Cent ans d'histoire sociale, syndicale et pédagogique - Émancipation
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N<br />
L'École Émancipée d<strong>ans</strong><br />
la Grève générale de 1968<br />
C'est d<strong>ans</strong> c<strong>et</strong>te "ambiance" qu'éclate la grève générale<br />
de 1968, au cours de laquelle l'ÉÉ comme telle reste sur<br />
le bord de la route, ses adhérents agissant à titre individuel<br />
ou en relation avec leur appartenance politique.<br />
C'est à la fin de la grève générale qu'a lieu l'épisode de<br />
l'occupation des bureaux du SNI par des enseignants<br />
réunis en AG après avoir appris que le SNI appelait à<br />
reprendre le travail. Les militants trotskystes présents<br />
appellent à l'occupation des locaux syndicaux désertés.<br />
Le temps d'instaurer un comité de grève provisoire pour<br />
relancer la grève, <strong>et</strong> l'occupation cesse au bout de<br />
quelques heures. La campagne haineuse des bureaucrates<br />
syndicaux contre les initiateurs (<strong>et</strong> contre l'École<br />
Émancipée) sera à la hauteur de leur trahison. Mais la<br />
réponse de l'ÉÉ, qui n'y est effectivement pour rien, n'a<br />
rien de glorieux, "comprenant la colère de nos camarades"<br />
mais déclarant "regr<strong>et</strong>table" c<strong>et</strong>te occupation.<br />
C<strong>et</strong> épisode aurait néanmoins pu être surmonté (en<br />
Grèce il y a peu, l'occupation des locaux syndicaux par<br />
des anarchistes, justifiée ou pas, n'a pas été désavouée<br />
par les autres courants radicaux). Mais dès la rentrée de<br />
septembre 1968, tout devient prétexte à affrontement :<br />
l'hebdomadaire des trotskystes s'en prend durement à<br />
certains animateurs de la tendance (sur leur refus<br />
supposé d'un comité central de grève en mai-juin) <strong>et</strong> les<br />
autres sensibilités déclarent incompatibles le fait d'être<br />
membre de l'ÉÉ <strong>et</strong> d'être membre d'un CAOTE (1). Or,<br />
il s'agit là de comités politiques initiés par les trotskystes.<br />
Mais ils sont perçus comme "doublant" l'École Émancipée.<br />
En décembre, la rupture est consommée.<br />
Rétrospectivement, il semble que ce furent là des prétextes,<br />
qui ont masqué les faiblesses des uns <strong>et</strong> des autres<br />
durant la grève de mai-juin, <strong>et</strong> ont permis alors aux uns<br />
<strong>et</strong> aux autres de ne pas faire de vrai bilan critique sur les<br />
orientations mises en œuvre. Par exemple : alors que le<br />
10 mai 68 surgit d<strong>ans</strong> les manifestations le mot d'ordre<br />
"10 <strong>ans</strong>, ça suffit !", la question centrale du combat pour<br />
chasser De Gaulle est totalement ignorée par la direction<br />
de l'OCI de même que par les autres composantes de l'ÉÉ.<br />
Les conséquences de c<strong>et</strong>te absence de bilan serein sont<br />
exacerbées par le fait que l'École Émancipée agrège<br />
désormais de nombreuses (<strong>et</strong> conflictuelles) "sensibilités"<br />
politiques qui fleurissent à c<strong>et</strong>te époque.<br />
D<strong>ans</strong> c<strong>et</strong>te situation, l'École Émancipée devient un<br />
enjeu pour beaucoup de groupes.<br />
La rupture<br />
On ne peut en particulier, aujourd'hui, passer sous<br />
silence l'arrivée des militants de la Jeunesse communiste<br />
révolutionnaire (le groupe Krivine est issu de l'UEC <strong>et</strong><br />
du PCF en 1966 ; la Ligue communiste est fondée en<br />
1969). Les premiers d'entre eux sont présents dès les<br />
années 66-68 avec un objectif : tr<strong>ans</strong>former l'ÉÉ en<br />
"fraction communiste" sous leur contrôle. Les bull<strong>et</strong>ins<br />
intérieurs de la Ligue de l'époque en témoignent. Ce<br />
groupe a intérêt à la rupture entre les trotskystes de<br />
l'OCI <strong>et</strong> les syndicalistes révolutionnaires. D'autant plus<br />
qu'il existe entre l'OCI <strong>et</strong> la Ligue une profonde hostilité.<br />
L’<strong>Émancipation</strong> <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> <strong>pédagogique</strong> - 6/10/2010<br />
otre centenaire 1910-2010<br />
C'est ainsi que l'OCI s'isole au sein de la tendance, face<br />
à un bloc fort disparate mais provisoirement soudé.<br />
Après l'exclusion des militants de l'OCI, l'ÉÉ va, par crises<br />
successives, passer peu à peu sous le contrôle croissant<br />
de la Ligue. Avec les conséquences ultérieures que l'on<br />
connaît.<br />
Célébre affiche de mai 68<br />
Faut-il en conclure que la racine des difficultés se trouverait<br />
inévitablement d<strong>ans</strong> la présence, au sein de la tendance<br />
comme au sein des syndicats, de groupes politiques faisant<br />
prévaloir leur politique ? Répondre ainsi reviendrait à<br />
faire passer au second plan les questions d'orientation,<br />
dont on est en droit de penser qu'elles sont décisives. Et<br />
les militants, qu'ils soient ou non politiquement organisés,<br />
sont à chaque moment confrontés aux mêmes questions<br />
politiques. Par exemple, il conviendrait de revenir avec<br />
précision sur les difficultés de l'École Émancipée, au<br />
printemps 1969, à apporter une réponse claire à la question<br />
du référendum gaulliste. Disons simplement que ces<br />
"difficultés" (fallait-il appeler au boycott ? Ou appeler à<br />
voter non ? Ou bien encore ne pas répondre directement ?)<br />
furent autant le fait des militants organisés de la Ligue<br />
que des autres militants de la tendance.<br />
L'un des enseignements que l'on peut tirer de c<strong>et</strong>te époque,<br />
c'est que la première condition pour que soit préservé<br />
un cadre commun de discussion <strong>et</strong> de combat, c'est que<br />
les difficultés d'orientation soient clairement discutées,<br />
<strong>et</strong> que les bil<strong>ans</strong> ne soient pas esquivés. De tels bil<strong>ans</strong><br />
sont, en tout état de cause, nécessaires pour les combats<br />
présents <strong>et</strong> à venir.<br />
Serge Goudard ❏<br />
(1) Comité<br />
d'Alliance<br />
Ouvrière des<br />
Travailleurs de<br />
l'Éducation.<br />
XIX