Annexes THESE - Bibliothèques de l'Université de Lorraine
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donner une idée très exacte du récit <strong>de</strong> Pinsard qui constitue la trame principale du film La<br />
Gran<strong>de</strong> Illusion.<br />
J’écris également à M. Aget, évadé <strong>de</strong> guerre, qui est à Paris et qui nous a donné d’autres<br />
renseignements en même temps qu’il nous a mis en rapport avec La Ligue <strong>de</strong>s Evadés. Je ne<br />
sais encore s’il pourra venir témoigner.<br />
Croyez, Cher Maître, à mes sentiments distingués.<br />
Jean Renoir.<br />
A Monsieur Edouard Aget 10 juillet 1937<br />
Paris IX<br />
Cher Monsieur Aget,<br />
Avez-vous reçu ma lettre vous conseillant <strong>de</strong> vous mettre en rapport directement avec M.<br />
Rolmer père ? Croyez-moi, si ce n’est déjà fait, vous <strong>de</strong>vriez lui parler <strong>de</strong> votre séance. [...]<br />
Ce n’est pas seulement pour ça que je vous écris, mais aussi parce que nous allons avoir un<br />
arbitrage <strong>de</strong> notre différend avec MM. Albin Michel et Desvallières.<br />
Je crois que vous êtes au courant ? Spaak m’a dit que Gabin vous en avait parlé. La chose est<br />
très simple : Ces messieurs pensent que nous avons puisé les détails <strong>de</strong> notre film dans le<br />
livre Kavalier Scharnhorst. Nous voulons prouver notre bonne foi en affirmant que nous avons<br />
puisé nos renseignements non pas dans un livre, mais à <strong>de</strong>s sources absolument directes. J’ai<br />
déjà avec moi le meilleur témoin <strong>de</strong> l’histoire qui est le colonel Pinsard lui-même, dont j’ai à<br />
peu près suivi l’histoire dans La Gran<strong>de</strong> Illusion.<br />
Ne pourriez-vous nous faire l’amitié <strong>de</strong> venir dire que nous avons été en rapport avec vous et<br />
ensuite, par votre intermédiaire, avec plusieurs membres <strong>de</strong> la Ligue <strong>de</strong>s Evadés et que vousmême<br />
et ces messieurs avez eu, avec nous, <strong>de</strong>s conversations sur la vie <strong>de</strong>s prisonniers alliés<br />
en Allemagne pendant la guerre ? Cela ajouterait au témoignage <strong>de</strong> Pinsard.<br />
Le plus étonné <strong>de</strong> cette ridicule affaire, c’est Pinsard car tous ces officiers qui voient le film,<br />
lui disent constamment : « Mon colonel, on vient <strong>de</strong> vous voir sur l’écran .»<br />
Je comprends le sentiment <strong>de</strong> Desvallières qui croit que la sortie <strong>de</strong> La Gran<strong>de</strong> Illusion va lui<br />
empêcher <strong>de</strong> vendre les droits du livre Kavalier Scharnhorst pour le cinéma. Mais il a tort car il y<br />
a dans son livre très riche, <strong>de</strong> quoi faire une bonne <strong>de</strong>mi-douzaine <strong>de</strong> films très différents <strong>de</strong> La<br />
Gran<strong>de</strong> Illusion.<br />
Il a tort également car son action peut faire supposer que ce qu’il a raconté est inventé. Nous<br />
nous trouvons tout simplement entre plusieurs auteurs, les uns d’un film, les autres <strong>de</strong> livres,<br />
qui avons basé notre travail sur le récit <strong>de</strong> faits authentiques et qui, parce qu’ils sont<br />
authentiques appartiennent au domaine public. La vie <strong>de</strong>s prisonniers <strong>de</strong> guerre n’appartient<br />
pas plus à Desvallières qu’à d’Harcourt, qu’à Bastaing ou qu’à bien d’autres qui ont raconté<br />
leurs propres aventures ou celles <strong>de</strong> leurs camara<strong>de</strong>s. Elle appartient à l’Histoire.<br />
Je m’excuse, cher monsieur Aget, <strong>de</strong> ces longues digressions. C’est pour vous dire que Spaak<br />
et moi serions fort heureux si vous pouviez quitter un instant vos affaires, ce qui ne doit pas<br />
être facile, et dire aux arbitres <strong>de</strong> ce différend ce que vous savez <strong>de</strong> tout cela.<br />
Cet arbitrage aura lieu mardi 13 juillet à 9h30 du matin, à la société <strong>de</strong>s auteurs, 9 rue Ballu,<br />
Paris IXe. Si vous ne pouviez pas venir, ne pourriez-vous pas m’envoyer une lettre qui vous<br />
remplacerait ? Cela ne vaudrait pas votre présence mais vous êtes tellement occupé que cela<br />
vous sera peut-être trop difficile <strong>de</strong> vous déranger.<br />
En vous remerciant à l’avance, je vous prie <strong>de</strong> croire, cher Monsieur Aget, à mes sentiments<br />
les meilleurs.<br />
Jean Renoir.<br />
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