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William Knibb et George Liele - Free

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1<br />

Premiers Baptistes en Jamaïque<br />

<strong>George</strong> LIELE (Lisle) & <strong>William</strong> KNIBB<br />

(1750-1826) (1803 - 1845)<br />

1. La Jamaïque en quelques mots<br />

1.1. Présentation générale<br />

La Jamaïque fait partie des « Grandes Antilles ». Elle fait 10 991 km²<br />

(quatre fois moins que la Suisse) d'Est en Ouest sur environ 250 km,<br />

sa largeur maximale ne dépassant pas 80 kilomètres. C'est la<br />

troisième plus grande île des Caraïbes, après Cuba (110 860 km²) <strong>et</strong><br />

l'île d'Haïti (76 480 km²).<br />

En 2001, la population était estimée à 2,7 millions d'habitants avec<br />

75 % de la population d'origine africaine, 15 % d'origine afroeuropéenne,<br />

4 % d'origine européenne, 3,5 % venant de l'Inde <strong>et</strong> du<br />

Proche-Orient, 1,5 % étant des Chinois ou Afro-Chinois.<br />

Arrivée des espagnols en Jamaïque<br />

1.2. Un mot d’histoire<br />

Avant l'arrivée des Européens, l'île était peuplée d'Amérindiens arawaks. Ils y<br />

vivaient depuis environ sept siècles lorsque Christophe Colomb découvrit la<br />

Jamaïque le 4 mai 1494.<br />

Les Espagnols en firent une colonie du nom de Santiago (1509) <strong>et</strong> fondèrent Santiago<br />

de la Vega, qui devint la capitale de c<strong>et</strong>te colonie espagnole en 1538. Les Arawaks<br />

constituèrent la première main-d'oeuvre d'esclaves des Espagnols.<br />

Dans leur quasi-totalité, les Amérindiens furent rapidement décimés par les mauvais<br />

traitements <strong>et</strong> les maladies apportées par les Européens. On ne comptait déjà plus<br />

d'autochtones à la fin du XVI e siècle. Les Espagnols utilisèrent des esclaves noirs qui<br />

s'hispanisèrent rapidement. À ce moment-là, les langues parlées en Jamaïque étaient<br />

l'espagnol, le portugais <strong>et</strong> le créole.<br />

En 1655, les Britanniques s'emparèrent de l'île, qui devint officiellement une colonie<br />

britannique en 1670. Entre temps, la plupart des colons espagnols avaient quitté l'île pour<br />

Cuba restée espagnole. Les colons anglais y introduisirent des esclaves noirs venus<br />

d'Afrique <strong>et</strong> développèrent l'exploitation de la canne à sucre <strong>et</strong> la culture du cacao.<br />

Les Britanniques firent de la Jamaïque une colonie très productive, mais elle devint aussi<br />

l'une des principales plaques tournantes de la traite des Noirs ; à la fin du XVIII e siècle,<br />

l'île comptait 300 000 esclaves.<br />

C'est à c<strong>et</strong>te époque que s'élaborèrent le créole jamaïcain (formé d'anglais, de mandingue,<br />

de malinké, de bambara <strong>et</strong> de dioula) <strong>et</strong> la langue anglaise locale propre à l'île. Durant<br />

c<strong>et</strong>te époque, les Britanniques eurent beaucoup de mal à traquer les marrons, ces esclaves<br />

qui réussissaient à s'enfuir.<br />

Puis les mouvements nationalistes se développèrent sous l'impulsion de deux chefs<br />

jamaïcains, Alexander Bustamante (1884-1977) <strong>et</strong> Norman Washington Manley (1893-<br />

1969). D'abord alliés puis adversaires politiques, ils alternèrent au pouvoir. L'idée de<br />

l'indépendance fut relancée par l'octroi d'une nouvelle constitution en 1953. Manley<br />

accéda au poste de premier ministre en 1955 <strong>et</strong> fut un partisan de l'unité des Caraïbes<br />

anglophones, celle-ci se réalisant brièvement dans la Fédération des Indes-Occidentales<br />

(1958-1962). La Jamaïque obtint son indépendance, dans le cadre du Commonwealth, le 6<br />

août 1962.<br />

Anne Ruolt, Nos ancêtres... les baptistes; les premiers baptistes en Jamaïque: <strong>George</strong> <strong>Liele</strong> & <strong>William</strong> <strong>Knibb</strong>,<br />

polycopier groupe d’Institut Biblique n°3, Paris, Eglise du Tabernacle, dim 22 janvier 2006.<br />

En 1655 les Britanniques s’emparent de l’île,<br />

pacification avec les marrons<br />

(http://www.bc.edu/libraries/centers/burns<br />

/exhibits/highlights/s-afcarconexhibit/)


2<br />

1.3. La religion en Jamaïque<br />

Bien que découverte par Christophe Colomb1 , dès 1655 les Anglais y supplantèrent les Espagnols <strong>et</strong> le protestantisme le<br />

catholicisme ! Aujourd’hui encore les protestants sont les plus nombreux 50% (Eglise de Dieu 21. 2%, baptistes 8.8 %, anglicans<br />

5.5 %, adventistes du Septième Jour 9 %, pentecôtistes 7.6 %, méthodistes 2.7 %, Eglise Unifiée 2.7 %, Frères 1.1 %, Témoins de<br />

Jehovah 1.6 %, Moraves 1.1 %, Catholiques romains 4 %, autres 34.7 % 2 ).<br />

J. Blandenier 3 cite parmi les pionniers protestants : les quakers dès 1671, puis les<br />

moraves dès 1754, suivis des méthodistes dès 1789.<br />

L’Union Baptiste de Jamaïque 4 compte aujourd’hui : 107 ministres du culte, 302<br />

Eglises, 40 000 membres 5 .<br />

Le premier pasteur baptiste, <strong>George</strong> Lisle ou LIELE (1750-1826) 6 , était un<br />

esclave noir affranchi qui est venu en 1783 à Kingston de Virginie après avoir<br />

été le premier pasteur baptiste noir ordonné en Géorgie (20 mai 1775). Il a fondé<br />

la première Eglise Africaine d’Amérique à Savannah en Géorgie. <strong>Liele</strong> s’était<br />

converti en 1773 <strong>et</strong> a été baptisé par le pasteur Matthieu Moore.<br />

Il a émigré en Jamaïque avec 400 familles blanches. De 4 000 à 5 000 esclaves noirs ont aussi suivi ce mouvement. Il entra alors dans<br />

l’armée britannique ou il fut un certain temps au service du gouverneur. La condition des esclaves le toucha profondément 7 . En<br />

1783/4, il fonda la Baptist Ethiopien Church 8 of Jamaïca, qui en 1814 elle était forte de 8 000 membres.<br />

Lisle, surnommé « l’apôtre noir » 9 , a travaillé de ses mains pour nourrir sa femme <strong>et</strong> ses 4 enfants.<br />

Les premières communautés baptistes sont essentiellement composées d’esclaves <strong>et</strong> d’autochtones d’origine indienne. Si Lisle a eu<br />

les faveurs de nombreux esclaves noirs, en revanche l’accueil des maîtres n’a pas été aussi chaleureux envers lui… Les<br />

300 000 esclaves représentaient alors dans l’équilibre socio-économique un poids non négligeable…<br />

Le mouvement rastafari 10 récupère volontiers Lisle, faisant de lui un précurseur de leurs théories.<br />

La philosophie rastafari s’enracine dans un vaste mouvement afrocentriste cherchant à revaloriser la<br />

dignité de l’homme noir opprimé <strong>et</strong> humilié à cause de sa couleur de peau en opposition à l’homme blanc<br />

<strong>et</strong> tout ce qui peut le caractériser socialement.<br />

La figure de l'empereur d’Éthiopie Hailé Sélassié 1 er (puissance de la trinité), qui se prétendait descendre<br />

du roi Salomon <strong>et</strong> de la reine de Saba, est révéré par ce mouvement comme le réformateur annoncé par<br />

l’AT. Le Messie, l’incarnation de Dieu sur terre c’est la personne de ce souverain politique de peau<br />

noire 11 . Le rastafarisme nomme du reste Haile Selassie Jah 12 pour Jéhovah ou Yahvé. L’Ethiopie joue<br />

dans ce mouvement le rôle de la terre promise.<br />

Ce mouvement s’est développé sous de l’impulsion de Moïse Marcus Garvey<br />

(1877-1940) qui fonda le mythe. Né en Jamaïque en 1877, il émigra en<br />

Amérique en 1916. « L’année suivante, il fonda l’Association Universelle pour<br />

l’Amélioration de la Condition Noire (Universal Negro Improvement<br />

Association, UNIA, toujours en activité). Grâce à lui, c<strong>et</strong>te organisation devint<br />

le principal défenseur de « la rédemption par le rapatriementé (redemption<br />

trough repatriation), avec la bénédiction du Ku Klux Klan. » 13<br />

Il écrit ainsi dans son principal ouvrage Philosophy and Opinions: « Laissons le<br />

Dieu d'Isaac <strong>et</strong> le Dieu de Jacob exister pour la race qui croit au Dieu d'Isaac <strong>et</strong><br />

de Jacob. Nous, les Nègres, croyons au Dieu d'Ethiopie, le Dieu éternel, Dieu le<br />

Fils, Dieu le Saint-Esprit, le Dieu de tous les âges : Boris. C'est le Dieu auquel nous croyons, <strong>et</strong> nous<br />

1 ttp://www.reggae-vibes.fr/historique-rasta-amp-jamaica-vt2064.html Christophe Colomb découvre l’île en 1494 <strong>et</strong> en1510, c’est le début de la<br />

colonisation espagnole.<br />

2 http://www.cosmovisions.com/JamaiqueTable.htm<br />

3 J BANDENIER, Précis d’Histoire des Missions : l’essor des Missions protestantes,V 2, Nogent/Saint Légier, IBN/Emmaüs, 2003, p.538.<br />

4 http://www.jbu.org.jm/<br />

5 http://www.jbu.org.jm/about_us.htm<br />

6 http://www.reformedreader.org/history/hicks/supplementarychapter.htm<br />

7 http://www.bautz.de/bbkl/l/liele_g.shtml<br />

8 Timothy Paul Erdel, I Wish I’d Been There: “Negro slavery’s proph<strong>et</strong> of deliverance” http://www.mcusa-archives.org/MHB/Erdel-<br />

NegroSlavery'sproph<strong>et</strong>.html<br />

9 http://www.reformedreader.org/history/hicks/supplementarychapter.htm<br />

10 LE MOUVEMENT RASTAFARI, Entr<strong>et</strong>ien avec Giulia Bonacci http://www.religioscope.com/articles/2002/016_rasta.htm<br />

11 http://forum.hardware.fr/hardwarefr/Discussions/citer-10565-1608356-140-29.htm<br />

12 http://lpdw.free.fr/jamaique/jah.htm#haut<br />

13 http://lpdw.free.fr/freedom/marcus.htm<br />

Anne Ruolt, Nos ancêtres... les baptistes; les premiers baptistes en Jamaïque: <strong>George</strong> <strong>Liele</strong> & <strong>William</strong> <strong>Knibb</strong>,<br />

polycopier groupe d’Institut Biblique n°3, Paris, Eglise du Tabernacle, dim 22 janvier 2006.


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l'adorerons à travers les lun<strong>et</strong>tes de l'Ethiopie ».<br />

Pour promouvoir le rapatriement des Noirs, il créa en 1916 une compagnie maritime la « Black Star Line ». Il suscita un mouvement<br />

de 250 000 personnes le jour ou il descendit les rues de Manhattan à bord d’une Limousine, avec pour slogan "Un But, Un Dieu, Un<br />

Destin" « "One Aim, One God, One Destiny" ».<br />

Il se fit remarquer par les autorités fédérales, qui le mirent en prison après la banqueroute de sa société, puis renvoyer en 1927 en exil<br />

en Jamaïque. Là son charisme fit mouche… mais comme il se sentait à l’étroit sur c<strong>et</strong>te île, en 1935 il s’embarqua pour l’Angl<strong>et</strong>erre<br />

ou il meurut en 1940.<br />

Le mouvement rastafari se fonde sur l’interprétation de ce qui semble plus le tenir de la légende que<br />

même d’une pseudo-prophétie apportée par Garvey 14 . On attribut à Garvey d’avoir scandé à la<br />

manière d’un nouveau Moïse : « Look to Africa, where a black king shall be crowned = Regardez<br />

vers l’Afrique, où un roi noir doit être couronné » d’après son interprétation de Ps 68.31. D’autres<br />

sources attribuent ce propos au Rev James Morris Webb, message dont la reneur aurait été édité dans<br />

le Daily Gleaner 15 . Da quand date c<strong>et</strong>te parole ? Les dates varient aussi, de 1916 à 1827.<br />

Lorsqu’en octobre 1928 le nouvel empereur d’Ethiopie Hailé Sélassié (qui meurt assassiné le 27 août<br />

1975) est proclamé négus (roi des rois) lion de Juda, défenseur de la foi chrétienne, force de la<br />

Trinité, élu de Dieu, les futurs Rastas virent en celui qui se disait descendant de Salomon <strong>et</strong> de la<br />

reine de Seba. l’accomplissement de la « prophétie ». Le Lion de Juda d’Ap 5.5 venait de s’élever, ce<br />

Messie noir allait apporter le salut à tous les Africains.<br />

Leonard Percival Howell<br />

1898-1981<br />

C’est par Leonard Percival Howell 16 que le<br />

mythe devint le mouvement syncrétiste qui se<br />

répand jusqu’à ce jour.<br />

En 1933, il a étét emprisonné pour avoir essayé de<br />

vendre pour 1 shilling 17 5 000 photos de Haile<br />

Selassie, qu’il présentait comme des passeports<br />

pour l’Ethiopie.<br />

Il a fini sa vie paranoïaque, sombrant dans<br />

l’anonymat comme Marcus Garvey, oublié des<br />

siens comme de ses ennemis.<br />

L’AT sert vraiment de fondement à des<br />

interprétations originales…<br />

Pour les rastas, le deuxième exode des Israélites à<br />

Babylone c’est l’annonce de leur exil d'Afrique,<br />

ils ont été les esclaves des Babyloniens modernes<br />

que furent les colons Anglais. Par extension, ils<br />

rej<strong>et</strong>tent tous les aspects de la société importée<br />

par les colons ; dénoncent le matérialisme,<br />

l'argent, le capitalisme, la police...<br />

14 http://www.religioscope.com/articles/2002/016_rasta.htm<br />

15 http://rastafusion.free.fr/marcus_rastafari.htm<br />

16 http://www.fluctuat.n<strong>et</strong>/musique/paris99/bacs/reggae/howell.htm<br />

17 http://rootsdub.free.fr/Rastafarisme.htm<br />

18 http://www.answers.com/topic/rastafari-movement<br />

19 http://lpdw.free.fr/jamaique/jah.htm<br />

Anne Ruolt, Nos ancêtres... les baptistes; les premiers baptistes en Jamaïque: <strong>George</strong> <strong>Liele</strong> & <strong>William</strong> <strong>Knibb</strong>,<br />

polycopier groupe d’Institut Biblique n°3, Paris, Eglise du Tabernacle, dim 22 janvier 2006.<br />

Hailé Sélassié. Ier<br />

Leonnard Percival Howel dans sa tenue de<br />

prédicateur<br />

Ils tirent de leur interprétation de l’AT 18 leur pratique du régime végétarien (Gn 1.29), le port<br />

des dread locks (ils ne se coupent pas les cheveux mais portent de longues nattes) , ainsi que le<br />

fait de ne pas s'approcher d'un mort, de ne pas boire d’alcool… (Nombres 6).<br />

S’ils fument du chanvre (la ganja), c’est que pour eux elle est "l'herbe de la sagesse". Une<br />

justification proposée sur le n<strong>et</strong> 19 m<strong>et</strong> en lumière l’ interprétation falsifiée que le mouvement<br />

fait de l’Ecriture : « La sacralisation de l’Herbe est un point important de l’idéologie rastafari.<br />

La Ganja n’est utilisée que dans la pratique religieuse. On en trouve une justification biblique<br />

dans Gn 3.18: "you shall eat the herb of the field" , mais aussi dans le Ps 104.14: "C’est toi qui<br />

fais pousser l’herbe pour le bétail, <strong>et</strong> les plantes que les hommes cultivent ". Ou encore le<br />

Ps 18.9 "Une fumée montait de ses narines […]" Apo 22.2 : "[…] Ses feuilles [de l’arbre de la<br />

vie] servent à la guérison des nations." »


4<br />

Tout aussi répréhensible est l’interprétation biblique de chrétiens qui ont soutenu la pratique de l’esclavage par leur lecture biblique…<br />

« Les préceptes rastafariens 20 communément r<strong>et</strong>enus dans les années 60 sont :<br />

1. Haïlé Sélassié est le Dieu Vivant<br />

2. Les Noirs sont la renaissance du vieil Israël, exilés par les blancs dans le gh<strong>et</strong>to jamaïcain<br />

3. Les Noirs sont supérieurs au Blancs<br />

4. Le salut réside en Ethiopie<br />

Pour les rastafariens le gouvernement jamaïcain, la police, les Eglises représentent Babylone. Les Noirs du nouveau monde sont des<br />

captifs vendus à Babylone <strong>et</strong> Sélassié est le rédempteur noir qui les ramènera en Afrique. »<br />

Si Lisle a pu inventer le terme « éthiopanisme » en 1784 21 associant à c<strong>et</strong>te expression l’image biblique valorisant la dignité du<br />

peuple noir, les choses ont pris une tout autre tournure dans le rastafarisme ! A la différence de Marcus Garvey, qui a fait de<br />

l’éthiopianisme l’arme de libération sociale <strong>et</strong> politique perm<strong>et</strong>tant aux Noirs de s’émanciper de la religion des Blancs, Lisle a<br />

collaboré avec les Blancs <strong>et</strong> demandé aux baptistes anglais de venir travailler en Jamaïque. La dignité de chaque homme s’enracine<br />

bibliquement dans son identité de personne « créée en image de Dieu ». Ce sont de toutes les nations que des hommes <strong>et</strong> des femmes<br />

sont appelées à venir adorer le seul vrai Dieu, que Jésus-Christ est venu révélé selon l’enseignement de l’AT <strong>et</strong> où déjà Dieu s’était<br />

fait connaître. L’Ecriture n’érige pas de murs de séparation entre les hommes, l’Eglise baptiste de Jamaïque <strong>et</strong> les Missions qu’elle a<br />

développées en sont les preuves vivantes.<br />

Selon Roswith Gerloff 22 , ce sont les besoins liés à la construction du temple à Kingston qui ont essentiellement motivé l’appel adressé<br />

à la Mission Baptiste, dont John Rowe 23 , a été le premier missionnaire. Il est arrivé sur l’île avec sa famille en 1814. Ils se sont<br />

installer à Falmouth où ils ont commencé une école, mais John Rowe en 1816 24 meurt subitement.<br />

2. <strong>William</strong> <strong>Knibb</strong> : de K<strong>et</strong>tering à Kingston de1803 à 1825<br />

1.1. Contexte familial<br />

<strong>William</strong> 25 est le 3 e fils de Thomas <strong>et</strong> Mary <strong>Knibb</strong>, qui ont eu huit enfants. <strong>William</strong> avait<br />

une sœur jumelle, Ann, née comme lui le 7 septembre 1803. Thomas était tailleur, un<br />

homme porté sur la boisson <strong>et</strong> peu sensible aux choses spirituelles. Mary en revanche était<br />

pieuse <strong>et</strong> beaucoup plus cultivée que son mari ; elle était professeur.<br />

À 12 ans, <strong>William</strong> a quitté l’école <strong>et</strong> a rejoint son frère Thomas qui travaillait dans<br />

l’entreprise d’un certain M. G. Fuller (Fils d’Andrew) imprimeur à K<strong>et</strong>tering dans le<br />

Northamtonshire, en Grande-Br<strong>et</strong>agne.<br />

En 1816, leur père meurt. Les deux frères décidèrent alors de suivre M. Fuller à Bristol.<br />

Ils fréquente l’assemblée dissidente. C’est là de pasteur John Ryland, de l’Eglise baptiste<br />

de Broadmead les baptise. Dès lors ils suivirent à l’école du dimanche de Toller.<br />

1.2. Influence de la SMB<br />

Ces noms <strong>et</strong> lieux nous rappellent sans doute des choses…<br />

K<strong>et</strong>tering… c’est là, dans la maison de la veuve Wallis que le 2 octobre 1792 est créée la première société missionnaire baptiste.<br />

20 http://rootsdub.free.fr/Rastafarisme.htm<br />

21 http://www.fordayute.com/article.php3?id_article=289<br />

22 http://www.bautz.de/bbkl/l/liele_g.shtml<br />

23 http://www.jbu.org.jm/origins.htm<br />

24 http://www.jamaica-gleaner.com/gleaner/20030408/mind/mind4.html<br />

25 http://reformedreader.org/knibb.htm<br />

Anne Ruolt, Nos ancêtres... les baptistes; les premiers baptistes en Jamaïque: <strong>George</strong> <strong>Liele</strong> & <strong>William</strong> <strong>Knibb</strong>,<br />

polycopier groupe d’Institut Biblique n°3, Paris, Eglise du Tabernacle, dim 22 janvier 2006.


5<br />

Andrew Fuller fut en Angl<strong>et</strong>erre la personne-clé du comité de la jeune<br />

société missionnaire.<br />

John Ryland : c’est lui qui, le 5 octobre 1785, a baptisé <strong>William</strong> Carey au<br />

gué d’une rivière.<br />

C’est encore lui, le doyen de la pastorale, qui, en calviniste<br />

particulièrement strict, a rabroué Carey en des termes rendus célèbres :<br />

«Jeune homme, asseyez-vous. Quand il plaira à Dieu de convertir les<br />

païens, il le fera sans votre aide <strong>et</strong> sans la mienne. Il faudrait d’abord qu’il<br />

se produise un nouveau don des langues, comme à la Pentecôte ». John<br />

Ryland est devenu le directeur de l’école missionnaire baptiste préparant<br />

les candidats de la Société Missionnaire Baptiste.<br />

1.3. Les étapes du départ en Jamaïque<br />

Les deux frères <strong>Knibb</strong>, ont été aux premières loges pour suivre les débuts de la Mission. C’est là que Thomas a entendu parler de la<br />

Jamaïque. La Mission exigeait alors, entre autres choses, de leurs candidats qu’ils se marient avant de partir, d’une part pour leur<br />

éviter certaines tentations, d’autre part pour éviter des accusations non-fondées par les autochtones.<br />

En 1822, Thomas fut accepté par la SMB <strong>et</strong> partit pour commencer un ministère d’instituteur à l’école de Kingston. 14 mois plus tard,<br />

il fut terrassé par une forte fièvre tropicale. Il muurut fin avril 1824.<br />

Église Baptiste ou en 1838 <strong>Knibb</strong> fut pasteur à Falmouth, (Trelawney) au moment de l’abolition de l’esclavage<br />

<strong>William</strong>, qui avait été considéré comme moins capable que son frère, se proposa immédiatement pour remplacer son frère en<br />

Jamaïque, <strong>et</strong> ce en dépit de l’annonce de la mort d’un de ses proches amis Samuel Nichols venu aider James Coulthart lui-même<br />

malade. Après une courte formation complémentaire, juste âgé de 20 ans, <strong>William</strong> épousa Mary Watkins qui fréquentait l’Eglise de<br />

Bristol. L’année suivante, en 1825, il avait juste 21 ans, lorsqu’ils arrivèrent tous les deux en Jamaïque.<br />

3. Le rôle de <strong>William</strong> <strong>Knibb</strong> dans l’abolition de l’esclavage en Jamaïque<br />

3.1. Missionnaire au milieu d’un conflit social <strong>et</strong> politique<br />

De 1825 à 1838, <strong>William</strong> connut des temps bien mouvementés dus aux tensions entre les maîtres <strong>et</strong> les esclaves : les premiers voulant<br />

garder leur autorité dominatrice, les autres revendiquant leur droit à vivre en personnes libres, bénéficiant d’un salaire pour leur<br />

travail, <strong>et</strong>c.<br />

Les communautés baptistes, essentiellement constituées d’esclaves, ont vu l’opposition des<br />

maîtres grandir contre eux. David Boydel rapporte que beaucoup « s’opposaient à l’œuvre des<br />

missionnaires souvent d’une façon très violente, brûlant leurs temples <strong>et</strong> menaçant de tuer les<br />

missionnaires <strong>et</strong> leurs convertis. » Perdant patience, beaucoup demandèrent une abolition<br />

immédiate de l’esclavage, ce qui était bien maladroit : d’un côté aucune structure n’existait pour<br />

intégrer les esclaves dans la vie libre mais aussi responsable ; d’un autre, les maîtres devaient<br />

économiquement trouver à payer de la main d’œuvre…<br />

En décembre 1831, <strong>Knibb</strong> mit tout en oeuvre pour éviter une réaction violente de la part des<br />

esclaves, mais ce fut en vain, <strong>et</strong> comme il l’avait craint, la révolte, appelée par certains “ la guerre<br />

baptiste ”, fut sauvagement réprimée. <strong>Knibb</strong> <strong>et</strong> quatre de ses collègues furent arrêtés <strong>et</strong> une<br />

vingtaine de temples furent brûlés par une foule hostile aux revendications des esclaves. »<br />

La « Christmas rebellion » parce que commencée en décembre 1828 <strong>et</strong> dura huit jours. Elle est<br />

aussi appelée « Guerre Baptiste », parce qu’elle avait à sa tête un prédicateur baptiste : Samuel<br />

Sharpe (1801-1832). Sharpe, bien qu’esclave était un homme instruit qui a su se tenir au courant<br />

de ce qui concernait les mouvements abolitionnistes dans le monde entier, par les textes produits<br />

alors.<br />

Anne Ruolt, Nos ancêtres... les baptistes; les premiers baptistes en Jamaïque: <strong>George</strong> <strong>Liele</strong> & <strong>William</strong> <strong>Knibb</strong>,<br />

polycopier groupe d’Institut Biblique n°3, Paris, Eglise du Tabernacle, dim 22 janvier 2006.<br />

Samuel Sharp (1801-1832)<br />

http://www.jnht.com/jamaica/sharpe.html


26 http://fr.voyage.yahoo.com/p-guide_voyage-594848-jamaica_history-i<br />

27 http://www.lueur.org/baptisme/pers_william_knibb.php<br />

28 http://www.jamaica-gleaner.com/pages/history/story006.html<br />

Anne Ruolt, Nos ancêtres... les baptistes; les premiers baptistes en Jamaïque: <strong>George</strong> <strong>Liele</strong> & <strong>William</strong> <strong>Knibb</strong>,<br />

polycopier groupe d’Institut Biblique n°3, Paris, Eglise du Tabernacle, dim 22 janvier 2006.<br />

6<br />

En 1831 – « La "Christmas rebellion", qui fait suite à plus d'un siècle de terreur, d'insurrections <strong>et</strong> de répressions sanglantes, est la<br />

plus grande révolte qu'ait connue la Jamaïque : 200 000 esclaves rasent les plantations <strong>et</strong> tuent les planteurs. Ils finissent par déposer<br />

les armes après une (fausse) promesse d'émancipation : 400 d'entre eux seront pendus, des centaines d'autres fou<strong>et</strong>tés. » 26<br />

3.2. De l’action de <strong>Knibb</strong> en Grande-Br<strong>et</strong>agne à l’affranchissement<br />

David Boydell 27 rapporte : « <strong>Knibb</strong> revint en Angl<strong>et</strong>erre en 1832 pour exiger l’abolition de l’esclavage, <strong>et</strong> malgré le conseil de ceux<br />

qui lui demandaient de ne pas “ faire de la politique ”, il refusa de se taire, au risque de se trouver sans soutien financier, disant qu’il<br />

ne pouvait pas taire “ le cri de 20.000 frères, dont la grande majorité seraient battus si leurs maîtres les trouvaient en train de prier ”.<br />

Ses discours passionnés dans toutes les régions du pays ont rallié les Eglises baptistes <strong>et</strong> autres à la cause abolitionniste, <strong>et</strong> l’abolition<br />

de l’esclavage suivit l’année d’après. »<br />

C’est le 1 er août 1834, alors qu’il était en Grande-Br<strong>et</strong>agne, que la tromp<strong>et</strong>te de l’émancipation sonna.<br />

Mais la situation des esclaves affranchis était toujours difficile, <strong>et</strong> ils durent faire face à bon nombre d’injustices pendant la période de<br />

transition. Ils étaient libres, mais leurs anciens maîtres exigeaient des loyers exorbitants pour les maisons qu’ils avaient occupées<br />

gratuitement auparavant. <strong>Knibb</strong> <strong>et</strong> d’autres missionnaires fondirent des “ villages libres ” pour aider leurs amis affranchis, <strong>et</strong> grâce<br />

aux actions des baptistes <strong>et</strong> des quakers en particulier, le gouvernement mit fin à la période de transition le 31 juill<strong>et</strong> 1838.<br />

L’émancipation était alors associée à une période d’apprentissage pour six ans 28 … c<strong>et</strong>te durée fut réduite finalement de deux ans,<br />

l’abolition célébrée le 1 er août 1838.<br />

Ce ne sont pas moins de 62 000 personnes qui ont alors changé de statut, soit six habitants sur dix.<br />

Le 31 juill<strong>et</strong> 1838, le grand jour venu, le mot “ Liberté ” se lisait à la façade du temple de Falmouth où <strong>Knibb</strong> organisa un culte<br />

symbolique à minuit, au cours duquel les instruments de l’esclavage (fou<strong>et</strong>s, chaînes, fers …) furent ensevelis dans un cercueil<br />

pendant que <strong>Knibb</strong> déclarait : “ L’esclavage, ce monstre, est mort : l’homme noir est libre ! ”<br />

Lors de la célébration publique, un cortège partit de l'Eglise baptiste avec à sa tête le Rev. J. M. Phillips, avec environ 2 000 écoliers<br />

<strong>et</strong> leurs professeurs se rendant à la Chambre de gouvernement où Monsieur Lionel Smith lut la proclamation de la liberté à une<br />

grande foule d'environ 8 000 personnes. Le chariot du gouverneur est vu dans le premier plan. -<br />

3.3. Apprendre à vivre dans une société nouvelle avec les mêmes hommes<br />

La fin de l’esclavage n’a pas transformé les relations entre les hommes : ce n’est pas le Paradis terrestre… Dans bien des cas, les<br />

anciens esclaves ne pouvaient plus rester travailler <strong>et</strong> habiter sur leurs anciens domaines où il savaient été employés.<br />

Des terrains ont dû être ach<strong>et</strong>é pour créer de nouveaux villages qui pourraient accueillir<br />

les salariés à la rue… Le premier de ces villages a été fondé en 1835 par le pasteur<br />

baptiste James Mucell Phillippo, <strong>et</strong> a eu pour nom Sligoville : ce fut le premier village<br />

libre de Jamaïque.<br />

Les écoles ont dû être développées <strong>et</strong> l’université de Calabar a été créée.<br />

En 1840, <strong>Knibb</strong> a été délégué par ses collègues pour visiter l'Angl<strong>et</strong>erre afin de lever<br />

certaines incompréhensions <strong>et</strong> j<strong>et</strong>er la lumière sur de faux rapports parvenus au siège de<br />

la Mission : certains aliments coûteux en Angl<strong>et</strong>erre étaient très bon marché en<br />

Jamaïque, il n’y avait pas lieu d’accuser les missionnaires de vivre dans le luxe parce<br />

qu’ils mangeaient des produits considérés « exotiques » en Angl<strong>et</strong>erre !<br />

Eglise baptiste de Sligoville


<strong>William</strong> <strong>Knibb</strong> 29 a largement contribué à la libération de 300 000 esclaves<br />

A facilité l’accès à la propriété privée de près de 19 000 anciens esclaves<br />

Il a été associé à la fondation de 35 Eglises<br />

De 24 missions, de 16 écoles <strong>et</strong> a baptisé lui-même 6 000 convertis<br />

143 ans après sa mort, le 22 septembre 1988, <strong>William</strong> <strong>Knibb</strong> a été fait membre de l'ordre du Mérite de la Jamaïque<br />

29 <strong>William</strong> <strong>Knibb</strong> - Missionary & Emancipator, http://www.k<strong>et</strong>tering.gov.uk/site/scripts/download_info.php?fileID=1297<br />

Anne Ruolt, Nos ancêtres... les baptistes; les premiers baptistes en Jamaïque: <strong>George</strong> <strong>Liele</strong> & <strong>William</strong> <strong>Knibb</strong>,<br />

polycopier groupe d’Institut Biblique n°3, Paris, Eglise du Tabernacle, dim 22 janvier 2006.<br />

7


Quelques dates marquantes 30<br />

- 1772 : premières mesures d’affranchissement des esclaves en Grande-Br<strong>et</strong>agne (GB)<br />

- 1787 <strong>et</strong> 1788 : fondation des premières sociétés anti-esclavagistes en Grande-Br<strong>et</strong>agne <strong>et</strong> en France (Amis des Noirs)<br />

- 1794 : abolition de l’esclavage par la Convention<br />

- 1802 : rétablissement de l’esclavage par Bonaparte<br />

- 1807 : interdiction de la traite en GB<br />

- 1822 : fondation de la Société de la morale chrétienne (antiesclavagiste) en France<br />

- 1833 : abolition de l’esclavage en GB<br />

- 1834 : création de la Société Française pour l’Abolition de l’Esclavage<br />

- 1848 : abolition de l’esclavage en France<br />

- 1856 : abolition de l’esclavage au Portugal<br />

- 1865 : abolition de l’esclavage aux Pays-Bas <strong>et</strong> aux USA<br />

- 1885 : condamnation de l’esclavage par la Conférence Africaine de Berlin<br />

- 1919 : condamnation renouvelée par la Convention de Saint-Germain<br />

- 1926 : condamnation renouvelée par la Société des Nations<br />

- 1948 : l’esclavage est condamné par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (art.4)<br />

- 1957 : condamnation du travail forcé par l’Organisation Internationale du Travail<br />

La France n'a aboli définitivement l'esclavage que le 27 avril 1848, longtemps après le Royaume-Uni.<br />

L'expansion de l'abolitionnisme 31<br />

En Europe, un courant anti-esclavagiste<br />

(« l'abolitionnisme ») a précédé c<strong>et</strong>te prise<br />

de conscience. En 1794 la Convention<br />

avait aboli l'esclavage mais Napoléon<br />

l'avait rétabli en 1802. En 1807,<br />

l'Angl<strong>et</strong>erre avait interdit la traite <strong>et</strong> voté<br />

au Parlement l'abolition de l'esclavage en<br />

1833.<br />

La France interdit définitivement<br />

l'esclavage dans ses colonies en 1848 <strong>et</strong><br />

l'inscrit dans sa Constitution. Les<br />

arguments religieux ne sont pas absents du<br />

mouvement abolitionniste européen.<br />

30 http://www.protestants.org/textes/esclavage/zorn.htm<br />

31 J.F. Zorn, http://www.museeprotestant.org/Pages/Notices.php?noticeid=408&scatid=13&lev=2&cim=405<br />

Anne Ruolt, Nos ancêtres... les baptistes; les premiers baptistes en Jamaïque: <strong>George</strong> <strong>Liele</strong> & <strong>William</strong> <strong>Knibb</strong>,<br />

polycopier groupe d’Institut Biblique n°3, Paris, Eglise du Tabernacle, dim 22 janvier 2006.<br />

8<br />

En Angl<strong>et</strong>erre, les abolitionnistes (le<br />

quaker Thomas Clarkson <strong>et</strong> le<br />

parlementaire méthodiste <strong>William</strong><br />

Wilberforce) se réclament de l'Évangile.<br />

Thomas Clarkson (1760-1846)<br />

<strong>William</strong> Wilberforce (1759-1833)<br />

Mais en France, c'est officiellement au nom des droits de l'Homme que la Société des « Amis des Noirs », mène le combat.<br />

Cependant des abolitionnistes français comme l'abbé Grégoire (ecclésiastique constitutionnel) <strong>et</strong> le pasteur Benjamin Sigismond<br />

Frossard fondent aussi leur combat sur la religion chrétienne.<br />

Un autre pasteur, Guillaume de Félice, professeur à la Faculté de théologie de Montauban, sera, en 1846-1847, l'un des principaux<br />

animateurs du mouvement de pétition dans les Églises en faveur de l'abolition. C'est ce genre d'action qui a conduit au décr<strong>et</strong> français<br />

d'interdiction de l'esclavage de 1848.<br />

Guillaume de Felice (Professeur à la faculté de théologie protestante de Montauban)<br />

Émancipation immédiate <strong>et</strong> complète des esclaves, 1846<br />

Le meilleur apprentissage de la liberté, c'est la liberté elle-même. On ne s'y prépare, on ne s'en rend digne qu'en l'exerçant. Nous ne<br />

donnerons rien à l'esclave qui puisse réellement le moraliser, quelles que soient nos mesures de protection <strong>et</strong> d'adoucissement, aussi<br />

longtemps qu'il restera esclave. C'est la possession de l'homme par l'homme qu'il faut abolir entièrement en la déclarant, comme la<br />

traite, odieuse <strong>et</strong> infâme. Tout ce que vous donnerez de moins sera nul dans l'application.<br />

Nous sommes de votre propre aveu en présence d'un crime, <strong>et</strong> vous transigez avec lui ? De quel droit ? Par quel principe ? L'esclavage<br />

est un crime, un crime dans sa source, dans ses conditions fondamentales, dans ses inévitables conséquences ; un crime, non en figure<br />

de langage ou par hyperbole, mais réel, positif, compl<strong>et</strong>, <strong>et</strong>, en tant que le peuple français y concourt par son acquiescement, c'est un<br />

crime national. Le travail moralise, dit on. Examinons nous. Il y a deux cents ans que les Noirs travaillent dans nos colonies ; en sont<br />

ils plus moraux ? Non, <strong>et</strong> c'est vous qui l'affirmez, puisque vous les déclarez incapables d'être libres. Le travail forcé, le travail sans<br />

salaire, le travail à coups de fou<strong>et</strong> ne moralise pas : il avilit <strong>et</strong> abrutit.


L'abolition : un danger pour la "race" <strong>et</strong> la civilisation "blanche"<br />

Conseil spécial de la Martinique, le 2 novembre 1841<br />

9<br />

De quoi s'agit-il en eff<strong>et</strong> ? De l'abolition de l'esclavage, d'un acte sans exemple jusqu'à nos jours dans l'histoire des nations chez<br />

lesquelles, pourtant, l'esclavage a cessé sans inconvénient <strong>et</strong> sans laisser après lui la moindre trace. Mais ici la question est plus grave<br />

encore ; car il s'agit uniquement de la race noire, qu'on veut appeler, avec le temps, au même état que la race blanche en la faisant<br />

participer à la jouissance des droits civils <strong>et</strong> des droits politiques, en lui donnant accès dans les emplois publics <strong>et</strong> place sous les<br />

drapeaux de l'armée, en la fusionnant pour ainsi dire avec la race blanche, <strong>et</strong> en s'exposant ainsi à verser dans le sang européen des<br />

altérations que les siècles pourront seuls effacer.<br />

D'autres dangers encore menacent la société européenne. Fixons un moment l'attention sur ces fléaux qui affectent plus<br />

particulièrement la race noire <strong>et</strong> ses diverses dégradations, la lèpre <strong>et</strong> le pian, ces manifestations terribles de la colère céleste. Peut-on<br />

oublier de nos jours les séquestrations sévères, les proscriptions des XV e <strong>et</strong> XVI e siècles à l'égard de semblables fléaux <strong>et</strong> leur ouvrir<br />

les portes de nos cités par un rapprochement intempestif <strong>et</strong> prématuré ?<br />

Enfin, <strong>et</strong> pour n'envisager la question qu'au point de vue le plus simple <strong>et</strong> le plus direct, 260 000 esclaves pénétreront-ils tout à coup<br />

dans la vie civile sans conditions <strong>et</strong> sans épreuves, avec le titre de citoyens français, quand la loi prend soin de soum<strong>et</strong>tre à des<br />

conditions si sévères la concession de ce même titre à l'égard des étrangers ? La loi nouvelle serait donc plus libérale <strong>et</strong> plus facile à<br />

l'égard de la race africaine que ne l'est la loi commune à l'égard de l'Europe civilisée.<br />

Annonces de vente d'esclaves<br />

. http://lewebmarron.free.fr/annonce_vente.html<br />

Avis<br />

Le commissaire-priseur vendra, pour cause de départ, le jeudi 23 avril courant, à midi, des meubles meublants, deux billards, de<br />

l'argenterie, divers autres obj<strong>et</strong>s, ainsi que l'esclave Theonie, avec ses deux enfants Joseph <strong>et</strong> <strong>George</strong>.<br />

Courrier de la Martinique, 15 avril 1846<br />

Vente par autorité de justice<br />

Au nom du roi, la loi <strong>et</strong> justice ont fait savoir que le dimanche 15 du courant, à l'heure de midi, sur la place du marché du mouillage, il<br />

sera procédé à la vente de l'esclave Marie-Sainte, dite Négresse, Négresse âgée de quatorze ans.<br />

Saisie exécutée à la requête de M. le trésorier de la colonie.<br />

Courrier de la Martinique, 2 septembre 1846.<br />

Avis<br />

Le samedi 12 du courant, à midi, le commissaire-priseur vendra, en son magasin, divers meubles meublants, tels que : tables, console,<br />

pliants, guéridons, sofas, pendules, chaises, glaces, lits, une boite d'argenterie, bijoux, porcelaine, <strong>et</strong>c., <strong>et</strong> les esclaves Guillaume,<br />

mulâtre, âgé de soixante ans ; Célanie, mulâtresse âgée de vingt quatre ans, avec son enfant, Aurelia, âgée de quatre ans. Le tout<br />

provenant de la faillite du sieur Occuly Fouché. &<br />

Journal officiel de la Martinique, 6 septembre 1846.<br />

Vente après décès<br />

Par autorisation de M. le juge royal du tribunal de première instance de Saint-Pierre, le commissaire-priseur vendra le samedi 17 du<br />

courant, à midi, en son magasin, des meubles, eff<strong>et</strong>s, linge, l'esclave Christine, négresse, âgée de trente huit ans, <strong>et</strong> un cheval sous poil<br />

noir, âgé d'environ huit ans, le tout provenant de la succession bénéficiaire du feu sieur Paul-Jacques Lalanne.<br />

Journal officiel de la Martinique, 6 septembre 1846.<br />

Vente judiciaire<br />

Dimanche 25 janvier courant, à onze heures, sur la place publique du bourg de Port-Louis, il sera procédé à la vente, au comptant, au<br />

plus offrant <strong>et</strong> dernier enchérisseur, de :<br />

1 Une négresse nommée Clara, âgée de vingt quatre ans ;<br />

2 Un cheval, sous poil roux foncé, âgé de dix ans ;<br />

3 Divers meubles <strong>et</strong> eff<strong>et</strong>s mobiliers.<br />

Provenant de saisie-exécution.<br />

L'Avenir de la Pointe-à-Pitre, 17 janvier 1846.<br />

Anne Ruolt, Nos ancêtres... les baptistes; les premiers baptistes en Jamaïque: <strong>George</strong> <strong>Liele</strong> & <strong>William</strong> <strong>Knibb</strong>,<br />

polycopier groupe d’Institut Biblique n°3, Paris, Eglise du Tabernacle, dim 22 janvier 2006.


LE MARCHE<br />

10<br />

Ils ont fouillé dans tous les trous de mon corps, jusque dans le fondement !<br />

M'ont récurée bien propre.<br />

Faut faire envie <strong>et</strong> pas pitié. Et redressez vous ! Faut que les chalands voient avec leurs deux yeux que vous êtes des nègres vaillants<br />

<strong>et</strong> bien portants.<br />

Faut avoir l'air saint <strong>et</strong> gai ! Et faites pas vos mauvaises mines !<br />

Approchez ! Eh ! C'est de la qualité ! On n'en fait plus des comme ça de nos jours !<br />

Vous en aurez de l'usage, c'est moi qui vous le dis ! C<strong>et</strong>te négresse là, oh ! elle peut faire jusqu'à quinze négrillons ! Pour ce prix c'est<br />

donné !<br />

Belle pièce, hein ! Et des dents saines. Tâtez moi c<strong>et</strong>te chair ferme <strong>et</strong> ces jarr<strong>et</strong>s !<br />

Ouvrez la gueule, comptez les dents ! Pas un chicot, j'vous dis !<br />

Les gens me tournaient alentour <strong>et</strong> le maquignon faisait l'article.<br />

Ils ouvraient ma bouche, écartaient mes lèvres <strong>et</strong> comptaient mes dents.<br />

Ils pinçaient ma chair.<br />

Ils prenaient mes seins dans leurs mains <strong>et</strong> les soupesaient.<br />

Ils me sentaient comme pour voir si j'étais pas rien qu'une viande avariée.<br />

Ils se baissaient pour voir jusque dans mon fondement. Ils me tournaient autour.<br />

Allez-y, vous pouvez toucher ! Approchez ! Approchez ! Vous verrez pas des pièces de c<strong>et</strong>te qualité sur le marché de Basse-Terre !<br />

Ils me regardaient.<br />

Ils me tournaient autour.<br />

Et dans leurs yeux, je n'étais qu'une bête sans âme ni sentiment. Dans leurs yeux, ils me voyaient servir leurs cannes. Ils me voyaient<br />

sans me voir, m'imaginaient déjà en d'autres lieux à la tâche dans leurs champs de cannes.<br />

Ils jaugeaient mes bras <strong>et</strong> mes jambes.<br />

Ils mesuraient mes hanches <strong>et</strong> comptaient leurs sous en même temps que les négrillons qui sortiraient de mon ventre.<br />

Et vous aurez peu de frais, jurait le maquignon. Ceux-là mangent pas gras, ils se contentent de ce qu'on leur donne, un rien du tout. Et<br />

doux ! Pas rebelles je suis réputé pour ça ! Je sais reconnaître les rebelles, ceux qui causent des ennuis, je les sens à des lieues...<br />

Et redressez vous, bande de nègres ! On vous a pas tirés de si loin pour que vous soyez invendus. Faut faire envie <strong>et</strong> pas pitié ! Sinon<br />

pas un de ces messieurs voudra vous ach<strong>et</strong>er <strong>et</strong> vous resterez sans maître ! C'est ça que vous voulez ? Rester sans un bon maître qui<br />

prendra soin de vous !<br />

Allez, redressez vous !<br />

Plus vite vous serez vendus, plus vite vous serez tranquilles !<br />

On va revenir ! On fait le tour du marché !<br />

Eh ! ne vous laissez pas abuser par les autres maquignons. Moi, je fais que de la qualité ! Quinze négrillons qui sortiront de c<strong>et</strong>te<br />

négresse qui vous fait envie ! Quinze ! pas un de moins !<br />

J'ai été vendue à un M. de C. qui avait une grande plantation <strong>et</strong> une sucrerie réputée dans le nord du pays.<br />

Après deux ans, il m'a revendue à un M. de G. qui m'a placée à l'atelier. Quand il est mort, ses héritiers m'ont revendue avec mes<br />

enfants à un M. de J. qui m'a remise à couper <strong>et</strong> amarrer des cannes.<br />

J'ai porté huit enfants. Trois sont morts avant l'âge d'un an. Les autres ont été vendus je sais plus de quel côté.<br />

Clarisse Extrait de "Femmes des Antilles, traces <strong>et</strong> voix"<br />

de Gisèle Pineau <strong>et</strong> Marie Abraham<br />

Anne Ruolt, Nos ancêtres... les baptistes; les premiers baptistes en Jamaïque: <strong>George</strong> <strong>Liele</strong> & <strong>William</strong> <strong>Knibb</strong>,<br />

polycopier groupe d’Institut Biblique n°3, Paris, Eglise du Tabernacle, dim 22 janvier 2006.


P<strong>et</strong>ite bibliographie trilingue<br />

<strong>George</strong> <strong>Liele</strong><br />

Gayle, Clement, <strong>George</strong> <strong>Liele</strong>: Pioneer Missionary to Jamaica. With a Foreword by R. A. Anglin. Kingston, Jamaica: Jamaica<br />

Baptist Union, 1982 (Anglais).<br />

Neely, Alan, “<strong>Liele</strong>, <strong>George</strong>.” In Biographical Dictionary of Christian Missions, Edited by Gerald H. Anderson. New York:<br />

Macmillan Reference USA, 1998 (Anglais).<br />

Roswith Gerloff, Biographish-Bibliographisches Kirchenlexikon, LIELE (oder Lisle), <strong>George</strong>, 25/06/98,<br />

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Edgar Garfield THOMAS, The 1st African Baptist Church, SAVANNAH, GEORGIA,<br />

http://ftp.rootsweb.com/pub/usgenweb/ga/chatham/history/other/gms373the1staf.txt (Anglais)<br />

Billy Hall, <strong>George</strong> <strong>Liele</strong>: Should be a National Hero, 8 avril 2003, http://www.jamaicagleaner.com/gleaner/20030408/mind/mind4.html<br />

(Anglais)<br />

Timothy Paul Erdel, I Wish I’d Been There: “Negro slavery’s proph<strong>et</strong> of deliverance” http://www.mcusa-archives.org/MHB/Erdel-<br />

NegroSlavery'sproph<strong>et</strong>.html<br />

<strong>William</strong> <strong>Knibb</strong><br />

G A CATHERALL, <strong>William</strong> <strong>Knibb</strong>: <strong>Free</strong>dom Fighter, Janay pub. Co, 1972, 142p. (Anglais)<br />

Philip Wright, <strong>Knibb</strong> the Notorious: Slave's Missionary, 1803-45, Sidg. & J, 1973, 272p. (Anglais)<br />

David Boydell, Les personnages Historiques : <strong>William</strong> Knipp 1803-1845, <strong>William</strong> Knipp <strong>et</strong> l’abolition de l’esclavage,<br />

http://www.lueur.org/baptisme/pers_william_knibb.php (Anglais)<br />

James Culross, Founders and Pioneers of Modern Missions, « WILLIAM KNIBB (1803 - 1845) », 1899,<br />

http://www.reformedreader.org/knibb.htm (Anglais)<br />

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Rastafarisme<br />

Volker Barsch, Rastafari, Ventil Verlag, 2003 (Allemand)<br />

Barry Chevannes, Rastafari: Roots and Ideology, Syracuse University Press, 1994, 298p. (Anglais)<br />

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J.B.Seille <strong>et</strong> Rootsdub, Rastafarisme : Les Marrons Marcus Garvey, http://rootsdub.free.fr/Rastafarisme.htm (Anglais)<br />

Rastafari mouvement, Wikipedia, http://www.answers.com/topic/rastafari-movement (Anglais)<br />

Site Officiel de Rastafusion, « Marcus Mosiah Garvey », http://rastafusion.free.fr/marcus_rastafari.htm (Anglais)<br />

11<br />

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