est la revue".<br />
La revue de l'ÉÉ, qui occupe donc une place importante,<br />
se caractérise par le grand rôle de la partie <strong>pédagogique</strong>.<br />
Mais il faut remarquer que c<strong>et</strong>te préoccupation<br />
<strong>pédagogique</strong> est beaucoup plus tournée vers la pratique<br />
que vers les spéculations abstraites. La revue contient<br />
par exemple des articles expliquant comment réaliser<br />
une balance (<strong>et</strong> compenser ainsi l'absence de moyens<br />
pour le matériel <strong>pédagogique</strong>)… elle contient beaucoup<br />
de "rec<strong>et</strong>tes", de "trucs" pratiques. On notera que le Var<br />
n'est pas absent de l'animation de la revue, par exemple<br />
Raymond Jardin anime la rubrique <strong>pédagogique</strong> pendant<br />
un an. Ce choix est notamment lié au fait qu'il pratiquait<br />
les techniques Frein<strong>et</strong>.<br />
Le fonctionnement de l'ÉÉ semble avoir changé au cours<br />
des années 1960. Sous l'impulsion des tr<strong>ans</strong>formations<br />
sociologiques locales en premier lieu : le département<br />
est d'abord peu urbanisé, puis l'urbanisation entraîne<br />
une activité <strong>syndicale</strong> plus structurée. Les tendances<br />
s'individualisent plus n<strong>et</strong>tement, la liste commune<br />
avec le courant socialisant devient de l'histoire<br />
ancienne.<br />
Quelques responsables de l'ÉÉ…<br />
Roger Bozane<br />
Arrivé à l'École Normale à Draguignan en 1949,<br />
première promotion après la guerre puisque Pétain<br />
avait supprimé les Écoles Normales. Les élèves sont<br />
tous internes, à l'époque c'est une obligation. Les classes<br />
de normaliens ne sont pas mixtes même si certains<br />
cours ont lieu à l'école normale de filles : la mixité<br />
commence à peine. La vie en École normale est très<br />
austère : ainsi Roger relate que les élèves ont une seule<br />
couverture sur le lit, d<strong>ans</strong> un dortoir pas chauffé !<br />
La quatrième année était l'année de formation<br />
professionnelle. Il arrive rapidement à l'ICEM <strong>et</strong> à l'ÉÉ.<br />
À Toulon, il bénéficie de la présence d'un "poste d'action<br />
laïque" : il est nommé à Toulon sur ce poste à condition<br />
de faire du "patronage" le jeudi : pour l'USEP le matin,<br />
pour les FRANCAS l'après-midi (on se rappellera qu'à<br />
c<strong>et</strong>te époque le jeudi était traditionnellement un jour<br />
de repos). L'existence de ce type de poste, surprenante<br />
aujourd'hui, résultait d'une entente entre l'Inspection<br />
d'Académie <strong>et</strong> la FOL. Ce sont des postes dont la<br />
durée est limitée à deux <strong>ans</strong>, il y en a six ou sept d<strong>ans</strong><br />
le Var à l'époque.<br />
Il s'intéresse de près au mouvement Frein<strong>et</strong>, <strong>et</strong> notamment<br />
à la Coopérative de l'Enseignement Laïque. Celle-ci<br />
publie La Gerbe, un recueil de textes pour les cours de<br />
CP très utilisé par les militants varois de l'ÉÉ.<br />
Pour Roger, il ne faut pas perdre de vue l'importance<br />
du travail collectif, de tous les camarades qui ne<br />
sont pas mentionnés, mais aussi le rôle déterminant<br />
<strong>et</strong> injustement passé sous silence des femmes des<br />
militants École Émancipée de ces années-là.<br />
XIII
N<br />
XIV<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
Quelques responsables de l'ÉÉ…<br />
Nicole Desautels<br />
IPESienne issue du CPR d'Aix-Marseille, elle est arrivée<br />
à l'ÉÉ d<strong>ans</strong> les années 1970, jamais syndiquée jusque<br />
là, au départ elle se r<strong>et</strong>rouve sur une liste menée par le<br />
FUO ("Front Unique Ouvrier", tendance animée<br />
notamment par les militants de l'OCI mais dont elle<br />
ignore totalement les attaches politiques). Puis elle s'en<br />
éloigne rapidement, <strong>et</strong> anime le travail de l'ÉÉ d<strong>ans</strong> le<br />
SNES au niveau du département <strong>et</strong> très vite pour<br />
l'Académie de Nice où elle sera élue s<strong>ans</strong> discontinuer<br />
jusqu'à sa r<strong>et</strong>raite (congrès nationaux compris).<br />
Comme elle le dit, "une fille toute seule est amenée à<br />
prendre rapidement des responsabilités". À c<strong>et</strong>te<br />
époque en eff<strong>et</strong>, L'ÉÉ d<strong>ans</strong> le SNES varois est animée<br />
pendant plusieurs années uniquement par des femmes<br />
(Héliane Longères Luciani à Nice, <strong>et</strong> à Toulon Luce<br />
Hacquard, Nicole Desautels <strong>et</strong> Agnès Baravalle).<br />
Intéressée par la pédagogie <strong>et</strong> le mouvement Frein<strong>et</strong> -<br />
elle note des tensions d<strong>ans</strong> l'ICEM de l'époque, avec<br />
Au plan national ensuite. Ainsi le SNI se structure<br />
beaucoup plus à partir des années 1960, d<strong>ans</strong> le cadre de la<br />
montée du phénomène de bureaucratisation qui<br />
l'entraînera vers un syndicalisme dont un élu ÉÉ du<br />
SNI (Georges Pug<strong>et</strong>) dira plus tard à la tribune que<br />
"ce n'est plus un syndicalisme de masse, mais un<br />
syndicalisme de li-maces" !<br />
L'ÉÉ est elle aussi amenée à se structurer plus<br />
rigoureusement : c'est au début des années 1960 que<br />
le Collège national de l'ÉÉ se m<strong>et</strong> en place. À partir de<br />
là les débats d<strong>ans</strong> l'ÉÉ sont devenus plus politiques, ce qui<br />
a amené à se structurer davantage <strong>et</strong> également entraîné<br />
des évolutions d<strong>ans</strong> la Revue qui s'éloigne des pratiques<br />
avec des classes.<br />
Toutefois, les liens de l'ÉÉ varoise restent très lâches avec<br />
la tendance nationale : elle n'envoie presque personne aux<br />
Collèges ou aux Semaines. Par exemple, le secrétaire de<br />
l'ÉÉ Roger Bozane n'allait pas au Collège… montait au<br />
Collège qui voulait, mais il faut préciser que cela ne<br />
constituait pas un périple de tout repos : il fallait 10 heures<br />
de voiture pour y arriver, d<strong>ans</strong> ce cas les militants varois<br />
campaient à Ivry. Et ce n'est qu'en 1974 que les deux<br />
militantes varoises en charge du SNES décident d'aller à<br />
la Semaine d’Enveigt… où personne quasiment ne leur<br />
prêtera une quelconque attention !<br />
Les années 1970 connaissent aussi une autre tr<strong>ans</strong>formation<br />
: l'apparition qui devient plus soutenue d<strong>ans</strong> le<br />
SNES alors qu'au départ les enseignants du second<br />
degré sont très peu nombreux d<strong>ans</strong> le Groupe<br />
Départemental. L'ÉÉ d<strong>ans</strong> le SNES avait déjà du monde<br />
d<strong>ans</strong> les années 1970, en moyenne il y avait deux militants<br />
du SNES au Groupe Départemental. Pour les militants<br />
du SNES, le GD a aussi un rôle de préparation des<br />
instances <strong>syndicale</strong>s, en commun avec les instituteurs.<br />
La réciproque est aussi vraie, l'ensemble des militants se<br />
réunissent par exemple pour préparer les congrès du<br />
SNI. C<strong>et</strong>te particularité donne à l'intervention de l'ÉÉ<br />
en particulier d<strong>ans</strong> les congrès de la FEN un poids<br />
des conflits qui existaient déjà en 1968 - avant même<br />
de rejoindre les listes de l'ÉÉ, elle vient aux réunions<br />
du groupe Frein<strong>et</strong> de Toulon. Elle essaie un travail<br />
<strong>pédagogique</strong> en français fondé sur le "texte libre" au<br />
collège Pierre Pug<strong>et</strong>. Cela a d'ailleurs des conséquences<br />
sur les rapports de l'Inspection, qui la m<strong>et</strong>tent en<br />
porte-à-faux. Plus tard elle fait partie des militants qui<br />
rédigent une l<strong>et</strong>tre à l'inspecteur pour affirmer leur<br />
position concernant le rôle rétrograde de l'Inspection.<br />
Prenant ses distances avec la pédagogie Frein<strong>et</strong>, elle<br />
rejoindra ensuite les groupes d'enseignants pionniers<br />
de la fin des années 70 pour un travail expérimental<br />
avec l'image <strong>et</strong> l'audiovisuel (ICAV) qui débouchera<br />
plus tard d<strong>ans</strong> les années 80 à une époque où le<br />
ministère encourage le travail <strong>pédagogique</strong> en classe<br />
avec la presse <strong>et</strong> les médias. Elle implantera ainsi le<br />
CLEMI, dont elle deviendra coordonnatrice d<strong>ans</strong><br />
l'académie de Nice où elle m<strong>et</strong>tra en place les premiers<br />
pl<strong>ans</strong> de formation d'enseignantEs <strong>et</strong> la première<br />
Semaine de la presse d<strong>ans</strong> l'École.<br />
bien au-delà de ses seuls effectifs face aux deux tendances<br />
majoritaires rivales des premier <strong>et</strong> second degrés.<br />
Il faut dire que les années 1970 voient la fin du système<br />
des Collèges d'Enseignement Général, au profit des CES<br />
qui contiennent à la fois des enseignants du premier <strong>et</strong><br />
du second degré. Nous ne disposons pas d'éléments sur<br />
l'influence électorale de l'ÉÉ d<strong>ans</strong> le SNES, il semble<br />
qu'elle était faible : "soit les gens n'étaient rien du tout,<br />
soit ils étaient PCF <strong>et</strong> UA" (Nicole Desautels).<br />
Au milieu des années 70 le groupe varois accueillera deux<br />
universitaires : André Chervel (qui à l'époque accumule la<br />
documentation en préparation de son Histoire de la<br />
grammaire française… <strong>et</strong> il fallut apprendre à écrire à<br />
tous les p<strong>et</strong>its français <strong>et</strong> qui est r<strong>et</strong>ourné enseigner en<br />
collège) puis Gérard Février professeur de chimie à<br />
la toute nouvelle université de la Garde dont il sera un<br />
temps le président élu !<br />
Des militants du GD 83 :<br />
Roger Bozane, Quentin Dauphiné, Nicole<br />
Desautels, Lucienne <strong>et</strong> Raymond Jardin ❏<br />
Et aussi…<br />
Roger Chabot qui d<strong>ans</strong> un passage difficile a porté à<br />
lui seul toute la responsabilité départementale de la<br />
tendance <strong>et</strong> cela pendant un temps assez long.<br />
Ajoutons qu'il fut un membre important des CCVLV<br />
("Colonies <strong>et</strong> Camps de Vacances Laïques varois").<br />
Georges Pug<strong>et</strong> fut un combattant efficace pour la<br />
propagation de la tendance d<strong>ans</strong> le Var. Il fut aussi un<br />
membre important des CCVLV d<strong>ans</strong> leurs implantations<br />
à l'extérieur du Var <strong>et</strong> particulièrement en Forêt-Noire.<br />
François Simian qui fut un membre important des<br />
CCVLV applique les techniques Frein<strong>et</strong> en ville<br />
(Brignoles) ce qui est un travail délicat <strong>et</strong> difficile.<br />
De plus il fut un vérificateur aux comptes de la<br />
coopérative de l'enseignement laïque (Frein<strong>et</strong>).<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010
N<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
Florentin Honoré Alziary<br />
ou le refus de parvenir<br />
(1898-1989)<br />
Impossible d'évoquer l'histoire du groupe départemental varois de l'École Émancipée s<strong>ans</strong><br />
s'arrêter sur le parcours de ce fils de prolétaires admis à l'École normale de Draguignan en<br />
1917, unanimement reconnu de ses pairs <strong>et</strong> encore aujourd'hui. Déterminant pour<br />
l'École Émancipée varoise dont il a été longtemps le correspondant départemental, il<br />
constitue un condensé exemplaire de choix militants courageux <strong>et</strong> déterminés sous le signe<br />
de l'indépendance <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> des luttes concrètes. *<br />
Dès le début la carrière d'Alziary est marquée par<br />
ce "refus de parvenir" qui l'amena à décliner à la<br />
sortie de l'École Normale une proposition de<br />
poste en cours complémentaire à l'issue d'un remplacement<br />
d<strong>ans</strong> la ville préfecture pour exercer d<strong>ans</strong> des écoles de<br />
village (Tourtour, Bras - où il s'engagera d<strong>ans</strong> une loge<br />
de la franc-maçonnerie de Brignoles qu'il cessera<br />
ensuite de fréquenter, Tourves, Pierrefeu…). Marié en<br />
1932 à une institutrice qui pratiquait l'imprimerie à<br />
l'école de Frein<strong>et</strong>, il exerça ensuite en poste double au<br />
Thoron<strong>et</strong> puis à La Seyne à partir de 1938 à l'école<br />
Martini où il choisira ensuite d'exercer d<strong>ans</strong> une<br />
classe de perfectionnement, appelée plus communément<br />
à c<strong>et</strong>te époque classe de "r<strong>et</strong>ardés scolaires" -<br />
surnommés "les anormaux" - jusqu'à sa r<strong>et</strong>raite en 1954.<br />
Attaché à l'indépendance<br />
du syndicalisme enseignant<br />
À sa sortie de l'École normale,<br />
Alziary avait adhéré au Syndicat des<br />
membres de l'enseignement de la<br />
région du sud-est, devenu au début<br />
de 1921, Syndicat des membres de<br />
l'enseignement des Bouches-du-<br />
Rhône <strong>et</strong> du Var. Comme les autres<br />
syndicats départementaux, celui-ci<br />
fut dissout par décision de justice<br />
au début de 1922. Quand se posa la<br />
question de l'adhésion à la CGTU<br />
de ses membres, en mai 1922, la<br />
majorité de ses camarades choisirent<br />
la neutralité. Un an plus tard, tous<br />
se r<strong>et</strong>rouvèrent d<strong>ans</strong> l'Union générale<br />
des membres de l'enseignement<br />
public du Var. L'assemblée générale<br />
de Toulon, le 26 novembre 1925<br />
décida d'adhérer au Syndicat national,<br />
<strong>et</strong> donc à la CGT <strong>et</strong> Alziary fut<br />
d'ailleurs désigné au Conseil<br />
d'administration. Mais il s'était<br />
prononcé pour rester membre de la Fédération <strong>et</strong><br />
de la CGTU. Et tout en étant membre du Syndicat<br />
national, il continuera à adhérer à la Fédération CGTU<br />
de l'enseignement jusqu'à la fusion de 1935 (voir les<br />
articles <strong>Cent</strong>enaire de L'<strong>Émancipation</strong> n° 6 à 10, février<br />
à juin 2010).<br />
Source : Thierry Flammant L'École<br />
Émancipée une contre-culture de la<br />
belle époque. Les Monédières 1982<br />
Ceci explique que désigné comme délégué suppléant<br />
du Var, le 22 juill<strong>et</strong> 1927, pour participer au congrès du<br />
Syndicat National, il préférera se rendre à Grenoble<br />
pour participer au congrès de la Fédération CGTU de<br />
l'enseignement. C<strong>et</strong>te décision lui valut d'importantes critiques.<br />
Toujours secrétaire adjoint de la section du SN, il<br />
participa à nouveau au congrès de la Fédération CGTU<br />
à Besançon en août 1929 <strong>et</strong> en fit un long compterendu,<br />
critique à l'égard des communistes, d<strong>ans</strong> le<br />
bull<strong>et</strong>in de l'Union générale. En 1931, élu secrétaire<br />
général, il présenta une motion, adoptée à l'unanimité,<br />
qui proposait l'exclusion du syndicat des collègues qui<br />
n'avaient pas suivi le mot d'ordre de grève des jurys<br />
d'examen des bourses. Les effectifs baissèrent (un quart<br />
des adhérents varois exclus) alors d<strong>ans</strong> le Var comme en<br />
France. Délégué pour le congrès national de Paris de<br />
1931, ses votes s'y distinguèrent souvent de ceux de<br />
l'autre délégué du Var, Maurel : blâme pour Jouhaux,<br />
contre la nécessité de réunir les<br />
deux-tiers des mandats d'un<br />
congrès pour décider une action,<br />
contre la suspension de l'abstention<br />
des jurys comme forme de lutte<br />
pour les traitements, pour la<br />
motion d'orientation 3...<br />
D<strong>ans</strong> le compte rendu qu'il fit du<br />
congrès d<strong>ans</strong> le Bull<strong>et</strong>in, il écrivit<br />
notamment : "Un autre détail nous<br />
fut agréable : l'absence de tricolore<br />
d<strong>ans</strong> la décoration de la tribune de la<br />
salle, c'est peut-être seulement fortuit.<br />
D<strong>ans</strong> certains congrès, le bleu, blanc,<br />
rouge nous offusque passablement<br />
pour que nous manquions l'occasion<br />
de signaler ce signe matériel de l'indépendance<br />
du syndicalisme", ce qui<br />
lui valut d'être traduit par le Préf<strong>et</strong><br />
devant le Conseil départemental.<br />
Une motion de solidarité fut votée<br />
par le conseil syndical unanime ; de<br />
nombreux enseignants protestèrent d<strong>ans</strong> la presse.<br />
Finalement, la réunion du CD conclut contre toute<br />
sanction sous réserve d'une déclaration d'Alziary.<br />
D<strong>ans</strong> la presse parut alors le communiqué suivant :<br />
"Le secrétaire général du Syndicat traduit devant le CD<br />
pour une phrase du compte-rendu du Congrès de Paris,<br />
déclare qu'il n'a jamais été d<strong>ans</strong> sa pensée d'attaquer ou<br />
d'offenser le drapeau national".<br />
XV
N<br />
XVI<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
… vis à vis de l'administration,<br />
des élus <strong>et</strong> des partis<br />
Après le refus par l'assemblée générale du 21 juill<strong>et</strong> 1932<br />
de sa motion sur la collaboration avec l'administration,<br />
Alziary démissionna de sa responsabilité de secrétaire<br />
général <strong>et</strong> se vit confier la responsabilité du bull<strong>et</strong>in<br />
départemental d<strong>ans</strong> lequel il se distingua par<br />
deux interventions importantes : après avoir reçu des<br />
réponses au questionnaire paru d<strong>ans</strong> le Bull<strong>et</strong>in en mars<br />
1933, publication d<strong>ans</strong> le Bull<strong>et</strong>in, en juin 1933, d'un<br />
proj<strong>et</strong> de réorganisation du conseil syndical sur la base des<br />
sections cantonales <strong>et</strong> de nouveaux statuts, adopté le<br />
20 juill<strong>et</strong> 1933, puis publication, en mai 1935 d'un<br />
rapport sur "l'état matériel de l'école" d<strong>ans</strong> le département,<br />
synthèse sur la situation de l'école primaire. En septembre<br />
1936 il participa au Rassemblement universel de la Paix<br />
à Bruxelles <strong>et</strong> en fit le compte rendu d<strong>ans</strong> le bull<strong>et</strong>in.<br />
Comme beaucoup de militants des "Amis de l'École<br />
Émancipée" en train de se constituer, <strong>et</strong> dont Alziary<br />
animait le mouvement d<strong>ans</strong> le département, il marqua<br />
des distances à l'égard du syndicat d<strong>ans</strong> le Front<br />
populaire. D<strong>ans</strong> une l<strong>et</strong>tre d'avril 1937 il écrivait : "Je<br />
nourris à l'égard de la politique une aversion complète <strong>et</strong><br />
foncière. Adhérer à un Parti de gauche serait accepter le<br />
confusionnisme presque fatal qui conduirait rapidement à<br />
des expressions ou à des actes en total désaccord avec ma<br />
sincère pensée".<br />
Pendant la seconde guerre mondiale, Alziary, gréviste le<br />
30 novembre <strong>et</strong> non mobilisé, fut suspendu, en octobre<br />
1941, en application des mesures contre les officiers de<br />
loges maçonniques alors qu'il ne fréquentait plus de<br />
loge depuis une dizaine d'années. Il ne perçut aucun<br />
salaire pendant une année puis seulement 500 francs<br />
par mois. Il loua des terres pour les cultiver. Sa femme,<br />
à la suite d'une longue maladie, mourut en janvier<br />
1944. Il entra alors comme secrétaire comptable à la<br />
caisse d'assurances <strong>sociale</strong>s "Le Travail", dirigée par des<br />
syndicalistes <strong>et</strong> dont les locaux abritaient les réunions<br />
clandestines de mouvements de résistance <strong>et</strong> de tr<strong>ans</strong>ferts<br />
de fonds auxquels il fut associé. À la Libération, il fut<br />
réintégré d<strong>ans</strong> l'enseignement <strong>et</strong> r<strong>et</strong>rouva sa place d<strong>ans</strong><br />
le conseil syndical où il demeura jusqu'en 1952.<br />
Membre de la commission des affaires administratives,<br />
il fut délégué au congrès du SNI de Grenoble en 1946.<br />
En décembre 1945, Alziary fut désigné pour siéger au<br />
Conseil départemental de l'enseignement primaire avec<br />
267 voix sur 291 votants, mandat renouvelé en 1951,<br />
avec 313 voix sur 333 votants. Démissionnaire avec ses<br />
camarades à la fin de 1953, il fut réélu le 21 janvier<br />
1954 avec 289 voix sur 331 votants. Continuant à<br />
animer le groupe varois des militants de l'École Émancipée,<br />
il siégea à la Commission administrative permanente<br />
(1948-1954) <strong>et</strong> au Comité technique paritaire (1948-<br />
1950). Il vota notamment en mai 1948 une motion<br />
favorable à la mise en demeure d'avoir à abandonner<br />
pour tous les syndiqués leurs responsabilités à la<br />
FEN-CGT, <strong>et</strong> en juin 1949 une motion revendiquant<br />
l'autonomie <strong>et</strong> demandant "la reconstruction d'une CGT<br />
démocratique". Pour l'élection au conseil syndical en<br />
novembre 1949, il figurait à la fois sur la liste "pour un<br />
syndicalisme indépendant <strong>et</strong> constructif" <strong>et</strong> sur la liste<br />
présentée par "les amis de l'École Émancipée". Délégué du SNI<br />
à La Seyne, il entra en conflit en 1951 avec la municipalité<br />
communiste, dirigée par un ami, l'ancien instituteur<br />
syndicaliste Toussaint Merle, à propos de l'indemnité<br />
de logement des enseignants. Il restera pendant<br />
quelques années membre du conseil syndical au titre de<br />
responsable de la commission des r<strong>et</strong>raités.<br />
Un engagement <strong>pédagogique</strong><br />
<strong>et</strong> mutualiste s<strong>ans</strong> concession<br />
Après une visite à Célestin Frein<strong>et</strong>, à Bar-sur-Loup, en<br />
mai 1926, des contacts permanents entre Alziary <strong>et</strong><br />
Frein<strong>et</strong> s'étaient établis. Alziary s'inspira des méthodes<br />
nouvelles (textes libres, correspondances). Il ach<strong>et</strong>a une<br />
presse à imprimer puis fabriqua une presse à rouleau. Il<br />
fut un des collaborateurs réguliers du journal<br />
L'Imprimerie à l'école <strong>et</strong> participa au développement de<br />
l'Office du cinéma éducateur <strong>et</strong> à la Fédération varoise des<br />
coopératives scolaires. Il dirigea le service des correspondances<br />
scolaires pendant une trentaine d'années, prit<br />
part à tous les congrès, aux travaux des équipes de<br />
travail. En 1932, alors que se déroulaient des attaques<br />
contre Frein<strong>et</strong> d<strong>ans</strong> les Alpes-Maritimes, relayées<br />
par les milieux de droite d<strong>ans</strong> tout le pays, il s'associa à<br />
la campagne de soutien lancée d<strong>ans</strong> L'Éducateur<br />
prolétarien, figurant avec un autre instituteur varois,<br />
Bourguignon, d<strong>ans</strong> le bureau du comité. En réaction à<br />
un article de Levasseur sur Frein<strong>et</strong>, il envoya à L'École<br />
libératrice, organe du SNI, un article dont la direction<br />
nationale du syndicat refusa l'insertion. C<strong>et</strong> article fut<br />
alors publié d<strong>ans</strong> le Bull<strong>et</strong>in du syndicat varois, dont il<br />
animait la rubrique <strong>pédagogique</strong>, en janvier 1933 <strong>et</strong><br />
d<strong>ans</strong> d'autres bull<strong>et</strong>ins départementaux.<br />
Alziary eut aussi une activité mutualiste. Il représentait<br />
la société de secours mutuels de l'enseignement public<br />
du Var au congrès de naissance de la Mutuelle générale<br />
de l'éducation nationale, MGEN du 8 décembre 1946.<br />
Membre du conseil d'administration, il devint archiviste<br />
de la caisse varoise, dès sa création, en mars 1947 <strong>et</strong><br />
le demeura jusque d<strong>ans</strong> les années 1960. R<strong>et</strong>raité, il<br />
s'occupa du lancement d'une maison pour handicapés<br />
d<strong>ans</strong> le quartier de Tamaris à La Seyne. Son fils Jean-Luc,<br />
collègue de Roger Bozane <strong>et</strong> de Nicole Desautels au<br />
collège Pierre Pug<strong>et</strong> à Toulon figura de 1961 à 1971<br />
sur les listes du Conseil syndical des amis de l'École<br />
Émancipée. Il a déposé les archives très importantes de<br />
son père d<strong>ans</strong> différents centres : Paris-Sorbonne, INRP<br />
Rouen <strong>et</strong> CIRA à Marseille.<br />
* c<strong>et</strong>te biographie est issue de la notice bibliographique<br />
de plusieurs pages d<strong>ans</strong> le Maitron rédigée par<br />
l'universitaire Jacques Girault, auteur d'une thèse de<br />
doctorat d'État sur Le Var rouge.<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010
Finistère<br />
N<br />
Les sociétés conservatrices contiennent toujours en leur<br />
sein des éléments qui les rem<strong>et</strong>tent en cause. Longtemps<br />
ancré à droite, le Finistère a toujours eu des îlots de<br />
contestation. D<strong>ans</strong> l'entre-deux- guerres, on parlait de "Brest<br />
la Rouge", où mon grand-père, cheminot anarchisant, avait<br />
amené ses deux fils (futurs instituteurs militants de l'ÉÉ) à<br />
une conférence de Sébastien Faure. Au début des années 20,<br />
Douarnenez se donne un maire communiste qui soutient la<br />
grande grève des "sardinières" de 1924-25 avec l'appui de<br />
Charles Tillon.<br />
Des instituteurs issus du peuple<br />
<strong>et</strong> avides de changer la société<br />
C'est d<strong>ans</strong> ce contexte que des militantEs d'origine populaire<br />
s'investissent à la fois d<strong>ans</strong> l'action <strong>syndicale</strong> (dès sa première<br />
année comme instituteur suppléant, mon père fait sa première<br />
grève à Daoulas avec Jean <strong>et</strong> Jos<strong>et</strong>te Cornec <strong>et</strong> s'inscrit à l'ÉÉ),<br />
<strong>et</strong> d<strong>ans</strong> l'action <strong>pédagogique</strong> (à Quimper, René Daniel<br />
devient le premier correspondant de Frein<strong>et</strong>).<br />
Après la guerre, ces militantEs participent activement au combat<br />
laïque contre la loi Barangé d'aide aux écoles privées (1951)<br />
<strong>et</strong> contre la loi Debré (1960) qui la renforce. Ils/elles mènent<br />
également la lutte contre le colonialisme français <strong>et</strong> la guerre<br />
d'Algérie : en mai 1958, mon père devient président du<br />
Comité anti-fasciste de Morlaix au moment du putsch<br />
d'Alger. C'est enfin la lutte contre l'hégémonie gaulliste : en 1967,<br />
Roger Prat, militant EE <strong>et</strong> PSU (d<strong>ans</strong> le sillage de Tanguy-<br />
Prigent) arrache le siège de député de la circonscription de<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
Fred Rospars<br />
Un parcours syndical <strong>et</strong> politique au milieu du XX ème siècle<br />
Fondateur du festival "Étonnants voyageurs" à Saint-Malo,<br />
Michel Le Bris a été durant quatre <strong>ans</strong> l'élève de Fred.<br />
C'est avec émotion qu'il fit son éloge funèbre au<br />
funérarium de Brest, en février 2009. Les deux hommes<br />
s'étaient r<strong>et</strong>rouvés après 1968 quand Fred, de r<strong>et</strong>our<br />
d'Algérie, avait rendu visite à son ancien élève, alors<br />
emprisonné pour subersion politique en tant que<br />
directeur du journal maoïste La Cause du Peuple. Avec<br />
humour, Fred lui avait dit : "c'est quand même un comble<br />
qu'un trotskyste vienne soutenir un maoïste". Ce fut le début<br />
d'une longue amitié…<br />
"J'ai eu l'extraordinaire chance d'un maître qui m'a accompagné,<br />
guidé pendant les quatre années passées au cours complémentaire<br />
de Plougasnou, de la 6ème à la 3ème… Et ce maître auquel je dois<br />
tout, c'est Fred Rospars - pardon, "monsieur Rospars", car cela se<br />
passait en un temps où les maîtres n'étaient pas des copains que<br />
nous appelions par leurs prénoms…<br />
Il n'était pas de ces enseignants qui font de leurs cours une tribune.<br />
Mais il me répondait : « Tu dois te battre pour tes idées. Et n'en<br />
changer que si l'on te démontre que tu as eu tort ». J'ai - je crois<br />
- r<strong>et</strong>enu la leçon… Fred Rospars m'a ouvert toutes grandes les<br />
portes de la littérature <strong>et</strong> fait de moi à jamais un rebelle. Et pour<br />
cela aussi je voulais ici lui dire une fois encore <strong>et</strong> ce ne sera la<br />
dernière : merci".<br />
Michel Le Bris ❏<br />
Morlaix à Pierre Lelong, un<br />
conseiller de Pompidou, le privant<br />
ainsi du poste de ministre qui lui<br />
était promis. Siège cependant<br />
perdu après la "vague bleue"<br />
d'après mai 1968.<br />
Fred Rospars, un militant enseignant,<br />
trotskiste <strong>et</strong> internationaliste<br />
Plus jeune d'une quinzaine d'années, Fred Rospars a rejoint<br />
ces militantEs par la précocité de son engagement, en pleine<br />
guerre mondiale. Élève de l'École Normale de Quimper en<br />
1943, il découvre à l'âge de 17 <strong>ans</strong> le marxisme, le trotskysme<br />
<strong>et</strong> la Résistance. Il adhère à un groupe de résistantEs trotskystes<br />
qui parvient à recruter des soldats allemands antinazis à<br />
Quimper <strong>et</strong> à l'Arsenal de Brest, obtenant ainsi des faux<br />
papiers <strong>et</strong> laissez-passer qui leur perm<strong>et</strong>tront de tr<strong>ans</strong>m<strong>et</strong>tre à<br />
Londres les pl<strong>ans</strong> de l'Arsenal. Mais le groupe est repéré <strong>et</strong> Fred<br />
ne doit qu'à sa rigoureuse ponctualité d'échapper à la rafle.<br />
Après la guerre, membre du PCI réunifié, il mène de front activité<br />
<strong>syndicale</strong> d<strong>ans</strong> le cadre de l'ÉÉ <strong>et</strong> activité politique, en faisant<br />
notamment partie en 1951, avec son épouse Yolande, des<br />
Brigades Internationales de travail d<strong>ans</strong> la Yougoslavie de Tito,<br />
qui représentait alors l'espoir d'un renouveau communiste.<br />
Surtout, dès l'éclatement de l'insurrection algérienne, il<br />
s'investira d<strong>ans</strong> le soutien à la Fédération de France du FLN.<br />
À la fin de la guerre, il participe à une commission chargée de<br />
régler le contentieux franco-algérien pour l'enseignement,<br />
avant d'enseigner avec Yolande en Algérie de 1936 à 1968.<br />
Son militantisme politique le conduit à adhérer à la tendance<br />
"pabliste" (de Michel Raptis, dit Pablo), qui influence fortement<br />
le gouvernement de Ben Bella, qui se prétend alors socialiste<br />
autogestionnaire. Surpris par le coup d'État de Boumedienne en<br />
juin 1965, il parvient à soustraire des documents <strong>et</strong> à sauver des<br />
militants, s<strong>ans</strong> se faire repérer, grâce une fois de plus à sa<br />
ponctualité.<br />
Après 1968, son internationalisme le conduit en Côte<br />
d'Ivoire, où il contribue à l'élaboration d'ouvrages <strong>pédagogique</strong>s<br />
pour l'enseignement du Français. Puis, à son r<strong>et</strong>our en France, il<br />
continue à militer d<strong>ans</strong> le courant pabliste devenu l'Alliance<br />
Marxiste Révolutionnaire (AMR) qui se maintient jusqu'en 1988.<br />
Un militant exemplaire<br />
Il ne s'agit pas pour nous de faire de nos militantEs des héros<br />
ou héroïnes. Mais ils peuvent être des exemples. Par son<br />
engagement <strong>et</strong> la rigueur de sa pensée, Fred, décédé en février<br />
2008, a influencé ceux qui l'ont connu, notamment sa fille<br />
Françoise, membre en 1968 de la JCR <strong>et</strong> arrêtée à ce titre avec<br />
Claude Léaustic (future présidente de France-Palestine).<br />
Remarquable conteur, il a également marqué fortement<br />
l'écrivain Michel Le Bris (voir encadré), qui fut son élève<br />
pendant quatre <strong>ans</strong>.<br />
Paul Dagorn ❏<br />
XVII
N<br />
XVIII<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
1968 : un bilan à approfondir<br />
Un précédent article ("1968 : la révolution manquée", L'<strong>Émancipation</strong> de mai 2010) évoque la<br />
grave crise que connaît alors l'École Émancipée. C<strong>et</strong> article est, pour l'essentiel, un extrait<br />
du travail réalisé par Gabriel Mollier. Il s'en dégage l'idée - incontestable - que l'École<br />
Émancipée, en tant que courant organisé, passa à côté de la grève générale de 1968 <strong>et</strong> ne<br />
sut pas répondre aux questions politiques majeures qui se posaient alors.<br />
Pour un courant qui se réclamait de la révolution,<br />
c'était désastreux. Pour justifier c<strong>et</strong> état de fait,<br />
l'article m<strong>et</strong> en avant la crise qui touchait alors<br />
l'École Émancipée, crise imputable "à la tentative de<br />
prise de contrôle" de la tendance par l'OCI (groupe<br />
Lambert) "qui sera bientôt exclue".<br />
Quarante années plus tard - les passions étant calmées -<br />
on peut penser qu'il serait utile <strong>et</strong> nécessaire de faire de<br />
c<strong>et</strong>te crise une analyse plus approfondie, <strong>et</strong> de tenter de<br />
répondre à quelques questions : la quasi inexistence de<br />
l'École Émancipée en 1968 est-elle due à l'OPA tentée<br />
par l'OCI, ou bien à ses propres faiblesses ? Pourquoi<br />
l'accord entre les différentes sensibilités (syndicalistes<br />
révolutionnaires <strong>et</strong> trotskystes notamment) prit-il fin<br />
après plus de quinze années de travail en commun ? En<br />
quoi la situation nouvelle des années 65-70, le surgissement<br />
de nouveaux groupes <strong>et</strong> courants politiques ont-ils pesé<br />
d<strong>ans</strong> l'École Émancipée ? Quels furent les désaccords en<br />
termes d'orientation?<br />
Les lignes qui suivent visent seulement à ouvrir des pistes<br />
de réflexion.<br />
Rappelons brièvement (cf. L'<strong>Émancipation</strong> n°8 <strong>et</strong> 9) que<br />
la tendance ÉÉ fut reconstruite par l'activité commune<br />
des syndicalistes révolutionnaires <strong>et</strong> des trotskystes, <strong>et</strong><br />
que l'accord politique passé entre ces sensibilités<br />
différentes se traduisit ensuite par la proposition de la<br />
motion Bonnissel-Valière (1948), dont plusieurs articles<br />
ont rappelé le rôle historiquement décisif.<br />
Et ensuite ? D<strong>ans</strong> la FEN devenue autonome, l'activité<br />
de la tendance végéta : la situation politique des années<br />
cinquante, difficile, pesait lourdement. L'ÉÉ devint peu<br />
à peu l'"opposition de sa majesté". Les trotskystes euxmêmes<br />
étaient touchés de plein fou<strong>et</strong> par la dislocation<br />
de la Quatrième internationale : tandis qu'une partie<br />
d'entre eux se noyait à l'intérieur du PCF, les effectifs<br />
du groupe français subsistant (<strong>et</strong> dont Lambert allait<br />
prendre la direction) s'effondraient.<br />
Premières failles<br />
La situation se modifie au début des années soixante :<br />
les mobilisations contre la guerre d'Algérie, puis la grève<br />
générale des mineurs en 1963 qui m<strong>et</strong> De Gaulle en<br />
échec, contribuent à l'émergence d'une nouvelle<br />
génération qui s'engage ensuite d<strong>ans</strong> la mobilisation<br />
contre l'intervention américaine au Vi<strong>et</strong> Nam. Alors que<br />
de nouveaux groupes politiques apparaissent, le groupe<br />
trotskyste (l'OCI) renaît de ses cendres. Et sa direction<br />
rem<strong>et</strong> en cause la politique suivie par ses militants d<strong>ans</strong><br />
le syndicalisme enseignant.<br />
Le premier heurt a lieu en 1964, à l'occasion du<br />
Congrès du SNI à Lille, épisode que l'on appela "l'acte<br />
de Lille". Considérant que la réforme administrative<br />
imposée par le gouvernement conduit à intégrer le syndicat à<br />
l'appareil d'État, l'École Émancipée, à juste titre, se<br />
prononce pour que les élus du SNI refusent de siéger<br />
d<strong>ans</strong> les instances de participation. Mais la direction de<br />
l'OCI exige de ses militants que l'ÉÉ aille plus loin qu'une<br />
simple déclaration <strong>et</strong> démissionne du bureau national du<br />
SNI. L'ÉÉ se soum<strong>et</strong>, mais cela provoque une première<br />
crise d<strong>ans</strong> la tendance.<br />
La crise touche également la fraction trotskyste qui,<br />
pour une grande part, est rétive à briser le fonctionnement<br />
consensuel qui prévaut au sein de la tendance.<br />
Les plaies sont ravivées lorsqu'est connu en 1967 un<br />
document interne de l'OCI qui affirme que la fraction<br />
enseignante (de l'OCI) devra contrôler "nos représentants<br />
d<strong>ans</strong> les instances <strong>syndicale</strong>s".<br />
1967 : Rien n'est encore joué<br />
L'activité militante conjointe ne s'en poursuit pas<br />
moins, <strong>et</strong> peut s'avérer fructueuse.<br />
En témoigne la mobilisation en défense des Écoles normales<br />
durant l'année 1966-1967. En toile de fond, il y a le<br />
combat des étudiants contre la réforme Fouch<strong>et</strong>.<br />
Pour les Écoles normales d'instituteurs <strong>et</strong> d'institutrices,<br />
c<strong>et</strong>te réforme constitue un pas décisif vers leur liquidation.<br />
Déjà, en 1966, tous les maîtres ne sont plus recrutés à<br />
la fin de la classe de Troisième <strong>et</strong> le recrutement après le<br />
baccalauréat se développe. Néanmoins subsiste un fort<br />
contingent de "normaliens" qui préparent le bac au sein des<br />
EN. Le gouvernement veut en finir avec c<strong>et</strong>te formation <strong>et</strong><br />
disperse alors ces normaliens parmi les élèves de lycées.<br />
À l'initiative de jeunes trotskystes est lancé un appel des<br />
normaliens d'Auteuil devenus lycéens à Turgot. Un<br />
comité est constitué, dont on ne peut pas dire qu'il soit un<br />
doublon de l'École Émancipée puisqu'il vise à regrouper<br />
enseignants, étudiants <strong>et</strong> parents d'élèves. C'est le point<br />
de départ d'une importante mobilisation qui se tourne<br />
vers les directions <strong>syndicale</strong>s. Mais les dirigeants du SNI<br />
ont décidé de laisser passer le plan gouvernemental.<br />
Ce combat est aussi celui de l'École Émancipée. Ainsi<br />
Julien Desachy intervient-il lors du congrès national du<br />
SNI en reprenant à son compte l'appel des normaliens<br />
d'Auteuil pour "la tenue d'une conférence pour la défense<br />
des E.N. où tous ceux que ce problème touche (normaliens,<br />
instituteurs, professeurs, parents) chercheraient les voies <strong>et</strong><br />
les moyens de la défense des EN".<br />
S<strong>ans</strong> revenir ici sur les développements ultérieurs, on<br />
peut dire que l'École Émancipée tire alors profit de ce<br />
combat.<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010
N<br />
L'École Émancipée d<strong>ans</strong><br />
la Grève générale de 1968<br />
C'est d<strong>ans</strong> c<strong>et</strong>te "ambiance" qu'éclate la grève générale<br />
de 1968, au cours de laquelle l'ÉÉ comme telle reste sur<br />
le bord de la route, ses adhérents agissant à titre individuel<br />
ou en relation avec leur appartenance politique.<br />
C'est à la fin de la grève générale qu'a lieu l'épisode de<br />
l'occupation des bureaux du SNI par des enseignants<br />
réunis en AG après avoir appris que le SNI appelait à<br />
reprendre le travail. Les militants trotskystes présents<br />
appellent à l'occupation des locaux syndicaux désertés.<br />
Le temps d'instaurer un comité de grève provisoire pour<br />
relancer la grève, <strong>et</strong> l'occupation cesse au bout de<br />
quelques heures. La campagne haineuse des bureaucrates<br />
syndicaux contre les initiateurs (<strong>et</strong> contre l'École<br />
Émancipée) sera à la hauteur de leur trahison. Mais la<br />
réponse de l'ÉÉ, qui n'y est effectivement pour rien, n'a<br />
rien de glorieux, "comprenant la colère de nos camarades"<br />
mais déclarant "regr<strong>et</strong>table" c<strong>et</strong>te occupation.<br />
C<strong>et</strong> épisode aurait néanmoins pu être surmonté (en<br />
Grèce il y a peu, l'occupation des locaux syndicaux par<br />
des anarchistes, justifiée ou pas, n'a pas été désavouée<br />
par les autres courants radicaux). Mais dès la rentrée de<br />
septembre 1968, tout devient prétexte à affrontement :<br />
l'hebdomadaire des trotskystes s'en prend durement à<br />
certains animateurs de la tendance (sur leur refus<br />
supposé d'un comité central de grève en mai-juin) <strong>et</strong> les<br />
autres sensibilités déclarent incompatibles le fait d'être<br />
membre de l'ÉÉ <strong>et</strong> d'être membre d'un CAOTE (1). Or,<br />
il s'agit là de comités politiques initiés par les trotskystes.<br />
Mais ils sont perçus comme "doublant" l'École Émancipée.<br />
En décembre, la rupture est consommée.<br />
Rétrospectivement, il semble que ce furent là des prétextes,<br />
qui ont masqué les faiblesses des uns <strong>et</strong> des autres<br />
durant la grève de mai-juin, <strong>et</strong> ont permis alors aux uns<br />
<strong>et</strong> aux autres de ne pas faire de vrai bilan critique sur les<br />
orientations mises en œuvre. Par exemple : alors que le<br />
10 mai 68 surgit d<strong>ans</strong> les manifestations le mot d'ordre<br />
"10 <strong>ans</strong>, ça suffit !", la question centrale du combat pour<br />
chasser De Gaulle est totalement ignorée par la direction<br />
de l'OCI de même que par les autres composantes de l'ÉÉ.<br />
Les conséquences de c<strong>et</strong>te absence de bilan serein sont<br />
exacerbées par le fait que l'École Émancipée agrège<br />
désormais de nombreuses (<strong>et</strong> conflictuelles) "sensibilités"<br />
politiques qui fleurissent à c<strong>et</strong>te époque.<br />
D<strong>ans</strong> c<strong>et</strong>te situation, l'École Émancipée devient un<br />
enjeu pour beaucoup de groupes.<br />
La rupture<br />
On ne peut en particulier, aujourd'hui, passer sous<br />
silence l'arrivée des militants de la Jeunesse communiste<br />
révolutionnaire (le groupe Krivine est issu de l'UEC <strong>et</strong><br />
du PCF en 1966 ; la Ligue communiste est fondée en<br />
1969). Les premiers d'entre eux sont présents dès les<br />
années 66-68 avec un objectif : tr<strong>ans</strong>former l'ÉÉ en<br />
"fraction communiste" sous leur contrôle. Les bull<strong>et</strong>ins<br />
intérieurs de la Ligue de l'époque en témoignent. Ce<br />
groupe a intérêt à la rupture entre les trotskystes de<br />
l'OCI <strong>et</strong> les syndicalistes révolutionnaires. D'autant plus<br />
qu'il existe entre l'OCI <strong>et</strong> la Ligue une profonde hostilité.<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
C'est ainsi que l'OCI s'isole au sein de la tendance, face<br />
à un bloc fort disparate mais provisoirement soudé.<br />
Après l'exclusion des militants de l'OCI, l'ÉÉ va, par crises<br />
successives, passer peu à peu sous le contrôle croissant<br />
de la Ligue. Avec les conséquences ultérieures que l'on<br />
connaît.<br />
Célébre affiche de mai 68<br />
Faut-il en conclure que la racine des difficultés se trouverait<br />
inévitablement d<strong>ans</strong> la présence, au sein de la tendance<br />
comme au sein des syndicats, de groupes politiques faisant<br />
prévaloir leur politique ? Répondre ainsi reviendrait à<br />
faire passer au second plan les questions d'orientation,<br />
dont on est en droit de penser qu'elles sont décisives. Et<br />
les militants, qu'ils soient ou non politiquement organisés,<br />
sont à chaque moment confrontés aux mêmes questions<br />
politiques. Par exemple, il conviendrait de revenir avec<br />
précision sur les difficultés de l'École Émancipée, au<br />
printemps 1969, à apporter une réponse claire à la question<br />
du référendum gaulliste. Disons simplement que ces<br />
"difficultés" (fallait-il appeler au boycott ? Ou appeler à<br />
voter non ? Ou bien encore ne pas répondre directement ?)<br />
furent autant le fait des militants organisés de la Ligue<br />
que des autres militants de la tendance.<br />
L'un des enseignements que l'on peut tirer de c<strong>et</strong>te époque,<br />
c'est que la première condition pour que soit préservé<br />
un cadre commun de discussion <strong>et</strong> de combat, c'est que<br />
les difficultés d'orientation soient clairement discutées,<br />
<strong>et</strong> que les bil<strong>ans</strong> ne soient pas esquivés. De tels bil<strong>ans</strong><br />
sont, en tout état de cause, nécessaires pour les combats<br />
présents <strong>et</strong> à venir.<br />
Serge Goudard ❏<br />
(1) Comité<br />
d'Alliance<br />
Ouvrière des<br />
Travailleurs de<br />
l'Éducation.<br />
XIX
N<br />
(1) Il faut<br />
rappeler que<br />
Vichy avait, dès<br />
1941, remplacé<br />
les EN par des<br />
Instituts de<br />
Formation<br />
Professionnelle<br />
ne recrutant que<br />
des bacheliers<br />
formés en lycée.<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
(2) On<br />
n'atteignait<br />
alors la majorité<br />
qu'à 21 <strong>ans</strong>.<br />
(3) Il éditait de<br />
temps en temps<br />
un supplément<br />
spécifique à<br />
L'École<br />
Libératrice :<br />
Jeunes du SNI-<br />
EN de France.<br />
(4) Exclusion<br />
de la fille <strong>et</strong> du<br />
garçon.<br />
(5) J.Mourot,<br />
À l'école des<br />
hussards noirs,<br />
BOD 2010.<br />
(6) Union de<br />
la jeunesse<br />
républicaine de<br />
France, avatar<br />
des Jeunesses<br />
Communistes.<br />
XX<br />
L'École Émancipée<br />
<strong>et</strong> la défense des Écoles normales<br />
La loi du 28 juin 1833 imposa à chaque département<br />
l'obligation d'entr<strong>et</strong>enir une école normale primaire<br />
de garçons mais il fallut attendre la loi du 9 août 1879<br />
pour que soit créée une école normale de filles par<br />
département <strong>et</strong> que la volonté du législateur soit respectée.<br />
L'École Émancipée dès sa première parution en 1910<br />
s'est adressée aux normaliens <strong>et</strong> normaliennes pour<br />
qu'informés <strong>et</strong> formés ils prennent part au combat pour<br />
l'émancipation <strong>syndicale</strong>, <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong>.<br />
Mais les circonstances de son intervention ont bien évolué<br />
d<strong>ans</strong> le temps. Il n'était pas question pour les jeunes élèves<br />
préparant à l'origine le Brev<strong>et</strong> Supérieur puis, à partir de<br />
1945 (1), le baccalauréat, mineurs confiés à la responsabilité<br />
du directeur ou de la directrice (2), d'avoir une activité<br />
politique ou <strong>syndicale</strong>. Le droit syndical, très encadré,<br />
ne sera reconnu qu'aux élèves-maîtres de troisième puis<br />
de quatrième année au cours des années 50. L'attention<br />
portée aux normaliens <strong>et</strong> normaliennes visait essentiellement<br />
à l'amélioration de leurs conditions de vie <strong>et</strong> à la<br />
défense individuelle contre un excès de rigueur voire<br />
contre l'arbitraire administratif. Jusque 1968, le Syndicat<br />
national des instituteurs (SNI) assurait mollement ce<br />
rôle (3). Cela n'empêchait pas les exclusions pour<br />
manque de résultats, pour mauvaise conduite, ou,<br />
comme ce fut le cas à Avignon d<strong>ans</strong> les années 60, pour<br />
grossesse (4), ou encore à Rouen pour propagande politique<br />
: ce fut "l'affaire Ganne" de 1951 (ce militant communiste<br />
fut exclu pour avoir introduit du matériel de<br />
propagande du PCF d<strong>ans</strong> l'établissement) (5). Mis à<br />
part d<strong>ans</strong> quelques départements (Oise, Hérault…) où<br />
l'ÉÉ était influente, les propagandistes les mieux<br />
implantés étaient ceux du PCF par le biais de l'UJRF (6).<br />
De leur côté, les catholiques (de gauche) faisaient de<br />
l'entrisme avec les Paroisses enseignantes.<br />
La radicalisation<br />
Les écoles normales d'instituteurs<br />
<strong>et</strong> d'institutrices, ces<br />
"séminaires laïques" d'autrefois,<br />
malgré leurs imperfections <strong>et</strong><br />
le régime quasi militaire<br />
imposé aux élèves dès leur<br />
entrée en première année,<br />
étaient à la fois une occasion<br />
de promotion <strong>sociale</strong> pour les<br />
enfants du peuple <strong>et</strong> un<br />
espace de préparation effective<br />
au métier d'instituteur. Elles<br />
ont constitué de tous temps<br />
un vivier potentiel de syndicalistes<br />
<strong>et</strong> l'ÉÉ s'y est toujours<br />
intéressée.<br />
La crise de mai allait modifier radicalement la situation.<br />
Travaillés depuis quelque temps par les trotskistes de la<br />
LCR à partir de 1970 <strong>et</strong> de l'OCI dès avant 1968 (entre<br />
autres activités fractionnelles, l'OCI a créé vers 1965 des<br />
"Comités de défense des Écoles normales" en dehors de<br />
l'ÉÉ dont ses militants étaient pourtant partie prenante),<br />
les normaliens vont se radicaliser <strong>et</strong> l'ÉÉ va profiter des<br />
circonstances. C'est à partir des écoles normales en lutte<br />
qu'elle va connaître une nouvelle jeunesse d<strong>ans</strong><br />
l'enseignement primaire. La revue va se faire l'écho de<br />
leurs luttes, relayées plus ou moins mécaniquement par<br />
la Tendance, <strong>et</strong> publiera même assez régulièrement un<br />
supplément spécifique, le Maître-étalon.<br />
Les revendications ne se bornent plus à un aménagement<br />
des conditions de vie ou de travail des élèves-maîtres ;<br />
elles portent désormais sur le contenu, les formes <strong>et</strong> la<br />
structure même de la formation. Les normaliens,<br />
inqui<strong>et</strong>s pour l'avenir des ÉN se mobilisent un peu partout<br />
<strong>et</strong> se coordonnent, organisant même une grève touchant<br />
de nombreux établissements durant plus de 10 jours en<br />
mars 1969. En eff<strong>et</strong>, le pouvoir gaulliste, appliqué à<br />
réduire les coûts, rentabiliser l'école <strong>et</strong> favoriser le secteur<br />
privé aux dépens du service public, ne voyait que des<br />
avantages à la disparition de ces foyers laïques <strong>et</strong> anticléricaux<br />
que constituaient encore les Écoles normales,<br />
menacées par des groupes de travail mis en place par le<br />
ministre de l'Éducation nationale Alain Peyrefitte en mai 67<br />
<strong>et</strong> qui prévoyaient la suppression des ÉN avec leurs<br />
classes "pré-bac" pour les remplacer par "des instituts<br />
universitaires de pédagogie, situés au chef-lieu d'académie près de<br />
l'université, ouverts par concours ou sur dossier à tous les<br />
bacheliers, <strong>et</strong> comportant deux années de préparation<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010
N<br />
La motion sur la formation des maîtres présentée par<br />
l'ÉÉ pour le congrès de Nice du SNI de novembre 1968<br />
rappelle que "depuis 1945 le problème des Écoles normales<br />
est posé de la façon suivante :<br />
- Les uns veulent la tr<strong>ans</strong>formation des Écoles<br />
Normales en Instituts de formation professionnelle. Pour<br />
aboutir à cela ils estiment qu'il suffit de laisser mourir les<br />
Écoles Normales en leur refusant les crédits indispensables<br />
à leur extension ou à leur reconstruction.<br />
- Les autres déclarent être pour le maintien du<br />
recrutement à la fin de la 3ème, mais n'ont jamais engagé<br />
la lutte sur ce plan avec la vigueur indispensable.<br />
D'autre part l'augmentation des effectifs élèves a amené<br />
un recrutement massif de nouveaux instituteurs dont la<br />
grande majorité n'a jamais reçu de véritable formation<br />
professionnelle.<br />
Ainsi les Écoles Normales apparaissent comme des<br />
établissements vieillots aux structures quelque peu dépassées<br />
formant une minorité d'instituteurs <strong>et</strong> d'institutrices.<br />
Les Écoles Normales restent encore pour de nombreux<br />
réactionnaires ou cléricaux des foyers de l'idéal laïque qu'il<br />
faut fermer au plus tôt.<br />
Constatons enfin que les traitements de débuts insuffisants<br />
des maîtres attirent un nombre trop faible de candidats<br />
notamment d<strong>ans</strong> les Écoles Normales d'instituteurs. C'est<br />
partant de ces considérations que nous présentons la<br />
motion suivante :<br />
Le congrès du SNI<br />
- rappelle que : le plan Langevin-Wallon prévoyait une<br />
formation commune de tous les maîtres accueillant les<br />
élèves de 2 à 18 <strong>ans</strong> comportant 2 années d<strong>ans</strong> les Écoles<br />
Normales suivies par la préparation d'une licence en 2 <strong>ans</strong><br />
à l'Université.<br />
- constate que ce Plan d<strong>ans</strong> sa conception d'une véritable<br />
réforme de l'enseignement n'a jamais été appliqué, ne<br />
peut être appliqué que d<strong>ans</strong> le cadre d'une réforme<br />
fondamentale des structures de la société capitaliste d<strong>ans</strong><br />
laquelle s'intègrerait la réforme de l'Université.<br />
- Souligne :<br />
- que la démocratisation de l'enseignement fait bien peu<br />
de progrès ; que les discriminations <strong>sociale</strong>s continuent à<br />
jouer au détriment des enfants des classes laborieuses ;<br />
que les Écoles Normales datent presque toutes de la<br />
période 1880-1900, que leur capacité d'accueil ne<br />
correspond absolument plus aux besoins de l'enseignement<br />
en 1968 ; que le recrutement parallèle (remplaçants) est<br />
professionnelle <strong>et</strong> d'enseignement de la pédagogie", reprenant<br />
ainsi en les dénaturant les dispositions du fameux "Plan<br />
Langevin-Vallon", référence constante de la Gauche<br />
depuis 1945. Déjà, depuis les années 50, on recrutait<br />
des promotions de bacheliers formés en deux <strong>ans</strong> au<br />
métier, parallèlement aux promotions traditionnelles de<br />
formation en quatre <strong>ans</strong> depuis la classe de seconde…<br />
Bien que s<strong>ans</strong> illusions sur le contenu idéologique de<br />
l'enseignement dispensé <strong>et</strong> sur le rôle d'inculcation<br />
dévolu aux professeurs, les militants de l'ÉÉ ont longtemps<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
Défendre <strong>et</strong> promouvoir les Écoles Normales<br />
beaucoup plus important que le recrutement normalien ;<br />
que les remplaçants ne reçoivent pas de véritable formation<br />
professionnelle ; qu'un traitement de début de l'ordre de<br />
900 F par mois est insuffisant pour attirer les jeunes d<strong>ans</strong><br />
la fonction enseignante.<br />
- Fixe ainsi la position du S.N.I. d<strong>ans</strong> les circonstances<br />
présentes :<br />
1) Tous les futurs instituteurs doivent passer par l'École<br />
Normale (ce qui nécessite l'établissement d'un cadre de<br />
titulaires remplaçants).<br />
2) Un plan de reconstruction ou de construction (région<br />
parisienne) des Écoles Normales doit être établi avec des<br />
échéances les plus proches possible.<br />
3) Le cadre départemental des instituteurs doit être<br />
maintenu.<br />
4) Comme l'a affirmé le Congrès des normaliens réuni à<br />
Tours les 4 <strong>et</strong> 5 juin 1968 le maintien d<strong>ans</strong> les Écoles<br />
Normales des classes de second cycle est nécessaire jusqu'à<br />
démocratisation effective de l'enseignement sur le plan<br />
national.<br />
5) La formation professionnelle doit être étendue à 2 <strong>ans</strong><br />
d<strong>ans</strong> toutes les Écoles Normales.<br />
6) Les élèves-maîtres sont considérés dès leur entrée à<br />
l'École Normale comme de futurs instituteurs (conséquences<br />
sur la vie interne des Écoles Normales, sur le contenu de<br />
l'enseignement, fin du paternalisme à leur égard).<br />
7) Le bureau du S.N.I. prendra contact avec les normaliens<br />
eux-mêmes pour déterminer les modifications d<strong>ans</strong> le<br />
statut des Écoles Normales telles que les ont prévues les<br />
commissions normaliennes au cours de la période<br />
mai-juin 1968.<br />
8) Un resserrement de l'écart indiciaire début-fin de<br />
carrière des instituteurs perm<strong>et</strong>tra l'obtention d'un<br />
traitement de début de 1.200 F par mois.<br />
Une fois ces premières mesures appliquées, une fois<br />
assurée la formation professionnelle de tous les futurs<br />
instituteurs, pourront être envisagées de nouvelles mesures<br />
tendant à élever le niveau de formation des maîtres ayant<br />
pour aboutissement la licence prévue par le Plan<br />
Langevin-Wallon.<br />
LE CONGRÈS mandate le bureau pour populariser les<br />
prises de position ci-dessus, lancer avec les autres syndicats<br />
intéressés de la F.E.N., avec les normaliens, avec les<br />
parents d'élèves, d<strong>ans</strong> le cadre du C.N.A.L. une campagne<br />
vigoureuse de défense des Écoles Normales avec des<br />
manifestations aux échelons départemental <strong>et</strong> national'.<br />
défendu les Écoles normales telles qu'elles avaient été<br />
conçues sous la Troisième République. Elles avaient le<br />
mérite de perm<strong>et</strong>tre aux fils du peuple, enfants d'ouvriers<br />
<strong>et</strong> de pays<strong>ans</strong> d'accéder aux études secondaires s<strong>ans</strong><br />
bourse délier, même si cela se payait d'un engagement<br />
de dix <strong>ans</strong> à servir l'État. Les ÉN étaient une occasion -<br />
la seule pour beaucoup - de promotion <strong>sociale</strong>. La<br />
relative démocratisation de l'enseignement <strong>et</strong> la<br />
nécessité de doubler le recrutement normal des instituteurs<br />
<strong>et</strong> institutrices par un recrutement sauvage de bacheliers<br />
XXI
N<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
(7) L'École<br />
Émancipée<br />
n°14 du<br />
20.04.80.<br />
(8) Front<br />
Unique<br />
Ouvrier, l'avatar<br />
du moment de<br />
l'OCI.<br />
XXII<br />
(voire parfois de titulaires d'un simple BEPC !)<br />
lâchés s<strong>ans</strong> aucune formation d<strong>ans</strong> les classes en tant<br />
qu' "instituteurs remplaçants" vont modifier c<strong>et</strong> état de fait,<br />
le recrutement des ÉN concernant autant les classes<br />
moyennes que les classes populaires, la profession<br />
d'instituteur <strong>et</strong> surtout d'institutrice constituant tantôt<br />
un pis-aller pour des exclus de l'Université, tantôt<br />
l'occasion d'un "salaire d'appoint".<br />
Dès juill<strong>et</strong> 1968, Edgar Faure avait exprimé "son<br />
inclination" à en faire des instituts de formation<br />
<strong>pédagogique</strong> recrutant après le bac ; la circulaire ministérielle<br />
du 2 janvier 1969 était explicite : "Au budg<strong>et</strong> de 1969 sont<br />
essentiellement prévus des emplois pour les nouveaux<br />
centres régionaux qui ouvriront à la prochaine rentrée".<br />
Si l'OCI <strong>et</strong> l'AJS (Alliance des Jeunes pour le<br />
Socialisme), ancêtres du POI actuel ont dirigé de main<br />
de maitre des comités de grève, les militants non<br />
"lambertistes" de l'École Émancipée, ont participé<br />
activement à l'action pour défendre les ÉN, mais aussi<br />
pour exiger que des droits d'expression <strong>et</strong> d'organisation<br />
soient enfin reconnus aux futurs instituteurs qu'étaient<br />
les "élèves-maîtres". Quand Julien Desachy, élu ÉÉ au<br />
Bureau National du SNI prit la parole lors d'un me<strong>et</strong>ing<br />
parisien regroupant plus de 200 enseignants <strong>et</strong> normaliens,<br />
pour la plupart militants ou sympathisants de l'OCI,<br />
l'atmosphère était lourde, électrique même. Il n'était<br />
pas le bienvenu d<strong>ans</strong> c<strong>et</strong>te période où l'ÉÉ en crise allait<br />
vers une scission... Ce fut pourtant un tonnerre<br />
d'applaudissements qui conclut son intervention.<br />
Alors que la direction réformiste UID du SNI, soutenu<br />
par la minorité Unité <strong>et</strong> Action (cégétistes, proches ou<br />
militants du PCF) acceptait le leurre du troc : suppression<br />
des classes pré-bac contre deux années de formation<br />
professionnelle, d<strong>ans</strong> son numéro spécial de mars 1969,<br />
consacré à mai-juin 1968, l'ÉÉ ironisait sur ceux qui<br />
croyaient au père Noël.<br />
"La chute va être rude :<br />
- Tous les élèves-maîtres feront deux <strong>ans</strong> de formation<br />
professionnelle au lieu d'un an. D<strong>ans</strong> quelles conditions ?<br />
- Un peu partout, l'Enseignement supérieur se déclare<br />
incapable, faute de moyens, de participer à c<strong>et</strong>te formation.<br />
- Les remplaçants continueront à être pris au niveau du<br />
bac, s<strong>ans</strong> formation professionnelle.<br />
- La première année de normaliens entrant au niveau<br />
de la seconde, à la rentrée 1969, ne trouvera pas<br />
place d<strong>ans</strong> les Écoles Normales. Ces élèvesmaîtres<br />
resteront d<strong>ans</strong> leurs lycées d'origine.<br />
C'est la première étape décisive vers la disparition<br />
des Écoles normales <strong>et</strong> vers leur tr<strong>ans</strong>formation en<br />
Instituts de formation professionnelle en deux <strong>ans</strong>.<br />
Naturellement, on ne construira, ni ne reconstruira<br />
pas les Écoles normales, dont la plupart datent de<br />
1880 à 1900.<br />
Majoritaires <strong>et</strong> cégétistes unis annonçaient une<br />
victoire. Non seulement il n'y a pas victoire, ni<br />
même respect du statu quo. Ce que Pétain avait<br />
fait dès 1940, le Gouvernement va le réussir en<br />
1969 ou 1970".<br />
L'époque des coordinations<br />
Les luttes normaliennes, notamment celles de<br />
1977-78, qui donneront lieu à des coordinations<br />
boudées par le SNI - <strong>et</strong> dont le SGEN tentera de<br />
tirer les ficelles - auront le soutien s<strong>ans</strong> réserve<br />
de l'ÉÉ. Elles auront pour objectif d'améliorer<br />
la condition des élèves-maîtres, de faciliter<br />
l'obtention du CFEN ou tout au moins les<br />
redoublements en cas d'échec <strong>et</strong> d'éviter à la<br />
sortie les nominations trop problématiques<br />
pour des débutants.<br />
En 1979, le SNI remportait une nouvelle "grande<br />
victoire" : la formation initiale était portée à trois<br />
<strong>ans</strong>, organisée en unités de formation, avec stages en<br />
responsabilité d<strong>ans</strong> les classes ainsi que stages en entreprise<br />
<strong>et</strong> de moniteur de colonie de vacances pendant les congés,<br />
le tout sanctionnée par un DEUG spécifique. Pour l'ÉÉ, c<strong>et</strong>te<br />
réforme était "réactionnaire" <strong>et</strong> devait "être combattue<br />
comme telle" (7). Elle allait perm<strong>et</strong>tre des suppressions<br />
d'établissements <strong>et</strong> de postes de profs d'ÉN, elle allait<br />
diviser le corps des instits, elle était normalisatrice, liquidait<br />
"toutes les recherches sur l'évaluation normative", favorisait<br />
l'individualisme <strong>et</strong> le bachotage, <strong>et</strong>c. D'où de nouvelles<br />
mobilisations avec coordination nationale <strong>et</strong> appels à la<br />
grève générale qui furent une nouvelle fois l'occasion<br />
pour le FUO (8) de tenter de manipuler le mouvement<br />
alors que l'ÉÉ, contrairement au SGEN ou à U&A qui<br />
cherchaient à tirer la couverture à eux, se m<strong>et</strong>tait au<br />
service des normaliens en lutte…<br />
Les Écoles normales perdureront encore quelques<br />
années jusqu'à ce qu'en 1989 un gouvernement de gauche<br />
les remplace par les Instituts Universitaires de<br />
Formation des Maîtres, censés donner une formation<br />
unique à tous les enseignants de la Maternelle à la<br />
Terminale. La page des Écoles normales était définitivement<br />
tournée.<br />
Jean-François Chalot & Jean Mourot,<br />
Août 2010 ❏<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010
N<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
Georges Fontenis<br />
<strong>et</strong> L'École Émancipée<br />
Deux entr<strong>et</strong>iens avec Georges Fontenis qui nous a quittés il y a quelques mois (1) réalisés à plus<br />
de dix <strong>ans</strong> d'intervalle par des camarades d'<strong>Émancipation</strong> (Gilbert Estève puis Jean-François<br />
Pelé) perm<strong>et</strong>tent de revenir sur des années partagées importantes pour la vie de la tendance<br />
<strong>et</strong> de la Revue : le contexte de l'É.É après la Libération, avec le redémarrage de la Revue<br />
auquel il a été associé, <strong>et</strong> aussi l'évolution des rapports avec les libertaires confrontés à<br />
l'arrivée de différents groupes trotskistes.<br />
❒ Un "autre" communisme<br />
propos recueillis par Gilbert Estève,<br />
extraits d'un article publié d<strong>ans</strong> L'École<br />
Émancipée n°9 du 20 janvier 1991, pp. 30-33.<br />
(…) L'É.É : Tu as été l'un des réorganisateurs de l'École<br />
Émancipée à la Libération. Succinctement pourrais-tu nous<br />
rappeler la situation de l'époque <strong>et</strong> la part, parmi d'autres,<br />
qui fut la tienne d<strong>ans</strong> le redémarrage de la tendance <strong>et</strong> de<br />
la revue ?<br />
G.F : À l'époque, à la "Libération", il y a hégémonie<br />
stalinienne, avec un caractère de violence aujourd'hui<br />
inimaginable. Mais tout un pan de la population ne<br />
marche ni d<strong>ans</strong> le délire PCF ni d<strong>ans</strong> le délire cocardier<br />
des gaullistes. L'atmosphère étant au changement, à la<br />
rupture, les opposants se portent vers l'aile révolutionnaire,<br />
les trotskistes, les anarchistes, les Jeunesses socialistes<br />
(très à gauche de la SFIO). Cela explique l'essor du<br />
Libertaire : en ce qui regarde le milieu syndical, c<strong>et</strong>te<br />
frange d'opposants, appuyés par ceux qui ont survécu à<br />
la tourmente, physiquement <strong>et</strong> politiquement, va<br />
redonner vie, s<strong>ans</strong> délai, au syndicalisme révolutionnaire,<br />
<strong>et</strong>, pour les enseignants, à l'École Émancipée. C'est au<br />
cours des premières réunions à la Bourse du Travail de<br />
Paris que des affinités apparaissent. Ceux qui se distinguent<br />
à la fois des réformistes <strong>et</strong> des staliniens sont traités<br />
d'hitléro-trotzko-anarchistes <strong>et</strong> sont parfois physiquement<br />
agressés.<br />
J'apprends que des anciens vont relancer L'École<br />
Émancipée <strong>et</strong> je participe aux premières réunions, avec<br />
Penn<strong>et</strong>ier, Galienne, Guilloré, <strong>et</strong> sur le plan national<br />
avec Valière <strong>et</strong> Sarda : nous sommes une bonne quinzaine<br />
pour commencer. Solange Dumont que je rencontre d<strong>ans</strong><br />
ces réunions sera ma première liaison avec le mouvement<br />
libertaire qui se reconstitue. C'est alors que nous proj<strong>et</strong>ons<br />
de publier la Revue, Marcel Penn<strong>et</strong>ier <strong>et</strong> moi nous chargeons<br />
de la partie imprimerie (le premier numéro imprimé<br />
- bien modeste - sera confectionné chez un artisan<br />
imprimeur que je connais par voisinage d<strong>ans</strong> mon quartier<br />
du Haut Belleville). Mon intervention d<strong>ans</strong> la tendance<br />
prend d'autant plus de poids que je suis élu secrétaire de la<br />
Commission des jeunes de la section de la Seine du SNI.<br />
L'É.É : Durant la période de l'après Mai 68, l'École<br />
Émancipée a subi le départ par vagues successives<br />
de nombreux militants libertaires. Le courant libertaire<br />
aujourd'hui (2) d<strong>ans</strong> l'ÉÉ en est quasiment réduit à des<br />
individus isolés qui, pour la plupart, se r<strong>et</strong>ranchent derrière<br />
une filiation syndicaliste révolutionnaire style Charte<br />
d'Amiens - plutôt éloignée à bien des égards de la<br />
référence au courant antiautoritaire de la 1ère Internationale.<br />
Toi qui as côtoyé les divers groupes libertaires, quelle<br />
explication proposes-tu de c<strong>et</strong>te évolution ?<br />
G.F : Le départ de nombreux<br />
militants libertaires de l'ÉÉ<br />
après 68 a eu pour première<br />
raison la tentative de main-mise<br />
par les militants du PCI. Il y a<br />
aussi, il faut le reconnaître, un<br />
penchant chez beaucoup de<br />
libertaires à renoncer au<br />
travail difficile <strong>et</strong> patient.<br />
Plus près de nous, il y a eu de<br />
nouveau des crises avec des<br />
"prises de pouvoir" de certains<br />
éléments de la LCR (je dis<br />
bien "certains" car tous n'ont<br />
pas le virus du noyautage<br />
léniniste qui n'apporte d'ailleurs<br />
que des succès passagers <strong>et</strong><br />
apparents). Il n'empêche que<br />
quitter une structure parce que quelques-uns essaient<br />
de la dominer n'est pas une bonne attitude.<br />
C'est laisser la place à des magouilleurs (qui ne savent<br />
pas qu'ils sont des fossoyeurs) <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tre d<strong>ans</strong> l'embarras<br />
les militants courageux qui restent pour résister <strong>et</strong> sauver<br />
si possible l'ouverture de la tendance. Tendance qui est<br />
unique puisque toutes les sensibilités peuvent encore<br />
coexister. Mais il faut se battre pied à pied. J'en suis à<br />
me poser c<strong>et</strong>te question : est-ce qu'une certaine<br />
manière d'être libertaire ne s'accompagne pas, très<br />
souvent, de quelques dil<strong>et</strong>tantisme ? Et puis, ces dernières<br />
années, pas mal de jeunes enseignants ont rejoint le<br />
SGEN... cela n'a pas été favorable à l'ÉÉ.<br />
L'É.É : Comment analyses-tu la situation actuelle (2) qui<br />
prévaut à l'ÉÉ ? Quelles impressions r<strong>et</strong>ires-tu à la lecture<br />
de la revue ?<br />
G.F : En dépit des luttes internes qui perdurent, la situation<br />
actuelle me paraît bonne : la revue est solide, riche<br />
(riche aussi des différences qui s'y expriment), variée, <strong>et</strong><br />
elle reste un espace de liberté <strong>et</strong> de libre expression.<br />
C'est plus que rare. Il me paraît donc qu'il faut tout faire<br />
pour préserver l'existence de l'ÉÉ, tout faire y compris la<br />
critique interne. Par exemple, contre un certain ron-ron<br />
corporatiste <strong>et</strong> aussi contre la longueur de certains articles.<br />
Je serais tenté d'inviter certains collaborateurs à s'exercer<br />
à la "contraction de textes" ! (…)<br />
(1) voir<br />
L'<strong>Émancipation</strong><br />
n°1 septembre<br />
2010 page 31/III<br />
(2) rappel de la<br />
revue : interview<br />
réalisée <strong>et</strong><br />
publiée en 1991<br />
XXIII
N<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
(1) Note de<br />
l'auteur :<br />
compte rendu<br />
rédigé "à ma<br />
manière" sauf<br />
pour quelques<br />
formules que<br />
j'ai notées<br />
pendant la<br />
conversation.<br />
(JFP)<br />
(2) GF trouvait<br />
ce camarade<br />
très intéressant<br />
<strong>et</strong> semble avoir<br />
gardé beaucoup<br />
d'estime pour<br />
lui.<br />
(3) "Lili <strong>et</strong><br />
Volo" figures<br />
militantes de la<br />
tendance <strong>et</strong> de<br />
l'EDMP que<br />
les usagerEs du<br />
local de la rue<br />
Crozatier<br />
connaissent<br />
depuis des<br />
décennies !<br />
❒ Un entr<strong>et</strong>ien téléphonique<br />
de Jean-François Pelé avec<br />
G. Fontenis, le mercredi 18 février 2004<br />
La question que je lui posais, assez globalement : Lors du<br />
passage de l'Occupation à la Libération, comment s'est<br />
reconstituée l'ÉÉ ? (il serait également intéressant<br />
d'évaluer ce qui s'est passé sous l'Occupation allemande,<br />
cela dût-il donner une image mitigée de l'ÉÉ…) (1)<br />
La plupart des camarades qui ont participé à c<strong>et</strong>te<br />
période ont disparu, <strong>et</strong> la mémoire n'est plus assez<br />
précise… Fontenis cite Penn<strong>et</strong>ier, Galienne, (quelqu'un<br />
dont je n'ai pas saisi le nom). Également Guilloré, "de<br />
r<strong>et</strong>our de son aventure pétainiste"… L'ÉÉ s'est recréée à<br />
partir du lien entre le groupe parisien (Paris/banlieue),<br />
dont Penn<strong>et</strong>ier (2) <strong>et</strong> Fontenis étaient les chevilles<br />
ouvrières, <strong>et</strong> les militants du Sud, surtout Valière <strong>et</strong><br />
Féraud. Quand j'évoque Henri Sarda, il s'en souvient<br />
comme ayant été là dès les premiers contacts. Les "vieux<br />
camarades de l'ÉÉ", comme les Bouët ne sont réapparus<br />
que plus tard. G. F. croit se souvenir d'une réunion en<br />
45-46 avec des camarades - dont les Bouët. Les camarades<br />
de l'Oise ne sont réapparus que plus tard encore.<br />
À Paris, ils s'étaient r<strong>et</strong>rouvés d<strong>ans</strong> le syndicat CGT<br />
reconstitué clandestinement. Dès la Libération, ils ont<br />
pris les premiers contacts. Il était très difficile sinon<br />
impossible de r<strong>et</strong>rouver les listes des camarades qu'on<br />
avait côtoyés avant la guerre. Avec le groupe parisien,<br />
Fontenis se souvient d'avoir rédigé quelques articles, <strong>et</strong><br />
d'avoir trouvé un imprimeur pour les premiers numéros<br />
d<strong>ans</strong> son quartier, d<strong>ans</strong> le 19ème . Ce n'étaient que des<br />
"bull<strong>et</strong>ins intérieurs", <strong>et</strong> pas des publications ayant<br />
pignon sur rue… Mais G. F. n'a gardé aucun numéro de<br />
l'ÉÉ publié à c<strong>et</strong>te époque.<br />
On a peine à imaginer comment le PC se comportait,<br />
avec les trotskystes plus particulièrement. Fontenis<br />
n'avait pas de passé comme syndicaliste instit avant la<br />
guerre puisqu'il est devenu instit au moment de la<br />
guerre. Comme il était le "secrétaire jeunes" du SNI<br />
clandestin à la Libération, on le ménageait un peu.<br />
Bonissel "l'avait plutôt à la bonne". À c<strong>et</strong>te époque,<br />
Fontenis a connu Lili Zyromski, que les staliniens<br />
prenaient à partie, <strong>et</strong> il l'a même aidée à quitter une<br />
réunion où elle était en danger de se faire frapper. C'est<br />
aussi à c<strong>et</strong>te époque qu'il a contribué à amener à l'ÉÉ Jo<br />
Volovitch, qui avait été suspendu par le régime de<br />
Vichy, comme juif (3)…<br />
G. F. se souvient de réunions ÉÉ d<strong>ans</strong> un café d<strong>ans</strong> le<br />
quartier de l'Hôtel de Ville acceptant d'accueillir le<br />
groupe parisien pour ses réunions. Il était bien entendu<br />
impensable de se réunir à la Bourse du Travail, les<br />
staliniens ne l'auraient jamais permis. G. F. consacrait<br />
l'essentiel de son énergie à reconstituer le mouvement<br />
libertaire, auquel il avait participé avant-guerre, <strong>et</strong> il<br />
s'agissait surtout de militants ouvriers du livre, des<br />
usines Renault, Citroën, Alsthom…<br />
Documents tr<strong>ans</strong>mis par Gilbert Estève ❏<br />
Oise : Jeanne Berthelot a fini son Chahut !<br />
Jeanne Berthelot était née en 1925. Sa santé fragile nous avait si souvent fait craindre le pire. Mais toujours elle remontait la pente<br />
pour r<strong>et</strong>rouver une vitalité <strong>et</strong> un amour de la vie qui nous stupéfiaient. Jeanne nous a quittéEs le mardi 8 juin 2010. Altruiste<br />
jusqu'au dernier moment, elle n'a souhaité aucune cérémonie: simplement donner son corps à la science pour être utile, une<br />
dernière fois. Tout juste un "p<strong>et</strong>it papier" d<strong>ans</strong> Le Chahut (1), c'est tout ce qu'elle m'avait concédé.<br />
Jeanne était avant tout une femme libre. Les chats, Georges Brassens, le philosophe Michel Onfray... étaient ses plus grandes<br />
passions. En plus de son handicap de naissance, la maladie la cloua trop vite d<strong>ans</strong> un fauteuil roulant. Je ne l'ai jamais entendue<br />
se plaindre. Même au bout de la fatigue, même souffrant le martyr, elle te parlait des autres, de la marche du monde qui<br />
l'inquiétait tant avec ce sentiment si douloureux que nos idéaux foutaient le camp peu à peu. D'où sa fidélité absolue <strong>et</strong><br />
déterminée à <strong>Émancipation</strong>, au Chahut, à l'idéal laïque, au féminisme, au mouvement ouvrier. Elle a d'ailleurs écrit<br />
régulièrement pour Le Chahut. La fidélité, le refus des compromissions... elle n'accordait son estime qu'à ce prix. Qu'il fut cruel<br />
le moment où il m'a fallu l'effacer du fichier de nos abonnéEs!<br />
J'ai connu Jeanne à la fin des années 70. J'avais écrit un article qu'elle avait apprécié. Heureuse qu'un jeune "reprenne le<br />
flambeau", elle m'avait fait savoir qu'elle aurait bien aimé me rencontrer. Je suis passé la voir, d<strong>ans</strong> sa maison de Margny-lès-<br />
Compiègne, après une manif du 1er mai à Compiègne. Ce fut le début d'une amitié <strong>et</strong> d'une tendresse qui ne connurent aucun<br />
accroc. C'est aussi à Margny qu'elle prit sa r<strong>et</strong>raite d'Institutrice publique <strong>et</strong> LAÏQUE. Le bonheur d'apprendre la lecture à un<br />
gamin lui avait fait choisir la classe du C.P. S<strong>ans</strong> doute ne fut-elle pas une pédagogue en rupture mais, là encore, elle fut fidèle à<br />
ses idéaux. Ainsi, par exemple, résista-t-elle à son Inspecteur - son refus de la hiérarchie <strong>et</strong> de la soumission était viscéral - à certains<br />
parents pour faire découvrir coûte que coûte Brassens à ses élèves quand le poète chanteur était encore interdit à la radio.<br />
Jeanne est restée militante jusqu'au bout interpellant par de très nombreuses l<strong>et</strong>tres toutes les personnalités qui bafouaient les<br />
principes d'honnêt<strong>et</strong>é, de justice ou d'égalité, <strong>et</strong> plus encore les élus de gauche dès qu'ils prenaient des positions qu'elle estimait<br />
contraires aux devoirs exigeants <strong>et</strong> fidèles inhérents aux idéaux progressistes. L'une de ses dernières grandes colères fut s<strong>ans</strong> doute<br />
en réaction à la décision du NPA d'O. Besancenot de présenter une femme voilée aux dernières élections régionales.<br />
Jeanne, j'ai les yeux qui pleurent : un Chahut que tu ne liras pas. Le premier. Je ne vais pas te raconter que tu le découvriras de<br />
là où tu es car je sais que tu m'engueulerais, toi qui riais de la naïv<strong>et</strong>é de ceux qui croient en l'au-delà. "Toi berceur d'illusions,<br />
profiteur de naïfs, obscurantiste... Ô! non, pas toi Jean Michel, ne me déçois pas."… Allez, Jeanne, assez de larmes, au boulot, on<br />
va continuer la grande lutte pour l'émancipation.<br />
J. M. Bavard, G.D de l’Oise ❏<br />
(1) Le Chahut, journal édité par les militants <strong>Émancipation</strong> de l'Oise<br />
XXIV<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010