Cent ans d'histoire sociale, syndicale et pédagogique - Émancipation
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N<br />
En 1968, bien entendu les militants de l'ÉÉ sont en<br />
grève pendant tout le mois de mai, <strong>et</strong> ne se limitent<br />
d'ailleurs pas à cela : ainsi certains tiennent des réunions<br />
avec les parents (parfois plus de 400 personnes présentes !).<br />
Au collège Pierre Pug<strong>et</strong>, la grève est tellement puissante<br />
qu'il y a seulement 10 élèves au collège… le principal du<br />
collège donne même à Roger Bozane son bureau, son<br />
téléphone, le secrétariat… <strong>et</strong> vient aux réunions ! Roger<br />
Bozane, toujours lui, fait le tour de la ville en cyclo pour<br />
informer les autres militants de ce qui se passe.<br />
D<strong>ans</strong> le Var des comités de grève se m<strong>et</strong>tent en place.<br />
D<strong>ans</strong> le second degré, les conditions d'intervention de<br />
l'ÉÉ sont toutefois différentes : il y a l'élément constitué<br />
par la présence des comités d'action lycéens, mais aussi<br />
une très forte présence de militants du PCF (par exemple<br />
lorsque des militants ÉÉ viennent distribuer des tracts<br />
ÉÉ au lycée, il y a une confrontation parfois physique<br />
avec le PCF).<br />
En tout cas, en mai 68, au sein de la FEN, c'est l'ÉÉ qui<br />
a mené le combat contre le régime beaucoup plus que<br />
le courant lié au PS. Quant à la sensibilité <strong>syndicale</strong> portée<br />
par l'OCI, elle apparaît à ce moment-là d<strong>ans</strong> le Var.<br />
L'École Émancipée, son fonctionnement<br />
Le groupe départemental varois de l'ÉÉ avait des réunions<br />
régulières : l'ÉÉ se réunit en moyenne une fois par mois<br />
durant ces années à la Bourse du Travail de Toulon, les<br />
réunions regroupent entre 7 <strong>et</strong> 10 personnes, la réunion<br />
de fin d'année se clôt par des festivités <strong>et</strong> une sortie<br />
ensemble souvent au Prad<strong>et</strong>. Le groupe départemental<br />
fonctionne avec un secrétaire (à l'époque les militants<br />
Pastorello ou Jardin), qui est responsable de la sortie<br />
du bull<strong>et</strong>in départemental. La sortie du bull<strong>et</strong>in<br />
départemental est assurée notamment par des<br />
cotisations départementales.<br />
Un trait domine la nature de la tendance pour tous :<br />
l'absence de centralisation <strong>et</strong> le caractère finalement<br />
assez informel. Les liens avec la tendance nationale sont<br />
très lâches, <strong>et</strong> de toutes les façons avant les années 1960<br />
le fonctionnement de l'ÉÉ s'organise beaucoup plus<br />
au niveau départemental ou régional, qu'au niveau<br />
national. Ainsi, deux ou trois fois par an il y a des<br />
réunions régionales, annoncées d<strong>ans</strong> la revue. Toutefois,<br />
on notera que le Bull<strong>et</strong>in Intérieur existait déjà. Il est<br />
remarquable aussi que la haute figure de Valière, élu au<br />
BN du SNI à l'époque des listes communes, est reconnue<br />
par tous les militants.<br />
La rencontre avec la tendance nationale peut s'effectuer<br />
aussi lors des congrès syndicaux nationaux, mais même<br />
c<strong>et</strong>te rencontre est rare ; Roger Bozane devenu<br />
secrétaire de l'ÉÉ monte une fois au congrès national du<br />
SNI… <strong>et</strong> il n'en garde pas un souvenir très positif : il<br />
arrive la veille, lors de la réunion de tendance du soir<br />
(entre 10 <strong>et</strong> 20 délégués) on distribue les interventions<br />
de manière assez administrative. Les responsables de la<br />
tendance de c<strong>et</strong>te époque ne lui laissent pas le souvenir<br />
d'un fonctionnement très démocratique. Même sensation pour<br />
Raymond Jardin, délégué au congrès national du SNI.<br />
Pour les militants de c<strong>et</strong>te époque, l'ÉÉ c'est en fin de<br />
compte d'abord la Revue (elle compte environ 25 abonnés<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
au moment où Roger Bozane est secrétaire du GD) ; c<strong>et</strong><br />
état de fait semble avoir duré assez longtemps, puisque<br />
Nicole Desautels qui arrive au militantisme ÉÉ d<strong>ans</strong> les<br />
années 1970 affirme que "Quand je suis arrivée, la boussole<br />
pour moi c'est la revue".<br />
La revue de l'ÉÉ, qui occupe donc une place importante,<br />
se caractérise par le grand rôle de la partie <strong>pédagogique</strong>.<br />
Mais il faut remarquer que c<strong>et</strong>te préoccupation<br />
<strong>pédagogique</strong> est beaucoup plus tournée vers la pratique<br />
que vers les spéculations abstraites. La revue contient<br />
par exemple des articles expliquant comment réaliser<br />
une balance (<strong>et</strong> compenser ainsi l'absence de moyens<br />
pour le matériel <strong>pédagogique</strong>)… elle contient beaucoup<br />
de "rec<strong>et</strong>tes", de "trucs" pratiques. On notera que le Var<br />
n'est pas absent de l'animation de la revue, par exemple<br />
Raymond Jardin anime la rubrique <strong>pédagogique</strong> pendant<br />
un an. Ce choix est notamment lié au fait qu'il pratiquait<br />
les techniques Frein<strong>et</strong>.<br />
Le fonctionnement de l'ÉÉ semble avoir changé au cours<br />
des années 1960. Sous l'impulsion des tr<strong>ans</strong>formations<br />
sociologiques locales en premier lieu : le département<br />
est d'abord peu urbanisé, puis l'urbanisation entraîne<br />
une activité <strong>syndicale</strong> plus structurée. Les tendances<br />
s'individualisent plus n<strong>et</strong>tement, la liste commune<br />
avec le courant socialisant devient de l'histoire<br />
ancienne.<br />
Quelques responsables de l'ÉÉ…<br />
Roger Bozane<br />
Arrivé à l'École Normale à Draguignan en 1949,<br />
première promotion après la guerre puisque Pétain<br />
avait supprimé les Écoles Normales. Les élèves sont<br />
tous internes, à l'époque c'est une obligation. Les classes<br />
de normaliens ne sont pas mixtes même si certains<br />
cours ont lieu à l'école normale de filles : la mixité<br />
commence à peine. La vie en École normale est très<br />
austère : ainsi Roger relate que les élèves ont une seule<br />
couverture sur le lit, d<strong>ans</strong> un dortoir pas chauffé !<br />
La quatrième année était l'année de formation<br />
professionnelle. Il arrive rapidement à l'ICEM <strong>et</strong> à l'ÉÉ.<br />
À Toulon, il bénéficie de la présence d'un "poste d'action<br />
laïque" : il est nommé à Toulon sur ce poste à condition<br />
de faire du "patronage" le jeudi : pour l'USEP le matin,<br />
pour les FRANCAS l'après-midi (on se rappellera qu'à<br />
c<strong>et</strong>te époque le jeudi était traditionnellement un jour<br />
de repos). L'existence de ce type de poste, surprenante<br />
aujourd'hui, résultait d'une entente entre l'Inspection<br />
d'Académie <strong>et</strong> la FOL. Ce sont des postes dont la<br />
durée est limitée à deux <strong>ans</strong>, il y en a six ou sept d<strong>ans</strong><br />
le Var à l'époque.<br />
Il s'intéresse de près au mouvement Frein<strong>et</strong>, <strong>et</strong> notamment<br />
à la Coopérative de l'Enseignement Laïque. Celle-ci<br />
publie La Gerbe, un recueil de textes pour les cours de<br />
CP très utilisé par les militants varois de l'ÉÉ.<br />
Pour Roger, il ne faut pas perdre de vue l'importance<br />
du travail collectif, de tous les camarades qui ne<br />
sont pas mentionnés, mais aussi le rôle déterminant<br />
<strong>et</strong> injustement passé sous silence des femmes des<br />
militants École Émancipée de ces années-là.<br />
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