Cent ans d'histoire sociale, syndicale et pédagogique - Émancipation
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N<br />
XVIII<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
1968 : un bilan à approfondir<br />
Un précédent article ("1968 : la révolution manquée", L'<strong>Émancipation</strong> de mai 2010) évoque la<br />
grave crise que connaît alors l'École Émancipée. C<strong>et</strong> article est, pour l'essentiel, un extrait<br />
du travail réalisé par Gabriel Mollier. Il s'en dégage l'idée - incontestable - que l'École<br />
Émancipée, en tant que courant organisé, passa à côté de la grève générale de 1968 <strong>et</strong> ne<br />
sut pas répondre aux questions politiques majeures qui se posaient alors.<br />
Pour un courant qui se réclamait de la révolution,<br />
c'était désastreux. Pour justifier c<strong>et</strong> état de fait,<br />
l'article m<strong>et</strong> en avant la crise qui touchait alors<br />
l'École Émancipée, crise imputable "à la tentative de<br />
prise de contrôle" de la tendance par l'OCI (groupe<br />
Lambert) "qui sera bientôt exclue".<br />
Quarante années plus tard - les passions étant calmées -<br />
on peut penser qu'il serait utile <strong>et</strong> nécessaire de faire de<br />
c<strong>et</strong>te crise une analyse plus approfondie, <strong>et</strong> de tenter de<br />
répondre à quelques questions : la quasi inexistence de<br />
l'École Émancipée en 1968 est-elle due à l'OPA tentée<br />
par l'OCI, ou bien à ses propres faiblesses ? Pourquoi<br />
l'accord entre les différentes sensibilités (syndicalistes<br />
révolutionnaires <strong>et</strong> trotskystes notamment) prit-il fin<br />
après plus de quinze années de travail en commun ? En<br />
quoi la situation nouvelle des années 65-70, le surgissement<br />
de nouveaux groupes <strong>et</strong> courants politiques ont-ils pesé<br />
d<strong>ans</strong> l'École Émancipée ? Quels furent les désaccords en<br />
termes d'orientation?<br />
Les lignes qui suivent visent seulement à ouvrir des pistes<br />
de réflexion.<br />
Rappelons brièvement (cf. L'<strong>Émancipation</strong> n°8 <strong>et</strong> 9) que<br />
la tendance ÉÉ fut reconstruite par l'activité commune<br />
des syndicalistes révolutionnaires <strong>et</strong> des trotskystes, <strong>et</strong><br />
que l'accord politique passé entre ces sensibilités<br />
différentes se traduisit ensuite par la proposition de la<br />
motion Bonnissel-Valière (1948), dont plusieurs articles<br />
ont rappelé le rôle historiquement décisif.<br />
Et ensuite ? D<strong>ans</strong> la FEN devenue autonome, l'activité<br />
de la tendance végéta : la situation politique des années<br />
cinquante, difficile, pesait lourdement. L'ÉÉ devint peu<br />
à peu l'"opposition de sa majesté". Les trotskystes euxmêmes<br />
étaient touchés de plein fou<strong>et</strong> par la dislocation<br />
de la Quatrième internationale : tandis qu'une partie<br />
d'entre eux se noyait à l'intérieur du PCF, les effectifs<br />
du groupe français subsistant (<strong>et</strong> dont Lambert allait<br />
prendre la direction) s'effondraient.<br />
Premières failles<br />
La situation se modifie au début des années soixante :<br />
les mobilisations contre la guerre d'Algérie, puis la grève<br />
générale des mineurs en 1963 qui m<strong>et</strong> De Gaulle en<br />
échec, contribuent à l'émergence d'une nouvelle<br />
génération qui s'engage ensuite d<strong>ans</strong> la mobilisation<br />
contre l'intervention américaine au Vi<strong>et</strong> Nam. Alors que<br />
de nouveaux groupes politiques apparaissent, le groupe<br />
trotskyste (l'OCI) renaît de ses cendres. Et sa direction<br />
rem<strong>et</strong> en cause la politique suivie par ses militants d<strong>ans</strong><br />
le syndicalisme enseignant.<br />
Le premier heurt a lieu en 1964, à l'occasion du<br />
Congrès du SNI à Lille, épisode que l'on appela "l'acte<br />
de Lille". Considérant que la réforme administrative<br />
imposée par le gouvernement conduit à intégrer le syndicat à<br />
l'appareil d'État, l'École Émancipée, à juste titre, se<br />
prononce pour que les élus du SNI refusent de siéger<br />
d<strong>ans</strong> les instances de participation. Mais la direction de<br />
l'OCI exige de ses militants que l'ÉÉ aille plus loin qu'une<br />
simple déclaration <strong>et</strong> démissionne du bureau national du<br />
SNI. L'ÉÉ se soum<strong>et</strong>, mais cela provoque une première<br />
crise d<strong>ans</strong> la tendance.<br />
La crise touche également la fraction trotskyste qui,<br />
pour une grande part, est rétive à briser le fonctionnement<br />
consensuel qui prévaut au sein de la tendance.<br />
Les plaies sont ravivées lorsqu'est connu en 1967 un<br />
document interne de l'OCI qui affirme que la fraction<br />
enseignante (de l'OCI) devra contrôler "nos représentants<br />
d<strong>ans</strong> les instances <strong>syndicale</strong>s".<br />
1967 : Rien n'est encore joué<br />
L'activité militante conjointe ne s'en poursuit pas<br />
moins, <strong>et</strong> peut s'avérer fructueuse.<br />
En témoigne la mobilisation en défense des Écoles normales<br />
durant l'année 1966-1967. En toile de fond, il y a le<br />
combat des étudiants contre la réforme Fouch<strong>et</strong>.<br />
Pour les Écoles normales d'instituteurs <strong>et</strong> d'institutrices,<br />
c<strong>et</strong>te réforme constitue un pas décisif vers leur liquidation.<br />
Déjà, en 1966, tous les maîtres ne sont plus recrutés à<br />
la fin de la classe de Troisième <strong>et</strong> le recrutement après le<br />
baccalauréat se développe. Néanmoins subsiste un fort<br />
contingent de "normaliens" qui préparent le bac au sein des<br />
EN. Le gouvernement veut en finir avec c<strong>et</strong>te formation <strong>et</strong><br />
disperse alors ces normaliens parmi les élèves de lycées.<br />
À l'initiative de jeunes trotskystes est lancé un appel des<br />
normaliens d'Auteuil devenus lycéens à Turgot. Un<br />
comité est constitué, dont on ne peut pas dire qu'il soit un<br />
doublon de l'École Émancipée puisqu'il vise à regrouper<br />
enseignants, étudiants <strong>et</strong> parents d'élèves. C'est le point<br />
de départ d'une importante mobilisation qui se tourne<br />
vers les directions <strong>syndicale</strong>s. Mais les dirigeants du SNI<br />
ont décidé de laisser passer le plan gouvernemental.<br />
Ce combat est aussi celui de l'École Émancipée. Ainsi<br />
Julien Desachy intervient-il lors du congrès national du<br />
SNI en reprenant à son compte l'appel des normaliens<br />
d'Auteuil pour "la tenue d'une conférence pour la défense<br />
des E.N. où tous ceux que ce problème touche (normaliens,<br />
instituteurs, professeurs, parents) chercheraient les voies <strong>et</strong><br />
les moyens de la défense des EN".<br />
S<strong>ans</strong> revenir ici sur les développements ultérieurs, on<br />
peut dire que l'École Émancipée tire alors profit de ce<br />
combat.<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010